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DÉCEMBRE 2016 DOM/S 6,80 € - BEL 6,70 € - CH 12,00 FS - CAN 8,99 $ CAN - ALL 7,70€ - ITL 6,80 € - ESP 6,80 € GB 5,30 £GR 6,80 € - PORT CONT 6,80 € - MAR 60 DHS - LUX 6,80 € - TUN 7,50 TND - TOM /S 950 CFP - TOM/A 1500 CFP - MAY 6,80 €
L’édito
de Pierre Assouline
Poètes… VOS PAPIERS !
ANTOINE MOREAU-DUSAULT
A
u fond, en 1956, l’Académie Goncourt eût été qu’on entend les majuscules. Lui-même ne s’est jamais mieux inspirée de décerner son prix à Léo considéré comme un poète, mot qu’il déteste : « Il n’est Ferré, qui venait de publier Poète… vos papas nécessaire d’écrire pour être un poète. On peut trapiers !, flamboyant recueil de poèmes, plutôt vailler dans une station-service et être un poète. » Dans qu’à Romain Gary, pour les médiocres RaChroniques, on appelle « chanson » une chanson. Pour comcines du ciel. Audacieux, le parti pris eût été pionnier. Il aubien de temps ? Car, depuis que les académiciens suédois rait annoncé un temps où tout le monde est décrété poète. ont fait leur coup et que leur secrétaire perpétuelle a insBob Dylan n’est certes pas n’importe qui. Chanteur, crit le lauréat dans la tradition d’Homère, il a admis que, compositeur, musicien de génie, il a inscrit son nom en en effet, quand on y pense, « The Ballad of Hollis Brown », « Joey », « A Hard Rain » sont d’une qualettres de néon dans l’histoire de la contreculture américaine. Mais, à partir du lité, comment dire, « homérique ». Le charivari 10 décembre, lorsque le roi de Suède lui Le charivari provoqué par l’annonce du remettra le prix Nobel de littérature à provoqué par Nobel s’inscrit dans un contexte rongé par Stockholm, si toutefois il s’y rend (« dans l’annonce du Nobel le relativisme culturel, le brouillage des la mesure du possible », a-t-il fait savoir), s’inscrit dans frontières, la confusion des genres littéil ne sera plus permis de le qualifier de un contexte rongé raires. Au même moment, l’hebdomadaire chanteur, qualité désormais trop ordinaire allemand Der Spiegel a dressé l’inventaire des « 50 romans de notre temps ». Un seul pour l’héritier d’Orphée en ligne directe, par le relativisme récompensé pour avoir su relever la tradi- culturel. écrivain a l’honneur d’y apparaître trois tion des bardes et troubadours. Il a peutfois : Michel Houellebecq, aussitôt consaêtre une voix de shrapnel rouillé, n’empêche que, de tous cré « poète de notre époque » (sic !). De quoi accabler ceux les lauréats du Nobel de littérature, c’est celui qui chante qui ont vraiment lu ses recueils de poésie. Si Houellebecq le mieux. Nous avançons dans un temps où nous n’aurons est un poète, alors Baudelaire était un crooner. plus le droit de dire que « Blind Willie McTell » ou « HurLes générations de lycéens et d’étudiants à venir dericane » sont des chansons, et que leur auteur est un chanvront faire plutôt avec Dylan et Houellebecq. Leur point commun ? Pareillement menteurs et insaisissables, ils teur. Non, que des poèmes, échappés de l’esprit d’un poète. On ne saurait mieux dire le dédain dans lequel sont tesont plus intelligents que leurs admirateurs, et tellement nues tant la littérature que la poésie américaine. Ce qui plus malins ! Après leur statufication, on n’ose plus se dire laisse un goût amer, ce n’est pas tant le choix que le prinromancier ni même écrivain, de peur de déchoir. Allez, cipe : la prestigieuse caution apportée à l’idée que seuls les tous poètes ! chanteurs sont les vrais poètes de notre époque. Si les Nobel ont voulu à tout prix couronner un poète, Il faut lire Chroniques, seul livre de Bob Dylan, premier ils n’ont donc trouvé que celui-ci dans la masse internatome lumineux