PATRICK SCHLOUCH
TAHITI MAHANA BLOG Recueil d’articles publiés sur Internet 2006-2007
Mahana Edition
Tahiti Mahana Blog © Tous droits réservés - 2018 tahiti.ecriture@gmail.com
2
SOMMAIRE
2006 •
Zozos
11
Le statut des Iles Cook - 26 juillet
•
Très probable ou acquis ?
13
Nucléaire et cancer en Polynésie française - 30 juillet
•
Malhonnête
15
Nucléaire et cancer en Polynésie française, suite - 1er août
•
Sacrés mecs !
17
Le peuplement des îles du Pacifique - 4 août
•
Peuple migrateur
21
Démographie en Polynésie française - 10 août
•
Révolutionnaire
25
e
25 anniversaire de la naissance de l’ordinateur - 16 août
•
Résistance
27
L’épopée du capitaine Bligh - 18 août
•
Poète, prends ton luth !
31
L’oud, instrument de musique méconnu - 21 août
•
Extrême résolution
33
L’odyssée du capitaine Cook - 24 août
•
Le bouddhisme au cinéma
37
Festival du cinéma asiatique - 28 août
… /…
3
•
Djihad
39
Réflexions sur le terrorisme - 1er septembre
•
On est foutu, on mange trop
45
Sur l’obésité en Océanie - 4 septembre
•
Téléphone gratuit, le rêve réalisé
49
Le succès de Skype - 7 septembre
•
Stock Spam, attention danger !
53
Alerte sur les escroqueries du Net - 9 septembre
•
La puce à l’oreille
55
Le monde mystérieux des RFID - 14 septembre
•
Diabolique
61
Nucléaire et après-CEP - 22 septembre
•
L’Australie a soif
65
Manque d’eau en Australie - 23 septembre
•
Tourisme, pas de quoi pavoiser
67
Le moteur de l’économie polynésienne en panne - 27 septembre
•
Fraudes à la carte, soyez vigilants
71
Multiplication des fraudes à la carte bancaire - 1er octobre
•
Chaud devant !
79
Sur le réchauffement climatique - 5 octobre
•
Enfer et damnation
81
La menace nord-coréenne - 16 octobre
•
La vie sans mort
83
Break poétique - 18 octobre
… /…
4
•
L’économie mondiale en pleine révolution
85
Montée en puissance des pays émergents - 30 octobre
•
Un Polynésien sur treize est mormon
91
L’Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers jours - 6 novembre
•
Dans la série les pièges de l’ego
101
Break histoire drôle - 8 novembre
•
300 millions d’Américains
103
Croissance démographique aux Etats-Unis - 9 novembre
•
L’important, c’est la dose
105
Les populations indigènes victimes du diabète - 14 novembre
•
Les dents de Ségo
107
L’image publique de Ségolène Royal - 23 novembre
•
Dengue, le petit palu
109
Une maladie tropicale mal connue - 30 novembre
•
Quatrième coup d’Etat à Fidji
113
Le pays à nouveau pris en otage - 5 décembre
•
Fidji s’enfonce dans la crise
117
Les suites du coup d’Etat - 7 décembre
•
Pacifique : Sale coup pour la carte postale
119
Les violences en Océanie nuisent à l’image régionale - 9 décembre
•
Nouvelle-Zélande : Destination gastronomique
123
20 décembre
•
Une année turbulente
125
Rétrospective 2006 - 30 décembre
…/…
5
2007 •
Retour en grâce pour l’énergie nucléaire
173
2 janvier
•
2 % des êtres humains possèdent 50 % de la richesse mondiale
177
5 janvier
•
Reins à vendre
179
La demande mondiale de greffe ne cesse d’augmenter - 8 janvier
•
Le Bhoutan, un exemple pour le monde ?
181
13 janvier
•
La production d’opium en plein boom en Afghanistan
187
17 janvier
•
Le grand marché aux bébés
189
La demande mondiale de fécondation in vitro explose - 20 janvier
•
A l’aube de l’âge de l’hydrogène
193
26 janvier
•
Le Japon privatise la “prune”
197
Le contrôle du stationnement confié au privé - 30 janvier
•
Trente-quatre minutes pour mourir
199
Réflexion sur la peine de mort - 3 février
•
Drop out
201
La soif de liberté de l’homme nature - 14 février
•
Dis-moi de quoi tu ris…
203
L’humour en Polynésie française - 22 février
•
Les risques d’investir en Chine
207
25 février
…/…
6
•
Le fantôme de l’indépendance
211
Le sujet qui imprègne la politique en Polynésie française - 14 mars
•
La souffrance du changement
219
La prospérité s’accroît, mais les salaires stagnent - 17 mars
•
Géants des mers, nouvelle génération
223
Boom sans précédent sur les porte-conteneurs - 27 mars
•
La Chine redécouvre la religion
225
5 avril
•
Roggeveen, le vieux notaire aventurier
229
Le destin extraordinaire du découvreur de l’Ile de Pâques - 13 avril
•
Lapidation, la honte de l’islam
235
20 avril
•
Sous la glace, les secrets du climat
239
La mémoire du climat terrestre en Antarctique - 23 avril
•
Mendaña : L’obstination fatale
241
Premier contact entre Européens et Polynésiens - 17 mai
•
Magellan : L’obstination fatale 2
245
Première traversée du Pacifique par des Européens - 22 mai
7
Le véritable amour « Un tel amour n’est rien d’autre qu’une prison. Si les personnes aimées n’arrivent pas à être heureuses à cause de notre amour, elles chercheront à s’en libérer, elles n’accepteront pas cette cage dorée. Ce sentiment existant entre eux et nous va se dégrader et progressivement devenir de la haine et de la colère. L’amour ne peut pas exister sans compréhension. L’amour est compréhension. Si vous ne comprenez pas, vous ne pouvez pas aimer. Les maris et les femmes qui ne se comprennent pas ne peuvent pas s’aimer. Il en est de même entre frères et sœurs, parents et enfants. Si vous désirez que les êtres auxquels vous tenez soient heureux, vous devez apprendre à toucher leurs souffrances et leurs aspirations, alors seulement vous saurez comment soulager leurs souffrances et les aider à réaliser leurs aspirations. Ceci est le véritable amour. » Extrait d’un sutra, enseignement du Seigneur Bouddha Sakyamouni
Zozos Depuis le temps qu’on nous rebat les oreilles avec ce fameux « statut des Cook » encensé aussi bien par Flosse en son temps, que par Oscar désormais (pas pour les mêmes raisons toutefois), on pourrait penser que le petit voisin est un vrai paradis à prendre en modèle. Qu’est-ce que le statut des Cook ? On voulait nous faire croire que c’était, en gros, l’indépendance, mais sans la misère. Résultat, le pays est en faillite depuis dix ans et tout de même soutenu à bout de bras par la Nouvelle-Zélande, l’ancienne puissance coloniale qui ne peut décemment pas laisser ses ressortissants (les Cook ont tous la nationalité néo-zélandaise) dans la misère. L’archipel est profondément divisé en deux clans politiques d’égale importance qui tiennent chacun la moitié du Parlement. La majorité balance sans cesse d’un côté à l’autre en fonction de l’humeur et surtout des intérêts des uns ou des autres. Ça ne vous rappelle rien ? Aujourd’hui, le Premier ministre des Cook, Jim Marurai, a fait dissoudre la Chambre des Députés pour éviter une motion de censure qui allait l’éjecter du pouvoir. Pas étonnant que les Néos, et même les Australiens, soutiennent si ardemment la présence de la France dans la région. Ils ont déjà assez de soucis avec leurs propres zozos. Patrick Schlouch Punaauia, le 26 juillet 2006
Très probable ou acquis ? Une bombe nucléaire a éclaté à l’Assemblée de la Polynésie française vendredi dernier. En pleine séance de pugilat budgétaire, et au mépris de l’ordre du jour, Oscar Temaru, qui n’était probablement venu que pour cela, a scotché tout le monde en intervenant pour lire publiquement, à haute et intelligible voix, un courrier daté du 17 juillet 2006 à Paris et signé par M. Florent de Vathaire, directeur de l’Unité 605 à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Cet éminent scientifique, doté d’un poste à haute responsabilité au sein d’un prestigieux établissement public français n’y va pas par quatre chemins. Le courrier est adressé à M. Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la Sûreté nucléaire, nommé en 2005 par le ministère de la Défense. Après un préambule courtois, Florent de Vathaire assène « (…) nous avons mis en évidence une relation statistiquement significative entre la dose totale de radiation reçue à la thyroïde du fait des essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France en Polynésie française et le risque ultérieur de cancer de la thyroïde diagnostiqué entre 1985 et 2002. » Suivent les détails techniques de l’étude sur laquelle M. de Vathaire se fonde pour affirmer finalement que : « Nous considérons donc maintenant comme acquis, le fait que les essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France ont contribué à augmenter l’incidence du cancer de la thyroïde en Polynésie française. » Les autorités françaises avaient toujours affirmé l’innocuité totale des cent quatrevingt-quinze essais nucléaires effectués sur les atolls de Moruroa et Fangataufa de 1966 à 1996, y compris celle des quarante-six tirs atmosphériques. Le rapport d’une commission d’enquête de l’Assemblée de la Polynésie française, publié en février 2006, avait confirmé qu’il y eut bien d'importantes retombées radioactives à la suite de ces essais atmosphériques, sur des zones habitées. Mais, ce rapport laissait encore planer un doute sur les effets directs de ces retombées sur la santé des Polynésiens. Ce doute n’est plus permis. L’INSERM est au-dessus de tout soupçon et M. de Vathaire est un spécialiste français du cancer mondialement reconnu. Lui et son équipe étudient particulièrement les effets des rayonnements ionisants sur la santé publique. Ils ont commencé à travailler sur la Polynésie française en 1990. Et voilà le gouvernement français empêtré dans une sale histoire supplémentaire. Heureusement pour lui que la nouvelle tombe en plein départ en vacances. Samedi matin, loin d’accorder l’écho qu’elle méritait à cette information capitale, dont les conséquences politiques, financières, sanitaires, sociales, etc., sont encore incalculables, les Unes des deux quotidiens, La Dépêche de Tahiti et Les Nouvelles de Tahiti (qui appartiennent tous les deux au même groupe de presse France – Antilles)
arboraient d’énormes titres presque identiques : « La triste fin du baleineau », pour l’un, et « La tragique fin d’un baleineau », pour l’autre. Pourquoi pas cinq colonnes sur le pauvre chien écrasé dans le quartier d’à côté ? Une coïncidence qui pue la consigne à plein nez. À moins qu’ils ne considèrent que l’émotion soulevée par le courrier de M. de Vathaire va rapidement retomber comme un soufflé raté. On peut en effet se poser au moins deux questions. La première serait de savoir pourquoi M. de Vathaire n’informe M. Jurien de la Gravière que le 17 juillet, alors qu’il a déjà présenté son étude le 29 juin au cours d’un colloque à la présidence de la Polynésie française, et pourquoi adresse-t-il une copie de son courrier au président Temaru ? Plus intéressant encore serait de connaître les motifs pour lesquels il durcit son propos à ce point et si soudainement. La conclusion de l’étude de l’Unité 605 qu’il dirige, publiée moins de trois semaines plus tôt dans la presse locale, estimait que les essais nucléaires français n’avaient que « très probablement » accru le nombre de cancers de la thyroïde, et encore « de manière très limitée » de l’ordre d’une dizaine de cas. Patrick Schlouch Punaauia, le 30 juillet 2006
MALHONNÊTE Cette histoire de cancer est bien triste. Après le pauvre baleineau qui a tout de même eu droit au gros titre de Une, La Dépêche de Tahiti nous offre un tableau horrifiant. Les chiffres qui font peur ! En Polynésie française, il y aurait entre cinq et dix fois plus de cancers de la thyroïde qu’à Hawaii ou en Nouvelle-Zélande. Moi, je vous le dis tout net, je trouve cette façon de faire malhonnête. On ne nous livre pas la source des chiffres publiés et l’on ne nous informe pas davantage sur la période concernée. On nous prendrait pour des débiles, on ne s’y prendrait pas autrement. PS
Sacrés mecs ! À ma gauche, les savants, qui viennent confirmer scientifiquement que les premiers Polynésiens sont arrivés tout droit d’Asie du Sud-est. Avec tests ADN et tout, la totale ! À ma droite, dérivant au gré des Alizés, la famille Heyerdahl et ses copains (une belle lignée de Vikings) s’entêtent à vouloir prouver que les premiers habitants des îles sont (aussi) venus d’Amérique du Sud. Et ils y parviennent ! Après le grand-père, Thor (un nom de dieu !), c’est le petit-fils qui s’y est collé. À soixante ans de distance, lui et ses coéquipiers ont réussi le même exploit de traverser l’océan Pacifique sur un radeau de roseaux, sans moteur ni instruments de navigation et avec une voilure primitive ne permettant pas de remonter au vent. Tangaroa était toutefois muni de longues dérives, tout comme l’étaient les anciennes embarcations transocéaniques. Moi, la seule conclusion qui me vient à l’esprit, c’est que les îles du Pacifique ont probablement été peuplées à la fois par l’Est et par l’Ouest et que tous ces bons immigrés se sont mélangés au point de se fondre dans une société unique, mais aux origines raciales différentes, c’est tout. Cela expliquerait peut-être les constatations des « découvreurs » au sujet de l’existence de deux types de Polynésiens bien distincts. Ainsi, en 1770, le navigateur français Louis – Antoine de Bougainville écrivait : « Le peuple de Taïti est composé de deux races d’hommes très différentes, qui cependant ont la même langue, les mêmes mœurs et qui paraissent se mêler ensemble sans distinction. La première, et c’est la plus nombreuse, produit des hommes de la plus grande taille : il est ordinaire d’en voir de six pieds et plus. Je n’ai jamais rencontré d’hommes mieux faits ni mieux proportionnés ; pour peindre Hercule ou Mars, on ne trouverait nulle part d’aussi beaux modèles. Rien ne distingue leurs traits de ceux des Européens ; et s’ils étaient vêtus, s’ils vivaient moins à l’air et au grand soleil, ils seraient aussi blancs que nous. La seconde race est d’une taille médiocre, a les cheveux crépus et durs comme du crin, sa couleur et ses traits diffèrent peu de ceux des mulâtres. » On ne peut constater aucune évidence de ce genre dans la société polynésienne d’aujourd’hui. À tel point qu’on se demande comment les savants pourront bien retrouver un ADN originel dans tous ces mélanges effectués au fil des siècles. Mais, après tout, qu’ils y parviennent ou pas, quelle importance, sinon satisfaire une curiosité intellectuelle somme toute compréhensible ? L’histoire de l’Humanité n’estelle pas principalement une affaire de migrations ? C’est comme la généalogie, si l’on commence à tirer le fil, on n’en finit plus !
