Trente ans d'écriture - Volume 1

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PATRICK SCHLOUCH

Trente ans d’écriture Volume I 1985 - 1994

Mahana - Les Éditions du Soleil Tahiti



Trente ans d’écriture Volume 1 (1985 - 1994)

Ce recueil en quatre volumes rassemble les principaux articles, éditoriaux, rapports, discours, reportages et autres textes rédigés entre 1985 et 2015 et publiés (ou pas) sous ma signature ou celles de diverses personnalités. Il ne contient pas les textes déjà rassemblés et édités par ailleurs, notamment les Nonos des Nouvelles de Tahiti (reliés sous le titre de Piqûres de Nono) ni les brochures ou livrets produits sur commande, exception faite des éditoriaux et principaux articles écrits pour les magazines Polynésie Éco, Polynésie Habitat et Tahiti Habitat. On n’y trouvera pas non plus les textes et discours rédigés pour le député, maire de Papeete et représentant à l’assemblée de la Polynésie française, Michel Buillard, lesquels ont déjà fait l’objet de trois recueils spécifiques portant sur les périodes 1995-2001, 2002-2012 et 2013-2017. Enfin, ces Trente ans d’écriture n’incluent pas, bien évidemment, les ouvrages personnels complets (Méditations d’un golfeur solitaire, Les Aventures de Fédérica Pilule, Pèlerinage au Bhoutan, Papeete en capitales, T comme... Tahiti et Servitude Sophie) ou encore inachevés (Il pleut soleil), écrits pendant cette période (tous ces titres étant disponibles sur le site issuu.com/mahana, à l’exception des deux derniers cités). Le premier volume porte sur la décennie 1985-1994. Il s’ouvre sur le rapport final que j’avais écrit en 1985 au terme du quatrième Festival des Arts du Pacifique dont j’étais le directeur adjoint, responsable de la communication et des relations avec les médias. Suivent quelques-uns des discours et autres textes rédigés en 1987 et 1988 quand j’étais chargé de mission à la présidence du gouvernement (Flosse puis Teuira) avant d’être recruté à la fin de l’année 1987 au cabinet du secrétariat d’État chargé des Problèmes du Pacifique sud (sic) confié à Gaston Flosse par le Premier ministre Jacques Chirac. Mon passage au secrétariat d’État fut bref, pas plus de quatre mois avant que je ne fusse mis à contribution par le Tahoeraa Huiraatira, le parti de Gaston Flosse, pour la campagne de l’élection présidentielle de mai 1988 que Chirac perdit contre François Mitterrand, président de la République sortant. Malgré mon inexpérience, je jouai un rôle non négligeable dans la communication de cette campagne placée sous la direction d’Hubert Chavelet, un journaliste français confirmé dont le bagout avait su séduire Gaston Flosse et Michel Paoletti son directeur de cabinet.

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Jacques Chirac écarté, Gaston Flosse perdit son ministère et moi mon emploi. Toutefois, quelques semaines plus tard, j’étais recontacté par Hubert Chavelet. Trois ans auparavant, il avait créé un magazine à caractère économique et culturel en NouvelleCalédonie intitulé Dixit. Il souhaitait relancer cette publication à Tahiti et il avait besoin d’un assistant. C’était mal payé, mais Chavelet mettait un petit bureau à ma disposition chez lui, à Pirae, et je pouvais aussi utiliser son Macintosh, un grand luxe à cette époque. Peu de temps après, il m’annonça qu’il ne pourrait plus du tout s’occuper de ce projet et que je devrais l’assumer seul. Il céda ses droits à la Jeune Chambre Économique de Polynésie française (JCEPF) laquelle s’engagea à me rémunérer et à assurer l’édition du magazine le moment venu. Je faisais tout, de l’élaboration du sommaire à la rédaction des articles et aux illustrations jusqu’à la commercialisation, c’est-à-dire la vente des espaces publicitaires. Mes seules ressources pendant cette mission furent d’ailleurs les maigres acomptes que les annonceurs acceptaient de verser avant publication. Internet n’existait pas encore et, pour la collecte d’information, il n’y avait alors que le bon vieux téléphone et les entretiens personnels. Ça prenait un temps fou. Il me fallut pratiquement un an pour boucler ce travail. Ce premier volume de mon recueil de textes contient une chronologie assez précise de cet épisode et une présentation sommaire du Dixit 1989. Vers le milieu de l’année, je fus approché par Roland Garrigou, mon ancien chef à la présidence et au secrétariat d’Etat. En association avec son ami Jean-Pierre Buisson, alors directeur du service des Finances de la Polynésie française, il venait de créer Pacifique Sud Consultants (PSC), un cabinet proposant d’aider de riches Polynésiens à investir dans les pays voisins de la région. Roland était chargé d’une mission de prospection d’une quinzaine de jours à Fidji, mais il y avait un hic, il ne parlait pratiquement pas l’anglais. Il me proposa donc de l’accompagner et de l’assister. L’expédition fut réussie et, par la suite, PSC me confia d’autres missions à Fidji où je me rendais désormais seul, escortant nos clients dans les meilleurs hôtels, les transportant dans de magnifiques berlines de location, leur servant de guide, d’interprète et même de conseiller juridique… Après quelques mois à faire la navette entre Tahiti et Fidji, je commençais à en avoir assez des voyages en avion et des hôtels-restaurants, si prestigieux et confortables fussent-ils. Je proposai donc à mes “patrons” (j’avais demandé à être associé à l’affaire, mais ils avaient refusé) de m’installer pour de bon à Fidji. Ils approuvèrent cette idée avec d’autant plus d’enthousiasme que la présence sur place d’un correspondant permanent anglophone, connaissant bien le terrain et possédant un réseau de relations jusque dans les hautes sphères du gouvernement et de l’administration, valorisait considérablement leur cabinet et ses services. Ceci étant, la clientèle polynésienne privée désireuse d’investir à Fidji s’est très rapidement tarie. PSC se tourna alors vers le politique. Je me rappelle avoir organisé la visite officielle de la ministre polynésienne de la Condition féminine, Huguette Hong Kiou, et de l’avoir escortée pendant son séjour.

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Mais, là encore, le marché était très limité. On passa ensuite aux grands groupes économiques nationaux. On tenta de vendre une usine française de traitement des déchets aux Fidjiens. On leur proposa aussi une chaîne de télévision. En vain. Ils étaient si fauchés que même avec des concessions commerciales extrêmes, le compte n’y était jamais. Notre petite activité lobbystique attira néanmoins l’attention de l’ambassadeur de France, Henri Jacolin, qui décida de tout reprendre à son compte et je fus écarté des négociations sans ménagement. Entra alors en scène le groupe de presse français Robert Hersant qui s’était mis en tête d’investir dans le Pacifique sud. Ayant déjà racheté Les Nouvelles calédoniennes, La Dépêche de Tahiti et Les Nouvelles de Tahiti, il voulait aller plus loin. PSC fut chargé d’étudier la possibilité de créer un quotidien de langue anglaise à Fidji. Sur place à Suva, j'avais évidement un rôle clé à jouer dans cette affaire. J’ai travaillé pendant six mois d’arrache-pied à la conception de ce journal. Tout était prêt. Le business plan était formidable. Les autorités fidjiennes avaient donné leur accord. Il n’y avait plus qu’à signer. Mais, nous étions en 1989, le mur de Berlin s’est écroulé et le rideau de fer s’est déchiré. Soudain, l’Europe de l’Est s’ouvrait aux investissements occidentaux. De fabuleuses opportunités dans le domaine médiatique se présentaient en Hongrie, en Tchécoslovaquie ou en Pologne auprès desquelles les projets océaniens faisaient bien pâle figure. Pratiquement du jour au lendemain, toute communication cessa avec le groupe Hersant. Henri Morny, l’homme de confiance de Robert Hersant chargé des investissements outremer et à l’étranger, était sur la brèche à l’Est et Fidji ne l’intéressait plus du tout. Je me trouvai dans une situation embarrassante, les Fidjiens me pressant constamment de leur donner des informations sur l’avancement de notre opération. Je n’en avais aucune. Paris ne répondait plus à mes courriers. Pendant ces longues semaines d’attente et d’anxiété, j’essayai de justifier ma position et mon salaire en rédigeant consciencieusement des notes d’information régulières à l’attention d’Henri Morny et de son bras droit, Maxime Briançon, qu’il avait placé à la direction régionale du groupe et qui partageait son temps entre Papeete et Nouméa. Un jour, le rédacteur en chef des Nouvelles calédoniennes découvrit l’existence de ces notes d’information que personne ne lisait. Il prit contact avec moi, m’encourageant à les adapter en véritables dépêches et articles sur l’actualité à Fidji et dans le Pacifique anglophone de façon à alimenter une rubrique régionale quotidienne. Je retrouvai donc mon ancien métier de journaliste et devins par le fait correspondant permanent du groupe Hersant dans le Pacifique sud, en résidence à Suva (Fidji). Je me mis à pondre de l’information océanienne tous les jours sur mon petit Mac Plus Apple à l’écran grand comme un timbre poste. J’expédiais mes papiers par télécopie à Nouméa et aux Nouvelles de Tahiti, passant les deux années suivantes, 1990, 1991 et jusqu’en mars 1992, à écrire des centaines d’articles sur presque tous les pays de la région, de l’Australie à la Nouvelle-Zélande en passant par Fidji, la PapouasieNouvelle-Guinée et les micro-États insulaires. J’écrivais sur tous les sujets et dans tous

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les domaines, de la politique au sport en passant par l’économie et l’environnement, devenant rapidement l’un des rares journalistes français spécialistes du Pacifique sud anglophone. Au début de l’année 1992, Philippe Hersant me demanda de prendre la direction de la rédaction des Nouvelles de Tahiti. Cette nouvelle responsabilité ne me laissait guère le loisir d’écrire, à l’exception du Nono, un court billet à caractère satirique et humoristique publié chaque jour en première page (le nono - ou simulie - est un insecte minuscule, quasi invisible mais féroce, dont les piqûres sont particulièrement douloureuses). Le Nono n’était jamais signé. C’était une tradition des Nouvelles de Tahiti née dans les années 1970, bien longtemps avant mon arrivée et que je perpétuais tout comme mes prédécesseurs l’avaient fait avant moi. Cette tradition disparut en 1999. Fin 1993, Hersant me fit savoir qu’il ne renouvellerait pas mon contrat. À l’orée de 1994, je m’établis donc à mon compte comme consultant en communication. La crise flottait encore dans un futur nébuleux et mes affaires prospérèrent assez vite. Je fus bientôt sollicité par de grosses entreprises ou administrations. Je travaillai notamment beaucoup pour la bijouterie Sibani Perles et pour la compagnie aérienne Air New Zealand par le biais de laquelle je fus aussi un éphémère correspondant de Radio New Zealand International en Polynésie française.

P.S.

Que l’on veuille bien excuser la mise en pages approximative de certains textes. Je n’ai pu en effet en retrouver que la version PDF non modifiable et souvent trop sommairement archivée.

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SOMMAIRE

1985 •

QUATRIÈME FESTIVAL DES ARTS DU PACIFIQUE

15

1er septembre - Rapport

1987 •

EXPOSÉ DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT JACQUES TEUIRA

49

14 avril - Centre des Hautes Études Militaires

DISCOURS DU VICE-PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT JACQUES TEHEIURA

75

20 avril - Rencontre avec les étudiants polynésiens, Vitrolles

DISCOURS DU VICE-PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT JACQUES TEHEIURA

77

22 mai - Inauguration de l’hôtel Sofitel Tiare Moorea

DISCOURS DU MINISTRE DU TOURISME ALEXANDRE LÉONTIEFF

81

22 mai - Inauguration de l’hôtel Sofitel Tiare Moorea

DISCOURS DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT JACQUES TEUIRA

83

30 juin - Inauguration du temple Kanti à Mamao

DISCOURS DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT JACQUES TEUIRA

87

4 juin - Inauguration du CFPA de Punaruu

1988 •

ARTICLE DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU PACIFIQUE SUD GASTON FLOSSE

93

25 janvier - La Désinformation antifrançaise dans le Pacifique (Revue parlementaire)

BIOGRAPHIE DE GASTON FLOSSE

98

Mai - In Pour la France dans le Pacifique, dossier bilan du secrétariat d’État au Pacifique sud

…/… 7


1989 •

DIXIT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, PRÉSENTATION GÉNÉRALE

103

Mai - Note à l’attention de la Jeune Chambre Économique et des annonceurs

DIXIT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, CHRONOLOGIE

107

Septembre - Mémo à l’attention de la Jeune Chambre Économique

1990 •

IMAGE DE LA FRANCE DANS LE PACIFIQUE

113

18 novembre - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

1991 •

LES ÉCONOMIES INSULAIRES SOUS PERFUSION

117

10 mars - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

AUSTRALIE - NOUVELLE-ZÉLANDE, LA FÊTE EST FINIE

121

22 mars - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

VISITE DU PREMIER MINISTRE MICHEL ROCARD EN NOUVELLE-ZÉLANDE

125

2 mai - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS DANS LE PACIFIQUE

127

22 mai - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

ALAIN MAFART DÉCORÉ DE L’ORDRE NATIONAL DU MÉRITE

129

6 juillet - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

LE PACIFIQUE SUD FACE AUX DÉFIS DU 21E SIÈCLE

131

1er août - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

PREMIÈRE MISSION COMMERCIALE POLYNÉSIENNE EN NOUVELLE-ZÉLANDE

135

11 novembre - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

AFFAIRE DU RAINBOW WARRIOR, LA RAISON DU PLUS FORT

141

18 décembre - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

…/…

8


1992 •

ANALYSE DE LA SITUATION DES NOUVELLES DE TAHITI

145

6 janvier - Rapport adressé à Henri Morny et Maxime Briançon

PROPOSITIONS POUR UNE PRISE EN CHARGE DES NOUVELLES DE TAHITI

153

28 février - Courrier adressé à Philippe Hersant

ANALYSE DE LA PRESSE FRANCOPHONE DANS LE PACIFIQUE

157

1er mars - Note de synthèse adressée à Philippe Hersant

COMMISSION DU PACIFIQUE SUD, LA PAGE EST TOURNÉE

161

28 mars - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti et Les Nouvelles calédoniennes

TVA ET PRIVATISATION

165

1er novembre - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti

1993 •

L’OMBRE DE L’ÉLYSÉE

171

er

1 janvier - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

PREMIER TOUR DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

173

14 mars - Commentaires publiés dans Les Nouvelles de Tahiti

INDÉPENDANCE ? SOYONS CLAIRS !

177

15 mars - Commentaires publiés dans Les Nouvelles de Tahiti

PACTE DE PROGRÈS, LES PIÈGES DE LA VICTOIRE

183

22 mars - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

SECOND TOUR DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

187

28 mars - Commentaires publiés dans Les Nouvelles de Tahiti

L’ARGENT EST INDISPENSABLE, MAIS NE SUFFIRA PAS

191

2 avril - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

LES NOUVELLES DE TAHITI, PREMIER BILAN ANNUEL

193

27 avril - Courrier adressé à Philippe Hersant

…/…

9


RIVNAC OU NU’UROA, QUEL AVENIR POUR LA POLYNÉSIE ?

197

1er mai - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

MAXIME CARLOT, PREMIER MINISTRE DU VANUATU, INVITÉ DU CLUB 89

199

er

1 juin - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti

FISCALITÉ, LA FIN ET LES MOYENS

205

1er juin - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

ACCORD ISRAELO-PALESTINIEN, UNE LÉZARDE DANS LE MUR DE LA HAINE

207

er

1 septembre - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

SYDNEY, VILLE OLYMPIQUE DE L’AN 2000

209

23 septembre - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

POINTS DE VUE : ALBERT MOUX

211

er

1 septembre - Interview publié dans Les Nouvelles de Tahiti

ARNAQUE INTERNATIONALE (NIGÉRIANE) AU BLANCHIMENT D’ARGENT

221

24 novembre - Article publié dans Les Nouvelles de Tahiti

PARIS-MATCH, UN COUTEAU DANS LE DOS À UN MILLION D’EXEMPLAIRES

227

2 décembre - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

FIN DE PARTIE AUX NOUVELLES DE TAHITI

229

9 décembre - Éditorial publié dans Les Nouvelles de Tahiti

1994 •

AUTONOMIE INTERNE DIX ANS APRÈS, LE CHAMP DE RUINES

235

er

1 janvier - Projet d’article inachevé

IMAGE DU GROUPE SIBANI PERLES

239

13 février - Rapport

SIBANI AU 5E SALON DE LA BIJOUTERIE DE TOKYO

247

5 mars - Rapport

…/…

10


FAUSSAIRES

253

6 avril - Éditorial

PEARLS 94 À HONOLULU, LA GRAND MESSE DE LA PERLE

255

20 avril - Reportage

MARCHÉ DE LA PERLE, BOOM ET BOULEVERSEMENTS COMMERCIAUX

257

24 avril - Analyse

PEARLS 94 À HONOLULU, LE DÉFI AMÉRICAIN

261

er

1 juin - Reportage

INTERVIEW DE DIDIER SIBANI,

267

6 juin - publié dans Tiki Mag

DISCOURS DE DIDIER SIBANI

269

16 juin - Inauguration du BEEP, Centre Vaima, Papeete

QUEENSTOWN, REINE DES STATIONS DU PACIFIQUE SUD

275

27 juin - Reportage publié dans La Dépêche de Tahiti

PROPOSITIONS POUR LE NÉGOCE DE LA PERLE DE TAHITI

277

er

1 juillet - Rapport rédigé pour Sibani Perles

INTERVIEW DE DIDIER SIBANI

323

18 juillet - Jewellery International Magazine

LE VIN NÉO-ZÉLANDAIS OU LA VICTOIRE DU BON GOÛT

325

15 juillet - Reportage publié dans La Dépêche de Tahiti

CULTURE ET DÉVELOPPEMENT DANS LE PACIFIQUE SUD ANGLOPHONE

337

22 septembre - Intervention aux 5e Assises des Employeurs

INTERVIEW EXCLUSIVE DE DOMINIQUE PERBEN

345

29 septembre - Dépêches pour Radio New Zealand International

AIR NEW ZEALAND, FIDÈLE PARTENAIRE ÉCONOMIQUE

347

8 novembre - Article publié dans Dixit 1995

11


Trente ans d’écriture - Volume 1 © Tous droits réservés - Avril 2018

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1985



































1987































58 Discours prononcé au nom du Gouvernemcnt par Monsicur Jacqucs Teheiura INAIJGTJRATION DE L'HOTEL SOFITEL TIARE MOOREA

te 22

MAI

1987

Monsicur Ic Haut-Commissirirc. Monsicur lc Vice-présiden! dc I'Asscmblcc lcnitorialc, Mcssicurs lcs Ministrcs, Monsieur le ConseillcÈMâirc dc Moorca, Monseigncur, Monsic r le Présidcnl dirc.lcur généml, Monsieur le Dircctcur, McsdÂmcs. Mcssieun, Qù'y a-t-il de plus salisfaisanl, pour un Gouvcmcmcnl ayanl fondé sâ polidque c(onomique, pour unc parl esseniiclle, sùr le développcmcn! dc l'indusirie touristique, quc de conslâter dcquelle manièrc efficâce et supcrbe. celte polirique poûe ses fruits ? m'esr trcs agreablc, en elfel, dc paniciper aujourd'hui, âvec vous, dâns co cadre magnifique, à la mise en servicc decc nouvel ourit de iravail prestigieux qu esl I hôlcl Sofilel Tiare Moorca-

Il

tæ késiden! du Couvcmement, retenu pâr d'imponan@s obligadons eû mélropole, aurart éé aès fior el heureux d'êùe pârmi nous. Il m'a demandé de vous âdrcsser à lous son plus cordiâl sâlùt €t aux responsablgs de cel

éhblissemenl lous scs vocùx de succès. Je voudrars, dhbord, remercier MonsieurJulicn SIU, âmi personnel, éminen[ homme daffâires polynésien et promoteur de cet élâblissement, pour son invilâlion, et le félicircr pour lâ parfaite organistion de cette irâugurâdon. Je voudrâis remercier les responsables du groupe ACCOR qui esl, désormais, un partenairo primordial

du Terriloire en mâtière de développement louristique et qui prouve une fois de plus, de manière éclaLante, la confiânce qu'il âccorde à lâ Polynésic française.

Je voudrâis associcr également, à cette belle enkcpriso, I'Agence tenitoriâle pour l'Emploi et lâ Formatior professionnelle qui a effectué un tr-dvail inédit pour former et informer le peNomel de cer hôtel, aidée en cela par la municipalié de Moorea qui a mis à sa disposilion ses locâux et ses agents. Excusez moi de ne pas lous vous citet mais, à vous qui âvez panicipé à l'élâboration et à Ia réalisation de ce projet hôtelior, j'adresse les plus vives félicitâtions du gouvemeneol tenilorial.

Il y a seulement quelqùes semaines, je me trouvajs à san Fiancisco. On mh rapporé que I émission de réalié€ fân demier ici môme à Moorea par le célèbre comédien américain Bob HOPE, avair éé diffu$ê. lélévision Cet âctcur y a rendu un immense hommago à rcùe pays, en déclârant quc c'est en Polynésie frânçâise que l'accueil est lc plus châleureux.

Venant d'une p€rsoûnalité aussi populaire aux Eaatr-Unis et qui, toute sa vie, â parcouru lc monde entior, une telle rénexion n'a pâs dc prix Cela signifie également que lâ réputâlion de I'hospitalité polynésienne nbst pas usurpée.

!

Face à lâ concurrence intornationâle de plus ct plus sévère, notre aourisme dispose d'un abut mâjeur que nous devons exploiûer : l'âllianc€ de la lrâdition hôtelière et gasronomique française. univcrs€llement r€connue et de t'hospitalité polynésienne.


59 Lâ Natùrc a doté noûc pays dc siles exccplionnels. C cst notrc matièrc prcm ièrc. l-c cadrc oil ûous nous Lrouvons en cc momcnl cn est daillcurs un magn ifique cxcmplc. l\_ous dcvons apprcndrù à gércr cclle rcssourcc avcc inlclligcncc

ct hârmonic, cn veillânl à nc pas la

gâchcr inulilcment car cllc cs! actucllcmcnl nolrc scule vérilablc rich0ssc. Jc dois, à ce propos, rcodrc hommage âux louablùs cfforls qui ont éd [ai!s pour évilcr quc l'cditicadon du Sofitcl Tiare Moorcâ ne consdtuc unc agression l-rop imporla !c du milicû naturcl cl pour quc lcs constructions s'intègrcnt Ic micux possible à I'cnvironncmcnl. Nous dcvrons ctcorc acccnlucr ccs ellorts el ôrc bujours plus

viailânts âussi bicn lors des travaux dc construction dcs lulurs complcxcs hôtclicrs qu'ensuùc, au cours dc lcur utilisation qûoddienne. t-a fragilité de noFe cnvironnemcnl est proponionncllc à la branche sur lâquelle nous sommcs inslâllés.

si bcâuté. IIscrâi! vmimenl dommâge dc scicr

l,e deuxièmc point fort que je voudrâts âtorder concernc Ia formalion dcs hommes c! dcs fcmmes qui souhaircnt tavxiller dâns I'hôlellcric en Polynésic françâisc.

A cet égard, ie dens à souligner I'effon exccplionncl que le Tcnitoirc â consenli pour assurer le foncrionnement oplimal de I'hôtcl que nous inaugurons âujourd'hui. Aux termes d'unc convcntion pâssée enlrc le Terriloire et le Sofitel Tiare Moorea, nous Âvons pds cn chargc à 1007,. lâ formauon de 60 sLâgiâites qui occupent, à pésent, des emplois en cuisine, âux reshuranls ou à la réception.

Nous avons ainsi voulu monaer avec force combien lc Terribire cst décidé à soulenû, âutânt que possible , les opérâdons d'inveslisscment lourisliques. Nous tcnons également à gommcr I'idé€ reçuô du service polynésien norchalan! e! dilenan@ qui n'est pas une fâtalilé. Lc Polynesien possède nâlurcllcmcot le sens de I'accueil sourian! et sponlâné. Encorc fauail ravailler pour développer ces qualilés naiùrclles ! C'est si imponant, qu'il nous fâut y réfléchir sérieusement et envisâger des mesur€s inciutives.

Alors, on nous pârle de sinislrose!

Cbs! v.Ài, il fâut le reconoaiEe, 1987 est une année difficile pour notre tourisme, et surlout À Mooreà I-â bâisse cortinue du dollar, lc niveâu de nos prix, le manque d'imaginâtion, peul eEe aussi, sont âutânt de handrcaps qu'il faudra surmonûer. MÂis, n'esr ce pas dans la difficulé que lbn se découvre parfois les ressources lcs plus inâtlendues? Tout pas r'est loujoûs facile, etje dirai tant mieux! Car les p(oblèmcs nous âident à progrcsser, à loujours nous arnéliorer et mieux fairc.

Notre midsEe du Tourisme ne ménage pas ses efforts. Il appone des idées, propose des mesures, ouvrÊ plan de développement de noEe câpacité hotelière se réalise selon nos le dialogùe qui fera naitre les solutions. prévisions; nous disposons, ainsi progressivement, d'une infrastructure bien adâptée. læ ciel polynésien sbuwe de plus en plus, âu tralic aérien. Nos souhails de ces dernièrcs anné€s sont donc sùr le poini de se concrétiser

L

entièremenl.

Marnrcnânl, tous ensemble, élus, profcssionnels du lourisme, hôlclicrs el employés, nous dcvons, âvec el gagner note pâri sur lc lourisme.

ces atouls, et sans complexes, relever lc défi

h

Polynésie est chère? Cenes, mais elle possède un nivcau dc vie comparablc aux pâys dévcloppés.

i I

i;-


60 Aussi, donnons nous

li

ûrâin porlr tuûù brisscr lcs pri\ aLrtrnt

qLrc

possiblc el ramc;cr nos l,rrits à dcs

nivcâur acccpLlblcs. Mxis, nc nous lcurrons prs, noLrc dcstinrtion rcslcrâ résc.véc à un cerrain nombrc cr, si lcur olkoos un iunc rrmort qualité-prix, nos vjsitcur\ scrcnL toLrjours srtislâils dc lcur séjour. Alors, pourquoi

ne pas

noLrs

s'inipircrdcs rocclLcs dcccux quigagnonl?

On dit souvcnt quc lc touristc

s'cnnLric cn Polyndsie ctquc Ic paysâgc Ic plus idylliquc nc

sulûrrjrnrârs

à lâircdcs væanccs réussics.

Jc suis dc cc! avis ct jc constâlc, âu cours de mcs déplaccnrcnls à lérangc., quc d'énormcs consacrés à l'animation lourisriquc. Lcxemplc d'Hrwaii cst, à cel6gârd, tout à lâil sign ificatif.

cflotu

son

Pourquoi nc pas former davanrrgc danimateurs ? Lc louristc, lou! spécialcmcnt lc tourislc ami.i*in, aimc ôlre guidé, dorlolé, choyé, commc un enlânt quidécouvrc les mcNcillcs d'un pays. Ilapprc.ic qu'on luicxpliqLo avec humour ct gentillcssc lc pourquoi ct lc commcnl dcs coutumes , qu'on lui monlre lcs curiosi!és cl lcs richcssùs cùlturcllcs, comme on le fcrâit pour dcs amis.

IIest rcmps à présenl do lânccr ùnc grrndc réllexion sur ce ùèmc dc l'animaÛon louri\Ùquc. noûmnrcnL dâns lcs hôtcls, afin d apporler un 'plus" au " produif' Polynésic. Cette réflcxion devra . bicn sûr, sc fairc cn concerlârion avec lcs professionncls ct lous lcs partenaircs concemés. lÆs bonnes idées, dbir qu'cllcs vicnncnt, scron! toujours lcs bicnvenoes.

Nous pounons, par exemple, orgâniscr pour nos ânimâlcurs des stâgcs à Hawaii, ou en Caiifomic, puisquo les américains sonl nos clienb privilégiés. Les skgiâircs y apprcnctraicnl à mieux connaître leurs lutùrs clients, et à mieux les servir. Voilà quelques réflexions qucjc voulâis vous livrer. læs inaugurations, et lout paniculièremcnl les plus brillanrcs comme celle d'âujourd'hui, sona bujours I'occâsion do prendie de bonnes résolutions pour I'avcnir e1 d'essâyer de s'améliorer sâns cesse. Pour ses promoreurs, son p€rsonncl er pour la Polynésie françaiso, je souhaile à l'hôÎel Sofitcl Tiaro Moorca Ic plus grand dcs succès,

MAURUURUU.













1988











1989











1990





1991





























1992



Patrick Schlouch REPRESENTANT DU GROUPE PPC A FIDJI

PO Box 4016 - Samabula Suva, Fidji Tél. (679) 382.074 - Fax. 370.455

Papeete, le 6 janvier 1992

MM. Henri Morny et Maxime Briançon Pacifique Presse Communication Objet: Projet de reprise de la direction de la rédaction du quotidien Les Nouvelles de Tahiti

Vous m'avez fait l'honneur de me proposer de prendre la direction de la rédaction du quotidien du groupe Les Nouvelles de Tahiti. Je suis flatté de ce témoignage de confiance et vous en remercie. Cette proposition m'a été faite officiellement le jeudi 26 décembre 1991 par Mr. Maxime Briançon. Nous avons eu ensuite à ce sujet une séance de travail d'une durée d'environ trois heures le samedi 28 décembre dans les bureaux de La Dépêche de Tahiti. Voici donc, à la demande de Maxime Briançon, un rapport sur la manière dont j'envisage la restructuration du produit Les Nouvelles de Tahiti dans le but de moderniser ce journal et redynamiser l'équipe qui le fait fonctionner pour, finalement, relancer les ventes dans la perspective de rétablir son équilibre financier. SITUATION ACTUELLE Les ventes Les premiers renseignements que j'ai pu obtenir - et qui ne portent que sur les années 1990-1991 - montrent que les ventes quotidiennes ont commencé à fléchir de façon brutale en juillet 1990. Une légère reprise provisoire a ensuite précédé une nouvelle chute, ralentie mais ininterrompue, à partir d'octobre 1990. Le tableau et le graphique joints au présent rapport révèlent que le nombre moyen d'exemplaires vendus pour chaque édition est passé de 4511 en juin 1990 à 3769 en octobre 1991 (dernier chiffre connu) soit une baisse de 16,5 % en un peu plus d'un an. Il serait naturellement très instructif de pouvoir étudier les fluctuations des tirages et des ventes depuis cinq ans au moins. Mais, dans l'ensemble, et même en l'absence de chiffres, il est de notoriété publique que le tirage des Nouvelles de Tahiti a toujours été limité et ce journal a, de longue date, supporté la triste réputation de fonctionner à perte. Le produit Le fléchissement des ventes est naturellement le signe d'un manque de qualité du produit ou de son inadaptation au marché. A mon sens, il souffre simultanément de ces deux handicaps. Qualité - Sur la forme


Il est assez délicat à ce stade préliminaire de mon étude de détailler de manière très précise les défauts du produit Nouvelles et, surtout, leur origine. Une telle analyse suppose un travail d'observation quotidienne effectué de l'intérieur. Il sera néanmoins suffisant de souligner pour le moment la faiblesse très significative de la présentation: manque de clarté et de lisibilité tant à la "une" que dans les pages intérieures, absence de rigueur dans la structuration du journal et dans sa mise en pages, inconfort de lecture. Bref! D'une manière générale, Les Nouvelles paient le prix de leur aspect négligé. - Sur le fond Ici, les choses semblent assez différentes et plus nuancées. Les échos que l'on peut entendre ça et là font état d'une certaine qualité rédactionnelle. On reconnaît même parfois aux articles publiés dans Les Nouvelles un niveau supérieur à celui de La Dépêche. Excepté toutefois dans la rubrique sportive. Je crois qu'il y a là un aspect positif qu'il sera judicieux d'exploiter à fond. Après examen plus attentif, cependant, de flagrantes faiblesses apparaissent ici aussi. Je citerai notamment le manque de rigueur dans l'écriture (style, orthographe) et le manque de créativité entraînant une grande monotonie du journal dans l'ensemble. Très peu de papiers sont capables de retenir l'attention du lecteur jusqu'au bout. Le travail de base du journaliste, qui est de transmettre l'information de la manière la plus attractive et la plus claire possible, est beaucoup trop souvent escamoté. Le journal est encombré de communiqués publiés in extenso, le plus souvent incompréhensibles pour le lecteur moyen. D'où désintérêt, et gaspillage dramatique de pagination. J'ai aussi noté un manque de réaction à l'actualité et un faible désir d'en savoir plus sur tel ou tel événement. Il est tout à fait clair que l'examen systématique et détaillé des deux journaux locaux - le b-a-ba du métier - n'est pas effectué. J'en veux pour preuve les nombreux doublons que l'on constate (informations identiques paraissant à quelques pages d'écart dans la même édition, signe d'un manque de coordination et de communication) ainsi qu'une ignorance pour le moins surprenante de ma rubrique "Pacifique" au sein même de la rédaction des Nouvelles que je visitais le jeudi 26 décembre (je rappelle que j'assure cette correspondance régionale chaque jour depuis un an et demi environ). Adaptation au marché C'est clair! Il n'y a pas à Tahiti de réel marché pour deux quotidiens à fort tirage. Avec ses quelques 13.000 ou 14.000 exemplaires vendus chaque jour en Polynésie française, La Dépêche de Tahiti draine à peu près l'ensemble de la clientèle potentielle. Ainsi, les lecteurs des Nouvelles sont déjà, dans leur très grande majorité, des fidèles de La Dépêche. La baisse continuelle des ventes des Nouvelles est, je crois, le signe d'un faible intérêt du public pour l'achat de deux publications bien trop semblables dans leur contenu. On lit La Dépêche de toutes manières. L'achat des Nouvelles, en complément, est un luxe que l'on s'offre de moins en moins compte tenu du faible intérêt du produit (cf. la courbe des ventes). Il est par conséquent nécessaire de rendre à la clientèle des Nouvelles dont on peut raisonnablement penser qu'elle se recrute en majorité dans les couches les plus aisées de la population puisqu'elle peut se permettre d'acheter deux journaux par jour - le service qu'elle attend et qu'elle est en droit de recevoir. Mon idée consiste donc à démarquer Les Nouvelles et d'en faire un produit nettement différent de La Dépêche. Il faut jouer à fond la carte du groupe, en finir avec une concurrence stérile et suicidaire et tabler sur la complémentarité. Les handicaps historiques et humains Depuis de longues années, Les Nouvelles de Tahiti souffrent d'un "complexe Dépêche". Bien qu'étant le plus ancien quotidien du Territoire, Les Nouvelles n'ont jamais réussi à se développer correctement. Victimes d'un manque de moyens chronique, changeant plusieurs fois de propriétaire et, bien plus souvent encore de directeur, Les Nouvelles sont traditionnellement le parent pauvre de la presse locale. 2


Travaillant dans des conditions lamentables, le personnel ne s'est trouvé motivé qu'en de rares occasions et autour d'objectifs pour le moins discutables. Je ne citerai pour illustrer mon propos que deux exemples à la fois parce qu'ils sont très significatifs et parce que j'en ai été personnellement témoin (de l'extérieur, Dieu merci!). La période Claude Marere, d'abord. L'actuel directeur de la radio d'Oscar Temaru avait réussi, à cheval sur les décennies 70 et 80, à dynamiser une équipe de copains, pourtant très mal payés et oeuvrant dans un véritable taudis (à Fare-Ute), autour d'une stratégie éditoriale fondée sur la promotion en Polynésie française d'une contre-culture de type "californio-hippie" largement mise en pratique dans les locaux de la rédaction. Cette expérience s'est mal terminée peu de temps après avoir commencé. L'intéressé n'a échappé aux foudres de la justice que grâce à ses appuis politiques et familiaux. Le second épisode, tout à fait différent, est constitué par la "croisade-anti-Flosse" lancée entre avril 1986 et février 1987 à l'initiative du propriétaire de l'époque, Julien Siu, et de quelques personnalités politiques ou du monde des affaires dont l'écrasement du nouveau président du gouvernement territorial et secrétaire d'Etat était devenu l'unique raison de vivre. Cette opération a culminé dans le sordide avec la publication d'un numéro particulièrement nauséabond, entièrement dédié, de la première à la dernière ligne, à la haine contre un seul homme. Cette édition très spéciale fut du reste saisie sur ordre du juge des référés. Les deux actuels rédacteurs en chef des Nouvelles de Tahiti ont compté parmi les éléments les plus activement impliqués dans cette aventure peu glorieuse. Je ne dispose pas des relevés de ventes correspondant à ces périodes particulières. Je suppose toutefois que le journal a connu là (au cours du second épisode en tous cas) ses meilleurs succès commerciaux. Mais - ai-je besoin de le préciser - qu'on ne compte pas sur moi pour m'engager sur un tel terrain. Ces rappels ne visaient bien entendu qu'à souligner l'importance de la cohésion d'une équipe autour d'un projet. Il va de soi qu'un projet négatif ne peut avoir qu'un succès éphémère et que provoquer, à terme, des effets destructeurs. Les Nouvelles de Tahiti portent le très lourd fardeau de cette histoire mouvementée. Elles restent ainsi confinées depuis un quart de siècle dans l'ombre d'une Dépêche qui maintient le cap imperturbablement. Le rachat par le groupe Pacifique Presse Communication a constitué un formidable espoir. Malheureusement, la déception a été proportionnelle, aucun résultat tangible n'ayant été obtenu. On a pu observer un phénomène similaire à Fidji dans le cas du Daily Post. L'annonce de la parution d'un journal entièrement possédé, contrôlé et réalisé par des Fidjiens de souche a provoqué une grande espérance populaire. Mais la pauvreté du produit a été une telle déception que le Post ne s'en remettra sans doute jamais. Le bilan actuel des Nouvelles n'est guère brillant. Une équipe rédactionnelle disparate, sans structure et démotivée au sein de laquelle règne un profond malaise. Un journal dont la qualité se ressent directement de cette situation et qui est de moins en moins lu. EBAUCHE D'UN PLAN DE RELANCE Mes propositions pour redonner du tonus à cet outil pourtant très intéressant que sont Les Nouvelles de Tahiti, découlent tout naturellement des quelques réflexions qui précèdent. Il faut: - en finir à tout prix avec le "complexe Dépêche" et faire des Nouvelles une publication moderne, non-directement concurrente du journal de la Fautaua mais complémentaire - recréer une véritable équipe de rédaction en apportant un nouveau dynamisme et une motivation fondés sur des objectifs de respect et de service du lecteur donc de professionalisme et, par conséquent, - améliorer la qualité du produit dans sa forme et dans son contenu

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Les habitants de la Polynésie française, comme tous les êtres humains, sont avides de connaissance. Ils achèteront notre journal si ceux qui le réalisent ont eux-mêmes soif d'apprendre et d'informer. Stratégie éditoriale La première étape consistera à définir une stratégie éditoriale claire et précise qui sera le fondement de notre nouveau produit et à laquelle nous devrons coller fidèlement. Cette stratégie éditoriale sera fonction de la cible commerciale que nous viserons. Les premiers entretiens que j'ai pu avoir à ce propos m'incitent à penser que notre meilleur réservoir de clientèle se situe dans le créneau des classes moyennes et aisées de la population. Nous avons vu en effet que Les Nouvelles ne sont le plus souvent achetées qu'en second choix, en plus de La Dépêche. Il faut donc encourager cette tendance en apportant dans Les Nouvelles une information plus spécialement destinée, dans sa présentation et dans son contenu, à cette partie du public. Il est clair à cet égard qu'une étude sérieuse effectuée auprès des lecteurs des Nouvelles, afin de mieux cerner leurs goûts et leurs attentes, nous serait une aide particulièrement précieuse. Cette question devra être étudiée avec attention. D'une manière générale, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour donner aux Nouvelles un ton constructif. Sans se voiler la face sur les réels problèmes de notre époque et sombrer dans un optimisme béat, il me semble que la presse doit jouer son rôle de témoin social en mettant, chaque fois que cela est possible, l'accent sur les aspects positifs de l'actualité et en encourageant les initiatives originales. Pour beaucoup, la crise actuelle est d'ordre psychologique et je crois l'époque révolue où l'on pouvait fonder une stratégie éditoriale et commerciale en grande partie sur l'exploitation du scandale et la souffrance. En outre, ce type d'approche est, je crois, le seul capable d'insuffler quelque énergie à une équipe totalement déprimée. Créer un esprit "groupe" En finir avec le complexe Dépêche, c'est d'abord travailler à éradiquer l'obsession de la concurrence. Les deux journaux appartiennent au groupe PPC et leur concurrence, factice, ne peut naturellement être qu'artifice commercial. Cette situation, si elle était vécue de façon positive par le personnel, serait tout à l'avantage du groupe. PPC bénéficierait ainsi d'une émulation professionnelle et éviterait le ron-ron du quotidien unique tout en écartant le risque d'apparition d'une réelle compétition. Malheureusement ce n'est pas le cas. Vestige d'une histoire encore récente, une rivalité profonde perdure entre les deux rédactions. Mais, dans cette lutte inégale et fratricide, Les Nouvelles n'ont aucune chance. Leur personnel ne peut que sombrer dans l'amertume et la frustration d'un échec inéluctable et continuel face à la jubilation condescendante de leur "adversaire" lequel, dans sa situation de leader, bénéficie des moyens les plus importants et des meilleurs réseaux d'information. La Dépêche dispose, par exemple, d'une vingtaine de rédacteurs permanents contre une petite dizaine seulement pour Les Nouvelles. Une rumeur, évidemment stupide mais qui circule jusque dans les bureaux de la rédaction des Nouvelles et illustre bien l'état d'esprit actuel, veut même que PPC n'ait aucunement l'intention de relancer Les Nouvelles, préférant combler les pertes qu'elles subissent de manière à "occuper le créneau" à moindre frais et à éviter ainsi toute concurrence réelle. Bref! Les Nouvelles de Tahiti sont en quelque sorte la Cendrillon, la laissée-pour-compte de la famille. Il est donc tout d'abord essentiel de rassurer le personnel et de lui redonner confiance. Vous avez vous-mêmes, à cet égard, une responsabilité très importante et je compte beaucoup sur votre soutien. Il me semble également que la mise en place d'une certaine forme de collaboration entre les deux journaux pourrait être très positive à ce point de vue. Je conçois l'utopie d'une telle idée mais la soumets tout de même à votre réflexion.

