Mobilier & Architecture

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Mobilier & Architecture

Disciplines parentes


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Mobilier & Architecture

Disciplines parentes Lucie Serkisian Sous la direction de Jean-Baptiste HEMERY ENSA Marseille Juin 2015

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Remerciements « Le véritable enseignement n’est point de te parler mais de te conduire »

Antoine De Saint-Exupéry

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur Jean-Baptiste HEMERY, directeur de recherche de ce mémoire, qui m’a conduite et orientée au cours de cette année. Je le remercie pour, sa patience, sa disponibilité ainsi que ses précieux conseils qui ont contribués à allimenter ma réflexion. Mes pensées vont également vers celles qui ont consacré de leur temps à la lecture et relecture de ce mémoire.

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TABLE DES MATIÈRES PRÉAMBULE

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INTRODUCTION

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1 Le mobilier moderne - Rencontre de l’art et de l’industrie

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Un contexte socio-économique particulier La place du mobilier dans la pensée moderne Les grandes innovations La crise du logement impacte la conception moderne de l’espace. L’avènement de l’art industriel

2 Le mobilier moderne - Conception associée à l’espace

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Le mobilier : élément architectural Le mobilier : Forme résultante de l’espace. Le mobilier moderne : Générateur d’une nouvelle qualité d’espace L’ameublement, un « plan de circulation » Le contrôle de l’architecte sur l’ameublement intérieur La modernité pour tous

3 Le mobilier moderne - Conception architecturale L’objet usuel, une œuvre d’art ? Le mobilier, espace d’expérimentation de l’architecte L’habitat moderne, un méga-meuble ? Le mobilier, générateur d’un espace qui lui est propre Le mobilier dans son rapport au corps

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4 Le mobilier moderne - Un symbole

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La Robie Chair - Frank Lloyd Wright - 1909. La Chaise Rouge et bleu - Gerrit RIetveld 1918 -1923 La Chaise longue basculante - Le Corbusier- Jeanneret-Perriand 1928 Le Fauteuil Barcelona n°MR90 - Mies Van Der Rohe 1929. La Table E1027- Eileen Gray 1930

CONCLUSION

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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

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PRÉAMBULE Les éléments de mobilier sont les objets de nos quotidiens, ils nous entourent, nous enveloppent, nous portent, et nous supportent. Dans la grande majorité des cultures ils sont indispensables et offrent un confort et une qualité de vie. L’Homme s’approprie naturellement les objets qui l’entourent, la possession de biens, de meubles s’associe à l’acte d’habiter. Beaucoup d’architectes se sont intéressés aux différents modes d’habiter ainsi qu’au mobilier. La conception d’un meuble, comme d’un bâtiment, relève de l’acte de projeter, d’où l’intérêt des architectes pour cet exercice. Ils s’emparent de tous les terrains de jeux qui leurs sont offerts, et conçoivent l’espace, l’habitat, mais aussi les équipements, l’espace public, la ville, le territoire et le paysage ; autant d’échelles différentes que d’espaces potentiels de projet. Ces rapports d’échelle permettent aux architectes d’avoir un regard transversal sur les éléments qui les entourent, toile de fond de nos quotidiens. Les architectes se donnent la possibilité d’appréhender la complexité de ce système, une tentative d’analyse d’un monde qui nous dépasse. Il me semble que pour travailler à des dimensions aussi lointaines de la taille humaine que celle du paysage, il faut avant tout, prendre connaissance et conscience de l’Homme et du rapport qu’il entretient avec son environnement. Dans l’espace, la ville ou l’habitat l’Homme est forcé de se situer ; la prise de conscience de la taille humaine au regard de ce qui l’entoure est une étape indispensable à l’acte de projeter. Les objets usuels sont conçus en contact direct avec l’Homme et sont les outils du quotidien, ils nous accompagnent. En ce sens, je crois que le mobilier est indissociable de l’architecture ; espaces et objets entretiennent incontestablement une relation de proximité, la nature de cette relation varie, évolue et se complexifie. L’enseignement dans les écoles d’architecture survole le thème du mobilier, le dessin des meubles en plan ou en élévation, ne sert qu’a vérifier l’échelle des espaces que nous dessinons. Les meubles ne sont ni pensés, ni conçus, souvent ils n’ont pas beaucoup plus d’intérêt qu’une simple échelle métrique. Les meubles représentés sur nos plans n’entretiennent pas de réel lien avec l’espace dessiné. Pourtant la pensée moderne associe le meuble à l’organisation de l’espace. Le projet se vide de son sens premier, s’il n’est pas meublé avec des objets en cohérence avec l’espace architectural. Le meuble n’est pas uniquement un objet décoratif qui occupe l’espace, son statut au regard de son rapport à l’architecture se complexifie au cours du XXème siècle. Les architectes modernes s’emparent du mobilier pour concevoir une nouvelle manière d’habiter. Le meuble devient un élément de projet, ainsi sa définition évolue. Le mobilier et l’architecture, malgré leurs différences d’échelle, de fonctionnement et de fabrications, présentent des caractéristiques similaires. L’architecture est un espace avant d’être un objet bâti, comme le meuble est un espace avant d’être un objet usuel. L’Homme évolue dans l’espace, et la matière qui l’entoure ne fait qu’organiser ses comportements et ses déplacements. L’espace architectural contient et le mobilier supporte. J’imagine le mobilier comme une ultime finition, comme la terminaison nerveuse d’un espace.

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PRÉAMBULE


INTRODUCTION Le meuble est un objet, du latin mobilis, que l’on déplace, c’est un objet du quotidien, mobile et usuel. Au XXème siècle, les architectes modernes associent la question de l’espace à celle du mobilier, dont le statut se complexifie du fait des multiples relations créées entre ces deux éléments. L’exercice de la conception des meubles se rapproche plus du design1 d’objet que de l’architecture. Cependant, le mobilier prend de l’importance dans l’espace moderne, à tel point qu’il en devient souvent indissociable. Le lien entre le mobilier et l’espace architectural est voué à de nombreuses mutations ancrées dans un contexte socio-économique particulier. À la fin du XIXème siècle, le mobilier connaît une évolution venant du basculement sociétal qu’est la révolution industrielle. La technique modifie complètement la définition et le statut de l’objet meuble. C’est une rencontre entre différentes disciplines, idées et concepts. Le mobilier met en volume de la pensée d’une époque sur la question de l’objet, mais il est également représentatif d’un style et d’un contexte particulier. Le meuble moderne résulte de la rencontre de l’art et de l’industrie, deux domaines apparemment opposés et dont l’association produit des objets d’un nouveau genre. Dans le processus de conception architecturale, le mobilier occupe l’espace, le structure et le compose, l’objet devient un outil de conception. Se pose la question de la définition de la nature de ces éléments mobiles ou immobiles, sont-ils architecture ou simples objets ? Les architectes Modernes jouent de la mutation du statut de l’objet meuble, pour l’utiliser dans des dispositifs architecturaux. Le mobilier, sa conception, sa symbolique et son processus de fabrication, servent la diffusion de la pensée moderne. Se développe alors un nouvel espace qui compose avec l’objet. Toutes les expériences architecturales modernes, bien qu’extrêmement différentes, lient les éléments mobiles et bâtis. Malgré des idéaux parfois contradictoires, les architectes Modernes partagent la conviction selon laquelle, architecture et mobilier sont complémentaires. Quelque soit la culture, les moeurs, les habitudes, un logement est forcément meublé et approprié par les usagers. En revanche, le lien entre l’espace et le meuble peut varier dans la conception, l’usage, mais aussi dans la forme. De cette idée de lien, émergent deux grandes catégories, deux histoires qui racontent une rencontre entre l’objet et l’espace. La juxtaposition de l’objet architectural et du meuble crée une cohérence générale, les deux éléments se complètent, se répondent et sont conçus dans le but commun de produire des espaces fonctionnels. Le travail de Le Corbusier et Charlotte Perriand est représentatif de cet aspect, ils créent des espaces dans lesquels les éléments sont en perpétuel dialogue. Le mobilier de Charlotte Perriand prend une place importante dans les espaces conçus par Le Corbusier. L’ameublement participe de l’organisation spatiale, les objets délimitent les espaces, conditionnent les déplacements, et parfois même, se substituent à l’architecture.

1 Design : Esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et adaptées à leur fonction (pour les objets utilitaires, les meubles, l’artisanat en général), stylisme. source : définition du Robert Culturel 2005

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INTRODUCTION


La disposition de mobiliers fixes ou déplaçables dans un espace, suffit à la création d’une relation entre les éléments. Le ou les concepteurs usent de dispositifs divers et variés pour mettre les éléments bâtis et mobiliers en tension. La fusion de l’objet architectural et du meuble efface la limite entre ces deux entités. L’architecture est un meuble et le meuble est architecture. Le travail de Joseph Hoffmann2 illustre l’idée d’architecture totale, il conçoit l’espace bâti, mais aussi, l’aménagement, la décoration, et l’intégralité des objets usuels. Tout est architecture, les éléments sont indissociables les uns des autres. En un sens, le mobilier du palais Stocklet perd de son intérêt dans un autre espace. Le travail de Gerrit Rietveld est également représentatif du rapport fusionnel entre meuble et architecture, les éléments se confondent. Certains architectes contemporains ont expérimenté d’autres formes de relation entre l’espace et le mobilier. Cela produit des objets hybrides issus d’une réflexion sur l’évolution des besoins en termes d’espace, mais aussi sur la définition du mobilier et son évolution. Le travail des architectes Modernes du XXème siècle incarne la mutation du rapport entre espace et objet, éléments dont les relations se complexifient. Quelle est la place du mobilier dans la conception architecturale ? Comment le mobilier impact-il l’espace et change les comportements et les modes de vie ?

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Josef Hoffmann, architecte de la sécession viennoise au XXème siècle.

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INTRODUCTION


Figure 1 : Cuisine de l’unité d’habitation de la cité Radieuse à Marseille - 1952 - Le Corbusier, Charlotte Perriand.

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1 Le Mobilier moderne : Rencontre de l’art et de l’industrie


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Le Mobilier moderne :

Rencontre de l’art et de l’industrie

La pensée moderne change complétement le rapport entre architecture et mobilier. Les architectes conçoivent du mobilier parallélement au développement de la modernité en architecture. La révolution industrielle n’est pas sans relation avec la production de ces nouveaux objets. Le contexte social est également facteur de ces évolutions.

Un contexte socio-économique particulier Le XIXème siècle est marqué par la révolution industrielle, la production connaît une accélération spectaculaire. Le progrès permet la création de nouveaux matériaux et l’invention de nouvelles techniques, dont s’emparent les architectes Modernes. Au XIXème, les salons bourgeois sont meublés avec des objets souvent plus décoratifs qu’utiles. À cette époque l’ameublement est porteur d’une valeur de représentation. Les objets sont associés à des espaces particuliers en fonction de leurs usages. Dans l’immeuble bourgeois par exemple, le choix des meubles marque la distinction des espaces d’apparat avec les espaces de service, et les espaces privés. L’ameublement, les usages et les comportements sont extrêmement codifiés. En revanche, le rapport physique et conceptuel entre l’objet et l’architecture est moins évident. Lorsque les espaces de l’habitat s’ouvrent les uns aux autres, et que les usages débordent des espaces qui leur sont traditionnellement conférés ; la conception du meuble évolue et s’adapte à cette nouvelle spatialité. La révolution industrielle, influe sur l’espace du logement. La cuisine est la pièce la plus représentative de cette évolution, l’espace du quotidien de la famille bourgeoise devient un espace technique. Le travail sur la rationalisation et l’optimisation de l’espace permet une conception liée aux logiques de rentabilité et d’économie qui marquent cette époque. La cuisine de l’unité d’habitation de Le Corbusier (figure1) impose un nouveau mode de vie, elle n’est plus une boîte fermée, mais devient un espace de relation et d’échange. Cuisine, coin repas et coin salon, se côtoient dans un même volume. L’espace est traversé par différents usages qui se chevauchent, plutôt que de se juxtaposer de manière hermétique et sans rapport les uns avec autres. Ce nouveau type d’espace crée de nouvelles relations sociales à l’échelle du logement et de l’unité familiale. L’ouverture de la cuisine sur le coin repas est issue de la volonté d’optimiser les espaces, dans une société où construire du logement devient urgent. Le modèle de l’habitat bourgeois et ses espaces fermés et codifiés devient obsolète. L’habitat moderne se resserre, les architectes composent souvent avec de petites surfaces, ce qui les oblige à concevoir différemment, et à combiner certains espaces les uns avec les autres. 13

1 Le Mobilier moderne : Rencontre de l’art et de l’industrie


L’habitat moderne est une machine qui articule et optimise les espaces pour faciliter le quotidien. L’espace et l’ameublement se complètent, l’un sans l’autre, le fonctionnement de l’habitat perd de son efficacité. La technique est un moteur dans la conception d’objet, de mobilier et d’architecture, mais c’est également un facteur de l’évolution de la société. Les concepteurs s’emparent de la technique et participent de l’évolution des mentalités et des moeurs. En agissant sur l’environnement matériel, ils agissent sur les comportements. Charles et Ray Eames, couple de designers américains, ne négligent pas la composante économique, elle s’intègre dans leur logique de conception qui est intimement liée à la seconde guerre mondiale. En 1942, ils produisent 150 000 attèlles en bois contreplaqué, collé et courbé (figure2) pour les soldats blessés. Ces objets sont produits en grande série, et sont le résultat d’une demande liée à un contexte socio-politique complexe. Les contraintes évoluent avec les besoins de la société ; les objets doivent être esthétiques, fonctionnels, et peu couteux, sans quoi, le principe de rentabilité qui régit encore aujourd’hui la société actuelle se perd. La guerre, par ses exigences en terme de production devient moteur de l’innovation et la création. La technique du contreplaqué, collé et courbé révolutionne la conception des objets usuels et du mobilier. La complexité du contexte social, politique et économique génère l’innovation et la production.

