Les Mondes d'Alix - Présentation

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Avant-propos / 3

La révolution Alix

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En couverture

Alix, le jeune Gaulois créé et dessiné par Jacques Martin, aux côtés de Jules César, personnage historique central de ses aventures. Statue en marbre exposée à Rome au musée de la Civilisation romaine (Jacques Martin – Casterman et Luisa Ricciarini/Leemage).

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Hors-série - Février / mars 2018

BEL 7,60 € / LUX 7,60 € / PORT-CONT 7,60 € / CH 13,80 FS / MAR 72 DH / TUN 7,80 TND / TOM-A 1850 XPF / DOM-S 7,60 € / CAN 10,99 $ CAN

LES MONDES D’ALIX

A 15/01/2018 09:59

lix a 70 ans cette année. Imaginé par Jacques Martin, le héros rejoint à partir de septembre 1948 la grande famille du journal Tintin – les albums commenceront à paraître, eux, en 1956. Alix, c’est une révolution. Certes, Jacques Martin s’inscrit dans la grande tradition de la bande dessinée belge, avec Hergé pour tête de file. Mais, avec ce personnage de jeune Gaulois évoluant dans les années 50-40 av. J.-C. et dénouant des intrigues depuis Rome jusqu’à la Chine, il invente la bande dessinée historique de langue française. Animé de l’ambition d’un Dumas et d’un Flaubert, il mêle sans vergogne grande histoire et fiction, faisant dialoguer César et Enak, Pompée et le traître Arbacès – quand ce ne sont pas Cléopâtre et Alix lors d’un bain galant. Le succès sera au rendez-vous : 36 albums à ce jour, 12 millions d’exemplaires vendus, des traductions en 15 langues. Si L’Histoire a décidé de s’associer à cet anniversaire, c’est qu’il offre une belle o ­ ccasion de faire dialoguer la bande dessinée avec les historiens de la Rome de César, de la Gaule de Vercingétorix, de l’Égypte de Cléopâtre, de la Chine des Han. C’est une approche ­r enouvelée de l’histoire de l’Antiquité que nous vous faisons découvrir ici. Durant toute l’année 2018, le monde de la bédéphilie va bruire de cet anniversaire. Les éditions Casterman sont bien sûr en première ligne, notamment avec des recueils d’albums en noir et blanc et une nouvelle aventure C’est une approche à paraître cet automne. Nous ­renouvelée de l’histoire de les remercions pour leur aide précieuse dans la réalisation de l’Antiquité que nous vous ce numéro. faisons découvrir ici Alix est également à l’honneur au ­Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, du 25 au 28 janvier. A cette occasion est inaugurée, avec les éditions Casterman et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, la première rétrospective de l’œuvre de Jacques Martin – qui se tient jusqu’au 13 mai. Elle réunit plus de 150 œuvres originales, parmi lesquelles de nombreuses planches. Dans ce n ­ uméro, les commissaires de l’exposition, Romain Brethes et Gaëtan Akyüz, en décryptent deux en exclusivité, nous expliquant l’originalité de l’œuvre de Jacques Martin. Et, le 27 janvier à midi, un grand débat est organisé par L’Histoire au musée de la Bande dessinée à Angoulême : « Alix, est-ce de l’histoire ? » Nous vous y donnons rendez-vous. n L’Histoire

L’HISTOIRE / HORS-SÉRIE


Sommaire

Le s M on d es d ’A li x AVANT-PROPOS 3 La révolution Alix

D E LA ROME DE CÉSAR À LA CHINE DES HAN 34 Carte : Les routes d’Alix

66 Les Parthes aux marges de l’empire Par Giusto Traina

Une guerre infinie

JACQUES MARTIN AU TRAVAIL

ntre Pompée et César, 36 E guerre civile à Rome

Par Damien Chaussende

6 Jacques Martin : les trois raisons d’un succès

Par Pascal Montlahuc

Chronologie : Du triumvirat

Des soldats romains en Chine :

Rome la grande absente

L’empereur et la montagne

Par Pascal Ory

« Mon Alix est plus humain et plus sombre »

Entretien avec Valérie Mangin

14 Portfolio: Comment

on dessine l’Antiquité

72 Sur les routes de la soie

que dit l’ADN ?

