Hors-série Gala Opéra Louvr’Boîte 0,50 €
SOMMAIRE Credits........................................................................................................................mentHerald’hicJeux.......................................................................................................................................................p14-17FarinelliLedesLorgnette,ProgrammeEdito.................................................................................................................................................................p3devotregala..............................................................................................p4eventail,porte-bouquet:lagrandehistoirepetitsobjetsdel’opera......................................................................................p5-7choixdelaredac....................................................................................................p8-9enfolie..................................................................................................................p10-13:lesarmesdeRichardWagneroucom-l’operat’emportedanslesetoiles..........................................p18-22..............................p23
EDITO Enfin ! Enfin le Gala revient! Après un journal hors-série complètement virtuel en juin 2020, nous allons pouvoir imprimer celui-ci en bonne et due forme cette année ! Et pour quel Gala ! Cette année, Le Louvr’Boîte se pare donc de ses plus beaux atouts et vous invite à l’Opéra ! Entre mots croisés, mots mêlés et mots rimés, venez découvrir l’opéra, les affres de ses chanteurs et les déboires psychologiques de ses compositeurs. Munissez vous bien de votre éventail, de votre porte-bouquet et de vos ju melles, car la soirée risque d’être animée ! En vous souhaitant un agréable spectacle ! 3
Programme de votre Gala Opéra Le 22 septembre 2021 Première partie à l’opéra Bastille 18h30 Seconde partie sur la péniche River’s King 23h30 Avec les interventions des clubs : Club ThéâtreDéfilé de l’HistoireClub Jeu Et un buffet organisé par Mens Sana ! T & ) = N b + 4
Figure 2 : Noël-Jean Lerebours, Lorgnette de Joséphine, Malmai son ((C) RMN-Grand Palais) 5
La lorgnette d’opéra se distingue véritablement des autres appareils optiques au XVIIIe siècle, jusqu’à devenir un indispensable des Incroyables et des Merveilleuses de la Révolution (vive la cannelorgnette). Elle connaît dès lors un succès jamais démenti, la bou tique en ligne de la Comédie-Fran çaise le prouve encore. Simples ou doubles, avec ou sans manches, les lorgnettes ou jumelles permettent autant de voir que d’être remar qué. Le musée du Louvre, riche de dons de collectionneurs, et celui de Méru, ancien centre industriel de la tabletterie, présentent des modèles dans leurs collections. À décor peint d’étoiles, de lyres ou de pay sages panoramiques, couvertes de nacre, de porcelaine ou d’écailles, rétractables ou pliantes, couplées à une tabatière ou à un manche pour plus de praticité, il y en a pour tous les goûts. Année Napoléon
“La lorgnette est au spectacle ce que la conversation est à la ville” affirme en 1848 le Moniteur des Théâtres. C’est dire si Jeanne Gonzalès connaît les usages de son temps !
Si le musée d’Orsay n’a plus de se crets pour vous, vous y avez très certainement déjà croisé la de moiselle peinte par Eva Gonza lès dans sa toile Une loge aux Ita liens. L’air un peu absent, la sœur de l’artiste paraît concentrée sur le spectacle se jouant sous ses yeux, théâtre ou opéra. Mais avez-vous remarqué sa paire de lorgnettes et son bouquet de fleurs ? Couplés à l’éventail, vous obtenez le trio ga gnant des indispensables pour se rendre à l’opéra au XIXe siècle !
Lorgnette, éventail, porte-bouquet : la grande histoire des petits objets de l’opéra CC
Figure 1 : Jumelles d’opéra, v. 1840, France ((C) MET)
oblige, il faut aussi mentionner la petite lorgnette de la Malmaison, conservée dans son étui doré au fer au chiffre de Joséphine (Fig. 2). La rédaction a même repéré pour vous un modèle à système du Pa lais Galliera, couplé à un éventail ! Si la jeune inconnue d’Eva Gon zales n’arbore pas d’éventail, l’élégante dépeinte par Mary Cassatt sur sa toile A l’opéra ne commet pas cet impair. Captivée par le spec tacle, elle le garde fermé, mais les spectatrices en arrière-plan, qui arborent elles aussi cet indispensable, ouvrent largement les leurs, laissant apparaître leurs feuilles ou vragées.