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Un travail d'équipe Le plus infime résultat ne sera obtenu que grâce à un travail d'équipe. Le directeur de la rédaction sera là pour coordonner, réorganiser, proposer et apporter une nouvelle énergie. Mais sa tâche resterait stérile si elle n'était pas prolongée par l'action de l'équipe sur le terrain. Or, nous touchons à l'un des principaux problèmes des Nouvelles de Tahiti: l'élément humain. Nous l'avons vu plus haut, ce journal a toujours eu de grosses difficultés à trouver sa cohésion rédactionnelle. Les seules fois où il y est parvenu, c'était autour d'un objectif mobilisateur. Aujourd'hui encore, il faut définir un objectif, se lancer un défi pour lequel les hommes et les femmes travaillant dans ce journal auront à coeur de se donner avec courage. Mon objectif mobilisateur, mon challenge, sera très simple: faire des Nouvelles de Tahiti, à leur échelle, une publication moderne, propre, intéressante et dont les réalisateurs pourraient être fiers. Lors de ma brève visite à la rédaction le 26 décembre, j'ai pu déjà sentir chez certains une forte demande en ce sens. Malheureusement, je doute que ce soit le cas de tous et notamment pas de certains éléments solidement incrustés dans une routine dont la rupture risquerait d'éclairer leurs incompétences. Objectif qualité Je le répète, il s'agit de faire des Nouvelles un journal de qualité dans la mesure des moyens dont il dispose. Cela ne se fera ni par miracle ni sous l'effet d'une quelconque formule magique. Ce sera, éventuellement, le fruit d'un travail de longue haleine destiné à nettoyer patiemment, l'un après l'autre, tous les recoins de l'entreprise où la médiocrité et la confusion se sont installées au fil des ans. Il faudrait un rapport à lui seul entièrement consacré aux détails des transformations à effectuer. Celles-ci ne pourront de toutes manières être décidées que d'un commun accord avec vous-mêmes et tous les participants au projet et après une période d'observation destinée à définir les problèmes de façon précise. Je me contenterai par conséquent de lancer quelques propositions. Titre Compte tenu de ce que j'ai évoqué plus haut sur la turbulente histoire des Nouvelles et de la connotation marquée de ce titre, il n'est pas interdit d'envisager de le supprimer purement et simplement et d'en choisir un autre afin de redémarrer sur des bases plus saines. Un changement de titre soulignerait avec force la naissance d'un nouveau produit. Mais, encore une fois, il s'agit d'une décision collective et qui devrait s'appuyer sur une enquête auprès du public. Pour ma part, j'estime cette solution excessive et prématurée. Les Nouvelles sont un excellent titre qui conserve encore un fond de clientèle. Peut-être faudrait-il néanmoins supprimer officiellement le qualificatif "de Tahiti" pour mettre l'accent sur un élargissement de l'esprit du journal que je souhaite autant que possible ouvert sur l'ensemble du Territoire, sur la région et le monde. Maquette Là, c'est crucial, il faut frapper un grand coup. Clarté, propreté, confort de lecture doivent devenir les maîtres-mots de notre projet. Une nouvelle maquette devra être rapidement mise en chantier. J'aimerais à ce propos connaître les moyens à ma disposition pour obtenir la collaboration de profesionnels vraiment créatifs. Cette nouvelle maquette devrait servir pendant toute la décennie 90, il s'agit donc d'un investissement de base. Je souhaite personnellement quelquechose de simple, aéré, ouvert et très lisible. La "une" devra être particulièrement claire en évitant la confusion d'une trop grande multitude de titres et de couleurs. Je suis partisan de réserver la quadri à une seule photo maximum et même de la supprimer lorsque la qualité du cliché ne la justifie nullement 5


comme c'est beaucoup trop souvent le cas. Sans aller jusqu'à l'excès, je préfère de loin une bonne photo noir et blanc qu'une mauvaise quadri. Nous y gagnerons en qualité et ferons des économies. J'ai l'intention de remplacer le nono par un éditorial quotidien collant à l'actualité qu'elle soit locale, régionale ou mondiale. Le nono pourrait éventuellement être conservé mais pas de façon systématique et seulement lorsque les circonstances s'y prêtent. La question de l'insertion de l'édito (à la "une" ou en pages intérieures) est à examiner. A l'intérieur, je souhaite plus de rigueur dans la disposition des rubriques. Les lecteurs doivent toujours savoir à quelle page trouver leurs infos préférées. Le secrétariat de rédaction devra faire un effort d'harmonie et d'esthétique des pages tout en sachant que la simplicité reste toujours la meilleure recette. Contenu Ce sera l'élément le plus délicat. Une fois la ligne politique définie en accord avec vous-mêmes, il faudra trouver la formule qui donnera sa personnalité au journal. Je pense qu'il est inutile d'aller chercher midi à quatorze heures. Il faudra tout simplement s'efforcer de faire un vrai travail d'information. Aussi souvent que possible approcher l'actualité sous un angle original. Tâcher d'y dénicher les éléments cachés. Faire parler les gens (personnalités ou non). Faire preuve de curiosité. Etre à l'affût des nouvelles tendances et aller plus loin, en savoir plus. Il faudra également travailler l'information, la traiter. Ne plus se contenter de publier les communiqués ou documents officiels que personne ne comprend mais en extraire la substance et l'exprimer en termes clairs et attractifs. (Là encore nous gagnerons en pagination gaspillée). Je tiens à encourager les enquêtes sur des sujets très divers. Créer peut-être des rubriques hebdomadaires définies en fonction des aspirations des lecteurs (qui sont souvent les mêmes que les nôtres mais une fois encore une étude-sondage serait un outil précieux): je pense à l'environnement, la mer, la santé, le tourisme, la culture, la vie des communes, que sais-je? Le lecteur devra trouver son bonheur dans Les Nouvelles. Dans toute la mesure du possible, je tâcherai de maintenir la rubrique Pacifique. Cette rubrique est elle-même une excellente illustration du manque de motivation au sein des Nouvelles. Bien peu d'accent a jamais été mis sur cette information régionale qui est pourtant l'un des très rares "plus" par rapport à La Dépêche. Aux pages internationales réalisées à Paris, j'aimerais pouvoir, au gré de l'actualité, adjoindre des papiers de réflexion plus poussée en essayant de faire saisir l'importance de ces événements pour leur influence sur notre Territoire et notre vie quotidienne. Il sera indispensable pour cela de disposer de sources d'information limitées mais de qualité. Je vous en proposerai la liste et le coût ultérieurement. Il s'agira aussi d'accorder une attention toute particulière à l'amélioration et à la rigueur de la rubrique sportive. Enfin, il sera nécessaire de faire connaître le journal le plus largement possible et la publicité sous des formes à définir (telles que publicité sur les lieux de vente ou parrainage d'évenements sportifs ou autres) aura un rôle de premier plan. CONCLUSION Compte tenu de tout ce qui précède, la tâche s'annonce très délicate et les obstacles nombreux. Plusieurs s'y sont cassé les dents avant moi et non des moindres. Y aurait-il une sorte de "malédiction des Nouvelles de Tahiti"? J'accepte le défi justement parce que c'en est un mais en sachant parfaitement que mes chances de réussite sont limitées. Les idées que j'ai rapidement ébauchées pour relancer le produit ne pourront être concrétisées que progressivement, sans précipitation, en commençant par une refonte complète de l'aspect extérieur du journal. Le succès dépend presqu'entièrement de l'adhésion du personnel à mon projet. Sur ce point je suis un peu dans le flou, ne sachant pas quel degré de résignation il a atteint. J'ignore également tout des ressources professionnelles de chacun et de ses capacités à progresser. 6


Je suppose qu'il s'agit, pour Les Nouvelles en tant que telles, d'une sorte de dernière chance. Je reste réaliste et connais bien les "spécificités" locales auxquelles toute la bonne volonté du précédent directeur de l'OPATTI, par exemple, s'est récemment heurtée. Si, malgré tout mon enthousiasme et les efforts que je suis bien décidé à déployer, le succès n'était pas au rendez-vous, je doute sincèrement que ce journal puisse ensuite survivre sous sa forme actuelle. Je suppose que vous en êtes parfaitement conscients. L'alternative à la liquidation serait alors une modification de la fréquence de publication et la transformation du quotidien en hebdomadaire, ce qui pourrait être du reste une solution intéressante et, éventuellement, provisoire (dans l'attente de jours meilleurs). Je me refuse néanmoins, pour le moment, à envisager une telle situation. Je reste persuadé que les Polynésiens ont besoin et soif d'un organe de presse quotidien qui leur apporte quelques ouvertures sur le monde qui se prépare pour eux et dont ils n'ont encore que peu, ou pas du tout, conscience qu'il se fabrique au moins autant au dehors du Territoire qu'au dedans. J'espère pouvoir disposer pour cette tâche de votre appui personnel et de moyens matériels raisonnables. Et comme je souhaite mettre le maximum d'atouts de mon côté, je vous demande de m'autoriser à suivre un court stage d'une ou deux semaines aux Nouvelles calédoniennes (comme cela était du reste prévu de longue date) avant ma prise de fonctions à Tahiti. Notre quotidien de Nouméa peut être en effet une excellente source d'inspiration pour ce qui est notamment de la qualité de la présentation. En fonction de mon projet qui, vous l'avez vu, repose esentiellement sur la modernisation et l'amélioration de la qualité, je tiens à conditionner mon acceptation des responsabilités que vous me proposez à votre engagement formel que les progrès qui pourraient être réalisés au niveau de la rédaction ne seront pas trahis et réduits à néant par d'autres éléments du processus de fabrication sur lesquels je n'aurai aucun pouvoir tels que, par exemple, la qualité de l'impression ou du papier. Je ne comprends pas pourquoi, par exemple, bénéficiant du même service scanner, de la même impression et du même papier les quadri des Nouvelles se réduisent le plus souvent à des barbouillages tandis que La Dépêche affiche des clichés d'un piqué irréprochable. *** Enfin, comme vous me l'avez également demandé, voici mes propositions relatives aux conditions matérielles de ma collaboration. Mon idée du poste Le poste considéré est celui de "directeur de la rédaction" du quotidien Les Nouvelles (de Tahiti). Cette fonction est placée sous l'autorité directe de Mr. Henri Morny, président du groupe PPC et de Mr. Maxime Briançon, directeur délégué. Le directeur de la rédaction a pour mission la mise en oeuvre de la stratégie éditoriale définie en accord avec la direction générale. Dans cette perspective, il dirige et coordonne l'activité de l'ensemble du personnel contribuant à la réalisation du journal et des éventuels magazines insérés (publicité, impression et distribution exclues): rédacteur(s) en chef, rédacteurs, photographes, correspondants, pigistes, secrétaires de rédaction, clavistes, correcteurs, monteurs, laborantins (v. liste ci-jointe). Il doit être informé et consulté préalablement à la mise en oeuvre de toute décision relative au personnel ou aux phases de fabrication ou de distribution du journal hors de son champ de responsabilité mais susceptible d'avoir quelque conséquence que ce soit sur celui-ci. En particulier pour tout ce qui concerne la publicité et le réseau informatique. Rémunération J'ai longuement réfléchi à ce sujet, tentant de découvrir ce que vous aviez en tête lorsque vous avez exprimé le souhait que mes prétentions fussent "raisonnables".

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J'avoue ne pas y être parvenu. Alors, je vous soumets une formule que je considère moi-même comme raisonnable compte tenu à la fois de ma situation présente, de l'accroissement considérable de mes responsabilités et des renseignements (plutôt flous) que j'ai pu obtenir sur les conditions dans lesquelles travaille l'actuel directeur. Ma rémunération serait constituée, d'une part, d'un salaire fixe sensiblement égal à ce que je perçois actuellement, soit 500.000 Fcfp net et, d'autre part, d'un pourcentage de 10 % sur tout accroissement mensuel obtenu sur les recettes issues des ventes du journal. La base de calcul de cet intéressement étant le nombre d'exemplaires vendus le mois précédant mon entrée en fonction. Divers Pour le reste, je pense que nous pourrons en discuter lors de l'établissement de mon contrat dont j'aimerais recevoir un projet à Fidji dès que possible au cas où le présent rapport vous satisfait. Je voudrais toutefois ajouter que je compte beaucoup sur votre assistance pour ce qui est de mon déménagement de Fidji et ma réinstallation à Tahiti dont nous avons rapidement évoqué les détails avec Maxime Briançon. Je pense notamment à la fourniture d'un véhicule et à la possibilité de m'installer (de façon temporaire - trois mois environ) dans la maison du Lotus occupée par l'actuel directeur de la rédaction des Nouvelles.

En espérant que ces quelques réflexions auront retenu votre attention, je vous remercie et vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de ma sincère considération.

Patrick Schlouch PJ: 3 - Liste actuelle du personnel des Nouvelles dépendant du directeur de la rédaction avec les salaires brut + primes. - Tableau chiffré des ventes quotidiennes moyennes mois par mois pour les années 19901991. - Graphique illustrant le précédent.

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GROUPE PACIFIQUE PRESSE COMMUNICATION Patrick Schlouch ReprÈsentant du groupe ‡ Fidji - Fiji Representative PO. Box 4016 - Samabula - Suva, Fiji TÈl. (679) 382074 - Fax. 370455

LES NOUVELLES DE TAHITI - NOTE DE SYNTHESE à l'attention de Monsieur Philippe Hersant

1. Situation générale de la presse francophone régionale Plutôt que d'aborder directement le cas spécifique des Nouvelles de Tahiti, j'aimerais auparavant, si vous me le permettez, vous faire part de quelques réflexions sur la situation de la presse francophone dans le Pacifique sud en général. Ces réflexions sont le fruit de nombreuses années passées à l'intérieur des organes de presse régionaux, en face d'eux dans le cadre de mes activités au gouvernement territorial de la Polynésie française et de trois ans d'observation effectuée depuis Fidji avec un recul particulièrement éclairant. La presse régionale francophone n'a pas su intégrer l'évolution sociale La presse francophone dans le Pacifique souffre actuellement d'une crise qui n'ira qu'en s'aggravant à moins qu'on ne lui apporte d'urgence les remèdes nécessaires. Cette situation est l'aboutissement d'une "histoire" qu'il n'y a pas lieu de raconter ici mais qui se caractérise notamment par un succès commercial (il est vrai très variable selon les titres) obtenu en dépit de la médiocrité générale des produits. Essentiellement par négligence, manque de compétence et laisser-aller, la presse océanienne francophone n'a pas su jouer son rôle d'observateur de la société et n'a pas évolué avec elle. Elle a, moins encore, anticipé ou annoncé cette évolution dans son incapacité à analyser les tendances et à donner la parole aux forces de l'avenir ouvrant au contraire ses colonnes beaucoup trop complaisamment aux polémiques le plus souvent stériles des dinosaures de la politique locale. Au cours de la dernière décennie, les sociétés polynésienne et calédonienne ont énormément changé. Leur niveau d'éducation a considérablement augmenté. La généralisation des médias audiovisuels (radio, télévision, cinéma, vidéo), l'arrivée massive d'une presse nationale et internationale et la démocratisation des transports aériens leur a offert des ouvertures sans précédent. Longtemps entièrement repliées sur elles-mêmes, elles découvrent peu à peu l'importante influence du monde extérieur sur leurs propres problèmes quotidiens. Dans une très large proportion, la presse francophone régionale, à Tahiti notamment, a raté ce coche. Engluée dans une confortable routine, elle a continué, comme par le passé, à considérer ses lecteurs comme de parfaits demeurés, privilégiant l'image, trop fréquemment inepte, par rapport à l'information. On constate au fil des ans une colossale inflation de la pagination (quantité) au détriment de la qualité, comme si le lecteur achetait son journal "au poids". On en arrive ainsi à être très fier d'annoncer, aux alentours de Noël en particulier, des éditions dépassant 120 pages. Malheureusement, ces journaux obèses ne récèlent pas grand chose d'intéressant. Le public les achète parce qu'il n'a pas le choix. Mais une telle situation, supportable dans un contexte de non-concurrence, ne saurait perdurer éternellement. D'ailleurs, l'exemple des Nouvelles de Tahiti montre bien ses limites. Je suis persuadé qu'un groupe tel que le vôtre, qui a tant misé sur la région, ne peut fermer les yeux sur les tristes perspectives d'avenir de ses investissements.


Le journaliste francophone dans le Pacifique Le journaliste francophone du Pacifique a traditionnellement une image pitoyable. Il est considéré pour ce qu'il est malheureusement trop souvent: un dilettante. Un détail significatif est la place qu'on lui accorde lorsqu'on le convie à telle ou telle manifestation. Au mieux, le journaliste est apprécié lorsqu'il accepte de devenir l'instrument d'une publicité gratuite ou d'une propagande polémique en répercutant, généralement sans en vérifier la teneur, les éléments que certains souhaitent faire publier. Une invitation à déjeuner, parfois moins, suffit le plus souvent à obtenir un tel résultat. Un simple coup d'oeil comparatif avec la presse océanienne anglo-saxonne que j'étudie avec attention chaque jour pour ma rubrique, révèle une différence de qualité tout à fait inattendue. Les journalistes fidjiens, par exemple, ceux que je connais le mieux, ont pourtant tout à envier à leurs confrères français de la région. Recrutés en général au sortir du lycée, ils sont mal payés et travaillent dans des conditions très délicates compte tenu du contexte socio-politique local. Néanmoins, bien encadrés et motivés par leur mission, ils produisent des articles de qualité, riches d'informations. Ils bénéficient souvent d'une formation professionnelle continue sous la forme de bourses d'étude ou de stages à Fidji ou à l'étranger. Sans doute dans une moindre mesure, car leurs conditions de travail sont encore plus difficiles (manque de moyens techniques et financiers, censure, etc...) les journalistes des autres pays insulaires du Pacifique parviennent eux-aussi à des résultats tout à fait remarquables. Pour offrir à leurs journalistes des opportunités comparables, nos médias auraient le plus grand intérêt à s'intégrer aux organisations régionales telles que la PINA (Pacific Islands News Association) qui s'attache à un ambitieux programme de formation. Il est également question d'un financement par la France d'une licence de journalisme en trois ans à l'Université régionale du Pacifique sud à Fidji (USP). Un autre programme serait à l'étude à l'Université française du Pacifique (UFP). Car dans la presse comme ailleurs, le maître mot reste la formation. Celle-ci doit être, autant que possible, périodiquement réactivée, réactualisée en fonction des rapides évolutions du contexte mondial, régional et local. Il serait, je crois, très instructif de procéder à un test auprès des journalistes francophones du Pacifique en leur posant quelques questions sur les sujets qu'ils ont à aborder tous les jours dans le cadre de leur travail tels que, par exemple, les institutions et l'organisation administrative locales, la justice, la santé, l'éducation, puis sur la géographie et la politique régionales (des questions toutes simples du genre: Quelle est la capitale du Samoa occidental ou de Fidji? Qu'est-ce que la Commission ou le Forum du Pacifique sud?), enfin sur quelques questions internationales fondamentales. Les résultats seraient, je crois, très intéressants.

2. Le cas particulier des Nouvelles de Tahiti A la lumière de ce préambule, je reviens donc au sujet qui nous intéresse directement: Les Nouvelles de Tahiti. Parmi les trois quotidiens du groupe dans la région, Les Nouvelles de Tahiti est celui qui, pour des raisons encore une fois "historiques", illustre le plus tristement les réflexions qui précèdent. La médiocrité y est chronique à tous points de vue et l'exercice auquel vous m'avez soumis à Nouméa m'a fait prendre conscience de la gravité de la situation. Les articles sont à 90 % illisibles tant en raison de leur présentation que de leur contenu. Les rédacteurs semblent dépourvus des bases grammaticales et orthographiques les plus élémentaires et incapables d'écrire dans un français tout simplement correct. Ils sont, a fortiori, dans l'incapacité de cerner rapidement un sujet, d'en déterminer les points importants et de les rapporter de façon concise et attractive. Ne parlons même pas de l'analyse des conséquences possibles de tel ou tel discours ou événement. On se contente de publier les documents officiels (discours, communiqués) in extenso. Ce qui est parfois justifié, je le concède volontiers, surtout dans le cas d'allocutions politiques importantes. 2


Néanmoins, le plus souvent, un résumé des passages significatifs serait nettement mieux adapté. Un réel service serait alors rendu au lecteur en lui facilitant l'accès à l'information utile. N'est-ce pas le rôle premier du journaliste? Ce dont manquent le plus les medias à Tahiti (qu'il soient écrits ou parlés) et notamment Les Nouvelles, c'est bien de respect. Respect des journalistes pour leur travail mais surtout, respect à l'égard du lecteur. On a fortement l'impression que le journal n'est jamais construit en fonction de celui-ci et de ses besoins. Par habitude, par routine, parce qu'il faut bien sortir une édition tous les jours, on fabrique une sorte de "fourre-tout". Le confort de lecture, l'accès facile à l'information, la mise en évidence des éléments les plus importants, l'analyse, aussi rudimentaire soit-elle, des événements de l'heure, la qualité et l'authenticité des informations, tout cela est très largement sacrifié. Rien d'étonnant, par conséquent, à ce que le public se désintéresse d'un tel produit. Je l'ai déjà écrit dans mon rapport du mois de janvier et vous l'ai répété à Nouméa: il faut avant tout respecter nos clients. Pour cela, il faut d'abord que le personnel respecte son travail, se respecte lui-même et réalise un produit de qualité acceptable. Ce qui est loin d'être le cas actuellement. Les Nouvelles de Tahiti souffrent de profondes faiblesses aussi bien dans la forme que sur le fond. Leur amélioration suppose une remise en cause radicale de toutes leurs structures et phases de réalisation, depuis le reportage jusqu'à la mise en pages en passant par la rédaction des textes mais aussi des titres et la prise de photographies. N'attendez pas d'un chef d'orchestre qu'il vous offre un concert sans musiciens ni d'un capitaine qu'il navigue sans marins. Un préalable indispensable à toute opération de restructuration et de relance est, à mon sens, de doter Les Nouvelles de Tahiti d'un minimum de personnel compétent capable d'épauler le directeur de la rédaction. Il est donc nécessaire de se débarrasser des deux rédacteurs en chef actuels, qui ne sont pas à la hauteur, et de les remplacer par deux professionnels qualifiés. L'un chargé d'encadrer les rédacteurs, l'autre responsable du secrétariat de rédaction. En ce qui concerne l'aspect formel du journal, je souhaiterais en outre la présence, au moins temporaire, de Mr. Pascal Le Moal des Nouvelles calédoniennes. Il va de soi que, si l'on peut se passer de lui à Nouméa - je sais qu'il a maintenant formé l'équipe locale et ne travaille pratiquement plus sur le quotidien - et s'il en était d'accord, la meilleure solution serait qu'il soit lui-même chargé d'animer le secrétariat de rédaction des Nouvelles de Tahiti. Avec un adjoint tel que lui, je suis convaincu de pouvoir faire quelque chose de bien. Son épouse étant elle-même journaliste, cette solution offrirait aussi un avantage supplémentaire. Enfin, je crois qu'il faut autant que possible éviter la dispersion d'énergie et laisser le directeur de la rédaction se consacrer à sa mission principale, qui est de faire le journal, en le déchargeant des complications administratives. C'est pourquoi je suggère la création, au minimum, d'un demi-poste de secrétaire administrative dont le travail consisterait à régler, sous l'autorité et le surveillance du directeur bien entendu, tous les détails pratiques et de recevoir les communications destinées au directeur ou à ses adjoints (ai-je besoin d'insister sur l'importance d'une bonne réception téléphonique des informations dans un quotidien?) En conclusion, je dirai qu'il n'y a pas de miracle. La relance des Nouvelles de Tahiti dépend essentiellement de votre volonté. Il est clair que sans un minimum de moyens, il est utopique d'espérer parvenir à un quelconque résultat. Or, lors de notre conversation à Nouméa, cette volonté ne m'est pas apparue nettement. Il m'a même au contraire semblé que vous seriez plutôt favorable à une solution de "replâtrage" provisoire. Je suis pour ma part convaincu que vous disposez avec Les Nouvelles de Tahiti d'un outil moderne et techniquement bien adapté (moyennant quelques aménagements mineurs). Le problème principal réside évidemment dans l'élément humain et je vous ai proposé une façon de le résoudre à moindre coût. Nous pouvons envisager à terme la mise sur le marché d'un produit complémentaire de La Dépêche qui s'en démarquerait en abordant l'information sous un angle différent, en proposant des reportages et des articles

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sur des sujets intéressants et originaux et en ouvrant plus généreusement ses colonnes à tous ceux qui ont rarement l'occasion de s'exprimer bien qu'ils aient énormément à offrir. Sur la forme, le journal devra tout simplement être propre et agréable à lire. Bref! Il s'agit tout simplement de rafraîchir un peu cette ambiance lourde dans laquelle la presse polynésienne opère actuellement. Nous pouvons tenter l'expérience pendant un an. Si, à l'issue de ce délai, les progrès n'étaient pas significatifs, je ne serais personnellement plus candidat pour continuer. Si au contraire, l'ambiance de travail s'améliore et que nous sentions un nouvel intérêt du public à l'égard du produit et une remontée des ventes, notre pari sera gagné. Pour finir, je voudrais dire, après mûre réflexion, que je crois nécessaire d'envisager un "break". Je recommande une interruption de la parution des Nouvelles de Tahiti pendant le temps nécessaire à leur remise en état. Il sera en effet très difficile de procéder à une telle restructuration tout en continuant la publication. Une interruption aurait pour avantage de réduire considérablement les frais et de faciliter en outre le remplacement de certaines personnes. Peut-être pourrions nous envisager une fermeture d'un mois, voire deux, l'idéal étant la sortie du nouveau produit aux environs de la Fête des Mères traditionnellement profitable au département publicité. Ce lancement serait précédé d'une campagne publique. Je livre tous ces éléments à votre réflexion et attends votre réaction. Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma meilleure considération. Fait à Suva le 1er mars 1992

Patrick Schlouch

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FISCALITE

TVA et privatisation Le gouvernement envisage l'introduction progressive d'une TVA et de confier la réalisation et l'entretien de certaines infrastructures au secteur privé A l'occasion de l'inauguration du nouveau siège de la CGEE (Compagnie générale d'entreprise électrique) le 4 novembre dernier, c'est plus qu'un simple discours de circonstance que le président Flosse a prononcé. Il a profité de cet événement assurément plus important qu'il n'y paraît à première vue (le fait qu'une entreprise de cette dimension persiste à miser sur la Polynésie dans la situation actuelle est en soi extrêmement encourageant), pour laisser entrevoir ce que pourrait être l'évolution de la politique économique et fiscale du gouvernement dans les prochains mois et années. Routes à péage M. Flosse a évoqué notamment la libéralisation de l'économie qui ne devra et ne pourra - plus utiliser comme par le passé l'investissement public de prestige comme locomotive. Sans renoncer aux actions gouvernementales, « encore nécessaires pour attirer ou développer les investissements », le gouvernement envisage de recourir de plus en plus au « système d'affermage ou de concession ». Sous ces deux termes un peu mystérieux se cache une réalité toute simple, commune dans la plupart des pays développés mais quasiment révolutionnaire en Polynésie et que notre cher « Nono » (les grands esprits se rencontrent) avait suggéré en matière de routes quelques jours seulement avant le discours du président Flosse. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de faire payer les infrastructures publiques par leurs usagers plutôt que par le contribuable. A-t-on besoin d'une route, d'un port, d'un parking, etc ? Au lieu de puiser dans le budget territorial, c'est-à-dire dans la poche de tous les contribuables, on confie à une société privée soit la réalisation et l'exploitation d'un projet (c'est la concession) soit l'exploitation seule d'une infrastructure réalisée sur fonds publics (c'est l'affermage). La société privée prélève ensuite un péage sur les seuls usagers de la route, du port ou du parking pour en assurer le fonctionnement et l'entretien et rentabiliser ses investissements. Exemple type : la route des Plaines. Le gouvernement pourrait soit financer sa construction sur son budget d'investissement, puis en confier l'exploitation à une société privée responsable de l'entretien de la route et de ses abords, soit confier à cette société l'ensemble du projet de la construction à l'exploitation. Dans les deux éventualités, les automobilistes qui souhaiteraient emprunter cette route devraient payer un péage. Il serait naturellement toujours possible (c'est du reste une obligation pour le gouvernement) de rouler gratuitement sur le réseau public. Le gouvernement territorial nourrit ainsi quelques projets routiers et portuaires (on parle de deux marinas à Raiatea et à Papara en particulier). De


nouveaux parkings pourraient également être mis en service par des sociétés privées. Il faut une fois encore noter que ce système est couramment pratiqué partout. C'est de cette manière que la quasi-totalité des autoroutes françaises ont été financées. Autre exemple, plus proche, la principale route d'accès à Nouméa, en Nouvelle Calédonie, est à péage. TVA, la panacée fiscale? Le second point évoqué la semaine dernière par Gaston Flosse, revêt un caractère encore plus crucial. Il a en effet trait à la fiscalité. On n'ignore pas qu'une des exigences de l'Etat dans le cadre de la négociation du Pacte de progrès est la modernisation de la fiscalité polynésienne, domaine de compétence territoriale. Le Territoire assure son budget depuis des lustres grâce à un système fiscal fondé essentiellement sur les taxes à l'importation. Ce système, assez primitif, a longtemps donné satisfaction, mais il est aujourd'hui dépassé et se révèle très mal adapté à une évolution de l'économie. Parmi toutes les solutions envisagées pour sa modernisation, l'introduction d'une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) semble la plus probable. La TVA est désormais reconnue dans le monde entier comme la forme d'imposition la plus moderne et la plus performante à la fois sur le plan de l'efficacité économique et du rendement fiscal. Les occasions ne manqueront pas dans les prochains mois d'expliquer plus en détail ce qu'est la TVA. Qu'il suffise ici de dire que c'est une taxe qui s'applique à tous les stades du circuit économique (à chaque fois qu'il y a une quelconque valeur ajoutée sur un produit ou un service). Au bout du compte, c'est le consommateur, c'est-à-dire tout le monde, qui la supporte. Il va de soi qu'une éventuelle TVA ne viendrait pas s'ajouter aux impôts actuels, mais s'y substituer, partiellement du moins. Ses avantages sont nombreux qui seront détaillés dans de futurs articles. Elle entraine toutefois une contrainte qui constitue un obstacle assez gênant en Polynésie compte tenu de la spécificité du tissu socio-économique local : la TVA exige la tenue d'une comptabilité très minutieuse et assez lourde à gérer. C'est la raison pour laquelle toute introduction éventuelle d'une TVA en Polynésie française ne pourrait être que progressive. Elle s'effectuerait secteur par secteur en commençant par les plus modernes et les mieux préparés pour s'étendre peu à peu à l'ensemble de l'économie. Dimanche dernier, un éminent fiscaliste métropolitain, directeur régional des services fiscaux de la région Picardie, est arrivé à Tahiti. Il est ici pour effectuer une étude approfondie sur les possibilités d'introduire la TVA en Polynésie française. Sa mission doit durer six semaines environ. Il faudra ensuite au moins un an ou deux avant de mettre le système en place. La TVA est adoptée peu à peu par l'ensemble des pays qui souhaitent développer leur économie harmonieusement. Elle existe en Europe depuis longtemps déjà. Dans la région Pacifique, elle a été adoptée depuis quelques années avec succès en Nouvelle-Zélande où elle s'applique sur tous les produits et services au taux uniforme de 12,5 %. Plus près encore, elle a fait son apparition à Fidji le 1er juillet dernier après plus d'un an de débats politiques plutôt houleux à son sujet. Son taux a été fixé à 10 %.

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Dans tous les pays où elle est appliquée, certains produits et services en sont exempts ou, plutôt, son taxés à 0 %. Notamment les produits dits de première nécessité. Ce serait bien évidemment le cas en Polynésie française. Il semble que le gouvernement territorial se dirige sérieusement vers l'adoption d'une telle taxe. Elle permettrait aux Polynésiens d'échapper au fléau archaïque de l'impôt sur les salaires en voie de résorption un peu partout dans le monde et dont le président Flosse ne veut absolument pas. Néanmoins, la modernisation de la fiscalité locale ne devrait pas se limiter à l'introduction d'une TVA qui ne serait pas exclusive, en particulier, d'une éventuelle contribution de solidarité dont l'idée demeure bien présente. Patrick Schlouch

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1993



L'ombre de l'Elysée Gaston Flosse est aux anges. Il a obtenu en une semaine à peu près tout ce qu'il voulait. Après une rupture brutale dès le premier jour, mardi 19 janvier rue Oudinot, les négociations sur le Pacte de progrès ont repris lundi dernier au même endroit mais sous des auspices très différents. Entre-temps, une réunion interministérielle avait eu lieu le vendredi rassemblant sept membres du gouvernement concernés par les problèmes polynésiens. La rapidité et l'efficacité avec laquelle cette réunion a été organisée (elle a du reste été prolongée pendant tout le week-end par un travail technique considérable) laisse à penser qu'elle a été initiée très fermement et de très haut. Pourquoi ? Quelle est la raison pour laquelle l'Etat, qui traînait visiblement les pieds et n'était prêt à accorder à la Polynésie qu'une simple aumône, a subitement changé d'avis et d'attitude cédant finalement sur presque tous les points. On l'ignore encore. Mais on peut raisonnablement trouver une explication dans l'importance particulière traditionnellement accordée par l'Elysée à l'outre-mer français. Encore une fois, la promptitude avec laquelle le ministre des Dom-Tom a changé d'attitude à l'égard de Gaston Flosse, allant jusqu'à l'appeler personnellement à son domicile parisien pour renouer le dialogue, en dit long. Compte tenu de ce qui s'était passé en début de semaine entre les deux hommes, on voyait pourtant mal le ministre faire le premier pas... À moins d'y avoir été fermement invité. La solidarité de la délégation polynésienne renforcée, au moins au début, par Emile Vernaudon qui n'a pas caché sa déception, ainsi que le retentissement considérable de l'échec des négociations dans l'opinion publique polynésienne et probablement régionale, ont sans doute été déterminants dans la suite des événements. Tout ce qui touche à l'outre-mer français est d'une sensibilité extrême. A fortiori en période électorale. L'outre-mer est un des principaux éléments permettant à la France d'occuper une position privilégiée en Europe et dans le monde. Le président de la République y est très attentif, on en a eu la preuve à maintes reprises. Il ne pouvait donc accepter qu'un différend portant après tout sur des sommes relativement modestes à l'échelon national, risque de craqueler l'édifice. Nous aurons sans aucun doute d'autres éléments d'explication dans les prochains jours. La délégation rentre aujourd'hui, les réactions et commentaires ne devraient pas manquer.


Il est toutefois bon de souligner dès à présent qu'au-delà du démêlé entre Gaston Flosse et Louis Le Pensec (encore un) sur la façon de qualifier l'accord signé hier, la Polynésie française a en principe obtenu l'essentiel. En ce qui concerne ce que le gouvernement territorial avait baptisé « préalables » et qui sont aujourd'hui des « mesures de réajustement immédiates », le Territoire reçoit plus de 6 milliards de Fcfp de contribution exceptionnelle de l'Etat. Il ne faut pas oublier d'y ajouter les 3,2 milliards déjà acquis au titre du contrat de plan et dont Paris accepte désormais qu'ils soient affectés au gré du pouvoir local. Enfin, il y a cet « accord cadre » signé hier, dans lequel Gaston Flosse ne veut voir qu'un accord « préliminaire » et non pas le Pacte de progrès lui-même - comme l'affirmait Louis Le Pensec - pour la raison qu'il ne prévoit pas le financement des mesures portant sur les dix prochaines années (et peut-être également parce que le président ne souhaitait pas signer le Pacte de progrès proprement dit avec le gouvernement socialiste). Quel que soit son nom, ce texte est en tout état de cause d'une importance cruciale. Il retient en effet le principe du maintien pendant dix ans des transferts publics de l'Etat vers la Polynésie au niveau où ils se situaient avant la suspension des essais nucléaires. Il devra maintenant faire l'objet d'un projet de loi avant que la nouvelle Assemblée nationale l'examine et, il faut le souhaiter, fixe le cadre de son financement avant de le ratifier définitivement. Patrick Schlouch

Janvier 1993

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COMMENTAIRES

Gaston Flosse confirme Nette poussée indépendantiste FINIES LES QUERELLES DE PERSONNES. LE DEBAT POLITIQUE S'INSTAURE CLAIREMENT SUR LE THEME AUTONOMIE CONTRE INDEPENDANCE

Le samedi 13 mars s'achève. Dans le salon brillamment éclairé de la maison du président Gaston Flosse à Erima, la joie des militants de la majorité à l'élection de leur champion dès le premier tour sur la côte est et de voir Jean Juventin en tête d'un ballotage sur la côte ouest est ternie par l'ampleur inquiétante d'une poussée indépendantiste pourtant attendue. Lorsque Oscar Temaru apparaît sur l'écran géant qui diffuse les images de RFO, le silence se fait parmi les quelques centaines de sympathisants et personnalités invités à cette soirée spéciale élections. C'est clair, on prend l'avertissement très au sérieux.

Depuis l'annonce des résultats définitifs, samedi aux alentours de minuit, les spécialistes de tous les états-majors politiques épluchent les chiffres à la loupe bureau de vote par bureau de vote. Cependant, deux faits majeurs émergent déjà des urnes : la confirmation et même l'amélioration de l'assise politique de Gaston Flosse dans son fief de l'est et la forte poussée des indépendantistes dans tout le pays et notamment aux Iles du Vent et aux Tuamotu-Gambier. Avant d'examiner plus avant ces deux éléments, il est intéressant de souligner l'excellent taux de participation des électeurs polynésiens à ce premier tour des législatives qui sont pourtant, d'habitude, assez peu prisées. En 1988, ce taux avait été de 51,14 % dans la première circonscription, il a été de 65,19 % samedi dernier. Dans la seconde circonscription, la participation était de 56,38 % en 1988, elle passe à 69,37 % en 1993 soit un accroissement sensiblement égal de 13 à 15 % partout. Ainsi, Gaston Flosse, élu dès le premier tour, devient le premier député de la nouvelle Assemblée nationale. Et ce député est RPR. L'importance symbolique du fait n'a pas échappé au gouvernement socialiste dont le ministre de l'Intérieur faisait appeler les services du haut-commissariat sitôt après


l'annonce des résultats pour lui demander de faire appliquer à la lettre les dispositions du Code électoral et empêcher toute diffusion de ces résultats en métropole jusqu'après la fin du premier tour le 20 mars prochain. Directives trop tardives ou inapplicables ? En réalité, dimanche matin, toutes les radios nationales annoncaient l'élection de Gaston Flosse. Et, pour une fois, les députés polynésiens, M. Flosse en tout cas, pourront participer à la première séance de la nouvelle assemblée, ce qui n'avait pas été le cas en 1988. Flosse confirmé, le Here Ai'a en déconfiture Gaston Flosse est élu avec 50,15 % des suffrages exprimés soit une marge très faible de 48 voix. Il progresse toutefois globalement de 3,06 % par rapport à 1988. Si l'on considère les 46 141 inscrits de la seconde circonscription, cette progression est beaucoup plus marquée. Le président du gouvernement obtient le soutien de 34,21 % d'entre eux alors qu'en 1988, il ne réunissait sur son nom que 26,03 % des 43 856 électeurs de l'est et en présence de trois candidats seulement contre six cette année. La performance s'explique en partie par l'appui du Here Ai'a, partenaire du Tahoeraa Huiraatira au sein de la majorité qui soutenait Emile Vernaudon en 1988. Pourtant, on s'aperçoit que le recul du maire de Mahina, qui passe de 48,74 % au premier tour de 1988 à 27,08 % cette année, soit 21,66 % de moins, est nettement plus important que la progression de 3 % de Gaston Flosse. Une bonne partie des électeurs Here Ai'a de la côte Est aurait-elle été séduite par les sirènes indépendantistes ? On peut le penser, en effet, à la lecture du score de James Salmon qui passe allègrement de 4,17 % en 1988 à 14,79 % des suffrages exprimés. Par rapport aux inscrits, là encore, la progression est encore plus sensible puisque M. Salmon passe de 2,3 % en 1988 à 10,09 % en 1993. Il crée en outre la surprise aux Tuamotu-Gambier en obtenant 23,55 % des suffrages exprimés. Cet éparpillement des voix du Here Ai'a se confirme dans la première circonscription et l'on peut se poser la question de savoir si ce parti a encore un appui populaire quelconque. Certes, Jean Juventin arrive en tête du ballotage avec 33,49 % des suffrages exprimés, mais il ne doit cet avantage qu'au soutien massif du Tahoeraa dans les îles (47,28 % aux ISLV, 41,98 % aux Australes). Aux îles du Vent, en revanche, avec seulement 27,93 % le maire de Papeete est largement distancé par Oscar Temaru qui arrive en tête avec 33,13 %, réalisant notamment un score surprenant à Papeete même. Il semble bien se confirmer

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que les électeurs Tahoeraa de la côte ouest ont assez peu suivi les consignes de vote, comprenant mal le soutien accordé par leur président à Jean Juventin. Un autre calcul montre en effet qu'en 1988, Alexandre Léontieff dont le suppléant était alors Jean Juventin, obtenait 40,88 % des voix au premier tour. Dans le même temps, Edouard Fritch, le candidat du Tahoeraa à l'époque (suppléant Michel Buillard), obtenait 24,6 % soit au total 65,48 %. Si l'on retranche de ce chiffre les voix obtenues par Alexandre Léontieff cette année sur son seul nom soit 18,8 %, on obtient 46,68 %. C'est-à-dire que le candidat de la majorité obtient 13,19 % de voix de moins que ce qu'il pouvait espérer sur le papier. Or ce chiffre est pratiquement égal à la progression d'Oscar Temaru qui passe de 14,18 % en 1988 à 27,06 % en 1993 soit 12,88 % de plus. A méditer. Oscar est bel et bien le grand gagnant de ces élections sur la côte ouest. Il faut le reconnaître et en tirer les conclusions. Avec un pourcentage de voix de près du double de celui qu'il avait obtenu en 1988, le maire de Faaa conforte très largement sa position. Il recueille à la fois les fruits d'une campagne très active et habile et profite d'une situation économique sérieusement dégradée. Bipolarisation Pour ce qui est des autres candidats, les chiffres suscitent des commentaires nuancés. Les deux députés sortants sont éliminés sans autre forme de procès. A l'Est, Emile Vernaudon, privé de tout soutien et manquant de moyens matériels, totalise tout de même 27,08 % des voix tandis que le candidat Ai'a Api, Pierre Dehors, n'atteint même pas les 4 % à l'ouest. Le parti du Sheriff totalise ainsi une moyenne globale de 16,2 % dans le pays - en incluant les voix de Léon Céran-Jérusalémy. Il regrette sans doute amèrement ses hésitations tactiques et l'on peut penser qu'il aurait mieux fait de simplement soutenir Alexandre Léontieff sur la côte ouest. Il reste à savoir quelle stratégie va maintenant décider le Ai'a Api à l'égard du débat institutionnel que ces élections mettent en évidence. Pour Alexandre Léontieff, l'avenir est moins rose. Pour la première fois, l'exprésident du gouvernement se présentait sans le soutien d'un grand parti. Il obtient 18,8 % des suffrages exprimés, bien loin derrière les deux hommes de tête. Ce n'est pas si mal sans appui logistique et sans bastion politique, mais c'est insuffisant. Avec 12,08 % des inscrits, il ne peut même pas se maintenir au second tour et il annonçait sur les ondes de RFO, dès samedi soir, qu'il renonçait à donner consigne de vote à ses électeurs. Visiblement marqué par sa

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défaite, le député sortant pourrait se trouver face à une traversée du désert éprouvante. Tireo ne se débrouille pas mal. Avec un total de 5,9 % des voix sur l'ensemble des deux circonscriptions, le jeune mouvement peut être satisfait de sa performance. Coup de chapeau en particulier au docteur Théron, novice en politique et seul popa’a parmi les candidats, qui obtient quand même près de 5 % des voix. Débandade en revanche chez les autres. Le Ia Mana n'a pas ressuscité. Avec une moyenne générale sur les deux circonscriptions d'à peine 1,87 %, il semble même définitivement abattu. Quant à Monil Tetuanui, Léon Céran-Jérusalémy, François Nanai et le courageux candidat marquisien, ils ne dépassent pas des scores marginaux (respectivement 3,57 %, 2,08 %, 0,68 % et 1,29 %). Le paysage politique polynésien s'épure. La réalité rejoint les discours que l'on entend depuis des années : on est désormais pour ou contre l'indépendance. C'est net. Le débat porte aujourd'hui non plus sur des rivalités personnelles (les électeurs n'en veulent plus), mais sur l'avenir de la Polynésie. Avec ou sans la France. La moyenne globale dans le Territoire du Tavini Huiraatira atteint aujourd'hui près de 21 % des suffrages exprimés (contre 9,2 % en 1988) et 13,74 % des inscrits (contre 4,73 % en 1988). Les affaires politico-judiciaires et la gravité de la situation économique ont accentué le désir de changement. Il est urgent de réagir et la France devra rapidement tirer les conclusions qu'imposent les résultats de ce scrutin. Il reste maintenant le second tour sur la côte ouest. Le duel autonomieindépendance y prendra toute son acuité. Un face-à-face est déjà prévu pour cette semaine sur les écrans de RFO entre Juventin et Temaru. Quelle sera la politique des candidats malheureux à l'égard des deux finalistes ? En toute logique, les reports de voix devraient bénéficier au champion de l'autonomie. Les indépendantistes ayant, en principe, déjà fait le plein. Mais la logique, parfois, en politique.... Et puis, les électeurs respecteront-ils les consignes de vote ? Réponse dans deux semaines. Patrick Schlouch (14 mars 1993)

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ECLAIRAGE

Indépendance? Soyons clairs! Un éventuel vote séparatiste démocratique doit s'appuyer sur une réelle connaissance de ses conséquences Il serait sans aucun doute fort intéressant de connaître le montant des capitaux qui ont déjà, ou qui vont bientôt fuir la Polynésie à l'annonce des résultats du premier tour des élections législatives au cours duquel les candidats indépendantistes du Tavini Huiraatira ont, tout d'un coup, multiplié par deux leur représentativité. L'indépendance inquiète à plus d'un titre. Oscar Temaru en est conscient qui, lors de ses dernières apparitions à la télévision, se veut de plus en plus rassurant. Cette appréhension est bien naturelle lorsque l'on connaît réellement la situation des pays insulaires indépendants de la région. Opter pour l'indépendance est parfaitement respectable dans un pays démocratique. Là n'est pas la question. Encore faut-il que ce choix s'opère en toute connaissance de cause.

La poussée séparatiste était attendue. Rejet de la classe politique, affaires politico-financières, relents de corruption et situation économique très difficile, le terrain est actuellement fertile pour la floraison d'idées extrémistes et donc indépendantistes. Qu'importent les risques quand on n'a plus rien à perdre? Quand le désespoir s'exprime Le succès remporté par Oscar Temaru au premier tour des élections législatives, notamment aux îles du Vent où il arrive en tête avec 33,13 % des voix, et de James Salmon, surtout aux Tuamotu-Gambier où il rafle 23,55 % des suffrages exprimés, est révélateur du désespoir, des angoisses et de la lassitude d'une partie non-négligeable de la population polynésienne. Les deux leaders séparatistes recrutent parmi les groupes les plus touchés par la crise, c'est naturel. Comme ceux-ci s'accroissent de jour en jour, le temps et la pression démographique jouent évidemment en leur faveur.


Malgré un vibrant soutien de la municipalité de Punaauia à Alexandre Léontieff, Oscar Temaru remporte un quart des suffrages de cette commune. Un tel résultat amenuise les chances de voir rapidement se dénouer l'affaire Rivnac. A Moorea, même proportion d'insatisfaits du système. A Papeete, le maire de Faa’a arrive en seconde position avec 23,79 % des suffrages. Une surprise de taille. A Paea, même chose, près d'un quart des bulletins lui reviennent. Dans sa commune de Faa'a, n'en parlons pas, les électeurs sont fidèles à Oscar à plus de 60 %. Il serait vain de se voiler la face. Le président du Tavini recueille 11 206 voix dans la première circonscription et son ami James Salmon en obtient 4 654 dans la seconde. Au total le Tavini Huiraatira « pèse » aujourd'hui 15 860 voix soit plus de la moitié du capital électoral de la majorité (Flosse + Juventin) qui culmine à 29 467 voix. On peut penser qu'il s'agit là d'un vote de protestation, d'une révolteavertissement contre une classe politique déconsidérée. Certes. Il serait néanmoins dangereux de prendre cet avertissement à la légère. Selon toute évidence, le message séparatiste passe bien en ce moment. Les circonstances, on l'a vu, s'y prêtent et les dirigeants du Tavini savent les exploiter, soutenus en cela par un certain syndicalisme aux discours plutôt flous. L'indépendance, tout le monde en parle. Pourquoi pas, si une majorité se dessinait en sa faveur ? A Paris même, certaines oreilles complaisantes n'en rejettent pas l'éventualité qui permettrait quelques économies en ces temps difficiles. Mais, pour que la démocratie s'exerce normalement, il faut que ce choix s'opère en parfaite connaissance de cause et que ceux qui se sentent tentés par l'aventure - et qui n'ont pas tous « rien à perdre » - prennent bien conscience des conséquences de ce « remède miracle ». Le vrai visage de l'indépendance Pour cela, rien de plus simple. Il y a de nombreux pays indépendants dans la région du Pacifique. Ils sont souvent comparables à la Polynésie française en termes de population, géographie, culture et ressources. Il suffit de les étudier. C'est ce que nous avons d'ailleurs fait avec grand soin au cours des trois dernières années que nous avons vécues dans l'un d'entre eux, à Fidji précisément, d'où l'on s'est efforcé de faire découvrir aux Polynésiens et à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie les réalités totalement méconnues de ces

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voisins du grand Pacifique (lesquels, de leur côté, ignorent pratiquement tout du Pacifique francophone). Les leaders indépendantistes, pour leur part, se déplacent souvent dans la région. Ils connaissent donc très bien la situation dans ces pays insulaires indépendants. Voilà pourquoi nous estimons que leur discours manque d'honnêteté. Oh, naturellement, la classe dirigeante, toujours courtisée par la communauté internationale qui joue le jeu, est très à l'aise dans les archipels indépendants. Mais pour le reste... Il est d'abord malhonnête de prétendre que l'indépendance est la condition préalable du développement. Pour un petit archipel quasiment privé de ressources, l'indépendance, bien au contraire, est synonyme de sousdéveloppement. Il faut le savoir. Tous les états insulaires de la région indépendants depuis dix ou vingt ans sont sur la liste des pays du TiersMonde, donc sous-développés (ou en voie de développement comme on dit plus pudiquement) avec des revenus moyens par habitant ne dépassant pas pour les moins pauvres - 2 000 dollars par an soit 200 000 Fcfp (pour mémoire le revenu moyen par habitant en Polynésie française se situe aux alentours de 1,5 million de Fcfp). Voici des faits : en 1991, la Banque mondiale publiait un rapport qui faisait grand bruit sur le bilan de dix années d'aide internationale massive aux pays insulaires du Pacifique sud (massive signifie que cette aide a été la plus importante au monde par habitant, tout en étant, de très loin, inférieure à ce que la France accorde à ses Territoires). Ce bilan était catastrophique. La Banque mondiale constatait que, malgré l'importance des sommes investies, la croissance moyenne des pays concernés était restée proche de zéro - voire parfois négative compte tenu de l'inflation et de la poussée démographique pendant toute la période. L'argent de la coopération a surtout profité aux administrations et aux classes politiques locales, alimentant la corruption qui est un véritable fléau dans la région. Evoquez les petits scandales financiers polynésiens auprès de qui connaît bien le Pacifique et l'on vous rira au nez. Simples broutilles au regard de la réalité quotidienne des archipels voisins. Partout, en Papouasie, à Fidji, à Samoa, à Tonga, etc., la corruption est un phénomène de société profondément ancré. Prétendre par conséquent que la corruption disparaîtrait avec l'indépendance est un second mensonge.