à la mort de César

rouge

Par Claude Aziza

42 Le peuple des esclaves Par Paulin Ismard

Prolétaires et entrepreneurs

77 C arthage renaît de ses cendres Par Claire Sotinel

Par Jean Andreau

Une cité commerciale puissante

20 Décryptage : Ce que disent

47 Du sang et des armes : les combats de gladiateurs

Par Paul Veyne

Par Romain Brethes

Des duels pour les enterrements

82 Quarante ans après, sénateur par la grâce de l’empereur

Par Jean-Pierre Adam, Michel Éloy et Maurice Sartre

les planches originales

et Gaëtan Akyüz

Une rétrospective à Angoulême 24

lix, l’esclave devenu A sénateur

Par Olivier Thomas

Des reines… et des amoureuses Homosexuel ?

52 Gaulois ou Romain… Le choix de l’alliance

Par Yann Potin

Pourquoi César a gagné 56 Pauvre Cléopâtre  ! Par Maurice Sartre

Rome à la conquête

Flaubert à Utique Par Claude Aziza

Par Valérie Mangin

Et Octave devint Auguste Par Frédéric Hurlet

88 Alix notre contemporain Par Claude Aziza

de l’Égypte

REPÈRES

Par Jean-Michel David

94 Pour aller plus loin

62 Les derniers Spartiates Par Patrice Brun L’HISTOIRE / HORS-SÉRIE

Par H édi Dridi

NAPLES, MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE NATIONAL ; LUCIANO PEDICINI/L A COLLECTION - ARCHIVES ALINARI, FLORENCE, DIST. RMN-GRAND-PAL AIS/FRATELLI ALINARI - HERVÉ CHAMPOLLION/AKG-IMAGES

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Valérie Mangin : « “Mon” Alix est plus humain et plus sombre » La scénariste et historienne publie depuis 2012 aux côtés du dessinateur Thierry Démarez une nouvelle série d’Alix, destinée à un public bien différent de celui des années 1950. Le héros est devenu un sénateur quinquagénaire.

C Succession V alérie

DENIS BAJRAM

Mangin, scénariste de la série Alix Senator. Elle est ici dessinée par son mari, le dessinateur et scénariste de bande dessinée Denis Bajram.

’est à la fin de l’année 2010 qu’est née l’idée de reprendre le personnage d’Alix sous une autre forme que celle qui se poursuit avec l’atelier Jacques Martin. Reynold Leclercq, qui venait d’entrer comme éditeur chez Casterman et connaissait mes études d’histoire à l’École des chartes ainsi que mon travail d’autrice de fantasy et de science-fiction, m’a demandé d’y réfléchir. Alix était la grande bande dessinée de mon enfance. Mes ­parents m’ont offert Le Dieu sauvage quand j’avais 12 ans pour m’encourager après mon premier cours de latin. Le défi était un peu intimidant : ­comment succéder à un géant de la bande dessinée sans être r­ idicule ? Mais je ne pouvais pas refuser. Cependant, dans la mesure où la série de Jacques Martin se poursuivait, le plus intéressant me semblait de procéder comme les comics américains : offrir à l’univers et au personnage d’Alix une touche à la fois personnelle et de 2010. Nous ne sommes plus en 1948 mais à l’époque des ­s éries Rome et Game of Thrones : les héros sont beaucoup plus sombres qu’à

A 50 ans, il a connu les guerres civiles, a vu la mort de César, a perdu des proches. Il est père aussi