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Figure 3 : Eventail des fiancailles, Mauice Denis, 1891, Musée Mau rice Denis de St-Germain-en-Laye ((C) RMN-Grand Palais : Benoit Touchard)
L’usage de l’éventail plissé en France, déjà introduit par Ca therine de Médicis, s’impose sous Henri IV, jusqu’à donner naissance à la corporation des éventaillistes en 1678. La production s’industria lise dès 1760 avec l’invention du moule à plisser. Les maisons fran çaises deviennent au XIXe siècle de véritables références, et exportent dans l’Europe entière, telles Kees, ou Duvelleroy, cette dernière étant toujours active aujourd’hui. Les exemplaires conservés du XVIIIe siècle arborent fréquemment des décors peints mythologiques ou bi bliques exécutés anonymement, la peinture sur éventail étant considé rée comme un genre mineur. Pour être à la pointe de la tendance, le palais Galliera conserve même des modèles fin XVIIIe siècle représen tant le vol des frères Montgolfier, ou la prise de la Bastille ! Les matériaux sont bien sûr parmi les plus pré cieux : soie, satin ou même peau de cygne (si si) sont enrichis de montures en écaille, ivoire ou nacre réali sées par des tabletiers de l’Oise. Les élégantes du début du XIXe siècle préfèrent des modèles plus légers, en mousseline ou tarlatane brodée de paillettes, avant un retour vers 1830 aux feuilles historiées, parfois signées par des artistes de renom, jusqu’à Maurice Denis (Fig. 3) ou Paul Iribe au début du XXe siècle. Chic et praticité doivent cepen dant toujours se conjuguer, comme en témoigne un exemplaire en corne du musée Carnavalet (Fig. 4), muni à son extrémité d’une pe tite lorgnette, ou une pièce du Palais Galliera qui se transforme, une fois fermée, en porte-bouquet !
! La maison Chaumet prend elle-même part à la produc tion de porte-bouquets, et l’on en retrouve jusque dans les collections de l’Ermitage ou de la reine Victoria. La collection particulière Kenber présente sans doute parmi les plus beaux exemplaires : le droit d’auteur m’interdit de vous les montrer, mais nul doute que les interprétations du pôle illustration vont piquer votre curiosité... (Ci-contre) Elle compte ainsi un porte-bouquet anglais réa lisé vers 1850, avec carnet de bal in tégré et décor de micro-mosaïque, un exemplaire de Froment-Meu rice, ou encore un modèle français tout à fait romantique en forme de main taillé dans l’os, rappe lant les bagues de promesse. En fin, impossible de ne pas évoquer un exemplaire néerlandais en or émaillé, avec vinaigrette et boîte à mouches intégrées : le summum de la praticité et de l’élégance mêlées ! Marie Vuillemin Figure 4 : Eventail brisé à lorgnette, Carnavalet ((C) Paris Musées Collections)
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Et le porte-bouquet, justement ? Si l’objet n’a eu le droit à sa première monographie qu’en 2005 et est as sez méprisé par l’iconographie, il n’en est pas moins largement utilisé dans les bals et opéras du XIXe siècle ! Comme son nom l’indique, il s’agit d’un vase conique servant à retenir un bouquet de fleurs, au moyen d’une aiguille qui se fiche dans les jours du vase, ou d’un an neau coulant enserrant les fleurs. Un autre anneau relié à une chaîne complète souvent l’ensemble, afin de pouvoir tenir le bouquet d’un doigt. L’engouement pour le porte-bouquet naît sous Louis XIV et se développe jusque vers 1830, époque à laquelle les bijoutiers ro mantiques et victoriens en indus trialisent la production. La plupart sont alors réalisés en argent ou al liage cuivreux, mais des modèles en corne, nacre, ivoire, écaille ou même vannerie sont aussi attestés. Les manches peuvent se parer de porcelaine, d’opaline ou d’agate, et les formes, symboliques, évoquent tour à tour une corne d’abondance, un poisson ou une corolle de tu lipe. Bien marquée par le goût ro mantique, une pièce du palais Gal liera arbore même une coupe “à la cathédrale”