Figure 2 : Attèlle en contreplaqué, collé et courbé - Charles & Ray Eames - 1942

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La place du mobilier dans la pensée moderne Le mouvement moderne se sert de la technique pour éliminer l’inutile et le superflu. Les architectes épurent et se basent sur les qualités fonctionnelles et usuelles des éléments qui composent l’espace. Le mobilier joue un rôle dans la recherche spatiale pour un logement adapté à la société en pleine mutation. « On peut aménager très luxueusement une pièce en la démeublant plutôt qu’en la meublant »3 La rationalisation de l’espace est une idée élémentaire dans la pensée moderne. La forme extérieure des bâtiments est réduite au minimum, les architectes produisent des espaces en affirmant ne pas s’adonner à un exercice de style en façade. C’est la grande mutation de l’architecture au XXème siècle. Les Modernes se libèrent de l’esthétique en dessinant une architecture moins imposante et plus humaine. Ils tendent vers la création d’espaces neutres et personnalisables, ce renouveau est une nécessité et non un appauvrissement.

Figure 3 : Pendule designée par Peter Behrens pour AEG - 1909

Si l’habitat moderne est une machine à habiter, pour Le Corbusier, les chaises modernes sont des machines à s’asseoir. La pensée moderne se réfère à l’univers de l’industrie et de la machine, elle transcende les disciplines ; mobiliers et architecture modernes sont issus de principes communs. Le Corbusier dira également des meubles qu’ils sont serviteurs de l’Homme et de l’espace architectural, le meuble est porteur d’un usage mais aussi d’une qualité spatiale. Les architectes utilisent le meuble comme moyen de diffusion de la pensée moderne. Certaines entreprises comme AEG à Berlin font appel à des architectes pour dessiner des objets nouveaux et modernes (figure3), destinés à être produits en série. Cela permet de toucher un large public, et promouvoir de nouvelles idées. Le mobilier et les objets usuels participent au renouveau de la société et de l’architecture. Michael Thonet en 1857 dessine la chaise n°14 (figure4) qui connaîtra un franc succès et sera vendue à plus de 50 millions d’exemplaires. C’est une chaise de bistrot produite en grande série et peu coûteuse. Michael Thonet4 marque un changement dans la conception commune du meuble, la rentabilité et l’économie sont des principes aussi importants que l’esthétique.

Figure 4 : Chaise n°14 - Michael Thonet - 1857 3 Propos de Francis Jourdain - Source : Rob Mallet Stevens l’œuvre complète, Oliver Cinqualbre 4 Michael Thonet, ébéniste et industriel, conçoit et fabrtique de nouveaux objets, plus simples et moins chèrs, qu’il produit en série.

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1 Le Mobilier moderne : Rencontre de l’art et de l’industrie


Les grandes innovations L’industrie et la technique permettent à Le Corbusier et Charlotte Perriand de mettre en place de nouveaux dispositifs, tels que les casiers en verre et en métal, les portes coulissantes ou encore la table encastrée. Ces éléments seront récurrents dans leurs travaux, ils s’adaptent au logement et sont accessibles à tous. Le mobilier métallique prend une place importante dans le travail de Charlotte Perriand et Le Corbusier, il donne une nouvelle qualité à l’espace de l’habitat. La présence de ce matériau alors peu utilisé dans le logement, permet un jeu de reflet avec les revêtements ou encore les tubes chromés. Pour autant l’utilisation du métal dans les intérieurs reste un luxe. La maison Loucheur (figure5) de Le Corbusier, prototype de maison ouvrière n’est meublée qu’avec du mobilier Thonet5. En revanche l’aménagement conçu par Charlotte Perriand au salon d’automne en 1929 (figure6) pour la série de luxe , est un espace beaucoup plus luxueux.6 La double hauteur du salon est magnifiée par la position des casiers métalliques qui marquent une division de l’espace et du volume. Charlotte Perriand emploie des matériaux nouveaux et de qualité, tout est fonctionnel et ajustable. Le lit est monté sur roulettes, les fauteuils s’inclinent, les pans de table de la cuisine sont extensibles etc… L’ameublement s’adapte aux besoins des habitants. L’espace est conçu avec les meubles, et les meubles sont conçus pour servir l’espace. Charlotte Perriand et Le Corbusier, travaillent à une nouvelle conception de l’habitat, ils se concentre sur l’aspect fonctionnel des éléments qui composent le logement, ainsi que sur leur fabrication industrielle. Charlotte Perriand épure l’espace, un nouveau type de relation entre les meubles et l’architecture se construit ; Ils entrent en interaction, mais ne se confondent pas. Son mobilier et l’architecture de Le Corbusier, se regardent et s’effleurent, le lien évolue en fonction du type d’espace. Le statut des éléments qui composent l’espace se complexifie. D’autres architectes pensent à un nouveau mode de vie et d’habitat en usant de nouvelles méthodes de mise en œuvre. Le travail d’Alvar Aalto se réfère également à ces nouveaux principes. L’architecte finlandais se sert de nouveaux procédés issus de l’industrie pour produire des objets de formes nouvelles et plus organiques. Contrairement à ses contemporains modernes, il n’utilise pas le métal, Alvar Aalto expérimente le bois contreplaqué, collé et courbé, matériau alternatif au métal, trop froid selon lui. Le couple Eames use également de cette technique nouvelle pour produire des objets nouveaux, tels que le tabouret éléphant (figure8), ou encore la chaise LCW (figure7).

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Thonet : Société qui produit du mobilier en bois en grande série Source : Charlotte Perriand livre de bord 1928-1933, Arthur Rüegg.

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Figure 5 : Axonométrie de la maison Loucheur - Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1929

Figure 6 : Salon d’Automne - Le Curbusier, Charlotte Perriand - 1929

Figure 7 : Chaise LCW - Bois contreplaqué, collé et courbé - Charles & Ray Eames -1945

Figure 8 : Tabouret Elephant - Bois contreplaqué, collé et courbé - Charles & Ray Eames -1945

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1 Le Mobilier moderne : Rencontre de l’art et de l’industrie


La crise du logement impacte la conception moderne de l’espace. Le Corbusier compose avec tout type d’échelle, mobilier, architecture et urbanisme. La crise du logement crée un besoin urgent de nouvelles constructions. Les architectes n’ont pas d’autres choix que de construire du logement de masse, solution rapide et économique. Les grands ensembles ont l’ambition de donner à tous un logement décent et salubre. Pour ce faire, les architectes passent de l’échelle du bâti, à celle d’un morceau de ville. Dans ces grands bâtiments collectifs, les meubles ne sont pas intégrés à la conception. Les architectes créent des espaces neutres afin que chacun puisse s’approprier librement son logement. Cette période ne laisse pas de place à la réflexion sur le meuble, les objets usuels, et leur rapport à l’architecture. Il faut faire simple, rapide et économique. La solution des grands ensembles était une issue possible pour sortir le pays de la crise. Cependant certains architectes, comme Jean Prouvé, se basent sur d’autres logiques pour construire un nouveau type d’habitat aussi économique.

L’avènement de l’art industriel À l’origine, l’art et l’artisanat sont intimement liés, le caractère unique de l’objet lui confère un statut d’œuvre d’art. Dès la fin du XVIIIème siècle, prémices de la révolution industrielle, certaines manufactures utilisent des procédés industriels nouveaux pour rentabiliser leur production d’objets en céramique ou en métal. Tout en répondant au goût prononcé de l’époque pour l’ornement et la décoration, ces entreprises adaptent déjà leur mode de production à de nouveaux processus qui se généraliseront au XIXème siècle. De la rencontre entre l’art et la technique au XIXème émerge une discipline nouvelle : l’art industriel. C’est une nouvelle branche dans les Arts, née de l’innovation technique. L’art industriel est le résultat de la production en série d’objets esthétiques. En 1780, l’école d’ingénieur des Arts et Métiers, utilise pour la première fois le terme d’art industriel. Sont formés les techniciens de l’industrie, nouvelle composante du monde moderne. Ce sont donc les ingénieurs qui s’emparent de cette discipline liant technique et esthétique. La révolution industrielle, remet en question la définition de l’œuvre d’art. L’objet design fabriqué en série est il une œuvre, au même titre que l’objet artisanal ? La production de mobilier est représentative de ce changement majeur dans la pensée moderne. Le mobilier d’architecte relève d’un processus de conception artistique ; l’architecte pense la matière, les couleurs, les volumes, la lumière, la composition. Cependant le mobilier également le résultat d’un processus de conception architecturale, basé entre autre, sur la fonctionnalité et les usages. Bien que sa mise en œuvre soit issue de la production industrielle, le meuble n’est pas qu’un objet technique, c’est également un objet d’art. 18

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Figure 9 : Le Magicien de la nuit, Panneau en Laque - Eileen Gray - 1912

Figure 10 : Paravent à blocs - Eileen Gray - 1925

Figure 11 : Hall d’entrée de l’appartement de Madame Mathieu Lévy rue Lota - Eileen Gray - 1919 Eileen Gray couvre les murs d’une centaine de petits panneaux laqués, et cache ainsi les moulures d’origines. Au centre du hall, ces panneaux s’alignent perpandiculairement au mur ; une subtile limite dans le vaste hall d’entrée de Madame Lévy.

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2 Le Mobilier moderne : Conception associée à l’espace


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Le Mobilier moderne :

Conception associée à l’espace

Le travail des architectes modernes sur l’espace et le mobilier est à l’origine de la complexification du statut du meuble et de l’objet usuel. Meuble et architecture sont conçus dans un but commun et entretiennent un rapport d’usage, ils co-agissent sur l’espace.

Le mobilier : élément architectural Eileen Gray, designer et architecte, travaille à ses débuts, essentiellement le bois laqué. Elle décore l’appartement de Madame Mathieu Lévy en 1919 (figure 11) et cette commande lui permet de créer un intérieur complet. Elle conçoit le Fauteuil aux dragons (figure 13) ainsi que le Divan Pirogue (figure 12), ces meubles sont aussi décoratifs que fonctionnels et sont la première phase de son travail. Elle est encore influencée par l’art-déco, mais ses productions connaissent tout de même un succès important car elles sont au goût de l’époque. La conception d’Eileen Gray évolue de manière radicale lorsqu’elle prend connaissance des productions des architectes modernes. À partir de 1925, elle commence à utiliser le tube métallique pour le mobilier, et travaille la fonctionnalité. L’évolution de son dessin sur les paravents illustre le tournant que prend sa carrière, elle dessine d’abord des paravents en bois laqués aux thèmes très figuratifs (figure 9), puis elle développe des motifs plus abstraits, pour ensuite travailler l’objet comme une sculpture.7 Les paravents en blocs (figure10) agissent sur l’espace architectural, ce sont des éléments mobiles, pourtant ils sont utilisés comme éléments architecturaux. Leur conception découle du travail de la designer pour le hall d’entrée de Madame Lévy. Ils séparent et lient les espaces, créent des transitions et de nouvelles relations visuelles entre les pièces.

Figure 12 : Divan Pirogue - Eileen Gray - 1920

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Figure 13 : Fauteuil aux dragons - Eileen Gray - 1919

Source : Eileen Gray Designer and Architect, Philippe Graner

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2 Le Mobilier moderne : Conception associée à l’espace


Le mobilier : Forme résultante de l’espace. Le mobilier s’adapte souvent à un espace déjà construit, en termes d’usage, il prolonge l’architecture. L’idée d’un meuble conçu en fonction d’un espace défini est commune à certains architectes d’avant-garde comme Frank Lloyd Wright. D’autres exemples tels que les confessionnaux de la basilique St Pierre à Rome (figure14), illustrent pourtant cette même idée. Ils sont conçus bien après l’édifice et posent la question de leur mobilité, leur échelle, leur usage et leur adaptation à l’espace de la basilique. La forme du meuble accompagne l’architecture tout en correspondant à l’usage de la confession. Le meuble plie sous la forme du bâtiment.