de ses Mémoires. Il n’y est pas question tionale ? S’ils ont voulu célébrer un Américain vingt-trois de poésie, sauf au début, en passant (il en a lu quand il ans après Toni Morrison, ils n’ont donc trouvé que celuiétait jeune, lui aussi), quand il se souvient qu’un sonnet là ? Mais qu’est-ce que la poésie et l’Amérique leur ont fait de Milton avait « l’élégance d’une folk-song » et, à la fin, pour qu’ils leur vouent un tel mépris ? Académiciens… lorsqu’il a la révélation de Rimbaud et de son « Je est un vos papiers ! P autre ». Mais, quand ils en parlent, de même que lorsqu’ils évoquent ses centaines de chansons, les dylanolâtres n’ont CHRONIQUES, Bob Dylan, t raduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre, éd. Folio, 400 p., 8,20 €. que la « Poésie du Poète » à la bouche, avec tant d’emphase N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 3
Sommaire Décembre 2016 n° 574
6
60
3 Édito Poètes... vos papiers ! Par Pierre Assouline
Esprit du temps
6 EN COUVERTURE Élisabeth Badinter Enquête : pourquoi elle divise Par Marc Weitzmann Portrait : une femme de tête Par Marie-Dominique Lelièvre 18 PRESTO L’actualité en bref 24 GRAND ENTRETIEN Pierre Michon « Styliste ? Ça ne me plaît pas » Propos recueillis par Jean-Baptiste Harang 30 PARTI PRIS F rançoise Chandernagor Où sont les femmes ? 35 La chronique de Luc Ferry Maurice Barrès, des vertus contestées de l’enracinement
HÉLÈNE BAMBERGER/COSMOS - ARTOTHEK/LA COLLECTION - NINI LA CAILLE POUR LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
Critique fiction
36 A ngelo Rinaldi, Torrent Par François-Olivier Rousseau 38 Marcus Malte, Le Garçon Par Hubert Prolongeau 40 Luc Lang, Au commencement du septième jour Par Alexis Brocas 42 Catherine Cusset, L’Autre qu’on adorait Par Enrica Sartori 44 Jonathan Galassi, Muse Par Olivier Cohen 46 Jonathan Coe, Numéro 11 Par Bernard Quiriny 50 POLAR D on Winslow, Cartel Par Hubert Prolongeau 51 BD D aniel Clowes, Patience Par Hervé Aubron 54 LIRE ET RELIRE S aul Bellow, Les Aventures d’Augie March Par Pierre Lemaitre 58 AU FOND DES POCHES
Critique non-fiction
60 CORRESPONDANCE A nton Tchekhov, Vivre de mes rêves Par Alain Dreyfus 63 BIOGRAPHIE Philippe Garnier, Retour vers David Goodis Par Bernard Morlino 64 RÉCIT David Van Reybrouck, Zinc Par Maxime Rovere 66 PHILOSOPHIE Peter Sloterdijk, Après nous le déluge Par Patrice Bollon 70 HISTOIRE T imothy Snyder, Terre noire. L’Holocauste, et pourquoi il peut se répéter Par Maialen Berasategui 73 La chronique de Maurice Szafran Penser avec et contre Régis Debray
74 74 DOSSIER
SPÉCIAL 50 ANS
1966-2016 Grands et petits millésimes
76 L es débuts du Magazine littéraire Par Guy Sitbon 78 Au fil des années et des archives
1966 Truman Capote 1967 Michel Tournier 1968 Albert Cohen, Marguerite Yourcenar 1969 Gabriel García Márquez 1970 Antoine Blondin 1971 André Malraux 1972 Gilles Deleuze et Félix Guattari 1973 Emil Cioran 1974 Alexandre Soljenitsyne, 1975 Michel Foucault, 1976 Jacques Lacarrière 1977 Roland Barthes 1978 Georges Perec 1979 Günter Grass 1980 Julien Gracq 1981 Norman Mailer, William Styron 1982 Umberto Eco 1983 Nathalie Sarraute, Vassili Grossman 1984 Marguerite Duras, Milan Kundera 1985 Philippe Djian 1986 Patrick Süskind 1987 Daniel Pennac 1988 Paul Auster 1989 Salman Rushdie 1990 Jean Rouaud 1991 Pierre Michon 1992 Bret Easton Ellis, Pascal Quignard 1993 Donna Tartt 1994 Jorge Semprún 1995 Andreï Makine 1996 Marie Darrieussecq, J. Le Goff 1997 Patrick Modiano 1998 Michel Houellebecq 1999 Amélie Nothomb 2000 Jean-Jacques Schuhl 2001 Catherine Millet 2002 Philip Roth 2003 Philippe Claudel 2004 Toni Morrison, Amos Oz 2005 Russell Banks 2006 Jonathan Littell 2007 Régis Jauffret 2008 Cormac McCarthy 2009 Emmanuel Carrère 2010 James Ellroy 2011 David Grossman 2012 Patrick Deville 2013 Pierre Lemaitre 2014 Maylis de Kerangal, Alice Munro 2015 Virginie Despentes 2016 Jean Echenoz