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A-t-on la moindre idée du montant du budget national de Fidji, par exemple, un pays quinze fois grand comme la Polynésie et qui compte presque quatre fois plus d'habitants ? Il est de 30 milliards de Fcfp, à peine, contre 70 milliards pour notre budget territorial. Un ouvrier fidjien (ou samoan, ou vanuatuan) gagne huit mille francs par mois (sans protection sociale - de toute manière les structures sanitaires sont indigentes) et un instituteur plafonne à 35 000 Fcfp par mois. On pourrait ainsi multiplier les exemples. L'aide internationale se raréfie Comment qualifier l'indépendance de pays qui dépendent presque entièrement de l'aide internationale ? Veut-on construire une route, un pont ou un hôpital à Fidji, ou ailleurs, qu'il faut au préalable dénicher un financement international. Les pays insulaires du Pacifique ne disposent pratiquement pas de budget d'investissement. Après les cyclones qui ont tout dévasté ces derniers mois à Fidji, ou l'an dernier à Samoa, la reconstruction dépend presque exclusivement de la charité internationale. Des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans un abri digne de ce nom. Certains pays dits « indépendants », comme Tuvalu par exemple, sont même dépendants à 100 % de l'aide extérieure pour leur simple survie. Or, il faut absolument savoir que cette aide internationale, largement pompée par les pays de l'Est, l'Afrique, etc., tend à se raréfier rapidement au point, d'ailleurs, que les petits états océaniens lorgnent de plus en plus vers la France, seule métropole à maintenir plus ou moins le niveau de ses transferts dans la région. Là encore, les indépendantistes se trompent quand ils affirment que l'ONU viendrait prendre le relais financier de la France. L'ONU n'a plus d'argent. Les cotisations des pays membres rentrent très mal (en particulier celle des Américains) et les dépenses croissent à toute vitesse avec la multiplication des interventions pour le maintien de la paix qui coûtent des fortunes. L'ONU doit ainsi près de 2 milliards de Fcfp à Fidji dont les soldats participent à ces opérations de maintien de la paix un peu partout dans le monde depuis plus de dix ans. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, gangrénées par le chômage, sont dans une situation économique dramatique et réduisent toutes leurs aides régionales. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n'ont jamais beaucoup gratifié le Pacifique de leurs subsides excepté, et encore pas

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très généreusement, en faveur de leurs propres Territoires. Quant à l'Europe, elle fait déjà le maximum. Seuls les pays asiatiques, dont la croissance est soutenue, pourraient éventuellement apporter quelque soutien. Malheureusement, ils se livrent aujourd'hui à une concurrence et à une course aux armements telles qu'il ne leur reste guère le loisir de s'occuper des petits archipels du Pacifique. Bref, on aura compris que l'indépendance est loin d'être une solution aux problèmes économiques. Serait-elle un remède politique et social ? Démocratie ? Où ça ? Il est permis d'en douter quand, une fois encore, on étudie la situation chez nos voisins. Les régimes politiques sont divers. Ils vont de la monarchie absolue (Tonga) à la démocratie à l'anglaise (par exemple Fidji ou la Papouasie) en passant par la féodalité comme à Samoa. Mais partout, le pouvoir des chefs est omniprésent, avec un système clientéliste et clanique très implanté. L'opinion est minutieusement contrôlée ainsi que la presse. Quant aux syndicats, ils n'existent pratiquement pas, ou plus (comme à Fidji où le gouvernement les a muselés pour mettre en oeuvre sa nouvelle politique économique). On pourrait enfin évoquer à l'infini les difficultés des systèmes de santé, l'absence de protection sociale, les carences de l'éducation, le manque de communications, etc. Bien malheureusement, on subit en ce moment dans ce Territoire les conséquences pénibles d'une diminution soudaine des moyens financiers et matériels. Comment peut-on affirmer sérieusement que tout irait mieux si ces moyens étaient davantage réduits? Patrick Schlouch (15 mars 1993)

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COMMENTAIRES

Pacte de progrès : Les pièges de la victoire de la droite Les urgences polynésiennes pourraient se diluer dans la masse des problèmes auxquels la nouvelle majorité devra faire face tant à l'intérieur qu'outre-mer.

Raz-de-marée, à droite toute, victoire écrasante de la droite, beaucoup d'observateurs ont pratiqué la surenchère pour qualifier l'excellente performance de la droite au premier tour des élections législatives en métropole. D'autres, et Les Nouvelles de Tahiti était de ceux-là, ont préféré insister sur la sanction populaire vis-à-vis de la gauche en général et du Parti socialiste en particulier. Les vainqueurs eux-mêmes leur ont donné raison en évitant soigneusement tout triomphalisme. Ils ont en effet une conscience aigue de leurs handicaps et des écueils qui les menacent. Dans ce contexte et dans le brouhaha des revendications de toute sorte, la Polynésie pourrait avoir plus de mal que prévu à faire entendre sa voix. Certes, la droite, Union pour la France (UPF) et divers droite, devrait rafler aux alentours de 80 % des sièges de l'Assemblée nationale. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, en nombre de suffrages, l'UPF ne représente que 39,5 % soit à peine plus qu'en 1988. Avec les divers droite, on atteint 45 %, encore bien loin de la majorité absolue. Le message transmis par les électeurs est donc parfaitement clair. C'est une sanction très sévère du Parti socialiste et de la politique menée depuis plus de dix ans. Avec 17,62 % des voix, le PS est exsangue. Ses barons sont tous en ballottage et quelquefois même en difficulté comme Michel Rocard pourtant candidat socialiste présumé des futures élections présidentielles. C'est tout dire.

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La droite est désormais maîtresse incontestée de la vie politique française. Mais ses armes sont fragiles. On ne s'étendra pas sur les perversités du système électoral qui amplifie démesurément la représentativité du parti majoritaire, perversités que tous les observateurs reconnaissent désormais et qui devront vraisemblablement être corrigées d'une manière ou d'une autre. Il est plus intéressant de souligner que cette nouvelle majorité, écrasante, va se retrouver face aux mêmes problèmes que la précédente (chômage, crise économique, réformes structurelles à entreprendre dans les domaines de l'éducation, de la justice, de la santé, de la défense, etc) avec des moyens financiers extrêmement réduits, peu de temps pour convaincre et, en définitive, une assise populaire limitée. Les Français ont voté contre la gauche et pas tellement pour la droite qu'ils attendent au tournant de ses premiers échecs. Les responsables de l'UDF et du RPR en sont naturellement conscients et leur discours s'en ressent largement. Leur joie bien compréhensible de reconquérir le pouvoir est fortement teintée de modestie voire, parfois, semble-t-il, de crainte devant l'énormité d'une situation inédite depuis la naissance de la cinquième République. Concurrence Quelles seront les conséquences de cette situation politique pour la Polynésie française ? Bien entendu, on peut penser, a priori, que, la droite au pouvoir à Paris, l'avenir devrait s'annoncer plus rose (un comble !) pour le Territoire et notamment pour le Pacte de progrès. C'est vrai. Si, comme cela semble être le cas, le RPR, dont on connaît l'attachement pour l'outre-mer, devance l'UDF en nombre de sièges et obtient le poste de Premier ministre, la majorité devrait être bienveillante aux demandes du et, peut-être, des députés RPR de Polynésie. Mais, n'oublions pas que l'outre-mer français a généralement voté à droite et que les autres Dom-Tom, qui ont tous de graves problèmes, voudront aussi faire entendre leurs doléances à Paris. En ces temps de vaches maigres, il faudra bien répartir la pénurie. Par ailleurs, le poids des députés d'outre-mer sera bien évidemment moindre au sein d'une majorité pléthorique, comme celle qui se dessine, que dans une majorité limitée dans laquelle chaque voix compte.

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Si la popularité de chacun a quelque influence sur les décisions que le gouvernement central prendra en faveur de tel ou tel Dom-Tom, la Polynésie risque fort de passer derrière les autres. Ainsi Lucette MichauxChevry a-t-elle été élue au premier tour dans sa circonscription de la Guadeloupe avec près de 80 % des suffrages. A Saint-Pierre et Miquelon, M. Grignon a obtenu 71,68 % des voix. A la Réunion, André Thien Ah Koon est élu avec 56,31 %. En Nouvelle-Calédonie, les deux députés RPCR, Maurice Nenou et Jacques Lafleur, passent au premier tour avec respectivement 54,14 et 53,27 %. Gaston Flosse, qui a eu l'honneur d'être le premier élu de cette nouvelle majorité et qui a tout de même éliminé un député apparenté socialiste, n'a pu rassembler que 50,15 %. Quant à Jean Juventin, c'est un rallié de fraîche date qui n'est pas encore certain de siéger. Mais la concurrence ne se limite pas à l'outre-mer. Les régions françaises ont, elles aussi, leurs revendications. Les nombreux nouveaux élus majoritaires ne seront pas en reste pour réclamer leur « dû ». Tel ou tel député qui aura réussi à prendre un bastion occupé par la gauche depuis des décennies sera légitimement en droit de tenir ses promesses à ses électeurs. Les maigres ressources de l'Etat risquent ainsi de devoir être saupoudrées sur l'ensemble d'un pays conquis par la droite. Dans ce contexte, le choix des priorités s'avère pour le moins délicat. Alors, Pacte de progrès ? Naturellement. Les deux composantes de la nouvelle majorité se sont formellement engagées à le mettre en oeuvre. Mais, avec peut-être plus de difficultés qu'il n'y paraît à première vue. Gaston, ministre ? Hmm... Quant à l'éventualité évoquée dès l'an dernier par Nicolas Sarkozy, secrétaire général adjoint du RPR, d'un nouveau portefeuille ministériel pour Gaston Flosse, elle semble désormais assez fragile. Pourquoi ? D'une part, le président lui-même ne semble pas être candidat à une telle fonction. Il l'a déclaré hier à RFO. D'autre part, la conjoncture de 1993 n'est plus celle de 1986, ni en France ni dans le Pacifique, ni dans le monde. La diplomatie française a d'autres priorités et ses moyens s'amenuisent. En outre, tous les responsables du RPR ne partagent pas le souci de Jacques Chirac pour le Pacifique sud et, de toute manière, l'arrêt des essais nucléaires a ôté, pour le moment, toute urgence aux difficultés des relations

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franco-océaniennes déjà bien améliorées par plusieurs années de séduction politique. Celle-ci a, du reste, été largement mieux mise en oeuvre à Nouméa, notamment sous l'impulsion du haut-commissaire Alain Christnacht, qu'à Papeete. La Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui beaucoup plus ouverte sur la région que la Polynésie. Les échanges diplomatiques entre responsables calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou non, et personnalités régionales sont monnaie courante. Recroquevillé sur lui-même et obnubilé par ses querelles personnelles, notre Territoire est aujourd'hui très en retard dans ce domaine. Le Pacte de progrès devra impérativement y remédier. Si les chances de M. Flosse d'entrer au gouvernement sont, on le voit, assez minces (ce qui est dommage car ce serait évidemment un formidable plus pour la Polynésie), on peut en revanche, pour conclure, envisager, évidemment pas un poste ministériel, mais des responsabilités intéressantes pour Alexandre Léontieff. Le député sortant a fait preuve de solidarité et de sang-froid après sa défaite du premier tour. Un retour d'ascenseur n'est pas à écarter, d'autant que sa formation, l'UDF, talonne le RPR en nombre de sièges à l'Assemblée nationale et qu'elle souhaitera vraisemblablement que son représentant en Polynésie ait un rôle à jouer sur la scène locale. Ces élections législatives, dès leur premier tour, ont bouleversé de façon profonde les paysages politiques métropolitain et polynésien. La victoire de la droite tant attendue par le pouvoir local ne résoudra pas tout. Les vainqueurs nous promettent bien autre chose que des lendemains qui chantent. L'effort et le sacrifice restent à l'ordre du jour. Patrick Schlouch (22 mars 1993)

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COMMENTAIRE SECOND TOUR

Et maintenant, le Pacte.... Les autonomistes ont gagné face à la menace indépendantiste. Mais cette victoire de la raison fondée sur la promesse du Pacte de progrès, serait de courte durée si celui-ci n'était pas rapidement mis en oeuvre Bien qu'elle ait été sans conteste le personnage central de la campagne entre les deux tours, l'indépendance n'est pas encore à l'ordre du jour en Polynésie française. C'est l'enseignement le plus immédiat de ces élections législatives. Certes le candidat indépendantiste, Oscar Temaru, réalise un score particulièrement brillant dans cette première circonscription en passant de 11 206 voix le 13 mars à 19 059 samedi dernier soit une progression de 7 853 voix, ce qui est considérable. On peut également remarquer, ici où là, certaines de ses performances comme à Raivavae, par exemple, où il domine largement Jean Juventin, à Haapiti (Moorea) où il frôle les 60 %, à Maiao, surtout, où il recueille plus de 64 % des suffrages, dans deux bureaux de vote de Paea où il dépasse les 50 % et à Parea (Huahine), enfin, où le président Flosse est pourtant implanté depuis longtemps, mais où Oscar obtient plus de 58 % des voix. 15,16 % pour l'indépendance Néanmoins, c'est le premier tour qui, dans un scrutin de ce type, mesure l'audience exacte d'un parti politique. Et l'audience du Tavini Huiraatira en Polynésie française c'est au total 15 860 voix soit un peu moins de 21 % des suffrages exprimés (13,7 % des inscrits). Si le suffrage universel et ses résultats ont un sens, on peut par conséquent affirmer qu'en Polynésie française une personne sur sept est pour l'indépendance. Disons, très légèrement plus si l'on tient compte des pourcentages marginaux réalisés par Ia Mana Te Nunaa (1,24 % des inscrits) et le RDP de François Nanai


(0,22 % des inscrits). Au total 15,16 % des électeurs polynésiens sont ouvertement pour l'indépendance. Il n'en reste pas moins que ce chiffre dénote une progression spectaculaire en cinq ans puisque la fraction indépendantiste de la population électorale ne dépassait pas 4,73 % en 1988. En outre, sous la rigueur des chiffres se cachent des éléments dont l'importance est tout à fait considérable. Ainsi la nouvelle répartition géographique de la mouvance indépendantiste qui s'implante désormais un peu partout dans les îles et notamment aux Tuamotu. Ou l'influence des idées indépendantistes parmi les jeunes, les plus défavorisés en particulier, qui ne votent pas mais pour lesquels l'indépendance constitue un idéal tout trouvé, synonyme de changement et de liberté, souvent même de fête. Tout cela pour dire que les responsables de ce pays ainsi que la nouvelle majorité nationale auraient grand tort de se rassurer trop vite au vu des seuls résultats du scrutin. Les quelque 19 000 Polynésiens ayant voté Oscar Temaru le 27 mars ne sont pas (encore) tous indépendantistes, c'est vrai. Mais ils estiment que le candidat, l'homme comme l'a dit Emile Vernaudon, possède les qualités nécessaires à une mission politique du plus haut niveau. Il n'est pas contestable que M. Temaru fait preuve d'un charisme et d'une faculté oratoire hors du commun. Il a su habilement se forger une image d'homme libre, intègre et courageux. Il est de fait que les résultats qu'il obtient seul face à l'union des autonomistes viennent largement conforter cette opinion. La victoire de Jean Juventin est avant tout le fruit d'un travail d'équipe. C'est la victoire, à l'arraché, d'une majorité dans laquelle son suppléant, Michel Buillard, a joué un rôle particulièrement important. En outre, les reports de voix d'Alexandre Léontieff se sont dans l'ensemble bien passés malgré la prise de position de son frère Boris pour le vote blanc. Un vote qui était également prôné par Tireo, mais qui n'a séduit personne. Tenir les promesses Les partisans de l'autonomie, Gaston Flosse, Jean Juventin, Michel Buillard, Edouard Fritch ou Alexandre Léontieff, semblent pleinement conscients de la situation. Tous, dans leurs déclarations d'après scrutin, ont

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manifesté

un

soulagement

mais

mêlé

d'inquiétude

à

l'égard

de

l'avertissement très clair que constitue la poussée indépendantiste. Car la victoire de l'autonomie serait de bien courte durée si les promesses faites pendant la campagne n'étaient pas, très rapidement, suivies d'effet. Tout repose entièrement désormais sur la concrétisation du Pacte de progrès. Mot magique qui a permis d'exorciser le spectre de l'indépendance, il est hautement souhaitable que le bon génie sorte maintenant de la bouteille où il est enfermé depuis trop longtemps. Le choix des Polynésiens repose en grande partie sur l'assurance que leur a donnée Gaston Flosse et ses amis, à savoir que la relation privilégiée qu'il entretient avec Jacques Chirac permettra le redressement du Territoire par la mise en oeuvre du Pacte de progrès dans tous ses aspects. On a manqué d'explications, pendant la campagne, sur ce que sera le contenu de ce Pacte. Peut-être parce que ceux qui en ont fait leur cheval de bataille ne le savent pas exactement eux-mêmes. Puisque le vote des Polynésiens est un vote de raison, il est grand temps maintenant de leur expliquer ce qu'ils pourront retirer concrètement, et dans quels domaines, de ce nouveau contrat avec la France. En effet, on l'a vu, nombreux sont ceux qui, aujourd'hui en Polynésie, ont adopté la célèbre petite phrase de Gaston Flosse : « A quoi nous servirait d'être Français si la France n'assumait plus ses devoirs à notre égard ? ». Une fois établis le contenu et le financement du Pacte de progrès, sa mise en oeuvre exigera une efficacité rigoureuse. Il serait à cet égard très souhaitable de mettre en place une structure, légère mais très qualifiée, chargée de faire la liaison entre l'Etat et le Territoire pour régler tous les problèmes pratiques notamment sur le plan de la communication. Le sénateur Millaud le rappelait une fois de plus avant le second tour, il existe au sein de la haute administration française une ignorance souvent profonde des problèmes de l'outre-mer en général et de la Polynésie française en particulier. Cette structure pourrait ainsi épauler les parlementaires polynésiens en travaillant sur place à Paris à l'avancement des dossiers. La mission de cette structure pourrait du reste s'étendre avantageusement à l'Europe, qui aura un rôle grandissant à jouer dans notre Territoire, et même au Pacifique sud et à ses organisations régionales dont la Polynésie a le plus grand intérêt à se rapprocher rapidement si elle ne souhaite pas laisser le champ entièrement libre à la Nouvelle-Calédonie dans ce domaine.

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Le soutien de Jacques Les deux nouveaux députés polynésiens ont quitté Tahiti hier matin pour Paris où, grâce aux nouvelles modalités du scrutin, ils pourront participer à la première séance de l'Assemblée nationale. Gaston Flosse l'a annoncé, ils seront reçus dès mardi matin par Jacques Chirac qui a renouvelé la promesse de son soutien sans faille en faveur de la Polynésie française. MM. Flosse et Juventin tenteront également d'obtenir un siège respectivement au sein de la commission du Budget et de la commission des Lois de l'Assemblée nationale Quant à Alexandre Léontieff, député sortant, il s'est également envolé pour Paris où il devrait finaliser le passage de témoin à Jean Juventin et sans doute prendre des contacts avec les responsables de l'UDF qui lui avait accordé son investiture. Quel sera son rôle désormais ? Son appui a permis en grande partie au maire de Papeete de battre celui de Faa’a au second tour. Bien que l'entourage du président Flosse y semble assez peu favorable, cela devrait logiquement entraîner un retour d'ascenseur politique dont on ignore encore la nature exacte. Il semble que M. Léontieff serait assez heureux de diriger une structure du type de celle que nous évoquions plus haut. Gaston Flosse n'y serait peut-être pas opposé dans la mesure où dans ce cas de figure l'ancien député résiderait le plus souvent en Europe. Le facteur temps est aujourd'hui essentiel. Comme nous l'avions fait remarquer à l'issue du premier tour de ces élections législatives, la Polynésie et ses problèmes vont subir une terrible concurrence de la part des autres Dom-Tom et même des régions de France où les difficultés sont considérables après l'échec de douze ans de socialisme. La double victoire de la majorité polynésienne est un élément capital de la négociation. Dans ce contexte, l'élection d'Oscar Temaru aurait en effet pu fournir à Paris un excellent prétexte pour laisser traîner les choses. Pour réussir, il faudra à Gaston Flosse et à Jean Juventin tenir les promesses qu'ils ont faites à leurs électeurs. Il auront besoin pour cela de toute la rapidité et de toute l'efficacité dont ils seront capables ainsi que du soutien de tous les partisans du maintien des liens entre la Polynésie et la France. Patrick Schlouch

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L'argent est indispensable, mais ne suffira pas Le président est rentré gonflé à bloc de son voyage à Paris. Il fait totalement confiance à la nouvelle majorité parisienne pour aider le territoire à réussir sa reconversion post-CEP. Les essais reprendront peut-être un jour, mais il vaut mieux ne plus compter sur leurs retombées pour le développement économique et social de la Polynésie. L'actualité est au Pacte de progrès qui devrait bientôt prendre la forme d'une loi d'orientation laquelle, Gaston Flosse l'a confirmé, devrait permettre à l'Etat, en dix ans, d'accompagner le Territoire sur la voie d'une autonomie économique aussi large que possible. Il est naturellement prématuré, et même déplacé, de se demander ce qui se passera au delà de ces dix ans tant la situation actuelle comporte d'urgences. Le logement vient en tête de ces dernières, mais il est suivi de près par le manque de formation professionnelle, le chômage, la délinquance qui en est la conséquence directe, la perte de confiance des investisseurs, la crise économique, la pollution, l'engorgement de la zone urbaine ou le sous-développement des archipels pour ne citer que les plus criantes. Tous ces problèmes graves supposent des moyens financiers considérables dont on est loin de disposer et que Gaston Flosse compte bien obtenir du gouvernement central. C'est clair, l'heure n'est pas à la rêverie. Gaston Flosse, rendu sans doute lucide par l'avertissement des dernières élections législatives, reconnaît toutefois qu'une efficacité économique, même optimale, pourrait ne pas suffire à régler tous les problèmes de la société polynésienne. Plus conscient que jamais, semble-t-il, de la profondeur des aspirations culturelles et nationalistes d'une grande partie de la population, le président admet avec modestie que cet aspect des choses n'a peut-être pas été suffisamment pris en compte jusqu'à présent par sa majorité. Le champ, à ce point de vue, a été presque entièrement laissé libre à Oscar Temaru qui a su exploiter avec habileté les frustrations pour faire avancer son idée d'indépendance. Pour réussir, Gaston Flosse et sa majorité devront absolument obtenir de Paris les milliards indispensables au retour de la confiance. Mais ce ne sera pas suffisant. Le président devra aussi, par la définition - qui reste


encore à faire - d'un véritable projet de société, trouver le chemin du coeur des Polynésiens, les jeunes surtout, leur proposer un idéal qui les séduise et ainsi combattre directement le maire de Faa'a sur son terrain de l'amour-propre et de la dignité. Patrick Schlouch

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Patrick Schlouch

BP. 3047 - Papeete Tahiti, Polynésie française Tel. (689) 58.42.26 Papeete, le 27 avril 1993 Monsieur Philippe Hersant France - Antilles Paris Monsieur, J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur le fait que ma collaboration en qualité de directeur de la rédaction des Nouvelles de Tahiti, fondée sur un contrat à durée déterminée d'un an, prend fin en principe le 31 mai prochain. Je pense qu'il est donc temps de faire un bilan de cette année et d'envisager, si vous le souhaitez, les conditions du renouvellement de mon contrat. Comme vous devez vous en souvenir, j'avais préféré cette formule du contrat à durée déterminée avec l'idée de faire de cette première année une période probatoire. Aussi bien sur mes capacités à remplir la tâche que vous m'aviez confiée que sur celles des Nouvelles à sortir du gouffre dans lequel elles stagnaient depuis des années. Les Nouvelles de Tahiti sont aujourd'hui un journal digne de ce nom. La plupart des travers que je vous avais signalés à l'époque de mon recrutement sont désormais corrigés. Tant sur la forme que sur le fond. Le journal est bien présenté. Les fautes d'orthographe, si fréquentes naguère, sont devenues rares dans les titres et tendent à disparaître même dans les textes. L'information est complète et rigoureuse. Les articles sont lisibles et bien écrits. La hiérarchie de l'information est respectée et le confort du lecteur est mon premier souci. J'ai réaménagé autant que possible les dernières pages du journal et notamment les informations pratiques "A votre service" lesquelles, toujours en avant-dernière page, sont maintenant très faciles d'accès. Comme j'en avais manifesté l'intention, conforté en cela par les résultats de l'étude réalisée au mois d'octobre dernier, j'ai surtout mis l'accent sur un démarquage et une complémentarité par rapport à la Dépêche. J'ai ainsi créé plusieurs rubriques régulières. Le mercredi, la couverture des programmes cinéma est beaucoup mieux soignée. Toujours le mercredi mais aussi le samedi, dans les "Nouvelles de l'Economie", nous offrons une sélection d'articles à l'attention des milieux d'affaires du territoire qui n'ont pas toujours le temps ni la possibilité de lire les publications spécialisées et qui peuvent ainsi se tenir au courant des principaux événements économiques nationaux et internationaux. Le jeudi, la rubrique "Points de vue" propose sur deux pages l'interview et le portrait d'une personnalité choisie dans les divers secteurs de la société polynésienne. Le vendredi, nous nous adressons à la communauté chinoise en lui proposant une page de "Nouvelles de Taiwan" (ou de Chine) et nous offrons le magazine hebdomadaire gratuit "Tiki Mag" qui connaît un beau succès. Le samedi enfin, une rubrique "Nouvelles de l'Automobile" présente les nouveaux modèles, donne des conseils sur la sécurité routière, informe sur les innovations techniques, étudie les fluctuations du marché, etc. Quant à l'information régionale, à laquelle vous le savez je suis très attaché, est assurée de manière quotidienne, et relativement satisfaisante, depuis Sydney. D'autres rubriques pourront éventuellement prendre place à l'avenir les lundi et mardi.


Aujourd'hui, les Nouvelles sont lues par tous ceux qui veulent être réellement informés sur la Polynésie et font référence dans les domaines politique, économique, social et culturel. Nous proposons à nos lecteurs des enquêtes, des dossiers, des analyses sur tous les sujets importants de la vie locale. Je citerai, si vous le permettez, une phrase du président du tribunal administratif que l'on m'a rapportée, reflétant assez bien le sentiment général, et que je considère naturellement comme un formidable compliment. M. Poupet a dit : "On regarde la Dépêche, mais on lit les Nouvelles." Ceci est le résultat d'un travail d'équipe. Comme je vous l'avais également souligné l'an dernier, toute amélioration du journal ne pouvait passer que par le renouvellement aussi complet que possible des membres de la rédaction. Cela a pu être réalisé grâce au soutien de notre directeur général, M. Jérôme Pourtau, à qui je tiens à rendre hommage pour son efficacité. Quand je suis arrivé aux Nouvelles en juin 1992, une ambiance déplorable y régnait. Les conflits personnels paralysaient la marche de l'entreprise. La tâche principale qui m'incombait alors et qui occupait la majeure partie de mon temps, était d'écouter les doléances de tout un chacun. Je me suis attaché, à ce point de vue, à faire preuve de beaucoup d'attention et à être particulièrement disponible. Avec le départ des principaux fauteurs de trouble, puis d'autres membres de la rédaction usés par des mois, voire des années de laxisme et d'absence d'organisation, les choses ont commencé à s'améliorer. J'ai eu la chance de pouvoir reconstituer une équipe jeune, compétente et motivée, composée pour moitié (c'est nouveau dans une rédaction tahitienne) de femmes. Le manque total d'expérience professionnelle ou de connaissance du terrain de mes jeunes recrues a été largement compensé par leurs qualités personnelles. Entre les anciens et les nouveaux, une collaboration fructueuse s'est instaurée et l'on peut dire qu'une très bonne ambiance de travail règne désormais au sein de la rédaction. La qualité de l'écriture est excellente. Ceux qui nous lisent reconnaissent que les Nouvelles n'ont jamais atteint un tel niveau. (Ce qui a du reste tiré vers le haut l'ensemble de l'information écrite et parlée du Territoire par un effet de concurrence. Aujourd'hui, la Polynésie n'a sûrement jamais été aussi gâtée en matière de presse). Enfin, pour ce qui concerne la fabrication, le secrétariat de rédaction a été entièrement réorganisé, en collaboration avec M. Pourtau, et les imprimeurs se félicitent tous les jours de voir arriver les plaques des Nouvelles vers 22h30 (au lieu des minuit, 1h ou même plus auxquels ils étaient malheureusement habitués auparavant). Voici, très brièvement résumé, ce premier bilan que j'estime particulièrement positif. Je crois de ce point de vue avoir correctement rempli la mission que vous m'avez confiée. Malheureusement, les handicaps des Nouvelles restent nombreux notamment, et bien évidemment, par rapport à la Dépêche. Moyens en hommes et en matériel restreints, pagination réduite (les Tahitiens ont l'habitude d'acheter leur journal au poids), absence de petites annonces, etc. La fusion des pages nationales et internationales après la fermeture de l'Agence océanienne de presse n'a pas arrangé les choses. La nouvelle rubrique n'est guère satisfaisante ni pour la sélection des informations ni pour leur présentation et c'est évidemment une perte pour les Nouvelles qui possédaient à ce point de vue un avantage incontestable. La prochaine fusion des pages sportives devrait aggraver cette tendance en réduisant encore les raisons d'acheter deux journaux au lieu d'un. Mais le principal handicap des Nouvelles reste son image qui, en dépit des améliorations apportées ne s'est guère redressée. Pour beaucoup de lecteurs potentiels, les Nouvelles restent, injustement, ce torchon qu'elles ont été pendant des années. Forcément, ils ne les lisent pas. Ils ne peuvent donc pas prendre conscience des transformations. Ce boulet que traînent les Nouvelles se manifeste partout : dans les revues de presse radio qui privilégient systématiquement la Dépêche (excepté, et c'est heureusement assez fréquent, lorsque nous avons un scoop); chez les distributeurs qui, par habitude, mettent toujours la Dépêche en évidence alors qu'il faut chercher les Nouvelles souvent retournées ou cachées sous son concurrent; dans l'esprit des gens, enfin, qui donneront plus facilement et plus spontanément des informations à la Dépêche même dans les cas où mes 2


journalistes ont été les premiers à soulever un problème ou se sont montrés les plus sérieux et les plus persévérants sur un sujet donné. Bref, c'est l'histoire, moralement éprouvante, du pot de terre contre le pot de fer. Aggravée par le fait que tout le monde sait désormais que les deux quotidiens font partie du même groupe (l'intérêt d'acheter les deux semble très minime aux yeux de beaucoup). Il faut enfin reconnaître que ce sentiment est conforté par la Dépêche elle-même qui ne perd pas une occasion de nous faire quelques crocs-en-jambe en soulignant nos faiblesses tant auprès des annonceurs que des informateurs potentiels. La différence de diffusion constitue bien entendu leur argument principal. Nous n'en sommes heureusement plus au stade du dénigrement. Par honnêteté intellectuelle, je dois admettre que cette attitude tend à s'estomper, notamment parce que, comme je vous en avais manifesté l'intention avant mon recrutement, j'ai toujours refusé de réagir aux multiples provocations dont nous avons fait l'objet dans les débuts mais aussi grâce à l'attitude de M. Pourtau très strict sur ce sujet. Il est regrettable que les opérations promotionnelles envisagées tant auprès du lectorat que des distributeurs n'aient pu être concrétisées et j'espère sincèrement qu'elles le seront dans un proche avenir. Les difficultés restent donc nombreuses. Néanmoins, patience et persévérance sont à l'ordre du jour et, compte tenu des résultats déjà obtenus, je suis prêt, si vous le souhaitez, à poursuivre l'expérience. Naturellement, j'aimerais, comme nous en étions du reste convenus au départ, que les conditions de ma collaboration soient réexaminées en fonction du volume et de la qualité de mon travail. C'est pourquoi, je sollicite une réévaluation de mes revenus par exemple sous la forme de la prise en charge de mon logement. Nous avions d'ailleurs évoqué ce sujet l'an dernier et vous m'aviez alors laissé espérer une décision favorable après quelques mois d'activité. Je souhaiterais également pouvoir bénéficier chaque année, comme c'était déjà le cas lorsque j'étais à Fidji (avantage disparu lors de ma nomination à Papeete) d'un billet d'avion sur Paris (ou de son équivalent) pour moi-même, ma femme et ma fille. Enfin, j'aimerais, ce qui me paraît essentiel dans le cadre de la prolongation éventuelle de ma collaboration, pouvoir être mieux informé de la vie de l'entreprise et en particulier avoir régulièrement accès aux données relatives à la diffusion des Nouvelles et aux annonces publicitaires. En espérant votre attention bienveillante sur toutes ces remarques et desiderata, je me tiens à votre disposition et vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.

Patrick Schlouch

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Rivnac ou Nu'uroa, quel avenir pour la Polynésie ? Le projet Méridien - Rivnac est aujourd'hui devenu un « symbole puissant » selon les termes d'un communiqué publié par l'Eglise catholique. L'affrontement qui menace entre opposants et partisans de l'hôtel constitue en réalité l'élément visible, et malheureusement explosif, de la bipolarisation de la vie politique locale. Le débat pour ou contre Méridien est dépassé. C'est un choix de société qui est maintenant en cause. Un choix dramatique entre deux façons de vivre, entre l'ouverture et l'isolement, entre le progrès et le « retour aux sources ». Le problème est qu'entre les deux camps, le dialogue est désormais totalement coupé. Il est devenu impératif pour chacun d'imposer sa conception. Le combat politique, au sens strict de lutte pour le pouvoir, a pris le dessus. Et pourtant, les choses ne sont jamais aussi tranchées. On peut naturellement ironiser sans fin sur la naïveté (voire la mauvaise foi) de ceux qui prônent le retour à une économie de subsistance et rêvent des délices d'un passé dont la splendeur repose pourtant largement sur les fantasmes de ceux-là même qui sont jugés responsables de sa disparition. Mais on peut parallèlement s'interroger sur la signification de la notion de « progrès » pour une population passée en quelques décennies d'une civilisation à l'autre, quand cette même notion est aujourd'hui remise en question jusque dans les pays et sociétés qui en ont fait leur credo depuis des siècles. Il faut bien reconnaître que cette triste affaire Rivnac (ou Nu'uroa selon de quel côté on se place) n'est que la manifestation locale, et particulièrement concentrée, d'une crise, d'un découragement et d'une angoisse qui frappent aujourd'hui l'humanité tout entière. Le communiqué de l'Eglise catholique, qui se garde bien avec raison de prendre une position partisane est à cet égard particulièrement lucide et intéressant. Quel avenir pour nos enfants dans ce pays ? Comment continuer à vivre ensemble dans la paix et l'harmonie malgré la croissance démographique et la raréfaction des richesses ? Par-delà l'usure des


formules trop souvent galvaudĂŠes, c'est pourtant bien les questions essentielles que chacun, toutes ethnies confondues, se pose et pour lesquelles il est bien trop rare de trouver des rĂŠponses rassurantes. P.S

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REVELATIONS

MAXIME CARLOT : « L'indépendance de Vanuatu n'est pas un exemple à suivre » INVITE DU CLUB 89, LE PREMIER MINISTRE DE VANUATU DRESSE LE BILAN DRAMATIQUE DE DIX ANNEES D'INDEPENDANCE DICTATURE

La franchise et l'ouverture d'esprit du Premier ministre de Vanuatu, Maxime Carlot, ont séduit et touché les membres du Club 89 dont il était l'invité dimanche soir autour d'une table du restaurant Gauguin de l'hôtel Maeva Beach. Tout en s'affirmant favorable à la liberté des peuples du Pacifique, le Premier ministre vanuatuan a, d'entrée et très clairement, mis l'accent sur le fait que « l'indépendance de Vanuatu n'est pas un exemple à suivre ». Avant de détailler la situation catastrophique dans laquelle son pays s'est enfoncé depuis la rupture des liens avec la France et l'Angleterre en 1980. Noyés sous les discours en langue de bois des politiciens professionnels, nous avons depuis longtemps oublié le goût de la franchise. C'était par conséquent une véritable bouffée de fraîcheur et parfois même d'émotion que d'entendre, dimanche soir, ce Premier ministre décrire sans fard les problèmes auxquels Vanuatu est confronté et avouer sans honte que l'indépendance a été une catastrophe dont il n'est pas près de se remettre. Accueilli et présenté par le président du Club 89, Michel Paoletti, M. Carlot a d'abord dressé un tableau général de la situation politique et économique dans son pays Bilinguisme et coalition Au pouvoir à Port-Vila depuis décembre 1991, Maxime Carlot est à la tête d'un gouvernement de onze ministres formé d'une coalition entre son parti, l'Union des Partis modérés (UPM) francophone


(sept ministres) et le Vanua aku Party, anglophone (quatre ministres), du pasteur Walter Lini, « père » de l'indépendance et Premier ministre de 1980 à 1991. Walter Lini ne fait pas lui-même partie du gouvernement, mais son épouse est ministre. Jusqu'en 1980, Vanuatu est un condominum franco-anglais : les Nouvelles-Hébrides. La population y est partagée entre anglophones (60 %) et francophones (40 %). En 1980, l'indépendance naît dans la douleur et le déchirement. Les francophones ne la souhaitaient pas et il fallut l'intervention de troupes étrangères (papoues) pour mater la résistance. Il s'ensuivit une période de quasi dictature d'une dizaine d'années sous la main de fer du « révérend » Walter Lini dont le premier objectif fut d'éradiquer la francophonie de Vanuatu. Expulsion arbitraire des Français y compris des diplomates (la France n'avait plus d'ambassadeur à Vanuatu jusqu'à l'an dernier); fermeture des écoles francophones, etc. Vers la fin des années 80, la puissance du père Lini s'affaiblit parallèlement à la dégradation de son état de santé. Des divisions apparaissent au sein du Vanua Aku Pati au pouvoir. C'est grâce à ces divisions qu'à la fin de l'année 1991, l'UPM de Maxime Carlot réussit à remporter la majorité aux élections générales. En réalité, avec 20 sièges au parlement, l'UPM ne faisait pas mieux qu'aux élections précédentes. Mais elle n'avait plus en face d'elle que les débris d'un Vanua Aku Pati déchiré par la haine. Walter Lini, contre toute attente, réussisait quand même à remporter dix sièges tandis que le parti de son ancien ami et dauphin désigné, Donald Kalpokas, gagnait lui aussi dix sièges. Le reste des 46 sièges du parlement vanuatuan était partagé entre les petites formations de Barak Sope (4 sièges), de Vincent Boulekone (1 siège) et du Nagriamel (1 siège). Faute de majorité absolue, l'UPM se trouvait contrainte de s'allier pour former une coalition gouvernementale. A la surprise générale, c'est avec « le diable », l'ennemi d'hier, celui qui avait jeté en prison ses dirigeants, Walter Lini, que l'UPM décide de s'associer après une série de longues négociations. Deux ans après, Maxime Carlot est fier de la stabilité d'une équipe à qui les observateurs ne donnaient pas six mois pour exploser. Cette stabilité inattendue tiendrait en

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grande partie, selon M. Carlot, à l'affaiblissement de Walter Lini au sein de sa propre formation. Celle-ci se sentirait désormais plus motivée par le bien du pays que par celui de son chef. Indépendance catastrophe Vanuatu est souvent cité comme l'exemple type de l'échec retentissant d'une indépendance non préparée. Le Premier ministre, Maxime Carlot, confirme avec une touchante franchise. « L'indépendance de Vanuatu n'est pas un exemple à suivre » confiet-il avec émotion avant de dresser le tableau hallucinant d'un pays à l'économie dévastée par dix années d'incurie, de repli sur soi et de dictature auxquels les cyclones sont régulièrement venus prêter main-forte. Résultat en quelques chiffres: 145 000 habitants en croissance très rapide de 3 % l'an. Budget annuel de 5 milliards de Fcfp environ (pour mémoire, celui de la Polynésie française tourne autour de 75 milliards de Fcfp pour 210 000 habitants). Smig fixé à 13 000 Fcfp dans les villes et à 11 000 Fcfp à la campagne. « Insuffisant pour survivre », reconnaît M. Carlot qui envisage un accroissement prochain de ces planchers à... 18 000 et 16 000 Fcfp. Encore faut-il trouver un emploi salarié dans un pays essentiellement rural dont pas un seul secteur de l'économie n'a été épargné. Mais le drame est plus profond encore. La racine même de l'économie, la formation des hommes, l'éducation est sinistrée. « Les écoles ont fermé, surtout les francophones, révèle le Premier ministre. Beaucoup d'élèves sont dans la nature et nous n'avons plus d'enseignants. » Au service du peuple L'éducation, c'est la priorité des priorités pour la nouvelle équipe. C'est sur ce point que porteront tous les efforts du Premier ministre pour obtenir une assistance française lorsqu'il se rendra dans quelques jours en viste officielle à Paris. Mais les besoins sont partout énormes. Interrogé sur la définition des secteurs dans lesquels son gouvernement souhaite attirer en

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priorité les investisseurs étrangers, le Premier ministre répond: « L'économie », incapable, semble-t-il, de privilégier une activité plutôt qu'une autre. Néanmoins, il y en a. L'agriculture et l'agro-alimentaire sont évidemment prioritaires dans un pays tel que Vanuatu. Célèbre pour sa production de viande bovine, il éprouve de grosses difficultés à la commercialiser comme du reste l'ensemble de ses produits. « Durant les premières années de l'indépendance, le gouvernement a mis l'accent sur la production mais ne s'est pas du tout préoccupé de commercialisation, explique Maxime Carlot. C'est aujourd'hui sur ce point que nous portons tous nos efforts. » Le tourisme est également en pleine expansion. Avec 50 000 visiteurs par an (50 % d'Australiens), Vanuatu est désormais dans le peloton de tête des destinations touristiques océaniennes. Quant à l'exploitation des forêts, domaine traditionnel de l'économie vanuatuane, elle est plutôt ralentie pour cause de considérations écologiques et culturelles. Il faut rappeler et souligner que la propriété privée de la terre par un étranger est interdite par la constitution. Cependant, des baux de longue durée (50 à 70 ans) renouvelables peuvent être accordés par le gouvernement à des sociétés ou à des personnes étrangères au pays. Les joint-ventures avec un partenaire vanuatuan sont encouragées, mais pas obligatoires. A remarquer enfin la structure fiscale de Vanuatu qui ignore notamment l'impôt sur le revenu. Port-Vila possède un centre financier « off-shore », sorte de paradis fiscal où les sociétés étrangères peuvent s'immatriculer en toute liberté et pour des tarifs dérisoires. Les pavillons de complaisance constituent également une source de devises non négligeable. C'est une véritable révolution politique, économique et culturelle que vit Vanuatu depuis dix-huit mois sous l'impulsion de son nouveau gouvernement. Une révolution surtout marquée par un rapprochement très net avec la France sur laquelle M. Carlot compte énormément pour l'aider à relever son pays. On ne peut que se féliciter de ce rapprochement, mais il faut bien admettre que la tâche est gigantesque sinon impossible. Le pouvoir de Maxime Carlot - bien qu'il s'en défende et on le comprend - reste

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fragile. La coalition gouvernementale n'inspire encore qu'une confiance mesurée. Mais lorsqu'il affirme : « Nous devons être au service du peuple », en critiquant « la tendance à l'embourgeoisement » des élites politiques océaniennes, il a un tel ton de sincérité, que l'on a envie de le croire et qu'il touche notre cœur lorsqu'il évoque ses besoins urgents d'expertise et d'assistance technique dans tous les domaines. Patrick Schlouch

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MESURES FISCALES

La fin et les moyens Sur le principe, il est indispensable que nous acceptions l'effort fiscal que nous demande le gouvernement. D'abord parce qu'une large partie de la population polynésienne est dans une situation difficile qui réclame cette solidarité. Ensuite parce que certains secteurs, la santé notamment, souffrent de manques énormes. Et, enfin, parce que ce premier pas est pour Paris un témoignage de notre bonne volonté. Il semble bien, en effet, que ce geste marquant une évolution radicale dans les rapports entre la France et la Polynésie, ait été posé par le gouvernement central comme condition préalable à tout appel à la solidarité nationale et à la mise en œuvre du Pacte de progrès. L'équipe de Gaston Flosse n'avait par conséquent pas le choix. En revanche, sur les modalités de cet effort de solidarité envers nous-mêmes, il y a beaucoup à dire et de nombreuses interrogations subsistent. Toute cette affaire apparaît malheureusement placée sous le signe de la précipitation. Il y a une semaine, à son retour de Paris, Gaston Flosse ne démentait-il pas fermement toute éventualité d'introduction d'un impôt direct sur les salaires ? Il se peut que la confirmation de la visite prochaine du ministre des Dom-Tom à Tahiti ne soit pas totalement étrangère à ce brutal revirement. Parmi les principaux signes de précipitation, on note l'absence totale de garde-fou dans le futur système de couverture sociale. Ceux qui travaillent et cotisent aux divers systèmes d'assurance de la CPS vont désormais payer pour ceux qui ne travaillent ni ne cotisent. Or, le président Flosse évaluait mercredi à quelque 60 000 le nombre de personnes qui devraient bénéficier de la solidarité nouvelle manière. Soit presque un Polynésien sur trois. Quand on sait le gouffre qu'a été le RPSMR dont les charges ont quasiment doublé entre 1988 et 1992, on peut craindre le pire pour l'avenir. Il plane en effet un flou épais sur les critères permettant d'identifier les ayant droits du système de couverture sociale gratuite. On ignore tout autant les conditions dans lesquelles ils pourront bénéficier de ce système. Il semblerait qu'il n'y en ait aucune. C'est-à-dire qu'ils


profiteraient des mêmes avantages que les cotisants, les inconvénients en moins. Ils seraient même privilégiés puisqu'un salarié doit d'abord cotiser pendant trois mois à la CPS avant sa prise en charge. On ne voit guère les médecins, dont beaucoup sont dans une situation délicate, refuser cette clientèle nouvelle qui n'aura aucune raison de se priver du moindre soin. On peut ainsi s'attendre chaque année à un nouvel appel à la « solidarité » pour combler les trous béants d'un tel système. On évoque aussi beaucoup l'aspect anti-économique d'un collectif budgétaire qui ne se contente pas de créer une imposition sur les salaires, mais augmente parallèlement certains droits indirects et parfois de façon très conséquente. Enfin, la décision d'appliquer les prélèvements dès le mois prochain prouve à quel point le gouvernement est pressé. Autre point à souligner (il y en a d'autres), l'injustice d'un impôt qui frappe tous les salariés de la même manière sans tenir compte des charges particulières de chacun. Est-il normal qu'à salaire égal, un homme marié avec quatre enfants paie le même impôt qu'un célibataire ? Les syndicats de travailleurs et les associations patronales sont unanimes à regretter les maladresses majeures d'un projet dont ils estiment qu'il met surtout la charrue avant les bœufs. Le gouvernement, s'il n'a aucun souci à se faire ce matin pour le vote de son collectif par une majorité très confortable, pourrait rencontrer de sérieuses difficultés dans sa mise en oeuvre. En outre, le tribunal administratif, qui devrait être rapidement saisi de recours en annulation, pourrait bien juger de son côté que certaines libertés ont été prises avec les règles de droit.

Patrick Schlouch

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13 septembre 1993

ACCORD ISRAELO-PALESTINIEN Une lézarde dans le mur de la haine La poignée de mains impensable entre Yasser Arafat, le leader de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et Itsaak Rabin, le Premier ministre israélien hier à Washington, est sûrement la conséquence la plus spectaculaire et la plus porteuse d'espoir de la débâcle communiste. Le nouvel ordre mondial évoqué par le président américain Georges Bush au terme de la guerre du Golfe, se met peu à peu en place. Avec la montée des nationalismes, surtout dramatique en Yougoslavie, et la paupérisation des nations du bloc de l'Est, on a pu croire un moment à l'échec de ce système fondé sur la prédominance américaine et le rôle de plus en plus actif des Nations unies sur la scène mondiale. Mais aucune naissance ne s'effectue sans douleur, une douleur que les joies et les espoirs que le monde a connus depuis quelques années compensent et justifient très largement. L'accord israélo-palestinien sur l'autonomie de Jéricho et de Gaza constituent la plus belle victoire de toute l'histoire de la diplomatie américaine, une victoire couronnée par un symbole inimaginable il y a quelques jours encore : une poignée de main entre les deux ennemis les plus irréductibles de la planète. Souvenons-nous. C'était en 1991. Les scud irakiens atteignaient des cibles en plein coeur d'Israël. Washington parvenait néanmoins à contenir la colère juive et à éviter une riposte qui eût peut-être enflammé le monde entier. Les Etats-Unis s'engageaient à assurer eux-mêmes la protection de l'Etat juif. Côté palestinien, on choisissait le mauvais cheval. Arafat misait en effet sur Saddam Hussein au grand dam de ses bailleurs de fonds arabes qui ne lui pardonneront pas. Des deux côtés, le nerf de la guerre est désormais contrôlé, directement ou indirectement, par les Américains qui dictent leurs conditions, appuyés par une Russie elle-même en position de quémandeur. Les Israéliens, comme les Palestiniens, n'ont plus le choix. Ils sont condamnés à s'entendre. La poignée de main Rabin - Arafat est l'aboutissement d'un processus commencé dès 1991 à Madrid.