Figure 14 : Confessionnal de la basilique de St Pierre à Rome

Le mobilier moderne occupe et compose l’espace, Frank Lloyd Wright intègre dans son dessin des éléments mobiles inséparables de l’architecture. Les meubles comme les banquettes de la maison sur la cascade ou encore les Robie Chairs sont greffés à l’espace, et leur conception est intimement liée à celle de l’architecture. La conception des meubles, comme de l’architecture, induit un travail sur le dimensionnement des éléments, ce qui renvoie à des valeurs d’usage et des pratiques particulières. Généralement, les dimensions du mobilier sont standardisées, cela facilite l’intégration de ces objets dans différents espaces. Cependant, les meubles conçus pour des espaces spécifiques, sont souvent dessinés dans des proportions différentes, et impactent l’espace architectural. La salle à manger de la Robie House (figure15-16), met en évidence un rapport d’échelle particulier entre la taille des Robie Chairs et celle de l’Homme. La Robie chair ne s’intègre pas dans n’importe quel espace, son dessin renvoie à un style architectural précis, elle est conçue pour une maison particulière dans laquelle habitent des individus déterminés. La Robie Chair porte l’expression de l’espace pour lequel elle est conçue. Si l’on revient à l’exemple du confessionnal de la basilique St Pierre, on constate que l’ébéniste utilise le vocabulaire architectural pour sculpter le bois et qu’il adapte le dessin du meuble à celui de la colonne déjà présente. En un sens, la Robie Chair de Frank Lloyd Wright, comme les confessionnaux, est conçue pour un espace précis, et ne peut s’en séparer sans que l’on en perde la lecture.

Figure 15 : Salle à manger de la Robie House - Frank Lloyd Wright -1909

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2 Le Mobilier moderne : Conception associée à l’espace


Figure 16 : Salle Ă manger de la Robie House - Frank Lloyd Wright -1909

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Figure 18 : Croquis du meuble passe-plat dans le volume de la cellule de l’Unité d’Habitation de Le Corbusier.

Figure 17 : meuble passe-plat de l’Unité d’habitation de la Cité Radieuse à Marseille - Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1952

Figure 19 : Salle à manger, appartement de Charlotte Perriand à St Sulpice - Charlotte Perriand - 1927

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2 Le Mobilier moderne : Conception associée à l’espace


Le mobilier moderne : Générateur d’une nouvelle qualité d’espace Le meuble passe-plat, une liaison architecturale « (la distribution) ne se fait pas de manière traditionnelle, à la notion habituelle de pièce, se substitue ici celle d’espace délimité par des blocs de rangements articulants les différentes fonctions du logement. »8 L’œuvre de Charlotte Perriand et Le Corbusier participe de l’évolution de l’espace de l’habitat. En effet, la collaboration designerarchitecte, donne lieu à une réflexion sur les nouveaux modes de vie. Le mobilier est un élément important dans l’espace de l’habitat moderne. Les dimensions de la cuisine de la cellule de l’Unité d’Habitation à Marseille sont minimales, ce qui ne la rend pas moins fonctionnelle. Un espace de 4m2 qui répond à quatre fonctions : préparer, cuire, laver, ranger. C’est le dessin du meuble passe-plat (figure17) qui permet une telle économie d’espace, car il offre un double usage, relatif à un double espace. La cuisine de l’unité d’habitation s’ouvre sur le coin repas grâce a ce meuble, à la fois séparation et liaison entre cuisine et coin repas. Cela permet un lien visuel entre les espaces, une nuance dans la séparation des usages (figure 18). La cuisine s’accroche à l’espace central de la maison. Le meuble passe-plat n’est pas un simple buffet, son caractère immobile et sa fonction bi-lattérale posent question. Sa présence, indispensable au fonctionnement de l’espace, rend son statut complexe, c’est un objet qui présente les caractéristiques du meuble mais également de l’architecture. Comme d’autres éléments dans les projets de Charlotte Perriand et Le Corbusier, Le meuble passe-plat est un objet hybride, une séquence de l’habitat dans laquelle architecture et mobilier fusionnent. Par ailleurs, la salle à manger de l’appartement à St Sulpice (figure 19), conçue par Charlotte Perriand, avant même sa rencontre avec Le Corbusier, présente également ce rapport de proximité entre meuble et architecture. Elle dessine son premier meuble passe-plat qui génère un nouveau type de relation entre les espaces de l’habitat. Elle conçoit également la table extensible recevant cinq à onze couverts et permettant une adaptabilité optimum de l’espace en fonction des besoins des habitants. Cette tendance à la rationalisation des objets et des espaces, émancipe les architectes et designers de toute considération d’ordre décorative. Charlotte Perriand fabrique ici, une machinerie intégrée et in situ à l’espace de l’habitat. Ces éléments structurent l’espace et les usages.

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Source : Charlotte Perriand livre de bord 1928-1933, Arthur Rüegg.

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2 Le Mobilier moderne : Conception associée à l’espace


La bibliothèque de la villa Church, « une nature morte puriste » « Le logis devint en quelque sorte une nature morte puriste qui était cependant constamment modifiée par le mouvement et les manipulations des utilisateurs. Ainsi Le Corbusier réussit à générer une nouvelle relation entre le meuble et l’architecture, le mobilier et l’immobilier. »9

Les intérieurs comme celui de la bibliothèque de la villa Church (figure20), dessinés par Le Corbusier, sont associés à un mobilier dont l’esthétique est résolument moderne. La plupart de ces éléments conçus et dessinés par Charlotte Perriand, s’intègrent aisément dans d’autres espaces. L’idée d’une « nature morte puriste », met en avant le style épuré du mobilier qui permet à chaque individu d’associer les éléments à sa manière. Les éléments de mobilier subtilement intégrés à l’espace architectural de la bibliothèque Church par Le Corbusier, sont autonomes et n’existent pas uniquement dans un espace déterminé. Architectes et designers composent et structurent l’espace en associant les éléments architecturaux et mobiles.

Figure 20 : Bibliothèque de la villa Church - Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928

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Source : Charlotte Perriand livre de bord 1928-1933, Arthur Rüegg

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Alvar Aalto, Le Sanatorium de Paimo Plus tard dans les années 1920, parallèlement au rationalisme moderne de Le Corbusier ou encore de Rob Mallet Stevens ; Alvar Aalto développe une vision plus proche de la nature et de l’Homme. Il travaille le bois en collaboration avec Otto Korhonen10. La technique du contreplaqué, collé et courbé lui permet de créer de nouvelles formes plus organiques qui feront sa renommée internationale. Entre 1929 et 1933, il construit le Sanatorium de Paimo (figure21), commande qui lui offre l’occasion de concevoir un environnement dans sa totalité. Il intègre meubles, éclairages et équipements dans sa conception.

Figure 21 : Le Sanatorium de Paimo Alvar Aalto - 1933

En 1932, Alvar Aalto dessine le Fauteuil Paimo (figure 22) dont les lignes courbes et fluides rappellent la forme du toit terrasse du sanatorium. Sa forme résulte de la recherche de la position idéale pour le patient, et sa structure en bois est la première à égaler les capacités de solidité des structures des meubles métalliques. L’architecte finlandais conçoit le mobilier au service de l’espace architectural. Le tabouret à trois pieds en L, conçu pour la salle de conférence de la bibliothèque Viipuri (figure 23) est également représentatif de son travail sur le mobilier. Ce meuble simple, économique et solide est un objet incontournable dans la production de mobilier du XXème siècle.11 Le couple Aalto fonde Artek, une société de création et de production de meubles. Ils diffusent à grande échelle les objets conçus au départ pour des espaces spécifiques. Les nombreuses copies du tabouret à 3 pieds en L témoignent de son succès populaire. Alvar Aalto conçoit des objets adaptables et transposables dans d’autres espaces. L’esthétique organique, le soucis de l’économie de moyen, et l’attention portée à la facilité de production, font le succès de ses meubles.

Figure 22 : Le Fauteuil Paimo - Alvar Aalto - 1932

Figure 23 : Auditorium de la bibliothèque Viipuri en Finlande - Alvar Aalto - 1935

10 Otto Korhonen est directeur d’une usine de mobilier 11 Source : Brochure pour l’exposition Desiderata Design - Architecture et design 1850,199,1950 - 2006

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L’ameublement, un « plan de circulation » Gerrit Rietveld, ébéniste de formation et architecte, travaille également sur la relation entre les meubles et l’architecture. Les meubles « lourds » sont intégrés aux cloisons et sont hauts ; les meubles « légers » sont bas. Ces éléments constituent un « plan de circulation ».12 Les meubles, leurs dimensions et leurs positions dans le logement dessinent un second plan superposé au plan lui même. La position des meubles les uns par rapports aux autres, et par rapport à l’espace architectural, organise les mouvements et les déplacements. Il serait d’ailleurs difficile de déterminer quels sont les éléments qui constituent le dit « plan de circulation » puisqu’ils n’existent qu’en correspondance avec les éléments architecturaux. (figure24) Dans un espace vide d’objet et d’obstacle, le corps évolue de manière totalement libre, en revanche l’espace meublé contraint et guide les déplacements, c’est la nature des obstacles qui varie. Le mur maçonné contraint l’espace de manière définitive, la cloison mobile permet des nuances dans le plan de circulation ; et l’objet usuel contraint l’espace ponctuellement, il peut suggérer un arrêt ou une pause dans le mouvement. Même si tous ces éléments participent d’une même composition, leurs utilisations et leurs influences sur l’espace, bien que complémentaires, ne produisent pas les mêmes effets sur les comportements des usagers.

Figure 24 : plan du rez-de-chaussé de la Villa Shröder - Gerritt Rietveld - 1924 En gris, les éléments de mobilier (plan de circulation) se glissent dans les pliages et recoins des parois bâties.

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source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète, Marijke Küper Ida Van Zijl

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Le contrôle de l’architecte sur l’ameublement intérieur Certains architectes, ont des manières autoritaires de concevoir un ameublement indissociable de l’architecture. Concevoir mobilier et espace d’un même geste, et proposer un espace fini, meublé, voire décoré, semble être un processus aboutissant à un espace statique.

Figure 25 : Salle à manger de la Robie House - Frank Lloyd Wright - 1909

Figure 26 : Sallon Rose de la Villa Noaille Rob Mallet Stevens - 1925

La Robie House (figure 25) de Frank Lloyd Wright, est un espace de représentation, l’architecte met en scène son travail dans l’habitat. Chaque objet trouve sa place au sein de la composition. L’espace ne semble pas être habité, comme une pièce témoin, lieu de l’expression de l’architecte. La culture américaine et le goût pour les espaces codifiés, marquent fortement le travail de Frank Lloyd Wright. Le salon ou la salle à manger apparaissent comme des espaces dans lesquels l’appropriation par les habitants semble difficile. L’architecte allait même jusqu’à dessiner les robes de ses clientes, il crée une mise en scène, un espace qui n’est pas sans rappeler le salon bourgeois du XIXème. L’esthétique de Frank Lloyd Wright est partout, l’architecte associe conception de meuble et d’espace. Rob Mallet Stevens, dessine du mobilier pour des espaces spécifiques, ses meubles sont inspirés des formes issues de l’architecture. Il s’inscrit dans la pensée moderne, visant à éliminer l’inutile et le superflu des intérieurs. Pour lui, les meubles anciens n’ont pas leur place dans l’espace moderne. Pourtant, l’ameublement n’est pas la mission première de l’architecte, l’usager est encore libre de meubler son habitat. Mais l’architecte a un avis tranché sur cette question. Peut être était-ce la volonté de se libérer des éléments traditionnels dans l’architecture comme dans l’ameublement. « Rob Mallet Stevens ne tolère aucun meuble ancien et contraint ses commanditaires à se séparer des meubles de style et de prix en leur possession. »13 Rob Mallet Stevens s’entoure d’architectes, de designers et d’artistes dont les productions enrichissent son œuvre, des correspondances s’établissent entre les productions de ces acteurs de la modernité et son architecture. « (Les meubles) ne visent pas à agrémenter, à orner une pièce (..) ils construisent, sans aucun caractère décoratif »14 Pourtant l’intérieur la Villa Noailles (figure 26) est composé d’objets caractérisés par un style particulier, ils ne sont pas neutres et correspondent à une architecture et une esthétique nouvelle.