Sortir 108 ARTS B ernard Buffet Par Pierre Assouline 10 CINÉMA L a Supplication, de Pol Cruchten, 1 d’après Svetlana Alexievitch Par Alexis Brocas 111 Paterson, de Jim Jarmusch Par Emmanuel Burdeau 112 THÉÂTRE Claude Régy Par Christophe Bident 114 La chronique de Franz-Olivier Giesbert L’amour fou de François Mitterrand ONT AUSSI COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Simon Bentolila, Évelyne BlochDano, Sarah Chiche, Juliette Einhorn, Marie Fouquet, Alexis Liebaert, Pierre-Édouard Peillon, Albane Thurel, Laure-Anne Voisin. PHOTO DE COUVERTURE Thierry Dudoit/Express-Rea © ADAGP-Paris 2016 pour les œuvres de ses membres reproduites à l’intérieur de ce numéro. CE NUMÉRO COMPORTE 4 ENCARTS : 2 encarts abonnement Le Magazine littéraire
sur les exemplaires kiosque France + Étranger (hors Suisse et Belgique). 1 encart abonnement Edigroup sur les exemplaires kiosque en Suisse et Belgique, 1 encart L’Obs sur les exemplaires abonnés.
N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 5
Entretien
PIERRE MICHON
“STYLISTE ?
Ça ne me plaît pas” Pierre Michon nous a reçus chez lui, dans la Creuse : l’occasion de nous entretenir du R oi vient quand il veut, un livre d’entretiens. Nous l’avons fait réagir à quelques phrases glanées dans ce riche recueil. Propos recueillis par Jean-Baptiste Harang
Considérez-vous que ce livre fasse partie
de corde impartie au fildefériste est brève. »
de votre œuvre ?
Et, à la brièveté, vous ajoutez la rapidité. Une flèche.
Pierre Michon. Non, ça n’en fait pas partie, c’est en plus. C’est votre plus gros livre ! 370 pages de texte, plus les annexes. Le roi vient quand il veut, le roi, c’est une métaphore pour dire l’écrivain, Dieu, la grâce ?
Je crois que je parle comme tout le monde des Ménines de Vélasquez, et je dis que le roi n’y est pas vraiment, il est dans un petit miroir, le roi n’est pas là, mais il vient quand il veut. « J’écris court pour garder intacte l’émotion, le tremblement d’un bout à l’autre. La longueur 24 - Le Magazine littéraire • N° 574/Décembre 2016
Abbés a été écrit en quinze jours. Avec rien, en faisant semblant de tout savoir mais en ne sachant rien. Finalement, j’aurais aimé être un médiéviste ou un préhistorien, ces types m’impressionnent. Yann Potin m’a cité, une phrase de La Grande Beune, dans la revue Histoire, j’en ai vaguement honte. Je me dis : Pour comprendre quelque chose à la préhistoire ce n’est pas La Grande Beune qu’il faut écrire, c’est mettre des grosses godasses, aller faire des fouilles toute la journée et parler avec des gens qui connaissent la question. Moi, je
JEAN-LUC BERTINI/PASCO
tourne en rond devant mon truc. Il y a, dans la posture de l’écrivain que je suis, une sorte d’enlisement dû au peu de contacts. Gracq avait des contacts quotidiens, tout le monde venait le voir, il parlait sans cesse, il était informé par ce qui lui venait d’ailleurs, et il pouvait l’être parce qu’il occupait une position magistrale que je n’occupe pas. Vous parliez des sources d’ Abbés …
Oui, j’étais en HP pour des raisons diverses, et en quinze jours… C’était l’époque où on pouvait encore fumer dans certaines chambres, la psy m’a dit : « Si ça vous aide à écrire, fumez. » Et en quinze jours, tous les matins, j’ai écrit
Abbés, en rigolant sans arrêt. Je rigolais de la beauté du texte, des fulgurances, parce que c’était fait comme ça : tchac tchac tchac ! La plupart de mes textes ont été écrits comme ça. Pas V ies minuscules ?