De toute manière, une chose est sûre : que l’on vienne de l’Est ou de l’Ouest, traverser le Pacifique dans de telles conditions, c’est un exploit formidable. Les six membres de l’équipage du Tangaroa ont passé quatre-vingt-trois jours en mer et parcouru près de neuf mille kilomètres, totalement livrés aux caprices du plus grand océan du monde, à bord d’un petit radeau en roseau ingouvernable, une botte de paille coiffée d’une minuscule cabane - bambou ballottée comme un bouchon sur des houles terrifiantes, pleines d’écume comme les mâchoires d’un chien enragé. Brrr ! J’en frissonne. « La vue du premier atoll, c'est-à-dire de Fangatau, au nord-est de Raroia après soixante-sept jours de navigation et alors que le soleil se levait, a été le souvenir le plus émouvant de la traversée », a déclaré Bjarne Krekvik, le capitaine de Tangaroa à son arrivée à Tahiti. Tu m’étonnes ! Ils ont forcément eu la trouille à certains moments. La nuit, isolés dans cette immensité obscure, avec le déchirement du vent et les embruns qui vous glacent… Puis, enfin, parvenir vivant et entier au but insensé que l’on s’était fixé. Il y a effectivement de quoi s’émouvoir. C’est pourtant dans des conditions de précarité plus sévères encore, que les Anciens voyageaient, avec femmes, enfants et animaux, d’où qu’ils vinssent, puisque telle est la théorie de Torgeir Higraff, chef du projet Tangaroa. Ce beau jeune homme blond aux yeux bleus est convaincu que les navigateurs d'antan avaient la connaissance des Alizés qui s'inversent au cours de l'année. Ils auraient ainsi disposé d’une sorte de « tapis roulant liquide » leur permettant de sillonner le Pacifique (et certainement les autres océans aussi) dans un sens ou dans l’autre selon les saisons. Certes, c’est pratique, encore faut-il être bougrement courageux et les avoir plutôt bien accrochées pour se lancer dans de telles galères. Les Anciens y étaient contraints, les Norvégiens du Tangaroa, eux, n’ont risqué leur vie que pour la science et le fun. Sacrés mecs ! Patrick Schlouch Punaauia, le 4 août 2006
Le dieu polynésien de la Mer Tangaroa, le dieu polynésien de la Mer, sépara le Ciel et la Terre. Il est le fils de la déesse-Terre, Papa, dont le corps était si gonflé d’eau qu’un jour, elle éclata, créant
ainsi l’Océan. Il se manifeste parfois sous la forme d’un énorme poisson donnant naissance à toutes les créatures de la mer, y compris les sirènes. Selon certains mythes, les êtres humains auraient été autrefois aquatiques, ce qui expliquerait l’absence de pelage sur leurs corps. Tangaroa se transforme régulièrement en un lézard vert, ce qui annonce le beau temps. Son souffle est si puissant, qu’il n’a besoin de respirer qu’une seule fois par jour. C’est ce souffle qui serait à l’origine des marées. Le frère de Tangaroa s’appelle Rongo qui, selon certaines traditions, s’identifierait à Maui, le Pêcheur des Iles, l’inventeur de la navigation à voile. Certaines sculptures le représentent comme le Créateur. De son corps émergent tous les êtres, y compris l’homme. Aux Marquises, on l’appelle Tanaoa. Les marins polynésiens et micronésiens cachent souvent sous le siège de leur bateau un morceau de corail «cerveau» symbolisant le dieu de la Mer qu’ils prient de leur accorder une traversée sans dommage. (source : Encyclopedia mythica, adaptation Mahana Blog)
Peuple migrateur Selon les derniers chiffres de l’Institut de la Statistique de Polynésie Française (ISPF), le Fenua compte désormais plus de 256 000 habitants, dont près de deux cent mille concentrés à Tahiti. Cette population a doublé en trente ans en dépit d’une baisse significative de la fécondité (le nombre de naissances a chuté de 5 500 en 1985 à 4 400 seulement en 2004), mais à la faveur d’un allongement de plus de six ans de la durée de vie moyenne durant la même période. On ne vit pourtant pas encore aussi longtemps en Polynésie française qu’en France. La différence est d’environ cinq ans. Les statistiques ne nous disent pas où l’on vit le mieux, simplement où l’on vit le plus longtemps. On peut tout de même penser que si les gens veulent à tout prix s’entasser tous au même endroit, c’est parce que c’est le meilleur. Logique non ? Si les Polynésiens désertent par milliers leurs atolls et îlots paradisiaques pour venir s’agglutiner dans les banlieues misérables et déjà surpeuplées de Papeete, Faa’a ou Pirae, c’est qu’ils doivent avoir de bonnes raisons. À Tahiti, la densité démographique est déjà énorme. L’île mesure 1 043 km2, mais à peine 150 sont habités et accessibles, ce qui nous donne à peu près 1 300 habitants au km2 et beaucoup plus dans la zone urbaine entre Mahina et Paea. Nous sommes encore très loin des quelque 35 000 habitants au km2 de Monaco, mais tout de même, cela nous situe au niveau des pays d’Europe les plus denses comme les Pays-Bas ou Malte. Comme les surfaces habitables ne vont certainement pas s’agrandir, si, comme c’est probable, la population double une fois encore dans la prochaine trentaine d’années pour atteindre entre 300 000 et 400 000 habitants à Tahiti, cette densité va devenir un très gros problème. Il va falloir bien sûr loger tout ce monde, le nourrir, le soigner, l’éduquer et lui fournir des emplois, beaucoup d’emplois. Tous ces gens vont consommer, posséder des véhicules, produire des déchets et de la pollution en grande quantité. Gouverner, c’est prévoir. Il n’est certes pas nécessaire de sortir d’une grande école ou d’une prestigieuse université pour comprendre que, compte tenu de l’imminence et de l’importance des besoins, ainsi que du temps nécessaire pour mettre en œuvre les investissements indispensables à leur satisfaction, la situation de cette génération qui va nous succéder, c’est-à-dire nos enfants et leurs enfants, dépend directement des décisions politiques prises aujourd’hui.
Or, que constatons-nous ? Une terrible difficulté à gérer le présent, une fuite en avant, les yeux bandés, une irresponsabilité entière à l’égard des générations futures et de l’évolution démographique. J’entendais l’autre jour un homme s’exprimer sur le répondeur téléphonique de Radio 1. Il nous expliquait comment, habitant la Presqu’île et travaillant à Papeete, il devait se lever chaque jour à 3h30 du matin et quitter son domicile vers 4h30 pour rejoindre la capitale deux heures et demi plus tard. Et presque autant le soir pour rentrer chez lui. Soit plus de quatre heures par jour dans les transports, bloqué le plus souvent dans les embouteillages. Cela fait vingt-cinq heures par semaine et pas moins de cent heures par mois. Sur l’année, le malheureux garçon passe plus de quarante-cinq jours dans sa voiture. Et, comme il nous révélait qu’il fait cela depuis quinze ans déjà, il aura passé presque deux ans dans sa caisse. J’espère pour lui qu’il a la musique et la clim’. Il faut multiplier ces chiffres par les milliers d’autres Polynésiens qui subissent le même calvaire. Quel gâchis ! L’homme du répondeur exhortait vivement les autorités du pays à accélérer la construction d’une autoroute digne de ce nom entre la Presqu’île et Papeete pour adoucir l’existence éreintante de ces gens. C’est malheureusement tout le contraire qu’il se passe. J’ai pensé à lui avec compassion, mercredi soir, quand Jean-Christophe Bouissou, toujours bien informé, a révélé au journal de RFO Télé Polynésie que le gouvernement, loin d’activer la réalisation de cette voie rapide, avait décidé d’enterrer totalement le projet. Ça c’est pour la route, mais des lycées et des collèges, vous en voyez de nouveaux vous ? On se contente de rapiécer ce qui existe et de tasser les pauvres gamins dedans. Et l’on espère en plus qu’ils obtiendront de meilleurs résultats scolaires que leurs aînés. Un comble ! Pour le reste, c’est pareil : profil bas. Puisque, de toute manière, toute infrastructure un peu ambitieuse exige le soutien financier de l’État et que, comme il l’a toujours fait à Faa’a, Oscar refuse par principe de solliciter ce soutien, on n’est pas près de voir les premiers coups de pelleteuse des grands travaux d’équipement dont le pays a le plus urgent besoin. Il y aura bien un nouvel hôpital à Tahiti, mais vraiment de justesse. Si le chantier n’avait pas été aussi avancé quand ils sont arrivés au pouvoir, ils l’auraient supprimé aussi. D’ailleurs, ils l’avaient expressément annoncé pendant leur campagne électorale. Ils considéraient ce projet comme « disproportionné ». Ceux-là ne lisent pas les statistiques de l’ISPF. Et je ne parle même pas des îles. Nous venons de voir ce qu’il s’est passé à Raiatea où l’hôpital a dû fermer plusieurs services faute de praticiens.
Dans son éditorial de ce mois d’août, intitulé « Il faudra bien s’y résigner », le magazine Tahiti Pacifique traite ce même sujet de l’avenir des jeunes générations sur un mode plutôt pessimiste. « Ainsi nos jeunes chômeurs (surtout les diplômés), au lieu d’attendre pendant des années (généralement en vain à moins d’avoir un tonton maire ou ministre) un éphémère poste de fonctionnaire privilégié, feraient mieux de chercher une voie d’avenir dans l’émigration, aussi douloureuse soit-elle. », écrit Alex du Prel, en reconnaissant toutefois que même là, les débouchés sont incertains et soumis à une forte concurrence asiatique ou autre. Oui, je ne suis pas loin de lui donner raison, bien que, jusqu’à aujourd’hui, les jeunes Polynésiens français aient, fort heureusement, échappé au triste sort commun des insulaires de la région contraints en très grand nombre d’abandonner leurs villages et leurs îles à la fois pour trouver les moyens de subsister et aussi pour profiter des avantages de la vie moderne. Cela dit, ce sera peut-être moins dramatique qu’il n’y paraît. S’ils doivent un jour quitter leurs îles pour trouver fortune ailleurs, les Polynésiens ne feront que renouer avec leur nature profonde et des pratiques ancestrales. Ne sont-ils pas avant tout un peuple migrateur ? Patrick Schlouch Punaauia, le 11 août 2006
www. ispf.pf
RÉVOLUTIONNAIRE Son vingt-cinquième anniversaire passe pratiquement inaperçu. Guère étonnant, les médias ont généralement pour habitude de privilégier le dramatique, le spectaculaire et le violent. Et pourtant, son apparition il y a un quart de siècle fut une révolution au moins aussi profonde que l’arrivée de l’électricité dans les foyers et dans les ateliers cent ans plus tôt. Il a transformé la vie de la plupart d’entre nous. Nous ne saurions plus que faire sans lui et nous lui devons de plus en plus notre pain quotidien. À vingt-cinq ans, l’ordinateur personnel, le PC (Personal Computer), a changé le monde. L’IBM 5150, lancé en août 1981 par le leader mondial incontesté de l’informatique de l’époque, est considéré comme le premier véritable ordinateur personnel, même s’il a eu quelques prédécesseurs éphémères. Il était vendu 150 000 Fcfp, 1 250 € (aux Etats-Unis) et ne disposait que de 16 ko de mémoire (à lui seul, le texte que vous lisez « pèse » presque cinq fois plus). Il utilisait des cassettes audio pour charger les données et les enregistrer (le lecteur de disquettes était en option). On estime qu’il existe aujourd’hui plus d’un milliard de PC dans le monde, et il s’en vend deux cents millions par an, mais leur répartition est très inégale. Les Américains sont équipés à 70 %, les Français à 35 %, les Brésiliens à 7 % et les Chinois à seulement 3 %. Le potentiel est encore gigantesque. Le PC a créé de nouvelles richesses à une vitesse et à une échelle jamais connues dans l’histoire de l’Humanité. La valeur globale des entreprises de production d’ordinateurs personnels et des logiciels qu’ils utilisent dépasse les 500 milliards de dollars (390 milliards d’euros). La productivité du travailleur individuel a explosé. Le très grand public a eu accès au traitement de texte, aux tableurs, au courriel, au partage de fichiers et, plus récemment, au téléphone quasi gratuit. IBM a connu un immense succès avec le 5150, mais il n’en profita pas longtemps. De nombreuses imitations envahirent bientôt le marché à des prix plus intéressants et l’on s’est vite aperçu que la véritable valeur résidait dans les logiciels. C’est ainsi que M. Bill Gates, en créant le système d’exploitation presque incontournable de ces myriades d’esclaves électroniques, est devenu l’homme le plus riche du monde en à peine plus d’une décennie. La révolution numérique est permanente. La technique évolue à une vitesse sans cesse grandissante. Vingt-cinq ans seulement après sa naissance, le PC n’est pas encore aux oubliettes, mais sa suprématie est bousculée, et c’est un euphémisme, par le téléphone mobile qui devient chaque jour davantage le nouveau paradigme de l’appareil numérique personnel.
