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M 02049 - 573 - F: 6,20 E - RD PORT CONT 6,80 € - MAR 60 DHS - LUX 6,80 € - TUN 7,50 TND - TOM /S 950 CFP - TOM/A 1500 CFP - MAY 6,80 €
NOVEMBRE 2016 DOM/S 6,80 € - BEL 6,70 € - CH 12,00 FS - CAN 8,99 $ CAN - ALL 7,70€ - ITL 6,80 € - ESP 6,80 € - GB 5,30 £GR 6,80 € -
L’édito
Par Pierre Assouline
Les intermittences du cœur
Q À LIRE
Réparer les vivants, MAYLIS DE KERANGAL,
éd. Folio, 304 p., 7,70 €.
À VOIR
Réparer les vivants, KATELL QUILLÉVÉRÉ,
avec Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner… Sortie le 2 nov.
uel écrivain mesure vraiment le risque doit, au-delà de l’éternelle dispute sur la fidélité et la traqu’il court en abandonnant son œuvre hison. Le résultat a ceci de remarquable que les deux entre les mains d’un cinéaste qui en fera œuvres sont au diapason l’une de l’autre ; et pourtant, la sienne ? Le plus souvent, il est conscient malgré tout ce qu’elles ont de commun (trame, persondu malaise qui naîtra de la dépossession, nages, esprit), elles ne disent pas la même chose. Le mais moins des affres de l’appropriation roman racontait l’histoire d’un don, le film raconte l’hispar un autre créateur. Un détournement de but, de sens, toire d’une femme. Mais leur dissensus est ce qui pouvait d’esprit le menace ; si le livre en question a eu peu de lec- leur arriver de mieux ; il les enrichit mutuellement car les teurs, le dommage demeure personnel, intime ; dans le cas deux raclent la même réalité, laquelle a aussi partie liée contraire, le risque est grand que le film porte préjudice au avec une aventure métaphysique. La scène au cours de livre, se superpose au puissant souvenir que le lecteur en laquelle les parents du jeune homme sont mis dans l’uravait gardé, le dénature, peut-être jusqu’à l’éclipser, sinon gence au pied du mur par l’hôpital est un moment clé du s’y substituer. Par rapport à de grands romans tels que Le roman, car le don catalyse des communautés (famille, Guépard ou Barry Lyndon, nous disposons du recul néces- médecins). Face à la violence de cette mutilation d’un être saire pour en juger, mais Lampedusa et Thackeray ne chéri entre tous dont ils n’ont pas même encore envisagé sont plus là pour nous dire s’ils en veulent à de faire le deuil, ils se révoltent, se résignent, Visconti et à Kubrick, ou s'ils les louent de leur Les deux puis consentent à faire don du cœur de leur œuvres sont avoir offert un second souffle. fils ; leur décision occupe plusieurs pages, Il y a près de trois ans, Réparer les vivants a au diapason mais elle est réduite à une ellipse dans le film, illuminé de sa grâce l’année littéraire. Maylis l’une pour des raisons de rythme. de Kerangal y donnait l’illusion, sinon l’espoir, de l’autre. Au début, la romancière avait collaboré avec qu’une autre forme est possible dans cet le scénariste Gilles Taurand avant de prendre enchevêtrement de passé et de présent, d’écriture fami- ses distances, ce qui ne l’empêchera pas d’accompagner le lière et tenue, dans une même phrase, le tout emballé par film. Il va être difficile désormais, pour qui aura vu cette une fascinante précision lexicale, un souci musical de la œuvre, pleine de travellings, où le vivant circule sans cesse, scansion, une exigence dans la ponctuation et un sens de de lire le livre sans y superposer d’autres images. Celles, l’espace très personnels. Innombrables furent les débats sublimes, de la mer et de ses rouleaux à l’aube, et celles des que suscita ce livre chez les lecteurs, sans polémique mais visages et des gestes des personnages, tous remarquableavec émotion. Au Havre, un jeune homme se retrouve en ment incarnés, la tension étant également répartie entre état de mort cérébrale à la suite d’un accident de la route. eux, avant d’aboutir à une