Vies minuscules, non, je l’ai écrit en me disant : C’est un petit truc avant que je fasse un chef-d’œuvre ! Je me suis toujours dit ça, et là je suis dans une situation pourrie parce que la demande, l’attente est telle que je place la barre trop haut. Abbés, c’était une commande pour une revue régionale, de ces revues sur grand papier avec des >>>
Pierre Michon dans la Creuse, en octobre 2007.
N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 25
Parti pris
Où sont les
FEMMES ? Par Françoise Chandernagor
C. HÉLIE/GALLIMARD VIA OPALE/LEEMAGE
Le récent couronnement d’une romancière par le Goncourt ne doit pas faire oublier que les femmes sont sous-représentées dans les catalogues des éditeurs, les prix littéraires ou les anthologies. La preuve par les chiffres.
✍
Françoise Chandernagor, première femme « major » de sa promotion à l’ÉNA, commence une carrière administrative au Conseil d’État en 1969. Elle y met fin en 1994 pour se consacrer à l’écriture. Depuis 1995, la romancière est membre de l’académie Goncourt. 30 - Le Magazine littéraire • N° 574/Décembre 2016
J
’ai longtemps cru qu’en littérature – à l’inverse de ce qui se passait dans le monde politique ou dans celui des entreprises dont je n’ignorais pas la misogynie – les femmes avaient en France les mêmes chances que les hommes. Sans doute étaisje entretenue dans cette idée par le survol hâtif des listes des best-sellers publiées dans la presse, lecture si rapide qu’en fait elle ne permettait pas de faire la part entre les essais, les correspondances, les romans, les recueils de poèmes ou les confessions d’actrices, ni entre les œuvres françaises et les traductions d’ouvrages étrangers. Lorsque, l’âge venant, on m’invita à siéger dans des jurys de prix littéraires ou de sciences
humaines, je continuai donc, confiante, à ne prêter aucune attention au sexe des lauréats et des candidats – bien moins, en tout cas, qu’au nom des éditeurs, tant je craignais d’être manipulée et tenais à donner à tous les auteurs des chances égales. Des sondages et des études, qui révélaient que deux tiers des lecteurs de romans étaient des lectrices et que les filles disposaient d’aptitudes verbales supérieures à celles des garçons de leur âge, me confortaient d’ailleurs dans cette illusion d’une mixité naturelle du milieu littéraire français – un héritage des « salons », en somme… Et si je voyais bien que, pour les « écrivaines », le passé n’avait pas toujours été rose (il suffisait d’ouvrir un manuel scolaire pour constater que la place des romancières et des poétesses y était fort
ILLUSTRATION DELPHINE LEBOURGEOIS POUR LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
réduite), je restais naïvement persuadée que depuis la fin du xxe siècle tout avait changé : ce n’était pas chez les gens de lettres qu’on pouvait aujourd’hui parler de « machisme » ni réclamer des mesures de « discrimination positive » ! Neuf femmes en cent ans
J’étais déjà membre de l’académie Goncourt depuis plusieurs années, et j’avais participé à de nombreuses remises de prix sans m’interroger davantage sur la réalité de cette « parité », quand, en 2003, année du centenaire du prix, je procédai, quasi machinalement, à un rapide comptage : combien de femmes lauréates en cent ans ? C’est peu de dire que le résultat m’étonna : neuf femmes seulement ! 9 %, alors que le jury était mixte
depuis 1910, année où l’on y avait admis Judith Gautier, fille de son père et auteur ellemême, et qu’il avait été présidé par une femme (Colette) dès 1945. Ébranlée, l’année suivante je poussai mes investigations plus loin à partir des informations données par la revue Livres hebdo sur les parutions hebdomadaires ; j’étudiai deux trimestres consécutifs en éliminant des totaux les romans étrangers (où, du reste, les romancières, surtout anglosaxonnes, sont mieux représentées), en écartant aussi les romans policiers ou de science-fiction, les autobiographies et témoignages présentés comme tels, ainsi que les ouvrages publiés par des éditeurs spécialisés dans le compte d’auteur ou le « compte d’éditeur » : je trouvai que 25 % seulement