l’époque où Jacques Martin a créé Alix. Il fallait passer de Star Trek à Star Trek : The Next Generation en quelque sorte. C’est ainsi qu’Alix a vieilli de quarante ans, et vit dans la série à l’époque d’Auguste. Jacques Martin avait créé un personnage idéaliste, comme on en voit souvent en bande dessinée, plein des illusions de la jeunesse, et de ce fait ­assez manichéen. C’est un survivant : un Gaulois qui a r­ ejoint la civilisation romaine, qui sert César, qui a fait parfois des choix difficiles pour survivre et qui doit continuer à en faire pour que les choses tournent au mieux pour tout le monde. Il a un caractère très « droit dans ses bottes », il va directement du point A au point B. « Mon » Alix a environ 50 ans, il est ­sénateur. Il a connu les guerres civiles, a vu la mort de César, a perdu des proches… Il est père aussi. Il a vécu une vie d’homme. Il s’intéresse donc davantage à ce qui se passe ­autour de lui. Et il a d ­ écouvert que la vie n’était pas une longue aventure tranquille. Il admet les compromis. Il sait qu’il ne pourra pas gagner à tous les coups, et que la victoire n’est jamais absolue, le mal n’est pas vaincu. Il est opposé à la montée vers le pouvoir d’Auguste, mais il sait aussi qu’il ne pourra pas l’empêcher. Il est donc prêt à s’entendre avec lui si cela peut ­apporter du bien à l’empire. Mon Alix est ainsi plus ­complexe et plus humain. Plus

sombre aussi. Même s’il continue de faire le bien : il reste un héros positif. Du fait de ce changement d’âge et d’époque, la grande difficulté n’a pas tant été celle de la représentation des costumes et des décors : le dessinateur Thierry Démarez est un grand connaisseur de l’Antiquité classique. Mais comment montrer qu’Alix a vieilli ? Dès que l’on modifiait son a ­ spect, en lui faisant prendre du poids ou perdre ses cheveux, ce n’était plus lui. Au total, si notre Alix est plus marqué physiquement, ses cheveux ont blanchi (mais la coupe, plus xxe siècle qu’antique, ­demeure), il a conservé la silhouette de ses 20 ans. Les lecteurs ont bien accepté ce vieillissement. Les lecteurs « historiques » ont considéré que leur héros avait vieilli avec eux. Et puis le lectorat s’est élargi à un public plus jeune, amateur de péplums. On s’est ainsi rendu compte qu’on pouvait ­séduire des adolescents avec un ­quinquagénaire – c’était aussi un défi au départ. La série, qui compte six ­albums, est prévue jusqu’au tome 11. Ce ne sont pas les aventures qui vont manquer ! D’autant qu’humainement si Alix est bien l’ami d’Auguste, ­politiquement, il le ­d ésapprouve fondamentalement. Ce dilemme va devoir se résoudre. » n (Propos recueillis par Cécile Rey) L’HISTOIRE / HORS-SÉRIE


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HORSSÉRIE

L es mondes d’Alix

Un pont-levis du xiiie siècle

1 Le Dernier Spartiate (p. 16)

1 Dans Le Dernier Spartiate, Alix découvre une citadelle grecque tenue par des patriotes rebelles. J’ai été frappé par sa ressemblance avec Kydna, une place forte isolée au bord du fleuve Xanthe et au pied du mont Cragos, sur la côte sud de la Turquie actuelle. La citadelle réelle comme la fictive possèdent un système défensif constitué d’une haute muraille, flanquée de tours carrées. Le dessin de Jacques Martin, qui s’est en particulier inspiré d’une reconstitution publiée dans l’ouvrage américain Everyday Life in Ancien Time (National Geographic Society) – une de ses grandes sources de documentation – est assez fidèle à la réalité. Mais il comprend également quelques erreurs ou anachronismes. Ainsi, le temple se trouve sur un podium ­colossal : jamais les Grecs n’ont élevé de podium, ils construisaient directement sur le terrain. Le Parthénon, certes, se trouve sur un podium : mais celui-ci est naturel. Jacques Martin dessine aussi, à l’entrée, un pont levis qui date du xiiie siècle. 2 Je lui ai apporté un dessin de son site qui était sans doute plus proche de la réalité. 3 Il en a tenu compte pour une autre fortification gauloise, dessinée dans Iorix le Grand. Il était très content qu’on lui apporte ainsi des éléments documentaires. Très content de tout ce qui contribuait à rapprocher ses dessins de la réalité historique. Mais, en dernière instance, c’est lui qui décidait. J.-P. A.

