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M 02049 - 561 - F: 6,20 E - RD
NOVEMBRE 2015
DOM/S 6,80 € - BEL 6,70 € - CH 12,00 FS - CAN 8,99 $ CAN - ALL 7,70€ - ITL 6,80 € - ESP 6,80 € - GB 5,30 £ - GR 6,80 € - PORT CONT 6,80 € - MAR 60 DHS - LUX 6,80 € - TUN 7,50 TND - TOM /S 950 CFP - TOM/A 1500 CFP - MAY 6,80 €
Et aussi Claudio Magris David Foster Wallace Louise Michel Mark Twain Gilles Deleuze...
N° 561
ges ent 32 pa Supplém
es Les annéhes Apostpraor p
ivot Bernard P
Dossier
Il faut le redécouvrir
PASCAL
Les réfugiés vus des deux rives
par Jean Rouaud et Hakan Günday
L’édito
Par Pierre Assouline
Big Orwell
Q
À LIRE
1984,
GEORGE ORWELL, traduit de l'anglais par Amélie Audiberti, éd. Folio, 438 p., 8,50 €.
uoi de neuf ? 1984. S’il est un classique George Orwell, penseur antitotalitaire et socialiste qui d’une brûlante actualité, c’est bien le demeura un homme de gauche, aimait à se présenter roman de George Orwell (1903-1950). Il comme un anarchiste conservateur. Son ami Cyril est pourtant paru pour la première fois Connolly se moquait volontiers de son souci social : « Il ne en français en 1950 chez Gallimard dans pouvait pas se moucher sans s’interroger sur les condila traduction d’Amélie Audiberti. Depuis, tions de travail dans l’industrie des mouchoirs. » Depuis il n’a cessé d’être lu, analysé, disséqué, comparé, com- un demi-siècle, 1984 a été l’objet de bien des détournementé, imité. Nombreuses sont les œuvres littéraires, phi- ments ; et la fortune rencontrée par l’adjectif « orwellien », losophiques, poétiques, cinématographiques, télévisuelles, au moins égale à celle de « kafkaïen », en tout cas sur Twitthéâtrales qui lui doivent quelque chose. Parfois, l’essen- ter, annonce d’autres instrumentalisations en perspective. tiel. Le cas actuellement de 2084, le roman de Boualem Et il n’y a pas que « Big Brother », devenu le lieu commun Sansal, qui détient probablement pour cette rentrée le allégorique du chef. Il n’est que de voir les querelles autour record de sélection sur les listes des prix. Aux trois grands de la traduction de son concept de common decency : empires Océania, Eurasia, Estasia, auxquels correspondent « simple décence », « décence élémentaire », « décence ordinaire », « morale commune », « honnêteté élél’Amérique, l’Europe et la Chine, dont Orwell prédisaient qu’ils s’affronteraient pour la L’auteur mentaire », « décence commune », et même domination du monde, l’écrivain algérien de 1984 est « élan spontané vers la solidarité », etc. ajoute un quatrième : le totalitarisme isla- devenu une Société de surveillance généralisée, fin de la miste. George Orwell n’y avait pas pensé ; référence vie privée, négation de l’Histoire, réécriture Eugène Zamiatine non plus, dont le roman omniprésente. du passé, novlangue par laquelle la chose Nous autres (1920), description d’une dystopie disparaît car elle n’est plus pensable dès lors totalitaire, l’avait inspiré. Des paranos prisonniers du siècle que le mot est éradiqué… Ses anticipations sont terrides ténèbres, Orwell et Zamiatine ? Vraiment pas. Ce qu’ils fiantes de vérité et de justesse. À l’origine, dans l’esprit dénonçaient est toujours là, sous nos yeux, mais sous de son auteur, 1984 devait s’intituler « Le Dernier d’autres formes. En épigraphe et en conclusion d’Il était Homme en Europe ». Ce qui était jugé assez pessimiste. une ville, roman qu’il vient de publier sur Detroit, ville Son éditeur refusa