des romans français publiés en 2004 avaient des femmes pour auteurs. Sachant que certains « petits » éditeurs n’envoient pas leurs livres au Goncourt et que les plus « grands » ne nous adressent pas nécessairement toute leur production d’automne, je fis, cette même année, deux piles dans la masse des romans qui m’arrivaient : je constatai que, dans les romans supposés « goncourables », il n’y avait plus que 18 % de livres signés par des femmes. Et, parmi ceux-là, combien, sans tenir compte du sexe, en avais-je moi-même retenu, a priori, pour les lire ? 15 %. C’était l’inévitable « effet d’entonnoir » : 25 % d’auteurs femmes au stade de la publication, un pourcentage encore plus réduit au stade de la présélection effectuée tant par les maisons d’édition >>> N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 31
La chronique de Maurice Szafran
PENSER AVEC ET… CONTRE…
Régis Debray
ANTOINE MOREAU-DUSAULT
P
our savoir si un intellectuel, un écrivain, exerce facettes. Castro, Mitterrand, de Gaulle, Daniel Cordier, aujourd’hui une influence réelle sur la société le secrétaire de Jean Moulin, voilà dans l’ordre chrono française, il est nécessaire de lire avec attention logique les « grands hommes » de sa vie. Jamais il ne les la presse rangée à droite – Le Figaro, Valeurs acabandonnera. Jamais il ne les reniera. L’amour de la France et la phobie de « l’impérialisme tuelles ou Le Point, ce dernier étant sans aucun doute possible le plus prescripteur. Jadis Le Nouvel Obseryankee »… Il construira une œuvre à partir de cette double obsession. Est-ce réactionnaire ? droitier ? conservateur décernait bons et mauvais points. C’est au tour des médiateurs conservateurs et droitiers, parfois même ultra- vateur ? ronchon ? désenchanté ? Sans doute, et il droitiers, de tenir ce rôle flatteur. Alain Finkielkraut est convient d’entendre tous ces « progressistes » qui ne supdonc sacré et consacré ; Michel Houelleportent plus la toute-puissance de la becq, lui, a le droit à une sanctification Debray ne se pensée « décliniste » et peut-être même ante mortem, ce qui, convenons-en, n’est déclinante. Mais, en ce qui concerne Deguère usuel. Et voilà que les mêmes s’en- contente pas d’être bray, nous avons envie de refuser cette tichent d’une nouvelle « étoile » en la per- un merveilleux « mise en cases », de défendre une idée simple : tant de talent prévaut sur sonne de Régis Debray, récemment gra- prosateur ; tifié d’un mirifique et flatteur portrait il peut être drôle. quelques fautes de goût. De goût idéolodans le… Figaro Magazine ! Tout peut gique, entendons-nous. S’en était-il donc arriver dans le parcours d’un (grand) Le dernier livre de Régis Debray, Allons aux faits, est consacré à l’histoire, intellectuel, et qualifier Debray de la sorte seulement aperçu ? « objet d’imagination, [...] rêve éveillé qui n’est pas usurpé, loin de là. marche à l’admiration, au frisson plus qu’à la logique ». Ceux qui tiennent et détiennent désormais le pouvoir Perfection du style et de l’écriture – ce qui facilite les exdes idées ont décidé qu’il était temps d’annexer Debray. Et il faut reconnaître qu’ils disposent d’un sens aiguisé cès culturels, les rodomontades idéologiques, le retour de la formule. « Ronchon droitier » pour les uns – et c’est exponentiel de l’écrivain « ronchon ». Mais quel écrivain ! un compliment. « Professionnel du désenchantement » Lisons : « Il est normal que la génération dont le seul Panpour les autres – et c’est une consécration. « L’ancien zer qui ait traversé la route est le char fleuri de la Gay Pride soit plus préoccupée par le taux de CO2 dans l’atcompagnon de Che Guevara est-il devenu réac ? », s’interroge avec une fausse ingénuité Charles Jaigu, l’une mosphère que par l’évanescence de Marignan 1515 dans des très belles plumes du Figaro. Nous aurons tous comnos livres de classe. » Jean d’Ormesson n’aurait sans pris que la réponse (positive) est incluse dans la quesdoute pas osé et Alain Finkielkraut, à coup sûr, trouvera tion. Debray d’ailleurs ne dément pas, surtout pas, matière à se pâmer. Nous aussi, reconnaissons-le, mais puisqu’il s’amuse à se définir lui-même comme un « répas forcément pour la même raison : Debray ne se actionnaire de progrès ». Une formule habile, croit-il, contente pas d'être un merveilleux prosateur ; il peut être pour brouiller les pistes. drôle, très drôle. S’en était-il seulement aperçu ? P Réactionnaire ? ronchon ? désenchanté ?