Le Choix de La chanson d’opéra du Cinquième Élément : un extrait de Lucia di Lammermoor, de Gaetano Donizetti, suivie d’un chant electro acoustique aux amplitudes folles. Lilou La Flûte Enchantée. Du chant en allemand, Mozart, un théâtre profane et une bonne dose de magie : tout est là pour me plaîre Jeanne Mozart l’Opéra Rock (Quoi ? Ça marche). Tyfenn 8
L’air de la “Mamma morta” de l’opéra Andrea Chénier repris dans le film Philadelphia par Maria Callas. Un air très émouvant chanté par une grande artiste. Cassandre Carmen et son petit anarchiste tchécoslovaque. Raphaël P. Le gâteau ! La boulangerie « Les Désirs de Manon » à Saint-Paul en fait un très bon. Raphaël la Redac’ 9
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Non, Farinelli n’est pas une nouvelle recette de pâtes italiennes, bien que le doute soit permis. Cet homme est un grand exemple de ceux que l’on nommait la « troisième voix » de l’opéra, les ovnis des tessitures vocales, les castrats. Ces hommes à la voix si particulière ont fasciné la noblesse et les plus grands compositeurs du XVIIème et surtout du XVIIIème siècle, à l’époque baroque, où l’on mettait l’accent sur l’expérimentation vocale, les couleurs de la voix, les vocalises et les ornements.
Farinelli en folie
Caricature d’une performance de l’oeuvre de Haendel Flavio avec le castrat Senesino sur la gauche., © John Vanderbank
Les castrats étaient des jeunes garçons, la plupart de condition modeste, que l’on faisait castrer entre sept et douze ans pour qu’ils conservent leur voix enfantine, aiguë et pure. Ils partaient ensuite apprendre l’art de la musique et du chant dans des écoles spécialisées, dont les plus réputées se trouvaient à Bologne et à Naples, l’Italie étant à cette époque, un grand centre culturel et musical. Cet apprentissage demandait un travail vocal de quatre à six heures par jour. Cependant moins de dix pour cent de ces jeunes garçons connaissaient ensuite le succès. Beaucoup ne survivaient pas à l’opération, en premier lieu, qui se déroulait dans une hygiène dé plorable et sans anesthésie, et la plupart restaient ensuite sur les bancs de l’église pour chanter les partitions aiguës, à la place des femmes ayant l’interdiction de chanter. La castration des organes mascu lins avant la puberté conservait la voix et l’appareil vocal de ces enfants à mesure qu’ils grandissaient, alors qu’en parallèle leur entrainement développait leur cage thoracique et leur technique vocale, ac cordant ainsi à leur voix une tessiture et une amplitude qu’aucune soprano femme ne pouvait ou ne peut égaler, même de nos jours. Leur timbre était clair et pur tout en possédant une puissance vocale d’adulte.
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Symbole par excellence du « bel canto » (le beau chant) au XVIIIème siècle, cette pratique débuta tout d’abord dans les rangs de l’Église catholique. En effet, les femmes avaient l’interdiction de chanter les chants reli gieux (et ce jusqu’au XIXème siècle) et le pape Sixte V, en 1588, étendit cette interdiction sur les scènes de théâtre et d’opéra. Les hommes devaient donc chanter les partitions aiguës en utilisant leur voix de fausset, une pratique trouvée artificielle qui consiste à faire vibrer les cordes vocales masculines à un timbre plus aigu que la moyenne et seulement sur une partie de leur longueur.