également « 1948 », qui risquait de devenue fantôme à la suite de la crise de 2008, Thomas B. déprimer ses lecteurs tout autant. Aussi inversa-t-il les Reverdy a placé cette phrase : « Certes, ce Taylor était le chiffres et donna-t-il un caractère futuriste à son hisplus génial des anciens. Il est vrai, malgré tout, qu’il n’a toire afin de moins heurter son public. Et c’est ainsi pas su penser son idée jusqu’au bout et étendre son sys- qu’Orwell est grand. tème à toute la vie. » C’est extrait de Nous autres. Il faut lire et relire 1984. Dans la deuxième partie, au cinIl n’y a pas que les livres. Un Comité Orwell, créé il y a quième chapitre, il est écrit : « On avait enlevé à la Secquelques mois à peine à Paris par des journalistes dont tion de Julia, dans le Commissariat aux Romans, la proNatacha Polony, entend défendre la liberté d’expression, duction des romans. Ce Département sortait maintenant, le pluralisme des idées et « notre héritage social et poli- à une cadence précipitée, une série d’atroces pamphlets. » tique fondé sur la souveraineté populaire ». Là aussi on y est, presque. N° 561/Novembre 2015 • Le Magazine littéraire - 3
Sommaire Novembre 2015 n° 561
12
La tragédie des réfugiés
BULENT KILIC/AFP
Critique fiction
3 Édito Big Orwell Par Pierre Assouline 6 Presto L’actualité en bref
L’esprit du temps
12 Réfugiés Détails et bagatelles Par Jean Rouaud 15 J’avais des familles Par Hakan Günday 19 Figure Jacques Lacarrière l’enchanteur Par Paul-François Paoli 20 Autoportrait Mark Twain à bâtons rompus Par Alexis Brocas 22 Culte David Foster Wallace, traduction monstre Par Alain Dreyfus 24 Biographie Goya, l’éclair tardif P ar Serge Bramly 26 Philosophie Deleuze, de l’air ! Par Patrice Bollon 30 Rendez-vous
38 Ryan Gattis, Six jours L. A. exponentiel P ar Alexis Brocas 40 Eiríkur Örn Norddahl, I llska Europe années zéro P ar Hervé Aubron 43 Marisha Pessl, I ntérieur nuit Horreur et damnation ! Par Alexis Liebaert 44 Laird Hunt, N everhome Des jupons au ceinturon Par Thomas Stélandre 46 Pierre Senges, A chab (séquelles) Moby Dick reloaded Par Laurent Demanze 49 Christian Oster, L e Cœur du problème Un amant (mort) dans le placard P ar Jean-Baptiste Harang 50 Isabelle Monnin (avec Alex Beaupain), Les Gens dans l’enveloppe L égender des photos P ar Juliette Einhorn 52 Au fond des poches
Critique non-fiction
54 Georges Duhamel, Vie des martyrs Ce que crachaient les tranchées P ar Philippe Claudel 56 Frédéric Brun, N ovalis et l’âme poétique du monde Novalis, à nouveau P ar Jean-Yves Masson 59 Sony Labou Tansi, Encre, sueur, salive et sang Un furieux prophète Par Marc Weitzmann 60 Louise Michel, À travers la mort. Mémoires inédits L’inlassable insurgée Par Maialen Berasategui 62 Michel Winock, J ournal politique Sous la Ve, une gauche baudruche P ar Robert Kopp
Portrait
66 Fiona Kidman Le kiwi a ses épines Par Gwenaëlle Abolivier
Grand entretien
32 G rand entretien avec Claudio Magris : « Respecter l’espace blanc qu’il y a dans chaque vie » Propos recueillis par Pierre Assouline
ONT AUSSI COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Gaëlle Berjonneau, Janick Blanchard, Jeanne El Ayeb, Marie Fouquet, Arthur Montagnon, Bernard Morlino, Philippe Ollé-Laprune, Pierre-Édouard Peillon, Bernard Quiriny, Raphaëlle Régnier. ILLUSTRATION DE COUVERTURE d'après le portrait de Blaise Pascal par Auguste
Glaize (1859). Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand/Roger-Viollet.