intensité collective. Pas de À Paris, une femme d’âge mûr, qui souffre d’insuffisance pathos, pas d’effets racoleurs, pas de compassion – bien respiratoire, d’une inflammation du myocarde, tente de que cela se passe à la Pitié –, mais du tact, de la pudeur, des vivre normalement en attendant la greffe d’un cœur. Le silences. La bonne distance et la note juste, qui suffisent roman dit le chemin de l’un à l’autre. Il dévoile la chaîne parfois à mettre les larmes aux yeux. de solidarité qui va du dernier souffle d’un presque-mort Au fond, le Réparer les vivants de Katell Quillévéré n’est pas à la renaissance d’une condamnée. Vingt-quatre heures l’adaptation du roman de Maylis de Kerangal, mais sa transplantation. Ces deux femmes ont réussi, chacune avec de leur vie commune. Quoique bien documenté sur le parcours du don d’organes ses moyens, à nous mettre à l’écoute d’un cœur qui bat. La et sur la technique de la transplantation, l’ouvrage évitait leçon d’humanité qui s’en dégage nous entraîne bien aul’écueil du récit documentaire. La réalisatrice Katell Quil- delà de leur sensibilité. Ce supplément d’âme doit tout à lévéré s’en est emparée pour en faire son film, comme il se une qualité des plus rares : la délicatesse. N° 573/Novembre 2016 • Le Magazine littéraire - 3
Sommaire Novembre 2016 n° 573
12
Élections américaines
3 Édito Les intermittences du cœur Par Pierre Assouline 6 Presto L’actualité en bref
L’esprit du temps
12 Politique États-Unis, la démocratie à l’épreuve Par Jonathan Alter 18 Actualité Face au terrorisme, la littérature réparatrice Par Alexis Brocas 21 Cinéma Cézanne et Zola Par Bernard Morlino 22 Histoire littéraire Lovecraft Par François Bon 24 Exposition L’ineffacé, à l’Imec Par Jean-Claude Perrier 26 Reportage Nouvelle vague d’écrivains diplômés Par Marie Fouquet 28 Rendez-vous
CHIP SOMODEVILLA/GETTY IMAGES/AFP
Critique fiction
36 Jim Harrison, Le Vieux Saltimbanque Par Bernard Morlino 38 Ben Lerner, 10:04 Par Thomas Stélandre 39 Jim Fergus, L a Vengeance des mères Par Pierre-Édouard Peillon 40 Richard Adams, Watership Down Par Hervé Aubron 42 John Williams, Butcher’s Crossing Par Alexis Liebaert 43 Molly Prentiss, N ew York, esquisses nocturnes Par Marie Fouquet 44 Ersi Sotiropoulos, C e qui reste de la nuit Par Ralph Toledano 45 Andreï Guelassimov, L es Dieux de la steppe Par Patricia Reznikov 46 Pascal Quignard, L es Larmes Par Vincent Landel 48 Philippe Vasset, La Légende Par François Angelier 50 Leïla Slimani, C hanson douce Par Alexis Brocas 51 Olivier Truc, L a Montagne rouge Par Jean-Claude Perrier 52 Gil Jouanard, L es Roses blanches Par Alexis Brocas 56 Frédéric Dard, Par Pierre Lemaitre 58 Au fond des poches
Critique non-fiction
60 Florilège Marcel Proust, L’ordonnance du docteur Proust Par Serge Sanchez 63 Paul Léautaud, Journal particulier 1936 Par Bernard Morlino 64 Emmanuel Faye, Arendt et Heidegger Par Patrice Bollon 66 Bettina Stangneth, Eichmann avant Jérusalem Par Annette Wieviorka 68 Edmund Levin, Un enfant de sang chrétien Par Patricia Reznikov
Portrait
70 Pierre Guyotat L’art et la matière Par Patrick Kéchichian
Grand entretien
ONT AUSSI COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Simon Bentolila, Alain Dreyfus, Arthur Montagnon, Albane Thurel, Laure-Anne Voisin. EN COUVERTURE Paul Verlaine : Archives-Zephyr/Leemage, Arthur Rimbaud :
Archives-Zephyr/Leemage. Photomontage : Le Magazine littéraire.
© ADAGP-Paris 2016 pour les œuvres de ses membres reproduites à l’intérieur de ce numéro. CE NUMÉRO COMPORTE 3 ENCARTS : 1 encart abonnement Le Magazine littéraire
sur les exemplaires kiosque France + Étranger (hors Suisse et Belgique). 1 encart abonnement Edigroup sur les exemplaires kiosque Suisse et Belgique. 1 encart Beaux-Arts Magazine sur les exemplaires abonnés.