Mais ses lecteurs – et nous en sommes, attentifs toujours, admiratifs fréquemment, en désaccord quelquefois – ne sont pas dupes de ce jeu de rôle à multiples
ALLONS AUX FAITS. CROYANCES HISTORIQUES, RÉALITÉS RELIGIEUSES, Régis Debray, éd. Gallimard/France Culture, 256 p., 18 €. N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 73
Dossier
Le Magazine a 50 ans
GRANDS ET PETITS
MILLÉSIMES 1966-2016
I
l en est des livres comme du vin : il y a des années avec et des années sans. Entendez que certains crus sont meilleurs que d’autres. Aussi, à l’occasion des 50 ans du Magazine littéraire, avons-nous conçu le projet d’apprécier les 50 dernières années en fonction de leur millésime. La rédaction s’est donc emparée de son imposante collection ; elle l’a relue, épluchée, disséquée mais aussi comparée : nous n’avons pas la science
infuse, surtout dans un domaine aussi subjectif que la littérature et les idées, et il n’est jamais trop tard pour combler quelques lacunes ; et, prise d’un prurit perecien, après avoir pensé, elle a classé. Puis elle a voté. Les critères ? Des livres, le plus souvent de la fiction, mais aussi des essais, qui ont dominé l’année de leur parution (et, s’agissant des étrangers, celle de leur publication en traduction française) soit par leur succès commercial, soit par leur accueil critique, soit par la trace qu’ils ont laissée dans nos mémoires, soit les trois à la fois.
ILLUSTRATION NINI LA CAILLE POUR LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
Dossier coordonné par la rédaction
➜
➜ Année moyenne
Sénèque nous ayant engagés à séparer les choses du bruit qu’elles font, c’est encore plus vrai avec les livres que la tourmente médiatique emporte parfois au plus haut ; avec le recul du temps, on se demande si c’était bien nécessaire. Comme pour le vin, rien ne vaut de les laisser un certain temps à la cave, tout en sachant que les remonter au jour c’est les exposer à l’épreuve de vérité. Pépites inattendues
Lecteurs, ayez le souci de ne pas boire l’étiquette ! Foin du nom de l’auteur, des prix littéraires qu’il a récoltés, des louanges des critiques, seul compte le texte nu. On distingue mieux alors les cuvées de qualité. Il y a donc eu des années exceptionnelles, de grandes années, de bonnes années, des années moyennes et des années médiocres au cours du demi-siècle échu. Une flèche sur un fond distinct indique la tendance mais ne concerne en rien « le » livre que nous avons choisi de mettre à chaque fois en exergue. Libre alors aux lecteurs de distinguer selon leur propre goût, et leurs souvenirs, les grands crus des premiers crus et des crus classés en transposant les critères de productivité, de sécheresse, d’humidité, de température. Question de terroir, mais celui-ci désigne-t-il une maison d’édition ou l’imaginaire de l’auteur ? Disons un peu des deux… Ainsi une Amélie Nothomb peut-elle côtoyer un Gérard Genette, rencontre inédite, ce qui témoigne de la diversité de notre vive curiosité pour la vie littéraire. Au cours de notre plongée dans les archives, nous avons parfois découvert des pépites inattendues : ici une critique de
➜
Grande année
Année médiocre
J. M. G. Le Clézio, là trois critiques de livres du philosophe Paul Ricœur par son secrétaire éditorial, un certain Emmanuel Macron… Certaines sont republiées avec la signature de leur auteur, mais la plupart ne le sont pas, ayant dû être émondées. Si un tel classement, pour discutable qu’il soit, pouvait engager les lecteurs non seulement à relire mais surtout à découvrir longtemps après ce qu’ils ont le sentiment d’avoir raté, nous n’aurions pas œuvré en vain, d’autant que la plupart de ces livres sont aujourd’hui disponibles en format de poche. Les historiens de la culture ont établi que 1913 fut exceptionnelle pour la littérature et les arts : Alcools, Du côté de chez Swann, Le Grand Meaulnes, La Colline inspirée, La Prose du Transsibérien, le Journal d’A. O. Barnabooth… N’en jetez plus ! De quoi donner encore des complexes. Antoine Compagnon, qui y a consacré son séminaire au Collège de France en 2011, est d’avis que 1966 fut une annus mirabilis. Nous nous permettrons juste de souligner, dans l’inventaire de cette année distinguée comme « séminale » par l’universitaire, un événement qui, à nos yeux et, espérons-le, aux vôtres, suffirait à la décréter effectivement merveilleuse : la naissance du Magazine littéraire… P. A.