© ADAGP-Paris 2015 pour les œuvres de ses membres reproduites à l’intérieur de ce numéro. CE NUMÉRO COMPORTE 4 ENCARTS : Ce numéro comporte un cahier 1 de
100 pages, 1 encart abonnement Le Magazine Littéraire sur les exemplaires kiosques France + Étranger (hors Suisse et Belgique), 1 encart abonnement Edigroup sur les exemplaires kiosques en Suisse et Belgique et un cahier 2 de 32 pages Les années Apostrophes kiosques + abonnés.
4 - Le Magazine littéraire • N° 561/Novembre 2015
32
Claudio Magris
JEAN-LUC BERTINI/PASCO
98 L a chronique En défense de Fleur Pellerin, l’illégitime Par Maurice Szafran
les Hauts-de-Seine la vallée de la culture
Quel Moyen Âge pour Chateaubriand ?
Le dossier Pascal, la joie secrète Dossier coordonné par Laurence Plazenet 66 68 68 73
GENÈSE Introduction Par Laurence Plazenet es Pensées, un livre virtuel Par Laurence Plazenet L Repères chronologiques Par-delà l’écriture Par Laurent Susini
RÉVÉLATIONS
74 U n ardent disciple d’Augustin Par Philippe Sellier 77 La Bible, « au centre de son cœur » Par François Cassingena-Trévedy 78 L’auteur chrétien le plus libre Par Claude Louis-Combet 79 Le fracas historique comme preuve du divin Par Gérard Ferreyrolles 80 « Jusqu’à la consommation parfaite de votre corps » Par Christian Belin 82 La délectation d’être janséniste Par Laurent Thirouin 85 Le géomètre de l’impossible Par Dominique Descotes
Conseil départemental des Hauts-de-Seine / Pôle Communication – Juillet 2015 • OB • Photos : © RMN-GP, Gérard Blot / Cherbourg-Octeville, musée Thomas Henry, (c)D.Sohier
Blaise Pascal
BRIDGEMAN
66
SAISON 2015-2016
WEB DOCUMENTAIRE I EXPOSITION
à partir du 6 oct. 2015 chateaubriand-moyenage.fr DOMAINE DÉPARTEMENTAL DE LA VALLÉE-AUX-LOUPS MAISON DE CHATEAUBRIAND / CHÂTENAY-MALABRY
RÉSURRECTIONS
88 D octeur Voltaire et Monsieur Pascal Par Guillaume Métayer 89 La musique de la vérité Par Richard Millet 90 « L’effrayant génie » du romantisme Par Emmanuelle Tabet 92 Pascal et Baudelaire Par Jean Dubray 94 Actualité de Pascal Par Eugène Green 95 Le pari du cinéma Par Sarah Chiche 96 Bibliographie
01 55 52 13 00
maison-de-chateaubriand.hauts-de-seine.fr www.histoir e.presse.fr
N° 561/Novembre 2015 • Le Magazine littéraire - 5
Dossier
Pascal La joie secrète Dossier coordonné par Laurence Plazenet
les choses liquides à moins qu’elles ne fussent chaudes » et seulement « goutte à goutte », la rencontre avec Descartes en 1647, le rejet de toute sauce, par refus de flatter en soi les sens, les aumônes, les mortifications et la ceinture de fer à pointes sur la chair nue, le désir ardent de la pauvreté, la « délectation » pour le psaume cxviii (« Heureux ceux qui se conservent sans tache dans la voie »), l’adulte défendant « qu’on l’aimât avec attachement » (« Ne suis-je pas prêt à mourir ? et ainsi l’objet de leur attachement mourra »), et la prière ultime : « Que Dieu ne m’abandonne jamais ! » Stations de l’itinéraire d’une Vie légendaire, ces bribes d’existence deviennent, hors contexte et sans la réflexion historique et spirituelle qu’elles exigent, des étrangetés rédhibitoires. La crainte de l’abandon, quand naît la sœur cadette et que la mère disparaît, la soif d’un amour absolu – « [n’]être qu’à Dieu seul » –, en 2015, ont l’étroite consonance d’une névrose affective. Où est donc Pascal, dont nous ignorons le son de la voix, la taille, dont le visage nous échappe, entre une sanguine de jeunesse figurant joues poupines, lèvres épaisses, grands yeux au regard plutôt apathique, et le >>>
Maître de conférences à Paris-IV, spécialiste de la littérature du xviie siècle, Laurence Plazenet a entre autres publié Port-Royal, anthologie (Flammarion, 2012) et trois romans, dont La Blessure et la Soif (2009, Folio).