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30
Entretien avec Javier Cercas
JEAN-LUC BERTINI/PASCO
30 Javier Cercas « Le roman est une arme de destruction massive » Propos recueillis par Pierre Assouline 98 La chronique Des écrivains contre le virus de l’identité Par Maurice Szafran
Verlaine et Rimbaud
HERVÉ LEWANDOWSKI/RMN-GRAND-PALAIS, MUSÉE D’ORSAY
72
Le dossier Verlaine-Rimbaud Le couple scandaleux Dossier coordonné par Robert Kopp
POÉTIQUE
72 Introduction Par Robert Kopp 74 Deux poètes en liberté Par Pierre Brunel 76 Amours plurielles et singulières Par Benoît de Cornulier 78 Les voies zutiques de la consécration Par Philippe Rocher 80 Le piéton de Londres Par Charles Ficat
POLITIQUE
82 La subversion poétique, aux avant-postes de la Commune Par Steve Murphy 86 Voyant, mais aussi révolutionnaire ParYves Reboul 88 Chronologie : vies croisées de la « vierge folle » et de « l’époux infernal »
AVATARS
90 Un puzzle inachevé Par Olivier Bivort 92 Baudelaire : « Ils me font une peur de chien » Par Robert Kopp 94 Anatole France et l’ami saturnien Par Guillaume Métayer 95 Manifestement rimbaldiens Par Laurence Campa N° 573/Novembre 2016 • Le Magazine littéraire - 5
Portrait
P
PIERRE GUYOTAT
L’art et la matière Alors que paraissent un passionnant recueil d’entretiens et le second volet de Joyeux animaux de la misère, l’auteur d’Éden, Éden, Éden, dont les textes furent marqués par le scandale, poursuit une œuvre intransigeante, symphonique et épique. Il souligne l’impact de la création sur la personne même de l’artiste. Par Patrick Kéchichian
JEAN-LUC BERTINI/PASCO
Pierre Guyotat, en 2010.
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our faire le portrait de Pierre Guyotat, inutile de détailler les éléments disparates, anecdotiques ou accidentels d’une vie. Pas besoin non plus de comptabiliser et hiérarchiser une œuvre en tous ses chapitres et modes d’expression (1). Il faut au contraire s’efforcer de saisir, même imparfaitement, même en tâtonnant, l’unité que forment cette vie d’homme et l’œuvre qui procède de celle-ci. La chronologie et la biographie ne sont alors que des points de repère, certes nécessaires mais insuffisants : il faut aller au-delà, en direction de cette unité. Quant à l’œuvre, elle est comme une symphonie, inachevée mais déjà riche, un opéra en cours d’élaboration. À la fin, seule importe la présence d’une certaine et insistante figure ; elle est faite de traits physiques, d’expressions, et de mots, de phrases, de chants, de vocalises, d’onomatopées. Et cette figure est tout sauf une abstraction. Pierre Guyotat est un homme attentif, scrupuleux, intransigeant mais sans aucune arrogance. Toute vanité est hors de son propos, et ce qui pourrait paraître de l’orgueil est l’effet d’une concentration extrême sur le travail à accomplir. Si on lui pose une question, il s’efforce d’en faire le tour avant d’y répondre. Le jour suivant l’entretien, il peut même vous téléphoner pour ajouter une précision, un détail, une référence. Il ne prend aucune question de haut, distinguant – ce qui n’est pas si fréquent – le dialogue du combat ou du rapport de force. Tout importe, qui peut aboutir à une meilleure intelligence de la chose créée ou en voie de création. Intelligence pour le lecteur bien sûr, mais aussi pour l’auteur, qui n’en a jamais fini de s’expliquer à haute voix, pour lui-même et pour les autres, ceux qui le lisent. Dans un entretien, en 1973, il déclarait : « C’est une chose qui n’a jamais été dite, l’impact,
Dossier
Verlaine Rimbaud Un couple scandaleux Dossier coordonné par Robert Kopp
I