Nous
indiquons pour chaque livre les références de sa toute première édition française, en indiquant entre parenthèses, quand elle existe, l’édition de poche actuellement disponible. En ce qui concerne les livres étrangers, nous avons privilégié la date de leur traduction française, mais nous indiquons entre parenthèses, après le nom de l’auteur, l’année de leur parution originale si elle diffère.
Dossier 1966-2016. Grands et petits millésimes
En 1966, à la recherche du titre idéal
Cinquante ans après, le fondateur du Magazine littéraire revient sur l’incubation et les débuts artisanaux du titre. Il explique aussi pourquoi à l’époque il a eu envie, sinon besoin, de ce journal-là. Par Guy Sitbon
Journaliste depuis 1957, Guy Sitbon, non content d’avoir créé Le Magazine littéraire, a collaboré au Nouvel Observateur jusqu’en 1995. Il fut notamment correspondant aux États-Unis et en Russie.
A
u pied de la colonnade de la Madeleine, sous un cagnard d’enfer, le métèque se triturait les méninges. Quel titre donner à son enfant encore embryonnaire ? La Gazette des lettres ? Ballot. La Chronique des livres ? Bêta. À l’achalandage, on dénichait déjà Les Nouvelles Littéraires, plus réac qu’un hôtel vichyssois. On se régalait à la lecture de l’hebdomadaire Arts, succulent avec ses Louis Pauwels, Jacques Laurent, mais encore plus droitier. Agaçant pour le gaucher tiers-mondiste que je personnifiais en 1966. Toute l’intelligentsia, à compter des bacs moins un, attisait le four de la Révolution pendant que les deux seuls journaux littéraires se pavanaient en versaillais. Cette France-là n’était pas à mon goût. Au salarié endetté que j’étais, éditer un nouveau périodique paraissait l’enfance de l’art. Le magazine c’était l’Internet de ce siècle-là. Il suffisait de trouver un titre. Écrire, dessiner, imprimer, et le tour était joué. Tous mes potes, camarades, connaissances, flirts vivotaient comme moi de leur plume. Les soutiers de la mise en pages ne manquaient pas. J’en avais repéré un à Salut les copains pas mal du tout. Il s’appelait André… André… je n’ai pas pu oublier son nom, bon Dieu ! Je l’ai là, sur le bout de la langue… André… disons André, ça me
76 - Le Magazine littéraire • N° 574/Décembre 2016
reviendra bien. Il travaillait sur les Champs-Élysées avec Frank Ténot (1925-2004) et Roger Thérond (1924-2001). Et cela se passait en des temps très anciens. André était tout heureux de dessiner ce nouveau journal, à 30 ans, il en avait déjà créé trois, mais il voulait savoir. « Comment tu veux l’appeler ton journal ? – Justement je me demandais. » À L’Express, j’avais rencontré François Bott. Je lui propose la botte (Oh qu’elle est mauvaise !). « Ça te dirait la rédaction en chef d’un nouveau journal littéraire ? – Pourquoi pas. Quel titre ? – Je vois bien ce que je veux mettre dedans, mais le titre, je cale. Tu as une idée ? » Les hasards d’une équipe
Depuis mon arrivée en France, en 1964, j’avais déjà participé à la conversion en magazines de deux hebdos. L’Express de Françoise Giroud (1916-2003) et France Observateur (que j’avais fait saisir deux fois par de Gaulle pendant la guerre d’Algérie) en Nouvel Observateur, où Claude Perdriel me bombarda instantanément directeur commercial. Pendant deux ans à ses côtés je ne fus ni directeur ni commercial, mais j’appris à fabriquer de la presse. D’où ce journal littéraire avec rédacteur en chef, maquettiste, mais toujours en panne de titre.
Le format magazine, c’était l’Internet de ce siècle-là.
F. VIARD/COLL. MAGAZINE LITTÉRAIRE
Guy Sitbon à l’époque du lancement.
Nancy Huston, la fabrique de l’imaginaire www.magazine-litteraire.com
La fin des écrivains voyageurs ?