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3 Iorix le Grand (p. 49)

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Des reines… et des amoureuses sur une île lointaine dans Les Proies du volcan. Alix est prêt à emmener la jeune femme à Rome, et celle-ci est décidée à le suivre. Mais Enak l’en dissuade. Et alors qu’ils s’éloignent sur leur radeau, celui-ci assume son acte face à un Alix désabusé. Et fataliste : pour poursuivre son odyssée avec Enak, Alix ne pouvait avoir de compagne. Reste qu’il aura un fils, Titus. On ne sait qui est sa mère. Peut-être Lidia, la sœur d’Auguste et la nièce de César. O.T.

Les Proies du volcan (p. 47).

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araissant en feuilleton dans l’hebdomadaire Tintin, les aventures d’Alix tombaient sous le coup de la loi du 16 juillet 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse (cf. p. 90). Cela n’excluait pas d’intégrer des personnages féminins, qui restaient le plus souvent très « sages ». Mais l’univers des six premières aventures d’Alix est presque exclusivement masculin. Jacques Martin a expliqué : « Il y avait à l’époque des maisons d’édition qui interdisaient à leurs auteurs de mettre des femmes dans leurs histoires. […] Moi, j’ai été un des premiers à le faire. » (H. Dayez, Le Duel Tintin-Spirou, p. 49). En effet, si JeanClaude Forest crée le personnage de Barbarella en 1964, Alix rencontre lui Adréa dans Le Dernier Spartiate p ­ ublié en feuilleton à partir de 1967. Reine des Spartiates, elle ­ambitionne de redonner à la Grèce sa grandeur ­passée et de faire de son fils Héraklion leur chef. Elle admire et respecte Alix. Mieux, elle l’aime et lui p ­ ropose de l’épouser : « Une femme de 40 ans qui tombe amoureuse d’Alix, vous n’imaginez pas les ennuis que j’ai eus ! », racontera Jacques Martin (op. cit., p. 49). Mais Alix ne ­succombe pas aux charmes d’Adréa, trop ­occupé à sauver Enak. L’ambition de la reine des Spartiates s’achèvera dans les flammes. Après 1968, les mœurs se libèrent et les femmes se font plus nombreuses et plus présentes dans les albums. Se d ­ éclinent ainsi les fi ­ gures féminines souvent un peu stéréotypées : Maïa, vénale et prête à vendre son fils Spartaculus (Le Fils de Spartacus) ; Hermia, intrigante qui souhaite ­marier sa fille à Horatius, le gouverneur de la province de Pergame (Le Cheval de Troie) ; Celsona, ­habile politicienne qui ­défend la cause des Ibères (L’Ibère) ; Marah, dotée de pouvoirs ­extralucides (La Tour de Babel) ; Archeloa, travestie en garçon (L’Enfant grec). A l’image d’Adréa, on ne compte plus les amoureuses déçues d’Alix. Elles sont princesses (Héra, Le Dieu sauvage, Saïs, Le Prince du Nil), prêtresses (Samthô, Le Spectre de Carthage, Aurélia, Le Testament de César), servante (Sabina, Le Fils de Spartacus), voyageuse (Ariéla, Iorix le Grand) ou guerrière (Julia, La Chute d’Icare)… Néanmoins, Alix ne reste pas forcément insensible. Ses sentiments sont forts pour Malua (ci-contre) qu’il rencontre

« Les Aventures d’Alix » sans Jacques Martin 2010 29. Le Testament de César

CASTERMAN - DR

Scénario : Marco Venanzi Dessins : Marco Venanzi

2011 30. La Conjuration de Baal

Scénario : Michel Lafon Dessins : Christophe Simon

2012 31. L’Ombre de Sarapis Scénario : François Corteggiani Dessins : Marco Venanzi, Mathieu Barthélemi, Véronique Robin

2013 32. La Dernière Conquête

Scénario : Géraldine Ranouil.