l est des substances qui, conservées séparément, ne s’enflamment pas, même si elles sont inflammables ou corrosives. Les rapprocher peut toutefois produire une déflagration qui éclaire violemment le paysage alentour. C’est aussi le cas des œuvres de Verlaine et de Rimbaud qui, séparément, ne produisent pas le même effet que côte à côte. À n’écouter que la « Melancholia » du premier, évoquant des « Paysages tristes » ou chantant des « Ariettes oubliées », on se laisse facilement bercer par ses mélodies monotones. De l’autre côté, la furieuse révolte de l’éternel adolescent qui a traversé le champ littéraire comme un éclair, avant de lui dire un « Adieu » définitif après une dernière « Matinée d’ivresse », semble à mille lieues de « l’extase langoureuse » du « pauvre Lélian ». Pourtant, les lisant côte à côte, dans un même volume, on ne peut qu’être frappé par tout ce qui les rapproche. Et d’abord sur le plan personnel. Verlaine et Rimbaud, bravant les interdits de l’époque, ont nourri une vraie passion l’un pour l’autre, qui a changé leur vie, les a affranchis de toute contrainte. « Avec moi seul tu peux être libre […] resonge à ce que tu étais avant de me connaître », écrit Rimbaud à Verlaine, au lendemain du départ précipité de celui-ci de Londres et quelques jours avant de subir les
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coups de feu de son amant à Bruxelles. Cette violence, elle transpire non seulement dans leurs lettres, mais aussi dans leurs œuvres. « Je n’aime pas les femmes. L’amour est à réinventer. » Les « Délires » de la « Vierge folle » et de « l’époux infernal » dans Une saison en enfer sont aussi la traduction d’une expérience, celle de l’exploration du corps. Violence de vies déchirées par la passion, mais aussi par l’histoire. La débâcle et la Commune ont durablement infléchi leurs parcours et laissé des traces dans leurs œuvres plus que l’on pense habituellement. Parmi les raisons de leur départ en Belgique et en Angleterre, il y a bien l’écrasement des insurgés. Et, à Bruxelles et à Londres, ils fraient avec d’anciens communards. L’un et l’autre refusent d’oublier « la défaite sans avenir » et condamnent la « résignation de punaise ». Violence enfin du langage poétique de ces deux héritiers de Baudelaire, lui aussi condamné pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs. Nous étions habitués à celle de Rimbaud. Mais Verlaine, malgré une « Sagesse » retrouvée, ne cesse de faire du vers un lieu de recherche et d’expérience. Et il restera fidèle à Rimbaud au-delà du départ de celui-ci et de sa mort en se faisant son éditeur. L’imprégnation des deux œuvres éclate enfin au grand jour. P R. K.
Né en 1939, Robert Kopp est un écrivain éditeur et universitaire suisse, professeur à l’université de Bâle, spécialiste de littérature française des xixe et xxe siècles.
À LIRE
Œuvres poétiques croisées, ARTHUR RIMBAUD, PAUL VERLAINE,
Solenn Dupas, Yann Frémy et Henri Scepi (dir.), éd. Gallimard, « Quarto » (à paraître fin novembre).
Coin de table (détail), d’Henri Fantin-Latour
HERVÉ LEWANDOWSKI/RMN-GRAND-PALAIS, MUSÉE D’ORSAY
(1872).
74 • POÉTIQUE
82 • POLITIQUE
90 • AVATARS
Épris de fantaisie et de liberté, les deux poètes ne seront pas longtemps de « bons Parnassiens ». Pour le « drôle de ménage » l’Album zutique ou les séjours à Londres seront autant d’occasions de travailler à dynamiter l’ordre social et métrique établi.
Qu’il ait ou non été présent sur les barricades de la Commune, Rimbaud, suivant en cela Verlaine, ne pouvait qu’espérer le triomphe de la bohème sur la bourgeoisie. La critique reconnaît désormais toute l’importance de l’histoire dans l’œuvre du « voyant ».
La postérité a souvent voulu les opposer. Pourtant, c’est grâce à la détermination de l’auteur des Poèmes saturniens qu’on peut aujourd’hui lire les Illuminations. Comme si, in fine, leurs deux destinées poétiques se trouvaient indissolublement mêlées.