Blaise Pascal par François Quesnel, vers 1691.
68 • GENÈSE
74 • RÉVÉLATIONS
88 • RÉSURRECTIONS
Pascal n’a publié de son vivant aucun ouvrage – ce qui ne signifie pas qu’il ne le souhaitait pas. Les Pensées (titre qu’il n’a pas choisi) ont été composées après sa mort, à partir de ses manuscrits, avec des partis pris très différents selon les éditions.
Quelques plans de coupe dans l’écheveau vertigineux des Pensées : les socles de la Bible et des Confessions de saint Augustin, les conceptions pascaliennes de l’histoire et du corps, les enjeux du plaisir, la pratique de la science…
Pascal a été invoqué à toutes les époques : celle de Voltaire, celle de Chateaubriand et de Baudelaire, celle aussi du cinéma (Éric Rohmer). Des écrivains contemporains (Claude Louis-Combet, Richard Millet, Eugène Green) lui rendent ici grâce.
66 - Le Magazine littéraire • N° 561/Novembre 2015
BRIDGEMAN
P
ascal ? À qui, à quoi renvoie ce patronyme où résonne un prénom évocateur du plus fort mystère du christianisme ? Dans son apparente familiarité, il désigne une œuvre extraordinairement diverse : science, théologie, morale, rhétorique, mais aussi essai, lettre familière, consolation, fragment, apologie, poésie, que semble incarner cependant un unique volume, huit cents « pensées », lesquelles subsumeraient ce foisonnement. Effrayant génie ou désespéré sublime, dangereux apôtre d’une foi mortifère, Pascal est écrasé par les Pensées. Les fantasmes qu’elles ont pu inspirer lui façonnent un fantôme de Commandeur. Ne le lisant plus assez, on oublie qu’il écrivait : « Joie, joie, joie, pleurs de joie. » Sa sœur Gilberte a involontairement ajouté à la confusion, livrant abondance de ces faits dont la postérité se délecte : l’enfant de 2 ans qui ne peut « souffrir son père et sa mère ensemble, quoiqu’il les vît fort bien séparément », le petit savant élaborant à 12 ans un traité du son pour avoir entendu frapper un plat de faïence avec un couteau, les maladies incapacitantes très tôt et l’impossibilité « d’avaler
La chronique
Par Maurice Szafran
Le Magazine Littéraire
En défense de Fleur Pellerin, l’illégitime
D
ans l’intelligentsia française, celle un tel impair qui autorise, n’est-ce pas, le lynchage des romanciers, des essayistes, ininterrompu ? Impossible – ou presque. des philosophes, des artistes et Car, de surcroît, Fleur Pellerin n’appartient pas au des créateurs, il est de bon ton, « club », celui auquel il faut impérativement depuis fort longtemps d’ailleurs, appartenir pour avoir le droit aux égards et indulde dézinguer les responsables gences. Sa prédécesseur, Aurélie Filippetti, dispopolitiques d’où qu’ils viennent, toutes générations sait d’une carte maîtresse, et qu’importe son et sensibilités confondues. On relève volontiers piètre bilan : elle a écrit quelques bons romans, se leur inculture, leur rétrécissement historique, leur revendique femme de culture et, au sein de la incapacité à voir et penser grand. Il est des cibles gauche, n’a pas renoncé à mener le combat idéoprivilégiées, lardées jour après jour, inlassable- logique. Fleur Pellerin, elle, est bardée de diplômes ment, de fléchettes au curare. Dernière cible en (Essec, Sciences-po, ENA), une trilogie quasi disdate : la ministre de la Culture, Fleur Pellerin. Une qualifiante dans l’esprit des « cultureux ». Alors ils idiote ? Certes pas : bien pis que cela, une énarque la cognent. Dès qu’une occasion se présente. La technocrate égarée au-dessus du jardin