Figure 27 : Vue intérieure de la Villa Shröder - Gerrit Rietveld - 1924

Le travail de Gerrit Rietveld pour la maison Shröder, est également un exemple d’architecture totale ; bâti et mobilier sont indissociables tant le style et l’esthétique de l’architecte sont affirmés. Il semble difficile d’aménager l’espace dans un style différent de celui proposé par Gerrit Rietveld. La liberté d’aménager et de personnaliser l’intérieur extrêmement connoté de la Villa Shröder est réduite à la seule possibilité de déplacer les éléments ou de modifier la position des parois mobiles. 13 - 14

Rob Mallet Stevens L’œuvre complète, Oliver Cinqualbre

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La modernité pour tous La révolution industrielle et la crise du logement ont un impact sur les modes d’habiter, la conception du logement et du mobilier moderne. On ne pense plus l’habitat comme un espace de représentation que l’on remplit d’objets et de bibelots, mais comme un espace outil, une machine qui facilite le quotidien. Il est vrai que les commanditaires aisés de la Robie House ou de la Villa Noailles, offrent aux architectes un lieu d’expérimentation qui leur permet d’innover et de bâtir de nouveaux principes spatiaux. Néanmoins, la pensée moderne se veut être universelle et accessible à tous, les productions modernes ne sont pas uniquement destinées à une classe sociale aisée. Les Modernes, dans leur conception de bâtiments comme de meubles, ne négligent pas l’aspect économique, une grande attention est portée à la rationalisation du processus de production et de construction. Le logement et le mobilier moderne doivent être diffusés et accessibles à tous.

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Figure 28 : Table basse Ă plateau rond - Gerrit Rietveld - 1941

Figure 29 : Luminaire suspension - Gerrit Rietveld - 1922

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Le Mobilier moderne :

Conception architecturale

Les architectes du XXème siécle expérimentent différentes manières de concevoir l’espace moderne. Certains associent les éléments mobiles et architecturaux, d’autres les fusionnent pour créer de nouveaux objets dont le statut pose question.

L’objet usuel, une œuvre d’art ? Entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, on distingue l’art, discipline noble, de l’artisanat, simple expression d’un savoir faire. À cette époque, l’objet usuel est conçu en deux phases, le dessin fonctionnel de l’objet, puis son ornementation. À partir du XIXème siècle, la révolution industrielle permet la redéfinition de l’objet et son esthétique. Le design est l’équation parfaite entre l’art, l’industrie, et l’artisanat, c’est une nouvelle forme artistique, une nouvelle discipline. Souvent dans la conception moderne, la forme de l’objet usuel va au-delà de sa seule fonction, la qualité sculpturale ou encore picturale de l’objet le rend comparable à une œuvre d’art. Gerrit Rietveld, profondément influencé par le mouvement de Stijl, croit en la collaboration entre peinture, sculpture et architecture. Ses productions ne sont pas uniquement résultantes de leur fonction et semblent également être des objets d’art. L’architecte associe à sa conception les principes de rentabilité et d’industrialisation qui sont pour lui, les facteurs du renouveau de l’art et de l’architecture.15 Cependant, l’évolution du statut de l’œuvre d’art au XXème siècle et la mutation de la définition de l’objet artistique, complexifient le débat sur ce qui est, ou n’est pas de l’art. Le concept d’art industriel offrant à certains objets usuels le statut d’œuvre, est un des facteurs des évolutions de l’art au sens large du terme. Cette évolution pose question : les objets industrialisés peuvent-ils être des objets artistiques ? « Rietveld rejette l’artisanat qui n’est plus de son temps il plaide une œuvre plastique et autonome, il refuse le décoratif, la forme inutile, les matériaux de qualités et la construction solide. »16 Gerrit Rietveld, prône la sobriété et la production de masse, la technique et les nouveaux procédés industriels sont les outils d’une nouvelle production artistique. Il parle d’une esthétique rationnelle, un objet de fonction rationnelle résultant de la production industrielle. Il travaille différents assemblages de formes élémentaires dans l’espace et produit de savantes compositions épurées qui impactent l’espace à la manière d’une sculpture. Il est possible d’affirmer que la Table basse à plateau rond (figure28) comme le Luminaire suspension (figure29), ont des qualités plastiques et artistiques, malgré leur fabrication industrielle. 15 - 16

Source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète, Marijke Küper Ida Van Zijl

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Cependant, les meubles de Frank Lloyd Wright, radicalement différents, peuvent également être assimilés à des objets artistiques. Leur composition formelle, leur caractère unique et leur fabrication artisanale sont des éléments symptomatiques qui caractérisent les objets dits artistiques du début du XXème siècle. L’œuvre d’art étant une notion qui évolue dans le temps, le débat sur la qualité plastique de certains objets usuels s’élargit.

Le mobilier, espace d’expérimentation de l’architecte Souvent la forme du mobilier est issue de principes architecturaux chers au concepteur, le meuble est alors un espace d’expérimentation et d’expression, un outil précieux de travail et de recherche. Dans les année 1920, Gerrit Rietveld introduit dans son travail l’asymétrie et la construction en plan. La Berlin Chair (figure 30) est représentative de ces nouvelles notions. Elle est faite d’un assemblage de plans qui définit l’espace sans l’enserrer, sa composition asymétrique lui donne un caractère énigmatique. La chaise, objet usuel, devient une sculpture, voire un concept. L’asymétrie est une notion qui libère les modernes de la composition classique traditionnelle, cela contribue au renouveau de l’espace architectural comme de la production de mobilier. La Petite table de divan (figure31), également de composition asymétrique, résulte d’un assemblage de formes élémentaires dans l’espace. C’est une œuvre plastique et spatiale, comme pourrait l’être une maquette de projet architectural. La Petite armoire asymétrique (figure32) semble également être un essai de composition. Si elle n’est pas comprise dans intérieur, il est impossible de déterminer son échelle, ce meuble semble être à la fois un objet fonctionnel mais également un morceau de maquette pour la Villa Shröder. L’architecture de Gerrit Rietveld s’approche plus du mega-objet, que de la construction meublée. La villa Scrhöder (figure33), construite en 1924, est une immense sculpture habitée dans laquelle bâti et meubles se confondent. Elle peut être analysée comme la mise en volume à l’échelle du bâti, des principes mis en place par l’architecte dans son travail sur le mobilier. Les murs deviennent des meubles et inversement. Cette maison était un essai, une expérimentation « folle et asymétrique »17. L’architecture et le mobilier de Gerrit Rietveld usent de dispositifs similaires, et génèrent des espaces d’échelles différentes mais comparables en termes de qualité.

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Source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète, Marijke Küper Ida Van Zijl

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Figure 30 : Berlin Chair - Gerrit Rietveld 1923

Figure 31 : Petite table de divan - Gerrit Rietveld - 1923

Figure 32 : Petite armoire assymĂŠtrique - Gerrit Rietveld - 1923

Figure 33 : Villa ShrĂśder - Gerrit Rietveld 1924

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L’habitat moderne, un méga-meuble ? Les avants-gardes fabriquent de nouveaux espaces plus fonctionnels, pratiques et fluides; la maison préfabriquée est un élément de cette recherche architecturale nouvelle. La conception d’objets architecturo-mobiles produit un lien nouveau entre le meuble et l’architecture. Certains architectes modernes proposent de nouveaux modèles d’habitat. La Villa Shröder - Gerrit Rietveld - 1924

La Villa Shröder (figure34-35) est à l’origine, un prototype de maison préfabriquée, mais elle n’a jamais été produite en série. La possibilité de construire des maisons issues d’un processus industriel, modifie la conception du travail en chantier. On ne parle plus de construction mais de montage. La maison devient alors un objet de consommation, un objet usuel. Sa seule différence avec le meuble est son échelle et son caractère immobile. Dans la conception de Gerrit Rietveld, le lien entre les meubles et le bâtiment ne se limite pas à la plasticité de l’objet. La maison est un meuble au regard de son fonctionnement, les parois coulissantes du premier étage et de l’escalier permettent de moduler les espaces en fonction des besoins. Ce dispositif structure l’espace de manière ponctuelle, la paroi mobile s’utilise comme un paravent. Gerrit Rietveld conçoit un objet multifonctionnel à l’échelle du bâtiment.

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Figure 34 : Vue intérieure de la Villa Shröder - Gerrit Rietveld - 1924

Figure 35 : Vue intérieure de la Villa Shröder - Gerrit Rietveld - 1924

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La Villa Müller - Adolf Loos - 1928 Adolf Loos, architecte Viennois opposé à la sécession Viennoise, dont l’essai « ornement et crime » s’oppose aux décors et à l’ornementation, aménage l’intérieur de la Villa Müller. Il porte une grande attention à l’utilisation des matériaux, garants de la qualité de l’espace. La théorie du Raumplan18 parle d’une conception de l’espace simultanée dans les trois dimensions. Adolf Loos travaille les différences de niveaux, les alcôves etc.. La Villa Müller est conçue de l’intérieur, l’architecte Viennois projette les pratiques et les usages pour dessiner le projet. « Je ne projette ni plan, ni coupe, ni façade, je projette l’espace »19 Les éléments mobiles et architecturaux semblent être liés dans l’espace intérieur (figure37) ; les étagères se prolongent et deviennent un garde corps pour l’escalier (figure38) et les banquettes sont intégrées aux parois (figure39). L’architecte mutualise les usages et les espaces. Adolf Loos conçoit l’intérieur de la maison Müller à la manière d’un meuble multi-fonction qui se déploie et se déplie dans un volume simple, la façade extérieure (figure36) n’exprime pas la complexité de l’espace intérieur.

Figure 36 : Villa Müller - Adolf Loos - 1928

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Raumplan : Projeter dans espace Propos de Adolf Loos, source : http://socks-studio.com

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Figure 37 : Intérieur de la Villa Müller, espace séjour - Adolf Loos - 1928

Figure 39 : intérieur de la Villa Müller, banquette - Adolf Loos - 1928

Figure 3 : intérieur de la Villa Müller - Adolf Loos - 1928

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La maison de Verre - Pierre Charreau - 1931 Pierre Charreau construit une machine dans laquelle s’articulent tous les équipements du logement nécessaire au confort de l’Homme moderne. L’architecte s’écarte de certaines grandes idées prônées par les avant-gardes, cependant il n’est pas moins moderne que ses contemporains. La dimension sociale dans l’architecture due à l’urgence de construire du logement au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, n’est pas sa préoccupation première, Pierre Charreau fait le choix de l’exception. Son travail sur la maison de verre (figure40), commande de prestige qui lui offre la possibilité d’expérimenter nombre de dispositifs, est un exemple de machine à habiter. Le principe de Pierre Charreau est de bâtir une boîte de verre basée sur une structure de dalles et de poteaux métalliques ; dans laquelle s’articulent une multitude de dispositifs spatiaux et mécaniques. Les éléments coulissent, se déroulent, se déplient, au service des habitants. L’architecte pense des systèmes d’escaliers escamotables pour aller d’un espace à un autre sans passer par l’escalier principal (figure41-42). Les portes des chambres sont creuses, ce sont des placards pivotants qui permettent à la domestique de ranger des objets sans déranger les habitants. Ce dispositif anéantit la distinction entre architecture, décoration et mobilier. La maison de Verre est une exception, elle est destinée à une élite bourgeoise, et malgré sa forme et sa conception moderne, elle répond à un programme classique. Elle est conçue comme un grand meuble dans lequel toutes les fonctions sont pensées. Les parois deviennent rangements et inversement, les escaliers se plient et se déplient comme autant de passages secrets entre les espaces de réception et les espaces intimes. La maison de Verre, comme un moteur, tourne grâce aux pratiques des habitants20. Pierre Charreau questionne le statut des objets et des matériaux en introduisant d’étranges paradoxes dans son projet. Il abolit les conventions relatives à l’utilisation de certains matériaux en dessinant une façade en brique de verre pour un programme bourgeois, matériau utilisé pour les sous-sols ou les sanitaires. De plus, il utilise des éléments industriels de manière artisanale. La maison de Verre comprend tous les éléments nécessaires au quotidien. L’architecte intègre meubles et équipements à l’espace, il dessine un meuble de verre habitable.

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Source : La maison de Verre, vidéo Arte Architecture, Stan Neumann et Richard Copans

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Figure 40 : Maison de Verre - Pierre Charreau - 1931

Figure 41 : Maison de Verre, portes coulissantes de l’entrée de l’appartement - Pierre Charreau - 1931

Figure 42 : Maison de Verre, escalier principal - Pierre Charreau 1931

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La maison à Nancy - Jean Prouvé - 1954 Jean Prouvé prend position sur la relation entre le meuble et l’architecture au cours de sa carrière. En 1924 il crée un atelier à Nancy et ses premières réalisations sont des ferronneries, il est sollicité par Rob Mallet Stevens en 1928 pour les ferronneries escamotables de la chambre en plein air sur la terrasse de la Villa Noailles (figure43).