Les Juifs ne quitteront jamais la terre que le monde leur a donnée, il y a près d'un demi-siècle et dont ils ont su faire un pays digne de ce nom. Les Palestiniens ne quitteront pas non plus une terre où ils vivent depuis des millénaires. Cette situation menaçait continuellement la paix et la sécurité de toute l'humanité. Elle devait absolument évoluer. Quatre ans après Berlin, une lézarde s'est ouverte dans un autre mur, celui de la haine. Patrick Schlouch

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23 septembre 1993

SYDNEY, VILLE OLYMPIQUE DE L'AN 2 000 Une formidable opportunité de promotion pour le Pacifique sud et la Polynésie Surprise. Bien peu pariaient sur le choix de Sydney par le Comité international olympique (CIO) pour organiser et accueillir les Jeux olympiques de l'an 2 000. Pékin, capitale du pays le plus peuplé de la Terre, semblait devoir l'emporter sans problème. La Chine, dernier bastion du communisme dans le monde, est en train de s'ouvrir rapidement à l'économie de marché et au développement. Déjà considérée - selon les nouvelles méthodes de calcul de la Banque mondiale - comme la troisième puissance économique de la planète, elle aura atteint en l'an 2000, un niveau encore plus impressionnant si le rythme de sa croissance (plus de 20 % par an dans les grands centres urbains) se maintient. Le privilège d'organiser les derniers Jeux Olympiques du second millénaire aurait pu être pour Pékin une extraordinaire occasion de faire son entrée officielle dans le monde moderne en redorant un blason largement terni par les atteintes aux droits de l'homme et les erreurs politiques répétées. Le gouvernement chinois en était profondément conscient qui a mené depuis plusieurs années déjà une campagne tous azimuts pour s'assurer des voix au CIO. C'est ainsi que Pékin a notamment financé de nombreuses installations sportives dans le monde parmi lesquelles celles de Port-Moresby en Papouasie - Nouvelle Guinée où se sont déroulés les Jeux du Pacifique sud en 1991. On a pu également constater les progrès faramineux des athlètes chinois (qui ont du reste éveillé quelques soupçons) consécutifs à une politique nationale très dynamique en matière sportive. Et puis surtout, Pékin, quel symbole ! Centre d'un continent, l'Asie, dont on prédit qu'il dominera le 21ème siècle et qui rassemble à lui seul la moitié de l'humanité dans un


foisonnement de traditionnelle.

poussée

technologique

et

de

culture

La vitrine du Pacifique sud Pour toutes ces raisons, la victoire de Pékin dans la course olympique semblait aller de soi. Et pourtant, le CIO en a décidé autrement. Sans doute n'a-t-il pas apprécié les pressions et le chantage chinois exercés ces derniers temps à son égard. Il a été au contraire sensible aux arguments de ceux, les Américains notamment, qui voyaient d'un assez mauvais œil une telle publicité en faveur d'un pays qui s'accroche au communisme et utilise la majeure partie des ressources de sa toute nouvelle croissance à s'armer jusqu'aux dents. Sydney est donc officiellement ville olympique et accueillera les Jeux quarante-quatre ans après Melbourne. Un honneur que l'Australie doit en particulier au soin avec lequel son dossier a été préparé et à l'enthousiasme de sa population. Celle-ci, bien que considérablement moins nombreuse que celle de la Chine (17 millions seulement contre 1,2 milliard), est aussi un symbole par le mélange de tous les peuples et de toutes les races humaines qui la composent. Et même si son gouvernement a dernièrement décidé, par réalisme économique, d'accrocher l'Australie au train asiatique, elle n'en reste pas moins le pays phare du Pacifique sud. Les JO de l'an 2 000 à Sydney vont être pour tous les pays insulaires de la région et, pourquoi pas, pour la Polynésie française, une formidable opportunité de promotion et l'occasion de faire connaître leur culture et leurs spécificité au monde entier. Il nous reste sept ans pour parfaire nos relations avec l'Australie et avec les organisations régionales, le Forum du Pacifique sud notamment, qui seront la clé de la participation des archipels océaniens à la grande aventure. Sachons les utiliser au mieux. Cette fois, nous n'avons pas le droit de rater le coche. Patrick Schlouch


POINTS DE VUE

Albert Moux, itinéraire d'un enfant pas gâté Du petit magasin de Papara à la direction du groupe Shell. Découverte d'une carrière exemplaire C'est l'histoire d'un jeune homme pauvre qui se déroule comme un conte de fée. Il était une fois à Papara, l'aîné d'une famille de dix enfants. Il s'appellait Albert et rêvait d'atteindre les sommets. Grâce à des qualités peu communes, à sa ténacité et à son travail, il dirige aujourd'hui l'un des plus importants groupes commerciaux du pays. En six ans, il a réussi à prendre le contrôle du tiers du marché local des hydrocarbures et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. La confiance qu'il témoigne à l'égard du Territoire quand tout le monde parle de fuite des capitaux, est un exemple que beaucoup devraient suivre. Mais cette attitude repose aussi sur son expérience. "On ne fait de bonnes affaires qu'en étant sur place", se plaît-il à dire, évoquant au passage quelques investissements polynésiens malheureux à l'étranger. Sa confiance a toutefois des limites. "L'indépendance serait une catastrophe dont le pays ne se remettrait pas" estime-t-il, expliquant que les principales victimes seraient les "petits". Albert Moux ne serait sûrement pas ce qu'il est devenu sans Nina, son épouse et la mère de ses deux enfants qui lui a toujours prodigué un soutien précieux et sans faille. Il accepte pour la première fois de s'exprimer publiquement. Nous le remercions d'avoir choisi Les Nouvelles. P.S


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Les Nouvelles de Tahiti: Vous dirigez la société Polypétroles et Shell qui possède aujourd'hui un tiers du marché polynésien des hydrocarbures. Peut-on savoir ce qui vous a incité à vous engager dans cette aventure ? Albert Moux: "Très jeune, j'avais déjà compris l'importance économique des hydrocarbures. Mais l'idée a réellement germé il y a une vingtaine d'années lorsqu'on a commencé à remblayer les fameuses digues de Taunoa. Au départ, afin d'introduire la Shell à Tahiti, je me suis adressé au bureau de Zurich de la compagnie où je connaissais quelqu'un. On m'a répondu que le Pacifique était du ressort de la Nouvelle-Zélande. Là, ils ont estimé la taille du marché local insuffisante pour l'introduction d'une troisième compagnie pétrolière. Voyant qu'il n'y avait pas de suite, avec Charles Lehartel et Francis Sanford, nous avons envisagé de ravitailler l'EDT en fuel par un pétrolier de 25 000 tonnes. Une proposition avait même été faite à l'ancien directeur, M. Michaux. En 1982, je rencontre par hasard Bill Ravel à qui je révèle notre projet, lui indiquant qu'après avoir étudié le marché polynésien, des cuves de stockage seraient construites. Sur le coup, je n'ai pas fait attention. Deux ans plus tard, le pétrolier "Le Tahitien" était dans le port... Ravel m'avait piqué mon idée! Le bateau acheté, puis aménagé à Singapour, transportait du carburant Shell dont le "jet" (carburant avion) qui jusqu'alors était entreposé dans les dépôts de Total. La société Pétrocéan, puisqu'il s'agit d'elle, n'a toutefois résisté ni aux coûts trop élevés de l'entretien d'un bateau dans le port de Papeete, ni aux campagnes de presse soulignant les dangers de l'opération. Bref! J'ai finalement pu opérer un rapprochement avec la Shell et nous avons racheté Pétrocéan sur la base de 50/50. Un partage que les grandes compagnies acceptent rarement. Mais c'est en 1984 que je fis mes premiers pas dans l'énergie en me portant acquéreur de Polygaz avec la famille Siu. Cette société appartenait à un groupements de commerçants tels Vognin, Jules Changues, Bata... " Vous êtes désormais à la tête d'une des plus belles sociétés du pays. Quel est votre objectif à présent ? "Le plus intéressant dans le pétrole, c'est qu'il y a toujours du nouveau et des investissements à réaliser. Mon ambition consiste à présent à développer cette activité, en particulier notre réseau de distribution, et à gagner davantage de parts de marché.


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La concurrence est déjà très vive. Pour les gros clients tels l'EDT, Electra (centrales dans les îles), ou les goélettes, nous sommes obligés de pratiquer des ristournes pour obtenir les contrats. (NDLR: Polypétroles détient actuellement le contrat quinquennal de fourniture de l'EDT. D'autres contrats sont renouvelés chaque année) Que pensez vous de la distribution des hydrocarbures dans les îles et du problème des dépôts ? Concernant les dépôt dans les îles, je pense que l'étude consacrée à ce projet a été mal faite. Ils ont imaginé des dépôts trop importants, le coût est tel que ça ne passe pas (...) Il faut rester raisonnable et mieux s'adapter aux besoins réels. Nous disposons désormais en Polynésie d'une capacité de stockage de trois mois et la présence de trois "majors companies", Total, Shell et Mobil, nous met à l'abri d'une crise pétrolière majeure. Les réservoirs du Boeing d'Air France qui s'est abîmé dans le lagon étaient quasiment pleins. On prétend que c'est parce que le prix du "jet" est bien inférieur aux Etats-Unis et que les compagnies aériennes préfèrent s'y approvisionner plutôt qu'à l'escale polynésienne. Cela est-il préjudiciable aux distributeurs locaux ? "Il n'y a pas une si grande différence de prix entre les USA et la Polynésie. De l'ordre de 8 à 10% seulement. Le problème est simple. D'une part, aux Etats-Unis, le "jet" est raffiné sur place. Il n'y a, par conséquent, aucun frais de transport. D'autre part, les quantités utilisées sur les aéroports américains sont tellement plus importantes... alors que le Territoire consomme seulement 70 millions de litres de "jet" par an. Contrairement à ce qu'on dit, le volume que nous écoulons est stable en moyenne malgré une baisse ressentie au début des années 90 consécutive au départ de certaines compagnies comme Continental. Mais avec Corsair, le marché de l'aviation renégocié tous les ans, va devenir intéressant." Pourquoi les baisses du prix du baril de pétrole ou du dollar ne sont-elles pas répercutées à la pompe ? "Savez-vous que le prix du litre de carburant (essence, gas-oil ou jet) rendu en Polynésie ne dépasse pas 20 Fcfp? (NDLR: aux alentours de 18,5 Fcp actuellement) Le reste est constitué de la marge du grossiste (environ 12 Fcp), de celle du détaillant (environ 7,5 Fcfp) et, surtout, de droits et taxes perçus par le Territoire.


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Il est également prévu un fond de stabilisation contrôlé par le Territoire. Un matelas, en quelque sorte, visant à amortir les fluctuations constantes du cours du baril de pétrole et du dollar. (...) Par conséquent, la marge des grossistes et celle des détaillants sont réduites." D'où proviennent les hydrocarbures utilisés en Polynésie française ? "Essentiellement d'Australie et de Hawaii." Votre sentiment sur l'énergie hydroélectrique? "Je pense qu'il y a un avenir. Le développement des infrastructures dans ce domaine est une bonne chose pour réduire à terme la dépendance énergétique de la Polynésie. Néanmoins, je remarque que le Kw/h fabriqué par les barrages hydroélectriques est supérieur en coût à celui provenant de l'usine thermique..." L'énergie constitue t-elle votre unique activité en Polynésie? "Non. J'ai également investi dans l'immobilier. En l'occurrence, l'immeuble de la Banque de Tahiti au centre ville dont je suis le promoteur et où je viens d'installer le siège de ma société. Il représente un investissement de 1,5 milliard de Fcfp avec le terrain. C'est le seul parking à étage de la ville avec quelques 180 places mais il a fallu quatre ans pour habituer les usagers à garer leur voiture à l'intérieur et le rentabiliser. A mes yeux, les parkings payants sont une bonne chose et il ne faut pas critiquer les initiatives de la mairie de Papeete dans ce domaine. (NDLR: référence faite aux parcmètres en cours d'installation place Tarahoi) C'est peut-être malheureux pour les consommateurs mais au moins, ils trouvent une place. Et puis si les places publiques deviennent payantes, il va devenir intéressant d'investir dans d'autres parkings privés et le problème du stationnement à Papeete pourra trouver une solution tout en développant une activité économique créatrice d'emplois." Pourquoi ne construit-on pas de parkings souterrains comme partout dans le monde ? "Impossible. Cela coûte trop cher du fait de la structure du sous-sol de Papeete. Il faut faire les parkings en étages mais à la condition de les "habiller " pour conserver une certaine esthétique."


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Que pensez vous de l'organisation de la ville de Papeete justement ? "A mon avis, il faut absolument un plan de circulation. C'est une priorité. Je suis favorable à la mise en place de sens uniques." Avez vous d'autres projets dans l'immobilier? "Non. Après avoir réalisé l'immeuble Paribas (Front de mer) et celui de la Banque de Tahiti, la crise de l'immobilier a fait son apparition. Surtout dans les bureaux et le commerce. En revanche, pour un promoteur qui désirerait se lancer, il y a, je crois, un créneau à prendre. C'est celui des appartements de luxe. Beaucoup de gens sont prêts à débourser 200 à 250 000 Fcfp par mois, à condition d'habiter quelque chose d'agréable. Dommage que je n'aie pas le temps de négocier pour trouver un terrain de un ou deux hectares en bord de mer, pas loin de la ville à Punaauia ou Pirae... Je suis sûr que ça marcherait tout de suite. Qui plus est, on peut diminuer le coût de la construction grâce à la loi Pons. On parle beaucoup en ce moment de fuite des capitaux et d'investissements à l'étranger ou en métropole. Qu'en pensez vous ? "Je me demande pourquoi les gens vont investir ailleurs. Pour faire de bonnes affaires, il faut suivre son investissement de près. Etre sur place. Sinon, l'on peut s'en mordre les doigts. Certains qui ont investi au Chili ou ailleurs en ont fait la triste expérience. Je ne crois pas que les investissements polynésiens à l'étranger soient si nombreux et importants qu'on le dit. Il y en a beaucoup qui acquièrent des maisons, ça oui, comme une sorte de refuge en cas de coup dur. Mais c'est tout." Ici, en Polynésie, voyez vous des secteurs où il est intéressant d'investir ? "Oui, le tourisme. Dans les îles surtout. Mais, c'est très lourd à supporter et donc, pas à la portée de n'importe qui. A mon sens, le projet Tahiti Taapuna Beach - ramené à une taille plus raisonnable - n'est pas mal dans la mesure où il ne pose pas de problèmes fonciers. Le condamner reviendrait à commettre un crime. Un complexe touristique sur un tel site proche de l'aéroport avec une plage artificielle, sans pollution, serait un bon produit pour les touristes de passage. Et pourquoi pas des "condominiums" haut de gamme ?"


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Les affaires sont elles liées à la politique dans ce pays. Ont-elles besoin d'elle pour fonctionner? "En un sens oui. C'est un peu normal. Les campagnes électorales coûtent très cher et il est naturel que les politiciens sollicitent l'aide de financiers privés. Ces derniers espèrent en retour obtenir certaines facilités, par exemple, dans le but d'accélérer des procédures administratives..." Peut-on parler de corruption ? "Peut-être qu'à une certaine époque, de petits malins, membres de cabinets ou intermédiaires ont utilisé leur position pour obtenir certaines faveurs. En revanche, on a accusé les hommes politiques et là je ne suis pas d'accord. Comme s'ils avaient détourné des milliards et qu'ils étaient la cause du marasme économique que traverse la Polynésie. Je dis, c'est faux! Il faut aussi voir la situation en face. La politique suppose des charges énormes que les salaires ou indemnités peuvent à peine couvrir. Et quand le pouvoir vous échappe, d'un seul coup vous n'êtes plus rien. On s'enrichit rarement en politique vous savez..." Presque dix ans après sa mise en place, quel bilan tirez vous de l'autonomie interne? "On ne pourra jamais trouver meilleur système. C'est tellement facile. Au fond, aujourd'hui, nous sommes indépendants. Nos élus décident de tout. Et en plus, dès qu'il y a un trou dans la caisse, on demande une petite rallonge à la France... C'est tout de même commode. Jusqu'à présent, nos hommes politiques ont eu la vie facile sans penser à préparer l'avenir. La décision de suspendre les essais nucléaires à Mururoa les a fait réfléchir. Si le Pacte de progrès est respecté à la lettre, la voie est dégagée devant nous." La CST, pour ou contre? "C'est une très bonne chose que tout le monde ait accepté de participer au développement du Territoire. En fait, tout dépend de la manière dont on va utiliser cet argent. Et puis surtout, il ne faudrait pas que cette CST devienne une vache à lait..."


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Comment voyez-vous l'avenir de la Polynésie française ? "De manière dramatique si un jour la France décidait de fermer le robinet (...) Je pense que le soleil doit briller pour tout le monde. Comme j'ai dit récemment à Gaston Flosse, j'encourage les gens qui se battent pour avoir de l'argent, pour développer le Territoire, donner du travail et un toit au Tahitien. Il est anormal de voir encore aujourd'hui, dans certains taudis de la commune de Faa'a, des gens vivre comme des bêtes. Si l'on arrive à pallier les déséquilibres sociaux, c'est à terme la paix pour tout le monde. Dans le cas contraire, on va vers l'explosion sociale. Ceux qui n'ont rien à perdre pourraient descendre dans la rue pour tout casser . On ne se rend pas toujours compte que l'indépendance serait surtout leur naufrage à eux. Les gros ont les moyens de partir ailleurs, ou d'attendre des jours plus favorables. Mais les autres?" Enfin, votre opinion sur la communauté chinoise? "Je préfère ne rien dire. Il y a trop de divisions et de jalousies." Interview Patrick Schlouch et Stéphane Antonin


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PORTRAIT 2 COLS

Histoire d'un self-made man Albert Moux, PDG de la société Polypétroles et Shell, est né le 6 mars 1945 à Papeete. Signe astrologique: poisson. Il est l'aîné d'une famille chinoise de dix enfants dont les parents furent de modestes agriculteurs à Arue avant de tenir un petit magasin baptisé "Suzanne" à Papara. Un simple certificat d'études en poche (il ne s'en cache pas), le jeune Albert, âgé de dix neuf ans, entre dans le monde des affaires par la petite porte. En 1964, le commerce est en pleine ébullition. Cela l'incite à fonder sa première boutique à proximité du marché de Papeete. Son premier hôtel: le "Métropole" Deux ans plus tard, les retombées de l'arrivée du CEP se faisant de plus en plus sentir, il prend les commandes de l'hôtel "Métropole" situé rue Edouard Ahnne. A l'époque, l'acquisition de l'établissement d'accueil opérée en totalité à crédit, ne présentait guère de risque dans la mesure où le night-club attenant faisait la joie des troupes en permission. En 1970, Albert Moux décide de se rendre à Nouméa, histoire de prendre la température du "boom" sur le nickel. Mais c'est l'hôtellerie qui constitue à ses yeux une valeur sûre. Pour preuve, au même moment, il rachète à Hiro Lévy un autre lieu célèbre du Tahiti d'antan, le "Princesse Heiata" à Arue. Une affaire sérieuse dans laquelle il s'investit totalement. Bingo! Il est le premier à introduire avec succès la formule du buffet à Tahiti. Outre la restauration, il attire nombre d'adeptes de la bringue tahitienne. Grâce à une dérogation obtenue de Francis Sanford, le "Princesse" ouvre en effet jusqu'à 5h du matin quand tous les autres


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dancings ferment à 2h. Tous les noctambules s'y rassemblent les vendredis et samedis pour finir la nuit. Le "Princesse Heiata" vendu 510 millions La réussite aidant, d'autres débits de boissons sis sur le Front de mer, tels le Jasmin, le Rétro, le Col Bleu (aujourd'hui l'Auberge), le Mayana (le Bus à présent) ainsi que l'ancien Roll's club lui appartiendront. Mais, fidèle à sa devise selon laquelle "le soleil doit briller pour tout le monde...", il sera amené plus tard à vendre ces biens. Jusqu'à la propriété du "Princess Heiata" cédée au Territoire en 1990 pour la bagatelle de 510 millions de Fcfp, un montant évalué à l'époque par le service de l'Urbanisme. Elle sert aujourd'hui à loger des gens de passage. Albert Moux, alors président de la Fédération de l'hôtellerie, se souvient également avoir dû intervenir lors de la grève de 1983 dans les hôtels. Et de démontrer ses qualités de fin négociateur. De même qu'il fut membre du Comité économique et social (CES) à partir de 1985. Il occupe encore aujourd'hui le poste d'administrateur au sein de la banque Paribas. La date du 23 mai 1987 marque officiellement ses débuts dans les hydrocarbures, au moment où il rachète Pétrocéan à 50/50 avec la compagnie Shell. Trois ans plus tard, Polypétroles et Shell inaugure ses cuves de stockage à Fare Ute. Aujourd'hui, la prochaine étape pour Albert Moux, c'est l'ouverture d'une station Shell à Raiatea en 1994. S.A.



24 novembre 1993

LA CHASSE AUX PIGEONS EST OUVERTE

Arnaque internationale au blanchiment d'argent Des personnalités locales auraient déjà versé plusieurs dizaines de millions de Fcfp à de mystérieux correspondants nigérians Après avoir fait la Une de la presse du Pacifique sud au début de l'an dernier, l'arnaque nigériane au blanchiment d'argent refait surface à Tahiti. Des personnalités locales du monde des affaires et du commerce en auraient été récemment victimes. On parle à l'heure actuelle d'une somme de 40 millions de Fcfp déjà perdue par l'une d'entre elles dans le cadre d'une de ces magouilles. Une escroquerie d'ampleur mondiale a pris le Pacifique sud pour cible depuis

1991. A l'origine, des courriers en provenance d'organismes

prétendument officiels du Nigéria* et adressés à des sociétés et hommes d'affaires de la région pour leur demander de participer à des fraudes financières moyennant très forte rétribution. Les Territoires français n'ont pas été épargnés par cette opération. En effet, un bref article publié le 2 mars 1992 sur ce sujet dans les Nouvelles de Tahiti sous le titre « Arnaque nigériane » avait déjà provoqué de discrètes réactions en Polynésie française. On apprenait alors l'existence dans la région de plusieurs victimes de cette escroquerie parmi lesquelles, notamment, un Néo-zélandais dépouillé de 25 millions de Fcfp. L'affaire avait fait si grand bruit en NouvelleZélande que le gouvernement avait dû publier un communiqué témoignant de sa préoccupation et incitant les milieux d'affaires kiwis à la plus grande prudence. Un peu plus tard, c'était en Australie et aux îles Cook que l'on entendait parler des escrocs nigérians avant qu'ils ne fassent les gros titres de la presse fidjienne. Dans un autre article, publié dans la page « Pacifique » des Nouvelles de Tahiti du 30 mars 1992, nous expliquions que les hommes d'affaires et les sociétés fidjiennes avaient été avertis par leur Chambre de commerce et


d'industrie de se montrer extrêmement vigilants au cas où ils seraient amenés à traiter avec des particuliers ou des sociétés du Nigeria. Plus de 3 milliards de Fcfp Cet avertissement avait été lancé à la suite de la publication dans la presse locale d'un article rapportant la tentative faite par des Nigérians d'impliquer une entreprise fidjienne dans une fraude portant sur une somme de plus de trois milliards de Fcfp. Le directeur de cette entreprise avait reçu un courrier de la part de deux Nigérians prétendant être hauts fonctionnaires et l'invitant à participer à cette opération financière internationale. La Chambre de commerce et d'industrie fidjienne en avait informé le gouvernement et la police leur demandant d'ouvrir une enquête. « Le Nigeria ne possède aucune réserve de devises, expliquait le président de la CCI fidjienne, M. Vagh. Les investisseurs étrangers ou les commerçants qui traitent avec ce pays ne peuvent jamais récupérer leur argent. Au cours de mes voyages à Hong Kong, Singapour, Bangkok et, plus récemment, en Nouvelle-Zélande, j'ai rencontré des hommes d'affaires victimes de ces sociétés nigérianes leur ayant passé des commandes. Lorsqu'il s'agit de payer, elles répondent simplement que leur pays ne dispose d'aucune devise étrangère et qu'elles sont dans l'impossibilité d'honorer leurs engagements. » « Si l'on veut vraiment traiter avec les Nigérians, conseillait M. Vagh, il est impératif d'exiger d'eux des lettres de crédit irrévocables en dollars US. Il faut s'abstenir dans le cas où les principales banques nigérianes ayant des correspondants dans le Pacifique refusent ces lettres de crédit. » M. Vagh révélait également que plusieurs sociétés de l'ouest fidjien avaient reçu des propositions nigérianes par courrier. Toutes, selon lui, avaient fini au panier. Néanmoins, le cas de l'une d'entre elles, la société Alexander Stenhouse, était plus sérieux. Son directeur général, Graham Barnett, avait reçu un courrier signé de MM. R.A Hanson et Otto Smith se prétendant comptables attachés au ministère de l'Industrie et du Commerce à Lagos, la capitale du Nigeria. Les deux hommes affirmaient avoir eu des contacts avec un citoyen suédois qui leur aurait garanti le sérieux et la fiabilité de la société Alexander Stenhouse. Ils ajoutaient qu'ils disposaient, en association avec des officiers supérieurs de l'armée nigériane (au pouvoir), d'une très forte somme d'argent qu'ils souhaitaient investir à l'étranger. Ils précisaient même le montant de cette somme d'argent : 33 341 711 US$ (environ 3,7 milliards de Fcfp).

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Les deux signataires de la lettre proposaient simplement à M. Barnett de les aider à transférer cet argent à l'étranger en le faisant transiter par le compte de sa société à Fidji. Dans ce but, et pour faciliter les procédures, ils lui demandaient de leur expédier quatre feuilles de papier à en-tête d'Alexander Stenhouse, vierges mais signées, ainsi que des formulaires de factures pro forma également signés. Ils souhaitaient en outre connaître le numéro du compte en banque de la société ainsi que ses numéros de téléphone et de télécopie. En échange de ses services, Hanson et Smith offraient à Graham Barnett 30 % de la somme à transférer soit environ un milliard de Fcfp. Ils lui recommandaient enfin la plus grande confidentialité et souhaitaient une réponse d'urgence. La Polynésie française visée Malgré nos mises en garde de l'an dernier, la Polynésie française continue à être visée par l'arnaque nigériane. Des lettres adressées à des sociétés et personnalités locales sont parvenues à Tahiti depuis au moins le mois de décembre 1992. L'une d'entre elles, dont nous avons pu avoir connaissance, est signée par un certain Patrick I. Anah. Il s'agirait d'un ingénieur, membre de la commission d'attribution des marchés d'un grand groupe pétrolier (le Nigeria est effectivement producteur de pétrole). Ce monsieur et ses amis se sont, écritil, arrangés pour « gonfler » la valeur de certains gros contrats pour un montant de plus de 2,5 milliards de Fcfp, somme qu'ils souhaitent à présent transférer et blanchir à l'étranger. Il ne s'agit là que d'une variante du cas fidjien. Les instructions, en effet, sont strictement identiques. Là encore, le signataire sollicite l'envoi de papier à entête signé et tamponné, de copies de factures pro forma également signées et tamponnées ainsi que les informations courantes sur les comptes en banque, l'adresse et les contacts fax et téléphonique professionnels et personnels. Ceci ne laisse aucun doute sur l'existence d'un réseau parfaitement organisé. Après diverses procédures « officielles », l'argent doit en principe transiter par le compte en banque du « pigeon » lequel, en échange de sa collaboration, recevrait 30 % de la somme (soit plus de 800 millions de Fcfp dans le cas présent). Ce que la lettre ne dit pas - et que les poissons n'apprennent que lorsqu'ils ont mordu - c'est qu'avant de réaliser le transfert financier, il faut d'abord verser une commission d'environ 3,5 % soit, en l'occurrence, près de 90 millions de Fcfp. Une paille.

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La tentation peut-être forte. Et si la plupart des personnes et sociétés sollicitées n'y cèdent pas, il suffit qu'un petit nombre tombe dans le panneau pour rendre cette escroquerie particulièrement juteuse. A Tahiti, une personnalité très connue dans les milieux du commerce est citée comme ayant espéré trouver dans cette « bonne affaire » un ultime moyen de redresser une situation financière désespérée. Environ 40 millions de Fcfp auraient déjà été versés au Nigeria. L'arnaque à la charité Une autre arnaque, sans doute liée à la première, circule depuis quelque temps dans le Territoire. Elle consiste à accumuler le plus grand nombre possible de cartes de visite, soi-disant en faveur d'un jeune Anglais cancéreux en phase finale et dont le dernier souhait serait de figurer au livre Guiness des records grâce à cette collection unique. A la décharge de ceux qui marchent, reconnaissons que l'affaire s'inspire d'un fait divers réel. En outre, aucune collecte de fonds n'est sollicitée. Il est néanmoins facile de faire le rapprochement avec cette arnaque nigériane. Quel plus beau fichier, en effet, que cette collection de cartes de visite en provenance du monde entier, offrant une foule d'informations obtenues gratuitement et sans effort ? La région victime d'une nouvelle criminalité Le Pacifique sud est une région en plein développement. Les transactions internationales y sont encore, pour beaucoup, chose relativement nouvelle. La méfiance y est, par conséquent, moins aiguë qu'ailleurs et les contrôles financiers peut-être moins stricts. Il pourrait bien ainsi devenir un champ d'action privilégié pour fripouilles de tout poil. Ce type de délinquance, avec le trafic international de drogue et le blanchiment de l'argent sale, est d'ailleurs en train de prendre des proportions tout à fait inquiétantes dans notre région. A tel point, que les polices de tous les pays concernés lancent de réguliers appels aux dirigeants politiques pour qu'ils leur donnent les moyens humains et matériels de lutter plus efficacement contre la montée de cette criminalité d'un nouveau type. On ne peut que conseiller la plus grande prudence. Ceux qui se laisseraient séduire par le chant de ces sirènes africaines pourraient le regretter très

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amèrement. Il ne leur serait en tout cas guère possible de se plaindre auprès de la police d'opérations illégales dans lesquelles ils se seraient volontairement impliqués. Patrick Schlouch * Le Nigeria, capitale Lagos, est un pays de l'Afrique de l'ouest riverain du Golfe de Guinée, voisin du Cameroun, D'une superficie de près d'un million de km2 (deux fois la France) il compte 118 millions d'habitants. Indépendant depuis 1960, le Nigeria dispose de riches ressources minières et d'importantes réserves de pétrole mais n'a cependant pas réussi son décollage économique. Le PNB par habitant ne dépasse pas 250 US$ (25 000 Fcfp). On y dénombre officiellement 600 000 séropositifs. Excepté pour de brèves périodes (1960-66 et 1979-83), le Nigeria a toujours été dirigé par des militaires.

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2 décembre 1993 PARIS-MATCH S'INTERESSE A LA P.F

Un coup de couteau dans le dos à un million d'exemplaires On est habitué, en Polynésie, à se faire régulièrement éreinter par les journalistes étrangers ou métro. Mais là, le coup est rude et il incite à se poser quelques questions. Sous le titre accrocheur de « Panique à Tahiti », Paris-Match consacre en page 3 de son édition de cette semaine, un long papier, particulièrement mordant et agressif, à la Polynésie française. Cet article, sans aucune concession, n'est au fond qu'un catalogue de prétendues « révélations » rabâchées depuis des lustres. Mais ce qui surprend, c'est le ton méprisant, et presque haineux, sur lequel elles sont proférées. En plein Pacte de progrès, au beau milieu du processus d'adoption de la loi d'orientation et malgré les efforts du gouvernement pour donner une nouvelle image du territoire et de ses habitants, il s'agit là d'un véritable coup de couteau dans le dos reproduit à un million d'exemplaires. Le signataire, Michel Gonod, est venu en Polynésie française au mois d'avril dernier à l'invitation du ministère de la Défense, lors de la visite du général de corps d'armée Vouny, conseiller du président de la République et membre du comité d'experts sur les essais nucléaires. De ce fait, les longs passages de l'article de M. Gonod consacrés au CEA-CEP sont nettement moins critiques que ceux dans lesquels le rédacteur de « Panique à Tahiti » évoque, pêle-mêle, les poncifs les plus éculés sur la Polynésie française. Il traite notamment des privilèges et de l'hypertrophie de l'administration territoriale ou de la fiscalité polynésienne qu'il n'hésite pas à assimiler à du « racket ». Il parle de l'appétit insatiable des Polynésiens pour les subventions et transferts métropolitains. Bref, rien de bien nouveau sous le soleil. A peine quelques lignes, en revanche, sur la Charte de développement et le Pacte de progrès que M. Gonod ne fait que


mentionner tout en estimant qu'ils n'ont rien de révolutionnaire. Cela surprend beaucoup au Territoire où l'on affirme que le journaliste n'a eu aucun contact avec les responsables locaux. Alors ? Qu'est-ce que tout cela signifie ? Compte tenu de la qualité de l'auteur de l'article et du moment choisi pour publier celui-ci, on est évidemment en droit de se poser la question. M. Gonod est en effet l'un des « conseillers » du rédacteur en chef de Paris Match, autant dire une haute personnalité du prestigieux hebdomadaire qui ne doit pas prendre la plume lui-même très fréquemment. S'agirait-il d'une manoeuvre politique à quelques semaines de l'examen du projet de loi d'orientation par le Parlement ? D'une tentative de déstabilisation de Gaston Flosse par cette fameuse faction de la majorité parisienne qui, selon d'insistantes rumeurs, ne l'apprécie guère ? A moins que le missile ne vienne de l'Elysée. Après tout, Michel Gonod n'avait-il pas été choisi par le général Vouny lui-même pour l'accompagner dans sa tournée polynésienne ? Patrick Schlouch

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9 décembre 1993

Un contrat qui s'achève et j'abandonne la direction de la rédaction des Nouvelles de Tahiti que l'on m'avait confiée en juin 1992, après trois ans passés à Fidji en qualité de correspondant régional du groupe Hersant. Avant de m'en aller, je tiens à remercier tous les lecteurs qui nous ont fait confiance pendant ces deux années et tous ceux qui nous ont régulièrement encouragés de leurs appréciations bienveillantes sur l'amélioration de la qualité du journal. Je voudrais remercier aussi ceux qui nous ont critiqués. Leurs remarques n'ont pas toujours pu être complètement suivies d'effet, je m'en excuse auprès d'eux, mais j'en ai toujours tenu compte. Toute mon équipe de journalistes, rédacteurs et photographes, a été formidable. Travaillant dans des conditions souvent difficiles, ils n'ont jamais ménagé leur peine, faisant preuve de ténacité, de patience et de qualités professionnelles même dans les moments les plus délicats. Grâce à eux, vous avez pu vivre, en direct et dans tous les domaines, cette période si cruciale pour notre pays. Ils ont droit à toute notre reconnaissance et à nos remerciements. De même que les secrétaires de rédaction, monteurs, clavistes, laborantines, l'équipe de la publicité, sans oublier notre standardiste - secrétaire de choc et de charme, Linda, que je remercie tout particulièrement pour son éternel sourire et l'aide précieuse qu'elle m'a apportée au cours de ces quelques mois de collaboration. Grâce à eux tous, j'ai le sentiment d'avoir atteint, au moins en grande partie, le but que je m'étais fixé : faire des Nouvelles de Tahiti un vrai quotidien d'information, respectable et utile à ses lecteurs. La tâche n'était pas évidente. Dans un premier temps, je l'avais même refusée tant elle me paraissait impossible. Comment, en effet, avec si peu de moyens et de temps, redresser dans l'esprit du public l'image déplorable d'un journal marqué, n'en déplaise à certains, par des années et des années de joyeux amateurisme et de laisseraller? La mutation fut douloureuse. J'ai pu reconstituer une équipe nouvelle, jeune et dynamique, sur laquelle j'ai pu compter entièrement. Magie de la Polynésie, là aussi. J'ai eu la chance de pouvoir m'adjoindre les services d'hommes et de femmes dont les qualités personnelles et la motivation ont largement compensé le manque d'expérience professionnelle. La rédaction des Nouvelles de Tahiti est aujourd'hui marquée par une très forte présence féminine (environ la moitié


des journalistes sont de jeunes femmes). Une première dans la presse écrite polynésienne domaine jusqu'ici réservé aux hommes. Cette « mini-révolution » a largement contribué à l'ouverture de l'actualité locale vers de nouveaux horizons. Un grand regret néanmoins au milieu de toute cette satisfaction. Le peu d'intérêt des Polynésiens d'origine pour le métier de journaliste de presse écrite. En deux ans, je n'ai pas enregistré la moindre candidature polynésienne à un emploi de rédacteur ni même de photographe. Il n'y a au sein de la rédaction des Nouvelles qu'un seul Polynésien de souche. C'est une exception qui confirme une règle regrettable. Naturellement, nous sommes en terre de tradition orale et les radios et télévisions souffrent beaucoup moins de ce problème. Il est toutefois dommage que l'information écrite dans ce pays soit réservée de manière quasi-exclusive à des journalistes popa’a. Dans ces conditions, et malgré toute la bonne volonté de ceux-ci, il lui manquera toujours une dimension et un aspect essentiels et évidents. Alors bien sûr, le résultat est loin d'être parfait. Des erreurs dans la forme et même parfois sur le fond se glissent encore dans les articles. Ce n'est certes pas admissible. Néanmoins, et sans vouloir chercher d'excuses, il faut tout de même prendre conscience de l'urgence quotidienne dans laquelle nous travaillons et surtout de la limite de nos moyens. Je tiens en tout cas à remercier les lecteurs pour leur indulgence. Enfin, je ne voudrais pas quitter ce poste d'observation privilégié de la société qu'est la rédaction d'un quotidien, sans livrer quelques-unes de mes réflexions sur la presse locale. Un pays a la presse qu'il mérite a-t-on coutume de dire. C'est naturel. Un journal dépend de ses lecteurs et de ses annonceurs pour vivre. Il doit par conséquent être leur reflet. Je crois toutefois que la mission du journaliste va au-delà de la simple relation des faits. Le quotidien d'information doit aussi savoir anticiper sur les attentes du public et devenir une force de proposition. Les Etats généraux de la Charte de développement, en juillet 1992, l'ont parfaitement montré. Il existe dans ce pays, comme partout, un énorme besoin de réflexion. Tout spécialement dans cette période charnière de mutation profonde. Les Tahitiens, me disait-on lorsque j'ai pris mes fonctions, n'aiment que le sang et la violence. Pour vendre du papier, il faut leur donner du fait divers autant que possible. Je n'y croyais pas et j'y crois encore moins aujourd'hui. Certes, des accidents exceptionnels tels que celui du Boeing d'Air France ou les affaires politico-financières de ces derniers mois sont

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particulièrement « vendeurs » de journaux. Mais, je me suis battu pour que la presse écrite (et c'était le bon moment) devienne aussi un amplificateur et un encouragement pour tout ce qu'il peut y avoir de positif dans ce pays. On me jugera peut-être idéaliste, mais, à mon sens, la vocation de la presse n'est pas d'entretenir ni d'accentuer les sentiments de morosité ou de découragement de la population pas plus que d'attiser les rancœurs et les haines. Elle doit, au contraire, être un élément moteur du progrès et de l'éducation au sens le plus large de ces deux termes. Dans ce cadre, les journaux doivent naturellement, quand c'est nécessaire, condamner l'injustice, les scléroses sociales et les scandales. Or, il s'agit là d'un exercice périlleux et sensible surtout dans un minuscule pays insulaire comme le nôtre où tout le monde se connaît et se côtoie. Ce travail doit par conséquent s'effectuer avec beaucoup de rigueur et un sens aigu des responsabilités. En matière d'information, la vérité est une notion subjective à facettes multiples. C'est pourquoi, les conséquences sociales, personnelles et, naturellement, judiciaires, de la publication de certains faits ou déclarations doivent être soigneusement pesées et la contradiction chaque fois ouverte. Il faut enfin se souvenir que modestie, courtoisie et humour resteront toujours les baumes les plus efficaces contre les irritations. La Polynésie est en plein bouleversement, sa presse doit suivre le même chemin. Au cours des années futures, et à moins d'une dramatique régression généralisée, le besoin d'information directement utile va se faire de plus en plus pressant dans tous les domaines politique, économique, social, culturel, écologique, scientifique, etc. Les pressions conservatrices ne feront pas défaut qui tenteront tous les combats d'arrière-garde pour empêcher cette explosion de savoir synonyme de transfert de pouvoir. Normal. Les changements font toujours peur. On économiserait toutefois beaucoup de temps et d'énergie très précieux en évitant ce genre de sport préjudiciable à l'ensemble de la communauté. Ne serait-il pas, au contraire, plus judicieux de canaliser cette nouvelle donne par une formation plus poussée des professionnels de la presse? Un travail que je recommande depuis longtemps et qui devient urgent. L'information en Polynésie vit une nouvelle naissance avec ses premiers balbutiements parfois maladroits. J'ai été en tout cas très fier de pouvoir y contribuer. Patrick Schlouch

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1994



1994 - Idées sur un sujet (article ou même livre) qui pourrait s'intituler :

Autonomie interne dix ans après : le champ de ruines Il y a dix ans, la Polynésie française obtenait un statut d'autonomie par le vote de la loi du 6 septembre 1984. Cette autonomie est dite interne parce que le Territoire accédait dès lors à la possibilité de gérer ses propres affaires intérieures. La principale caractéristique du nouveau statut est en effet de limiter les compétences de l'Etat (art. 3) grosso modo aux prérogatives de souveraineté. Ainsi, l'Etat reste compétent en ce qui concerne la monnaie, la justice, la défense et les relations extérieures. Le Territoire est doté d'un véritable gouvernement avec un président élu au sein de l'Assemblée territoriale et des ministres qu'il choisit. Le président du gouvernement du Territoire devient le chef de celui-ci. Il dirige l'administration territoriale. Les actes des institutions locales ne sont plus contrôlés par l'Etat qu'a posteriori et ce contrôle ne porte plus que sur leur légalité. On peut donc dire que les Polynésiens accèdent en septembre 1984 à un outil de travail performant accompagné de moyens financiers très importants. Dix ans après, quel bilan peut-on tracer de cette expérience ? Malgré un accroissement constant des transferts publics de l'Etat (cf. chiffres), le Territoire est au bord de la faillite. Son endettement est si préoccupant que les caisses prêteuses lui refusent crédit et qu'il est désormais contraint de se tourner vers les établissements bancaires privés (cf. 1 milliard emprunté à la Westpac en août 93) lesquels sont moins regardants sur l'utilisation des fonds, mais traitent aux conditions du marché. Après quelques années de gaspillage intensif (trouver quelques exemples et détails: voitures, voyages, réceptions, recrutement, politique, etc) on essaie aujourd'hui de faire machine arrière mais il est un peu tard. Les dix années qui viennent de s'écouler ont été surtout marquées par une lutte incessante entre l'Etat et le Territoire à propos de la définition des compétences. (Nombre de recours au tribunal administratif à trouver) et par des luttes politiques internes. Les largesses de l'Etat ont été essentiellement utilisées dans une frénésie de consommation (automobiles) et d'investissements de prestige (mairie de PPT - 3 MM, salle Aorai Tini Hau) mais le développement du Territoire a été totalement laissé de côté. Même les investissements extérieurs ont été empêchés


tandis que les investissements territoriaux manquaient totalement de discernement et se révélaient improductifs. Investissements: Echecs célèbres: Tourisme: Opunohu, Rivnac, Tupai, Atimaono, départ du Liberté, Industrie: Usine de jus de fruit de Taravao, filière bois, abattoir territorial, Spectacles, culture: Salle Aorai Tini Hau (600 M), Centre des artisans, OTAC Ports: Faratea Audiovisuel: ICA (800 M) Energie: IERPS, Hydroélectricité Tandis qu'on trouverait avec peine un secteur dans lequel le Territoire a mené une politique avec succès, ceux dans lesquels il a échoué, le plus souvent lamentablement, sont nombreux : Santé : faillite totale, manque de moyens en matériel et en personnel, endettement… Transports : réseau routier lamentable, aéroports fermés dans les Tuamotu ou en passe de l'être aux Marquises, desserte maritime minable, manque de ports Tourisme (la faible augmentation constatée en 93 ne provient que des baisses de tarifs spectaculaires provoquées par l'arrivée de la compagnie Corsair 1984 : ....000 touristes, 1994: .....000 touristes). Presque tous les grands projets d'investissement touristiques ont été empêchés Perles : échec, pas de politique conséquente, anarchie du marché, baisse des cours, distribution des concessions trop laxiste Traitement des déchets : depuis 1987 gaspillage (5 MM de Fcfp pour une usine qui ne fonctionne pas) pour finalement lancer un appel au secours à l'Etat en 1993. Engagements du territoire à acheter le compost pendant dix ans et l'électricité à un prix exorbitant Prison : incapacité du Territoire à gérer le problème. Demande de prise en charge par l'Etat dans le cadre du Pacte de progrès

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Culture : situation dramatique (cf. mon dossier dans Les Nouvelles août 92). L'OTAC est fermé depuis un an. Pas de crédits pour entretien et réfection. Le Territoire n'a toujours pas une salle de spectacle digne de ce nom. Politique culturelle inexistante (pirogue Hawaiki Nui pourrit toujours au Musée) Audiovisuel : échec de l'ICA qui est à vendre mais ne trouve pas repreneur en raison de son inadaptation au moins 800 millions de perdus Energie : mort prématurée de l'Institut des énergies renouvelables dès son lâchage par l'Etat qui le soutenait à bout de bras. Enquête à réaliser sur l'électricité hydraulique (subventionnée par le Territoire). Calculer les pertes territoriales... Pêche et exploitation de la ZEE : plus aucun accord avec les grands pays pêcheurs. Coopération régionale : Aucun progrès. Simple politique de couloirs malhabile. Rapprochement raté avec les pays de la région et les institutions régionales Export : pratiquement égal à 0 (cf. chiffres) Agriculture : Aucun progrès. Récession. Scandales de l'abattoir, de la filière bois et de l'usine de jus de fruits de Taravao. Education : secteur le moins marqué par l'échec politique du fait d'une plus étroite collaboration dans ce domaine entre le Territoire et l'Etat

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Patrick Schlouch Conseil en communication

BP. 3047 - Papeete Tahiti, Polynésie française Tel. (689) 58.42.26 N° Tahiti. 292 805 / RC. 21 658 bis - A Papeete, le 13 février 1994

Monsieur Didier Sibani Directeur général Groupe Sibani Perles

Objet:

- Rapport de synthèse sur l'image du groupe Sibani Perles - Objectifs d'une action de communication de l'entreprise

Monsieur le Directeur général, Vous m'avez demandé, trois semaines environ après mon entrée au sein du groupe Sibani Perles, de vous exposer mes premières impressions sur l'entreprise. Vous comprendrez facilement qu'après si peu de temps, celles-ci restent encore très superficielles. Mes recommandations pourront donc vous sembler parfois générales. Je serai néanmoins aussi complet que possible dans l'état actuel de mes connaissances. Ce rapport sera structuré comme suit: - Image du groupe Sibani Perles - Appréciation de sa stratégie de communication - Propositions et objectifs - Moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre

I - Bilan de l'image générale du groupe Sibani Perles en Polynésie française L'image d'une entreprise est extrêmement dépendante de la pertinence et du sérieux de sa politique de communication. Elle ne sera pourtant jamais rien d'autre qu'un reflet, bien que toujours perfectible, de la réalité. L'objectif étant, avant tout, le développement harmonieux de l'entreprise, la politique d'image doit être tout entière au service de celui-ci et viser les divers publics dont ce développement dépend. Il faut savoir que, selon les cibles, l'image d'une entreprise peutêtre très différente. Naturellement, le premier public de l'entreprise Sibani sont ses clients. Ceux-ci formeront surtout leur opinion à partir de facteurs à caractère commercial (qualité du produit, prix, service, accueil, etc). Mais le groupe a également intérêt à soigner son image auprès d'un public financier (banques, fournisseurs), de ses propres membres (idée que se


font les employés de leur entreprise), d'un public institutionnel (milieux politiques, économiques, médias) et, enfin, englobant le tout, de l'opinion publique en général. L'opinion publique La politique de communication d'une entreprise commerciale comme Sibani Perles est en priorité dirigée vers ses clients potentiels. Il s'agit, dans un secteur aussi peu diversifié que la perle noire (l'ensemble des professionnels de ce secteur offrant des produits similaires) de créer une différence psychologique, un réflexe "confiance" auprès du consommateur pour l'inciter à choisir Sibani plutôt qu'une autre griffe. Il semble que les actions menées au cours des dernières années, notamment les opérations de prestige organisées au Centre Vaima (soirée Mozart, installation de la nacre géante, etc) aient frappé l'opinion publique grâce à une bonne couverture médiatique. Le développement régulier du réseau commercial du groupe ainsi que ses missions à l'étranger, également bien relayés par les médias, a aussi contribué à consolider cette image d'entreprise dynamique et volontariste. Le nom de Sibani est relativement connu. Il faut toutefois nuancer les choses en fonction de la clientèle de l'entreprise constituée de touristes pour sa grande majorité. Il s'agira donc de réfléchir très soigneusement à l'impact des campagnes de publicité. Public institutionnel La présence régulière de représentants du gouvernement territorial ou de l'Etat aux événements Sibani Perles est un des principaux indices de l'excellence des relations avec les institutions. Il est impératif d'entretenir cette situation et de la conforter. Il faut pourtant prendre conscience que ce sera de plus en plus délicat au fur et à mesure du développement du groupe en raison des conflits d'intérêts qui commencent déjà à se manifester parfois. Auprès des médias, l'image du groupe est assez mitigée. D'une manière générale elle est bonne (En matière de perle, Sibani constitue déjà une référence de sérieux et de professionnalisme auprès des journalistes qui s'adressent souvent à lui pour solliciter son opinion ou des informations fiables). Il existe toutefois un courant négatif (à la Dépêche en particulier) largement entretenu par la concurrence et dont il faudra soigneusement tenir compte. La gestion du budget publicité sera à cet égard très importante. Dans les milieux économiques, l'image Sibani semble plus fragile. Le groupe est certes considéré comme dynamique et son directeur général apprécié pour son courage et ses qualités commerciales. Il souffre cependant d'une réputation de faiblesse financière qui nuit à sa crédibilité. Le groupe est fréquemment considéré comme n'ayant pas les moyens de ses ambitions. Public financier J'ignore tout des rapports du groupe avec son public financier (banques, fournisseurs, etc). Je ne peux donc, dans ce domaine, que renvoyer au paragraphe précédent.