Le saviez-vous ? Dans quel pays produit-on le plus de films ? En Inde ? Aux Etats-Unis ? À Hong-Kong ? Vous n’y êtes pas. C’est au Nigeria. On y tourne et distribue plus de 2 000 films à petit budget (de 1,5 à 10 millions de Fcfp – 12 500 à 85 000 €) par an, dont environ les deux tiers en anglais. Cette industrie est née par hasard en 1992. Un commerçant nigérien, Kenneth Nnebue, voulait se débarrasser d’un gros stock de cassettes vidéo vierges achetées à Taiwan. Il pensa qu’il serait plus facile d’écouler les cassettes s’il y avait un film enregistré dessus. Il réalisa lui-même le film, une sordide histoire de meurtre rituel vaudou. Il en vendit plus de 750 000 copies. Un tel succès fit aussitôt naître de nombreuses vocations. Nollywood, comme on surnomme l’industrie cinématographique nigérienne, emploie aujourd’hui plus d’un million de personnes. C’est l’activité qui fournit le plus d’emplois au Nigeria après l’agriculture. Elle génère un chiffre d’affaires annuel de près de 30 milliards de Fcfp (250 milions €). Patrick Schlouch Punaauia, le 16 août 2006
RÉSISTANCE Le capitaine William Bligh (1754 – 1817) était un être étrange et exceptionnel. Militaire anglais jusqu’au bout de sa queue de pie, excessivement susceptible, le ton mordant, il avait le chic pour se faire des ennemis. Mais c’était un excellent marin, fiable et compétent. On le trouve d’abord sous les ordres de James Cook. Il est maître d’équipage à bord du Resolution au cours du troisième voyage du célèbre capitaine, de 1776 à 1780. Plus tard, on lui confia le soin de se rendre à Tahiti pour prélever des plants d’arbre à pain dans l’optique de les cultiver aux Antilles pour nourrir les populations d’esclaves. Charmante mission que Bligh effectua sur le Bounty. Son aimable caractère provoqua les événements que tout le monde connaît. La mutinerie menée par le quartier – maître Fletcher Christian (1764 – 1793) a été rendue célèbre par de nombreuses versions romancées en librairie comme au cinéma. Le voyage avait été très difficile. Parti d’Angleterre en 1787, Bligh avait tenté pendant plus d’un mois de franchir le cap Horn, mais en vain. Des conditions météo épouvantables avaient toujours empêché le Bounty de passer. Il avait fallu se résigner à faire le grand tour par Bonne-Espérance. Une fois à Tahiti, le chargement des plants de uru n’en finissait pas. Au grand dam de Bligh, le Bounty et son équipage séjournèrent plus de cinq mois à la Nouvelle Cythère où la plupart de ces fringants jeunes gens eurent tout loisir de nouer de tendres idylles avec quelques brillants spécimens de la gent féminine autochtone, localement appelée Vahiné Tahiti, fameuse pour son charme, son érotisme torride et son parfum de noix de coco. En avril 1789, quand il fallut quitter les îles pour reprendre la mer et le collier, ce fut un déchirement. Tous les ingrédients étaient réunis pour que ça pète. Et ça a pété ! Bligh avait nommé Christian lieutenant par intérim, bien qu’il n’en ait pas le grade, parce qu’il n’avait que lui sous la main. Les deux hommes se connaissaient bien, Christian avait déjà navigué à deux reprises vers les Caraïbes sous les ordres de Bligh. Ils se faisaient confiance. Il n’y avait pas de détachement militaire à bord. Le commandant, seul détenteur de l’autorité, n’avait aucun moyen de s’opposer à des mutins décidés, qui plus est menés par son propre second. La révolte était dans l’air depuis le départ de Tahiti. Elle éclata le 28 avril 1789. Fletcher Christian était suivi par un quart de l’équipage seulement, mais ils étaient fort déterminés. Les loyalistes étaient largement plus nombreux, mais ils ne résistèrent pas et tout se passa sans effusion de sang. Bligh et quatorze de ses dix-huit fidèles furent transférés à bord d’une petite chaloupe de sept mètres de long et laissés à l’abandon en plein océan, avec seulement quatre couteaux, des vivres et de l’eau pour quelques jours. Christian laissa à son capitaine un sextant et une montre, mais aucune carte ni boussole. Quatre loyalistes
restèrent à bord du Bounty avec les mutins car la chaloupe était vraiment trop étroite. Ils furent plus tard relâchés à Tahiti où Christian s’empressa de se rendre avec ses complices piqués au tiaré. Qu’est-ce qu’une qualité ? Qu’est-ce qu’un défaut ? Le même trait de caractère peut être successivement l’une ou l’autre. L’inflexibilité et la rudesse de Bligh avaient provoqué la haine de ses marins et sa perte. Elles le sauvèrent, lui et ses compagnons d’infortune, d’une mort certaine. Ils réussirent miraculeusement à franchir une distance considérable, sans toucher aucune terre ni pouvoir se ravitailler en aucune manière, serrés et roulés en boule dans le fond de cette barque. On peut aisément imaginer leurs conditions de survie. Quand les naufragés aperçurent la première terre, l’île de Tofua à Tonga, ils essayèrent d’y débarquer, mais ils furent repoussés par les indigènes et l’un d’entre eux fut tué dans la bagarre. Bligh décida alors de cingler vers Timor, le comptoir européen le plus proche d’où il savait pouvoir regagner l’Angleterre. Le plus proche, certes, mais tout de même à près de sept mille kilomètres. Une paille ! Ils allaient devoir en outre traverser le dangereux détroit de Torres entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée. Le voyage prit quarante et un jours, mais Bligh a réussi, en grande partie grâce à son odieuse volonté de fer. Sans carte, il a navigué « de mémoire ». Avec tout le respect et l’admiration que je porte aux jeunes Norvégiens qui, au mois de juillet, ont rallié le Pérou et Tahiti en dérivant sur le radeau Tangaroa, je ne peux m’empêcher de relativiser leur exploit en regard de ce que réalisèrent Bligh et ses compagnons à bord de leur chaloupe surpeuplée, sans eau et sans nourriture. C’était une victoire vraiment incroyable sur le désespoir et le dénuement. Et pourtant, la découverte, cette semaine, au large des îles Marshall par un bateau de pêche taïwanais, de trois pêcheurs Mexicains ayant dérivé dans le Pacifique pendant neuf mois, oui neuf mois, une nouvelle gestation complète, repousse une fois encore les limites connues de la résistance physique et mentale de l’être humain à des degrés difficilement concevables. Après son retour en Angleterre et son acquittement en cour martiale en 1790, Bligh servit notamment sous les ordres de l’amiral Nelson et se fit remarquer par son courage au cours de batailles contre les Hollandais qu’ils gagnèrent ensemble. En 1804, on lui offrit le poste de gouverneur des Nouvelles - Galles du Sud (Australie) qu’il accepta pour un traitement de 2 000 livres par an, le double de ce que recevait son prédécesseur. Il arriva à Sydney en août 1806. Agé de 54 ans, presque vingt ans après sa mésaventure sur le Bounty, son destin va pourtant le rattraper. Dès 1808, il fut victime de la seconde rébellion de sa carrière, la Révolte du Rhum. Beaucoup moins célèbre et médiatisée que la première, elle était
menée par un certain major George Johnston, à la tête d’un groupe de trafiquants d’alcool. Bligh fut contraint de quitter Sydney pour Hobart (Tasmanie) où il fut fait prisonnier et resta cantonné à bord de son navire, le Porpoise, jusqu’en janvier 1810. Il put alors retourner à Sydney où il rassembla les preuves nécessaires à la traduction de Johnston en cour martiale et partit pour l’Angleterre. Promu vice-amiral en 1814, William Bligh mourut à Londres en décembre 1817 à l’âge de 63 ans, une belle longévité compte tenu des dangers et aventures ayant jalonné son existence. Sa tombe est décorée d’un fruit de l’arbre à pain. Patrick Schlouch Punaauia, le 18 août 2006
Le vice-amiral Bligh en 1814
POÈTE, PRENDS TON LUTH ! Samedi soir, RFO Télé Polynésie nous a gratifiés d’un cadeau peu commun : la retransmission d’un sublime concert du pianiste cubain Omar Sosa au New Morning à Paris en décembre 2004. Bien que Sosa soit apparemment célèbre depuis plus de dix ans, ce fut pour moi une révélation musicale comme je n’en avais plus connu depuis bien longtemps et un moment exceptionnel que j’aimerais partager avec vous. Outre sa musique flamboyante, sous-tendue de rythmes afro-cubains et portée au pinacle par une virtuosité spectaculaire au clavier, souvent comparée à l’élégance d’un Keith Jarrett, il était, entre autres, accompagné par Dhafer Youssef, chanteur tunisien qui utilise sa voix comme un instrument de musique et magnifique joueur d’oud. Youssef a aussi son propre quintette et je vous recommande très chaleureusement son album Divine Shadows, sorti en mars 2006, c’est un pur bijou. Quant à Sosa, vous avez le choix parmi une douzaine d’albums tous meilleurs les uns que les autres. Il semble que Sentir (2002) soit son œuvre la plus fameuse, elle n’est malheureusement pas disponible sur iTunes. En revanche, on le retrouve avec Dhafer Youssef, sa voix et son oud, dans Mulatos (2004). Magnifique ! Tout cela m’a donné l’envie de vous présenter cet instrument mythique, mal connu mais absolument génial. On trouve des traces des premiers ouds en Mésopotamie, il y a plus de cinq mille ans. En Perse, il y a trente-cinq siècles, on l’appelait barbat. C’était le même instrument que les Egyptiens utilisèrent au temps des Pharaons. Les Arabes l’ont plus tard adopté comme instrument fétiche. Ils lui donnèrent le nom d’Al Oud, ce qui signifie « bois », plus précisément, « bois fin ». Il a la forme d’une moitié de poire, de taille variable selon les pays, avec un cordier court et coudé, portant généralement onze cordes (cinq doubles et une basse). Elles furent d’abord faites de boyau animal. On les pinçait avec un plectre taillé dans de l’aubier de cerisier ou de la corne. Aujourd’hui, tout cela a été remplacé par du plastique et l’oud s’est répandu dans le monde entier, notamment sur le pourtour de la Méditerranée où la tradition musicale est essentiellement fondée sur lui. Au Moyen Âge, les Croisés rapportèrent l’instrument de Terre Sainte jusqu’en Europe et le baptisèrent luth, déformation phonétique de alud. L’oud est le principal instrument de musique du monde arabe. Son jeu repose sur une technique définissant les codes et développements d’un morceau autour du principe du maqaam ou makam, ligne mélodique de quatre ou cinq notes sur lesquelles on peut pratiquement improviser à l’infini. Patrick Schlouch Punaauia, le 21 août 2006
Oud
Dhafer Youssef
Omar Sosa
EXTRÊME RÉSOLUTION « J’ambitionnais non seulement d’aller plus loin qu’aucun homme n’était encore allé, mais aussi loin qu’il était possible d’aller. » Waoh ! Rien que ça ? Colomb ? Napoléon ? Armstrong ? Gandhi ? Einstein ? Bouddha ?… Tous et d’autres encore auraient pu être l’auteur de cette phrase qui fait rêver. Elle est née en réalité sous la plume d’un grand marin, le capitaine James Cook, dont on se demande vraiment comment et pourquoi aucun cinéaste de notre temps n’a, jusqu’à aujourd’hui, mis en scène les exploits fabuleux et la personnalité exemplaire. Les descriptions de ses voyages sont d’une précision horlogère. Heure par heure, on découvre avec lui l’Océanie d’il y a deux siècles et demi et ses habitants, les « naturels » comme il les appelle. Il croit nous dépeindre seulement le monde étrange des îles, mais, sans le vouloir, c’est aussi, et peut-être surtout, son propre univers qu’il nous invite à pénétrer. En le lisant, on a l’impression de se trouver dans sa tête, derrière ses yeux et de visionner à nouveau ce qu’il a vécu. Ce qu’il nous raconte n’existe plus, c’est un monde perdu qui nous apparaît fascinant et dangereux, inconfortable et grandiose. Spectaculaires, en tout cas, les décors et les acteurs de l’époque. Cook promène sur tout cela un regard froid, sinon glacial, d’observateur anglais convaincu de sa supériorité absolue sur les êtres qu’il découvre et qu’il ne semble pas très bien situer, quelque part entre l’homme et l’animal. Et pourtant, on sent aussi chez lui une grande compassion, une ouverture d’esprit, certes indispensable à un découvreur, une connaissance de la vie et des souffrances humaines qu’il considère sagement comme faisant partie du jeu. Il ne se plaint jamais, mais évoque ses propres maux tout aussi sobrement que ceux des autres, dans son style simple de journal de bord. Il nous décrit ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il sent, ce qu’il mange, ce qu’il touche… Son récit ne traduit guère d’émotions fortes. Jusque dans les moments les plus hard, il garde son calme et son sang-froid. Le ton de ses rapports demeure objectif et paisible en toute occasion. Malgré cette rigueur et cette sobriété de ton, l’extraordinaire s’affiche au détour de chaque ligne. Un film, je vous dis, une véritable superproduction. Imaginez un peu cette scène, par exemple ! Nous sommes à bord de l’Endeavour en ce 13 avril 1769, par 17° 25’ de latitude sud et 149° de longitude ouest, cap au sud-ouest. Toutes voiles dehors. L’air est chaud. La brise d’alizé est soutenue. Elle soulève des moutons à la surface de l’océan Pacifique et fait chanter les haubans. James Cook est sur la passerelle, à l’arrière du navire, à côté du timonier accroché à sa barre en bois verni. Il se tient debout, les jambes légèrement écartées, une main derrière le dos, l’autre maintenant sur sa tête un bicorne noir d’où émerge, de chaque côté, une longue mèche brune. Le capitaine plisse les yeux pour fixer l’horizon. Il demande une longue-vue. On la lui
apporte. Il la déplie et la place devant son œil droit, fermant l’autre dans une grimace disgracieuse. Il est trois heures de l’après-midi, le soleil descendant sur tribord l’éblouit un peu, mais il la voit bien. L’île est là, devant lui, exactement comme il l’avait prévu. Au même moment, un cri part de la vigie perchée dans les huniers : « Terre ! Terre ! Captain, l’île George droit devant, à vingt milles ». Si un sourire a jamais éclairé le visage de ce flegmatique, ce fut certainement à cet instant. Cook avait baptisé son navire Endeavour, ce qui signifie « effort », « tentative ». Il avait quitté l’Angleterre en août 1768, et franchi le cap Horn six mois plus tard. Depuis lors, les cent hommes embarqués dans cette folle équipée n’avaient pas vu d’autre terre que Vahitahi, un atoll de l’Est des Tuamotu, à peine observé de loin. Tahiti, but du voyage, l’île George, comme Samuel Wallis l’avait nommée deux ans plus tôt, en l’honneur du roi d’Angleterre, Georges III, leur apparut comme un bonheur après neuf mois de mer et de privations. Diablement puissants devaient être l’attrait de l’inconnu et les espoirs de fortune et de gloire auprès de ces hommes pour qu’ils fissent le choix de s’associer, aussi nombreux, à de telles aventures en dépit des risques et des difficultés. J’ai eu la chance de pouvoir visiter la réplique de l’Endeavour lors de son escale au port de Papeete en 2005. Cent marins, civils et militaires, étaient entassés avec armes et bagages sur cet esquif de trente et un mètres de long seulement, où l’espace était mesuré au centimètre près. Dans les quartiers étouffants des matelots, on ne pouvait pas se tenir debout. Il n’y avait évidemment aucune installation sanitaire. Les cabines des officiers, le carré et même les « appartements » du capitaine, situés à l’arrière du navire, semblent d’une exiguïté à peine concevable pour d’aussi longues traversées. La nourriture était la plupart du temps épouvantable. Après quelques semaines, il ne restait plus aucun aliment frais à bord. La chaleur et l’humidité avaient rapidement raison des biscuits et des réserves qui pourrissaient dans des barriques à fond de cale. On mourait généralement du scorbut, cette maladie provoquée par une carence en vitamine C. Quand le scorbut s’attaquait à un équipage, c’était horrible. Les gars perdaient leurs dents, leurs gencives n’arrêtaient plus de saigner, toute énergie les abandonnait et ils finissaient par mourir. Très peu y échappaient. Des milliers de marins ont succombé à ce mal dont on connut assez vite la cause, mais qu’on ne savait pas prévenir pour de très lointains voyages. C’est là que les qualités exceptionnelles de Cook se manifestèrent. Il prépara ses expéditions avec un soin d’une minutie extrême, ne laissant aucun détail au hasard et il est certain que personne n’eut pu faire mieux que lui à son époque. Quand l’Endeavour mouilla son ancre dans la baie de Matavai, sur la côte est de Tahiti, « il n’y avait que très peu d’hommes sur la liste des malades et tous les cas étaient bénins », écritil, alors que, l’année précédente, au même endroit, le Français Bougainville avait quarante-quatre hommes souffrant du scorbut. Le génie de Cook fut de savoir s’informer des expériences de ses prédécesseurs. Il apprit ainsi que la choucroute était un excellent préventif du scorbut, de même que la bière. Il embarqua donc de
2
grandes quantités de ces deux denrées (la bière sous forme de concentré qu’il suffisait de réhydrater à volonté pour obtenir une boisson tout à fait acceptable) lesquelles se révélèrent extrêmement précieuses. Mais, le danger ne s’arrêtait pas au scorbut, il se cachait partout. On pouvait tomber à la mer, faire naufrage, être coupé en morceaux par les cannibales, s’empoisonner avec toutes sortes de plantes ou animaux inconnus… On pouvait tout simplement mourir de faim ou de soif, de froid ou d’insolation, succomber à l’une des nombreuses maladies tropicales (quoique, de ce triste point de vue, ce sont surtout les indigènes qui ont eu à pâtir de la rencontre avec les Européens). La moindre blessure pouvait s’infecter et entraîner la mort en quelques jours. Inconscience ? Courage ? Appât du gain ? Soif d’aventure et de célébrité ? James Cook n’eut étrangement jamais de peine à rassembler des équipages compétents qui l’ont parfois surpris lui-même par leur discipline et leur sang-froid. Il réussit ainsi à effectuer trois voyages entre 1768 et 1779, onze années dont neuf passées en mer. Il était mandaté et financé par la Royal Society en l’honneur de laquelle il baptisa l’archipel de la Société. Fondée en 1660, la Société royale de Londres est une institution à caractère scientifique, une sorte d’Académie des Sciences. Elle envoya officiellement Cook à Tahiti pour observer un passage de la planète Vénus (d’où le nom de la Pointe Vénus à Mahina où il avait installé son observatoire). Mais, ce n’était qu’un leurre. La véritable mission de Cook, ce qui obsédait les Anglais, c’était de vérifier l’existence de l’immense continent austral que d’éminents scientifiques prétendaient indispensable par sa masse à l’équilibre global de la planète sur son axe. Et, bien naturellement, une fois ce mythique continent découvert, de mettre la main dessus au nom du roi d’Angleterre. Le premier voyage eut lieu d’août 1768 à juillet 1771, à bord de l’Endeavour. Ce fut un tour du monde via le cap Horn, Tahiti, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Indonésie et le cap de Bonne-Espérance. Pour son deuxième voyage, Cook disposait de deux navires. Lui-même se trouvait à bord du Resolution, accompagné par l’Adventure commandé par son second, le capitaine Furneaux. Un jeune mousse de quinze ans faisait partie de l’équipage, Georges Vancouver, qui donnera plus tard son nom à l‘une des plus grandes villes du Canada. Les deux vaisseaux n’achevèrent pas le voyage ensemble, s’étant perdus de vue dans les brumes de la Nouvelle-Zélande, au milieu des détroits séparant les deux îles du Nord et du Sud. Parti d’Angleterre en juillet 1772, Cook descendit d’abord aussi loin vers le Sud qu’il le pouvait sans jamais trouver la moindre trace du fameux continent austral. Lui-même ne croyait pas à son existence, mais il fit son travail avec zèle et le rechercha aussi longtemps et aussi loin qu’il lui fut possible. Il navigua aux confins du cercle polaire jusqu’au soixantième parallèle et atteignit la Nouvelle-Zélande en mars 1773. Il passa les dix-huit mois suivants à sillonner le Pacifique sud, jusqu’en novembre 1774, avant de franchir le cap Horn en décembre et de prendre le chemin de retour vers l’Angleterre où il arriva en juillet 1775. Un an plus tard, il repartait déjà pour son troisième et dernier voyage qui devait se terminer en tragédie aux îles Hawaï le 14 février 1779.