Figure 43 : Chambre en plein air de la villa Noailles - Rob Mallet Stevens - 1928

En 1950, il dessine douze maisons industrialisées qui sont montées à Meudon (figure44), cette commande du ministère de la reconstruction devait introduire une production plus importante, mais restera sans suite. Jean Prouvé est un architecte constructeur, il met au point des systèmes de façades légères dont l’élément déterminant est le profil raidisseur. Les éléments standardisés sont améliorés grâce aux nouvelles techniques de fabrication (extrusion, emboutissage). À ses débuts, le travail de Jean Prouvé est basé sur la technique, il profite des nouveaux procédés pour construire différemment. La maison de Jean Prouvé à Nancy (figure45) est montée avec des éléments préfabriqués récupérés. La forme de la maison résulte d’un processus de conception basé sur une logique technique. Il se préoccupe avant tout de la fabrication et de la construction, les considérations d’ordre spatiale chères à ses contemporains, sont ici secondaires. Il prône l’économie d’effort et la simplicité. Jean Prouvé ne construit pas sa maison, il l’assemble, comme il assemblerait un meuble.

Figure 44 : Prototype de maisons préfabriquées pour des logements à Meudon - Jean Prouvé - 1950

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3 Le Mobilier moderne : Conception architecturale


Figure 45 : Maison de Jean ProuvĂŠ Ă Nancy - 1954

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Le mobilier, générateur d’un espace qui lui est propre La plupart des architectes modernes abordent parallèlement mobilier et architecture, la rencontre de ces deux éléments produit des espaces dont le statut évolue. La maison préfabriquée est un exemple d’ouvrage architectural d’un nouveau genre. Différentes analyses et interprétations du rapport entre mobilier et architecture sont possibles. Certains meubles sont des objets autonomes qui produisent leur propre spatialité, bien qu’ils soient intégrés dans un espace intérieur pré-conçu. Les Modernes conçoivent des meubles générateurs de leur propre espace, cependant cette idée est déjà abordée bien avant le XXème siècle. Antonello da Messina, peintre Italien de la renaissance illustre ce point. « Saint Jérome dans son étude » (figure46), est une représentation du concept du meuble autonome, intégré dans un espace bâti. Le peintre représente une succession de plans qui varient entre espace architectural et espace du meuble. Au premier plan, l’encadrement d’une porte de style catalan, au second plan, St Jérome, assis à une table de travail, et à nouveau un décor architectural en arrière plan. La table de lecture de Saint Jérome ne semble pas être un objet ordinaire, elle participe du dessin architectural. La composition savante du tableau crée des correspondances entre le meuble et l’espace. À gauche du tableau, la porte encadre parfaitement la fenêtre en arrière plan, les piles des voûtes tombent sur les angles de l’objet central comme si celui-ci était imbriqué dans l’espace architectural. Pourtant, les ombres au sol et les différences de matériau, indiquent clairement que cet objet est rapporté dans l’espace. Saint Jérome se trouve dans une cathédrale mais également dans un espace qui semble plus intime et privé, puisqu’il a laissé ses chaussures au pied du meuble. Le peintre affirme le caractère mobile de l’objet représenté, tout en le liant à l’espace bâti dans lequel il se trouve. L’espace peint par Antonnello Da Messina questionne la nature et le statut des objets qui composent la toile. Les travaux des architectes et designers modernes, présentent également des productions de meubles autosuffisants. Ils ne sont pas nécessairement associés un espace spécifique, mais entretiennent des relations à l’architecture. Cependant, les proportions du mobilier moderne ne sont pas comparables à l’objet représenté dans la peinture d’Antonnello Da Messina. En revanche, certains architectes contemporains dessinent de véritables mega-meubles dont les dimensions ne sont ni celles du mobilier, ni celles de l’architecture.

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Figure 46 : « Saint Jérome dans son étude » - Antonnello da Messina - 1476

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Le grand meuble21 peut être abordé comme une nouvelle typologie ; c’est un nouveau statut pour de nouveaux objets qui ne sont ni meubles, ni architecture, ou bien les deux à la fois. Contrairement au mobilier moderne, généralement déplaçables, les grands meubles sont fixes. Pourtant, leurs caractéristiques se rapprochent de celles du mobilier. Ils rassemblent plusieurs fonctions (table-rangement, garde corps-bibliothèque, étagèrebureau etc..) et ont un rôle structurant dans l’espace architectural. Ces objets permettent la redéfinition d’espaces plus intimes, dans un grand volume. Ils existent en réaction à l’espace ouvert et fluide des Modernes qui rendent parfois les usages quotidiens plus compliqués. Si le mobilier moderne fait partie intégrante de la conception des architectes du XXème siècle, aujourd’hui ces objets hybrides liant l’échelle du bâti à celle du meuble, ont des caractéristiques bien différentes. Les grands meubles sont des objets éphémères, qui comblent les manques de l’architecture en termes d’usage, ils proposent un espace entre le plan libre et l’encloisonnement. Le travail d’Elisabeth Diller et Ricardo Scofidio, pour le réaménagement du restaurant du Seagram Building de Mies Van Der Rohe à New York (figure47), est basé sur le concept du grand meuble défini précédemment. La salle du restaurant est une enveloppe de bois ouverte latéralement, et dont la forme se déplie en développant quelques éléments relatifs aux usages, comme les banquettes. L’homogénéité des matériaux contribue à l’unicité de l’ensemble, l’espace du restaurant est un grand meuble qui rassemble plusieurs fonction. Il est indispensable au fonctionnement du plan. Les architectes de l’agence Studio Parade expérimentent eux aussi le grand meuble. Ils conçoivent un objet rassemblant toutes les fonctions nécessaires à l’activité d’une entreprise dont les bureaux se trouvent dans un ancien entrepôt (figure48). Les espaces de rangement, de réunion et de bureaux ; sont intégrés dans ce vaste objet en bois qui siège dans un volume relativement banal et froid. L’estrade sur laquelle se greffe tous les usages du meuble n’est pas sans rappeler la table de travail de Saint Jérome peinte par Antonnello Da Messina. Le grand meuble conçu par Studio Parade est totalement autonome, il est en rupture avec l’espace investi.

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source : AMC N°119 Octobre 2001, article : Détail Grands Meubles par Emmanuel Caille

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Figure 47 : Restaurant du Seagram Building Ă New York - Elisabeth Diller et Ricardo Scofidio - 2000

Figure 48 : Grand meuble de Bureau - Studio Parade - 2000

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Le travail de ces architectes sur les grands meubles correspond à certains éléments du travail d’Adolf Loos pour la maison Müller. La différence étant que les éléments interieurs créées par l’architecte viennois ne soient pas dissociables de l’architecture. Il crée un intérieur rassemblant tous les usages de l’habitat dans un continuum formel et matériel, c’est un grand meuble intégré à l’architecture. Les grands meubles contemporains sont clairement dissociés de l’espace bâti, ce qui induit un possible renouvellement de ces objets en fonction de l’évolution des usages. L’espace de la maison Müller ne permet pas une telle adaptabilité.

Les menuiseries des fenêtres de la maison Fisher de Louis Kahn se déploient également dans un continuum matériel et deviennent une banquette. On retrouve l’idée de l’association d’éléments de différentes natures, l’espace de la fenêtre se complexifie, il devient à la fois meuble et architecture. Louis Kahn met en place un dispositif similaire pour les alcôves de la bibliothèque Exeter (figure50). (figure49),

Le principe selon lequel Adolf Loos associe meuble et architecture de manière continue dans la maison Müller, s’applique de manière ponctuelle dans la maison Fisher. Le détail de la fenêtre-banquette pourrait être un morceau de grand meuble.

Figure 49 : Fenêtre de la maison Fisher - Louis Kahn - 1967

Figure 50 : Alcôves de la Bibliothèque Exeter - Louis Kahn 1972

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Le mobilier dans son rapport au corps

« Charlotte Perriand apporte au mobilier ce que Coco Chanel apporte à la même époque au vêtement »22 Les meubles, comme les vêtements sont des objets du quotidien, on les use, on les change, on les répare. Le rapport qu’entretiennent ces objets avec le corps est à la fois utile et sensuel, leurs formes résultent d’une analyse de la morphologie humaine, des positions et de la composition du corps. Le Corbusier imaginait les meubles comme des vêtements, ils dissociait donc les meubles pour femmes et pour hommes. Aux cotés de Charlotte Perriand, il comprend que la mutation du rapport au corps dans la société oblige à s’interroger sur les usages et les pratiques. Cela engendre de nouveaux paramètres et outils de conception. Charlotte Perriand prouve à Le Corbusier que le genre féminin comme masculin d’un individu n’impacte pas sur la manière dont il s’assoit.23 La position de Charlotte Perriand peut être analysée comme facteur de l’évolution du statut de la femme mais surtout de la progression de sa considération comme l’égale de l’homme. Les photos de la chaise longue basculante de Charlotte Perriand, sur laquelle est allongée une jeune femme dont la jupe dévoile ses genoux (figure51), résulte l’évolution des comportements et des pratiques dans la société. Au XXème siècle, ce genre d’image révolutionne la représentation de la femme.

Figure 51 : Chaise longue basculante - Charlotte Perriand, Le Corbusier - 1928

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Source : Charlotte Perriand un art d’habiter, Jacques Barsac

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Le lien entretenu entre le meuble et le corps ne se résume pas au fait social précédemment évoqué, la question évidente du dimensionnement de l’objet est également abordée par les architectes, designers, et concepteurs. Les réglages de hauteur, de largeur, de gabarit, d’envergure, d’échelle etc.. sont extrêmement précis et fins, ils déterminent la qualité de l’objet. Ces paramètres s’appliquent également à l’architecture ; le dimensionnement des volumes des espaces mais aussi la justesse de l’échelle du bâti, déterminent le rapport entre l’utilisateur et l’édifice. Le Modulor (figure54), système de dimensionnement des espaces basé sur la mesure de l’Homme, est un outil de conception dans le travail de Le Corbusier. L’unité d’habitation à Marseille est conçue à partir de ce travail sur la taille de l’Homme. L’espace est optimisé, les dimensions déterminées en fonction de la situation dans laquelle le corps se trouve lorsqu’il pratique l’espace. C’est là qu’est l’enjeu de ce réglage millimétré. Les cellules de la cité radieuse sont conçues comme des meubles habités ; la dimension de la chambre (figure52) est basée sur l’étude de l’espace optimal nécessaire à une personne, le salon (figure53) est dimensionné en fonction de la famille, et le hall d’entrée, en fonction du nombre d’usagers qui fréquentent le bâtiment chaque jour. Le Modulor permet cet enchainement d’échelles qui rend les dimensions des espace adéquats à leurs usages. Le Corbusier fait du corps humain un outil déterminant dans sa conception de l’espace.

Figure 52 : Chambre de la cellule de l’Unité d’Habitation à Marseille - Le Corbusier - 1952

Figure 53 : Espace Séjour de la cellule de l’unité d’habitation à Marseille - Le Corbusier - 1952

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Figure 54 : Le Modulor - Le Corbusier - 1952

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Le Cabanon de Le Corbusier à roquebrune-Cap-Martin Parallèlement à la construction de l’unité d’habitation, Le Corbusier conçoit le cabanon à Roquebrune-Cap-Martin (figure56). C’est un projet bien plus modeste ; un cabanon privé, solution transitoire pour les vacances de Le Corbusier en attendant la construction d’un autre projet dans lequel un appartement lui est réservé. Les premiers croquis du cabanon traduisent clairement la considération première de l’architecte pour l’aménagement et la fonctionnalité de l’espace. Le Corbusier dessine uniquement les meubles et teste différents agencements (figure55). Les éléments de mobilier permettent de caractériser l’espace, de déterminer les limites et les partitions du volume. La valeur fonctionnelle importe plus que la valeur technique. Le Corbusier inverse les conventions de représentation ; il dessine en traits forts les meubles et en traits fins les parois bâties, c’est bien le mobilier qui génère l’espace. Dans une phase de conception plus avancée, il travaille le détail des éléments mobiles qui s’encastrent dans les parois du cabanon à mesure que son dessin se précise.24 Le Corbusier se base sur le tracé d’une spirale de plan carré (figure57) et sur les dimensions du Modulor pour concevoir un espace fonctionnel et rationnel. L’architecte conçoit un espace en adéquation avec les pratiques de l’homme, l’usager se blottit dans l’architecture du cabanon.

