Longueur d'Ondes N°95

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entrevues

« La notion d’art vivant est vraiment prépondérante pour nous. »

Potochkine mythes et sortilèges Après avoir vu le set de Potochkine au festival MaMa en 2018, Longueur d’Ondes écrivait : « Un flamboyant duo synthépunk, inspiré de la cold mais privilégiant les mélodies. On va reparler d’eux ! » Quatre ans et quelques albums plus tard, la prophétie se réalise.

L

a seule évocation de leur nom convoque la fantasmagorie liée aux héros de Dostoïevski ou de Tolstoï. C’est pourtant plus prosaïquement au Conservatoire de Théâtre à Paris que l’histoire a commencé, lorsque Hugo a posé une bande-son sur un texte dit par Pauline : « Le thème c’était l’armée ou les militaires, on devait faire un parcours libre et on s’était dit que l’on pourrait peut-être reprendre “Mon légionnaire” sur de la techno. » À partir de cette première expérience non préméditée, le duo commence à explorer ce nouveau champ des possibles : « On a pensé qu’on pouvait mélanger les pratiques et en faire un truc à nous. De là, on a commencé à faire deux, trois morceaux, dont notre propre reprise de “Mon légionnaire”. » Déjà complices de par leur amour partagé du théâtre, les deux artistes trouvent rapidement un

XAVIER-ANTOINE MARTIN

MATHIS SEMPÉ

terrain musical commun même si à la base leurs univers sont un peu différents. Alors que Pauline fait découvrir à Hugo Fad Gadget, Kraftwerk et DAF, lui avoue un penchant initial vers The Hacker ou Rebotini et plus généralement vers le monde du célèbre club de Berlin, le Berghain. Grâce à son parcours multidisciplinaire – théâtre, musique, cinéma, danse – le duo a pu se façonner une identité qui va bien au-delà des carcans dans lesquels le monde actuel aime ranger les genres. « On aime explorer, depuis toujours. Ça fait des années que l’on parle avec Pauline d’une forme hybride, comme du théâtre sous forme de tableaux musicaux, avec énormément de jeu, de la danse... Ça reste pour le moment dans nos crânes, il faut qu’on rêve encore dessus » explique Hugo, avant de rajouter : « Le théâtre nous influence surtout dans notre appréhension du live. On pense beaucoup au live d’abord, la notion d’art vivant est vraiment prépondérante pour nous. » Cette pluralité se retrouve dans la discographie du groupe puisqu’après un premier EP éponyme, en 2019 Potochkine a sorti Mythes, collection de 27 titres créés pour trois pièces de théâtre, Narcisse, Salopard et Les bacchantes de leur ami Ferdinand Barbet, avant un dernier LP en mars 2021, Sortilèges, dont une version avec remixes, Sortilèges dans le club, a vu le jour en début d’année (voir encadré). En tant qu’amoureux des auteurs classiques, il est logique que le duo accorde une importance particulière aux paroles, tout en notant le paradoxe d’un public plutôt hors de France : « On est très

programmés dans des festivals à l’étranger, dans lesquels on retrouve The Hacker, Lebanon Hanover... Des scènes que nous n’avons pas en France. » Pour Polly et Ernst (leurs noms de scène), la priorité est désormais de rattraper le temps perdu : « On aimerait jouer Sortilèges car on ne l’a fait que 4 fois. C’est vraiment frustrant, aussi il n’est question pour le moment que de tourner avec cet album. » Heureux ceux qui croiseront leur route quand le vœu de Pauline sera exaucé. i dfacebook.com/potochkine

Sortilèges dans le club Unknown Pleasures Records Né d’une collaboration entre le duo et Pedro Peñas Y Robles, fondateur du label UPR, DJ et musicien que l’on retrouve ici sur 2 titres sous le pseudo d’HIV+, cet album propose des versions remixées des 8 titres de Sortilèges par les pointures du genre que sont Calling Marian, Maman Küsters, La Main, Radikal Kuss... offrant un angle d’écoute différent mais particulièrement réussi de l’album original dont Pauline livre quelques clés : « On voulait en faire un grimoire, mais c’est avant tout un jeu avec les codes... J’imaginais que tous ces mots que je disais dans les chansons constituaient des sortes de formules adressées à ceux qui les écoutent. » En attendant, ils ont trouvé la formule magique.

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