3
Son navire, le Résolution était accompagné cette fois par le Discovery commandé par le capitaine Clerke et à bord duquel prit place Omaï, le jeune Tahitien que Wallis avait transporté neuf ans plus tôt jusqu’en Angleterre et qui trouvait là une occasion inespérée de rentrer dans son pays natal. On pouvait aussi noter la présence aux fonctions de maître d’équipage d’un certain William Bligh, qui se rendit célèbre dix ans plus tard après la fameuse l’épopée de la Bounty. Les deux navires quittèrent Plymouth en juillet 1776 et firent route vers le Sud. Ils franchirent le cap de Bonne-Espérance et traversèrent l’Océan Indien avant d’atteindre la Nouvelle-Zélande. Cook poursuivit vers les îles de l’Amitié (Tonga), puis Tahiti où il relâcha environ trois mois. Il cingla ensuite vers le Nord où il découvrit les îles Hawaï qu’il baptisa îles Sandwich en l’honneur du Lord du même nom, alors amiral de la flotte royale britannique. Puis il longea la côte ouest de l’Amérique du Nord jusqu’en Alaska et franchit même le détroit de Behring entre l’Amérique et l’Asie avant de redescendre plein sud vers Hawaï. C’est malheureusement là, dans la splendide baie de Kealakekua, qu’il tomba dans une embuscade, reçut un coup de poignard dans le dos et, sous les yeux de ses hommes, fut massacré avec la plus grande sauvagerie, puis probablement dévoré, par quelques-uns de ces « naturels » qu’il avait pourtant toujours respectés (respect mutuel du reste) et discrètement admirés. Il n’avait fait qu’oublier pour un temps sa rigueur et sa prudence légendaires. Cet instant de distraction lui fut fatal. S’appeler Cook, ce qui signifie « cuisinier », et se faire manger par des cannibales aux îles Sandwich, voilà qui est tout de même un comble. En tout cas, ce grand gaillard hors du commun est bien allé comme il en avait l’ambition, aussi loin qu’aucun homme n’était encore jamais allé, aussi loin qu’il était alors possible d’aller et même au-delà… À noter que deux des navettes spatiales américaines ont été baptisées Endeavour et Discovery pour lui rendre hommage. Patrick Schlouch Punaauia, le 24 août 2006
Le capitaine James Cook (1728 – 1779) 4
LE BOUDDHISME AU CINÉMA Le 8è Osian Festival du cinéma asiatique a eu lieu du 14 au 23 juillet 2006 à l’Auditorium Siri Fort et à l’Alliance française de New Delhi en Inde. Plus de cent films réalisés dans quarante pays différents ont été projetés au cours de ce festival qui a notamment mis en évidence l’émergence d’un cinéma arabe encore dans l’enfance. Nouveauté de cette huitième édition, une section consacrée au bouddhisme, baptisée « La Voie du Milieu » avec, au programme, douze longs-métrages produits entre 1925 et 2006. Parmi les anciens films, on retrouvait Little Buddha de Bernardo Bertolucci (1993) et Siddharta de Conrad Rooks (1973). À noter aussi The Light of Asia de Prem Sanyas, une coproduction germano-indienne en noir et blanc datant de 1925. À Bombay, un vieil homme assis sous un arbre de la bodhi (Ficus religiosa, le figuier sacré) raconte la vie de Bouddha à des touristes européens. À l’affiche également Milarepa du Bhoutanais Neten Chokling (2005) sur la vie du grand saint tibétain et The Last Monk du réalisateur indien Sudipto Sen (2006), l’histoire d’une jeune mariée qui découvre le Ladakh à l’occasion d’un voyage d’étude et tombe sous le charme de la puissante beauté de cet ancien royaume bouddhiste. Le cinéaste indien autodidacte Pan Nalin, auteur réalisateur de Samsara (plus de trente récompenses) et de Ayurveda, Art of Being, faisait partie du jury. P.S. Punaauia, le 27 août 2006 www.cinemaya.net
DJIHAD Les terroristes islamistes d’Al Qaïda1 et consorts irakiens, talibans, indonésiens, palestiniens, etc., la liste est dramatiquement longue et s’allongera sans cesse, nous conduisent à méditer sur l’idée que nous nous faisons de la mort. Tout le « génie » d’Ousama ben Laden a été de coaliser les divers mouvements islamistes qui, avant lui, luttaient chacun pour soi, pour son pays et pour sa propre cause. C’est aussi lui qui a su convaincre les militants d’aller jusqu’au suicide et au martyre. Dans la stratégie du djihad, la guerre sainte, le suicide n’est plus seulement dirigé contre soi-même comme c’est sa définition première. C’est devenu l’arme suprême, la moins chère, la moins détectable, et dont les effets dévastateurs sont proportionnels à l’écho médiatique qu’elle déclenche. Pour ces fanatiques, le suicide n’est même plus un sacrifice, c’est un honneur, probablement une joie. Un officier du Hezbollah, la milice chiite libanaise, expliquait devant les caméras de télévision que, contrairement aux armées occidentales au sein desquelles la culture dominante a toujours été celle de la victoire (seule la victoire est belle), la formation des miliciens islamistes est centrée sur le concept de défaite. La victoire est parfois accordée par Dieu, mais la défaite, qui est fréquente, doit être considérée par les combattants comme un succès, quelque chose dont on ne doit, en tout état de cause, ni s’affliger ni avoir honte. Ce n’est plus l’issue du combat qui est importante, c’est le combat lui-même. Biberon Ces fous de Dieu ont-ils seulement une idée claire de leur objectif final ? Une théocratie islamique globale ? La conversion forcée de l’humanité à l’islam, comme on l’a vu pour ces deux journalistes américains récemment enlevés à Gaza, ou dans les déclarations du numéro deux d’Al Qaïda, Ayman al-Zawahiri, qui, dans une vidéo diffusée à quelques jours du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 à New York, exhorte les Occidentaux à se convertir à l’islam sous peine de représailles ? La marginalisation progressive, puis l’exclusion et la persécution des « infidèles », comme on le constate de plus en plus dans les pays musulmans ? Il n’y a rien là de très nouveau sous le soleil. L’imposition brutale d’une doctrine religieuse ou politique, on a déjà connu cela autrefois avec le catholicisme, entre 1
Mot arabe signifiant « la Base ».
autres, et plus près de nous avec le fascisme, le nazisme et le communisme. En revanche, la méthode employée est nouvelle. Le sacrifice enthousiaste des terroristes islamistes est très éloigné de celui des kamikaze de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’ici présentés comme les archétypes du dévouement patriotique. Une récente étude a montré que les jeunes aviateurs japonais étaient en réalité contraints à l’immolation sous la pression de leur hiérarchie militaire et d’une tradition culturelle nationale fondée sur l’honneur. Les lettres déchirantes qu’ils ont laissées à leurs proches avant de décoller pour la dernière fois ne laissent planer aucun doute. Ce n’est plus le cas des djihadistes qui se portent candidats par milliers, hommes et femmes, pour offrir leurs vies et courir au martyre. Désormais, la simple menace d’un attentat a autant d’effet anxiogène que l’attentat lui-même. L’annonce par les services secrets britanniques de l’arrestation d’un groupe terroriste constitué de jeunes islamistes d’origine pakistanaise se réclamant de la mouvance Al Qaïda et préparant une série d’attentats aériens monstrueux a provoqué la panique et un invraisemblable renforcement des mesures de sécurité dans les aéroports. On ne peut plus transporter de produits liquides dans les cabines des avions, même pas de l’eau. Ici à Tahiti, ces mesures ont été appliquées comme partout, entraînant des retards considérables dans le traitement des passagers et des bagages et pénalisant gravement les commerces hors taxes. Les personnes accompagnées de très jeunes enfants bénéficiaient toutefois d’une dérogation et avaient la permission d’emporter avec eux certains produits liquides, comme du lait par exemple. C’est oublier un peu vite que la folie meurtrière des terroristes n’a aucune limite. On a du reste appris (source : Le Point) que, parmi les jeunes Britanniques arrêtés in extremis en pleine préparation d’attentat, il y avait un couple prêt à faire sauter son bébé de six mois, en plaçant un explosif dans son biberon. Aucun système de contrôle, aussi draconien soit-il, ne pourra jamais écarter tout risque de catastrophe. Rien n’arrêtera la détermination des terroristes. Ils sauront frapper là où on ne les attend pas, c’est même le propre du terroriste, il attaque toujours au point le plus faible. Ils jouent avec nos peurs qu’ils semblent eux-mêmes ignorer. Peu à peu, ils nous poussent là où ils le souhaitent, dans l’angoisse, jusqu’à nous faire accepter les pires humiliations pour tenter de protéger nos précieuses existences. Comme ils doivent nous mépriser ! Invisible L’ennemi n’est plus à l’extérieur, bien visible, il se cache dans la société comme un virus dans l’organisme qu’il a envahi. Ce qui a le plus choqué, dans l’affaire londonienne, c’est que le groupe neutralisé était composé de jeunes Britanniques,
2
issus de l’immigration, certes, mais particulièrement bien intégrés, éduqués, menant une vie normale et bien vus de leurs voisins. Le danger n’est plus lointain, diffus, il est là, tapi tout près de chez soi. Bientôt, les attentats seront le fait de jeunes Européens ou Américains de race blanche, au-dessus de tout soupçon, mais secrètement convertis à cet islam qui leur offre une mort significative en échange d’une vie sans espoir et sans idéal. Mais la réalité est encore pire : l’ennemi se trouve à l’intérieur de nous-mêmes. Le nombre des victimes du terrorisme international est relativement minime comparé aux bilans d’autres fléaux comme les accidents, les épidémies, le tabac, l’alcoolisme, les catastrophes naturelles et même ces banales maladies nosocomiales, celles que l’on contracte pendant un simple séjour à l’hôpital et qui tuent cent fois plus que les attentats suicide d’Al Qaïda… Et pourtant, malgré leur gravité, toutes ces menaces nous effraient moins et ne provoquent pas les mêmes réactions parfois hystériques de nos sociétés confrontées au terrorisme. C’est parce que notre véritable ennemi n’est pas le terroriste, c’est notre propre peur qu’il sait si bien utiliser. Pour surmonter nos cauchemars, aurons-nous d’autre choix que de nous lancer nous aussi dans notre djihad ? Car ce mot a deux sens : il désigne à la fois la guerre sainte contre les infidèles, mais aussi, et surtout, la guerre sainte contre soi-même, contre nos démons personnels et nos propres penchants négatifs. Il n’est qu’une seule parade à la folie destructrice, c’est de garder son sang-froid. Ce n’est assurément pas facile. Mais, pour supporter les menaces qui nous assaillent de toute part, nous devrons certainement en arriver nous aussi à dédramatiser la souffrance et la mort, à les considérer enfin comme ce qu’elles sont en réalité, c’est-à-dire un risque permanent et en toute circonstance, pas seulement pendant les voyages en avion. Les terroristes islamistes nous font prendre conscience de notre fragilité et de notre impermanence, ils nous réveillent du sentiment de sécurité illusoire dans lequel notre culture occidentale de pays développé nous entretient faussement. Abysse Malheureusement, la tendance actuelle est inverse. Les Américains, qui s’affichent pourtant depuis toujours comme les chantres de la liberté, qu’ils vont même jusqu’à essayer d’imposer aux autres par la force la plus brutale, sont aujourd’hui atteints d’une paranoïa telle qu’ils sont prêts à sacrifier leur bien le plus précieux en échange d’une sécurité pourtant factice. Après les passeports biométriques, on entend maintenant parler de l’implantation permanente et définitive de minuscules puces électroniques sous la peau de chacun. Où s’arrêtera-t-on ?