Figure 55 : Croquis du cabanon de Le Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin - Le Corbusier - 1951 24

Source : Le Corbusier à Cap-Martin, LE CABANON, Bruno Chiambretto

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Figure 56 : intérieur du cabanon de Le Corbusier, coin repas - Roquebrune-Cap-Martin - 1951

Figure 57 : Schéma du tracé en plan du cabanon de Le Corbusier

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Le Mobilier moderne :

Un symbole

Le mobilier, au-delà de sa valeur d’usage, d’espace et d’objet, est aussi un support d’expression. C’est un espace de projection de principes spatiaux, picturaux, constructifs, volumétriques et physiques. Les objets usuels pensés par les architectes sont parfois la synthèse d’un travail, d’une réflexion ou d’un processus. Ils transcendent la question de l’usage. La simple chaise dépasse le cadre purement fonctionnel ; les lignes, formes, courbes et plans qui la composent, prennent sens au regard de la position du concepteur dans l’exercice du métier d’architecte. Le meuble, en plus de sa valeur d’usage évidente, peut être une œuvre plastique ; mais il peut également cristalliser un concept ou une pensée. L’usage en est parfois réduit à un prétexte, tant le concept domine. Souvent les éléments de mobilier sont associés à des édifices, qui eux aussi sont emblématiques d’un style ou d’une époque. Les objets qui meublent ces espaces références sont des exemples en termes de conception de mobilier.

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La Robie Chair - Frank Lloyd Wright - 1909. La Robie Chair (figure58) a été conçue en lien avec l’espace de la Robie House, néanmoins, au-delà de sa relation avec l’architecture, elle produit également sa propre spatialité. Les Robie Chairs sont disposées autour de la table (figure59), dans la salle à manger de la Robie House. La hauteur de leur dossier crée une enveloppe autour de l’espace repas, et leur forme protège celui qui s’y trouve assis. C’est l’ensemble des chaises disposées autour de la table qui génère un espace autonome à l’intérieur même de l’espace architectural.

Figure 58 : Robie Chair - Frank Lloyd Wright - 1909

La Robie House, exemple le plus connu de la série des Prairies Houses, est représentative d’un moment de la carrière de Frank Lloyd Wright. L’ameublement fait partie intégrante de l’architecture et devient par cette continuité, emblématique du travail de l’architecte sur le mobilier. Il bannît l’ornement de son travail, et conçoit des meubles, plus simples, aux lignes épurées, mais non moins sophistiqués et composés que les meubles classiques de la fin du XIXème siècle. Pour autant, le style de la Robie Chair n’est pas neutre ; il est imprégné des convictions esthétiques de l’architecte américain, et son design est intimement lié à l’espace architectural. Les lignes verticales de la Robie Chair ne sont pas sans rappeler les menuiseries en bois du salon (figure60) ; et ses dimensions lui donnent une importance non négligeable dans l’espace. C’est une chaise de prestige, un trône, un objet destiné à une élite. Les travaux de Frank Lloyd Wright participent de la mutation de la conception du mobilier ainsi que des espaces de l’habitat entre le XIXème et le XXème siècle.

Figure 60 : Robies Chairs dans le sèjour de la Robie House - Frank Lloyd Wright - 1909

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Figure 59 : Robies Chais dans la salle Ă manger de la Robie House - Frank Lloyd Wright - 1909

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La Chaise Rouge et bleu - Gerrit RIetveld - 1918 /1923

Figure 70 : Chaise Rouge et bleu Gerrit Rietveld - 1924

La chaise Rouge et bleu (figure70) conçue en 1918, n’est pas peinte et est appelée chaise à lattes (figure72). C’est à partir de 1923 que Gerrit Rietveld utilise les couleurs primaires, ce qui renfonce le caractère indépendant des éléments qui composent la chaise. Elle prend la forme d’une œuvre picturale à part entière ; et sera souvent décrite comme la mise en volume du travail du peintre Piet Mondrian (figure71). Si Gerrit Rietveld n’accorde pas la même importance que le peintre à la couleur, la chaise Rouge et bleu devient tout de même le manifeste du mouvement de Stijl, en partie pour sa qualité picturale. Pourtant, il en existe des exemplaires, roses, verts, ou encore blanc, qui ne sont pas moins authentiques.25 Gerrit Rietveld conçoit un objet, qui deviendra l’emblème, d’un mouvement, d’une époque, mais également de son travail. La chaise met en avant différents principes qui dépassent son usage premier. À l’époque, le mode d’assemblage des éléments qui constituent la chaise est atypique, car il est pensé dans la perspective d’une production industrielle. Les montants, châssis, lattes et planches sont des éléments simples et sobres dont l’assemblage produit une œuvre plastique. Le procédé de conception et de construction est ancré dans une époque où l’avènement de l’industrie et le progrès effraient comme fascinent les populations.

Figure 71 : Tableau I - Piet Mondrian 1921

La chaise Rouge et bleu prend corps dans l’espace de manière autonome. Elle trône dans l’intérieur de la maison Shröder (figure74), à la manière d’une sculpture ; mais on retrouve également un modèle peint en blanc dans l’intérieur de Til Burgman. (figure73) Elle participe pleinement de la composition architecturale et s’y intègre naturellement. Lignes et plans s’additionnent et modifient la perception de l’espace, dans une relation étroite avec les éléments qui l’entourent, la chaise compose et structure une portion d’espace. Gerrit Rietveld crée une sculpture, un objet qui agit sur l’espace.

Figure 72 : Chaises à lattes - Gerrit Rietveld - 1918 Figure 73 : Chaise à lattes blanche intérieur de Til Burjman - Gerrit Rietveld - 1924 25

Source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète, Marijke Küper Ida Van Zijl

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Figure 74 : Chaise Rouge et bleu dans la villa Shrรถder - Gerrit Rietveld - 1924

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La Chaise longue basculante - Le Corbusier, Charlotte Perriand 1928 « Le mobilier, chainon manquant à Le Corbusier pour parvenir à la modernité intégrale de son œuvre de bâtisseur »26

Figure 75 : Chaise longue basculante Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928

Le premier prototype de la chaise longue basculante de Le Corbusier et CharlottePerriand apparait lorsque, lors du congrès CIAM en 1928 ; on déclare l’urgence de modifier le mobilier dans les logis, car trop volumineux, encombrant et pas assez fonctionnel. 27 Charlotte Perriand utilise différents matériaux, tissus et palettes de couleurs selon le standing de la commande. La chaise longue basculante (figure75) résulte d’un processus de fabrication complexe qui rend difficile son industrialisation et donc sa diffusion à un large public. Elle sera réservée aux notables ayant les moyens de la faire fabriquer de manière artisanale. La chaise longue basculante fait partie des meubles emblématiques du XXème siècle. Elle est utilisée pour la première fois dans la bibliothèque de la Villa Church (figure77), espace dans lequel les meubles « tels des personnages semblent converser »28. Les caissons métalliques qui matérialisent tout un pan de mur, la niche de la fenêtre, le fauteuil grand confort, le fauteuil à dossier, et la chaise longue basculante ; sont autant d’éléments qui se juxtaposent et composent l’espace dans une harmonie simple et épurée. La chaise longue de Charlotte Perriand et Le Corbusier trouve sa place dans cette nature morte empreinte de modernité. Elle participe également de l’aménagement de la Villa Savoye (figure78), une commande de prestige pour Le Corbusier qui lui permet de concevoir une villa manifeste de la modernité. Les principes prônés par l’architecte, quant à son travail sur les villas blanches, sont ici tous exprimés. La Villa Savoye illustre les cinq points de l’architecture moderne29, et son intérieur satisfait tous les besoins fonctionnels. Naturellement l’ameublement intérieur composé en grande majorité de meubles conçus par Charlotte Perriand, devient un exemple pour l’aménagement moderne. La chaise longue basculante trône dans cet intérieur lisse et épuré, lequel restera dans les mémoires comme le bilan d’une longue recherche pour un espace moderne.

Figure 76 : Article « Wood or Metal » de la revue The studio - 1929

La Revue anglaise the studio30, publie l’article de Charlotte Perriand, « Wood ou Metal » (figure76) qui résonne comme une réponse à l’article de l’écrivain britannique John Gloag, contre l’utilisation du métal. Charlotte Perriand met en avant la chaise longue basculante et fait la promotion de l’utilisation du métal pour le mobilier. Ainsi la chaise, née dans l’atelier de la designer à St Sulpice, devient un élément incontournable de la production de meuble au XXème siècle. Elle est plus q’une simple chaise et représente la possibilité de créer de nouveaux objets inscrits dans leur temps, en se servant des nouvelles techniques. Bien qu’elle soit accessible uniquement à une élite bourgeoise, les nombreuses publications dont elle fait l’objet participent à en faire un mobilier emblématique de la période moderne. 26 - 27 - 28 29 30

Source : Charlotte Perriand un art d’habiter, Jacques Barsac Le plan libre, le toit terrasse, les pilots, la fenêtre en bandeau et la façade libre The Studio - numéro d’avril 1922, article « Wood or Metal ? »

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Figure 77 : Chaise longue basculante dans la bibliothèque de la villa Church - Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928

Figure 78 : Chaise longue basculante dans la villa Savoye - Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1931

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Le Fauteuil Barcelona n°MR90 - Mies Van Der Rohe 1929.

Figure 79 : Fauteuil Barcelona n°MR90 - Mies Van Der Rohe - 1929

Le Fauteuil Barcelona (figure79) conçu par Mies Van Der Rohe, est spécialement créé pour le pavillon Allemand à l’exposition universelle de Barcelone en 1929 (figure82). Fauteuils et chauffeuses sont des meubles dont l’élégance des lignes et la qualité de fabrication en font des objets plastiques, voire artistiques. Ce sont les pièces témoins du savoir faire allemand en termes de design, de conception, et de fabrication de mobilier. Ces fauteuils sont destinés à la famille royale espagnole et Mies Van Der Rohe les dessine comme des trônes modernes. « Une chaise est un objet très difficile à faire. Tous ceux qui ont déjà essayé d’en faire le savent. Il y a une infinité de possibilités et beaucoup de problèmes – la chaise doit être légère, elle doit être solide, elle doit être confortable. C’est pratiquement plus facile de construire un gratte-ciel qu’une chaise.»31

La Table E1027- Eileen Gray 1930 La table E1027 (figure80) de Eilenn Gray est un objet usuel dont l’élégante composition semble pincer ponctuellement l’espace. Elle s’associe à d’autres éléments pour trouver différents usages (table de divan ou encore table de chevet). La composition du meuble en verre et acier chromé, faite de deux disques traversés par deux éléments verticaux ; suffit à produire une structure solide d’apparence légère. La hauteur du plateau haut est réglable, ce qui permet une adaptabilité de l’objet à l’espace dans lequel il s’intègre.

Figure 80 : Table E1027 Eileen Gray - 1930

Figure 81 : Table portables Eileen Gray - 1923 - 1930

Eileen Gray produit préalablement entre 1925 et 1930, d’autres prototypes de tables portables basés sur le même concept (figure81) ; objets de sa recherche en terme de matériaux et de formes. La table E1027 est un objet dont la conception simple et efficace offre une qualité et un confort supplémentaire à l’intérieur dans lequel il se trouve. Cet objet autonome peut composer avec l’espace de multiples manières (figure83) ; de part son rapport de proximité avec d’autres objets ou avec des éléments bâtis. Là aussi, le caractère emblématique de la table E1027 est en lien avec l’objet architectural auquel elle est associée. La Villa E1027, première expérience architecturale de la designer, est conçue en collaboration avec l’architecte Jean Badovici. Cette réalisation correspondant aux cinq points de l’architecture énoncé par Le Corbusier, est une critique de la conception des espaces modernes jugés froids, et trop peu attentifs au besoin d’intimité des usagers. Le couple mettra trois ans à dessiner et concevoir les plans et le mobilier ; Eileen Gray porte une grande attention à la qualité de l’aménagement intérieur. La Villa E1027 est le projet manifeste de l’évolution de sa carrière discrète, au cours de laquelle elle a très peu construit. Néanmoins, la valeur actuelle de ses productions témoigne de l’importance de son travail dans le monde de l’architecture et du design au XXème siècle. La table E1027 témoigne de l’évolution radicale des productions d’Eileen Gray. 31 Déclaration de Mies Van Der Rohe lors d’un entretient l’année suivant la construction du pavillon Allemand à Barcelone

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Figure 82 : Les fauteuils Barcelona dans le Pavillon Allemand à Barcelone - Mies Van Der Rohe - 1929

Figure 83 : La chambre d’ami de la Villa E1027 montrant un paravent en métal perforé et la table E1027 - Eileen Gray, Jean Badovici - 1930