Petit à petit, ces chanteurs exceptionnels commencèrent à évoluer des bancs d’église jusqu’aux scènes opératiques, s’attirant l’attention et l’amour du public. Des grands compositeurs tels que Monteverdi, Haendel et Rossini composèrent des opéras pour eux. Leur voix aiguës, féminines et leur condition physique ambiguë créèrent un trouble, une confusion des genres dans l’esprit des spectateurs. Les castrats jouèrent tout d’abord des rôles de femmes et se travestissaient même sur scène, ce qui ne fit qu’accentuer la confusion quant à leur genre. Puis ils acquirent des rôles plus nobles. Ils finirent par jouer des guerriers antiques ou des grands sei gneurs, une ascension reflétant toute l’admiration dont les rares élus ayant acquis la célébrité en jouant à l’opéra faisaient l’objet. Leur voix semait tellement de trouble émotionnel dans les audiences qu’il n’était apparem ment pas rare que l’on défaille à l’écoute de leur chant.
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Le concept des castrats pourrait en fait avoir été influencé par l’in vasion musulmane dans la péninsule ibérique. En effet, dans l’Empire ottoman, les eunuques gardant les sérails et les harems étaient castrés et chantaient pour le divertissement avec leur voix si particulière. Ce phénomène aurait pu se répandre jusqu’au Vatican par du bouche-à-oreille, inspirant ainsi une nouvelle pratique dédiée au chant liturgique. D’ailleurs le pre mier castrat de la chapelle Sixtine au XVIème siècle est un Espagnol, ce qui appuierait cette théorie.
L’un des plus célèbres castrats de l’opéra est Farinelli, ou de son vrai nom Carlo Broschi, né en 1705 et mort en 1782. Il a obtenu son film autobiographique éponyme et une apparition dans la série Netflix “La cuisinière de Castamar”. Cet homme s’est démarqué par sa rare condition sociale de noble italien, sa grande notoriété et sa longévité, remarquable pour l’époque. Farinelli fut l’un des plus grands, et le président de Brosses, ma gistrat, historien, écrivain et linguiste français, écrivit à son sujet avec admi ration qu’« il avait sept notes en plus des voix normales ». Le chanteur voyagea beaucoup. Il passa du temps en Italie et à Londres pour s’établir un temps conséquent en Es pagne, à Madrid de 1737 à 1759. En effet, la reine Élisabeth Farnèse l’engagea pour tenter de guérir la neurasthénie (lourde dépression) de son mari, le roi Philippe V. Farinelli lui chantait le soir des airs de son choix et comme il sembla réussir dans cette entreprise, la célébrité de l’homme augmenta d’autant plus. Cependant cela le fatiguait et il écrivit à ce sujet dans une lettre dédiée à l’un de ses amis : « Depuis le premier jour que je suis arrivé, j’ai suivi cette même vie en chantant tous les soirs aux pieds des Souverains et l’on m’écoute comme si c’était le premier jour. Il me faut prier Dieu qu’il me conserve en bonne san té pour continuer cette vie ; je m’enfile tous les soirs huit ou neuf airs dans le corps ; il n’y a jamais de repos. » Ces chanteurs d’opéra étaient également des amants convoités. Les femmes appréciaient la sécurité que leur procurait leur condition physique particulière quand ces derniers n’avaient pas des problèmes physiques sexuels, un phénomène fréquent et compréhensible au vu de la violente chirurgie qui leur avait été infligée plus jeune.
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Portrait de Farinelli par Bartolomeo Nazari (1734)
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Cassandre Bretaudeau L’acteur italien Stefano Dionisi dans le rôle de «Farinelli» du film éponyme , © Getty / Jean-Marie Leroy
Cependant à mesure que ces chanteurs d’exception devenaient de véritables « stars » de l’opéra, les compositeurs se lassèrent rapidement de travailler avec eux, les castrats développant un caractère diffi cile, accompagné de demandes et d’exigences toujours plus incroyables et rocambolesques. Ainsi Mozart, qui avait d’abord commencé à écrire des opéras pour des voix de castrats, se lassa vite des difficultés rencontrées avec ces derniers et décida de redonner leurs lettres de noblesse aux voix de femmes.Legoût évolua également vers le romantisme qui fut un mouvement prônant l’absence d’artifice et d’illusion. Les castrats n’avaient donc plus voix au chapitre. En parallèle, des protestations commencèrent à s’élever au XVIIIème siècle contre cette pratique jugée de plus en plus barbare. C’est ainsi qu’en 1902, le pape Léon XIII interdit la castration et le dernier castrat mourut en 1920 dans l’indifférence.