3
Le principe de précaution est à présent inscrit dans la Constitution française. Pour un cas de maladie de la vache folle, on extermine tout le troupeau, même s’il est sain. La Commission européenne interdit tout aliment qui n’a pas été dûment pasteurisé et stérilisé. On a peur de tout. La violence, la guerre, les accidents de la route, les maladies anciennes et nouvelles, les cyclones, tsunami et autres tremblements de terre, le réchauffement de la planète qui menace de nous inonder ou de nous assécher selon l’endroit où l’on se trouve, le terrorisme, la pollution de l’air, de l’eau et des aliments, les insectes, les escrocs, le chômage, la drogue… La liste des calamités s’enrichit chaque jour davantage. Pourrons-nous jamais éviter tous ces risques ? Evidemment pas. Notre monde est dangereux, voilà tout. Comme l’hydre écœurante de l’Antiquité, le péril réapparaît sous de nouvelles formes toujours plus terrifiantes au fur et à mesure que nous le réduisons. Nous ne pourrons échapper à notre destinée qui est de disparaître un jour. Le seul moyen de vivre à peu près sereinement dans ce monde insensé, n’est-ce pas d’accepter la simple vérité selon laquelle bien et mal sont des notions subjectives ? Tout le monde souffre, tout le monde meurt, mais quel abysse entre l’univers des terroristes islamistes pressés d’offrir leurs vies pour leur cause et celui de ces jeunes collégiens français de quinze ans manifestant contre la « précarité » et pour la défense de… leurs retraites. La vie, la vraie, est faite d’imprévu, donc d’insécurité. Un certain niveau de sécurité est certes un préalable indispensable à l’existence harmonieuse d’une société civilisée et à l’exercice de nos libertés (du moins celles que l’on veut bien encore nous accorder), mais la sécurité absolue n’existe pas, n’existera jamais et n’est certainement pas souhaitable. Aucun contrôle, aussi drastique soit-il, ne pourra éliminer tous les risques. Tout au contraire, cela ne fera que nous imposer des contraintes de plus en plus lourdes, nous enfermera dans un univers étouffant et psychotique et nous privera de ce qui fait le sel de la vie : le mystère sacré de l’avenir. Patrick Schlouch Punaauia, le 2 septembre 2006
4
Ayman al-Zawahiri, n° 2 d’Al Qaïda, les armes à la main « Convertissez vous à l’islam, ou vous serez châtiés ! »
5
ON EST FOUTU, ON MANGE TROP ! Le nombre de personnes en surpoids dans le monde dépasse à présent le milliard, alors qu’on évalue à huit cents millions celui des personnes ne mangeant pas à leur faim. Cette donnée surprenante a été révélée le mois dernier à Sydney par le professeur Barry Popkin de l’université de Caroline du Nord pendant le 26è colloque de l’International Association of Agriculture Economists, une vénérable institution de soixante-quinze ans qui rassemble de nombreux spécialistes mondiaux de l’agriculture et de l’environnement. Le professeur Popkin en conclut que « l’obésité est désormais la norme » et que « la sous-nutrition, bien qu’encore très importante dans quelques pays et dans des populations ciblées de nombreux autres, n’est plus la maladie qui prédomine ». Ce grave sujet est à nouveau abordé cette semaine au cours du 10è Congrès international sur l’obésité qui réunit deux mille experts dans la même bonne ville de Sydney. Dans son discours d’ouverture, le professeur Paul Zimmet, professeur à l'université Monash (Australie), a appelé à une « refonte complète des politiques agricoles qui encouragent actuellement une surproduction d’aliments gras et sucrés ». Et son collègue Ian Caterson, professeur à l'université de Sydney, coprésident du Congrès d’ajouter que : « L'obésité est la clef de voûte de toutes les priorités sanitaires car il s'agit de la plus importante source de maladies chroniques dans le monde ». Record du monde En Polynésie française et dans le Pacifique, les méfaits de la mal bouffe sont catastrophiques et cela ne date pas d’hier. Les Polynésiens sont malades de leur poids, comme en témoignent ces chiffres alarmants mais notoires : 70 % des adultes souffrent d’un excès de poids, 37 % d’obésité (le plus fort taux au monde !). Dans la zone urbaine de Papeete, un enfant sur quatre est obèse (source : direction de la Santé publique). Avec 25 % des décès, les maladies coronariennes arrivent en tête des causes de mortalité. À la source de ce taux d’obésité et des pathologies liées à l’excès de poids hypertension, cholestérol, goutte, diabète sucré -, un déséquilibre alimentaire, assorti de facteurs aggravants comme le tabagisme, largement supérieur, chez les femmes (36 %), à celui enregistré en métropole et dans les pays voisins du Pacifique. Un bilan d’autant plus accablant qu’il explique le développement d’autres phénomènes, comme l’insuffisance rénale chronique (IRC), une complication du diabète de plus en
plus fréquente et dont la prise en charge coûte à elle seule plus cher au CHT de Mamao que toute la chirurgie. Le cas extrême de Tokelau À titre d’illustration, voici quelques extraits d’un article écrit en 1992 au sujet des graves problèmes de nutrition et de santé déjà rencontrés à cette époque à Tokelau, un petit archipel corallien de deux mille habitants, situé à environ cinq cents kilomètres au Nord de Samoa, entre Tuvalu et le groupe nord des îles Cook. Il est composé de trois atolls (Fakaofo, Nukunonu et Atafu). C’est un territoire administré par le ministère néo-zélandais des Affaires étrangères. « Les responsables de l'archipel s'inquiètent sérieusement de l'augmentation très rapide du nombre de cas de diabète, de maladies cardiaques, d'hypertension et de goutte. Cette situation serait due principalement aux changements de mode de vie des insulaires et notamment à leur dépendance croissante à l’égard des produits alimentaires importés, de l'alcool et du tabac. C'est en réalité un phénomène général dans tout le Pacifique océanien, mais qui, à Tokelau, a pris d'exceptionnelles proportions faisant de cet archipel à la fois une façon de contreexemple à éviter et un champ d'expérience sociale à étudier soigneusement. Le rapport annuel de l'ancien administrateur de Tokelau, M. Graham Ansell, a été présenté au parlement néo-zélandais. Il concerne une étude effectuée en 1990 sur l'ensemble des habitants de l'archipel. Ses conclusions sont désolantes. Les fumeurs représentent 80 % de la population adulte. Chaque buveur d'alcool absorbe en moyenne 400 bouteilles de bière par an. Chaque habitant de Tokelau consomme en moyenne 50 kg de sucre par an. L'obésité est très répandue. La carie dentaire, révèle le rapport, est désormais extrêmement fréquente en raison des modifications du régime alimentaire, en particulier de la consommation de produits raffinés et de sucres achetés dans les magasins locaux de préférence aux produits frais traditionnels. Les maladies de peau, la grippe, les gastro-entérites et les infections des voies respiratoires supérieures sont en augmentation constante. Les principales causes de mortalité sont la pneumonie, les maladies cardio-vasculaires et le cancer. Le rapport Ansell considère comme un “ problème majeur ” l'accroissement rapide du nombre de cas de maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète, l'hypertension, les affections cardiaques et la goutte. Selon le Dr. Ian Prior, de l'Ecole de médecine de Wellington, la prolifération de ces maladies provient essentiellement du passage des insulaires d'un style de vie traditionnel à une économie fondée sur la consommation. Du fait de l'extension des services publics, de plus en plus de Tokelauans sont employés comme fonctionnaires et perçoivent un salaire. L'Administration est le premier employeur du territoire et la première source de revenus réguliers. Le budget de l'Administration territoriale
2
se chiffre à 290 millions de Fcfp par an dont 230 millions proviennent de transferts néozélandais. La création d'un certain pouvoir d'achat à Tokelau et l'émergence d'une demande de biens de consommation ont entraîné l'apparition de nombreux magasins gérés sous forme coopérative et qui écoulent des produits importés acheminés sur place par des navires faisant de plus fréquentes escales dans l'archipel. Des représentants des Nations unies ont effectué deux visites à Tokelau au cours des dernières années apportant avec eux des congélateurs. Ces appareils sont aujourd'hui bourrés d'ice-cream, de viande de mouton grasse et bon marché et d'œufs. Une nourriture que les insulaires n'avaient pas l'habitude de consommer autrefois. » Bon appétit !
Patrick Schlouch Punaauia, le 4 septembre 2006
3
TÉLÉPHONE GRATUIT, LE RÊVE RÉALISÉ Plus de 113 millions d’internautes dans 225 pays utilisent Skype, un logiciel de téléphonie de type VOIP (voice-over-internet-protocol) qui leur permet de converser gratuitement d’un ordinateur à un autre, partout dans le monde, aussi longtemps qu’ils le souhaitent et ce nombre s’accroît très rapidement. Les recettes de Skype proviennent des appels de ses clients vers des téléphones classiques (à un prix très bas). Skype a été fondée en 2003 par un Suédois, Niklas Zennström, un Danois, Janus Friis, et un groupe de programmeurs estoniens. En 2005, ils ont vendu leurs parts dans l’affaire à eBay, le numéro un mondial de la vente aux enchères en ligne basé en Californie, pour 2,1 milliards d’euros (250 milliards de Fcfp). Ils recevront 1,2 milliard d’euros (150 milliards de Fcfp) supplémentaires en 2008 ou 2009 en fonction des performances de l’entreprise. Et pourtant, celle-ci n’est toujours pas rentable. En 2005, elle n’a généré que 60 millions de dollars de chiffre d’affaires (6 milliards de Fcfp) et Meg Whitman, p-dg de eBay, a récemment confié qu’elle prévoyait 200 millions de dollars en 2006 (20 milliards de Fcfp). Après la vente, Niklas Zennström est resté directeur général de Skype, mais il délègue la gestion quotidienne et le développement de la société à Sten Tamviki, un jeune Estonien de 28 ans seulement (la moyenne d’âge des programmeurs de Skype). Le département recherche et développement de Skype est du reste installé en Estonie. Outre les appels longue distance gratuits ou presque, le principal atout de Skype est son système de messagerie instantanée. Il permet de signaler si l’on est présent ou pas, occupé, joignable quelque part ou libre. La version PC du logiciel permet aussi les vidéo- conférences, ce qui n’est pas encore le cas de la version Mac. Un autre atout de Skype est que les communications sont cryptées, elles ne peuvent passer qu’entre des personnes se faisant confiance. L’historique des discussions est instantanément accessible à tous les participants. La prochaine étape consiste à sortir Skype des ordinateurs et à l’installer sur les appareils mobiles. Des téléphones portables capables d’utiliser Skype sont déjà sur le marché. L’OPT menacé Ce développement exponentiel de Skype et l’arrivée d’autres opérateurs de VOIP menacent désormais sérieusement les fournisseurs de communication vocale traditionnels. À Tahiti, la minute de téléphone vers la France est facturée 103 Fcfp (0,86 €) par l’Office des Postes et des Télécommunications (OPT). Avec Skype, c’est gratuit pour
communiquer avec un ordinateur équipé du logiciel, et il n’en coûte que 2 Fcfp (0,017 €) la minute si l’on appelle un correspondant sur son téléphone fixe (19 Fcfp sur un mobile). Il n’y a pas photo ! Mana, le seul fournisseur d’accès Internet en Polynésie française, propose à ses abonnés ADSL son propre VOIP, baptisé Manaphone, mais à 22 Fcfp la minute vers un poste fixe et 55 Fcfp vers un mobile, il n’est pas compétitif. Le nouveau ministre polynésien des Télécommunications (ils sont toujours plus ou moins nouveaux à cette fonction qui suscite tant de convoitise), Michel Yip, a récemment exprimé sa frustration devant l’hémorragie de chiffre d’affaires dont l’OPT est victime. Le développement rapide de sociétés concurrentes prospérant grâce aux réseaux installés à grands frais par l’Office et sans subir les mêmes contraintes de service public le fait réagir. Il a effectivement du souci à se faire. L’OPT et ses filiales (notamment Tikiphone pour la téléphonie mobile Vini et Mana pour l’Internet) c’est environ mille employés avec un salaire moyen de 500 000 Fcfp par mois (soit une masse salariale de plus de 6 milliards de Fcfp par an), sans oublier les nombreux retraités, ni les investissements indispensables, l’entretien des infrastructures, ni les baisses de tarifs sans cesse réclamées et inéluctables. De surcroît, la gourmandise des syndicats n’a pas de limite. Cette semaine, ils ont déclenché une nouvelle grève (il y en a une presque à chaque changement de ministre) à laquelle prennent part 25 % du personnel, pour réclamer de nouvelles augmentations de salaires et la transformation des CDD en CDI. Le ministre et la direction de l’OPT n’auront probablement pas d’alternative que d’obtempérer, comme ils l’ont toujours fait, lestant la barque encore un peu plus lourdement. Ces charges considérables ne constituent pas un problème tant que l’Office génère de juteux bénéfices. Le chiffre d’affaires du groupe a augmenté de 250 % en dix ans pour atteindre 27,5 milliards de Fcfp (230 millions d’euros) en 2004, dont 80 % pour les télécom. Cette formidable croissance a fait de l’OPT l’une des principales vaches à lait politiques du pays et un excellent gisement d’emplois à caractère clientéliste. Ceci dit, la moitié de ses recettes provient des télécommunications avec l’extérieur de la Polynésie française et c’est là où le bât blesse car le pactole s’épuise rapidement. À tel point que la pérennité même de l’OPT, tel qu’il est actuellement constitué, pourrait être menacée à terme. Le ministre est inquiet et on le comprend, mais que peut-il faire ? En réalité, pas grand-chose. Un communiqué plutôt timide a été récemment publié dans la presse locale pour rappeler que la téléphonie reste un monopole de l’OPT et que les contrevenants s’exposent à des poursuites (jusqu’à 8,9 millions de Fcfp d’amende – 74 600 €). Mais qui sont ces contrevenants ? On ne sait pas trop qui est 2
visé ni ce qu’on leur reproche exactement. L’internaute qui utilise Skype sur son PC avec l’ADSL fourni par Mana serait-il en infraction ? M. Moetai Brotherson, chef du service des Postes et Télécommunications qui est un peu le gendarme local dans ce domaine (à ne pas confondre avec l’OPT), se veut rassurant. Pas question de filtrer les communications des particuliers ou des entreprises bien que cela soit techniquement possible comme on le constate en Chine ou à Cuba où certains sites Internet sont purement et simplement censurés. Nous pouvons donc tranquillement continuer à utiliser notre Skype. Il faut tout de même savoir que Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, a interdit l’utilisation de Skype dans toute l’Administration métropolitaine au motif que les conversations passées sur ce logiciel pourraient être piratées. En Polynésie française, faute de pouvoir s’attaquer à la masse des internautes anonymes, le gouvernement a placé dans son collimateur les petites officines qui revendent de la téléphonie VOIP via un abonnement ADSL Mana, ce qui est illégal. Il y en aurait près d’une quinzaine dans la zone urbaine de Tahiti.