Dessins : Marc Jailloux, Corinne Billon

2014 33. Britannia

Scénario : Mathieu Breda Dessins : Marc Jailloux

2015 34. Par-delà le Styx

Scénario : Mathieu Breda Dessins : Marc Jailloux

2016 35. L’Or de Saturne

Scénario : Pierre Valmour Dessins : Marco Venanzi

2017 36. Le Serment du gladiateur

Scénario : Mathieu Breda Dessins : Marc Jailloux

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L es mondes d’Alix

Rome la grande absente

Les Voyages d’Alix. Rome (pp. 22-23)

allures – inattendues dans l’univers de Jacques Martin – du Satyricon de Fellini (1969). On voit le Sénat se réunir. Des individus suspects se glissent la nuit dans le Grand Théâtre, qui vient d’être bâti, en 55 av. J.-C., par Pompée, et Galva r­ ejoint Alix par la porte Tiburtina – qui n’a pourtant été élevée qu’en 5 av. ­J.-C. Si l’on ajoute, dans Ô Vercingétorix, la prison Mamertine, où est enfermé le captif gaulois, on aura fait le tour – ou presque – des images de Rome dans la série canonique dessinée par Jacques Martin (la ville apparaît ­davantage dans les albums de ses successeurs). C’est dans cet album consacré au chef gaulois vaincu que se trouve – me semble-t-il – un élément d’explication à la faible place accordée à Rome dans la série. Fulvius Cator accueille Alix par ces mots : « J’ai appris, Alix, que tu étais devenu un ­extraordinaire voyageur. » De fait, le héros parcourt sans cesse le monde du ier siècle av. J.-C. : Pompéi, Athènes, Carthage, Alexandrie, Jérusalem, l’île de Rhodes, la Thrace, la Chine. Jacques Martin, par ailleurs, avait imaginé, dans Alix l’intrépide, une histoire qui se passait, en partie, à Rome. Ce qui n’est pas le cas pour les autres, sauf pour Le Fils de Spartacus. Alix, ce Gaulois devenu, par les ­hasards de l’histoire, un Romain, n’a au fond rien à faire à Rome. Il ne semble pas y être à son aise ; sans doute l’est-il d ­ avantage sur les grands chemins. De l’aventure. Claude Aziza

Forum Pour voir Alix et Enak se promener dans l’angle sud-est du Forum de Rome (ci-dessus) et suivre leurs pas dans la cité antique, c’est

dans la collection documentaire « Les voyages d’Alix » qu’il faut chercher. La ville n’apparaît en effet que dans trois albums de la série canonique.

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n des sujets d’étonnement des lecteurs d’Alix est la très faible place accordée à Rome, sauf dans le premier album de la série, Alix l’intrépide. « Ce matinlà à Rome » : c’est ainsi que commence la deuxième partie de l’histoire, qui conduit le ­lecteur au Grand Cirque où Alix affronte – dans une séquence inspirée de Ben-Hur – son ennemi Marcus, puis dans l’amphithéâtre, où le h ­ éros est jeté au ­cachot, avant de combattre dans l’arène – ­amphithéâtre qui a d’ailleurs l’allure du Colisée, un anachronisme puisque celui-ci date du ier siècle de notre ère. Le héros s’en échappe par une galerie souterraine, en sautant dans le Tibre, puis en s’abritant sous un pont. C’est par un affluent du fleuve qu’il tente de gagner la campagne ­romaine. Quant aux demeures représentées dans le volume, elles sont toutes ­situées non loin de Rome. Ainsi, celle du père adoptif d’Alix, Honorus Galla, se trouve près de la voie Appienne. Un seul autre album, Le Fils de Spartacus, se passe, en partie, à Rome. Gaius Curion, le préteur urbain, a ­ ppelé en toute hâte par Pompée, gravit les pentes du Janicule qu’il traverse, prend un pont anonyme et a ­ rrive sur le Forum. C’est là aussi que se réfugie l’épouse de Spartacus, puis dans un temple. C’est par la Cloaca Maxima, le principal égout de la ville construit au vie siècle av. J.-C. par Tarquin l’Ancien, qu’Alix fait passer ses compagnons, pour déboucher dans le quartier mal famé du Suburre, dont les personnages ont des