du Palais- dame qui « n’a pas lu Modiano » doit morfler. Royal. Une illégitime. Faut dire que, parfois, elle tend la Sciences-po, Si ce cas d’espèce nous intéresse en joue. Dans un film du documentariste particulier, c’est évidemment parce Essec, ENA, Yves Jeuland récemment diffusé sur que le « cas » Pellerin s’est posé à par- mauvais trio France 3, François Hollande et tir d’un scandale… politico-littéraire. pour les Manuel Valls lui font la leçon comme Patrick Modiano, que nous aimons « cultureux ». à une apprentie ministre qu’il est tant dans ce journal et à qui nous nécessaire de « briefer ». Saint- avons consacré des multitudes de pages et récem- Germain-des-Prés explose de nouveau de rire. ment encore un numéro spécial, venait d’obtenir Laissant entrer dans son bureau les caméras du le prix Nobel. Appelée à commenter cette consé- « Petit journal » de Canal+, elle ne sait pas quel cration sur le plateau du « Grand journal » de artiste a peint le tableau accroché sur l’un des Canal+, la ministre (de la Culture, de la littérature, murs. Saint-Germain-des-Prés se bidonne, les et donc des écrivains) reconnut – sottement – journaux, eux, racontent en détail, soulignent et qu’elle ne connaissait pas bien encore l’œuvre de surlignent. Comme si ce mini-événement pouvait notre nouvelle gloire nationale, que, entrée au avoir la moindre importance. gouvernement depuis l’élection de François Hol- Du bilan de Fleur Pellerin, des dossiers importants lande, elle ne disposait guère de temps pour lire qu’elle fait avancer (ou régresser), ses moqueurs des romans tant elle était contrainte d’ingurgiter et contempteurs ne disent rien. Parce que, en réarapports, dossiers et notes. Une réponse qui avait lité, ils s’en moquent. Seul compte le jeu de masle mérite de la sincérité ? Non, insistons, la sacre et de raillerie. Qui ne leur ressemble pas réponse d’une gourde de la communication, à la trait pour trait n’est pas digne d’intérêt. C’est fois d’une rare franchise et d’une rare… sottise. aussi de cela que crève la culture française : la petiFleur Pellerin sera en effet désormais condamnée tesse de ses porte-paroles autoproclamés. Il en à vivre jusqu’au jour de son départ du ministère est un qui échappe depuis un demi-siècle à cette de la Culture avec ce label infamant de celle qui mesquinerie ambiante. Qui ? Patrick Modiano, n’a « pas lu Modiano ». Comment s’en sortir après vous l’aurez deviné… 98 - Le Magazine littéraire • N° 561/Novembre 2015
Édité par Sophia Publications 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris Courriel : courrier@magazine-litteraire.com Internet : www.magazine-litteraire.com Pour joindre votre correspondant, veuillez composer le 01 70 98 suivi des quatre chiffres figurant à la suite de chaque nom. Président-directeur général et directeur de la publication : Thierry Verret Directeur éditorial : Maurice Szafran Directeur délégué : Jean-Claude Rossignol Secrétaire général : Louis Perdriel Conception graphique : Dominique Pasquet Assistante de direction :
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Les années
APOSTROPHES par Bernard Pivot avec Pierre Nora et Pascal Ory
NOVEMBRE 2015 - N° 561 - NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT
Les années A postrophes
INVENTAIRE À LA PIVOT
À l’occasion d’un entretien pour un documentaire célébrant l’anniversaire de l’émission, l’animateur d’« Apostrophes » est revenu sur quelques-uns de ses souvenirs les plus marquants.