Patrick Schlouch Punaauia, le 7 septembre 2006
Janus Friis, co-fondateur
Niklas Zennström,
Sten Tamviki,
et vice-président de Skype
co-fondateur et p-dg
directeur général
3
STOCK SPAM, ATTENTION DANGER ! Vous connaissez les spam, ces courriers indésirables qui inondent nos boîtes aux lettres électroniques. Depuis des mois, je reçois chaque jour de cette manière plusieurs publicités pour des pilules de Viagra. Elles me promettent de retrouver les ardeurs de ma jeunesse et de profiter des plus grandes joies amoureuses de ma vie. Grâce au ciel, je n’ai pas besoin de cette sorte de dopage pour accéder à ces bonheurs qui me sont encore accordés sans artifice. Mais, pour plus tard, qui sait ? Il ne faut jamais dire Fontaine, je ne boirai pas de ton eau… Plus récemment, la mode s’est mise à un autre type de tentation. Les spameurs s’intéressent toujours à la bourse, mais pas à la même. Cette fois, c’est à la vraie, avec des actions, des sociétés, des cotations, etc. La plupart d’entre nous n’y connaissent pas grand-chose et se contentent probablement de jeter sagement ces messages à la corbeille. Mais, quelques-uns peuvent être tentés d’aller plus loin. De quoi s’agit-il au juste ? Des petits malins ont pensé, logiquement au fond, que si de nombreuses personnes achetaient des actions d’une société au même moment, cela ferait immanquablement grimper les cours. Pour cela, ils expédient des centaines, des milliers de messages dans le monde entier en annonçant une hausse prodigieuse de tel ou tel titre et en incitant leurs destinataires à profiter de l’aubaine. Attention, danger ! Le mois dernier, un courriel comportant les habituels gros titres en lettres capitales bardées de points d’exclamation, incitait les investisseurs potentiels à acquérir toutes affaires cessantes des actions de la société HLV Capital, justement spécialisée dans le commerce des parts de capital des entreprises. Des centaines d’apprentis investisseurs ont mordu à l’hameçon pour s’apercevoir quelques jours plus tard seulement que les actions qu’ils venaient d’acheter avaient déjà perdu 37 % de leur valeur. Le cas est loin d’être exceptionnel. Une récente étude, réalisée par deux universitaires allemands, a montré que le phénomène du stock spam est très répandu et qu’il a un impact indiscutable sur les marchés financiers, au moins à court terme. Cette étude analyse un certain nombre de titres sur les marchés américains, notamment choisis parmi les plus discrets, ceux qui génèrent de faibles quantités de transactions et qui, pour cette raison, sont les cibles privilégiées des spameurs. De novembre 2004 à février 2006, les chercheurs ont constaté que sur 391 titres faisant l’objet d’un stock spam, 111 avaient connu une hausse de 13 % supérieure à la moyenne du marché. Ils en concluent que le prix d’une action a tendance à grimper aussitôt après une campagne de stock spam, mais ils n’ont pas étudié les effets à long terme de ces pratiques.
D’autres l’ont fait. Joshua Cyr, par exemple, directeur du site spamstocktracker.com, a procédé à une expérience en temps réel. Depuis le 5 mai 2005, il a virtuellement investi 70 987 dollars (7 millions de Fcfp) en « achetant » mille actions de chacune de 160 entreprises pour lesquelles il avait reçu des stock spam. S’il avait réellement investi cette somme, il aurait perdu 50 415 dollars (5 millions de Fcfp) au cours des quinze derniers mois, soit 71,5 % de sa mise. Sept titres seulement ont pris de la valeur durant la période, dont un a même plus que doublé depuis le 15 juin 2005. Pour les 153 autres, c’est une catastrophe. M. Cyr explique que la cote grimpe d’abord en flèche avant de s’effondrer, souvent jusqu’à 100 %, avant même que les entreprises concernées aient compris qu’elles avaient été spamées. Les actions de très faible valeur (moins d’un dollar pièce, voire moins de dix cents) sont particulièrement appréciées des spameurs. Elles génèrent de faibles volumes de transactions et le moindre mouvement d’achat peut se traduire par de fortes hausses en valeur. La tactique consiste à susciter un intérêt autour d’une action dans laquelle on investit soi-même de manière à pouvoir la revendre avec profit dès que la demande artificiellement créée par la campagne de stock spam lui a fait prendre de la valeur. Mais, cela déclenche généralement une vente massive de l’action dont le prix ne tarde pas à s’écrouler. Les autorités de contrôle des marchés financiers américains considèrent cette pratique comme frauduleuse. En 2000, elles avaient poursuivi un jeune homme de quinze ans qui utilisait l’Internet pour faire monter les prix de certaines actions. Il avait dû rembourser les 272 826 dollars de bénéfice (27,3 millions de Fcfp) qu’il avait déjà réalisés. Malgré cela, le coût négligeable des campagnes et leur anonymat font du stock spam une activité qu’il sera difficile d’éradiquer.
Patrick Schlouch Punaauia, le 9 septembre 2006
2
LA PUCE À L’OREILLE Bienvenue dans le monde mystérieux et quelque peu angoissant de la RFID (Radio Frequency Identification, l’identification par fréquence radio). Tout a commencé par un texte reçu sur le Net, vous savez, ce genre de laïus d’origine inconnue qui circule de boîte en boîte et que l’on a tendance à mettre à la corbeille sans même l’ouvrir. Cette fois, le texte m’était envoyé par un ami et j’ai pris la peine de le lire attentivement. Il évoquait un univers étouffant dans lequel nous serions tous amenés à vivre très bientôt, le genre orwellien, avec le clone de Big Brother et tout à l’avenant. Il se voulait alarmiste et appelait à la résistance. Malgré ses conclusions excessivement catastrophistes, j’y ai trouvé de l’intérêt. Curieux de nature, j’ai voulu en savoir plus et ce que j’ai découvert m’a stupéfié. Tapez « RFID » sur Google et vous n’obtiendrez pas moins de 112 millions de références (!!), bien évidemment en anglais pour la plupart d’entre elles. Moi qui ignorais jusqu’à l’existence de la RFID, c’est tout un univers dans lequel j’ai été soudain projeté, avec ses laboratoires, ses industries, ses médias spécialisés, ses colloques internationaux, ses milliers de sites Internet, ses forums de discussion, ses mouvements d’opposition, etc., etc. Mais, d’abord qu’est-ce que la RFID ? Je vais essayer de faire simple et précis. La RFID est destinée à remplacer le code barre ou code à barres, en permettant d’identifier des objets ou des êtres grâce à des informations consultables à distance. Nous savons tous ce qu’est un code barre, cette petite forêt de courtes lignes noires de différentes épaisseurs, étiquetée ou imprimée sur chaque objet vendu dans le commerce pour l’identifier et lui fixer son prix. Le code barre fut une révolution qui permit le développement de la grande distribution à partir de 1969. Mais, il atteint ses limites. Sa faiblesse est de ne pas pouvoir contenir suffisamment d’informations. Et puis, surtout, on ne peut pas le consulter « en aveugle », il faut le présenter bien en face d’un lecteur1 pour découvrir ses secrets. Cet inconvénient se traduit, par exemple, par la longueur croissante des files d’attente aux 1
Appareil capable de lire les informations contenues dans un code barre ou une puce électronique.
caisses des supermarchés. Il est facile d’imaginer le formidable gain de temps si les employées n’avaient plus à contrôler chaque article un par un, si elles pouvaient calculer l’ensemble du contenu d’un caddie simultanément et obtenir aussitôt l’addition détaillée des achats. Cette petite merveille existe ! Non, ce n’est pas de la science-fiction, c’est… la RFID bien sûr. Et c’est là où le clivage s’établit entre les pro RFID et les anti RFID, c’est justement le fait que les étiquettes à puce peuvent être lues en aveugle. Il suffit pour cela qu’un lecteur passe à portée2 pour qu’elles s’éveillent instantanément. L’étiquette à puce RFID (on l’appelle aussi tag, étiquette intelligente ou transpondeur) n’est rien d’autre qu’un ordinateur, mais d’un genre très particulier : il est minuscule (à peine quelques millimètres pour les plus gros) et capable de s’activer seul lorsqu’il se trouve dans le champ d’action d’un lecteur émettant des ondes radio à basse, haute ou ultra haute fréquences. Enfin, rien ne permet de savoir de l’extérieur s’il est actif ou pas. On croirait du James Bond, n’est-ce pas ? Voici le gadget idéal pour un espion. Il est discret, invisible, silencieux. Il peut contenir jusqu’à plusieurs kilooctets de données et ses capacités vont s’accroître rapidement. Il est insensible aux conditions climatiques et sa durée de vie est de l’ordre de plusieurs années. On peut le fixer n’importe où, et même l’implanter sous la peau d’un animal ou d’un être humain, voire dans son crâne.
2
Le rayon d’action des lecteurs varie de quelques centimètres à plusieurs mètres, voire davantage, ce qui est un autre motif de discussion. 2
Les usages de la RFID Les modèles de RFID à basse fréquence (125 à 135 kHz) sont utilisés pour l'identification des animaux de compagnie (chiens, chats, etc.) par implantation d’un marqueur sous la peau du cou. Une version high-tech du bon vieux collier qui sera du reste obligatoire en Polynésie française dès 2007. On tague aussi les animaux sauvages (cigognes, manchots), ou domestiques (vaches, porcs) pour des raisons de traçabilité et de prévention sanitaire et alimentaire. Les RFID servent pour les contrôles d'accès par badge mains libres (jusqu’à 1,5 m). Elles ont aussi permis l’apparition des cartes électroniques qui remplacent les traditionnelles clés de contact sur certains modèles d’automobiles. La RFID à haute fréquence (13,56 MHz) permet d’assurer la traçabilité des livres dans les librairies et les bibliothèques, et le suivi des bagages dans les aéroports. Elles remplacent les badges magnétiques pour le contrôle d'accès à des locaux sensibles en permettant une reconnaissance sans contact. Enfin, les marqueurs à UHF (Ultra Haute Fréquence) permettent de tracer les palettes et les conteneurs dans les entrepôts et les ports. À cette fréquence, la lecture n'est pas possible à travers l'eau (et donc le corps humain). Les RFID sont un outil idéal pour la collecte des données météorologiques, ou pour la prévention des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre et des tsunamis. À Hong Kong et aux Pays-Bas, des tags au format d’une carte de crédit servent de moyen de paiement en monnaie électronique. L’usage qui provoque le plus de polémique est l’implantation humaine sous-cutanée. Les puces conçues pour la traçabilité des animaux, peuvent sans aucune contrainte technique être fixées sur des humains. La société Applied Digital Solutions propose par exemple ses marqueurs sous-cutanés destinés à des humains comme une solution contre les fraudes, pour assurer l'accès protégé à des sites confidentiels, le stockage des données médicales et aussi comme un moyen de résoudre rapidement les affaires d’enlèvements d’enfants ou de personnalités importantes. Combinés avec des capteurs sensibles aux fonctions principales du corps humain, ces systèmes sont aussi proposés pour superviser à distance l'état de santé d'un patient. Un facteur californien s’est ainsi fait implanter une puce contenant son dossier médical. En cas de besoin, les informations 3
qu’elle contient sont immédiatement disponibles pour le personnel de secours. Un tel bijou serait aussi très précieux pour des skieurs ou des alpinistes ensevelis sous une avalanche. Le Baja Beach Club, une boîte de nuit branchée de Barcelone, utilise ce genre d'implants pour identifier ses clients VIP, qui eux-mêmes paient leurs notes par RFID. La ville de Mexico a implanté des tags RFID sur cent soixante dix de ses officiers de police. Par crainte du kidnapping et par souci de surveillance, la RFID est de plus en plus populaire au Japon où le nombre d’enfants tagués ne cesse de croître. La puce-miracle a de multiples usages possibles et nous n’en sommes encore qu’au début : accès aux transports publics, suivi des chaînes de montage dans l’industrie, gestion des stocks… À l’université Cornell aux États-unis, des RFID permettent aux étudiants d'accéder à la bibliothèque 24h sur 24 et sept jours sur sept. Les livres sont évidemment tagués aussi. Plusieurs bibliothèques sont équipées de ce système aux Pays-Bas, où, depuis 2004, chaque ouvrage acheté comporte une étiquette RFID. En France, plusieurs bibliothèques s'équipent. Le mouvement est en croissance rapide en raison du grand intérêt de la nouvelle technologie et de son coût (de 0,5 à 20 €) en baisse constante. On pense à insérer des RFID dans les documents officiels comme les passeports, ou les permis de conduire. Des données biométriques (empreintes digitales par exemple) pourraient y être enregistrées. Le rêve de la traçabilité absolue et universelle n’est cependant pas près de se réaliser. Il existe encore trop de systèmes différents, incompatibles entre eux et le standard international n’est apparemment pas pour demain. Ceci dit, les capacités des RFID ne semblent limitées que par notre imagination.