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HORSSÉRIE

REPÈRES

Pour aller plus loin RESSOURCES PÉDAGOGIQUES

Archéo-compatible Alix constitue un excellent outil pédagogique : le témoignage d’une professeure de collège. « Professeur de lettres classiques au collège Feuchères, à Nîmes, je connais le rôle essentiel de l’image dans la pédagogie et je travaille beaucoup en classe avec la BD historique. Et si je ne suis pas tombée dans la potion Alix quand j’étais petite, elle n’était pas de ma génération, et cet univers masculin n’était pas à mon goût, je me rattrape depuis, partageant ce plaisir supposé enfantin avec les élèves, amateurs de fictions antiquisantes, et appréciant comme moi ce Gaulois de l’époque républicaine. « J’ai, quant à moi, une préférence pour les récents albums (les huit parus entre 2010 et 2017) qui, après la mort de Jacques Martin, prolongent et régénèrent la geste du Gaulois acquis à César, œuvres de talentueux scénaristes et dessinateurs dont la fidélité à l’héritage du fondateur n’entrave pas le renouveau : dessin moins “ligne claire”, couleurs plus nuancées, cases moins touffues, avec des personnages affinés et plus réalistes. « Je fais en particulier étudier par les élèves les diverses thématiques du dernier volume en date, Le Serment du gladiateur, paru en 2017 : l’univers de la gladiature notamment – recrutement, origines ethniques, panoplies, entraînement, carrière populaire à l’instar de celle de nos actuels footballeurs –, d’autant plus qu’à Nîmes les Grands Jeux romains de 2018 raconteront Spartacus. Je suis en cela aidée par les fructueux échanges que j’ai eus avec le dessinateur, Marc Jailloux (et avec Jimmy Van den Hautte, qui dirige la maison d’édition). « Dès la première planche, la rue, ses graffiti, les usages, l’intrigue, tout est archéo-compatible dans une Pompéi scientifiquement reconstituée. Et s’il est question de confronter le lecteur, tout comme Alix et le jeune Enak, à la condition servile, on y découvre aussi la condition féminine illustrée par une matrone romaine cousine d’Alix, ou des prêtresses du peuple italique des Marses : elles luttent avec des armes très différentes pour se donner du pouvoir, séduction et mariage, ou bien rituels proches de la magie. « Précédemment, Par-delà le Styx nous avait entraînés en Numidie où, toujours sur fond de rivalité César-Pompée, Alix avait été conduit à gérer la crise d’adolescence du jeune Héraklion dont il a la charge, orphelin et apatride comme lui, en manque d’une mère comme lui, quêtes identitaires et conflits intérieurs à répétition qui ajoutent une dimension humaine à cette saga à géographie variable, et lui donnent une unité et une vérité psychologiques à laquelle les élèves sont très sensibles, car ils s’y retrouvent. Ils y découvrent que ce monde ancien est à la fois très différent du leur et semblable. « Ces Alix, savants mais jamais pédants, et croqués de façon moderne, contribuent à faire aimer l’Antiquité “à l’école ”, et à lui conserver le coup de jeune attendu. » Martine Quinot Muracciole

L’HISTOIRE / HORS-SÉRIE

En latin Spartaci filius « En 1983, Michel Dubrocard et moi avons publié chez Casterman une traduction latine du Fils de Spartacus, Spartaci filius. Nous avons préféré donner une adaptation plutôt qu’une traduction et donc dû procéder parfois à des modifications du texte. Nous avons tenté de respecter l’allure générale de l’intrigue, son mouvement, son dynamisme ; d’où l’abondance de phrases courtes, d’interjections, d’exclamations. Cette fidélité au rythme du texte nous a fait simplifier certains développements dont la trop longue traduction aurait contrarié notre dessein essentiellement pédagogique. La nature du texte nous a parfois forcés à employer des termes souvent mal connus des latinistes débutants, tout en visant une bonne « latinité », même si, pour nous, ce terme recouvre une période plus vaste que celle qu’on lui attribue traditionnellement. Il nous a semblé que, pour la première traduction française d’une BD « antiquisante » en latin, il fallait enduire de miel les bords de la coupe d’un breuvage qui aurait pu sembler trop amer… » Claude Aziza Spartaci filius, Casterman, 1983. La traduction du tome 1 d’« Alix Senator », Les Aigles de sang, paraîtra en mai 2018.

En grec ancien O athinaios pais, Casterman, 1985.


Spartaci filius (p.48)

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L’HISTOIRE / HORS-SÉRIE


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