Débat
Le secret des candidatures à l’immortalité Portrait
Les écrivains chinois et la censure
Eugène Savitzkaya par Gilles Leroy T 02049 - 476 - F: 5,80 E
3:HIKMKE=^UZ]UW:?k@e@r@g@a;
Inédit
Alain Robbe-Grillet, professeur à New York
www.magazine-litteraire.com
PASCAL
561_001 1
Les réfugiés vus des deux rives par Jean Rouaud et Hakan Günday
05/10/15 15:49
PORT CONT 6,80 € - MAR 60 DHS - LUX 6,80 € - TUN 7,50 TND - TOM /S 950 CFP - TOM/A 1500 CFP - MAY 6,80 €
Dossier
Il faut le redécouvrir
NOVEMBRE 2016 DOM/S 6,80 € - BEL 6,70 € - CH 12,00 FS - CAN 8,99 $ CAN - ALL 7,70€ - ITL 6,80 € - ESP 6,80 € - GB 5,30 £GR 6,80 € -
DOSSIER VERLAINE - RIMBAUD : LE COUPLE SCANDALEUX
LOUIS MONIER/RUE DES ARCHIVES
Débat
t Bernard Pivo
M 02049 - 573 - F: 6,20 E - RD
Édition : le temps des faussaires
Entretien
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Enquête
DOSSIER PASCAL LE PHILOSOPHE DE LA JOIE I LES ANNÉES APOSTROPHES
à Zadie Smith…
N° 561
LE MAGAZINE LITTÉRAIRE - N° 573 - NOVEMBRE 2016
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DÉBAT La culture face à Internet GRAND ENTRETIEN Olivier Todd ARCHIVES INÉDITES Les cahiers de la guerre de Marguerite Duras
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Académie française
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LE MAGAZINE LITTÉRAIRE - N° 561 - NOVEMBRE 2015
N° 475 Mai 2008 5 ,80 ¤
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W W W. M A G A Z I N E - L I T T E R A I R E . C O M
JeanJacques Brochier, l’homme du Magazine de 1968 à 2004.
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LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
François Bott faisait duo avec Bernard Thomas, plus ma femme Lydia, administratrice, plus Simone Arous, femme à tout régler, ça commençait à faire du monde à loger. Je louai des bureaux en ruine en promettant de régler le loyer à la fin du mois. Avec quelle oseille ? On verra bien. Quatre salariés, des bureaux, un journal à imprimer. Va falloir assurer. Et surtout trouver un titre. J’avais ma petite idée. Le journal, je ne le mettrais pas en vente dans les kiosques. Je l’enverrais par la poste à 50 000 adresses en leur proposant de s’abonner. Premier numéro, plus de mille abonnés. Clopin-clopant, la martingale roulait. Bott et Thomas n’y croyaient pas. Ils nous laissèrent en plan, je dus m’appuyer tout le boulot. Bernard Pivot vint me proposer ses services. Échotier au
Figaro, il ne me parut pas sérieux, c’est vous dire l’acuité de mon flair. Emmanuel de Roux (1944-2008) s’intégra insensiblement à la maison et fit venir son frère Dominique (1935-1977), directeur des Cahiers de l’Herne, franchement droitier, qui sauva les meubles en m’envoyant Jean-Jacques Brochier (1937-2004). Jean-Jacques avait lu toute la bibliothèque de la prison où il s’était amusé trois petites années pour avoir porté les valises du FLN algérien. On l’y avait fourré pour dix ans. Il déboula dans mon bureau, j’y croulais sous les papiers à réécrire. Sans dire un mot, il en prit deux, s’installa devant une machine et me ramena une heure après un travail fignolé. C’était mon homme. En fait, ce fut l’homme du Magazine littéraire trente-six ans durant. Moi, quatre ou cinq. En mai 1968, le numéro sur les philosophes révolutionnaires fut la seule publication à paraître au nez de la grève des imprimeurs. Les ouvriers nous avaient fait une grâce. Le directeur, emporté par la tempête, voulut changer de vie pour changer la vie. Il s’établit au Danemark dans une communauté aux mœurs futures d’un communisme intégral. L’entreprise capitaliste lui répugnait. Jean-Claude et Nicky Fasquelle eurent la bonté de soulager sa conscience. L’imprimeur du premier numéro, rue du FaubourgPoissonnière, m’avait ajusté un devis léger pour ce projet qu’il appelait « Votre magazine littéraire, votre magazine littéraire. Au fait quel est son titre ? » Vous l’avez dit, il s’appelle Le Magazine littéraire, bien sûr.
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N° 574/Décembre 2016 • Le Magazine littéraire - 77
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