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CONCLUSION

Mobilier et architecture entretiennent des relations qui mutent parallèlement à l’évolution de la société, des moeurs et de la technique. Les rapports entre objets et bâtiments se complexifient au cours des temps. Cependant, les questions que se posent les architectes Modernes au XXème siècle sont encore d’actualité. Comment adapter un habitat à une société continuellement en évolution ? Aujourd’hui, la possibilité de changer rapidement et facilement de mobilier, voire d’habitat ; témoigne de l’état d’une société en perpétuelle demande de renouveau. Les grands magasins de meubles comme IKEA produisent du mobilier montable et démontable, que l’usager peut changer à souhait. Les meubles actuels et les meubles du XVIIIèmesiècle sont radicalement différents. Les dessins des objets sont en total opposition, mais au-delà de l’esthétique, l’usage et les pratiques sont aussi différentes. Aujourd’hui, les grands buffets en bois massif n’ont plus leur places dans l’habitat, il y a un réel problème de surface. De plus l’utilisation de ces buffets volumineux n’est pas quotidienne. Les changements évidents du rapport entre meuble et architecture, posent la question de la manière dont ces relations existent aujourd’hui. Actuellement, faire meubler son habitat par un professionnel est réservé à une élite ayant les moyens d’accéder à ce genre de service. Mais la pocession de réédition de mobilier historique du XXème siècle est également réservé à une catégorie sociale aisée. Aujourd’hui, ces meubles emblématiques de la période moderne sont produits par des entreprises spécialisées. Cassina, société fondée en 1927 par Cesare et Umberto, produit ces objets dont la valeur a considérablement augmenté. Les Modernes avaient pour ambition de créer et produire du mobilier accessible à un large public ; cependant la valeur symbolique et artistique de ces objets a engendrée une augmentation de leur valeur sur le marché. Meubler son séjour avec la Chaise longue basculante (figure84), la table E1027, la Chaise Zig Zag (figure85) ou encore la Chaise n°14 est aujourd’hui un luxe. Cependant, la surproduction d’émissions de télévision, de magazines ou de revues au sujet de la décoration et l’aménagement de l’habitat ; pousse de plus en plus de personnes à s’intéresser au mobilier. Aménager et décorer son habitat est aujourd’hui un loisir, voire un jeu. Les grands Magasins (IKEA) évoquées précédemment participent de ce phénomène. Chacun peut penser et concevoir son habitat, en associant les objets les uns aux autres. La relation entre le meuble et l’architecture dans le logement est entre les mains de l’usager.

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Conclusion


Figure 84 : Chaise-longue LC4 designée par Le Corbusier et Charlotte Perriand - réédition spéciale « Homage » à Charlotte Perriand en 2014 Cassina & Louis Vuitton

Figure 85 : Chaise 280 Zig Zag designée par Gerrit Rietveld en 1934 et rééditée par Cassina

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Conclusion


Les professionnels (ébénistes, architectes, décorateurs, designers etc…) sont plus souvent sollicités pour des commandes publiques. Les aménagements intérieurs projetés par les architectes contemporains s’intègrent souvent dans des espaces existants qu’il faut rénover et réaménager pour de nouveaux usages. Les projets de grands meubles sont une issue possible. Le travail de Odile Decq pour la brasserie de l’Opéra Garnier à Paris est un exemple d’aménagement intérieur nouveau en rupture totale avec l’architecture du lieu. C’est un grand meuble qui s’intègre dans le volume de l’édifice, « Un vaisseau glissé sous la coupole. Un nuage lové entre l’existant »32. Sa réalisation est due à un usage nouveau à l’intérieur d’un monument historique qui ne permet pas cette pratique à la base.

(figure86-87),

L’aménagement du Palais de Tokyo proposé par Lacaton et Vassal en 2012 (figure88-89) entretient un rapport différent à l’architecture, les architectes rénovent le bâtiment uniquement pour rendre l’accès au public possible. Tous les éléments liés aux pratiques du musée sont mobiles, l’organisation des expositions est uniquement contrainte par la capacité du volume du palais. En composant avec de simples meubles, boîtes et cloisons mobiles, les architectes produisent un espace fonctionnel dont les mutations futures seront facilitées, du fait de l’économie de moyen mis en œuvre. Aujourd’hui le mobilier, quelque soit ses dimensions, se déplace, se change et s’échange ; il s’adapte à tout type de situations et son utilisation est souvent éphémère. La rapidité à laquelle évolue la société et la technique, crée continuellement un besoin de renouveau, les architectes l’ont compris, les objets architecturaux-mobile sont peut être une réponse à ce besoin de changement incessant.

32 Propos de l’architecte Odile Decs, Source : « Odile Decq « restaure » l’opéra Garnier » article de Jacques-Franck Degioanni pour Le Moniteur Hebdo

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Conclusion


Figure 86 : Aménagement intérieur de la Brasserie de l’Opéra Garnier à paris - Odile Decq - 2011

Figure 87 : Aménagement intérieur de la Brasserie de l’Opéra Garnier à Paris - Odile Decq - 2011

Figure 88 : Aménagement intérieur du Palais de Tokyo à Paris, Hall d’entré - Lacaton et Vassal - 2012

Figure 89 : Aménagement intérieur du Palais de Tokyo à Paris, salle d’exposition - Lacaton et Vassal - 2012

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Conclusion


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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

OUVRAGES - SBRIGLIO Jacques - Le Corbusier unité d’habitation de Marseille - édition Parenthèses 2013 - 186 287 pages - Frank Lloyd Wright - Testament - Edition Parenthèses collection Eupalinos - 2005 - 211 pages - LÀGANA Guido - Charles Renie Mackintosh 1868-1928 - Edition Electa - 1988 - 195 pages - BRACE TAYLOR Brian - Pierre Charreau designer and architect - Edition Tashen - 1992 - 160 pages - CINQUALBRE Oliver - Rob Mallet Stevens l’oeuvre complète - p 54 : Aménagement intérieur et mobilier : une quête modernne - Paris : Ed. du Centre Pompidou - Collection : Les cahiers du musée national d’art moderne - 2005 - 400 pages - RÜEG Artur - Charlotte Perriand Livre de bord 1928 -1933 - Edité par Artur Rüeg in Folio - 2004 - pages - BARSAC Jacques - Charlotte Perriand, un art d’habiter - Norma Edition - 2005 - 512 pages - VAN ZIJL Ida - Gerrit Rietveld L’oeuvre complète - Edition Central museum Utrecht - 1992 - 396 pages - CHIAMBRETTO Bruno - Le Corbusier à Cap-Martin, Le cabanon - Edition Parenthèses - 1988 - 88 pages - GARNER Philippe - Eileen Gray designer and architect - Edition Tashen - 2007 - 160 pages

FILMS ET VIDÉOS - COHN Jason, JERSEY Bill - Naration de James Franco - Eames, the architect and the painter - 2011 - 85 min - NEUMANN Stan, COPANS Richard - La maison de Verre - Vidéo Arte Architecture - production : ARTE FRANCE, LES FILMS D’ICI, RMN - 25min - NEUMANN Stan, COPANS Richard - La maison de Jean Prouvé - production : ARTE FRANCE, LES FILMS D’ICI, RMN - 25min

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Notice bibliographique


ARTICLES - Ida Van Zijl - Gerrit Rietveld - Le moniteur architecture AMC n° 4243 Juin-Juillet 1993 p 46 - Emmanuel Caille - Détail Grands Meubles - AMC n°119 Octobre 2001 - p 122

CATALOGUES - Catalogue de l’académie d’architecture - Le corbusier la constriction de l’immeuble clarté - Édité par Gustavo Gili - 1999 - CAUE de l’Aveyron - Architecture et design 1850, 1900, 1950 - Exposition Desiderata Design Collection Le Rayon Vert - 2006 - La Cité du Design - Dossier pédagogique, histoire et formes de demain - Collection de design du musée d’art moderne de St-Etienne Métropole - 2013, 2014

SITES ET LIENS INTERNET - Alvar Aalto Designer - disponible sur Voicilafinlande < http://www.info-finlande.fr/aaltosite/SWF_FR/home-fr.html> - Alvar Aalto - disponible sur Scandinavia Design <http://www.scandinavia-design.fr/ alvar-aalto.html> - Thonet - disponible sur Histoey Thonet <http://www.thonet.com.au/history/> - Odile Decq Restaure l’opéra Garnier - Jacques-Franck Degioanni - Le moniteur hebdo - 2011 - disponnible sur : <http://www.lemoniteur.fr/article/odile-decq-restaure-l-operagarnier-14921453> - Studio Odile Decq - PHANTOM RESTAURANT OPERA GARNIER - disponible sur < http://www. odiledecq.com/EN-19-project-13-Phantom_Restaurant_Opera_Garnier_France_Paris> - Rietveld the architecte and designer - Phaidon - disponible sur <https://www.youtube. com/ - CASSINA - LC collection - disponible sur <http://cassina.com/fr/collection>

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Notice bibliographique


TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1952 - Cuisine de l’Unité d’Habitation de la cité Radieuse à Marseille - 1952 - Photographie - En ligne sur : Art-utile <http://art-utile.blogspot.fr/2012/01/kitchen-stories-la-reconstruction.html> Figure 2 : Charles & Ray Eames - 1942 - Attèlle en contreplaqué, collé et courbé - 1942 - photographie - En ligne sur esprit design <http://

www.blog-espritdesign.com/designers-2/eames-designers-2/histoire-dedesign-elephant-chair-par-charles-et-ray-eames-1945-30945/attachment/ attelle-en-contreplaque-moule-1942>

Figure 3 : Peter Behrens pour AEG - 1909 - Pendule AEG - Photographie - En ligne sur academic <http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/1317510> -

Figure 4 : Michael Thonet - 1857 - Chaise n°14 - photographie En ligne sur cedricnernadotte <http://cedricbernadotte.com/

reader/1859-chaise-n14-par-michael-thonet/>

Figure 5 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1929 - La maison Loucheur axonométrie - En ligne sur plansofarchitecture.trumblr <http://plansofarchitecture. tumblr.com/post/102157162644/le-corbusier-maison-loucheur-1928-1929-unbuildt>

Figure 6 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1929 - Salon d’Automne - photograpgie - En ligne sur Domusweb <http://www.domusweb.it/it/ notizie/2014/09/30/cassina_lc50.html> Figure 7 : Charles & Ray Eames - 1945 - Chaise LCW en Bois contreplaqué, collé et courbé - photographie - En ligne sur retrofurnish <http:// www.retrofurnish.com/fr/lcw-lounge-chair-inspired-by-charles-eames.html>

Figure 8 : Charles & Ray Eames - 1945 - S. Evans Jr sur le Tabouret Elephant en Bois contreplaqué, collé et courbé - photographie - En ligne sur Bblog-espritdesign <http://www.blog-espritdesign.com/designers-2/eamesdesigners-2/histoire-de-design-elephant-chair-par-charles-et-ray-eames-1945-30945/ attachment/edward-s-evans-jr-sur-lelephant-des-eames#attachement>

Figure 9 : Eileen Gray - 1912 - Le Magicien de la nuit, Panneau en Laque - photographie - Source : Elieen Gray Designer and Architect - Philippe Graner Figure 10 : Eileen Gray - 1925 - Paravent à blocs - photographie - En ligne sur Pinterest <https://www.pinterest.com/emmanvr/d-e-s-i-g-n/> Figure 11 : Hall d’entrée de l’appartement de Madame Mathieu Lévy rue Lota - Eileen Gray - 1919 - photographie - Source : Elieen Gray Designer and Architect - Philippe Graner Figure 12 : Eileen Gray - 1920 - Divan Pirogue - photographie - Source : image google Figure 13 : Eileen Gray - 1919 - Fauteuil aux dragons - photographie - En ligne sur gazette drouot <http://www.gazette-drouot.com/static/magazine_ ventes_aux_encheres/enchere_collection_saintlaurent_berge.html?lang=0>

Figure 14 : HEMERY Jean Baptiste - 2015 - Confessionnal de la basilique de St Pierre à Rome - photographie Figure 15 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Salle à manger de la Robie House - photohgraphie - En ligne sur Wikipedia <http://en.wikipedia.org/wiki/ Robie_House>

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Table des illustrations


Figure 16 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Salle à manger de la Robie House - photographie - En ligne sur thecraftsmanbungalow <http://www. thecraftsmanbungalow.com/frank-lloyd-wright-robie-house/>

Figure 17 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1952 - meuble passe-plat de l’Unité d’habitation de la Cité Radieuse à Marseille - photographie En ligne sur lacharmante2100 <http://lacharmante2100.blogspot.fr/2012/02/ le-corbusier-charlotte-perriand-cuisine.html> Figure 18 : Serkisian Lucie - 2015 - meuble passe-plat dans le volume de la cellule de l’Unité d’Habitation de Le Corbusier - Croquis Figure 19 : Charlotte Perriand - 1927 - Salle à manger, appartement de Charlotte Perriand à St Sulpice - photographie - Source : Charlotte Perriand un art d’habiter, Jacques Barsac Figure 20 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928 - Bibliothèque de la villa Church - photographie - Source : image google Figure 21 : Alvar Aalto - 1933 - Le Sanatorium de Paimo photographie - En ligne sur architonic <http://www.architonic.com/ntsht/ support-structures-architecture-s-role-in-the-healing-process/7000572>