Public social L'image du groupe Sibani auprès de ses employés dépend, c'est naturel, très largement de celle de son directeur général. Celui-ci dispose le plus généralement d'un large capital de sympathie et sait motiver ses troupes. Celles-ci ont été judicieusement choisies et il règne en leur sein un esprit d'équipe indéniable.

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L'image Sibani est bonne également au sens où elle reflète une entreprise dynamique, porteuse d'avenir, capable d'intéresser des cadres de haut-niveau. Attention, cependant, ici-aussi aux faiblesses financières. Cette image d'un groupe privé des moyens de ses ambitions pourrait rapidement s'installer et pourrir le climat social (cf. affaire Florence, cf. mises en garde de Philippe Thurot sur l'impatience du personnel à récolter les fruits des efforts et sacrifices passés). Il faudra en tout état de cause soigner la communication interne d'autant plus que le groupe va se développer. Les employés doivent être toujours informés autant et aussi correctement que possible. J'ai pu, à cet égard, noter de profondes lacunes. II - Appréciation de la stratégie de communication Sibani Perles D'une manière générale, on peut reconnaître que le groupe Sibani consent de gros efforts pour sa communication. Il a évidemment compris l'importance de celle-ci pour son développement. Par rapport à ses concurrents, le groupe Sibani est nettement en pointe en la matière. Néanmoins, il apparaît que tout ce travail manque parfois de rigueur. Les objectifs et les moyens de les atteindre sont insuffisamment définis. Peut-être trop d'opérations ponctuelles, pas assez de suivi dans l'action et trop grande dispersion des investissements. L'ensemble dénote une certaine fragilité et un manque de connaissance de l'environnement médiatique. III - Propositions et objectifs Ce que je souhaiterais pouvoir apporter à la communication du groupe Sibani, c'est cette expérience médiatique et cette rigueur qui lui manquent ainsi qu'une certaine créativité. Votre objectif est de développer le groupe et de lui donner une véritable dimension internationale. L'objectif de notre stratégie de communication devra s'appuyer sur cette idée. Le groupe Sibani Perles va devoir construire au cours des prochaines années une image qui le fasse apparaître comme un leader mondial dans son domaine. Cette image devra refléter la réalité. Mais la réalité devra en même temps se créer autour de l'image. Les deux choses sont liées. Un objectif à long terme Construire l'image d'une entreprise est une oeuvre de longue haleine qui demande la plus extrême vigilance. Il faut des années pour construire une réputation et une confiance. Mais il peut suffir de très peu de temps pour la ruiner. Compte tenu du travail déjà effectué, il me semble qu'il faille encore cinq à six ans minimum pour obtenir un résultat durable et réellement asseoir la marque Sibani Perles dans l'opinion.

La cohérence indispensable du message Le message de communication doit être absolument cohérent et rigoureux. Créer une image suppose avant tout cette cohérence. Cela signifie que le message doit être défini en concertation et en accord avec toute l'équipe de direction. Il faut ensuite éviter tout dérapage et toute divergence de propos. Les relations avec les médias, en particulier, doivent être le fait exclusif du directeur général et de son responsable de la communication. L'ensemble des supports 3


utilisés (médias et hors médias) doit toujours véhiculer le même message bien que sous des formes différentes. Je nuancerai ce propos en ce qui concerne la communication internationale. Le message devra être adapté à la mentalité de chaque marché. Contrôle de l'efficacité de la politique de communication - Bilans d'image Une politique de communication n'est rien si elle ne réussit pas. Elle peut même éventuellement devenir nuisible à l'entreprise et trop souvent sans que ses dirigeants n'en prennent conscience. C'est pourquoi il est indispensable de contrôler de façon régulière l'efficacité de cette communication auprès des divers publics de l'entreprise. Il s'agit d'abord de définir l'image actuelle de l'entreprise considérée comme base de travail. Il faudra pour cela procéder à un bilan d'image sérieux et fiable auprès du grand public, des médias, des milieux d'affaires et institutionnels. Seule une telle étude nous permettra de définir nos points faibles et nos avantages. C'est le préalable indispensable à tout travail en matière de communication. A partir de là, nous pourrons définir l'image que nous souhaitons projeter avant de décider des moyens et des messages à mettre en oeuvre. Tous les deux ans minimum, voire tous les ans si cela est possible, il faudra contrôler l'efficacité du travail par une nouvelle étude. Ce contrôle se fera par le biais d'un "tableau de bord" annuel à mettre en place et permettant la définition des objectifs de l'année suivante. Bilans Médias Les médias ont naturellement une place prépondérante dans une stratégie de communication. Les relations avec eux sont au coeur du dispositif. Il s'agira d'abord de connaître parfaitement tout l'environnement médiatique local et international entourant le secteur de la bijouterie et de la perle et les secteurs annexes (tourisme par exemple). Une revue de presse quotidienne devra être réalisée avec indexation systématique des articles de manière à nous constituer une base de données facilement utilisable. Cette revue, qui mentionnera tous les passages presse écrite, radio ou télévision du groupe Sibani, permettra de procéder chaque année à un bilan médias quantitatif et qualitatif permettant d'apprécier très précisément l'impact médiatique de l'entreprise. En outre, l'information devenant un élément de plus en plus fondamental de la réussite, notre base de données deviendra vite un avantage unique et déterminant par rapport à nos concurrents. L'information presse s'enrichira de toute information interne reccueillie notamment lors de missions à l'étranger. III - Missions et moyens Conformément à nos accords, ma mission consistera essentiellement à concrétiser les propositions et atteindre les objectifs qui précèdent L'environnement médiatique Je ne connais naturellement pas encore les supports internationaux qui véhiculeront notre message futur (journaux professionnels, magazines de prestige, revues distribuées dans les hôtels de luxe, etc). Je possède en revanche une bonne connaissance de la presse écrite et audiovisuelle locale et même régionale. En voici brièvement les grandes lignes : Presse écrite - Les quotidiens

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La Dépêche : de 12 000 à 15 000 exemplaires 6 jours par semaine. Clientèle très grand public (préjugé de la rédaction plutôt défavorable à l'égard de Sibani Perles - à travailler) Les Nouvelles : de 5 000 à 6 000 exemplaires 6 jours par semaine. Clientèle un peu plus ciblée milieu et haut de gamme (préjugé favorable - à entretenir) - Les hebdomadaires La Tribune : 3 000 exemplaires annoncés, sans doute beaucoup moins de vendus. Clientèle très volatile. (Neutralité a priori - à travailler) L'Echo de Tahiti nui : 1 500 exemplaires annoncés (clientèle très mitigée, peu d'intérêt pour Sibani Perles d'autant que ce journal, actuellement en grave conflit interne et en cessation de parution, n'en a probablement plus pour longtemps). - Les mensuels Tahiti Pacifique : environ 3 000 exemplaires annoncés dont plus de 500 vendus à l'extérieur du Territoire. Support plutôt favorable à Sibani Perles mais fragile compte tenu de la personnalité versatile et influençable de son directeur. Travail d'entretien. Bora Bora Sun : support essentiellement publicitaire mais incontournable notamment pour la boutique de Bora Bora - Les périodiques Vivre à Tahiti : revue de prestige à succès. Textes et illustrations haut de gamme. Support éventuel intéressant. J'entretiens d'excellentes relations avec les auteurs. Tahiti Magazine : revue bilingue pour touristes. Excellentes relations Revues "In Flight" : Très intéressantes pour le public touristique. Les compagnies aériennes offrent toutes à leurs passagers de ces revues placées sur chaque siège d'avion. Les radios Pour mémoire, un récent sondage a placé RFO en tête de l'"audimat" local, suivie du Radio 1 et de ... Radio Tefana. Il faut ensuite citer RTA, Kiss FM, Sun FM et Fun Radio.

La télévision Actuellement, le monopole de RFO reste intact dans ce domaine, mais l'année 1994 ne devrait pas se terminer sans le voir disparaître. Cela va créer un nouveau contexte médiatique sur lequel il sera capital de réfléchir avec soin. Des contacts avec ces différents médias ont surtout lieu à l'occasion de nos diverses campagnes de publicité. Il faut toutefois essayer de dissocier autant que possible nos relations du seul montant de notre enveloppe pub. Les contacts personnels doivent être réguliers. Ils auront lieu en particulier au moment de la livraison de notes d'informations ou de communiqués relatifs à l'activité de l'entreprise Sibani perles (missions à l'étranger par exemple) ou lors d'événements à caractère purement médiatique. Il sera nécessaire de débloquer un budget "médias" destiné à l'information permanente indispensable du service communication et à la réalisation de la revue de 5


presse et de la banque de données évoquées plus haut. Ce budget ne devrait pas dépasser 120 000 Fcfp par an. Les supports "hors médias" Notre communication ne doit pas se limiter aux médias. Ce qu'on appelle aujourd'hui, le "hors médias", revêt également une importance primordiale. Ce sera le cas par exemple dans certains pays comme le Japon où les insertions dans les médias sont financièrement inaccessibles. Ces supports hors médias seront les divers brochures et dépliants tels que ceux qui existent déjà mais pour lesquels il faudra faire un réel effort de rigueur et de réflexion fondé sur les résultats de l'étude que nous devons absolument mener. Ce sera également la communication interne et, surtout, l'audiovisuel. Communication interne Elle me paraît devoir être largement améliorée. J'ai déjà pu le constater à plusieurs reprises. Il me semble qu'il soit encore beaucoup trop tôt pour envisager l'édition d'une Newsletter d'entreprise. L'idée est toutefois intéressante et je pense que l'on pourrait commencer à rédiger des notes d'information simples et brèves en cas d'événement important (comme à l'occasion de mon arrivée et de celle de J-L Barrois dans le groupe par exemple). J'aimerais que les plus importantes d'entre elles soient aussi diffusées aux médias (lorsqu'elles ne sont pas confidentielles naturellement). J'ai pu aussi constater un grave défaut de communication à l'échelon directionnel et il me paraît extrêmement souhaitable d'organiser une réunion hebdomadaire de tous les cadres. Il faudrait enfin que la revue de presse établie chaque jour puisse profiter à tous (organiser un circuit de diffusion) Audiovisuel Vous m'avez demandé de réfléchir à la réalisation d'un support audiovisuel destiné essentiellement à créer une animation dans les hôtels de manière à attirer la clientèle touristique dans nos boutiques. Vous avez pensé pour cela à un diaporama. Après y avoir sérieusement réfléchi, je suis désormais convaincu que la vidéo est nettement mieux adaptée à nos besoins. En effet, le diaporama, à moins d'être un véritable spectacle son et lumière nécessitant un matériel et une réalisation très haut de gamme (c'est-à-dire un budget élevé), a beaucoup perdu de son impact. A défaut, il ne pourra s'agir que d'un support vieillissant, assez lourd à manier et peu attractif. S'il parvient néanmoins tant bien que mal à remplir cette mission d'animation hôtelière, il ne pourra satisfaire nos autres besoins audiovisuels. En revanche, la vidéo, support moderne d'une grande souplesse et très facile d'utilisation, pourrait répondre à la plupart de nos attentes en la matière : salons, télévisions, compagnies aériennes, promotion clients, promotion magasins, circuits vidéo des hôtels, etc. Il serait également possible de l'utiliser comme attraction lors de ces conférences-débats que vous souhaitez organiser dans les hôtels. La qualité et l'attrait supérieur d'une vidéo par rapport à un diaporama autorisent en effet - dans le pire des cas - des projections sur de simples écrans TV pour peu que ces projections soient accompagnées d'explications verbales et, si possible d'une présentation de bijoux (sur mannequin éventuellement). Chaque fois que cela sera techniquement possible, on projettera la vidéo sur grand écran. Comme vous le voyez, le diaporama ne fait absolument pas le poids vis-à-vis de la vidéo. Il reste le problème du coût. Compte tenu des avantages énormes que nous apporte la vidéo, je doute que la différence de coût avec le diaporama soit un problème

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insurmontable. J'ignore encore cette différence, mais j'ai sollicité les différentes maisons de production vidéo de la place et vous remettrai leurs devis dès que possible. Voilà, je concluerai ce rapport ici en vous remerciant pour votre confiance et en espérant que ces quelques remarques pourront être utiles et suivies d'effet. Il y a, en tout cas, un préalable pratique à cela : l'organisation matérielle du travail (bureaux, espace, téléphone, classement, outils de travail, etc) pose des problèmes qu'il est urgent de résoudre. Cette première étude pourra être, j'en suis sûr, très utilement complétée dans un futur proche.

Patrick Schlouch

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Sibani Perles au 5ème Salon international de la Bijouterie de Tokyo ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION SUR LA DISTRIBUTION DE LA PERLE DE TAHITI AU JAPON

Fermement décidé à se maintenir à la pointe du développement des exportations de perle noire et de bijoux en perle noire, le groupe Sibani Perles dirigé par M. Didier Sibani a décidé, dans le cadre de sa stratégie export, de participer au minimum à six grands salons internationaux de la bijouterie en 1994. Première étape de cette tournée mondiale, le Japon, principal marché de la perle noire de Tahiti, où, du 27 février au 2 mars, se tenait le 5ème Salon International de la bijouterie de Tokyo auquel aucune entreprise polynésienne n'avait encore participé directement. 650 EXPOSANTS - 28 PAYS REPRESENTES Makuhari est une cité futuriste composée d'hôtels de luxe et de centres d'affaires construite à 30 km du centre de Tokyo autour du Nippon Convention Center, un immense hall d'exposition destiné à accueillir les divers salons internationaux organisés dans la capitale japonaise. Le Salon international de la bijouterie qui s'y tenait du 27 février au 2 mars dernier n'a certes pas l'envergure du gigantesque Salon mondial de l'Horlogerie et de la Bijouterie de Bâle (Suisse). Il ne regroupait toutefois pas moins de 650 exposants représentant 28 pays et plus de 42 000 professionnels de la bijouterie l'ont visité. En outre, ce salon est une porte privilégiée ouvrant sur le marché japonais de la perle, le plus important au monde, et constitue de ce fait un test très exigeant de la capacité de la perle de Tahiti à développer sa commercialisation sur ce marché. L'importance de cet événement, qui n'en est qu'à sa cinquième édition, ne cesse de croître. Les pays européens y étaient très fortement représentés, notamment l'Italie, l'Allemagne et la Grande Bretagne, mais également l'Autriche et l'Espagne. La France était beaucoup plus discrète et, malgré la présence de la Fédération française de la Bijouterie, on a pu regretter que l'ambassade de France n'ait pas jugé bon de participer à la cérémonie officielle d'ouverture du salon aux côtés des représentants des autres chancelleries européennes, américaine ou asiatiques. Hors Europe, on remarquait d'importants stands américain, australien (avec leur South Sea Pearl), taiwanais et singapourien.

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ABONDANCE DE PERLES Une cinquantaine de stands environ, japonais pour la très grande majorité, présentaient de la perle à ce salon. La perle blanche du Japon (akoya) était naturellement partout. Mais la South Sea Pearl d'Australie ou d'Indonésie et la perle noire de Tahiti (ou des Philippines où un perliculteur français s'est établi) étaient, elles aussi, très largement proposées. Près d'une trentaine de stands exposaient des perles noires de qualité très diverse. Cette proportion ne reflète malheureusement pas la part de notre produit sur le marché japonais de la perle qui en réalité ne dépasse pas 5 %. LE STAND SIBANI PERLES Le groupe Sibani Perles était la seule et première entreprise polynésienne à participer directement à ce salon de Tokyo. Cette participation a nécessité un effort financier et humain considérable mais constituait un test indispensable et un investissement image irremplaçable dans la perspective d'une éventuelle percée sur le premier marché mondial de la perle. Les informations précieuses qui ont pu être recueillies au cours de cette première expérience justifieraient presque l'opération à elles seules. Mais les bonnes retombées commerciales de celle-ci permettent en outre d'en dresser un bilan particulièrement positif. Naturellement modeste comparé aux "géants" japonais et internationaux, le stand Sibani Perles, le seul à proposer exclusivement et directement de la perle noire de Tahiti, n'en a pas moins connu une affluence plus qu'honorable. Animé par quatre personnes avec l'aide de deux interprètes japonaises, il a suscité un fort intérêt chez les professionnels nippons qui se sont pressés autour des produits polynésiens pendant les quatre jours d'exposition. RETOMBEES COMMERCIALES Sibani Perles exposait simultanément des bijoux en perle noire et des lots de perles nues. A l'occasion de ce salon de Tokyo, M. Didier Sibani a inauguré avec succès la formule du "contrat" avec les perliculteurs. Cette formule repose sur le principe d'un partenariat entre Sibani Perles et les perliculteurs. Grâce à sa présence sur la plupart des marchés mondiaux, Sibani Perles est à même de commercialiser un grand nombre de perles. Il invite par conséquent les perliculteurs à lui confier leur production qu'il se charge de vendre à l'étranger. Après évaluation des lots et accord entre le producteur et Sibani Perles, un contrat est signé et les lots confiés pour la vente. Sibani Perles s'engage à commercialiser les lots de perles et à verser à son co-contractant la somme prévue lors du contrat. L'intérêt mutuel est évident. Les perliculteurs, en particulier les plus petits d'entre eux, peuvent trouver là des débouchés auxquels ils ne pourraient jamais accéder directement. Quant à l'exportateur, il peut ainsi disposer d'un plus grand choix de perles et des quantités nécessaires à un véritable développement de ses ventes mondiales. Cette formule a particulièrement bien fonctionné à Tokyo puisque tous les lots confiés ont pu être vendus et même à 10 % de mieux que les prix prévus aux contrats. Dans l'ensemble, cette première participation au salon de Tokyo a été un succès commercial. A noter, toutefois, qu'il a été nécessaire de revoir le prix de certains articles à la baisse en fonction des conditions spécifiques du marché. .../... LA PERLE DE TAHITI, UN PRODUIT MECONNU

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Au-delà des retombées commerciales ponctuelles, la participation de Sibani Perles au 5ème Salon international de la Bijouterie de Tokyo a été surtout riche d'enseignements sur les caractéristiques du principal marché mondial de la perle et de la manière de l'aborder avec quelques chances de succès. L'équipe Sibani Perles était sur place une semaine avant l'ouverture du salon. Elle a mis ce délai à profit pour prendre contact avec autant d'organismes officiels et glaner autant d'informations que possible. Nous nous sommes ainsi notamment rendus au Poste d'expansion économique (PEE) de l'ambassade de France au Japon, au Japan External Trade Organisation (JETRO), un organisme de recherche et de documentation dépendant du ministère japonais du Commerce extérieur et à la Chambre de Commerce franco-japonaise. Nous nous sommes également entretenus avec de nombreux professionnels japonais. Tous ces contacts nous ont permis d'apprendre beaucoup sur les habitudes et les usages locaux, souvent bien éloignés de ce que l'on imagine à Tahiti. Ils nous ont permis également de prendre conscience de deux éléments déterminants : - le Japon est en récession économique. Cela se traduit par un choc social manifeste dans toutes les conversations et provoque un net recul de la consommation. - la perle noire, bien que partout présente chez les bijoutiers japonais, est un produit méconnu dont l'image est, pour le moins, fragile. Conséquence - ou cause - de cette fragilité, un marché totalement anarchique et volatil s'accompagnant d'une dangereuse instabilité des prix. Le Japon en crise Le Japon traverse actuellement une crise d'autant plus cruellement vécue qu'elle succède à une période d'euphorie et d'argent facile qui s'est achevée, il y a deux ans, avec l'éclatement de la fameuse "bulle" qui avait fait atteindre des sommets à l'indice Nikkei et permis aux Japonais d'investir à peu de frais dans le monde entier dans l'immobilier, l'art ou la communication. Conséquence de cette crise, la perte de confiance et la morosité qui s'observent un peu partout entraînant une chute de la consommation aggravée, pour la première fois, par une baisse bien réelle du pouvoir d'achat des salariés. Selon une étude réalisée par le ministère japonais du Travail, le salaire moyen des Japonais a diminué de 0,6 % en 1993 pour atteindre 407 775 yens par mois (environ 400 000 Fcfp). Cette baisse n'est pas due à une réduction des salaires proprement dits mais plutôt à celle des primes et indemnités ce qui confirme bien le recul de la productivité et des performances des entreprises. Dans ces conditions, les produits de luxe tels que la bijouterie sont les premiers touchés et la perle n'échappe pas à la règle. Toutefois, dans ce contexte, il peut être intéressant de noter que les consommateurs japonais semblent désormais rechercher plus de produits meilleur marché que par le passé. Ceci pourrait ainsi offrir un créneau intéressant aux nombreuses perles de moindre qualité produites en Polynésie française à condition bien sûr que leur prix soit établi en conséquence. Certes, à la suite des démêlés commerciaux entre le Japon et les Etats-Unis le yen a effectué une spectaculaire remontée. Depuis le 12 février, sa valeur a considérablement augmenté face au dollar passant de 108 à 102 pour un dollar avant de revenir à environ 104. .../... Cette hausse de la monnaie japonaise, si elle se confirme, pourrait constituer un avantage pour nos exportations. Il faut cependant se méfier des conclusions hâtives. La montée du yen est une catastrophe pour les entreprises exportatrices japonaises qui gèlent les rémunérations et l'embauche. Elle ne fait donc qu'aggraver une crise économique doublée depuis quelque temps d'une crise politique.

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Pour la première fois de son histoire contemporaine, le Japon est en effet gouverné par une coalition. Or cette coalition est fragile et le Premier ministre, M. Hosokawa a toutes les peines du monde à imposer les mesures fiscales de relance qu'ils estime indispensables. Durant notre séjour au Japon, il était fortement question d'un profond remaniement ministériel. Cette situation de crise ne devrait pourtant pas s'éterniser. Quelques signes témoignent déjà de l'optimisme de certains opérateurs. Et le boom économique de ces derniers mois aux Etat-Unis devrait logiquement entraîner une reprise des exportations japonaises dans ce pays. La perle noire de Tahiti, un produit de bijouterie Nous avons été frappés, dès le premier jour du salon, par l'abondance de perles noires dans les différents stands. Cette abondance s'accompagnait d'une très grande variété dans la qualité et le choix mais aussi d'une totale anarchie des prix. Dans certains stands ceux-ci étaient étrangement bas tandis qu'ailleurs ils étaient démesurément élevés. Parfois des perles de grande qualité étaient proposées déjà montées en bijoux à des prix défiant toute concurrence. Ailleurs, des perles baroques peu attirantes étaient affichées à plusieurs fois leur prix réel. Les prix, d'une manière générale pouvaient varier du simple au triple d'un stand à l'autre. Cette première constatation et les discussions que nous avons pu avoir avec les professionnels nous ont confirmé que les Japonais, dans une large mesure, méconnaissent la perle noire, que le marché est totalement anarchique, déstructuré et que le danger est grand d'un total effondrement des prix que pourtant personne ne souhaite. Par conséquent, il est selon nous urgent de prendre les mesures destinées à : 1 - Redresser l'image du produit 2 - Structurer le marché pour parvenir à une stabilisation des prix 3 - Garantir à l'acheteur le produit dont il a réellement besoin Un marketing nécessaire Il est particulièrement urgent de donner une véritable image de marque à notre perle noire au risque de la voir rapidement dépréciée. Ceci passe par des actions de marketing et de promotion qui devraient être financées collectivement par tous les partenaires de la filière perle en Polynésie qui y ont un intérêt direct. Cette action doit reposer sur l'émission d'un message cohérent présentant la perle de Tahiti comme un produit de luxe digne des plus belles perles étrangères. La classification et, par conséquent, l'évaluation des perles doivent impérativement être rapidement officialisées. Sibani Perles a pris l'initiative d'établir un système simple et clair de classification tenant compte des caractéristiques reconnues de la perle (taille, forme, couleur, surface, lustre). Ce sytème a été apprécié au Japon. Il n'est naturellement pas question de l'imposer, mais nous réclamons qu'un système unique, reconnu et applicable par tous soit très rapidement mis en place en Polynésie. .../... On a trop souvent tendance à l'oublier, la bijouterie constitue la seule et unique finalité commerciale de la perle. Nous tenons donc à souligner que le système retenu devra obligatoirement prendre en compte les besoins de l'utilisateur final de la perle, c'està-dire le bijoutier. Le produit doit répondre impérativement à certains critères qui ne pourront être déterminés que par des professionnels de la bijouterie. Ainsi, par exemple, nous disposions à Tokyo de belles perles rondes de taille respectable. Nous avons été pourtant contraints de revoir largement leur quotation en raison de défauts de surface et d'un manque d'unité dans la couleur compromettant leur utilisation en bijouterie. 4


Les bijoutiers sont les seuls experts possibles de la perle noire. Eux-seuls sont à même de déterminer la valeur réelle d'une perle. En négligeant cet aspect essentiel, de graves erreurs ont été commises jusqu'ici qui expliquent largement l'anarchie régnant sur le marché et les risques d'effondrement des prix. Un marché à structurer Cet effort de marketing et de communication doit s'accompagner naturellement d'une structuration des circuits de distribution. La perle noire, on l'a vu, est abondante sur le marché japonais. Elle commence à être connue, souvent appréciée tout en souffrant d'une image de marque fragile. Le Japon offre à notre produit de gros débouchés mais c'est un marché très compliqué et très exigeant. Si l'on souhaite y percer réellement et imposer notre perle, il faut travailler à long terme avec un message très cohérent et structurer le marché local en fonction des besoins des acheteurs. C'est clair, l'exigence première des professionnels nippons c'est la qualité. Ils sont nombreux et prêts à nous acheter notre produit. Leur intérêt ne se confirmera toutefois que lorsque nous aurons résolu tous les problèmes de commercialisation que nous rencontrons aujourd'hui. Une chose est sûre, ils ne veulent plus traiter avec les vendeurs "sauvages" qui s'adressent à eux pour essayer de placer ponctuellement quelques perles. Ils veulent des partenaires fiables qui leur proposent les produits dont ils ont vraiment besoin. Actuellement, la perle noire de Tahiti est distribuée au Japon par quelques perliculteurs disposant d'une clientèle régulière. Mais le principal canal de distribution passe par les acheteurs japonais qui viennent directement se fournir en Polynésie auprès des perliculteurs. Ce système, compte tenu de la situation économique, des contraintes financières des petits perliculteurs et de la concurrence féroce qui s'instaure, a tendance à provoquer la chute des cours et de la qualité des perles. Il faut absolument enrayer cette spirale descendante en instaurant un nouveau système (du reste en vigueur au Japon) de commercialisation fondé sur la création de maisons de commerce qui centraliseraient la production perlicole et seraient les seuls interlocuteurs des clients étrangers (qui ne demandent souvent que cela). La perle noire doit être vendue et évaluée en fonction de sa qualité. Chaque gamme de prix a sa chance pour peu qu'on la propose pour ce qu'elle est réellement. Voilà pourquoi, le groupe Sibani Perles a décidé la création d'un Bureau d'évaluation et d'expertise de la perle (BEEP) qui verra le jour très prochainement au Centre Vaima et dont l'objectif sera de sélectionner les perles en fonction de leur valeur et de leur utilisation possible en bijouterie puis d'informer très précisément au jour le jour ses correspondants étrangers sur les disponibilités du marché. Faute de réorganiser notre système de distribution, nous risquons très rapidement de tuer la poule aux oeufs d'or et de voir les prix s'effondrer au profit des pays concurrents. .../... Produire ce qui se vend plutôt que vendre ce qui se produit Un bon rapport qualité-prix avant tout, c'est ce qu'exigent désormais les acheteurs japonais. Ils disposent actuellement de gros stocks de produits disparates et souvent difficilement utilisables en bijouterie. Ces perles ont souvent été acquises il y a plusieurs années quand les cours étaient beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui ce qui explique parfois certaines disparités énormes dans les prix. Elles ont beaucoup de mal à trouver preneur et encombrent un marché qui ne parvient plus à absorber une production sans cesse croissante. Pourtant, le gigantesque marché japonais est capable d'absorber une grande partie de notre production à condition que l'on garantisse aux acheteurs les produits dont ils ont besoin en quantité suffisante. Il faut pour cela absolument améliorer la qualité de nos 5


perles et tenter de standardiser le produit autant que possible. Certains Japonais sont prêts à acheter des milliers de perles à condition qu'elles répondent aux critères qu'ils exigent. Tel bijoutier industriel, par exemple, recherche des perles rondes de couleur et de taille semblables pour confectionner des bagues. Il n'achètera rien si on ne lui propose que des lots mélangés d'autres perles dont il n'a pas l'utilisation. Tel autre voudra au contraire des perles baroques pour un marché milieu de gamme, il souhaitera donc trouver des lots peu onéreux dont les perles chères auront été exclues. En conclusion, nous dirons, au vu de l'expérience que nous venons de vivre et des informations que nous avons recueillies lors de cette participation au Salon international de la Bijouterie de Tokyo, que le marché japonais peut et doit constituer un excellent débouché pour la perle de Tahiti. C'est néanmoins un marché très complexe et exigeant qui ne tolèrera plus l'amateurisme. Sous peine de voir les prix s'effondrer, il faut d'urgence structurer nos circuits commerciaux et redresser l'image de marque de la perle de Tahiti en communiquant d'une seule voix avec un message cohérent et en évitant les ventes sauvages qui détruisent la réputation du produit. Il faudra ensuite tout faire pour permettre l'amélioration de la qualité des perles et leur standardisation pour une meilleure utilisation en bijouterie. Structuration du marché et amélioration de la qualité vont de pair. Les perliculteurs, une fois assurés de débouchés et de prix relativement garantis, pourront peu à peu investir dans l'amélioration de leurs techniques et donc de leur production. Papeete, le 5 mars 1994

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Mercredi 6 avril 1994

Faussaires Est-ce un hasard si l'on tourne aujourd'hui en Polynésie un film qui s'appelle Les Faussaires ? La réponse est non, bien entendu. Le moment est on ne peut mieux choisi pour adapter au cinéma l'admirable roman de Romain Gary, La Tête coupable, publié pour la première fois chez Gallimard en 1968. On imagine qu'à cette époque, les Français avaient bien d'autres sujets d'intérêt. Et pourtant, le héros du livre s'appelle Cohn tout comme le jeune étudiant juif allemand ayant pris la tête d'une révolte qui, cette année-là, va balayer le monde occidental. Quant aux Polynésiens, combien d'entre eux ont jamais su qu'un génie de la littérature, désespéré par l'absurdité du monde, avait choisi leur pays comme théâtre d'un de ses meilleurs romans ? Quelle lucidité, quelle clairvoyance ! En quelques semaines de séjour, Gary avait tout compris de la Polynésie. Ses merveilles et ses paradoxes, sa lumière et ses coins d'ombre. Polynésie miroir, Polynésie symbole, Polynésie modèle réduit du monde, éprouvette sociale où l'humanité se reflète, parfois déformée jusqu'au comique. Alors, sommes-nous tous des faussaires ? Evidemment. Il n'est qu'à voir le bourbier des ordures dans lequel notre hypocrisie et notre négligence (ou celles de nos élus, ce qui revient au même) nous ont enlisés pour en avoir la triste preuve. Malheureusement, nous devrons vivre d'autres crises, plus graves sans doute, fruits empoisonnés des mauvaises graines semées dans les décennies passées. Mais ne nous laissons pas abattre, retenons les leçons de Gary ! L'humour demeure l'arme suprême face à l'absurde. Remercions donc Gérard Jugnot et ses amis d'être venus de si loin pour nous aider à nous moquer de nos propres travers et à ouvrir les yeux. Patrick Schlouch

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Mercredi 20 avril 1994

PEARLS 94 A HONOLULU, LA GRAND'MESSE DE LA PERLE Viendront-ils ou pas ? La question a beaucoup perturbé l'organisation de Pearls 94, la première conférence - exposition internationale sur la perle qui se tiendra à l'hotel Sheraton Waikiki de Honolulu du 14 au 19 mai prochains à l'initiative de la toute nouvelle International Pearl Association (IPA). « Ils », ce sont les Japonais, naturellement, grands maîtres du marché mondial de la perle depuis près d'un siècle et dont certains voient dans cette manifestation américaine une menace pour leur position dominante. L'an dernier, dès l'annonce de l'événement, la toute puissante Société japonaise pour la promotion de la perle (JPPS) décidait de boycotter. Au mois d'octobre, toutefois, elle affirmait dans un communiqué « n'avoir jamais recommandé à ses membres de ne pas participer à Pearls 94 ni même cherché à les influencer. » « Nos membres, ajoutait le communiqué, sont libres de décider s'ils participeront... » Pourtant, le président de la JPPS, M. Tasaki, avait, peu de temps auparavant, décliné l'invitation des organisateurs hawaiiens prétextant d'autres engagements. En outre, la publication d'une page de publicité sur la conférence d'Honolulu avait été refusée par le Shinju Shimbun, quotidien de Tokyo connu pour être le porte-parole de la JPPS. Malgré tous ces pea pea diplomatiques (et peut-être aussi grâce à eux), le succès semble promis à Pearls 94 qui attire des spécialistes du monde entier. Déjà plus de 85 % des espaces offerts ont été retenus par des exposants venant d'Australie, de Hong Kong, d'Indonésie, d'Israël, de Nouvelle-Zélande, des Philippines, des Etats-Unis, de Tahiti et.... du Japon (certaines sociétés ayant décidé de passer outre le boycott et de soutenir l'initiative hawaïenne). Exposition de perles mais aussi conférence, la liste des intervenants à Pearls 94 est impressionnante. La perle sera évoquée sous tous ses aspects commerciaux et scientifiques. Des experts tels que James S. Porte, président de l'Institut américain de Commercialisation de la Bijouterie (JMI) et Eve J. Alfillé, vice-présidente de l'Association internationale de la Perle (IPA) s'exprimeront


par exemple sur le développement du commerce de la perle en 1994 ou sur la technique de vente des perles. D'autres personnalités connues du monde de la perle interviendront, comme Salvador Assaël qui parlera de la SSP, Andy Muller qui évoquera la perle Akoya et Martin Coeroli qui présentra la perle de Tahiti à laquelle le programme consacre une journée entière. Un forum technique couvrira toute une série de domaines comme la biologie, l'écologie, la gestion des stocks, les méthodes et le matériel de production perlière, les progrès récents en matière de perliculture, l'amélioration de la qualité des perles grâce à la bio-technologie, les aides publiques nationales ou internationales, les conséquences socioéconomiques et politiques du développement de la perliculture, etc. On pourra suivre également des conférences-débats sur les perles naturelles, sur les moules d'eau douce qui fournissent les nucleus, la perle d'abalone ainsi que sur les investissements potentiels et leurs risques. Cette conférence, la première au monde de cette ampleur, est parrainée par l'IPA et organisée conjointement par le Programme de développement de l'Aquaculture du service des Terres et des Ressources naturelles de l'Etat de Hawaii et l'Association des bijoutiers de Hawaii (HJA). P.S

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Dimanche 24 avril 1994 MARCHE DE LA PERLE

Boom et bouleversements commerciaux dans les Mers du Sud Situation paradoxale sur le marché mondial de la perle de culture des mers du Sud (South Sea Pearl - SSP). La forte hausse des prix de la perle japonaise Akoya place la SSP en position de force. On évoque même parfois une « ruée » sur celle-ci. Toutefois, la reconversion des négociants ne se fait pas sans difficulté et l'on assiste à un bouleversement des circuits traditionnels de distribution pouvant entraîner à terme des conséquences très néfastes. Dans sa dernière édition, le bimestriel spécialisé américain Pearl World analyse un phénomène n'épargnant pas la perle de Tahiti. La situation pourrait du reste rapidement évoluer compte tenu des nouvelles menaces écologiques pesant sur les lagons polynésiens. La plupart des négociants se rendant au Japon pour acheter des perles Akoya se trouvent actuellement confrontés à une forte pénurie de produits de bonne qualité, constate Pearl World. Conséquence, le prix de la perle japonaise a considérablement augmenté ces derniers temps. Pour beaucoup d'acheteurs étrangers, dont les budgets restent très serrés du fait de l'incertitude régnant sur la plupart des marchés mondiaux, la SSP constitue une excellente alternative. Même les sociétés n'ayant encore jamais investi dans la SSP commencent à s'y intéresser. Certains négociants parlent même d'une « ruée sur la SSP ». Cependant, selon le journal américain, l'inexpérience du produit, alliée à de plus grandes difficultés d'approvisionnement, pourrait avoir tôt ou tard des effets très négatifs. Pour les experts, la solution consisterait à ne traiter qu'avec des grossistes expérimentés. Mais le conseil est parfois difficile à suivre face aux offres alléchantes lancées par des négociants d'un nouveau type, souvent sans aucune connaissance de la perle et totalement dénués de scrupules. Ceci se produit en outre au moment où la SSP s'est, elle aussi, raréfiée en raison d'une chute de la production en Indonésie (deuxième producteur mondial) consécutive à un fort tremblement de terre suivi d'un raz-de-marée à


la fin de l'année 1992. Cette pénurie s'accompagne en outre d'une tendance à la diminution de la taille des SSP indonésiennes et, donc, de leur prix moyen. L'Australie, premier producteur mondial de SSP blanche, devrait augmenter sa production en 1994 mais cela ne suffira vraisemblablement pas à combler le déficit global. Commercialisation, l'anarchie Autre élément fondamental pour comprendre la situation actuelle du marché de la perle de culture des Mers du Sud : pratiquement tous les producteurs de SSP (qu'elles soient blanches ou noires) essayent aujourd'hui de vendre leurs perles par n'importe quel moyen. Ils ont, remarque Pearl World, de plus en plus tendance à court-circuiter les grossistes qui étaient leurs principaux clients dans le passé et à s'adresser directement aux détaillants et aux petits revendeurs. Les exemples ne manquent pas pour illustrer ce phénomène de dispersion des circuits de commercialisation. La principale explication de ce bouleversement réside dans le besoin pressant de trésorerie ressenti par les producteurs. En supprimant les intermédiaires, ceux-ci tentent de pallier la hausse constante des coûts de production, les aléas de la production et les effets de la récession mondiale. Mais cette situation ne durera pas toujours, elle évoluera. Que se passera-t-il alors, lorsque ces éléments vont se stabiliser, s'interroge l'éditorialiste américain ? Les producteurs retourneront-ils à l'ancien système qui a si bien fonctionné pour eux dans le passé ? Et les grossistes, accepteront-ils de renouer les vieilles relations ? Les réseaux de distribution bien établis de ces grossistes sont en effet gravement fragilisés par le départ de leurs fournisseurs habituels. Des emplois hautement qualifiés sont menacés de disparaître. Sans oublier les énormes investissements consentis. Pearl World pense que les grossistes parviendront sans doute à s'adapter à la situation au prix de quelques sacrifices et d'une certaine réduction d'activité. Il estime toutefois qu'il y a de fortes chances pour qu'ils n'oublient pas de sitôt le lâchage dont ils ont fait l'objet. Enfin, selon l'analyste de Pearl World, la solution passant par la création pour la perle d'un système de commercialisation calqué sur le modèle de la De Beers pour le diamant, c'est-à-dire la mise en place d'un organisme central chargé de surveiller la distribution et la vente de toutes les perles de culture ne paraît, pour le moment, guère envisageable. Compte tenu des divisions profondes et des conflits d'intérêt existant entre les diverses factions de l'industrie mondiale

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de la perle, le journal américain considère comme plus probable le développement des tendances actuelles du marché, au moins jusqu'à la fin d'une récession qui dure déjà depuis deux ans. Naturellement, cette analyse s'applique aussi à la perle de Tahiti. Mais un nouvel élément dont le journal Pearl World n'avait pas encore eu connaissance au moment de sa publication pourrait aujourd'hui amender sa réflexion: les menaces écologiques pesant sur les lagons polynésiens et la pénurie de perles qu'elles risquent d'entraîner. Après Hikueru, il semblerait en effet que d'autres atolls (précisément Manihi et Arutua), où la perliculture est beaucoup plus implantée, soient à leur tour victimes de perturbations dues au réchauffement des eaux. Un foisonnement d'algues - qui ne sont du reste pas les mêmes qu'à Hikueru - a envahi une partie des lagons et des dizaines de milliers de nacres sont très affectées. Les perliculteurs sont inquiets. Les scientifiques s'attachent très sérieusement à déterminer l'origine et les caractéristiques d'un phénomène difficile à expliquer. Le résultat de leurs analyses devrait être connu cette semaine. On ne peut cependant que souhaiter vivement une fraîcheur qui permettrait, selon toute probabilité, un rapide retour à la normale. En tout état de cause, cet épisode souligne une nouvelle fois les risques du métier de perliculteur et les mérites de ceux qui ont le courage d'investir dans un secteur dont la rentabilité est à la merci des sautes d'humeur de Dame Nature. P.S

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Pearls 94 à Honolulu : LE DEFI AMERICAIN Nouvel épisode dans la guerre économique que se livrent le Japon et l'Amérique depuis plusieurs années : la bataille de la perle. Envolée du yen, diversification des exportations japonaises (jusque dans les années soixante le Japon n'exportait que des perles et de la soie) et internationalisation de la production perlière, en dix ans seulement ces trois éléments fondamentaux ont provoqué un profond bouleversement du marché mondial de la perle et mis fin à la suprématie absolue exercée par les Japonais depuis le début du siècle. Du 14 au 20 mai, l'International Pearl Association (IPA) née en 1993 d'une initiative américaine, organisait à Hawaii - le symbole est clair - la première conférence exposition mondiale exclusivement consacrée à la perle. Principal objectif : faire de l'IPA une association véritablement représentative et réunir en son sein tous ceux qui, dans le monde de la perle, souhaitent en finir avec les vieilles structures. La perle est à un tournant de son histoire. L'heure est aux défis à tous les niveaux. Défi mondial lancé par les nouveaux pays producteurs contre l'« establishment » nippon. Défi régional des îles Cook à l'encontre de la perle noire tahitienne. Défi local, enfin, en Polynésie pour préserver la valeur d'un produit essentiel à notre économie, mais gravement menacé par l'anarchie commerciale et la spéculation. Hotel Sheraton Waikiki, 15 mai 1994. Vingt-huit drapeaux sont fièrement disposés derrière la tribune officielle. On remarque même l'emblème japonais bien que discrètement placé sur le côté. Certes, les conférenciers ne sont pas aussi nombreux que prévu. Les organisateurs en espéraient 800, ils ne seront que la moitié environ. Echec financier. Mais qu'importe ! Le profit n'est pas la principale motivation. Une bonne partie du grand monde de la perle s'est déplacée en dépit des bouderies japonaises et l'on saura se montrer généreux. Il y a là des Américains, naturellement, mais aussi des Australiens, des Taiwanais, des Tahitiens, des Cook, des Philippins, des Mexicains et aussi quelques Japonais dissidents. En revanche, la perle indonésienne est absente.