INA, INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL, APOSTROPHES DU 27/09/1985 RÉAL. JEAN-HENRI CAZENAVE
Propos recueillis par Pierre Assouline
Pour la 500e émission, en septembre 1985, Bernard Pivot s’était déguisé en libraire.
blouse grise On avait tourné en caméra cachée dans une librairie de la rue Marbeuf, à Paris. J’étais déguisé en libraire, le seul en blouse grise. Des gens m’ont reconnu, d’autres pas. Mais le plus surprenant, c’est qu’une autre libraire est venue voir le patron pour lui dire : « Tu as eu une idée géniale ! Tu as invité Pivot à venir vendre des livres. Mais comment se fait-il que je n’aie pas eu cette idée, moi ? » C’étaient tous des clients, il n’y avait aucun comédien. Le seul 6 - Le Magazine littéraire • Supplément Apostrophes • N° 561/Novembre 2015
comédien, c’était moi. Il est vrai que le rôle d’« Apostrophes » était d’inciter les gens à lire, donc de prescrire des livres. Il était donc normal qu’ils aillent acheter le lendemain les livres dont on parlait. Une émission littéraire qui n’a pas d’efficacité sur la vente est inutile. Du reste, une émission sur le cinéma qui ne remplit pas les salles ne joue pas son rôle. Il était parfaitement logique qu’« Apostrophes » envoie des gens dans les librairies et les encourage à lire. P
Bernard Pivot sur le plateau d’« Apostrophes », le 25 octobre 1985.
fesses
gratteur de têtes
Les deux Russes invités durant le premier
J’étais à la fois libraire, courrié riste, journaliste, un peu tout cela, dans une formule ambi guë. Un jour, on m’a demandé : « Mais, au fond, quelle est votre profession ? » J’ai répondu : « Journaliste, comme vous », puis j’ai trouvé une meilleure formule : gratteur de têtes. Comme dans les trains fan tômes des fêtes foraines, je
semestre d’« Apostrophes », d’abord Soljenitsyne puis Nabokov, ont refusé de s’asseoir dans les fauteuils qui constituaient le premier mobilier de l’émission. Ils trouvaient que l’on s’enfonçait trop. Et ils avaient raison ! Après leur passage, on a mis des sièges durs. Confortables mais durs. Important, le confort du siège pour dire ce qu’on a à dire. Dany Laferrière écrit qu’« un bon écrivain doit avoir de bonnes fesses » et bien se tenir,
grattais les têtes des specta teurs pour activer la circulation du sang, titiller les neurones et le siège de l’intelligence et donc les inciter à lire. Le seul roman que j’ai écrit, à 23 ans, s’inti tulait L’Amour en vogue ; le héros était un gratteur de têtes dans le train fantôme de la Vogue des marrons de la Croix-Rousse, à Lyon. P
parce que, évidemment, il passe sa vie assis, sauf quand on écrit debout comme Henri Troyat ou Philip Roth. Pour parler, pour écrire, JACQUES GRAF/DIVERGENCE
mais pour lire aussi, j’ai besoin d’être dans un fauteuil dur ou sur une chaise, devant une
épicerie
table, pour pouvoir noter. Dans les fauteuils
Je n’ai jamais pensé à devenir libraire. Il faut dire que je suis fils
d’« Apostrophes », ceux qui se tortillaient
de commerçants. Mes parents étaient épiciers, mais je n’avais pas
sans cesse donnaient peut-être au public
du tout la bosse du commerce. Absolument pas. Les dimanches
l’impression qu’ils n’étaient pas à l’aise.
matin où je devais aider à la vente m’étaient difficiles. En fait,
Sans parler de ceux qui y étaient avachis. P
je peux juste aider à vendre le produit que j’estime le plus : le livre. P N° 561/Novembre 2015 • Le Magazine littéraire • Supplément Apostrophes - 7