N° 573/Novembre 2016 • Le Magazine littéraire - 73
La chronique
Par Maurice Szafran
Des écrivains contre le virus de l’identité
Édité par Sophia Publications 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris Courriel : courrier@magazine-litteraire.com Internet : www.magazine-litteraire.com Pour joindre votre correspondant, veuillez composer le 01 70 98 suivi des quatre chiffres figurant à la suite de chaque nom. Pour toute question concernant votre abonnement :
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L
’heure, en France, est au nationalisme précisément encore le musulman. Or, depuis xénophobe. Le polémiste Éric Zem- quelques semaines maintenant, il est enfin posmour dissimule cette ultra-violence sible de lire une série de textes signés d’intellecidéologique derrière le vocable d’« iden- tuels qui ne cèdent rien à l’air du temps. Enfin ! tité ». Que son nouveau livre soit un L’essayiste Raphaël Glucksmann, se définissant immense succès de librairie atteste le lui-même comme cosmopolite et français – aucune phénomène. L’heure est venue pour le romancier contradiction entre les deux termes –, n’entend et éditeur Richard Millet d’exiger le « grand rem- pas abandonner le récit national aux obsédés, aux barquement », c’est-à-dire le retour dans leur pays démagogues et aux tordus de l’identité. D’où le d’origine des musulmans vivant en France. Millet titre de son livre, Notre France (1). Et Glucksmann, trouve ainsi la réponse au concept de « grand rem- non sans panache ni courage en ces temps de droiplacement » élaboré par son compère, l’écrivain tisation de la pensée et de la construction histoRenaud Camus – les « étrangers » parviendront rique, d’en appeler à une salutaire réaction puisque bientôt à remplacer dans ce pays les Français dits la gauche politique, elle, en est incapable. Aux « de souche ». Ces stupidités meurtrières sont intellectuels, donc, de prendre leurs responsa désormais prises au sérieux. bilités : « Ceux qui refusent le mythe Le citoyen se réclamant un tant soit « Le propre de l’identité univoque, ceux qui peu de l’héritage des Lumières s’impa- de la culture défendent les droits de l’homme ou tiente par exemple que le philosophe est de muter » ceux qui ne pensent pas que l’Europe conservateur Alain Finkielkraut n’utisoit une trahison du récit français lise son autorité morale, son influence politique sont accusés d’être en rupture avec l’histoire de pour réprouver ces thèses, et ainsi commencer à notre nation. Or l’histoire de France est à mille les faire reculer. Pour l’instant, l’académicien fran- lieues de l’identitarisme. » çais est resté coi. Silence vaut-il approbation ? L’habituelle discrétion du philosophe, sinologue et Le citoyen se réclamant de l’humanisme, une helléniste François Jullien, l’un des rares intellecvaleur reconnaissons-le en décrépitude, attend que tuels français lus partout dans le monde, a été mise la droite républicaine et la gauche démocratique à mal par cette affaire de l’identité qui secoue les mettent un terme à ces dérives culturelles et poli- sociétés européennes. Jullien n’est ni dupe ni naïf. tiques. Elles en sont jusque-là incapables. Il est persuadé que « l’islamisme menace le comFace à ce déferlement idéologique, cette vague qui mun culturel en France (2) ». Il en appelle même à semble tout emporter, les intellectuels dits de la mobilisation : « Si l’on n’organise pas la défense, gauche, les penseurs a priori progressistes ou il adviendra un jour où l’on ne pourra plus étudier authentiquement libéraux, étaient éteints. Silence Molière ou Pascal à l’école, de peur de choquer les radio, comme s’ils avaient renoncé à combattre ce convictions. » N’empêche, la dérive identitaire elle déferlement identitaire, ceux qui sont capables aussi effraie le philosophe. Ainsi ne croit-il pas à d’articuler dans le même temps, dans le même « l’identité culturelle », puisque « le propre de la texte, dans la même pensée, qu’il faut détruire, si culture, explique-t-il, est de muter ». Un rappel nécessaire les armes à la main, le fascisme isla- utile. Une mise au point indispensable. miste, mais qu’il ne peut pas être question pour (1) Notre France. Dire et aimer ce que nous sommes, Raphaël Glucksmann, éd. Allary, 260 p. autant que la société française, dissimulée dans (2) Il n’y a pas d’identité culturelle, François Jullien, une identité de pacotille, rejette « l’autre », et plus éd. Carnets de L’Herne, 104 p. 98 - Le Magazine littéraire • N° 573/Novembre 2016
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