Cook : opération charme Les îles Cook lancent une vaste opération de charme. Leur Premier ministre, Geoffrey Henry, grand communicateur, a fait le déplacement de Hawaii à la tête d'une forte délégation pour prononcer le discours d'ouverture. Sa présence est d'autant plus remarquée que la cérémonie est boudée par les autorités locales hawaïennes. Le gouverneur Waihee s'est fait représenter et le maire de Honolulu n'a même pas envoyé de mot d'excuse. Motifs obscurs alliés, peutêtre, à la crainte de froisser le Japon qui fournit tout de même l'essentiel des six millions de touristes visitant Hawaii chaque année. Le samedi 14 au matin, le vol hebdomadaire de Hawaïan Airlines en provenance de Papeete a débarqué une quarantaine de professionnels tahitiens de la perle. L'omniprésence des Cook leur fait d'abord l'effet d'un fluide glacial. Ils se rassureront plus tard en constatant la faible qualité de leurs perles. La délégation tahitienne comprend cinq exposants : Didier Sibani de la société Sibani Perles qui arrive avec son expérience déjà grande des salons internationaux ; Guy Wan de Tahiti Perles qui, pour son premier salon, présente un luxueux stand partagé avec le négociant américain Salvador Assaël ; Rémy et Laurence Bouché de la Compagnie perlière des Tuamotu ; Motu Pearls de Hugh Laughlin venu avec ses deux fils présenter sa première récolte de perles de Tahaa dans un petit stand original entièrement réalisé en matériaux traditionnels (bambou et ni’au) et, enfin, Tahitian Midnight Pearls de Louis Tchen. A la sauvette Au milieu de ces grandes manoeuvres, la position polynésienne est délicate. La Polynésie française est le second exportateur mondial de perles brutes juste derrière l'Australie. Elle a donc un intérêt évident à participer au regroupement des nouveaux pays producteurs. Pourtant, ses perles sont achetées à plus de 80 % par les Japonais, ceux-là même à qui l'IPA souhaite faire comprendre que leur règne sans partage est terminé. Par conséquent: Wait and see ! Sage maxime américaine que les officiels tahitiens sauront appliquer avec prudence. Le ministre de la Mer, Edouard Fritch, est présent mais en simple observateur. Le GIE Perles de Tahiti, qui a quitté le conseil d'administration de l'IPA après en avoir été l'un des membres fondateurs, est officiellement représenté par son directeur, Martin Coeroli, dont le discours sur la perle de Tahiti en séance

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plénière fait l'objet d'unanimes félicitations. Une représentante des îles Cook, June Baudinet, tentera du reste de ternir son succès en lui posant une question perfide sur les conséquences écologiques des essais nucléaires sur les lagons des Tuamotu. Tactique déstabilisatrice organisée ou gaffe personnelle ? L'incident en tout cas prend des dimensions diplomatiques et ne se dénoue que deux jours plus tard avec les excuses officielles des Cook auprès d'Edouard Fritch. Il laissera néanmoins des traces dans les esprits. Plusieurs techniciens de l'Evaam et quelques négociants dont Jean Tapu et Jean-François Dilhan de la société Tahiti Promo Perles, venus eux aussi essentiellement en observateurs, complètent cette délégation polynésienne. Pas tout à fait cependant. Peu après l'ouverture de l'exposition commerciale qui se tient en marge de la conférence, deux individus font une apparition très remarquée. Il y a là un bijoutier de Papeete, non membre de la CSBP, et un pharmacien qui, depuis quelque temps, a tendance à préférer le commerce de perles à ses éprouvettes. Le qualificatif de vendeurs « à la sauvette » dont on les a, par la suite, affublés n'est pas vraiment approprié puisque c'est ouvertement qu'ils se mettent à proposer leurs perles directement sur les stands. Scandale ! Les fautifs sont identifiés, montrés du doigt, le ministre interrogé pour savoir si ce genre de pratique est courante à Tahiti et les sacs de quelques Tahitiens fouillés par les organisateurs du salon pendant les jours qui suivent. Choqué, Edouard Fritch organise alors une réunion de la délégation tahitienne le jeudi 19 mai. Prise de conscience générale. La perle de Tahiti connaît de graves problèmes. Les pratiques sauvages dont chacun a été témoin entraînent une dévalorisation rapide du produit. Le marché bat de l'aile. C'est aujourd'hui une vaste foire d'empoigne où les plus malins et les moins scrupuleux tentent de réaliser des fortunes rapides en tuant la poule aux oeufs d'or. Les intérêts à long terme de la perle de Tahiti sont allègrement sacrifiés par les agissements de ces aventuriers. Il est urgent d'y mettre fin et, pour la première fois, un front commun Territoire – producteurs – négociants bijoutiers se dessine pour travailler ensemble à une remise en ordre. La tendance se confirmera au retour à Tahiti lors d'une nouvelle réunion convoquée à l'Evaam par Edouard Fritch le 26 mai. Un bon bilan tout de même Pourtant, ces incidents exceptés, le bilan commercial du salon, qui rassemblait une soixantaine de stands, reste bon. Bien sûr, les prix ne sont plus

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ce qu'ils ont été et les marges sont minces. Mais la perle noire est partout présente, les transactions sont nombreuses et tous comptes faits, les exposants se déclarent satisfaits. « En règle générale les salons internationaux ne sont pas directement rentables, explique Didier Sibani dont la société Sibani Perles participe aux plus grands salons du monde depuis déjà deux ans. Il faut jouer la carte de la continuité et participer à de nombreuses manifestations à l'échelle mondiale pour profiter des effets induits. L'intérêt de Pearls 94 pour notre société a été de nous permettre de bien analyser la situation du marché et de mettre en place des systèmes plus performants de commercialisation. » « Les rencontres, les contacts, les informations et les idées échangées avec des professionnels dont les actions ont des incidences importantes sur le devenir de la perle noire, poursuit M. Sibani, sont également d'une importance fondamentale. Etre présents nous permet de veiller à ce que les décisions prises lors de ce genre de réunions soient positives pour notre produit. » Faucons et colombes Parallèlement aux séances plénières, on peut suivre un forum de la bijouterie et du commerce ainsi qu'un forum technique apparemment très riche d'un point de vue profane mais, semble-t-il, plutôt décevant pour les spécialistes. Mais là n'est pas le coeur du problème. Il faut en effet attendre l'après-midi du jeudi 19 mai pour connaître le point d'orgue de cette conférence exposition avec la première assemblée générale de l'IPA préparée les jours précédents par de discrètes réunions au plus haut niveau. L'IPA est alors officiellement constituée avec, à sa tête, un conseil d'administration de 14 membres qui pourra ultérieurement s'élargir à 20. Les initiateurs américains sont là, en particulier John Latendresse, président de l'American Pearl Company et chef de file de la ligne dure contre les Japonais. On remarque également Nick Paspaley, le magnat australien de la South Sea Pearl qui s'est fait remarquer au mois de mars en organisant sa propre vente aux enchères juste sous le nez de ses clients japonais habituels à HongKong, la ville qui pourrait bientôt succéder à Kobé comme centre mondial de la perle . Mais cette fois les faucons ont été rejoints par quelques colombes. Salvador Assaël, en particulier, qui est nommé co-président de l'association, prêche pour l'apaisement et le rapprochement avec les Japonais. Il réclame un siège, qu'il obtient, au sein du conseil d'administration au nom de Robert Wan, absent

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mais dont il estime qu'il ne peut rester en dehors de ce rassemblement. Nous avons d'ailleurs pu obtenir de M. Wan la confirmation de sa participation. En fait, les Tahitiens présents à Hawaii ne se bousculent pas au guichet de l'IPA. Les autorités préfèrent attendre encore un peu et voir venir. Seuls Didier Sibani et Jean-François Dilhan figurent, à côté de Robert Wan, sur la liste des membres fondateurs de l'IPA. Autre « colombe » dont le nom mérite d'être cité, Jacques Branellec, un Français bien connu pour ses activités perlicoles aux Tuamotu, aujourd'hui à la tête de Jewelmer, une grosse entreprise de production perlière des Philippines. Hawaii ou HongKong ? La question la plus controversée de cette première assemblée générale fut le choix du site de la conférence - exposition 1995. Elle n'a d'ailleurs pas encore été tranchée. Les faucons veulent rester à Hawaï. Ils s'appuient officiellement sur des arguments techniques et financiers. Salvador Assaël, au nom des colombes, propose plutôt HongKong en guise de main tendue aux Japonais sans lesquels, estime-t-il, l'IPA ne pourra jamais atteindre ses objectifs. On le comprend, la décision finale sur cette question sera très significative de l'état des rapports de force au sein de l'IPA. Diplomatie ou guerre ouverte, on le saura sans doute dans un futur très proche. En attendant, la seule initiative concrète prise au cours de cette première conférence mondiale a été la création d'un fonds commun de promotion. Objectif : trouver 220 millions de Fcfp pour promouvoir la perle dans le monde entier et en particulier aux Etats-Unis. Sujet crucial car, si l'IPA regroupe déjà 50 % de la production mondiale environ, le Japon contrôle encore largement les marchés. Par conséquent, le succès de l'IPA dépendra en grande partie de ses capacités à ouvrir de nouvelles filières commerciales. Dans un système traditionnel fondé sur un cloisonnement très strict, c'était au yeux des « maîtres » japonais de la perle commettre un véritable crime que d'organiser cette première conférence - exposition au cours de laquelle l'information a circulé librement à tous les niveaux. La balle est désormais dans leur camp. Ils tiendront leur propre congrès à Kobé au mois d'octobre prochain. Patrick Schlouch 11 963 k

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6 juin 1994 INTERVIEW

Didier Sibani: "Notre première motivation doit être l'intérêt de la perle noire de Tahiti" La perle vit un tournant de son histoire. Le mois dernier, pour la première fois, producteurs, grossistes, bijoutiers et scientifiques du monde entier étaient réunis à Honolulu autour d'un même objectif: préparer l'avenir de la perle. A Tahiti aussi, on prend conscience des graves problèmes qui se posent dans le secteur de la perle, notamment en ce qui concerne sa commercialisation. L'âge d'or des pionniers et des rêveurs est fini. L'avenir est à la réflexion, à la rigueur et au professionnalisme. Didier Sibani, fondateur de la société Sibani Perles, tire la sonnette d'alarme depuis plusieurs années. Il est aujourd'hui ravi de voir que tout le monde semble enfin prêt à faire quelque chose pour rétablir une situation déjà fortement compromise. TikiMag: - Vous étiez présent à cette conférence Pearls 94 de Honolulu. Quels sont les enseignements que vous en retirez ? Didier Sibani: - Vous savez, le secteur perlier à Tahiti est totalement déstructuré. Il est par conséquent primordial de se réunir, de rencontrer nos partenaires, nos concurrents et d'échanger autant d'informations que possible. Voilà pourquoi j'ai participé à ce congrès qui était une occasion unique pour cela et je participerai autant que je le pourrai à toute future manifestation de ce genre. - A l'occasion de Pearls 94, a été créée l'International Pearl Association qui regroupe de nombreux professionnels mondiaux de la perle mais que les Japonais ont préféré bouder. Le gouvernement territorial a choisi une position d'attente. Pensez vous que cette IPA soit une bonne chose ? - En réalité, on ne peut pas vraiment dire que les Japonais ont boudé l'IPA. Certains d'entre eux seulement, l'ont fait. A mon avis là n'est pas le problème. Sibani Perles a décidé d'être membre fondateur de l'IPA car il me semble nécessaire de soutenir toute initiative visant à améliorer les systèmes de commercialisation et la qualité des perles. C'est pourquoi je prendrais volontiers aussi une carte de membre fondateur de l'association concurrente que les Japonais s'apprêtent à mettre en place s'il m'apparaissait que cela va dans l'intérêt de notre perle de Tahiti. Je ne pense pas que l'on doive raisonner en termes d'antagonismes. Il faut au contraire s'adapter et veiller à être partout présent où le sort de notre produit se joue. - Vous avez déjà une expérience de nombreux salons internationaux. Pensez-vous qu'il s'agit là d'une bonne filière de commercialisation de la perle noire de Tahiti ? - Sibani Perles participe aux plus grands salons mondiaux depuis déjà deux ans. Bâle, Hong Kong, Tokyo, Las Vegas, etc... A Hawaii nous avons vu pour la première fois d'autres professionnels tahitiens s'essayer aux salons. Je dirai pour ma part que ce système nécessite beaucoup de patience et de persévérance. Il ne faut pas s'attendre à une rentabilité immédiate. La plupart du temps, les frais de déplacement et de


participation sont très élevés. L'intérêt premier est d'acquérir des informations, de prendre des contacts, de se faire connaître. Sibani Perles travaille de manière rigoureuse avec des budgets naturellement limités. Depuis deux ans, nous étions les seuls ambassadeurs de la perle de Tahiti dans les plus grandes capitales. L'intérêt de la Polynésie française est que l'on parle le plus possible de notre produit et je suis satisfait de voir que d'autres se sont enfin décidés à agir dans le même sens. - Que pensez-vous des problèmes de marché noir évoqués à l'occasion de Pearls 94 ? - Il y a quinze ans, on a créé un produit, la perle noire de Tahiti, et on l'a lancé sur les marchés sans aucune structure ni étude préalable. Cela a fonctionné tant bien que mal pendant quelques années mais, aujourd'hui, l'euphorie est passée et l'on s'aperçoit que le système est entièrement à revoir. C'est le règne du n'importe quoi. En particulier, il n'existe aucune classification ni contrôle de qualité du produit. Il est temps de revenir sur terre, de faire le point et de se mettre à travailler sérieusement et rapidement pour l'avenir de la perle de Tahiti.

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Centre Vaima - Papeete, le 16 juin 1994 DISCOURS PRONONCE PAR M. DIDIER SIBANI A L'INAUGURATION DU BUREAU D'EXPERTISE ET D'EVALUATION DE LA PERLE (BEEP)

Mesdames et Messieurs, Chers amis, Pour la cinquième fois en quatre ans, la plazza Poe Rava du Centre Vaima est illuminée pour marquer une nouvelle étape du développement de la société Sibani Perles. Mais aujourd'hui, je suis particulièrement heureux et honoré de votre présence à tous pour l'inauguration du Bureau d'expertise et d'évaluation de la perle, un instrument de travail qui me tenait à coeur depuis longtemps déjà... et qui voit enfin le jour. Je vous en remercie très sincèrement. Peut-être, certains d'entre vous sont-ils déçus de ne voir ici aucun appareil permettant le contrôle technique des perles. Je le regrette autant qu'eux. L'explication est simple. Je tenais beaucoup à ce que cette inauguration ait lieu pendant les premières Journées internationales de la Perle de Tahiti et, malheureusement, l'équipement que nous avons commandé n'a pu être livré à temps. .../...


En attendant, j'ai souhaité placer cet événement sous le signe du symbole. Symbole, surtout, du fabuleux potentiel que possède notre perle qui est elle-même devenue, à maints égards, LE symbole de notre pays. L'année 1994 marque un tournant dans la jeune histoire de la perle de Tahiti. Une prise de conscience générale est heureusement en train de se produire sur les problèmes et les freins qui handicapent son développement. En quinze ans, la perle de Tahiti est devenue la seconde richesse de la Polynésie française après le tourisme. Elle a surtout permis de redonner vie à l'archipel des Tuamotu et de maintenir ses habitants dans leurs îles dans de bonnes conditions. Malheureusement, on constate aujourd'hui que la valeur de la perle de Tahiti diminue en proportion inverse de sa production. Nous sommes confrontés à une situation d'urgence. Le marché est saturé de produits de qualité insuffisante. Des pratiques commerciales douteuses se multiplient. L'image internationale de la perle de Tahiti se ternit rapidement. Que faut-il faire ? De nombreuses propositions ont déjà été lancées. Parfois irréalistes. Ne prenons surtout pas le risque de rompre le délicat équilibre qui s'est établi aux Tuamotu. .../...

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Il me semble que nous devrions au contraire essayer de trouver un compromis entre le caractère de produit de luxe qui doit absolument s'associer à l'image de la perle de Tahiti.... et son rôle crucial dans le développement socioéconomique des Tuamotu. Naturellement, les deux facettes du problème semblent a priori contradictoires. C'est pourquoi, il est nécessaire de travailler ensemble, pouvoirs publics et professionnels, à la mise en place de solutions acceptables par tous. Je tiens à ce propos à rendre hommage à M. Edouard Fritch, ministre de la Mer et du Développement des archipels, qui a pris l'heureuse initiative de rassembler tout le monde autour d'une table pour commencer à y réfléchir. Réfléchir... c'est sans doute le mot-clé. Jusqu'ici, la perle de Tahiti s'est développée avec trop peu de réflexion sur les conséquences de sa croissance. Il faut donc maintenant bien peser les décisions et ne surtout pas céder à une quelconque panique. Néanmoins, il faut agir vite. La concurrence est à nos portes. A mon avis, les solutions doivent être à la fois radicales et douces. Il faut, je le répète, préserver simultanément la valeur de notre perle sur les marchés mondiaux et la situation des petits producteurs. .../...

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Cela passe d'abord, j'en suis convaincu depuis longtemps, par une classification claire des produits et un strict contrôle de leur qualité. Tout le monde semble aujourd'hui d'accord pour une réglementation de la pratique du négoce international en fonction de critères de compétence. Alors pourquoi ne pas réserver cette activité à ceux qui en ont l'expérience... à ceux qui ont prouvé leurs capacités à l'exercer sérieusement ? Ce Bureau d'expertise et d'évaluation de la perle, que nous inaugurons aujourd'hui, est au service des perliculteurs qui veulent se libérer du souci de la commercialisation. Quant aux acheteurs internationaux, ils pourront y trouver, au meilleur coût, les perles les mieux adaptées aux besoins de leurs clients bijoutiers. Le BEEP a l'ambition d'être admis, dans un futur proche, au sein d'une série, limitée certes mais néanmoins suffisamment ouverte pour préserver une saine concurrence, de maisons de commerce spécialisées, officiellement reconnues par les pouvoirs publics et dont le rôle serait de structurer et de stabiliser un marché actuellement dans la tourmente. J'en fais ce soir publiquement la proposition à M. le Ministre. En outre, je le souligne encore une fois, la seule finalité de la perle, c'est le bijou. Le bijoutier professionnel est donc le seul à vraiment savoir comment le produit peut-être mis en valeur. .../...

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L'occasion me paraît par conséquent idéale pour demander solennellement que les négociants et les bijoutiers dont la contribution est essentielle au développement de la perle de Tahiti, soient enfin représentés au plus haut niveau au sein des instances qui décident du sort de notre perle et de sa promotion. La perle de Tahiti doit conquérir le monde J'ai choisi ce soir de lancer ce message empreint de détermination et d'espoir car je suis intimement persuadé que c'est la vocation de notre produit... qui est fantastique. Il suffit d'y ajouter travail, rigueur et professionnalisme. Toutes choses que le BEEP a la ferme intention de fournir à ses clients. Je vous remercie

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27 juin 1994 SPORTS D'HIVER EN NOUVELLE ZELANDE

Queenstown, reine des stations du Pacifique sud L'avion survole les crêtes enneigées des Alpes du Sud. Le spectacle est grandiose. On a quitté Christchurch depuis moins d'une heure et soudain, dans une trouée entre deux versants abrupts, sur un fond de vallée qui paraît minuscule, la piste surgit. Son extrémité atteint presque la rive d'un lac bleu, superbe et immense, enchassé comme un miroir entre les sommets couronnés de blanc qui le protègent. L'appareil s'immobilise, les portes s'ouvrent et, sur la passerelle, le froid vivifiant du vent d'hiver vous prend le visage. Un regard circulaire vers les montagnes alentour: de la beauté à l'état pur. Queenstown: le bout du monde et le début d'un nouveau monde. Un taxi vous conduit sur les collines surplombant le lac Wakatipu. Quelques kilomètres et la petite ville apparaît, nichée sur les quelques espaces à peu près plats entre eau et montagne. Minuscule bourgade de quelques milliers d'habitants perdue au fin fond de l'île du Sud de la Nouvelle Zélande, Queenstown est devenue en quelques années la plus belle et la plus populaire des stations de sports d'hiver du Pacifique sud. Quelques 100 000 touristes, venus du monde entier mais de plus en plus d'Asie, visitent et séjournent chaque année à Queenstown dont la population permanente devrait doubler au cours des dix prochaines années. Les visiteurs y sont accueillis dans les meilleures conditions en toute saison. Du motel le plus simple, mais toujours impeccable, au "resort" de luxe, les prix sont dans tous les cas très abordables surtout pour des budgets polynésiens. Air New Zealand propose désormais à partir de Tahiti des forfaits aviontransferts-hébergement-ski pour une semaine à moins de 130 000 Fcfp par personne. Queenstown est aujourd'hui une station extrêmement prisée. Les investissements immobiliers y sont de plus en plus importants et peuvent s'avérer très rentables. Les autorités locales, malgré la forte demande touristique, souhaitent en effet conserver à la ville son charme montagnard et douillet en limitant les opérations d'aménagement et en les réglementant sévèrement. Il n'y a pas de saison particulière pour aller à Queenstown. Le site est béni des dieux et jouit d'un climat formidable toute l'année. La chaleur de l'été permet toutes les activités nautiques sur le lac ou en rivière comme la pêche ou les croisières en bateau. Les randonnées en montagne et les balades en voiture au milieu de paysages parmi les plus spectaculaires du monde sont inoubliables. Queenstown est aussi le paradis des sensations fortes. On y saute en élastique dans une gorge au fond de laquelle roule une eau turquoise comme de la menthe glacée. On survole les montagnes et les vallées en hélicoptère ou en parapente. On dévale des rapides en radeau pneumatique ou dans un speed-boat surpuissant. Mais les distractions plus calmes ne manquent pas non plus. Déjeunez dehors, au soleil, dans une ferme-restaurant d'une salade de légumes du jardin accompagnée de fromage et d'un verre du délicieux vin de la maison, le plus austral du monde. Allez visiter Arrowtown, ancien village de chercheurs d'or à quelques minutes du centre ville. Charme désuet des maisons coloniales et des petites boutiques que l'on apprécie le plus en automne, aux alentours du mois d'avril, quand les peupliers, jaunes comme des flammes, s'élancent au milieu des camaieux de rouges, bruns et ocres sur des versants inondés de lumière. Marchez ! marchez encore sur les hauteurs en


respirant cet air si pur et léger qui vous fait rajeunir. Jouez au golf sur l'un des deux magnifiques parcours de la région. Ou bien - pourquoi pas ? - restez bien tranquille sur le balcon de votre chambre d'hôtel et admirez... Pourtant, si Queenstown est belle en toute saison, elle est surtout célèbre pour ses activités de sports d'hiver. Entourée de montagnes culminant à plus de 2 000 mètres, la ville est elle-même rarement enneigée. Mais il suffit de quelques minutes en voiture ou en bus pour grimper vers l'une des trois stations de ski: Coronet Peak, The Remarkables ou, un peu plus loin, Cardrona. Il est possible de louer son matériel en ville. Tout est disponible: skis, chaussures et même vêtements imperméables. Vous êtes accueillis avec beaucoup de gentillesse et de compétence et les prix sont toujours très raisonnables. Attention si vous avez des enfants. Les écoles de ski ne les prennent qu'à partir de quatre ans. Plus jeunes, il vous faudra sans doute les garder vous même à moins de les confier à une garderie en ville avant de prendre le chemin des pistes. Pour les autres, des cours sont naturellement disponibles à tous les niveaux et pour tous les âges. Et vous qui êtes un skieur confirmé, aucun problème... régalez vous. Les remontées mécaniques font l'objet de tarifs très abordables généralement compris dans les forfaits proposés par les compagnies aériennes ou les agences de voyages. Vous pourrez donc dévaler les pistes jusqu'à épuisement toute la journée en ne vous arrêtant que pour grignoter un sandwich ou un repas rapide dans un des chalets d'altitude. Vers cinq heures, retour à l'hôtel. Le confort d'une bonne douche bien chaude avant de consulter les brochures touristiques qui vous renseignent sur les meilleurs endroits où dîner. L'embarras du choix. En quelques années, la cuisine néo-zélandaise a fait des progrès spectaculaires et le service également. Vous serez souvent surpris de la qualité des mets et des vins. Le vin justement, que vous devrez parfois acheter avant de vous rendre au restaurant si celui-ci n'a pas de licence d'alcool, ce qui est encore fréquent en Nouvelle Zélande. On débouchera et l'on vous servira à table, gratuitement bien sûr, la bouteille que vous aurez choisie dans une boutique spécialisée voisine. Les lettres B.Y.O. pour "Bring your own" signalent ce type de restaurant très accueillant. Autant que possible, ne manquez surtout pas le vin du pays, unique, et dont les goûts très riches rappellent si bien la diversité des paysages voisins. Goûtez tout spécialement le chardonnay de Chard Farm ou le sauvignon blanc de Gibbston Valley. Au cas où vous auriez encore quelque énergie après tout cela, vous pourrez finir de la dépenser dans l'un des night-clubs de la ville avant d'aller enfin, dans un silence exceptionnel, récupérer sous la couette. Voilà, la visite est terminée. Et bonnes vacances à ceux qui auront la chance d'aller skier à Queenstown cette année. P.S

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Propositions pour la réorganisation du négoce et du marketing de la perle

de Tahiti

Didier Sibani Président du groupe Sibani Perles


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Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


Rédigé à Tahiti en juillet 1994 avec la collaboration de Patrick Schlouch, journaliste Édition Média Conseil Pacifique - juillet 1994 Réédité en décembre 2008 © Tous droits réservés

Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


SOMMAIRE

Introduction

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Première partie - Le constat ! Production ! Situation actuelle des perliculteurs ! Commercialisation

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Deuxième partie - Les solutions ! L'irréalisme des quotas ! Agir sur la qualité ! Organiser la commercialisation

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1. Le négoce des perles : contre le monopole mais pour la réglementation 2. Les marchés: diversification urgente 3. La bijouterie: valeur ajoutée et création d'emplois 4. Le marketing: dissocier les différentes qualités de perles

Troisième partie Propositions pour un plan marketing de la perle de Tahiti !

La perle de Tahiti doit être un produit de luxe

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1. Caractéristiques d'un produit de luxe 2. La perle de Tahiti ne répond plus à ces conditions 3. Repositionner la perle de Tahiti sur le marché

Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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! Définir une image de marque, éviter les assimilations abusives ! Les critères de qualité du label "haute joaillerie" ! Un marketing fondé sur le label "haute joaillerie" 1.

Le positionnement

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Les médias

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Le budget

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L'appellation d'origine contrôlée

5.

Le pouvoir et le vouloir d'achat

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La distribution: insister sur la rareté

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Quatrième partie - Approche budgétaire ! Réévaluation des perles en fonction de leur qualité ! Estimation des coûts 1.

La promotion internationale

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Le Fonds de soutien de la qualité

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3. Le Bureau des Appellations contrôlées (BAC) 4.

Aides diverses

! Réflexions sur la fiscalité: justice d'abord 1.

La taxation fondée sur le poids défavorise les petits exploitants

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Nécessité d'une taxe sur l'exportation des perles de qualité

Conclusion

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Annexes 1. Budgets : Récapitulatif 2. Les maisons de commerce agréées 3. Le Bureau des Appellations contrôlées (B.A.C) 4. Le Fonds de soutien de la qualité

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Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


INTRODUCTION

Les premières Journées internationales de la perle de Tahiti qui ont eu lieu du 15 au 18 juin 1994 à la mairie de Papeete ont été un succès. Les participants locaux et étrangers y ont exposé des produits de haute qualité. Quant aux médias, ils ont parfaitement joué le jeu contribuant ainsi à la réussite d'une manifestation qui s'est achevée dans l'euphorie quasi-générale. Ces journées ont certes permis de rehausser l'image de la perle de Tahiti auprès d'un public local de moins en moins enthousiaste à l'égard d'un produit qu'il connaît finalement assez mal et dont il semble quelque peu saturé. Néanmoins, cette embellie pourrait bien n'être que temporaire car les problèmes de fond subsistent. Il est urgent de les traiter pour éviter ni plus ni moins qu'un effondrement total des prix et de l'image de la perle de Tahiti sur le marché mondial. Après avoir brièvement rappelé la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la perle de Tahiti et les enjeux qui la concernent, nous proposerons quelques solutions aux problèmes qui se posent notamment dans le domaine de la commercialisation. Le présent rapport s'appuie sur l'idée maîtresse d'une hiérarchisation des diverses qualités de la perle de Tahiti. La promotion de celle-ci doit, selon nous, s'appuyer essentiellement sur la partie supérieure de cette échelle des qualités, de manière à rehausser la valeur de notre perle en lui associant l'image d'un produit de luxe rare et recherché.

Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


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LE CONSTAT PRODUCTION En 1987, année du véritable "décollage" de la production perlière, la Polynésie française exportait 407 kg de perles pour une valeur de 2 milliards de Fcfp soit une moyenne de 4 914 Fcfp le gramme. Six ans après, en 1993, nous exportions 2,1 tonnes de perles soit cinq fois plus qu'en 1987, pour une valeur de 7,7 milliards de Fcfp soit une moyenne de 3 667 Fcfp le gramme (Source Martin Coeroli-GIE Perles de Tahiti, La Dépêche de Tahiti du 17 mai 1994 - v. tableau). La baisse en valeur de la perle de Tahiti sur les marchés à l'export est par conséquent de plus de 25 %. Elle atteint même 40 % si l'on compare les années 1989 et 1993. Elle aurait pu être encore aggravée sans la baisse de production consécutive aux dépressions tropicales ayant affecté certains atolls des Tuamotu en 1992.

Evolution comparée du poids et de la valeur des exportations de perles de Tahiti (en kgs et en Fcfp/gramme) Année 1987 1989 1991 1993

Poids total 407 608 768,5 2 100

Prix moyen 4 914 6 085 5 467 3 667

Il saute aux yeux, à l'étude de ces chiffres, que la valeur de la perle de Tahiti a chuté à compter de 1990 en proportion inverse d'une production en très forte croissance. Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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SITUATION ACTUELLE DES PERLICULTEURS La production perlière en Polynésie française constitue un pôle de développement socio-économique incontournable. Elle a permis le retour dans leurs îles de centaines de Paumotu exilés à Tahiti qui peuvent désormais vivre chez eux dans de bonnes conditions. Il est important de noter que la croissance de la production est plutôt le fait de la multiplication des exploitations perlières que de l'amélioration de la productivité. Les petits producteurs souffrent beaucoup de la chute des cours avec d'énormes difficultés pour rembourser leurs emprunts bancaires. Ils ont par conséquent tendance à brader leurs perles à n'importe quel prix, livrant même, parfois, des perles immatures et aggravant ainsi la dévalorisation du produit.

COMMERCIALISATION La situation commerciale de la perle de Tahiti sur le plan international n'est pas brillante. Ceci pour plusieurs raisons : 1. le produit se positionne sur un mauvais créneau. Il lui manque l'aura de produit de luxe qui seule pourrait le revaloriser ; 2. le produit souffre d'une perte de confiance en raison, d'une part, de la baisse progressive de sa qualité moyenne et, d'autre part, d'une assimilation à d'autres perles du même type mais de qualité médiocre produites hors Polynésie (cf. Cook) ; 3. l'offre est supérieure à la demande et le marché est saturé de produits de mauvaise qualité ce qui nuit à l'image de la perle de Tahiti en général ; 4. il n'existe ni normes de classification reconnues ni label de qualité ; 5. la perle de Tahiti n'est pas commercialisée convenablement à l'extérieur. La présence de négociants "sauvages" ou de spéculateurs sans scrupules sur un marché fragile est de nature à causer des dégâts importants et durables ; 6. la promotion de la perle de Tahiti sur les marchés mondiaux n'est pas conduite comme elle le devrait. Le produit est très mal connu, notamment par les bijoutiers et les créations étrangères spécifiques à la perle de Tahiti sont presque inexistantes ; 10

Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


7. il y a trop d'intervenants dans le circuit commercial, principalement sur le plan local. Une étude précise s'impose en ce qui concerne l'aspect international ; 8. le marché est largement contrôlé par des intérêts extérieurs à la Polynésie, notamment japonais et, dans une moindre mesure, américains ; 9. la perle de Tahiti subit la concurrence de plus en plus vive de la South Sea Pearl australienne et même indonésienne ; 10. localement, les intérêts particuliers l'emportent trop souvent sur l'intérêt général ; 11. les intérêts des gros producteurs et ceux des fermes familiales sont souvent contradictoires ; 12. l'anarchie règne dans la filière perle en Polynésie française.

Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994


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LES SOLUTIONS

Le constat qui précède nous conduit à une double conclusion. Tout d'abord, la Polynésie française bénéficie d'un produit exceptionnel capable de soutenir un développement durable de l'archipel des Tuamotu-Gambier tout en contribuant de façon essentielle à la prospérité économique du pays tout entier. Malheureusement, pour un certain nombre de raisons énumérées plus haut, ce potentiel est mis en grand danger. On l'a vu, la valeur de la perle de Tahiti diminue rapidement au fur et à mesure que sa production augmente. Pourquoi ? D'abord parce que la qualité moyenne des perles de Tahiti a tendance à baisser. Les motivations socio-économiques du gouvernement, au demeurant très louables, ont permis à des centaines de familles de Paumotu de se lancer dans le métier de perliculteur sans pour autant en posséder ni les qualités ni les connaissances ni même les moyens de l'exercer dans des conditions satisfaisantes. Il s'en est suivi un afflux sur le marché de produits de mauvaise qualité dont le prix s'est naturellement établi assez bas. Ce phénomène a eu pour effet de ternir l'image de la perle de Tahiti en général. La seconde raison réside dans l'aggravation de la concurrence étrangère. Il y a les perles noires des îles Cook, bien sûr, que l'on assimile de plus en plus à la perle de Tahiti et il y aura, dans l'avenir, d'autres sources de perles noires dans le Pacifique ou ailleurs. Mais il y a surtout la concurrence de la South Sea Pearl australienne. Très belle, cette perle blanche de fort diamètre connaît un succès formidable et son prix reste très élevé. En grande partie parce que sa commercialisation à l'étranger fait l'objet d'une stricte limitation. Ainsi, en 1993, l'Australie, premier exportateur mondial de perles brutes (en valeur), n'a volontairement exporté que 200 000 perles pour un total de 10 milliards de Fcfp (soit une moyenne de 50 000 Fcfp/perle).

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La même année, la Polynésie française, second exportateur mondial, a exporté environ 1,5 million de perles pour une valeur de 7,7 milliards seulement (soit une moyenne de 5 133 Fcfp/perle). La valeur moyenne des perles australiennes sur le marché mondial est par conséquent près de dix fois supérieure à celle de nos perles de Tahiti. Dans ces conditions, quelles solutions adopter pour améliorer la situation de la perle de Tahiti et lui assurer un développement soutenu et harmonieux ? Les données du problème sont simples mais apparaissent, à première vue, malheureusement contradictoires avec des implications politiques extrêmement délicates. Comment en effet, concilier des objectifs de développement socioéconomique avec le souci d'associer à la perle de Tahiti l'image d'un produit de luxe forcément assez rare ? À quelle étape de la filière faut-il donc agir pour résoudre le problème ?

L'IRRÉALISME DES QUOTAS Les chiffres semblent clairs. Plus la production augmente, plus la perle se déprécie. La première réaction pour maintenir les cours, consisterait par conséquent à vouloir limiter la production de façon autoritaire par l'établissement de quotas. Cependant, cette solution nous paraît irréaliste, socialement pénalisante, politiquement inappliquable et, de toute manière, peu efficace. Outre que l'on imagine mal comment il serait possible de contrôler la production de plusieurs centaines de fermes perlières réparties sur un territoire aussi immense et dispersé, il parait extrêmement difficile de convaincre de petits perliculteurs, endettés et en difficulté économique et financière, de réduire volontairement leur production. Une telle mesure ne pourrait éventuellement se concevoir que très progressive et accompagnée d'un important effort d'information. Dans tous les cas, elle serait susceptible d'entraîner de graves problèmes pour de nombreux Paumotu rapatriés et l'on ne manquerait pas d'assister à une recrudescence de l'exode insulaire vers Tahiti. L'exemple australien, sur lequel s'appuie essentiellement l'argumentation des partisans des quotas, ne peut être purement et simplement reproduit en Polynésie française. S'il est facile de limiter les exportations d'un pays où la perle n'est pas un secteur essentiel de l'économie nationale, ce n'est évidemment pas le cas chez nous. De surcroît, avec 17 millions d'habitants auxquels s'ajoutent 2,5 millions de touristes chaque année, l'Australie bénéficie d'un marché domestique capable d'absorber des 14

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quantités de perles sans commune mesure avec le faible potentiel commercial constitué par les 220 000 Polynésiens et leurs 150 000 visiteurs annuels. N'oublions jamais également que seule la Nature décide en matière de perliculture. Un cyclone, une pollution, une maladie mystérieuse ou, tout simplement, une température excessive dans les lagons et des dizaines de milliers de nacres, des centaines de milliers même, peuvent être détruites d'un seul coup. Notre réserve vis-à-vis d'un système de quotas ne nous empêche cependant pas de reconnaître que l'équilibre écologique des lagons doit absolument être préservé. Nous pensons donc qu'il est temps aujourd'hui de limiter l'accès à la ressource par une politique vigilante de gestion des concessions maritimes.

AGIR SUR LA QUALITÉ Ce n'est donc pas sur la quantité de perles produites qu'il est réaliste d'agir, directement du moins. D'autant plus que les proportions de perles de grande qualité restent encore assez faibles. En moyenne, sur l'ensemble des nacres greffées dans les petites exploitations, moins de 3 % produisent des perles rondes ou semi-rondes, les plus recherchées. Tous les efforts portant sur l'amélioration de la qualité des perles sont donc les bienvenus. Meilleures techniques de greffe, meilleure formation des perliculteurs, surveillance accrue des lagons, etc, de multiples actions peuvent être menées par les pouvoirs publics pour contribuer à rehausser le niveau du produit perle de Tahiti.

ORGANISER LA COMMERCIALISATION Nous pensons pour notre part, que la meilleure et la plus souple façon de traiter les problèmes de la perle de Tahiti consiste à en organiser le négoce et en perfectionner le marketing. L'idée centrale de ce rapport repose sur une approche simple: la Polynésie française est le seul pays au monde à produire certains types de perles extrêmement recherchées. La promotion de notre produit doit donc reposer essentiellement sur celles de nos perles qui véhiculent une image de beauté, de rareté et de valeur. Ceci devrait ensuite Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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profiter à toute la gamme de nos produits tout comme le succès d'une collection de prêt à porter s'appuie sur le nom et le talent d'un grand couturier.

1. Le négoce des perles : contre le monopole mais pour la réglementation Il faut absolument mettre rapidement un terme à l'anarchie régnant dans la profession de négociant. Pour que la confiance revienne, il faut que la filière de commercialisation des perles de Tahiti, notamment à l'étranger, soit restructurée et organisée. Il est urgent d'en finir, et tout le monde s'accorde sur ce point, avec les pratiques de vente sauvage et la spéculation. Si l'exportation de perles de Tahiti ne doit pas être limitée, elle doit être en revanche réglementée. Nous devons impérativement inspirer à nos clients un sentiment de sécurité et de sérieux. Des mesures doivent être prises, en concertation avec toutes les parties en présence, pour que le négoce des perles soit réservé à ceux qui ont fait la preuve de leur compétence dans ce domaine et qui s'engagent à respecter certaines règles. Nous n'avons jamais caché que nous sommes, en l'occurrence, opposés à l'établissement d'une centrale d'achat unique, de type De Beers, que nous jugeons mal adaptée au contexte polynésien. Néanmoins, nous proposons la création d'un fonds destiné à financer l'achat aux perliculteurs de l'ensemble de leurs perles de mauvaise qualité non-commercialisables (dans la limite de certaines quantités estimées à environ 10 % de la production totale). La gestion de cette caisse devrait être confiée à l'organisme chargé du contrôle de la qualité des perles et son financement assuré grâce à une taxe sur les perles de qualité supérieure (pour plus de détails v. plus loin en dernière partie du présent rapport). Pour le négoce des perles, nous sommes favorables à la coexistence d'un certain nombre de maisons de commerce privées, officiellement agréées par les autorités. Celles-ci pourraient du reste appliquer des sanctions au négociant qui se révélerait incapable d'assumer ses responsabilités ou se rendrait coupable de pratiques non conformes à un "code" de bonne conduite à établir. Ces sanctions pourraient aller jusqu'au retrait d'agrément. Dans un tel système, les perliculteurs seraient libérés du souci de la commercialisation, qui n'est pas leur métier, et pourraient consacrer entièrement leurs efforts à l'amélioration de la qualité des perles. Ils conserveraient dans le même temps une saine liberté de choix vis-à-vis des divers négociants - grossistes entre lesquels régnerait une concurrence bénéfique au soutien des cours. 16

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Quant aux acheteurs, ils ne devraient plus être autorisés à traiter directement avec les producteurs, mais en contrepartie seraient assurés d'obtenir auprès des négociants agréés la garantie d'un service et d'une qualité contrôlés par les pouvoirs publics.

2. Les marchés : diversification urgente Actuellement, 80 % de nos exportations de perles sont destinées au Japon. Notre produit est par conséquent largement contrôlé par les Japonais. Il est indispensable de se libérer au plus vite de cette situation défavorable en diversifiant nos débouchés, d'une part, et, d'autre part, en développant nos exportations de perles travaillées. Les deux conditions sont du reste fortement liées. La réforme de notre système de commercialisation par la création, évoquée dans le paragraphe précédent, de maisons de commerce à Tahiti serait un facteur puissant de diversification des marchés. A l'heure actuelle, les grossistes perliers se trouvent au Japon et les acheteurs étrangers désireux de s'approvisionner en perles de Tahiti n'ont guère d'autre choix que de passer par eux. En créant nos propres maisons de commerce, nous leur offririons la possibilité de traiter directement en Polynésie française à leur avantage et au nôtre. De surcroît, n'oublions pas que si le tri des perles était effectué en Polynésie plutôt qu'au Japon, cela permettrait la création de plusieurs dizaines d'emplois qualifiés et la valorisation d'environ 50 % de nos exportations. (v. Annexe 2) Au mois de mai 1994, s'est tenue à Hawaii la première conférence-exposition mondiale entièrement consacrée à la perle. Par cette initiative, les Américains ont tenté de rassembler au sein de l'International Pearl Association tous ceux, producteurs, négociants et même détaillants qui, dans le monde, souhaitent mettre un terme au contrôle absolu que les Japonais exercent depuis toujours sur le marché international de la perle et du bijou en perle. De ce point de vue, la Polynésie française a tout intérêt à soutenir ce mouvement. Néanmoins, les marchés de substitution n'en sont encore qu'au stade virtuel et il n'est naturellement pas question de tourner subitement le dos à nos clients japonais. En réalité, nous sommes d'avis qu'il faut éviter de s'engager, de choisir son camp dans cette affaire. Jouons à fond la carte de l'insignifiance (comme nos concurrents les îles Cook savent si bien le faire). Faisons de notre faiblesse une arme pour obtenir des avantages sur les deux tableaux. Le seul intérêt qu'il soit important de défendre est celui de la perle de Tahiti. Soyons par conséquent opportunistes et tâchons d'être présents et d'avoir notre mot à dire partout où le sort de notre perle se joue. Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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Nous devons à tout prix garder le maximum de contrôle sur notre produit. D'énormes potentiels commerciaux existent dans un grand nombre de pays où la perle de Tahiti reste totalement méconnue. Il est donc indispensable de faire un effort de promotion et, simultanément, de développer l'industrie locale du bijou en perle de Tahiti. Comment, en effet, ouvrir de nouveaux marchés pour la perle de Tahiti si les utilisateurs potentiels de celle-ci, les bijoutiers, ignorent le produit, sa valeur et n'ont qu'une très faible idée de ce qu'on peut en faire. L'exemple de la France est à cet égard caractéristique.

3. La bijouterie : valeur ajoutée et création d'emplois Il est par conséquent crucial d'envisager l'ouverture de nouveaux débouchés pour des produits finis. La perle n'a, en effet, qu'une seule finalité: le bijou. La bijouterie est ce qui apporte une valeur ajoutée à la matière première. On estime qu'une perle travaillée accroit sa valeur d'environ 200 % et nous pensons qu'il serait possible, grâce à la bijouterie, d'augmenter de façon très importante la valeur de nos exportations. Sans oublier, bien sûr, les avantages douaniers accordés par de nombreux pays - et notamment l'Union européenne et les États-Unis - aux produits fabriqués en Polynésie française. L'industrie du bijou fournit du travail à des centaines de milliers de personnes dans le monde et le chiffre d'affaires généré par cette activité est considérable. Les Japonais l'ont, en tout cas, bien compris qui sont à la fois les premiers importateurs mondiaux de perles brutes - 71 % en 1992 - et les premiers exportateurs de bijoux en perle - 69,1 % la même année.(source Coeroli, Dépêche de Tahiti 17 mai 94). D'où l'importance de la création d'une véritable école de bijouterie à Tahiti. Cette structure permettrait de qualifier de jeunes Polynésiens dans un métier bien adapté à leurs qualités et à leurs aspirations. Elle pourrait en outre constituer le centre de création et de recherche sur le bijou en perle de Tahiti qui nous fait cruellement défaut. Évitons pour autant de former de futurs chômeurs. N'oublions pas que le marché local de la bijouterie est déjà largement saturé et que l'ouverture de débouchés extérieurs constitue le préalable indispensable au développement de la bijouterie polynésienne.

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4 - Le marketing : dissocier les différentes qualités de perles On estime entre 1,5 million et 2 millions le nombre de perles de Tahiti exportées chaque année. Mais, à l'heure actuelle, nul n'est véritablement en mesure, à plusieurs dizaines de milliers de perles près, de connaître le nombre de perles produites en Polynésie française en 1993 et, a fortiori, de prévoir quelles seront les quantités produites en 1994-95 ou 96. On ignore aussi très largement les cours réels de la perle de Tahiti. Les prix atteints au mois d'octobre lors de la vente aux enchères annuelle du GIE Poe Rava Nui font généralement référence, faute de mieux. Mais cette vente ne concerne qu'une faible partie de la production totale et ne reflète que les cours moyens du moment. Elle ne porte de surcroît que sur des perles déjà triées et valorisées par un travail d'expertise et de sélection. Voilà pourquoi le prix moyen de la perle à la vente aux enchères du GIE est considérablement supérieur au prix moyen de la perle habituellement offert aux producteurs. D'une manière générale, les statistiques concernant la perle de Tahiti, à tous les stades de la filière, sont très approximatives. Le marché n'est, à l'évidence, absolument pas contrôlé. Cette situation reflète malheureusement le flou déplorable qui règne dans la profession et qui contribue à dégrader l'image de notre produit. Il est donc prioritaire de mieux connaître les données du marché et surtout, d'établir enfin une classification claire et reconnue par tous de la perle de Tahiti. À partir de là, il sera ensuite possible de lancer une ambitieuse opération de marketing international destinée à revaloriser l'image de la perle de Tahiti. Parmi toutes les perles vendues à l'étranger, 20 % seulement sont d'excellente qualité soit environ 400 000 par an. Elles ont malheureusement tendance à être noyées dans la masse des autres perles de moindre qualité, voire de qualité médiocre, sur lesquelles la réputation de notre produit se fonde de plus en plus. Les clients qui pourraient payer très cher pour nos plus belles perles, ne sont-ils pas détournés d'elles par l'image de produit "cheap", bon marché, qui s'attache de plus en plus à la perle de Tahiti ? Pour éviter ce phénomène de banalisation, notre idée consiste à dissocier clairement les diverses qualités de perles en leur attribuant des appellations différentes correspondant à des critères bien définis. Prenons l'exemple du vin. Imagine-t-on un rayon de grande surface chargé de dizaines de bouteilles sur lesquelles figurerait la même étiquette toute simple Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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mentionnant le seul mot VIN sans qu'aucune différence ne puisse être faite entre grands crus et vins de table ? C'est un peu ce qui se produit avec la perle de Tahiti. Tout ce qui sort d'une nacre perlière a droit à l'appellation perle de Tahiti. Est-ce raisonnable ? Ne faudrait-il pas réserver cette appellation aux perles dignes de ce nom et qualifier les autres productions différemment ? Ou bien, au moins, donner aux diverses qualités de perles des appellations différentes. Tout l'effort de marketing de la perle de Tahiti pourrait alors porter sur la qualité supérieure à laquelle devrait s'attacher l'image d'un produit très haut de gamme, rare, beau et magique dont les possesseurs seraient considérés comme privilégiés. Les perles de qualité inférieure pourraient ensuite bénéficier des retombées positives de cette revalorisation du produit. Elles seraient vendues beaucoup moins cher mais en grande quantité par le biais d'autres circuits commerciaux. Quant aux produits concurrents, présents (Cook) ou à venir, ils seraient automatiquement assimilés à ces qualités moyennes.

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PROPOSITIONS POUR UN PLAN MARKETING DE LA PERLE DE TAHITI L'objectif principal de ce plan marketing doit être la revalorisation de l'image de la perle de Tahiti pour lui attacher l'aura de produit de luxe qui lui permettra de conquérir les marchés mondiaux et de maintenir les cours à un haut niveau. Dans ce but, nous suggérons de démarquer entièrement la perle de Tahiti de haute qualité, dont la Polynésie possède l'exclusivité mondiale, des qualités inférieures produites aussi bien dans le Territoire qu'à l'étranger. Pour cela, il est tout d'abord nécessaire de définir avec précision les caractéristiques de la "vraie" perle de Tahiti, puis de lui réserver une appellation spécifique - un label - laissant aux autres qualités, qu'elles soient domestiques ou étrangères, d'autres appellations plus générales.