4
1984 ou 2014, Orwell ne se serait-il planté que de 30 ans ? Énormes avantages, usages innombrables, avancée technologique indiscutable, faible coût, la généralisation des RFID dans notre vie quotidienne est soigneusement programmée. Ce sera une révolution dont l’importance est comparable seulement à celle de l’électricité ou de l’Internet. Comme pour l’invasion de notre environnement par l’informatique au cours des vingt dernières années, cette révolution se fera le plus souvent en douceur et sans que nous en ayons véritablement conscience. Le moment crucial, ce sera quand nous serons nous-mêmes tagués. Quand on nous implantera le petit objet sous la peau. L’opération sera quasiment indolore et, comme il n’y aura plus aucun signe extérieur indiquant la présence du tag, nous l’oublierons bien vite. Comme pour les téléphones mobiles aujourd’hui, on peut penser qu’il sera bientôt très tendance de se faire implanter une puce. Il y aura même certainement un snobisme du tag, à rapprocher du piercing ou du tatouage. Le tatouage n’est-il pas, au fond, l’ancêtre absolu de la RFID ? Les hommes du néolithique portaient déjà des tatouages pour pouvoir se reconnaître entre membres d’un même clan. On se pressera pour avoir l’insigne honneur de se faire implanter la puce dernier cri, la plus petite, la plus discrète ou, au contraire, la plus kitsch, la plus chargée en informations, que sais-je encore ? Pour d’autres, l’implant sera obligatoire, soit pour des motifs professionnels, soit pour des raisons de santé ou de sécurité… Rapidement, le port d’une puce sous-cutanée devrait devenir la norme. Ceux qui n’en auraient pas pourraient vite se voir marginalisés et même exclus de la nouvelle société estampillée. Faudra-t-il être tagué pour pouvoir entrer dans certains bâtiments ? Pour pratiquer certains sports ? Pour faire du shopping ? Pour obtenir un compte en banque, un numéro de sécurité sociale ? Pour contracter une assurance ?… Tout cela pose évidemment de graves problèmes. Les possibilités d’atteinte à la vie privée seront multipliées. On pourrait utiliser les informations contenues dans les RFID des passeports pour, par exemple, sélectionner les ressortissants de tel ou tel pays sans même qu’ils ne s’en aperçoivent. Il serait aussi possible de repérer et de ficher des personnes ayant emprunté ou acheté certains livres considérés comme subversifs. Comme ses usages, les dérives possibles de la RFID sont diverses et variées. 5
La loi française interdit le « contrôle clandestin », c’est-à-dire toute lecture d’une puce sans indication visible. Très fort ! C’est justement la caractéristique première de la RFID et son principal avantage : pouvoir être lue à distance et à l’aveugle. Comment faire appliquer une telle loi ? La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) s’est naturellement penchée sur la question. Elle estime que : « (…) permettant potentiellement le profilage des individus, elles (les RFID) font peser sur les individus un risque particulier». La CNIL considère que la seule protection efficace serait de pouvoir neutraliser les puces à volonté, temporairement ou définitivement. Elle reconnaît toutefois que l’opération est irréalisable en pratique à moins de prévoir un système de neutralisation au moment de la fabrication. Vœu pieux ? Les mouvements de résistance aux RFID se multiplient, mais, comme les altermondialistes avec lesquels ils se confondent en grande partie, il est à craindre qu’ils ne se battent contre des moulins à vent. Les RFID sont un des principaux enjeux économiques de la prochaine décennie. Le tsunami est déjà lancé et rien ni personne ne l’arrêtera plus. Patrick Schlouch Punaauia, le 13 septembre 2006
© Texte : Patrick Schlouch - Mahana, Les Editions du Soleil – Tahiti Illustrations : Internet
6
DIABOLIQUE 1956, 1966, 1996… 6-6-6, ça ne vous rappelle rien ? Mais si, voyons, le nombre du Diable dans l’Apocalypse ! Cette année, en 2006, nous avons l’occasion de nous souvenir de trois anniversaires particulièrement significatifs dans l’histoire moderne de la Polynésie française. Il y a tout juste cinquante ans, le général de Gaulle, qui se morfondait en pleine « traversée du désert », effectua une tournée triomphale dans le Pacifique sud. À Papeete comme à Noumea, on s’était rallié très tôt et massivement à la France libre. Les volontaires du Bataillon du Pacifique avaient été parmi les premiers à s’engager dans la résistance aux côtés du général qu’ils vénéraient comme un demi-dieu. Sur les champs de bataille, ils se firent remarquer par leur joie de vivre, leur courage, leur dévouement et leur amour de cette France si lointaine qu’ils n’avaient jamais vue. De Gaulle était venu pour les remercier et ils l’accueillaient avec autant d’enthousiasme que d’incrédulité. Ils n’en revenaient pas. Le grand bonhomme était là, dans leurs îles perdues du bout du monde, en chair, en os et en képi, prenant leurs mains et serrant leurs enfants dans ses bras comme un affectueux grandpère. La guerre d’Algérie faisait rage depuis des mois (les premiers attentats ont éclaté en 1954). En septembre 1956, de Gaulle savait déjà parfaitement qu’elle ne pourrait pas être gagnée et que l’indépendance était inéluctable. Il cherchait déjà un site adapté à la mise au point de la bombe atomique dont il avait prévu de doter la France dès son retour à l’Élysée. Le 2 septembre 1956, à Papeete, le général prononça un discours dans lequel il glorifia l’importance stratégique de Tahiti dans un avenir proche. Il évoqua trois éléments, encore naissants, mais destinés selon lui à transformer le monde : la volonté des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’établissement d’un réseau de communications mondial et le règne de l’énergie atomique. Trois mois plus tard, le 30 novembre 1956, le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) était chargé de procéder à des études préparatoires aux expérimentations nucléaires et le 15 mai 1957, la décision était prise de construire l’aéroport de Tahiti - Faa’a. Puissance
Nous sommes le 11 septembre 1966, il y a exactement quarante ans. De Gaulle est de retour dans le Pacifique. Cette fois, il est président de la République. Il assiste à l’explosion de sa bombe à Moruroa. C’est déjà le quatrième tir depuis le début des essais dans les Tuamotu, deux mois plus tôt. Il a lieu dans l’atmosphère, les militaires l’ont baptisé Bételgeuse1. L’explosion est un spectacle total, effrayant et d’une beauté diabolique. Il est facile d’imaginer le sentiment de puissance vécu à cet instant par cet homme qui possède enfin les moyens de traiter d’égal à égal avec les Américains, les Russes et les Anglais qui l’ont tant méprisé dans le passé.
Le général de Gaulle à Moruroa, le 11 septembre 1966.
Explosion atomique aérienne
Deux nouveaux moteurs 1996, trente années ont passé. Le général de Gaulle est mort depuis longtemps. Les explosions ont définitivement cessé à Moruroa et à Fangataufa. Le dernier tir a eu lieu le 27 janvier 1996, il s’appellait Xoutos2. Le principal problème qui se pose à présent, c’est de faire naviguer la pirogue polynésienne désormais privée de son principal moteur, la rente atomique. Qu’à cela ne tienne ! La France n’oublie pas ce qu’elle doit à la Polynésie française. C’est d’autant plus simple que Jacques Chirac, le nouveau président de la République depuis 1995, est un ami très proche du président Gaston Flosse qui dirige l’exécutif polynésien depuis 1991. Les choses sont rondement menées.
1 Du nom d’une étoile géante rouge de la constellation d'Orion. C'est la neuvième plus brillante étoile du ciel. 2 Du nom d’un personnage de la mythologie grecque. Fils issu de l'union forcée du dieu Apollon et
de Créousa, la fille d'Érechthée roi d'Athènes. Héros des Ioniens. 2
Flosse avait promis à Chirac la neutralité bienveillante de la Polynésie française pour l’ultime campagne de six tirs nucléaires dont la France avait besoin avant de pouvoir passer aux expériences simulées. Il accepte même une mission diplomatique itinérante destinée à apaiser les craintes et les protestations des pays océaniens lors de cette courte reprise des essais. En septembre 1995, des émeutes ont lieu à Papeete et l’aéroport de Tahiti - Faa’a est incendié et saccagé par des dizaines de manifestants enragés, devant les caméras des médias du monde entier, mais il n’y a pas mort d’homme et, dans l’ensemble, la pilule passe sans trop de dommages. En échange, le va’a polynésien se voit équipé de deux nouveaux moteurs bien plus puissants que l’ancien. Il y a d’abord un gros chèque à la clé. Une nouvelle rente pour compenser la perte de la rente nucléaire. Les deux présidents s’accordent sur le chiffre de 150 millions d’euros par an (18 milliards de Fcfp) correspondant à peu près au flux des transferts de l’État générés par le CEP en 1996. Un fonds est créé qui doit servir en principe à financer des projets d’investissement indispensables au développement du territoire (hôpital, infrastructures de transports, etc.). Ce fonds de reconversion de l’économie de la Polynésie française (FREPF) sera plus tard transformé en simple dotation globale d’investissement (DGI), une enveloppe remise chaque année par l’État à la Polynésie française pour en faire à peu près ce que bon lui semble. Parallèlement, tout un système avantageux de défiscalisation est mis en place, autorisant le lancement d’un grand nombre de projets, hôteliers et immobiliers notamment, mais aussi dans la construction navale ou le transport aérien. Fluctuat nec mergitur3 Septembre 2006, cinquante ans après la première visite du général à Papeete et dix ans après l’arrêt des essais, la polémique reste encore vive au sujet de leur impact sur la santé des populations et des travailleurs des sites. L’épopée du nucléaire français dans le Pacifique s’est achevée avec la fermeture de base de Hao en 2000. La page du CEP est tournée. Celle de l’« après - CEP » ne l’est pas encore. Des trois secteurs d’activité, tourisme, perliculture et pêche, à développer en priorité pour permettre à l’économie polynésienne d’être moins dépendante des transferts de l’État, aucun n’a jamais vraiment réussi à décoller. Malgré la modernisation du parc hôtelier grâce à la défiscalisation 3
Il flotte et ne coule pas (devise de la ville de Paris). 3
et la création de la compagnie aérienne Air Tahiti Nui, le tourisme stagne. Après quelques belles années, la situation de la perliculture s’est dégradée et reste très fragile. Quant à la pêche, n’en parlons même pas. Des dizaines de thoniers tout neufs, financés en défisc’, sont bloqués au port de Papeete faute d’équipages, faute de capitaines compétents, faute de rentabilité, faute de poisson tout simplement. On en arrive à subventionner les pêcheurs pour qu’ils exportent (55 Fcfp le kilo de poisson exporté vers l’Amérique et 147 Fcfp le kilo de poisson exporté vers l’Europe). Dramatique ! Mais, heureusement, on flotte toujours. Pourrrvou qué ça dourrre… Patrick Schlouch Punaauia, le 22 septembre 2006
© Tous droits réservés - 2006
4
L’AUSTRALIE A SOIF Réélu Premier ministre de l’État de Queensland (Nord-est de l’Australie) le 9 septembre dernier, Peter Beattie a annoncé la tenue prochaine d’un référendum sur le retraitement des eaux usées en eau potable. Guère appétissant, mais très significatif. Le manque d’eau compte désormais parmi les plus sérieux problèmes auxquels les Australiens sont confrontés. Ils doivent faire face à des pénuries jamais vues depuis l’installation des Européens, il y a deux siècles. Sydney, la plus grande ville du pays, dont les réservoirs ne sont pleins qu’à 40 %, et Canberra, la capitale fédérale, souffrent de restrictions quasi permanentes. Les rivières Murray et Darling, qui fournissent les deux tiers des besoins en eau de l’agriculture australienne, sont à leur plus bas niveau depuis un siècle. Au Queensland, M. Beattie propose de construire deux nouveaux barrages pour alimenter Brisbane, la capitale de l’État, grâce à des canalisations longues de 1 200 km. Mais, les écologistes s’opposent à ces projets jugés trop coûteux et agressifs pour l’environnement. Il se pourrait aussi que son idée de recycler les eaux d’égout soit repoussée par les citoyens, comme ce fut le cas au mois de juillet à Toowoomba, une ville du Queensland pourtant privée d’eau, dont les habitants ont déjà rejeté un projet similaire.
JAPON : RUÉE SUR LES VALISES Les ventes de bagages ont augmenté de plus de 50 % au Japon cette année. Certains fabricants, comme Ace, l’un des plus importants, ont même triplé leur chiffre d’affaires par rapport à 2005 grâce à un service de reprise des vieux bagages, la loi japonaise interdisant de les jeter aux ordures. Pourquoi un tel boom ? Il y a d’abord le progrès technique. Les industriels nippons ont lancé de nouveaux modèles produits à base de résine de polycarbonate, un matériau déjà utilisé pour les gilets pare-balles et les casques. Très résistant, il permet de fabriquer des valises 30 % plus légères que les bagages traditionnels. C’est aussi le signe du redressement économique du Japon et peut-être une bonne nouvelle pour le tourisme polynésien. Après une décennie de récession, les Japonais voyagent à nouveau. Le Japan Travel Bureau (JTB) annonce que tous les records de voyages à l’étranger ont été battus cet été.
Les nouvelles exigences de l’Administration américaine en matière de sécurité aérienne ont incité les Japonais à acquérir des valises neuves équipées de serrures agréées, pouvant être ouvertes et refermées par les agents de surveillance. Les bagages ne disposant pas d’un tel système ne doivent plus être fermés à clé.
POUVOIR D’ACHAT Le hamburger Big Mac est en principe le même partout dans les restaurants McDo du monde entier. Il fournit ainsi aux économistes un instrument relativement précis (le Big Mac Index) pour comparer le coût de la vie et le pouvoir d’achat d’un pays à l’autre. Il suffit pour cela de diviser le prix d’un Big Mac par le salaire horaire moyen dans les principales villes du monde. À Djakarta, on doit travailler une heure et demie pour pouvoir s’acheter un Big Mac. Un Polynésien ne devra travailler que vingt minutes, comme un Parisien, un New-yorkais un petit quart d’heure et un Japonais à peine dix minutes, dix fois moins qu’un Indonésien. Patrick Schlouch Punaauia, le 23 septembre 2006
© Tous droits réservés - 2006
2
TOURISME : PAS DE QUOI PAVOISER Le 21 septembre dernier, dans son discours de politique générale à l’ouverture de la session budgétaire de l’Assemblée de la Polynésie française, le président Oscar Temaru s’enorgueillissait de la performance du tourisme polynésien, lequel a connu une croissance de 4,8 % au premier semestre 2006 par rapport à la même période de 2005, soit plus de 4 000 visiteurs supplémentaires. Quelques jours plus tard, l’ISPF (Institut de la Statistique de Polynésie Française) estimait que le tourisme avait rapporté 42 milliards de Fcfp (352 millions d’euros) au pays en 2005, ce dont Jacqui Drollet, vice-président et ministre du Tourisme, s’est empressé de se réjouir publiquement. Il n’y a pourtant pas de quoi pavoiser. La fréquentation touristique en Polynésie française a culminé en l’an 2000 avec 252 000 visiteurs. Ensuite, elle n’a pas cessé de chuter régulièrement jusqu’à 208 067 touristes en 2005 (dont 84 % en hébergement payant et 16 % chez des particuliers), soit une diminution de 17,5 % en cinq ans. Quant aux recettes globales du tourisme polynésien, elles ont dégringolé de plus de 50 milliards de Fcfp en 2000, à seulement 42 milliards en 2005, le même montant qu’en… 1998. Le manque à gagner dépasse les 20 %. À ce rythme-là, le tourisme polynésien sera bientôt revenu à son niveau d’il y a dix ans. La dépense moyenne par touriste est estimée par l’ISPF à 202 000 Fcfp, stable par rapport à 2005. Toutefois, la durée moyenne du séjour (13,2 jours) est en baisse, légère mais constante, tout comme la plupart des indicateurs du secteur. Pour 2006, les statistiques connues ne portent que sur le premier semestre avec, effectivement, une légère hausse de la fréquentation de 4,8 %. Le marché américain a semblé redémarrer (+ 14 % par rapport au premier semestre de 2005), mais les marchés français (- 15 %) et japonais (- 10 %) accentuent leur recul amorcé depuis l’an 2000. Il faudra de toute façon attendre les chiffres de l’année entière pour se faire une opinion sur un éventuel redressement en 2006.