Figure 22 : Alvar Aalto - 1932 - Le Fauteuil Paimo - photographie - En ligne sur daniella on design <http://www.daniellaondesign.com/blog/ alvar-aaaltos-paimio-sanatorium>

Figure 23 : Alvar Aalto - 1935 - Auditorium de la bibliothèque Viipuri photographie - En ligne sur pixshark <http://pixshark.com/viipuri-library.htm> Figure 24 : Gerritt Rietveld - 1924 - Rez-de-chaussé de la Villa Shröder - plan - En ligne sur Vession.com Figure 25 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Salle à manger de la Robie House - photographie - En ligne sur arts&artists <http://www.artsandartists.org/ exhibitions-franklloydwrightinterior.php>

Figure 26 : Rob Mallet Stevens - 1925 - Sallon Rose de la Villa Noaille photographie - En ligne sur theartoftheroom <http://theartoftheroom.com/2013/05/ monsieur-moderne/>

Figure 27 : Gerrit Rietveld - 1924 - Vue intérieure de la Villa Shröder - photographie - En ligne sur hugues-absil <http://hugues-absil.com/wordpress/ le-traitement-de-lespace-chez-kawamata/>

Figure 28 : Gerrit Rietveld - 1941 - Table basse à plateau rond photographie - Source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète - Marijke Küper Ida Van Zijl Figure 29 : Gerrit Rietveld - 1922 - Luminaire suspension photographie - En ligne sur houseoluv <https://houseoluv.com/fr/catalog/ l40-rietveld-lamp-p-34761/>

En

Figure 30 : Gerrit Rietveld - 1923 - Berlin Chair - photographie ligne sur peresha.tumblr <http://peresha.tumblr.com/post/3544099443/

berlin-chair-gerrit-rietveld-1923>

Figure 31 : Gerrit Rietveld - 1923 - Petite table de divan - photographie - En ligne sur steeldomus <http://www.steeldomus.com/fr/tables.htm>

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Table des illustrations


Figure 32 : Gerrit Rietveld - 1923 - Petite armoire assymétrique photographie - Source : Gerrit Rietveld L’ œuvre complète - Marijke Küper Ida Van Zijl Figure 33 : Gerrit Rietveld - 1924 - Villa Shröder - photographie - En ligne sur histoire art roy <http://histoire-art-roy.blogspot.fr/2013/10/le-neoplasticisme. html>

Figure 34 : Gerrit Rietveld - 1924 - intérieur de la Villa Shröder - photographie - En ligne sur imgarcade <http://imgarcade.com/1/rietveld-schroder-house-interior/> Figure 35 : Gerrit Rietveld - 1924 - intérieur de la Villa Shröder photographie - En ligne sur pixgood <http://pixgood.com/schroder-house-interior. html>

Figure 36 : Adolf Loos - 1928 - Villa Müller - photographie - En ligne sur domes architecture <http://www.domes-architecture.com/en/archive/issue_archive_ article.php?objectid=120>

Figure 37 : Adolf Loos - 1928 - Intérieur de la Villa Müller, séjour photographie - En ligne sur socks studio <http://socks-studio.com/2014/03/03/ido-not-draw-plans-facades-or-sections-adolf-loos-and-the-villa-muller/>

Figure 38 : Adolf Loos - 1928 - Intérieur de la Villa Müller - photographie - En ligne sur socks studio <http://socks-studio.com/2014/03/03/i-do-not-drawplans-facades-or-sections-adolf-loos-and-the-villa-muller/>

Figure 39 : Adolf Loos - 1928 - Intérieure de la Villa Müller, banquette photographie - En ligne sur pinterest <https://www.pinterest.com/malenegammelby/ villa-muller/>

Figure 40 : Pierre Charreau - 1931 - Maison de Verre - photographie En ligne sur Flickr <https://www.flickr.com/photos/bbb3viz/11012510553> Figure 41 : Pierre Charreau - 1931 - Maison de Verre, portes coulissantes de l’entrée de l’appartement - photographie - p35 - En ligne sur pinterest <https://www.pinterest.com/atmosfer31/pierre-chareau/>

Figure 42 : Pierre Charreau - 1931 - Maison de Verre, escalier principal - photographie - En ligne sur Tyylit <http://tyylit.com/the-maison-de-verre-by-pierrechareau-a-hidden-jewel-of-glass-in-a-parisian-backyard/>

Figure 43 : Rob Mallet Stevens - 1928 - Chambre en plein air de la Villa Noailles - photographie - En ligne sur grapheine <http://www.grapheine.com/ divers/villa-noailles-vie-de-mecenes>

Figure 44 : Jean Prouvé - 1950 - Prototype de maison préfabriquées pour des logements à Meudon - photographie - En ligne sur patrickseguin. siteparc <http://patrickseguin.siteparc.fr/fr/designers/jean-prouve-architecte/

inventaire-maison-jean-prouve/maison-aluminium-metropole-1949/>

Figure 45 : Jean Prouvé - 1954 -Maison à Nancy - photographie - En ligne sur pinstake <http://pinstake.com/la-plus-grande-sélection-de-parfums-d-

origine-100-authentique-des/http:%7C%7Cwww%5Emaboutiqueparfums%5Ecom% 7Cmodules%7Ceditorial%7Chomepage_logo_1%5Ejpg/>

Figure 46 : Antonnello da Messina - 1476 - « Saint Jérome dans son étude » - peinture - En ligne sur escabrille <http://escarbille.free.fr/vme/?txt=sj>

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Figure 47 : Elisabeth Diller et Ricardo Scofidio - 2000 - Restaurant du Seagram Building à New York - photographie - Source : AMC N°119 Octobre 2001, article : Détail Grands Meubles par Emmanuel Caille Figure 48 : Studio Parade - 2000 - Grand meuble de Bureau photographie - Source : AMC N°119 Octobre 2001, article : Détail Grands Meubles par Emmanuel Caille Figure 49 : Louis Kahn - 1967 - Fenêtre de la maison Fisher - photographie - En ligne sur pinterest <https://www.pinterest.com/jammarq/khan/> Figure 50 : Louis Kahn - 1972 - Alcôves de la Bibliothèque Exeter - photographie - En ligne sur flickr <https://www.flickr.com/photos/ atelier79033/3768915000>

Figure 51 : Charlotte Perriand, Le Corbusier - 1928 - Chaise longue basculante - photographie - En ligne sur smartbed <http://smartbed-leblog. blogspot.fr/2013_04_01_archive.html>

Figure 52 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1952 - Chambre de la cellule de l’Unité d’Habitation à Marseille - photographie - En ligne sur writingtoinform <http://writingtoinform.com/2012/04/10/research-the-extended-lobby-the-residentas-guest-and-the-unite-dhabitation-as-hotel-11/>

Figure 53 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1952 - Séjour de la cellule de l’unité d’habitation à Marseille - photographie - En ligne sur domusweb

<http://www.domusweb.it/en/from-the-archive/2011/02/28/corbusier-s-cite-radieuse. html>

Figure 54 : Le Corbusier - 1952 - Le Modulor et le Corbusier photographie - En ligne sur larepubliquedeslivres <http://larepubliquedeslivres. com/le-corbusier-ou-loeil-de-larchitecte/>

Figure 55 : Le Corbusier - 1951 - Croquis du cabanon de Le Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin - dessin - Source : Le Corbusier à Cap-Martin, Le cabanon, Bruno Chiambretto Figure 56 : Le Corbusier - 1951 - Intérieur du cabanon à RoquebruneCap-Martin - photographie - Source : Le Corbusier à Cap-Martin, Le cabanon, Bruno Chiambretto Figure 57 : SERKISIAN Lucie - 2015 - Tracé directeur pour le cabanon de Le Corbusier - schéma - p47 Figure 58 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Robie Chair - Frank Lloyd Wright - photographie - En ligne sur Cassina <http://cassina.com/en/collection/ chairs/601-robie-1>

Figure 59 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Robies Chairs dans la salle à manger de la Robie House - photographie - En ligne sur artsandartists <http:// www.artsandartists.org/exhibitions-franklloydwrightinterior.php>

Figure 60 : Frank Lloyd Wright - 1909 - Robies Chairs dans le sèjour de la Robie House - photographie - En ligne sur i2iart <https://i2iart.wordpress.com> Figure 70 : Gerrit Rietveld - 1924 - Chaise Rouge et bleu - photographie - En ligne sur steeldomus <http://www.steeldomus.com/fr/red_blue_armchair_ rietveld.htm>

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Figure 71 : Piet Mondrian - 1921 - Tableau I - photographie - En ligne sur wikiart <http://www.wikiart.org/en/piet-mondrian/tableau-i-1921> Figure 72 : Gerrit Rietveld - 1918 - Chaises à lattes - photographie Source : Gerrit Rietveld L’œuvrecomplète - Marijke Küper Ida Van Zijl Figure 73 : Gerrit Rietveld - 1924 - Chaise à lattes blanche dans l’intérieur de Til Burjman - photographie - Source : Gerrit Rietveld L’œuvre complète Marijke Küper Ida Van Zijl Figure 74 : Gerrit Rietveld - 1924 - Chaise Rouge et bleu dans la villa Shröder - photographie - En ligne sur galleryhip <http://galleryhip.com/ schroder-house-interior.html> Figure 75 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928 - Chaise longue basculante - photographie - En ligne sur primera design <http://primera-design. com/chaise-longue-lc4-le-corbusier.html>

Figure 76 : Charlotte Perriand - 1929 - « Wood or Metal » revue The studio - article - Source : Charlotte Perriand Livre de bord 1928-1933 - Arthur Rüegg Figure 77 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1928 - Chaise longue basculante dans la bibliothèque de la villa Church - photographie - Source : Charlotte Perriand Livre de bord 1928-1933 - Arthur Rüegg Figure 78 : Le Corbusier, Charlotte Perriand - 1931 - Chaise longue basculante dans la villa Savoye - photographie - Source : image google Figure 79 : Mies Van Der Rohe - 1929 - Fauteuil Barcelona n°MR90 - photographie - En ligne sur groupegim <http://www.groupegim. fr/%EF%BB%BFpourquoi-choisir-fauteuil-barcelona-pour-votre-salon/>

Figure 80 : Eileen Gray - 1930 - Table E1027 - photographie - En ligne sur meublescontempo <http://www.meublescontempo.fr/(ir3k02qb0j1wjb55qjainhzk)/ Default3.aspx?SubtitleID=Accueil>

Figure 81 : Eileen Gray - 1925,1930 - Table portables - photographie p56 - Source : Eileen Gray Designer and Architect - Philippe Graner Figure 82 : Mies Van Der Rohe - 1929 - Les fauteuils Barcelona dans le Pavillon Allemand à Barcelone - photographie - En ligne sur <http://archive. chez.com/musee/pavillon.htm> Figure 83 : Eileen Gray, Jean Badovici - 1930 - La chambre d’ami de la Villa E1027, montrant un paravent en métal perforé et la table E1027 photographie - Source : Eileen Gray Designer and Architect, Philippe Graner Figure 84 : Cassina & Louis Vuitton 2014 - réédition en 2014 de la Chaise-longue LC4 designée par Le Corbusier, Charlotte Perriand, édition spéciale « Homage » - photographie - En ligne sur Cassina <http://cassina.com/ fr/collection/fauteuils-et-canapes/lc4-cp>

Figure 85 : Cassina - 2014 - réédition de la Chaise 280 Zig Zag designée par Gerrit Rietveld en 1934 - photographie - En ligne sur Cassina <http://cassina. com/fr/collection/chaises-et-petits-fauteuils/280-zig-zag>

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Figure 86 : Odile Decq - 2011 - Aménagement intérieur de la Brasserie de l’Opéra Garnier à Paris - photographie - En ligne sur odiledecq <http://www.odiledecq. com/EN-19-project-13-Phantom_Restaurant_Opera_Garnier_France_Paris>

Figure 87 : Odile Decq - 2011 - Aménagement intérieur de la Brasserie de l’Opéra Garnier à Paris - photographie - En ligne sur <http://blog.juliohimede. com/2011/09/14/french-architect-odile-decq-has-completed-the-phantom-loperarestaurant-which-recently-opened-in-the-palais-garnier-located-in-paris-france-recessed-within-the-historical-building-visitor/>

Figure 88 : Lacaton et Vassal - 2012 - Aménagement intérieur du Palais de Tokyo à Paris, Hall d’entré - photographie - En ligne sur lacatonvassal <http:// www.lacatonvassal.com/index.php?idp=20>

Figure 89 : Lacaton et Vassal - 2012 - Aménagement intérieur du Palais de Tokyo à Paris, salle d’exposition - photographie - En ligne sur lacatonvassal <http://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=20>

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