LA PERLE DE TAHITI DOIT ETRE UN PRODUIT DE LUXE Toutes les perles produites en Polynésie française par la nacre Pinctada Margaritifera sont actuellement appelées "perles de Tahiti" ou "perles noires de culture de Tahiti". Parmi elles, on considère en moyenne que 20 % sont des produits de bonne qualité, 70% sont de qualité moyenne, et 10 % de mauvaise qualité en principe noncommercialisables. Ces dernières ne sont sans aucun doute pas dignes de porter le nom de perle de Tahiti et devraient être impérativement détruites ou, à la rigueur, utilisées à d'autres fins (médecine, recherche, artisanat, marketing, promotion touristique, etc). Les perles de grande qualité devraient, après expertise, être classées dans une catégorie d'appellation contrôlée "haute joaillerie". Quant aux perles de qualité moyenne, elles pourraient entrer dans une catégorie inférieure appelée "bijouterie". En terme de valeur, on peut envisager, compte tenu des conditions actuelles du marché mondial, que le prix moyen d'une perle de qualité "haute joaillerie" pourrait se situer aux alentours de 25 000 Fcfp (pour mémoire, le prix moyen d'une perle australienne exportée est de 50 000 Fcfp) et celui d'une perle de qualité "bijouterie" aux environs de 4 000 Fcfp ou peut-être un peu plus. Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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1 - Caractéristiques d'un produit de luxe Pour bien comprendre l'univers du luxe, il faut rappeler que les produits qui en font partie sont caractérisés par le bon goût et la recherche constante de la qualité. Selon M. Jean-Louis Dumas de la société Hermès et président du Comité Colbert, la qualité se nourrit de trois sources: la matière, le métier et le client. "Certes, explique M. Dumas, dans cette trilogie le client est le roi. Mais le vrai maître... c'est la qualité". Un produit de luxe doit être unique et ne pas pouvoir être confondu ou assimilé à un autre produit banalisé. Dans leur livre "La passion de l'excellence", les auteurs Peters et Austin écrivent: "Toutes les études et les observations arrivent à la même conclusion: ceux qui trouvent le moyen de différencier leur produit et produisent duhaut de gamme, sont tous gagnants à long terme" . Le client est toujours prêt à payer pour être mieux servi ou obtenir une qualité de produit supérieure. Les conditions nécessaires au positionnement "luxe" sont les suivantes: ! supériorité qualitative Par exemple une perle parfaite et sans défaut ! esthétique particulière La forme, la couleur, la féminité du produit ! prix élevé Le produit de luxe est avant tout un produit cher. Le prix élevé fait partie de la crédibilité du produit. Un produit recherché mais rare est toujours un produit cher. ! distribution sélective Une certaine rareté est nécessaire au processus de séduction du produit de luxe. Il faut toutefois prendre garde au risque de décourager. Le produit doit être tout de même accessible. ! marque, nom, image La marque, le nom et l'image doivent être considérés comme prestigieux pour habiller un produit de luxe. Attention toutefois à la qualité du produit qui doit rester constante pour soutenir l'image et l'appellation.

2 - La perle de Tahiti ne répond plus à ces conditions La perle de Tahiti est en quelque sorte victime de son succès. Avec une forte demande au cours des années 80, la production s'est rapidement accrue sans que l'on ressente le besoin de procéder aux études pourtant indispensables sur son développement futur. Au lieu de prendre une place spécifique sur le marché mondial, 22

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la perle de Tahiti s'est naturellement positionnée dans le circuit commercial déjà emprunté par les autres perles. Cette erreur est pour une large part à la source des graves problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Nous avons énuméré plus haut les conditions devant être remplies par un produit de luxe. Voyons si la perle de Tahiti peut encore prétendre faire partie de cette catégorie. ! Qualité : trop de perles sont de qualité médiocre. Ce phénomène est aggravé par l'arrivée de plus en plus massive des perles des Cook et, bientôt, d'autres pays producteurs du Pacifique. ! Esthétique : sa couleur était jusqu'à un passé récent la principale spécificité de la perle de Tahiti avec également sa taille. La couleur des perles produites aux îles Cook est désormais très semblable à celle de la perle de Tahiti. Ce critère n'est donc plus aussi important. Il reste en revanche le diamètre. La Polynésie française demeure le seul pays au monde à produire des perles noires de diamètre supérieur à 11 mm. ! Prix : l'augmentation de la production des perles, on l'a vu, a largement fait baisser leur prix (jusqu'à 50 % entre 1990 et 1992). Compte tenu d'une production sans cesse croissante et de la concurrence étrangère, ce mouvement de baisse des cours ne semble pas devoir s'arrêter. ! Nom, marque, image : l'arrivée sur le marché de la perle des îles Cook, appelée perle noire de culture des Cook, a provoqué une banalisation de la perle noire de Tahiti. Celle-ci devient en effet de plus en plus un produit assimilé à un produit semblable obtenu dans un autre pays. Il faut bien se rendre à l'évidence et admettre que, désormais, la perle de Tahiti n'est plus un objet de luxe.

3 - Repositionner la perle de Tahiti Pour revaloriser l'image et la réputation de notre perle, il est impératif de lui redonner les moyens de remplir à nouveau les conditions lui permettant de réintégrer le club fermé des produits de luxe.

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! Qualité :

nous suggérons d'établir trois niveaux de qualité - le label "haute

joaillerie" pour les perles parfaites, le label "bijouterie" pour les perles de qualité moyenne, les perles de qualité inférieure étant utilisées à d'autres fins que la bijouterie ou purement et simplement détruites (avec, autant que possible, un écho médiatique) ! Marque, nom, image : il nous semble possible de démarquer nos perles haut de gamme des perles de qualité commune (produites en Polynésie ou à l'étranger) pour leur offrir une nouvelle carrière. Cela nous permettrait de mieux connaître les divers circuits de distribution, de mieux contrôler l'évolution du marché et des cours. Naturellement, les critères de qualification des perles doivent être très précis, très stricts et suffisamment exigeants. Plusieurs avantages découleraient de cette hiérarchisation de nos perles en trois niveaux distincts : ! le produit reconnu de qualité supérieure serait fortement réévalué ; ! la quantité de perles commercialisées serait réduite de l'ensemble des perles de qualité inférieure entraînant ainsi un soutien des cours ; ! la perle de Tahiti, haute joaillerie, serait démarquée de ses concurrentes étrangères qui n'atteignent pas ce niveau de qualité ! les perliculteurs seraient incités à toujours produire des perles de meilleure qualité

DÉFINIR UNE IMAGE DE MARQUE, ÉVITER LES ASSIMILATIONS ABUSIVES Tout le plan marketing que nous proposons repose sur l'image souhaitée d'une perle de Tahiti haut de gamme, véritable objet de luxe, rare et exclusif. Il est par conséquent nécessaire de fixer de façon très stricte les critères auxquels la perle devra répondre pour obtenir le label "haute joaillerie" (ou toute autre appellation mieux adaptée encore à notre plan marketing - nous proposons par exemple la "Pomare", "Princesse des lagons" ce qui donnerait en anglais "Pomare Pearl" et "Lagoon Princess"). L'objectif est de classer dans cette catégorie, les perles que l'on ne sait produire qu'en Polynésie française et dont le Territoire possède par conséquent l'exclusivité mondiale. Environ 20 % de la production polynésienne doit pouvoir prétendre à ce label de qualité. 24

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Il est à ce titre intéressant de comparer ce qui existe sur le marché de la perle blanche. A chaque produit correspond un produit d'imitation cherchant à supplanter le produit original. Ainsi, la perle akoya japonaise est concurrencée par une perle chinoise de même type, bon marché et produite en grande quantité mais de qualité jusqu'ici inférieure. Ainsi, la South Sea Pearl australienne est elle même concurrencée par une perle similaire, produite en Indonésie, mais, tout comme la perle chinoise, de qualité moindre. De même, la perle de Tahiti devrait rester l'étalon, le nec plus ultra, la référence en matière de perle noire et laisser à ses concurrentes directes des Cook ou d'ailleurs, le rôle de challenger.

ASSIMILATION DES APPELLATIONS Perle akoya du Japon......... South Sea Pearl d'Australie...... Perle noire de Tahiti.......

Perle de Chine South Sea Pearl d'Indonésie Perle noire des îles Cook

Il existe à l'évidence un risque d'assimilation dans l'esprit du public et parfois même des professionnels entre la perle originale et son concurrent. Pourtant, assimiler des produits obtenus, certes à partir de la même nacre, mais sur des sites différents, grâce à des techniques différentes et par d'autres personnes, relève de l'absurdité. Pour reprendre l'exemple des vins déjà utilisé plus haut, ce serait comme assimiler un grand bordeaux à un autre vin obtenu à partir du même cépage mais dans un autre pays, sur un autre terroir, par des professionnels à l'expérience sans commune mesure. Ce serait d'une manière générale assimiler les imitations voire même les contrefaçons à l'objet de luxe ou de marque reconnu. C'est ce genre d'assimilation contre lequel il faut absolument lutter et, pour cela, il est indispensable de définir et de protéger notre marque.

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LES CRITÈRES DE QUALITÉ DU LABEL "HAUTE JOAILLERIE" Seules pourraient obtenir le label "haute joaillerie", les perles répondant à des critères de qualité très stricts et sévèrement contrôlés. C'est à cette condition seulement que la perle de Tahiti pourra gagner la confiance des acheteurs et se positionner comme un objet de luxe. Ces critères doivent en réalité définir la perle qui ne peut actuellement être obtenue qu'en Polynésie française et par conséquent bénéficier ensuite d'un marketing associé à l'image de marque paradisiaque de notre pays. Taille La Polynésie française est aujourd'hui le seul pays au monde à produire des perles noires de plus de 11 mm de diamètre. Les Japonais produisent des perles noires naturelles ou teintées ne dépassant pas 9 mm. Les îles Cook obtiennent des perles noires un peu plus grosses mais dépassant rarement les 11 mm. La perle de Tahiti "Pomare" ou "haute joaillerie" doit par conséquent avoir un diamètre minimum de 11 mm. Forme Le label "haute joaillerie" doit être réservé aux formes pures. Elles pourraient être rondes, bien sûr, mais également semi rondes, ovales ou en poire. Couleur La couleur d'une perle prétendant au label devrait correspondre à l'image que l'on souhaitera donner à ce label. Par exemple, si l'on décide de l'associer au mythe polynésien et aux lagons, les couleurs turquoises ou vertes irisées pourraient être privilégiées. En tout état de cause, cette caractéristique de la couleur est sûrement la moins limitée. Lustre Le lustre d'une perle de Tahiti "haute joaillerie" devrait être parfait et non artificiellement fabriqué (pâte à polir). Seul un lustrage au gros sel et au tonneau empli de morceaux de bambou devrait être autorisé. Surface Le label doit être réservé aux perles n'ayant pas de défaut de surface, ou au maximum un à deux défauts et pouvant être utilisées en joaillerie ou en bijouterie de luxe. 26

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Qualité de la couche nacrière L'épaisseur et la bonne formation de la couche nacrière est également un critère de qualité à prendre en compte (c'est naturellement aussi le cas pour les autres qualités de perles exportées)

UN MARKETING FONDÉ SUR LE LABEL "HAUTE JOAILLERIE"

1. Le positionnement Avant d'aller plus avant dans l'exposition de notre projet marketing, il est important de rappeler quelques principes de base de l'univers du luxe. "Le rêve d'abord" Dans le processus de séduction des produits de luxe, faire rêver est indispensable "Une publicité élitiste" Une telle promotion doit être capable de provoquer l'effort financier de clients au pouvoir d'achat moyen désireux de faire partie de l'élite. "Le snobisme" Le soutien d'un certain snobisme participe à l'entretien de la magie autour d'un produit de luxe et précipite son processus de séduction "La reconnaissance internationale" C'est la clé du succès pour notre perle La publicité internationale de la perle de Tahiti haut de gamme, comme celle de toute marque de prestige doit être, plus que toute autre cohérente et unitaire afin de ne pas en altérer la magie originelle. Le bon message pour cette perle doit être une sorte d'"auberge espagnole" où, face à un visuel très dépouillé, chacun doit pouvoir superposer ses rêves et ses fantasmes. L'importance du service "avant-vente" (présentation, ambiance de rêve, image, etc) conditionne totalement l'entrée de notre perle de Tahiti dans le monde du luxe. Quelques mots-clés évoquent ce dernier : rêve, séduction, récompense, club, connaisseur, etc. La communication sur la perle de Tahiti doit jouer sur ce registre. Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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2. Les médias Le premier facteur à prendre en compte pour élaborer la communication de notre produit de luxe, la perle de Tahiti, c'est que la cible des consommateurs actuels ou potentiels est quantitativement assez étroite et qualitativement "éduquée". Il en résulte que le choix des supports médiatiques pour la promotion du produit doit être extrêmement sélectif et minutieux. La conception du message doit tenir compte du fait qu'il s'adresse à un public très exigeant et difficile à émouvoir. Les magazines haut de gamme restent en tout état de cause les médias les plus appropriés à notre objectif.

3. Le budget Tous les experts s'accordent sur ce point, le lancement d'un produit de luxe suppose des investissements de communication considérables. Dans une situation d'entretien de l'image, on estime généralement à 6 % du chiffre d'affaires des entreprises du luxe, le minimum vital du montant des investissements. Ce taux peut même aller jusqu'à 15 % dans le cas des parfums, "industrie lourde" du luxe. Cela signifie, en ce qui concerne la perle de Tahiti haute joaillerie dont le chiffre d'affaires annuel pourrait tourner aux alentours de 10 milliards de Fcfp (v. plus loin) qu'il faudrait investir chaque année environ 600 millions de Fcfp en promotion internationale. Ce chiffre est du reste à rapprocher du budget de 613 millions de Fcfp consacré par le Territoire en 1994 à la promotion du tourisme, l'autre principale richesse de notre pays. Nous sommes évidemment très loin du compte aujourd'hui.

4. L'appellation d'origine contrôlée Une appellation d'origine contrôlée "produit de Tahiti" aurait bien sûr pour la perle, les avantages déjà obtenus par le monoï mais à un niveau considérablement plus élevé. Elle garantirait l'association de notre perle à l'image mythique de la Polynésie. La perle de Tahiti devient de plus en plus le symbole de notre pays. Il est temps d'officialiser ce phénomène. La perle de Tahiti représente avec élégance et raffinement l'eau cristalline des lagons, les couchers de soleil multicolores, les arcs en ciel, la beauté, le calme, la douceur et la féminité toutes caractéristiques dont nous avons la chance qu'elles s'attachent à l'image de la Polynésie française. Ceci est la zone de compétence mondialement reconnue à notre pays, son talent propre. Il ne faut jamais en sortir. (v. toutefois en annexe les problèmes relatifs à la protection de la perle de Tahiti- M. Coeroli 1991) 28

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5. Le pouvoir et le vouloir d'achat Les produits de luxe ne sont pas nécessaires à la vie au sens pratique du terme. Ils lui apportent toutefois la part de rêve souvent indispensable. La décision d'achat d'un produit de luxe est un phénomène irrationnel d'inversion de sélection des biens par le consommateur. On peut ainsi opposer pouvoir d'achat et vouloir d'achat. Ce dernier doit être provoqué par des techniques de séduction reposant sur une communication adaptée (v. plus haut). Enfin, à l'intérieur même de ce vouloir d'achat, se déplace la notion de "prix acceptable" ou plutôt de "prix accepté".

6. La distribution : insister sur la rareté Pour réussir, le processus de séduction doit comporter une certaine difficulté d'approche. Mais celle-ci ne doit être que relative et ne pas trop se prolonger. Le mot-clé de la distribution des produits de luxe est: sélectivité. Il faut trouver le juste équilibre entre la rareté qui décourage et la profusion qui banalise, voire qui écoeure. On le constate actuellement dans le négoce de la perle de Tahiti ou dans le commerce de bijoux à base de perle, une trop grande quantité de perles sur le marché a fait chuter l'intérêt des commerçants pour le produit en raison d'une concurrence effrénée entraînant des pratiques commerciales dramatiques pour l'image de la perle (mauvaise exposition, braderie, parfois même dénigrement)

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APPROCHE BUDGÉTAIRE

On peut d'ores et déjà envisager les conséquences financières et budgétaires d'une hiérarchisation des perles de Tahiti et évoquer les équilibres indispensables à une bonne acceptation de ce système par les producteurs.

RÉÉVALUATION DES PERLES EN FONCTION DE LEUR QUALITÉ Actuellement, pour 1,5 millions de perles par an, le prix moyen de la perle de Tahiti exportée, toutes qualités confondues, s'établit aux alentours de 5 200 Fcfp. Une revalorisation de la perle de haute qualité selon les méthodes proposées plus haut devrait permettre de fixer son prix à environ 25 000 Fcfp en moyenne. On considère généralement que 20 % de nos exportations pourraient remplir les conditions d'attribution d'un label de qualité supérieure, soit 400 000 perles approximativement (sur la base de 2 millions de perles produites par an, un chiffre qui devrait correspondre à peu de choses près à la production des années 1995 - 1996). La valeur de ces 20 % pourrait donc représenter 10 milliards de Fcfp soit, à elles seules, 2,3 milliards de Fcfp de plus que l'ensemble de nos exportations de 1993. Quant aux perles de qualité moyenne, qui représentent au total 70 % de nos exportations soit environ 1 400 000 perles par an, elles pourraient être estimées aux alentours de 4 000 Fcfp/pièce pour une valeur totale de 5,6 milliards de Fcfp. Dans cette approche, nos exportations de perles de Tahiti pourraient rapporter 15,6 milliards de Fcfp dès 1995 ou 1996 (un doublement par rapport à 1993). C'est en tout cas l'objectif que nous devons nous fixer et il est commercialement très réaliste.

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ESTIMATION DES COÛTS 1. La promotion internationale On l'a vu plus haut, le budget de la promotion internationale de la perle de Tahiti, comme de tout produit de luxe, ne devrait pas être inférieur à 6 % du chiffre d'affaires total des exportations soit 936 millions de Fcfp. Nous pouvons cependant penser que 500 millions de Fcfp constitueraient déjà un investissement conséquent à même d'induire des résultats très positifs pour peu qu'il soit utilisé avec soin, cohérence et de façon régulière pendant les trois premières années au moins.

2. Le Fonds de soutien de la qualité La préservation de l'équilibre commercial de la perle de Tahiti exige le retrait des circuits de distribution, pour défaut de qualité, d'environ 10 % de la production total. Ces 200 000 perles non-commercialisables devraient être, nous l'avons vu, détruites ou utilisées à des fins annexes. Il est toutefois nécessaire, parallèlement, de préserver un autre équilibre tout aussi crucial: la situation socio-économique de l'archipel des Tuamotu-Gambier. Nous suggérons donc que ces perles de mauvaise qualité, ne pouvant prétendre à aucun label d'exportation, soient achetées à un prix déterminé à l'avance par un Fonds de soutien de la qualité. Cela permettrait de compenser au moins partiellement les coûts de production de ces perles de rebut et de garantir aux habitants des TuamotuGambier une ressource minimale grâce à la perliculture. Le coût de cette opération doit rester cependant raisonnable pour la collectivité et le prix offert pour les perles non-commercialisables ne doit en aucune manière décourager les producteurs, en particulier les plus petits d'entre eux, de rechercher la qualité. Nous estimons à 1 000 Fcfp le prix forfaitaire auquel ces perles de rebut pourraient être acquises par le Fonds de soutien de la qualité. Soit pour 200 000 perles, un budget annuel de 200 millions de Fcfp. (v. Annexe 4)

3. Le Bureau des Appellations Contrôlées (B.A.C.) L'ensemble du système que nous proposons repose sur le principe d'un contrôle neutre et impartial de la qualité des perles avant leur exportation. Cette mission, ainsi que la délivrance des labels, devrait être confiée à un Bureau des Appellations Contrôlées qui serait également chargé de la gestion du Fonds de soutien de la qualité. 32

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On peut évaluer à environ 50 millions de Fcfp le budget de fonctionnement annuel de ce BAC. (v. Annexe 3)

4. Aides diverses Il serait bon de prévoir, enfin, des crédits annuels d'un montant de 150 millions environ pouvant financer de façon régulière certaines aides aux exportations ou à la recherche (études sur la bijouterie par exemple). Le total des dépenses de contrôle de la qualité et de promotion internationale de la perle de Tahiti pourrait donc être de 900 millions de Fcfp par an soit 5,77 % de la valeur des exportations revalorisées.

RÉFLEXIONS SUR LA FISCALITÉ : JUSTICE D'ABORD Dégager moins de 6 % de la valeur totale des exportations de perles de Tahiti pour financer un système susceptible de doubler cette valeur tout en préservant les équilibres socio-économiques des Tuamotu est loin d'être un objectif utopique. Il nous semble toutefois indispensable que le schéma de taxation à mettre en place pour atteindre cet objectif repose sur des principes de justice sociale. En 1994, la production perlière en Polynésie française se répartit ainsi: - 60 % par quelques sociétés très importantes - 20 % par des sociétés petites et moyennes - 20 % par des coopératives et société familiales regroupées au sein du GIE Poe Rava Nui. Il est généralement admis que les grosses sociétés productrices approchent une rentabilité financière de 30 % alors que celle des entreprises familiales est le plus souvent dix fois moindre. Il serait par conséquent normal que ceux qui profitent autant des biens collectifs (lagons) contribuent dans une certaine mesure à la qualité de la vie des plus petits.

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1. La taxation sur le poids est défavorable aux petits exploitants La taxe d'exportation sur les perles de Tahiti est actuellement fondée sur le poids. Le taux en est de 140 Fcfp/gr. Ce nouveau système de taxation, en vigueur depuis le 1er janvier 1994, remplace l'ancienne taxe de 2,5 % sur la valeur déclarée des exportations. Cette modification, présentée comme une mesure destinée à freiner les exportations de perles de mauvaise qualité a eu en fait comme principal résultat d'accroître les recettes fiscales du Territoire. Ainsi, en 1993, la taxe de 2,5 % sur la valeur des exportations a rapporté 192,5 millions de Fcfp. Sur la même base de calcul (2,1 tonnes de perles pour une valeur de 7,7 milliards de Fcfp), la nouvelle taxe sur le poids aurait rapporté 294 millions de Fcfp soit un accroissement des recettes de 52,7 %. Second élément positif de la nouvelle méthode de taxation, une approche plus réaliste des exportations de perles de Tahiti. La taxation sur la valeur avait en effet pour effet d'entraîner quelques dérapages dans les déclarations effectuées par les exportateurs. Mais, en revanche, la taxe sur le poids a l'inconvénient de pénaliser très fortement les petits exploitants qui subissent la modification de plein fouet. Prenons ainsi l'exemple d'une perle de 1,5 g valant 2 000 Fcfp (un cas de figure très fréquent dans les récoltes des petits producteurs). L'ancienne taxe s'élevait à 2,5 % de 2 000 F soit 50 F; la nouvelle taxe est désormais de 140 x 1,5 soit 210 F ou 10,5 % en augmentation de plus de 300 %. On voit donc bien que ce sont surtout les petits exploitants qui font les frais d'une réforme fiscale socialement injuste. Enfin, on peut raisonnablement douter que cette fiscalité puisse atteindre son objectif de réduire les exportations de perles de mauvaise qualité. On sait en effet que le marché local est totalement saturé et incapable d'absorber les centaines de milliers de perles produites chaque année par les petits producteurs. En conséquence, même pour un profit amputé, l'exportation demeure le seul débouché commercial possible. Ce système risque finalement, au contraire, d'accentuer le mouvement de baisse des cours de la perle de Tahiti sur les marchés extérieurs.

2. Nécessité d'une taxe sur l'exportation des perles de qualité À l'inverse, l'instauration d'une taxe sur les perles de bonne qualité n'aurait qu'une faible incidence sur leur prix de vente. Elle ne perturberait pas la demande et contribuerait à limiter la commercialisation de perles de qualité "moyenne basse" (c'està-dire celles qui pourraient prétendre au label export mais à la limite du rejet). Ce 34

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marché, bien que fortement dévalorisant pour l'image de la perle de Tahiti en général, existe bel et bien et la demande pour des perles de qualité inférieure est réelle. Ceci étant, puisque le concept d'une taxation des exportations de perles fondée sur le poids est aujourd'hui admise, maintenons-le. Nous proposons toutefois une modulation de cette fiscalité sur le poids des perles en fonction de leur label de qualité. Les gros exploitants dont le taux de réussite est largement supérieur à celui obtenu par les petits et moyens producteurs seraient de ce fait taxés en proportion. Cela participerait de la justice fiscale dont nous recommandons le principe et qui aiderait à créer un consensus autour des réformes.

Voici donc concrètement ce que nous suggérons : En posant comme préalable que le Territoire souhaite naturellement conserver les recettes fiscales dont il dispose à l'heure actuelle, la taxe sur l'exportation des perles fixée à 140 Fcfp/gr serait maintenue sur l'ensemble des perles exportées. Quant aux 900 millions nécessaires au financement des mesures que nous préconisons, ils pourraient être obtenus par la création d'une nouvelle taxe, parafiscale celle-ci, c'est-à-dire affectée, dont le montant serait fonction du label des perles exportées. Notre base de calcul est de 2 millions de perles produites par an. A raison d'environ 1,5 gr/perle, le poids total des exportations atteindrait donc 2,7 tonnes (déduction faite d'un rebut de 10 %) . Ce chiffre se répartit entre la qualité "bijouterie" - 70 % ou 2,1 t - et la qualité "haute joaillerie" - 20 % ou 600 kg. Nous proposons de fixer à 90 Fcfp/gr la taxe parafiscale portant sur les perles de qualité "bijouterie" et à 1 200 Fcfp/gr celle de la qualité "haute joaillerie". Une perle de qualité "bijouterie" cotée en moyenne à 4 000 Fcfp, serait donc taxée à 135 Fcfp soit 3,375 %. Pour les perles de qualité supérieure, cotées à 25 000 Fcfp en moyenne, la taxe serait de 1 800 Fcfp/perle soit 7,2 %. Le total des recettes fiscales de la qualité "bijouterie" serait donc de: 2 100 000 x 90 = 189 millions de Fcfp Les recettes fiscales prélevées sur la qualité "haute joaillerie" seraient de: 600 000 x 1 200 = 720 millions de Fcfp. Propositions pour la perle de Tahiti – Juillet 1994

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Au total (taxe territoriale + taxe parafiscale), la fiscalité frappant les exportations de qualité "bijouterie" serait de 230 Fcfp/gr soit un taux moyen de 8,62 % tandis que les exportations de perles de qualité "haute joaillerie" seraient taxées à 1 340 Fcfp/gr soit un taux moyen de 8,02 %. Il peut certes sembler paradoxal de vouloir taxer nos meilleures exportations au risque de les pénaliser et de les freiner. La logique commerciale conduit plutôt les pays exportateurs à soutenir, voire à subventionner, leurs ventes à l'étranger. N'oublions pas, néanmoins, que nous détenons le monopole mondial des meilleures qualités de perles noires. Une taxation raisonnable n'aurait donc, selon nous, que très peu d'influence sur la commercialisation d'un tel produit haut de gamme. Nous pensons, de toute manière, n'avoir aucune alternative pour dégager les ressources indispensables à la réorganisation, au contrôle et à la promotion de la filière perle en Polynésie française. C'est à la profession tout entière de consentir ce sacrifice pour éviter la faillite. Une condition absolue, toutefois, à l'acceptation de ce sacrifice par l'ensemble des intervenants gros et petits: que l'intégralité des taxes supplémentaires soit affectée au bénéfice de la profession dans l'intérêt général de celle-ci.

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CONCLUSION "La perle de Tahiti doit conquérir le monde"

Tel était le slogan servant de fil conducteur à la participation du groupe Sibani Perles aux premières Journées internationales de la Perle de Tahiti. Nous avions choisi ce thème car nous sommes convaincus que la Polynésie française dispose d'un produit au potentiel fabuleux susceptible d'être à l'avenir célèbre dans le monde entier. L'ennui est que, par défaut d'organisation et de moyens, ce précieux atout court aujourd'hui de grands dangers. Il est par conséquent urgent de mettre en place les réformes indispensables pour enrayer la chute des cours qui met en cause à la fois la crédibilité de la perle de Tahiti et, très directement, la survie de centaines de petites et moyennes exploitations menaçant, d'une manière plus générale, l'équilibre socioéconomique de l'archipel des Tuamotu-Gambier. •

Déterminer rapidement des critères de classification et de qualité reconnus et

sévèrement contrôlés; Réglementer le négoce et les exportations de manière à mettre sur le marché mondial une perle digne de ce nom, capable de véhiculer le mythe polynésien de la beauté et du rêve;

• • •

Autant que possible accroître sa valeur par le développement prudent mais résolu d'une industrie bijoutière locale innovatrice et créatrice d'emplois; Procéder avec les moyens nécessaires à une promotion internationale bien conçue et correctement ciblée; Faire en sorte que les petits exploitants puissent continuer à travailler dans des conditions acceptables en améliorant sans cesse la qualité de leurs produits; Tels sont les points forts de nos propositions.

La Polynésie française a parfaitement compris la nécessité d'un marketing spécifique de ses ressources et a déjà prouvé depuis longtemps ses capacités à financer de telles opérations en consacrant chaque année un budget d'environ un milliard de Fcfp à la promotion du tourisme. Il faut à présent trouver des financements pour assurer de la même manière la promotion de la perle sur les marchés mondiaux, le contrôle de sa qualité et le soutien indispensable aux petits producteurs menacés dans leur existence même par une restructuration du marché.

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Ces financements doivent être obtenus en grande partie auprès des grosses exploitations dont l'opinion publique comprend de plus en plus mal qu'elles échappent pratiquement à toute fiscalité alors qu'elles réalisent des profits considérables qui seraient, de surcroît, augmentés par la revalorisation du produit que nous préconisons. Nous avons vu, tout au long du présent rapport, l'importance du négoce et de la bijouterie dans le développement de la perle. Nous conclurons donc en espérant naturellement que nos propositions contribueront au redressement de la perle de Tahiti et à son développement. Nous faisons le vœu que, quelles que soient les décisions du pouvoir politique, elles puissent être mises en œuvre d'urgence sous la responsabilité d'une structure rassemblant l'ensemble des partenaires de la filière, c'est-à-dire non seulement le Territoire et les producteurs, comme c'est actuellement le cas, mais également les négociants et les bijoutiers. Chaque maillon de la chaîne est indispensable à la solidité de celle-ci et doit apporter son soutien au progrès et à la croissance de l'ensemble.

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Annexe 1 BUDGETS : RÉCAPITULATIF

Exportation totale de perles de Tahiti en 1993 (en nombre d'unités) 1 500 000 Valeur totale (en Fcfp) 7 700 000 000 Base de calcul (nombre estimé de perles produites en 1995-1996) 2 000 000 Répartition par qualité et valeur potentielle des exportations (en Fcfp après revalorisation) ! haute joaillerie - "Pomare" (20 %) ! bijouterie (70 %)

400 000 perles à 25 000 F 1 400 000 perles à 4 000 F

! rebut (10 %)

200 000 perles à 0 F

Total valeur exportations revalorisées Taxe parafiscale au taux moyen de 5,77 % ! Sur les produits "bijouterie" Recettes estimées (pour 2,1 t) ! Sur les produits "haute joaillerie" ou "Pomare" Recettes estimées (pour 600 kg)

10 000 000 000 5 600 000 000 0 15 600 000 000

soit

900 000 000 90 Fcfp/gr 189 000 000 1 200 Fcfp/gr 720 000 000 …/… 39


Répartition du produit des taxes (par masses) ! Financement du Bureau des Appellations Contrôlées ! Financement de la promotion et du marketing international ! Financement d'un Fonds de soutien à la qualité

50 000 000 500 000 000 200 000 000

! Divers (aides aux exportations, recherche, etc)

150 000 000

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Annexe 2 LES MAISONS DE COMMERCE AGRÉÉES Trier et sélectionner nos perles brutes en Polynésie française permettrait déjà de valoriser nos exportations de 50 % et de créer environ 70 emplois permanents qualifiés Nous avons proposé dans notre rapport la création de plusieurs maisons de commerce privées, officiellement agréées par les autorités territoriales pour le négoce et l'exportation des perles de Tahiti. Nous estimons que leur nombre optimum pourrait être d'une vingtaine. Leur rôle consisterait à gérer la commercialisation de l'ensemble de la production perlière polynésienne au moins sur les marchés extérieurs. Elles devraient être le point de passage obligé de tout acheteur étranger qui ne devrait pas pouvoir importer de perles de Tahiti sans un document remis par l'une de ces maisons de commerce. La tâche de ces négociants - grossistes est essentielle dans le système de commercialisation et de fixation des prix. Il leur revient de servir d'intermédiaire entre le producteur et l'acheteur final en remplissant les tâches suivantes: - expertise - classification et sélection des perles selon leur qualité - fixation du prix et achat (avance du prix des perles classées "rebut") - valorisation des lots - contrôle des marchés - régulation des cours - connaissance et identification des sources de production .../... 41


Il est important de souligner que si les lots de perles étaient triés et classifiés en Polynésie française en fonction des besoins de la bijouterie - ce qui est actuellement effectué hors Territoire notamment au Japon - nos exportations pourraient être valorisées de 50 % environ soit 3,850 milliards de Fcfp pour 1993. La valeur totale des exportations perlières polynésiennes de l'année 1993 aurait pu ainsi passer de 7,7 à 11,55 milliards de Fcfp. Le transfert des opérations de tri dans le Territoire permettrait en outre la création de quelque 70 emplois qualifiés qui renforceraient notre structure technique et nôtre maîtrise de la distribution du produit.

POURQUOI CETTE AUGMENTATION DE 50 % ? La réponse à cette question apparaît évidente à l'analyse du système de distribution de la perle à l'échelle mondiale. Considérons les intérêts de chacun des intervenants actuels de la filière: 1. Le perliculteur Le producteur, de la grosse société au petit exploitant, n'a qu'un seul souci: vendre sa récolte au meilleur prix. Il ignore tout des besoins de la bijouterie et, de toute manière, ne souhaite pas alourdir sa gestion par de nouvelles charges pour le recrutement et la formation de spécialistes du tri des perles. Il ne souhaite pas, en outre, déplaire à ses clients traditionnels (japonais dans la plupart des cas) qui font d'énormes plus-values grâce à ce travail de sélection. 2. L'acheteur grossiste Une seule philosophie pour l'acheteur de perles: payer le moins cher possible pour un profit maximum. Sur ce point, il faut bien reconnaître que nous lui facilitons grandement la tâche. L'acheteur étranger fait le plus souvent lui-même "ses courses" dans les îles auprès des producteurs, sous-enchérissant systématiquement les lots qu'on lui propose. Les producteurs étant tous contraints de vendre leur récolte (l'importance des investissements leur crée des contraintes financières énormes) et n'ayant absolument aucune idée de la réelle valeur de leur produit, acceptent les bas prix qu'on leur offre en vertu de l'adage populaire "mieux vaut tenir que courir".

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.../... En ce qui concerne les grosses sociétés, la totalité de la production est généralement exportée à l'état brut, l'expertise et l'évaluation des perles étant effectuée hors Territoire par le client. Les gros producteurs n'ont par conséquent qu'une idée relative de la valeur de leurs exportations. Dans la pratique, une valeur moyenne par perle est généralement négociée chaque année entre le gros producteur et son acheteur (c'est au reste ce dernier qui impose le plus souvent son prix). La valorisation d'une récolte exige des connaissances et dépend de facteurs que même les acheteurs – grossistes étrangers ne maîtrisent pas parfaitement. Ils ont par conséquent l'habitude de prendre de confortables marges de sécurité, sous-évaluant systématiquement les lots des producteurs pour éviter les risques commerciaux. L'acheteur en déplacement en Polynésie française n'a, de surcroît, pas le temps de procéder sur place à une évaluation précise et préfère, là encore, sous-évaluer les lots pour écarter toute déconvenue. Enfin, troisième facteur de sous-évaluation des lots bruts, ceux-ci sont composés de perles très disparates nécessitant une structure commerciale extrêmement spécialisée et par conséquent maîtrisée par quelques rares entreprises de négoce qui font la loi sur le marché. Les acheteurs intervenant en aval de la filière, les bijoutiers grossistes susceptibles de payer beaucoup plus cher pour les produits dont ils ont besoin, sont de facto écartés de notre système actuel de commercialisation.

EXEMPLES DE VALORISATION DES PERLES DE TAHITI À l'heure actuelle, il existe en Polynésie française deux structures commerciales valorisant les lots de perles sur place avant exportation. - Le GIE Poe Rava Nui pour sa vente aux enchères annuelle - Le groupe Sibani Perles Les perles proposées au mois d'octobre à la vente aux enchères du GIE Poe Rava Nui et celles que le groupe Sibani Perles expose depuis trois ans dans les salons professionnels mondiaux, ont une valeur très supérieure à la moyenne générale des exportations polynésiennes (le prix moyen d'une perle du GIE était de 10 596 Fcfp en octobre 1993 contre seulement 5 200 Fcfp environ sur l'ensemble des exportations 1993). La qualité globale des perles n'est pas en cause. C'est simplement que les lots mis en vente contiennent des perles déjà valorisées (triées et classifiées en fonction des besoins du client "utilisateur" - fabriquant industriel ou même bijoutier détaillant). .../... 43


Il est par conséquent urgent d'organiser la profession de négociant en Polynésie française. Cela permettra d'ouvrir notre marché à une clientèle plus large prête à payer notre produit plus cher. Nous subissons pour le moment un système dans lequel une petite quantité d'acheteurs détient le pouvoir de fixer les prix face à une multitude de producteurs. Pourquoi ne pas passer, au contraire, à un autre système dans lequel une plus grande quantité d'acheteurs entreraient en concurrence face à un nombre limité de maisons de commerce locales. Le pouvoir sur les cours serait alors largement transféré au profit de notre pays. En résumé, reprenons la maîtrise commerciale de notre produit et conservons pour la Polynésie française les 3,85 milliards de Fcfp actuellement offerts aux acheteurs étrangers.

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Annexe 3 LE BUREAU DES APPELLATIONS CONTROLEES (B.A.C.)

Son rôle est d'abord de contrôler la classification des perles établie par les diverses maisons de commerce avant leur mise sur le marché. Il est chargé de délivrer les certificats et labels pour les qualités export "haute joaillerie" ou "Pomare - Princesse des Lagons" (20 % de la production) et "bijouterie" ou "Perle de Tahiti" (70 % de la production). Les perles lui sont exclusivement confiées par les maisons de commerce agréées. Après contrôle et délivrance des labels, les perles sont retournées certifiées aux grossistes pour commercialisation. Le BAC est également chargé de la gestion du Fonds de soutien de la qualité. Pour cela, il centralise les perles classées "rebut", payées d'avance aux producteurs par les négociants au prix de 1 000 Fcfp l'unité et, après contrôle, rembourse ceux-ci. Le BAC garantit ensuite la destruction de ces perles non commercialisables à moins qu'il ne leur trouve une utilisation annexe non susceptible d'influencer les cours de la perle (médecine, recherche, promotion, artisanat, etc). Budget de fonctionnement approximatif du BAC

50 000 000 Fcfp

RESSOURCES Prélevées sur le produit des taxes assises sur l'exportation des perles de qualité "bijouterie" et "haute joaillerie". (v. Rapport - 4ème partie "Approche budgétaire")

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Annexe 4 LE FONDS DE SOUTIEN DE LA QUALITÉ

Il a pour principal objectif le rachat des perles ne pouvant obtenir un label export et, par conséquent, classées dans la catégorie "rebut" par le Bureau des Appellations contrôlées soit environ 10 % de la production polynésienne totale (approximativement 200 000 perles). Ce Fonds de soutien permet d'apporter une aide substantielle aux producteurs en leur achetant leurs perles sans valeur à un prix fixé aux alentours de 1 000 F l'unité. Ce type de perles de qualité inférieure est surtout produit par les petits exploitants. Le Fonds de soutien de la qualité contribue par conséquent à la préservation de l'équilibre socio-économique de l'archipel des Tuamotu-Gambier. Il permet de retirer du marché local et mondial un grand nombre de perles de mauvaise qualité qui dévalorisent l'image du produit et participent à la chute des cours.

FONCTIONNEMENT La gestion de ce Fonds de soutien est confiée au Bureau des Appellations contrôlées. Les perles sont vendues par les producteurs aux maisons de commerce qui les trient et les expertisent avant de les faire contrôler par le BAC. Celui-ci délivre les certificats et labels de qualité et rembourse les négociants du montant avancé pour les perles de "rebut".

BUDGET Le budget de ce Fonds de soutien de la qualité s'établit à environ 200 millions de Fcfp destinés à l'achat de 200 000 perles de qualité inférieure au prix unitaire de 1 000 Fcfp. Son financement est assuré par la fiscalité sur l'exportation des perles.

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Papeete, July 18th 1994

INTERVIEW DIDIER SIBANI Sibani Perles is one of the main pearl companies in French Polynesia. Didier Sibani, his founder and general manager, is one of the most influent persons in the country's pearl sector. During the Tahiti Pearl Festival in June, his Pearl Valuation Office, the first of its kind in Tahiti, was officially opened by Mr. Edouard Fritch, local Minister of the Sea. As a pearl trader, Sibani Perles was the first Polynesian company to start participating, three years ago, in international jewellery exhibitions and fairs. In 1994, Sibani Perles was in Tokyo, Basel, Hawaii, Las Vegas, Tahiti and will also be in Paris, Hong Kong and Taipei. As a jewellery dealer, Sibani Perles has four shop: three in downtown Papeete and one in Bora Bora Island. Mr. Sibani just transmitted to the local government a report containing his proposals for a trade and marketing reorganization of the Tahiti Pearl sector. Jewellery International: - Mr. Sibani, do you think this first International Tahiti Pearl Festival was a success? Didier Sibani: - It was a success indeed. Most of the exhibitors and buyers were happy with the organisation of the festival as well as with the general quality and prices of the products. For the first time, foreign professionnals were participating and we hope they will come back even more next year. About 15,000 persons visited the exhibition. It is far more than we expected. Unfortunately, I am afraid that this sucess will only be temporary. The real issues of the Tahiti Pearl are still here and if we don't do something quickly we are going towards big problems. - Could you please explain what are these issues ? - The main problem faced by our pearl is its value on the market. We have a fantastic, a unique product. But, for some reasons, this treasure is actuallty being spoiled for some short terms and personnal interests. In two years, the average price of the Tahiti black pearl has been dropping by 40 % and is still dropping even lower. Last year, the average export price of a Tahiti pearl was only USD 50 while the average price of an Australian South Sea Pearl was ten times more around USD 500. The reason is that the quantity of exported pearls is drastically limited by Australian authorities while there is no limit in French Polynesia. Anybody can produce any quality and then sell it on the international market. Production of low quality pearls has been increasing a lot since the last three years and the consequence is that prices are rapidly falling. - What are you proposing to solve this problem ? - In July, I transmitted my proposals to the local government. Some professionnals in French Polynesia wish to follow the Australian example by limiting the production of pearls. They forget that the situation is totally different in Polynesia where the pearl sector is a crucial one for economic and social development. By the way, if you limit the pearl production, you condemn to death many small farmers in the Tuamotu Islands where pearl farming has now become the first industry and the main social stability factor. The balance between social and economic interests is extremely fragile and it is the main challenge of the local authorities to do everything to save it. This is the reason why I am against the limitation of production which, anyway, would be totally impossible to control on a surface as large as Europe.


I suggest, on the contrary, that we start by a restructuration of the trade and export sector accompanied by a large promotional effort. The image of the Tahiti Pearl has to be improved and, for this, we urgently need to officially classify our pearls in different levels of quality. - Is it why you created the BEEP (Pearl Valuation Office) ? - Yes, valuation and classsification of pearls is the main purpose of the BEEP. Currently, the trade of Tahiti Pearl is largely dominated by Japanese buyers. They absorb around 80 % of our product. But they only buy it as a commodity. We need local valuation and trade companies able to improve the value of our product and to give a good service to new customers. The BEEP is the first of those valuation and trade offices in Tahiti. I wish that several of them could be created soon and officially licensed by the government. - Are you optimistic about the future of Tahiti black pearl ? - As I told you before, we have a wonderful product with great potential. If we manage to solve our internal problems, I am convinced that Tahiti Black Pearl will conquer the world. Moreover, I personnally plan a very big promotionnal operation in France and Europe from next year..

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15 juillet 1994

LE VIN NEO-ZELANDAIS OU LA VICTOIRE DU BON GOUT Cent-cinquante ans après son apparition, le vin néo-zélandais a gagné ses lettres de noblesse et prend la dimension d'un phénomène culturel Il existe un pays où l'on vendange sous la neige en plein mois d'août pour produire un "vin de glace" exceptionnel dont les quelques dizaines de bouteilles s'arrachent dans le monde entier à prix d'or. Dans ce pays, de vieux gentlemen connaisseurs vous parlent de leur vin comme des poètes. Des avocats, photographes, médecins ou même diplomates abandonnent leur métier pour se lancer avec bonheur dans une aventure ô combien enivrante : la viticulture. Ce pays, c'est tout simplement la Nouvelle Zélande. Le vin y est devenu en cette fin de siècle, un véritable phénomène culturel et un atout économique de premier ordre. La légendaire primauté mondiale du vin français de qualité est aujourd'hui remise en cause par l'apparition sur le marché de nombreux concurrents digne d'estime. Désormais, on fait du vin partout. Les Anglo-saxons, en particulier, se sont montrés très entreprenants dans ce domaine au cours des dernières décennies. Les vins californiens, australiens et, plus récemment, néo-zélandais atteignent des niveaux de qualité leur permettant parfois de rivaliser avec les meilleurs crus français. D'une manière générale, toutefois, le vin reste un élément marginal des sociétés anglo-saxonnes. Dans ces pays où la bière est reine, le vin reste encore largement considéré comme une boisson snob et parfois même effeminée. Ce n'est cependant plus le cas aujourd'hui en Nouvelle Zélande où la culture du vin, dans tous les sens du terme, est en train de prendre la dimension d'un véritable phénomène social sous l'impulsion de quelques dizaines de passionnés du bon goût. Développement contre prohibition Tout a commencé au siècle dernier, lorsque les colons anglais ont tenté, à partir de 1819, de cultiver la vigne dans la région de Waitangi, au nord du pays. C'est un nommé James Busby qui a l'honneur de figurer dans l'histoire kiwi comme le premier à avoir produit du vin entre 1833 et 1840 à Bay of Islands. Le célèbre explorateur français, Dumont d'Urville, eut alors l'occasion de déguster le vin de Busby. "Avec grand plaisir, raconte-t'il, j'acceptai de goûter le produit de la vigne que je venais de voir. On m'offrit un vin blanc léger, très pétillant et délicieux que j'appréciai énormément." Les Frères maristes français prirent eux aussi une part importante dans le développement de la viticulture en Nouvelle Zélande. A Auckland, on remarque leur vin "claret" demeuré de nos jours un type de produit très répandu. Puis, peu à peu, les vignes gagnèrent vers le Sud. Des religieux catholiques établirent la première


exploitation viticole à Hawke's Bay, sur la côte est de l'île du nord. Elle existe encore et la région est devenue l'une des principales zones de production de vins de qualité. D'une manière générale, les Français, surtout les missionnaires, ont joué un rôle important dans le développement de la vigne en Nouvelle Zélande. C'est clair, les Anglais ne connaissaient rien à la viticulture. En 1840, un envoyé du gouvernement britannique conseillait dans son rapport d'encourager l'immigration de paysans français et allemands. Pourtant, ni les uns ni les autres ne répondront favorablement à l'invitation. Les tentatives de développement de la viticulture néo-zélandaise restent très limitées jusqu'à la fin du 19ème siècle. En partie à cause de maladies qui frappent la vigne, en partie en raison de l'habitude anglaise de considérer le vin comme une boisson élitiste et beaucoup, enfin, sous l'influence des mouvements de tempérance contre la consommation d'alcool. C'est à la fin du 19ème siècle que le sort du vin néo-zélandais se joua. D'un côté la pression montait en faveur de la prohibition, à l'exemple des Etats-Unis. De l'autre, le gouvernement recherchait de nouvelles activités capables d'assurer le développement économique du pays. A partir de 1890, c'est cette dernière tendance qui l'emporta avec toutefois des périodes de forte résistance morale. A cette époque le vin produit localement représentait un quart de la consommation nationale. Un œnologue italien dépêché par Londres, Romeo Bragato, jouera un rôle déterminant dans l'histoire de la viticulture kiwi. "Parmi tous les endroits que j'ai visités, écrivait-il dans son premier rapport, très peu ne seraient pas adaptés à la viticulture". C'est Bragato, nommé par la suite "Viticulteur officiel", qui sauva la vigne néo-zélandaise du phylloxéra, un parasite qui détruisit la quasi totalité des vignes européennes au début du siècle. En 1913, il existait en Nouvelle Zélande soixante-dix vignerons produisant un total de 366 525 litres de vin. Mais les mouvements prohibitionnistes relèvent la tête et Bragato, écoeuré par d'incessantes brimades finit par démissionner et quitter le pays. Après dix années de lutte entre les prohibitionnistes et leurs adversaires, la Nouvelle Zélande, en 1919, est du reste tout près de se prononcer en faveur d'une interdiction générale de l'alcool. Ce sont finalement les anciens combattants de retour de la guerre en Europe qui, par leur vote contre la prohibition, font échouer le projet in extremis. Années 60 : le démarrage A partir des années 60, la vigne se développe rapidement en Nouvelle Zélande. En 1960, on dénombrait 387 hectares de vigne pour l'ensemble du pays. On en recense aujourd'hui plus de 6 000. On assiste d'abord à d'importants investissements étrangers, australiens et américains notamment. Ensuite, une certaine libéralisation de la législation en matière de distribution d'alcool permet à la consommation de vin de se répandre peu à peu. En 1976, un système est mis en place autorisant les clients de restaurants dépourvus de licence d'alcool à y apporter leur propre bouteille de vin achetée à l'extérieur. C'est le B.Y.O (Bring your own - On peut apporter sa bouteille) encore très fréquent aujourd'hui. La même année, on favorise la création de bars à vin en légalisant la vente au verre ou à la bouteille sur les lieux de production. Jusque là, en effet, on ne pouvait s'y fournir qu'en récipients de plus grande contenance. Les années 70 sont marquées par une amélioration générale de la qualité des vins kiwis mais surtout par une énorme augmentation de la production de vins de table.