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La lettre en question est à propos du frontispice de son auto biographie Mein Leben, dont le philosophe est chargé de relire le premier jet. Wagner y parle d’un écu héraldique représentant un vautour, qui ne doit d’après lui absolument pas être confondu avec un aigle (une aigle en héraldique) et être immédiatement reconnaissable. C’est pourquoi il préconise de demander au gra veur de rajouter une collerette au cou de l’oiseau, caractéristique du vautour moine (Aegypius monachus).
Penchons-nous tout d’abord sur les occurrences de ces armes. Je n’ai pu en trouver que deux : une lettre à Friedrich Nietzsche datée du 16 janvier 1870 et les vitraux de la porte d’en trée de la villa Wahnfried à Bayreuth, une des demeures de l’ar tiste.
Une petite bouffée d’air -aldique- pour ce Gala 2021 -
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Hérald’ Hic! Les armes de Richard Wagner, ou comment l’opéra t’emporte dans les étoiles
Opéra ? Laissez-vous porter aux nues en étudiant les célestes armoiries d’un illustre compositeur : Richard Wagner. Il ne s’agit ici que d’une petite bulle, le reste du gala (ou au moins de ce petit hors-série) vous attend, cependant ces armoiries m’ont donné un peu de fil à retordre et illustrent une part peu connue de la vie du père de Der Ring des Nibelungen
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V V n 18
Mais pourquoi ces armoiries au vautour et aux étoiles ? Elles ont sans aucun doute été inventées par Richard Wagner lui-même et utilisent le principe bien connu des armes parlantes. Penchons-nous sur l’étymologie du nom de famille Wagner. Ce patro nyme provient de l’allemand Wagen, signifiant « cha riot », et désigne sans doute une famille de charretiers à l’origine. Mais là où n’importe qui aurait porté un chariot ou au moins une roue, Wagner se dresse en homme de lettre et en ar tiste. Il choisit en effet de représenter cette étymologie par une constellation d’étoiles, der Großer Wagen (« le Grand Chariot »), ou Grande Ourse en français. J’avoue être touché par le côté poé tique de ces armes. parlantes. Laissez-moi vous compter la prime jeunesse de Ri chard Wagner. Il est né le 22 mai 1813 de l’union de Friedrich Wagner, greffier de Leipzig, et Johanna Rosine. Cependant, son père décède seulement six mois après sa naissance et il est éle Armoiries de Richard Wagner, villa Wahnfried à Bareyth
Les vitraux quant à eux représentent non pas une mais deux armoiries. Le premier semble D’or à une aigle (un vautour ?) de sable, un tourteau d’azur chargé de sept étoiles d’argent formant la constellation de la Grande Ours brochant en cœur. Il s’agit à n’en pas douter des armoiries de Richard Wa gner, les mêmes sans doute que ces armes au vautour dont il parle à Nietzsche dans sa lettre.
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Le second est De gueules à la cuillère d’or posée en pal, à une bor dure d’argent. Il s’agit ici des armoiries de Tribschen, un ma noir près de Lucerne qu’il loue entre 1866 et 1872 et dont il obtient par brevet le droit de porter les armes (appar tenant à la famille déjà éteinte de Herren zu Tripschen).
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n 20
V V
F vé par Ludwig Geyer, un ami de son père avec qui Johanna se marie en 1815. Richard Wagner aurait long temps considéré Geyer comme son véritable père, malgré sa disparition en 1821, comme semble d’ailleurs le prouver les armes qu’il choisit. Et bien oui : Geyer… Geier … cela ne vous dit pas quelque chose ? Il ne s’agit que d’une interprétation, mais le vautour des armoiries de ces vi traux semble presque soutenir ou protéger la constella tion représentant les Wagner, comme Geyer a protégé sa famille d’après le compositeur. À réfléchir … mais de nombreux psychanalystes (Freud le premier) se sont penchés sur le cas Wagner et il semble que le bonhomme n’était pas tout à fait au clair avec la question. Ce n’est cependant pas le sujet de cet article. Pour en finir tout compte fait, que signifient les armoiries de Tribschen accolées à celles de Richard Wagner ? Une pe tite cuillère est en effet un meuble bien peu courant en hé raldique, pourquoi cette utilisation ? La famille Herren zu Tripschen est apparemment très peu connue et je n’ai pu trou ver aucune information sur cette famille ou ses armoiries. Cependant, l’origine de ce meuble étrange est peut-être à cher cher de nouveau dans les armoiries parlantes. Le dictionnaire des frères Grimm ou Deutsches Wörterbuch, publié entre 1854 et 1961 et s’attachant à l’étymologie de nombreux mots alle mands, donne au verbe le sens de traîner, d’emporter quelqu’un ou quelque chose dans une affaire, de faire des affaires … un sens d’aller-retour aussi. Pour ma part, la cuillère associée à l’aller-retour me rappelle ces vers d’Armand Raynal de Mauper tuis, héros de la bande-dessinée De Cape et de Crocs : Armes de Tribschen, villa Wahnfried à Bareyth
On peut à ce gourmet comparer l’honnête homme Qui, face à l’étranger, agit en gastronome !
Aux marches du palais hésite sa cuillère.
Et franchit le limes dont se rient les papilles ! »
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« La recette barbare aux denrées improbables, Née de la sombre sylve ou des torrides sables, Intrigue le gourmet qui brûle de savoir
Pour ma part, la cuillère associée à l’aller-retour me rappelle ces vers d’Armand Raynal de Mauper tuis, héros de la bande-dessinée De Cape et de Crocs :
En quoi varie ce plat de ceux de son terroir !
Allant vers son prochain pour goûter la saveur Du sel d’un bel esprit, du sucre d’un bon coeur, Il fait fi du faciès, du comment-on-s’habille
Mais cet émoi passé, l’instrument réitère De bol en bouche bée son aller, ses retours, Car le mets était bon sous ses louches atours !
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La cuillère serait-elle un meuble parlant traduisant l’idée d’al ler-retours ? Impossible de savoir, mais l’idée est alléchante (sans mauvais jeu de mots). Sur cette note poétique, je vous laisse. Que ce Gala - Opéra, telles les armes de Richard Wagner, vous emmène dans les étoiles ! Raphaël Vaubourdolle
1 Je tiens à remercier profondément le Musée Richard Wagner de Bayreuth, qui a réalisé un grand nombre de vidéos sur le musée et la villa Wahnfried lors de sa fermeture pendant la crise du Covid-19. Une d’entre elles est centrée sur ces deux vitraux, desquels je n’étais pas parvenu à trouver de photos précises. Toutes les vidéos de cettesérie Coronamuseum sont accessibles sur leur compte Facebook (Ri chard Wagner Museum Bayreuth). J’en profite pour remercier Laureen Gressé-De nois qui a trouvé pour moi cette mine d’or.
credits Couverture : © Eloise Briand Page 2 : © Mélissande Dubos Page 3 : © Mélissande Dubos Page 4 : © Behn Lieu Song Page 5 : © Noël-Jean Lerebours, Lorgnette de Joséphine, Malmaison ((C) RMN-Grand Palais) ; Jumelles d’opéra, v. 1840, France ((C) MET) Page 6 : Eventail des fiançailles, Maurice Denis, 1891, musée Maurice Denis de St Germain en Laye ((C) RMN-Grand Palais : Benoît Touchard) Page 7 : Eventail brisé à lorgnette, Carnavalet, ((C) Paris Musées Collections) ; © Eloise Briand Page 10 : © John Vanderbank Page 12 : ©Bartolomeo Nazari, Portrait de Farinelli, wikipedia commons Page 13 : capture du film “Farinelli” 1994 réalisé par Gérard Corbiau ; Joseph A. Ross Page 17 : © Mélissande Dubos Page 19 : armoiries de Richard Wagner Page 20 : blason de Tribschen Page 21 : © Armand Raynal de Maupertuis Page 23 : ©Mélissande Dubos 23