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De 1960 à 1983, la production vinicole néo-zélandaise passe de 4,1 à 57,7 millions de litres, sans doute la progression la plus forte au monde. La consommation augmente dans les mêmes proportions. Il y a vingt-cinq ans, chaque Néo-zélandais buvait en moyenne deux bouteilles de vin par an. Ce chiffre est passé aujourd'hui à dix-huit. On est loin désormais des premières rencontres entre les soldats néo-zélandais partis libérer l'Europe et le vin qu'il buvaient faute de mieux, c'est-à-dire faute de bière. Grâce aux efforts des viticulteurs en matière de promotion, à l'amélioration de la qualité des produits, à l'apparition d'une littérature du vin, à la multiplication de concours vinicoles et de clubs spécialisés, grâce également au développement d'un tourisme haut de gamme dont la gastronomie est un élément important, la place du vin est maintenant reconnue dans la société néo-zélandaise. La vigne à la conquête du pays Une autre caractéristique du développement de la viticulture néo-zélandaise est son extension géographique. Longtemps concentrée dans les environs d'Auckland, la vigne s'étend rapidement dans tout le pays à partir des années 60. On compte aujourd'hui dix principales régions de production ainsi réparties du nord au sud: Auckland Auckland, la plus ancienne région vinicole néo-zélandaise, est intéressante à plus d'un titre. Elle offre une étonnante variété de vins produits souvent à partir de raisins importés d'autres régions. A moins de trente minutes du centre ville, il est possible de visiter une foule de vignobles et d'y goûter des vins rouges et blancs de grande qualité. Kumeu/Huapai, Henderson, Greater Auckland, Waiheke Island et Northland/Matakana sont les cinq centres de production de la région d'Auckland. La qualité y a très fortement progressé au cours des dernières années grâce à des marques telles que Kumeu River, Collard, Babich ou Matua. "La Rose" produit à Waiheke Island par Stonyridge est souvent considéré comme le meilleur vin rouge kiwi. Waikato La région de Waikato, située au sud d'Auckland, a pour centre la ville de Hamilton. Elle ne représente que 2,6 % de l'ensemble du vignoble néo-zélandais. Cette région, autrefois très importante, est beaucoup moins populaire aujourd'hui. La plupart des vignobles sont rassemblés autour de Te Kauwhata où le gouvernement avait installé un laboratoire de recherche œnologique. La plus grosse exploitation régionale est De Redcliffe mais le minuscule vignoble Ohinemuri a produit en 1992 l'un des dix meilleurs sauvignons blancs néo-zélandais. Bay of Plenty On ne produit que peu de raisin dans cette région. Les vignerons locaux importent la plus grande partie de leurs grappes de Hawke's Bay plus au sud. L'endroit est surtout peuplé de producteurs de kiwis. On y trouve néanmoins des chais particulièrement célèbres notamment Morton Estate dont le chardonnay et le riesling sont classés parmi les dix meilleurs du pays.

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Gisborne Toujours plus au sud, se trouve la région de Gisborne, sur la côte est de l'île du nord. Elle produit des vins dont la qualité ne cesse de s'améliorer. Autrefois connue pour être la région de production de vins de qualité inférieure, Gisborne a été replantée de nouvelles vignes d'abord en raison du phylloxera, mais aussi pour relancer une activité peu rentable. Vers 1986, le gouvernement a encouragé l'arrachage des anciennes vignes et la plantation de cépages de qualité supérieure. Conséquence, deux des chardonnays blancs issus de la région ont été classés l'an dernier dans la liste des dix meilleurs du pays et des vins de Gisborne se retrouvent dans tous les hit-parades annuels, à l'exception des vins rouges. Hawke's Bay C'est la deuxième région vinicole néo-zélandaise pour la qualité. Quatre chardonnays, quatre sauvignons blancs, un riesling et six vins rouges régionaux figurent dans les listes des dix meilleurs crus nationaux de chaque catégorie soit au total seize crus de Hawke's Bay dans le hit-parade 1993 des cinquante meilleurs vins néo-zélandais. Les quelque 1 600 ha de vignobles sont surtout plantés autour des villes de Hastings et Napier mais l'on assiste de plus en plus à un élargissement des plantations vers des sites plus propices à la qualité. C'est pourquoi, si Hawke's Bay demeure la principale région de production de vins de table, les crus plus subtils y prennent une importance croissante. La confiance dans l'avenir de cette région est énorme puisqu'en 1993, un millier d'hectares ont été achetés dans un but de production vinicole. Parmi les marques régionales les plus intéressantes: Te Mata Estate, Ngatawara, Brookfields, Vidal, Stonecroft et, plus récemment, Morton Estate. Wairarapa/Martinborough Il s'agit là d'une petite région vinicole mais qui se développe rapidement et qui se fait remarquer par la qualité de ses viticulteurs. La plupart des exploitations sont très petites. La production moyenne de chacune d'elles est inférieure à 18 000 bouteilles par an. Elles sont généralement situées autour de Martinborough mais la tendance est à la découverte de nouveaux sites, plus secs et mieux adaptés à la qualité. La superficie totale exploitée est de 189 hectares soit 3,1 % du vignoble kiwi. Parmi les viticulteurs les plus prometteurs il faut citer Dry River dont certains amateurs pensent qu'il produit déjà les meilleurs vins néo-zélandais. Marlborough Située à l'extrémité nord de l'île du sud, la région de Marlborough, assez plate, est bordée de montagnes au sommets souvent enneigés. C'est, en superficie, la principale région vinicole de Nouvelle Zélande avec 2 071 ha soit 34 % du total national. Elle allie viticulture et tourisme grâce à de nombreux restaurants, centres de dégustation, ventes de vin. On y visite également des élevages de saumon et des cerisaies. Marlborough a été sacrée meilleure région vinicole en 1993, juste devant Hawke's Bay avec dix-sept de ses vins parmi la liste des cinquante meilleurs du pays

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(cinq sauvignons blancs, cinq rieslings et six "méthode champenoise" - l'appellation Champagne est aujourd'hui protégée). C'est en effet dans cette région que s'est installé Daniel Lebrun, un Champenois devenu célèbre dans tout le pays pour la qualité de ses produits. Marlborough n'a pu classer qu'un seul de ses chardonnays et aucun rouge. Parmi les vins blancs locaux, Cloudy Bay est extrêmement recherché mais il faut citer aussi Vavasour, Nautilus et, naturellement, pour les vins plus modestes, Montana, la plus importante maison de vins du pays. Nelson Bien que Nelson et Marlborough soient voisines, les deux régions sont très différentes. Tant du point de vue du relief - vastes plaines à Marlborough, collines escarpées à Nelson - que du climat, du sol et des techniques de vinification. Les vignerons de Nelson sont le plus souvent des artisans exploitant des vignobles familiaux et leurs produits ne sont pas toujours faciles à trouver en dehors de la région. La superficie totale des vignobles locaux ne dépasse pas 80 ha. Canterbury Autour de Christchurch, le pinot noir et le chardonnay sont les cépages les plus populaires dans la région de Canterbury aux progrès de laquelle le département d'œnologie créé à l'Université Lincoln de Christchurch a beaucoup contribué. C'est Waipara, à environ 45 minutes au nord de Christchurch, qui semble offrir le meilleur potentiel vinicole dans cette zone. La température y est plus douce, le climat et le sol particulièrement bien adaptés. Canterbury est le vignoble néo-zélandais qui se développe le plus rapidement. Il représente en superficie 3,2 % du total national avec 200 ha environ. Central Otago Récemment planté à l'extrême sud du pays, le vignoble de Central Otago, aux environs de Queenstown, est le plus austral du monde. C'est l'endroit le plus froid de Nouvelle Zélande et le seul à posséder un climat continental. Dans cette région d'aventuriers et de chercheurs d'or, la culture de la vigne a également pris l'allure d'une épopée dont les acteurs sont considérés comme de véritables pionniers. Les surfaces plantées demeurent très faibles (0,6 % du total national seulement) mais la qualité des produits est étonnante. Particulièrement le pinot noir et le chardonnay. Leur commercialisation s'appuie essentiellement sur le développement du tourisme international dans cette région. Un excellent rapport qualité-prix Exception faite de la Grande Bretagne, où ils remportent régulièrement des prix dans les concours, les vins néo-zélandais sont encore très peu connus en Europe. En revanche, le reste du monde les apprécie de plus en plus pour leur classe et leur prix raisonnable. Par le fait, si vous avez l'occasion de vous rendre en Nouvelle Zélande, sachez que vous pourrez vous régaler d'une bouteille d'excellent vin blanc pour une trentaine de dollars NZ (environ 1 800 Fcfp). Les crus les plus recherchés peuvent atteindre 50 à 60 NZD (entre 3 000 et 3 500 Fcfp) mais il est possible de trouver des

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merveilles à 20 NZD (1 200 Fcfp), surtout sur les lieux de production. Dans un bar ou un restaurant, un verre de bon vin vous coûtera entre 2 et 6 NZD (de 120 à 350 Fcfp). Idéal pour accompagner la riche variété de poissons et fruits de mer que l'on vous propose partout. Pour apprécier le délicieux saumon fumé kiwi, choisissez un chardonnay Morton Estate par exemple (si vous avez la chance d'en trouver). C'est une expérience gastronomique de premier ordre. Quant aux rouges, pinot noir ou cabernet sauvignon, ils sont parfaits pour s'allier avec l'agneau omniprésent dans les restaurants kiwis. Vin et tourisme font à présent très bon ménage dans un pays où la viticulture est devenue un facteur majeur de développement économique et un élément culturel important. Bien que la réglementation ait tendance à s'alourdir peu à peu, la Nouvelle Zélande a la chance de profiter d'une liberté quasi totale en matière de viticulture. Grâce à ses espaces, ses sols et ses climats exceptionnels, ce pays dispose encore, en la matière, d'un potentiel extraordinaire auquel les investisseurs kiwis et étrangers s'intéressent de très près. Patrick Schlouch

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Encadré 1

Comment choisir un vin néo-zélandais ? La Nouvelle Zélande produit quelques bons vins rouges mais l'amateur est surtout séduit par le niveau de qualité, souvent exceptionnel, de ses vins blancs. Néanmoins, pour apprécier un vin, il est d'abord nécessaire de savoir le choisir et donc d'être capable de lire une étiquette. Nous avons l'habitude, en France, de choisir d'abord nos vins en fonction de leur origine régionale. En Nouvelle Zélande - et dans les pays anglo-saxons d'une manière plus générale - c'est le cépage et le viticulteur qui ont la priorité. Ce sont ces indications que l'ont voit surtout sur les étiquettes des vins néo-zélandais de qualité. Jusqu'à cette année, la réglementation en matière d'étiquetage était très réduite. Elle exigeait seulement que soit mentionné le degré d'alcool, la région d'origine et le nom du viticulteur. Lorsqu'une variété était spécifiée, cela signifiait que le vin en provenait à 75 % au moins. Généralement, le millésime est également mentionné sur l'étiquette. Le Parlement néo-zélandais vient tout juste de rendre cette réglementation plus sévère. Les termes précisant l'origine géographique des vins et les cépages devront désormais être plus précis. Il s'agit notamment de préparer le développement des exportations vers le marché européen. Le cépage, de très loin, le plus répandu en Nouvelle Zélande est le Mueller-Thurgau. On en fait surtout des vins de table. Pour ce qui est des vins de qualité supérieure, les principaux cépages sont, pour les vins blancs, le chardonnay (dont sont issus les vins blancs de Bourgogne notamment), le sauvignon blanc et le riesling. Pour les rouges, les deux cépages les plus appréciés sont le cabernet sauvignon, le merlot (à partir desquels on produit les vins de Bordeaux) et le pinot noir (principal cépage du vignoble de Bourgogne)

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Encadré 2

Air New Zealand, meilleure "cave du ciel" en 1993 Air New Zealand a été sacrée meilleure "cave du ciel" en 1993 dans le cadre de la 5ème sélection annuelle des compagnies aériennes internationales pour la qualité des vins, leur choix et leur service. Ce concours organisé par la revue Business Traveler International rassemblait 38 compagnies aériennes du monde entier, dont Air France, jugées par un jury spécialisé de 21 membres. La compagnie kiwie l'a emporté devant American Airlines (vainqueur en 1992) et British Airways. La compagnie nationale française ne figure pas dans la liste des dix premiers. Air New Zealand se classe 1ère et 2ème pour les vins rouges avec un Pinot noir Martinborough de 1991 et un Merlot Vidal Reserve de 1990. Le premier vin rouge français, classé troisième ex-aequo, est un Saint-Julien Château Langoa-Barton de 1988 proposé par American Airlines. Air New Zealand est également première dans la catégorie vin blanc avec le fameux Chardonnay Morton Estate Hawke's Bay de 1991 si difficile à dénicher depuis que la compagnie a jeté son dévolu sur lui. Le premier vin blanc français est troisième de sa catégorie. C'est un bourgogne, Chassagne-Montrachet Les Morgeots Labouré-Roi de 1990, proposé aussi par American Airlines.

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Encadré 3

Bibliographie et remerciements A ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur le vin néo-zélandais, je conseille de lire l'excellent et superbe ouvrage "The Wines and Vineyards of New Zealand" publié pour la première fois en 1984 par Michael Cooper en collaboration avec le photographe Robin Morrison et dont la quatrième édition est parue en 1993. A consulter également la belle revue annuelle de Bob Campbell "New Zealand Wine Annual" qui fournit une foule d'informations pratiques. Ces documents m'ont été très utiles ainsi que le "New Zealander's Guide to the Wines of the World" (édition 1994) de Keith Stewart. Je remercie très sincèrement le ministère néo-zélandais des Affaires étrangères et du Commerce extérieur pour son aide précieuse. Une reconnaissance toute particulière et amicale à Rory McLeod, diplomate, excellent francophone et connaisseur passionné. Merci à la compagnie Air New Zealand et merci, enfin, à Catherine Coudray, jeune spécialiste du sujet, pour sa lecture critique de mon travail.

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Tableau 1

Les meilleurs vins nĂŠo-zĂŠlandais en 1993 (Source: Revue "New Zealand Wine Annual" 93)

VINS BLANCS Chardonnay - Morton Estate 1991 Black Label (Hawke's Bay) - Neudorf 1991 (Nelson) - Matua Valley 1991 Ararimu (Gisborne) Sauvignon blanc - Hunter's 1993 (Marlborough) - Forrest 1993 (Marlborough) - Palliser Estate 1993 (Martinborough) Riesling - Grove Mill 1992 (Marlborough) - Collard 1992 Rhine Riesling (Hawke's Bay) - Neudorf 1992 (Moutere)

VINS ROUGES Cabernet Sauvignon - Villa Maria 1991 Reserve (Hawke's Bay) - Vidal 1991 Reserve (Hawke's Bay) - Waimarama Estate 1991 (Hawke's Bay)

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Tableau 2

Le vignoble néo-zélandais en chiffres de 1989 à 1993 (Source: Revue "New Zealand Wine Annual" 93) 1989 1990 1991 1992 1993 Surface productive (hectares)

4 370 4 880 5 440 5 800 5 980

Rendement moyen (tonnes/ha)

13,8

14,4

12,2

9,3

6,8

Production totale (millions de litres)

45,6

54,4

49,9

41,6

30,8

Ventes en NZ (millions de litres)

39,1

39,2

41,1

43,6

33

Consommation de vin NZ (litres par habitant)

11,7

11,7

12,1

12,8

9,7

Exportations - volume (millions de litres)

2,6

4,0

5,6

7,1

8,6

Exportations - valeur (en millions de NZ$)

11,6

18,4

11

25,3

34,7

48,3



5èmes ASSISES DES EMPLOYEURS Papeete - 22 septembre 1994

CULTURE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DANS LE PACIFIQUE SUD ANGLOPHONE par Patrick Schlouch

Mesdames et Messieurs, Toute l'Histoire moderne de l'Océanie est profondément marquée par les conflits entre culture et développement. Il est banal de rappeler que l'irruption des Européens dans le monde insulaire océanien et leur désir d'y reproduire des schémas socio-économiques importés ont bouleversé les communautés traditionnelles de la région. Mais il est intéressant de noter que l'indépendance à laquelle les pays océaniens ont commencé à accéder dans les années 60 et 70, n'a rien arrangé. On peut même dire que les exceptions culturelles constituent aujourd'hui le principal obstacle au développement économique des Etats indépendants du Pacifique sud. *** De 1989 à 1992, j'ai vécu à Fidji où j'étais correspondant de presse. Pendant ces trois années, dont j'ai eu la chance qu'elles soient particulièrement importantes, non seulement pour ce pays mais également pour toute la région, j'ai couvert l'actualité politique, économique, culturelle et sociale de la plupart des pays du Pacifique sud pour les journaux de Tahiti et de Nouvelle Calédonie. Depuis mon retour à Papeete, je continue de m'intéresser de près à ce qui se passe dans la région. C'est pour cette expérience que les organisateurs de ces Assises m'ont invité à vous apporter ce matin quelques éléments d'information sur la façon dont les problèmes de développement économique sont vécus chez nos voisins anglophones Je les remercie de leur confiance.


MINORITES INDIGENES: L'EXCLUSION Les rapports entre culture et développement économique ont toujours été très conflictuels en Océanie. Dans le passé, ils ont provoqué des tragédies qui se prolongent encore de nos jours. Il y a, bien sûr, la situation des Aborigènes d'Australie, relégués dans une terrible misère morale autant que matérielle et même victimes, selon le Conseil mondial des Eglises, d'un véritable génocide. En Nouvelle Zélande, les Maoris ne représentent que 14 % de la population. Pourtant, plus de la moitié des détenus dans les prisons kiwies sont maoris. Tandis que le taux de chômage national tourne autour de 10 %, un tiers des Maoris en âge de travailler n'ont pas d'emploi. Quant aux enfants maoris, ils sont victimes d'un échec scolaire chronique. BANABA : MORTELLE RICHESSE Ces deux cas sont célèbres, mais il y en a d'autres. Celui des Banabans, par exemple, pour lesquels j'avoue une compassion particulière. Peut-être parce qu'ils sont aujourd'hui totalement oubliés. Banaba, également connue sous le nom d'île Océan, est située sous l'Equateur entre Nauru à l'ouest et Kiribati à l'est. En mai 1900, ses habitants ont accordé à l'Australien Albert Ellis l'exclusivité des droits d'exploitation du phosphate qu'il avait découvert sur l'île. Ceci en échange de 50 livres sterling par an et 40 livres pour chaque hectare de terre vendu. Le phosphate a été exploité jusqu'à épuisement des stocks en 1979. L'île Océan était alors devenue inhabitable. De toute façon, la plupart des Banabans avaient été déportés ou massacrés par les Japonais pendant la guerre. Environ 200 d'entre eux s'y accrochent tout de même, pour la garder. Leur sort dépend entièrement du soutien de leurs 2 000 compatriotes qui vivent maintenant sur l'île de Rabi rachetée au gouvernement fidjien grâce à une aide internationale. Malheureusement, la corruption de leurs chefs est telle que les subsides sont régulièrement détournés et qu'ils meurent de faim abandonnés de tous. MINORITES INDIGENES : LE RETOUR Fort heureusement, dans les grands pays de la région, la situation des minorités indigènes a plutôt tendance à s'améliorer, notamment à la faveur de l'évolution des idéologies dominantes en matière de protection de l'environnement et des cultures traditionnelles. Mais, du point de vue des investisseurs, cela ne fait en réalité qu'aggraver les difficultés. Ainsi en Australie, en 1991, un gigantesque projet d'exploitation minière a dû être abandonné sous la pression des Aborigènes qui considéraient l'endroit en question comme sacré. Plus récemment, dans l'affaire Mabo, un tribunal australien a reconnu la validité des revendications foncières de certaines tribus aborigènes. Ce précédent a déclenché un mouvement de panique dans les milieux d'affaires. Les tribunaux néo-zélandais ont, eux-aussi, commencé à reconnaître les droits de propriété des Maoris sur des dizaines de milliers d'hectares et ceci jusque dans le cœur de la ville d'Auckland.

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COOPERATION: L'ECHEC En revanche, dans les petits pays insulaires, comme je le disais tantôt, l'indépendance n'a rien arrangé. En 1991, dans un rapport essentiel pour la bonne compréhension de ce qui se passe aujourd'hui dans notre région, la Banque mondiale dressait un bilan terrible de dix ans d'aide au développement régional. En dépit d'un soutien international massif (le plus important au monde par habitant), les économies des pays insulaires indépendants du Pacifique sud n'ont pas réussi à décoller. Pire, cet échec est intervenu dans un contexte économique mondial pourtant particulièrement favorable (celui des années 90 l'est nettement moins). Selon la Banque mondiale, sur l'ensemble de la décennie 80, la croissance économique moyenne des micro-états indépendants de la région n'a pas dépassé 0,6 % par an. Et comme, dans la même période, la population augmentait de 2 % chaque année, on a donc constaté, en réalité, une baisse du PNB par habitant. Or, si les pays insulaires souffrent de handicaps spécifiques bien connus tels que le coût élevé des transports, la faible taille des marchés, le manque de ressources naturelles et humaines ou la vulnérabilité aux cataclysmes, leurs principales difficultés sont vraisemblablement d'ordre culturel. UN FREIN CONSIDERABLE Lors de sa nomination, il y a trois ans, à la direction du Programme de développement économique des îles du Pacifique - PIDP - le Dr. Halapua soulignait que, pour être fructueux, les programmes de développement doivent soigneusement tenir compte des valeurs culturelles régionales. Il considérait que l'obligation traditionnelle de partager les richesses matérielles entre les membres d'un même clan est un frein considérable au développement de l'entreprise privée dont les principes s'opposent à cette tradition. Pour le Dr. Halapua, le conflit entre intérêt individuel et obligations à l'égard de la communauté constitue le problème fondamental du développement économique des nations insulaires. Le brillant directeur fidjien de l'antenne Pacifique de la Commission des Affaires économiques et sociales des Nations unies - CESAP -, M. Siwatibau, rédigeait en 1991 un rapport qui a fait grand bruit dans la région. Ce travail avait pour objectif de permettre à l'Onu une meilleure définition des besoins régionaux en matière d'aide au développement économique pour la période 19921996 de manière à optimiser l'utilisation de budgets de plus en plus réduits. Dans son rapport, M. Siwatibau insistait, lui aussi, sur les handicaps traditionnels des communautés insulaires, en particulier dans les domaines foncier et éducatif. "Une attention toute particulière aux intérêts des plus faibles, soulignait-il, est la condition absolue d'un développement économique durable." M. Siwatibau mettait en outre l'accent sur un élément crucial qui a fait l'objet de débats animés au 25ème Forum du Pacifique sud qui se tenait le mois dernier à Brisbane, à savoir que le développement économique des pays océaniens s'accompagne d'une exploitation incontrôlée de leurs ressources naturelles entraînant des dégâts irréparables sur l'environnement.

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LE COEUR DU DEBAT Trois problèmes sont au cœur du débat politique régional depuis quelques années. Ils ont tous les trois pour origine ou pour fondement un conflit entre culture et développement économique. - Le premier a été extrêmement meurtrier : c'est la crise sécessionniste de Bougainville qui se prolonge à nos portes depuis cinq ans, sans que l'on n'y prête d'ailleurs la moindre attention. - Le second s'est déroulé sans effusion de sang. Pourtant, par la force symbolique dont il témoignait, il a réellement marqué le début d'une ère nouvelle dans la région. Il s'agit du coup d'Etat du colonel Rabuka à Fidji en 1987 prolongé par l'adoption, en 1990, d'une constitution garantissant la suprématie politique des Fidjiens de souche sur la communauté indienne immigrée. - Quant au troisième problème régional, il n'entre pas dans mon propos d'aujourd'hui puisqu'il concerne l'avenir de la Nouvelle Calédonie. BOUGAINVILLE : LE PAROXYSME Avec la crise de Bougainville, le conflit entre culture et développement économique a atteint son paroxysme sous nos yeux. Bougainville, je vous le rappelle, est une île de la Papouasie Nouvelle Guinée située au sud-est du pays en bordure de la frontière avec les îles Salomon. Les choses ont mal tourné en 1989. Jusque là, le géant minier australien, CRA, exploitait à Panguna la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde. Seulement voilà, les fabuleuses royalties versées par CRA bénéficiaient exclusivement au gouvernement de Port-Moresby. Les habitants de Bougainville, désespérés de voir leurs richesses pillées sans aucun profit pour eux, ont fini par se révolter en proclamant une indépendance violemment refusée par le pouvoir central. La mine de Panguna a été fermée et jamais rouverte. Du jour au lendemain, le gouvernement papou a été privé de 25 % de ses recettes budgétaires et le pays s'est trouvé plongé dans une crise économique majeure dont il n'a pu sortir que grâce à l'aide internationale et à l'exploitation, hâtive et sans doute prématurée, de plusieurs autres sites miniers. Une guerre qui ne dit pas son nom fait rage à Bougainville depuis 1989. Elle a entraîné la mort, directement ou indirectement, de plus de 4 000 personnes - des enfants en grande majorité auxquels ont manqué les soins les plus élémentaires en raison du blocus militaire décidé par les autorités centrales. Un cessez-le-feu vient tout juste d'être annoncé mais tellement d'espoirs de ce genre ont déjà été déçus ces dernières années que l'on peut encore douter du retour définitif de la paix. C'est vrai ! L'île de Bougainville a été rattachée à la Papouasie à la suite de la colonisation australienne alors que ses habitants sont culturellement plus proches des Salomonais que des Papous. Mais, en Papouasie même, les revendications foncières, culturelles et désormais écologiques, face aux projets de développement, miniers notamment, sont très nombreuses et souvent très violentes. RABUKA : LA DETERMINATION Rendons-nous à présent à Fidji pour un court retour en arrière. Nous sommes le 14 mai 1987. Le colonel Sitiveni Rabuka, à la tête d'un petit détachement d'officiers et de soldats d'élite, fait irruption dans le Parlement de Suva où sont réunis les membres du gouvernement et les députés de la nouvelle majorité élue tout 4


juste un mois plus tôt. Un siècle après l'arrivée à Fidji des premiers immigrés indiens, ces derniers, devenus plus nombreux que les Fidjiens, venaient de prendre le contrôle politique du pays. Les élus et les ministres sont arrêtés, y compris le Premier ministre, le Dr. Timoci Bavadra, fidjien de souche mais considéré par le colonel Rabuka comme le pantin des Indiens. La répartition des ministères confirme d'ailleurs cette opinion. Dix-neuf ministres sur vingt-six sont indiens. Rabuka s'empare donc du pouvoir qu'il remettra quelque temps plus tard aux chefs traditionnels fidjiens. Le premier coup d'Etat militaire jamais perpétré dans le Pacifique sud n'a fait aucune victime. Mais la violence véhiculée par cet événement inattendu et la prise de conscience qu'il déclenche sur la détermination des peuples océaniens à préserver leur identité, aura de profondes conséquences socio-politiques dans toute la région. L'impact international de l'événement fut d'autant plus fort que Fidji est un paysphare dans cette partie du monde. L'ancien Premier ministre, Ratu Sir Kamisese Mara, qui venait d'être démocratiquement battu par le Dr. Bavadra et les Indiens, était alors la personnalité régionale la plus respectée par la communauté internationale. Ce grand chef traditionnel fidjien, éduqué à Oxford, incarnait depuis vingt ans le symbole d'une indépendance réussie dans la multiplicité des cultures. Quelques mois seulement avant le coup d'Etat, le pape Jean-Paul II lui-même, en visite officielle à Fidji, présentait encore ce pays au monde entier comme un modèle d'harmonie multiraciale. ESPECES MENACEES L'initiative du colonel Rabuka (qui est désormais général et, depuis 1992, Premier ministre de son pays) s'est appuyée sur la certitude que l'action militaire était le seul moyen d'éviter la disparition pure et simple de son peuple. Il y a 900 millions d'Indiens dans le monde. Il n'y a que 350 000 Fidjiens et ceux-ci aiment à se définir eux-mêmes comme une espèce rare, nécessitant des mesures de protection spéciales. Le coup d'Etat - ou plutôt les coups d'Etat, car Rabuka a dû consolider son action au mois de septembre 1987 - ont atteint leur objectif final en 1990 par l'adoption d'une constitution garantissant le pouvoir politique à la communauté fidjienne indigène. Les Indiens et autres minorités ethniques participent à la vie publique. Mais ils ne peuvent obtenir la majorité au Parlement. Quant aux fonctions de Président de la République et de Premier ministre, elles sont réservées aux Fidjiens. De surcroît, le texte renforce considérablement l'influence et le rôle politique des chefs traditionnels. Cette nouvelle constitution fidjienne a été vilipendée par les pays anglo-saxons et notamment par l'Australie travailliste qui la juge raciste et anti-démocratique. Les critiques se sont toutefois assez rapidement atténuées devant le soutien général des peuples indigènes océaniens. Mais la question est encore loin d'être définitivement réglée. FONCIER : LE MODELE FIDJIEN Après ces deux exemples extrêmes, je voudrais livrer à votre réflexion un aspect spécifique des rapports entre culture et développement économique chez nos voisins fidjiens. Comme dans la plupart des pays océaniens, il existe des revendications foncières à Fidji. Elles y sont toutefois moins nombreuses qu'ailleurs et, généralement, plus vite réglées. Pourquoi ? A Fidji, la plus grande partie des terres - 83 % - sont des native lands, c'est-à-dire des terres indigènes dont la propriété reste collective (ou "indivise"). Les 17 % restant sont,

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grosso-modo, partagés entre 7 % de freehold lands (propriétés privées) et 10 % de crown lands (terres domaniales). La gestion des terres indigènes a été confiée depuis 1946 à un organisme public spécialement créé dans ce but, le Native Land Trust Board (NLTB). Celui-ci a précisément cadastré toutes les terres. Ce cadastre, qui a été récemment informatisé à grands frais, constitue un modèle dans la région. L'économie fidjienne a longtemps reposé sur la culture de la canne à sucre. C'est pour celle-ci que les Anglais, maîtres du pays jusqu'en 1970, avaient importé une communauté indienne qui représente de nos jours la moitié de la population totale du pays. Par l'intermédiaire du NLTB, les Fidjiens louent leurs terres aux planteurs indiens sous la forme de baux trentenaires en échange de loyers que la Banque mondiale a, du reste, récemment estimés dérisoires. QUAND LE TOURISME PROFITE A LA CULTURE A la suite des coups d'Etat de 1987, le pouvoir fidjien a décidé d'accélérer la diversification de l'économie nationale de manière à réduire sa dépendance vis-à-vis de la communauté indienne. C'est ainsi, qu'après un démarrage hésitant dans les années 60 et 70, le tourisme est devenu, depuis 1990, la principale activité économique fidjienne, ses revenus dépassant ceux de l'industrie sucrière. En juin 1991, à l'occasion d'un colloque international sur le tourisme à Fidji, Ratu Sir Kamisese Mara alors Premier ministre déclarait : "Mes premiers sentiments à l'égard du tourisme étaient très mitigés. Je m'inquiétais surtout des risques de perturbation de notre système social et culturel par des valeurs venues de l'extérieur. Je redoutais également les atteintes à l'environnement naturel." Mais il ajoutait aussitôt: "Je dois reconnaître que mes craintes n'étaient pas fondées. En fait, je peux même dire que le développement du tourisme a eu l'effet inverse. Il a très largement contribué à relancer l'intérêt de notre peuple pour sa propre culture, ses anciennes coutumes, ses chants et danses, son artisanat traditionnel." Par volonté politique, le tourisme a ainsi pris le relais du sucre à Fidji comme fer de lance de l'économie nationale. Cependant, pour développer cette nouvelle activité, il fallait des hôtels. Le système de location des terres qui fonctionnait déjà au profit des planteurs de canne a donc été adapté au développement du parc hôtelier. Tout comme les champs de canne à sucre, les sites touristiques appartenant aux Fidjiens sont loués aux investisseurs par l'intermédiaire du NLTB mais pour une durée de 99 ans et pour un loyer annuel représentant environ 2 à 3 % du chiffre d'affaires de l'établissement hôtelier. Les promoteurs ont ainsi l'avantage d'avoir un interlocuteur unique et impartial dans leurs négociations foncières tandis que celles-ci ont lieu sur la base de règles bien établies. En outre, de substantielles incitations fiscales ont été mises en place et la population locale est prioritaire dans l'accès aux emplois créés. La répartition des revenus générés par la location des terres indigènes s'effectue de la manière suivante : Le NLTB en prélève 25 %. Les chefs traditionnels concernés se partagent 30 %. Le reste va aux mataqali, c'est-à-dire aux clans propriétaires (45%). Naturellement, le fonctionnement du système ne va pas sans accrocs. A Fidji, comme partout dans la région, la corruption est désormais un fait social et les revenus fonciers qui se sont fortement accrus avec la réalisation de projets hôteliers de grande envergure, ne parviennent pas toujours à ceux à qui ils étaient destinés. Il s'ensuit parfois quelques mouvements d'humeur. On peut néanmoins considérer que le système fonctionne correctement. Cet aspect spécifique des freins au développement économique régional que constituent souvent les structures foncières traditionnelles sera, je vous le rappelle, le

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thème principal des travaux de la 34ème Conférence du Pacifique sud qui se réunira à Port-Vila le mois prochain.

L'OCCIDENT CEDE LA PLACE Parce que leur terre est rare, fragile et qu'ils sont peu nombreux, les Océaniens sont viscéralement attachés à ce qui fait leur identité. C'est une question de survie. C'est aussi la raison pour laquelle ils sont tellement sensibles à tout ce qui concerne l'environnement. Pourtant, cet attachement culturel, aussi légitime soit-il, pourrait bien devoir composer avec les exigences du monde moderne. En effet, bien que géographiquement isolés, les micro-états insulaires du Pacifique sud dépendent étroitement de l'extérieur. Malheureusement pour eux, l'aide internationale, dont ils ont si largement bénéficié dans le passé, se raréfie de plus en plus. La Nouvelle Zélande n'a même plus les moyens d'aider ses anciens territoires. En l'an 2 000, le plan décennal de suppression progressive de son soutien financier aux îles Cook parviendra à son terme. Les Etats-Unis se retirent de la région. Ils ferment leurs agences de coopération et certaines ambassades. Depuis longtemps déjà, la Grande-Bretagne ne s'intéresse plus à l'Océanie. Elle a décidé de quitter la Commission du Pacifique sud dont elle était membre fondateur. L'Australie, elle-même, l'un des principaux bailleurs de fonds de la région avec une aide d'un montant annuel de 28 milliards de Fcfp, vient à son tour de changer radicalement de politique et demande désormais aux pays insulaires de se prendre en charge. UN AVENIR ASIATIQUE Qui reste-t-il pour soutenir les Océaniens ? Il y a toujours l'Europe, qui donne beaucoup mais en réalité bien peu par rapport aux besoins et dont les exigences en matière de procédure sont très contraignantes. Il y a aussi la France - eh, oui - vers laquelle certains Etats se tournent après l'avoir accusée de tous les maux pendant des années. Mais, la France a déjà ses propres territoires et, elle aussi, s'efface sur la pointe des pieds. Il vaut mieux le savoir. Tout laisse en réalité présager un avenir asiatique pour les pays insulaires du Pacifique sud. Les indices d'une telle évolution sont flagrants. L'Asie est proche. Son économie en croissance rapide inonde la région de ses produits industriels. Elle constitue la plus formidable réserve de clientèle pour les rares ressources des archipels (tourisme, pêche, agriculture tropicale, perle). La Banque asiatique de développement est de plus en plus active dans la région. La concurrence entre Taiwan et Pékin profite largement aux micro-états océaniens. Face à la création de blocs économiques en Europe et en Amérique, les pays asiatiques se regroupent. Un train auquel la Nouvelle Zélande et, surtout, l'Australie tentent résolument de s'accrocher. Mais, la présence la plus marquante dans le Pacifique insulaire sera très vraisemblablement celle du Japon dont la politique de coopération régionale ne cesse de se développer depuis plusieurs années et qui sollicite désormais son admission au sein de la Commission du Pacifique sud. Peut-être le Japon réussira-t-il là où les Occidentaux ont en grande partie échoué. Après tout, ce pays est un modèle d'harmonie entre développement économique et culture traditionnelle et les Japonais ont témoigné jusqu'ici d'une grande habileté diplomatique avec les Etats insulaires. On peut, malgré tout, se demander s'ils manifesteront toujours le même respect à l'égard des cultures régionales lorsque la voie sera totalement libre. 7



DATE: 29/09/94 FROM: PATRICK SCHLOUCH Fax Number: (689) 48 12 71 TO: Mr WALTER ZWEIFFEL Fax Number: 00 64 4 474 14 33 NOMBRE DE PAGES : 2 MESSAGE: PACIFIQUE

UNE INTERVIEW EXCLUSIVE DE M. PERBEN Dans une interview exclusive au quotidien tahitien "La Dépêche", M. Dominique Perben, ministre français des DOM-TOM (départements d'outre mer - territoires d'outre mer) s'est exprimé sur la situation dans le "Pacifique français" et sur ses relations avec ses voisins australiens et néo-zélandais. Parlant de la Nouvelle Calédonie, M. Perben a notamment déclaré que "les accords de Matignon (1988) ont permis de ramener la paix civile et le dialogue entre les différentes forces politiques du territoire. (...) La Nouvelle Calédonie de 1994 est bien différente de celle de 1988." Comme la Polynésie française, "la Nouvelle Calédonie bénéficie très largement, sur le plan économique et social, de son appartenance à la France. Il est vrai que le nickel est une richesse importante (...), qu'il y a sur ce territoire un potentiel touristique important (...) mais les calédoniens, de toutes tendances, sont parfaitement conscients que leur équilibre économique et social et leur développement ne peuvent, pour longtemps, se concevoir sans l’appui de la France. C’est une des raisons pour lesquelles 1998, tout en restant une échéance politique importante, n’est plus vu aujourd’hui comme la perspective d’une rupture”. M. Perben s’est également exprimé sur sa récente visite dans le Pacifique : “il s’agissait d’une visite intergouvernementale, (...) mais j’ai eu également des contacts plus tournés vers la coopération régionale, notamment avec Mr Burdon” qui rentrait juste de Papeete et Noumea. “Je suis convaincu que la Nouvelle Zélande doit être un partenaire économique privilégié de la Polynésie française”. M. Perben a par ailleurs rappelé que son “rôle n’est pas de faire des prédictions” quant à la reprise ou non des essais nucléaires, mais bien de “mettre en place une véritable politique de diversification économique de la Polynésie française pour que, en toute hypothèse, le tiers de sa richesse ne dépende plus de ces essais”. En ce sens, “le Pacte de progrès (accord passé cette année avec la métropole, portant sur le développement et valable jusqu’en 2003) est aussi une volonté de réformer les structure économiques et sociales pour les rendre plus modernes et plus propices au développement”.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

LE PRÉSIDENT FLOSSE RENCONTRE LA PRESSE Lors d’un déjeuner de presse mercredi, le président du gouvernement de la Polynésie française, M. Gaston Flosse a eu l’occasion de s’exprimer sur un certain nombre de points qui lui tenaient à cœur.


Elections présidentielles en France : M. Flosse a rappelé son attachement à la candidature de M. Jacques Chirac (ex Premier ministre de 1974 à 1976 et de 1986 à 1988, secrétaire général du RPR et maire de Paris) contre celle de M. Balladur (Premier ministre en exercice et actuel favori à la course à la présidence en mai prochain). M. Flosse a notamment déclaré que “le gouvernement [de M. Balladur] n’a pas fait assez pour la Polynésie. En vérité il n’y en a jamais assez ! Il nous faudrait davantage de crédits” (N.B. en 1992, la France a injecté en Polynésie 120 milliards Fcfp (= approximately 2 billions NZD) pour une population de 200 000 habitants) Couverture des importations : M. Flosse a déclaré vouloir mettre toutes ses forces et toute son imagination pour “remonter la Polynésie afin qu’elle arrive à atteindre 40% de ressources propres” (N.B.: le taux de couverture en 1993 des produits locaux dépasse à peine 10%). Affaire Erima : le président Flosse, relaxé la semaine dernière par la cour d’appel de Paris, d’une accusation d’ingérence dans une affaire de scandale immobilier, a déclaré qu’il était persuadé que toute cette histoire avait été téléguidée par “les socialistes”. Essais nucléaires : “ils doivent reprendre et se continuer, pour que la France ne se laisse pas distancer par les Etats Unis en matière de dissuasion”.

* ** Fin du document

N.B. les dates que nous utilisons sont les dates locales correspondant aux évènements. Ex : Lors d’un déjeuner de presse mercredi, le président... Il s’agit de mercredi à Tahiti, donc de jeudi à Wellington.


Air New Zealand, fidèle partenaire économique de la Polynésie française La compagnie néo-zélandaise est en pleine croissance. Résultat d'une gestion très rigoureuse, d'une grande capacité d'adaptation aux marchés et d'une recherche permanente de la qualité du service Aucune autre compagnie aérienne n'a été aussi fidèle à la Polynésie française qu'Air New Zealand. En effet, la compagnie kiwi assure la desserte du Territoire de façon régulière depuis... 1951. Aujourd'hui, plus que jamais, Air New Zealand est un partenaire essentiel du Territoire. Avec cinq vols par semaine, les lundi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche en provenance soit d'Auckland, soit de Los Angeles, elle est une des compagnies les plus présentes à l'aéroport international de Tahiti-Faaa. Et pour ce qui est du nombre de passagers transportés vers Tahiti, Air New Zealand se place en permanence dans les grands marchés touristiques. "Air New Zealand a progressivement démontré sa capacité d'adaptation aux réalités de ses différents marchés. Elle est en outre bien armée pour tirer parti de la croissance très encourageante du trafic touristique dans cette partie du monde." Le président de la compagnie, Bob Matthew, a de quoi se réjouir. Dans son rapport d'activité publié début novembre, il annonce une cascade de bonnes nouvelles. Les bénéfices d'Air New Zealand, après impôts, atteignent cette année 190,7 millions de dollars NZ en augmentation de 36,6 % par rapport à 1993. Ce résultat est considéré comme extrêmement satisfaisant notamment dans un contexte où "l'industrie aéronautique mondiale continue de lutter contre les effets de la pire récession qu'elle ait jamais connue." Pourtant, selon M. Matthew, cette industrie ne bénéficie pas encore des conditions d'une croissance forte capable de se maintenir durablement. Air New Zealand, selon lui, reste exposée à de possibles difficultés et doit se montrer très vigilante, en particulier au niveau de la maîtrise des coûts et de l'amélioration de la productivité, de manière à rester compétitive sur le plan international. Dans les prochaines années, les dirigeants d'Air New Zealand misent sur un développement très rentable des activités de la compagnie dans la région Asie-Pacifique, développement accentué par la mise en place, retardée mais toujours prévue, d'un marché aérien unique entre l'Australie et la Nouvelle Zélande. Air New Zealand a, en effet, résolument choisi de se tourner vers l'Asie et le Pacifique. En Amérique du Nord, elle n'a que trois escales (Los Angeles - Vancouver Toronto) et deux seulement en Europe (Londres et Frankfurt). Mais la compagnie néozélandaise dessert neuf villes dans sept pays d'Asie et quinze destinations dans le Pacifique. Un service toujours meilleur Une politique résolument dynamique a été menée dans tous les domaines de manière à améliorer la qualité du service Air New Zealand. Les exemples sont multiples. C'est ainsi que la compagnie a déménagé ses comptoirs à l'intérieur de l'aéroport de Los Angeles pour offrir de bien meilleures conditions à ses passagers. À l'escale de Londres, après douze ans passés à l'aéroport de Gatwick, elle vient de s'installer à celui de Heathrow, plus important et plus pratique (un véritable exploit compte tenu du nombre de demandes déposées par des compagnies étrangères et de la réticence des autorités britanniques à les accueillir).


À Tahiti, elle est la seule à offrir, à ses clients business et première classe, un salon d'attente spécial. Au Japon, Air New Zealand a été l'une des premières compagnies à utiliser le nouvel aéroport Kansai d'Osaka inauguré au mois de septembre dernier. Les résultats sont là. En Angleterre, Air New Zealand se place au troisième rang sur une liste de 45 compagnies aériennes internationales classées pour la qualité de leur service dans le cadre d'une enquête menée auprès de ses lecteurs par le journal britannique The Observer. Elle s'est également classée troisième dans une étude effectuée au Japon en 1994 parmi 50 compagnies aériennes sur la qualité du service à bord. Les vins servis par Air New Zealand sur ses vols internationaux sont, notamment, régulièrement primés par la presse spécialisée. Elle a été sacrée "Meilleure cave du ciel" en 1993. Une compagnie à vocation régionale Le Pacifique sud insulaire est tout particulièrement choyé par Air New Zealand qui se veut une compagnie régionale. L'an dernier, le nombre de passagers en provenance des îles du Pacifique vers la Nouvelle Zélande a augmenté de 13 % pour dépasser les 58 000 tandis que près de 111 000 Néo-zélandais ont visité la région (+ 8 %). Malgré l'étroitesse de ce marché, le Pacifique sud a représenté environ 1,5 % du chiffre d'affaires de la compagnie en 1994. Partenaire de la Polynésie française pour soutenir son industrie touristique en transportant toujours plus de visiteurs vers Tahiti, Air New Zealand permet également aux Polynésiens de découvrir le monde dans des conditions avantageuses. Le directeur régional pour la Polynésie française, Richard Hall, qui connaît particulièrement bien le Territoire, a poursuivi depuis son arrivée une stratégie promotionnelle très dynamique, offrant des produits souvent originaux et sans cesse plus performants à des prix très compétitifs. Enfin, Air New Zealand a également l'intention de tout faire pour soutenir le développement des exportations polynésiennes. C'est ainsi qu'en 1994, elle a annoncé une baisse très significative de ses tarifs de fret international au départ de la Polynésie française.

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Trente ans d’écriture Volume 1 - 1985-1994

Mahana - Les Editions du Soleil tahiti.ecriture@gmail.com © Avril 2018


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