*
Il est bon de rappeler que ces 42 milliards de Fcfp de recettes du tourisme, souvent affiché comme la première activité économique et pilier du développement futur du pays, ne constituent en réalité que moins de 10 % du PIB (produit intérieur brut ou richesse globale produite chaque année en Polynésie française), lequel peut être estimé à environ 450 milliards de Fcfp (3,7 milliards d’euros). Pour mémoire, les transferts de l’État français frisent les 150 milliards de Fcfp par an. Il est aussi bon d’avoir à l’esprit que le gouvernement polynésien consacre environ deux milliards de Fcfp par an (17 millions d’euros) à la promotion du tourisme, notamment par le biais du GIE1 Tahiti Tourisme. Cela représente une dépense de près de 10 000 Fcfp par touriste, en actions de promotion et campagnes publicitaires sur les marchés émetteurs et en Polynésie française. On peut y ajouter divers dispositifs de défiscalisation et le coût de la compagnie aérienne polynésienne Air Tahiti Nui. Celle-ci est évidemment indispensable pour le développement d’une industrie touristique durable, mais elle n’est pas rentable et nécessitera probablement de constantes recapitalisations.
Page d’accueil du site de Tahiti Tourisme
1
Groupement d’Intérêt Économique associant les pouvoirs publics et les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme. 2
Ceci dit, restons positifs ! Le tourisme n’est certes pas près d’assurer l’autonomie économique de la Polynésie française, mais, 42 milliards de Fcfp de recettes annuelles et quelque sept à neuf mille emplois, d’un côté, et, de l’autre, deux milliards de Fcfp de promotion et cinq ou six autres milliards par an pour maintenir Air Tahiti Nui en vol et financer les défiscalisations, soit un investissement annuel d’une dizaine de milliards de Fcfp au total, il n’y a pas photo. Une affaire qui rapporte quatre à cinq fois la mise, le jeu en vaut assurément la chandelle. Patrick Schlouch Punaauia, le 27 septembre 2006
© Tous droits réservés - 2006
3
FRAUDE À LA CARTE, SOYEZ VIGILANTS ! Les fraudes à la carte bancaire se multiplient et n’arrivent pas qu’aux autres. En Polynésie française où le commerce en ligne connaît un développement considérable, elles sont désormais quotidiennes et les banques doivent traiter un nombre d’affaires sans cesse croissant, ce qui les incite à prendre quelques libertés avec la loi.
Début juillet 2006, en consultant l’état de mon compte à la Banque de Polynésie, j’ai eu la désagréable surprise de constater le prélèvement d’une somme de 210 000 Fcfp (1 760 euros) correspondant à un achat inconnu effectué le 29 juin à l’aide de ma carte Visa auprès de la compagnie Air France. J’ai aussitôt contacté mon agence bancaire pour le contester et m’informer sur la procédure à suivre en cas de fraude. Ma banquière s’est montrée rassurante. Il suffisait, me dit-elle, que je passe à l’agence signer les formulaires de mise en opposition de ma carte et de contestation des achats, auxquels je devrais joindre un certificat de dépôt de plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Les sommes contestées, m’affirma-t-elle, me seraient remboursées dans un délai maximum d’un mois après leur prélèvement sur mon compte. Je suis passé à la gendarmerie de Punaauia où un jeune gendarme tahitien m’a interviewé pendant plus d’une heure. Non, je n’avais pas procédé à cet achat. Oui, ma carte était toujours restée en ma possession. Il y avait donc bien eu fraude et contrefaçon. Je suis ensuite passé comme convenu à la banque signer les papiers et j’ai attendu. Au bout de quelques semaines, j’ai reçu une nouvelle carte Visa, avec un nouveau code secret. Mais, point de remboursement. Le délai de trente jours est passé et j’ai même patienté un mois supplémentaire avant de reprendre contact avec ma banquière. Alors là, mauvaise surprise ! Le discours avait totalement changé. La hiérarchie était passée par là. J’ai eu droit à une explication abracadabrantesque. Il fallait désormais attendre le résultat de l’enquête auprès du commerçant (en l’occurrence Air France) avant d’être remboursé. Cela pouvait durer un temps infini. Au moment où j’écris, c’est-à-dire plus de trois mois plus tard, je n’ai toujours rien vu venir. Comme je suis un bon client de la Banque de Polynésie depuis trente ans, ma banquière m’a tout de même appelé cette
semaine pour m’informer qu’elle allait intervenir auprès de sa direction afin que l’on me fasse une faveur et que je sois remboursé par anticipation avant même les résultats de l’enquête. Tout cela est totalement illégal. La législation est extrêmement claire. La loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne dispose dans son Chapitre VI, relatif au code monétaire et financier, que : 1. En cas de perte ou de vol de carte : « Le titulaire d'une carte (…) supporte la perte subie avant la mise en opposition dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 150 €. Toutefois, s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de (sa) carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte, le plafond prévu à la phrase précédente n'est pas applicable. » 2. En cas de contrefaçon de carte : « La responsabilité du titulaire d'une carte (…) n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte. De même, sa responsabilité n'est pas engagée (…) si, au moment de l'opération contestée, il était en possession physique de sa carte. (…). Si le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un retrait, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou restituées, sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la contestation. » 3. « En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte (…), l'émetteur de la carte rembourse à son titulaire la totalité des frais bancaires qu'il a supportés. » 4. « Le délai légal pendant lequel le titulaire d'une carte de paiement ou de retrait a la possibilité de déposer une réclamation est fixé à soixante-dix jours à compter de la date de l'opération contestée. Il peut être prolongé contractuellement, sans pouvoir dépasser cent vingt jours à compter de l'opération contestée. » En résumé : - Dans tous les cas de contestation, faites opposition le plus vite possible auprès de votre banque. La loi exige en principe une lettre recommandée. 2
-
-
-
Si vous perdez votre carte ou si vous vous la faites voler, au maximum, votre banque pourra vous prélever une franchise de 150 euros (18 000 Fcfp) sur les dépenses effectuées à l’aide de votre carte avant opposition. Tout le reste devra vous être remboursé sauf si la banque peut prouver une faute ou une négligence de votre part. Si votre numéro de carte est utilisé pour des achats en ligne, mais que votre carte est toujours restée en votre possession, vous n’êtes pas responsable et les sommes prélevées indûment sur votre compte doivent vous être remboursées dans un délai d’un mois au maximum. Aucun frais ne doit vous être imposé et les éventuels agios résultant d’un compte à découvert en raison d’une fraude, doivent aussi vous être remboursés dans le même délai d’un mois.
Voici enfin les réponses aux questions fréquemment posées (FAQ) par les victimes de fraudes à la carte bancaire. On y constatera notamment que l’on peut faire partie de ces victimes sans avoir jamais utilisé sa carte sur Internet car il y a de multiples moyens pour les fraudeurs de récupérer le numéro de votre carte. À la suite d’une fraude à la carte bancaire, ma banque m'a remboursé au bout de quelques mois, mais ne m'a pas remboursé les agios, est-ce normal ? Non, ce n'est pas normal, vous pouvez réclamer le remboursement de tous les frais et des dommages et intérêts. Je n'ai pas perdu ma carte, mais mon relevé de compte fait apparaître plusieurs retraits importants. J'ai fait opposition. Comment dois-je réclamer le remboursement à la banque ? En le demandant par lettre recommandée après avoir porté plainte. J'ai contesté un prélèvement par carte bancaire auprès de ma banque. Celle-ci me dit régler le litige avec le commerçant. Est-ce normal ? Non, ce n'est pas normal, si je ne suis pas l’auteur de l'opération, je peux la contester auprès de ma banque. Il y a une opération bizarre sur mon relevé de compte carte bancaire, qui peut me conseiller utilement ? Une association de consommateurs.
3
J'ai commandé un objet par correspondance que j'ai payé par carte bancaire il y a deux mois sur un site français, je n'ai toujours rien reçu, que dois je faire ? - Demander à ma banque le remboursement du prélèvement. - Poursuivre le commerçant en justice pour demander le remboursement du double des sommes versées à titre d'arrhes ou pour demander la livraison de l'objet sous astreinte. J'ai fait opposition à ma carte bancaire à la suite d’une recharge frauduleuse d'un téléphone mobile pour 100 euros. Ma banque m'a prélevé 60 euros de frais d'opposition et 70 euros de renouvellement de carte, elle me propose une assurance carte bancaire. Que dois-je faire ? Je demande à ma banque le remboursement de tous les frais sans souscrire à cette assurance inutile. J'ai entré mon numéro de carte bancaire sur un site Internet français réputé qui dit prendre de nombreuses précautions. Pourtant quelques mois après, mon numéro de carte a été utilisé, ce site m'a expliqué qu'il s'était fait pirater. Que puis-je faire ? Porter plainte contre le site pour négligence dans la conservation d'informations nominatives. Les dirigeants du site risquent cinq ans de prison pour négligence dans la conservation d'informations nominatives. Malgré mes multiples protestations par lettres recommandées concernant une opération frauduleuse, ma banque ne m'a toujours pas remboursé. Que dois-je faire ? Prendre un avocat et poursuivre la banque devant un tribunal civil. Un journaliste veut que je lui parle de l'affaire de carte bancaire m'opposant à ma banque depuis plusieurs mois, dois-je accepter de parler publiquement de cette affaire ? J'accepte que mon affaire soit évoquée publiquement, les banques n'aiment pas les vagues dans les médias et cela peut me permettre d'obtenir plus rapidement un remboursement sans avoir à engager de procédure. Je conteste une opération faite chez un commerçant à l’étranger. La banque ne veut pas me rembourser car elle dit que le paiement a été effectué avec la puce, qui est en principe inviolable. Je n'ai pas perdu ma carte. 4
Il est très possible de violer la puce d'une carte bancaire ou de la cloner, il peut s'agir d'une contrefaçon. Je retire du liquide dans un distributeur automatique, la somme distribuée est inférieure à celle qui était demandée ou indiquée sur le ticket. Que dois-je faire ? Réunir des témoignages et protester immédiatement auprès de la banque gérant le distributeur et la banque gérant mon compte. À la suite d’une capture de ma carte dans un distributeur automatique, des retraits ont été effectués et ma banque ne veut pas me rembourser. Que doisje faire ? Protester auprès de ma banque, porter plainte et lire la presse locale, d'autres cas de « collets marseillais » ont pu être constatés à cet endroit au même moment. Ma carte bancaire a été renouvelée après piratage, mais seuls les deux derniers chiffres ont été changés, est-ce normal ? Non, certaines banques font cela de façon systématique, le numéro peut être retrouvé à coup sûr à partir du numéro de la carte précédente. Quelles sont les informations nécessaires pour effectuer une transaction à distance avec une carte bancaire ? Le numéro à seize chiffres. Quelles informations ne peuvent pas être vérifiées par le vendeur à distance en France lors d'une transaction par carte bancaire ? Le nom du porteur. Quand une transaction par carte bancaire est faite à distance, quelles informations sont connues avec certitude par le commerçant ? Aucune. Lorsqu'une transaction à distance est effectuée, de quel recours dispose le consommateur ? - Le renvoi de la marchandise dans un délai de sept jours francs suivant la date de la livraison. - Le remboursement de la somme prélevée en contactant sa banque. 5
Que risque le cybermarchand en cas de piratage de sa base de données d'informations nominatives (contenant notamment des numéros de cartes bancaires) ? Cinq ans de prison (article 226-17 du code pénal) De quoi a besoin un fraudeur pour s'offrir l'objet de ses rêves sur Internet ? Un numéro de carte bancaire et une adresse de livraison. Je ne fais jamais d'achat sur Internet (car je ne suis pas connecté sur Internet), est-il possible que quelqu'un fasse quand même une opération frauduleuse avec ma carte bancaire sur Internet ? Oui. Comment trouve-t-on les informations nécessaires pour transaction frauduleuse sur Internet ? - Sur les facturettes comportant les numéros à seize chiffres. - Dans les bases de données des commerçants. - Sur les inscriptions gravées sur les cartes bancaires.
faire
une
Quels autres moyens permettent de retrouver parfois des numéros de cartes bancaires valides ? - Les facturettes tronquées (numéro à neuf chiffres) avec un extrapolateur. - Les générateurs de numéros de cartes bancaires utilisés avec des numéros de cartes expirés. - Les chèques de certaines banques. Quels sont les risques de la vente à distance pour le consommateur ? - Ne pas être livré. - Etre débité plus qu'il ne le voulait. - Ne pas recevoir toute sa commande. - Recevoir autre chose que ce qu'il avait commandé. - Recevoir des tas de publicités dans sa boîte aux lettres électronique. - Que ses coordonnées soient disséminées sur Internet. - Etre débité plusieurs fois par le même site ou par de multiples sites. - Perdre son temps en formalités avec sa banque et payer des frais de renouvellement de carte bancaire.
6
Sur quels sites Internet puis-je donner mon numéro de carte bancaire sans risque ? Aucun. J'ai une carte bancaire, comment éviter les coûts liés à la fraude à la carte bancaire sur Internet ? Surveiller régulièrement les relevés de carte bancaire pour détecter les opérations frauduleuses et prévenir ma banque aussitôt. Lors d'une transaction à distance, le cybermarchand demande une autorisation à sa banque, à quoi sert elle ? À s'assurer que le numéro utilisé existe bien, qu'il n'est pas en opposition et que le compte est suffisamment approvisionné. Cyber-comm., est-ce la sécurité absolue pour le consommateur ? Non, au contraire, le consommateur est sûr d'être débité, mais il n'a aucun moyen de révoquer le paiement. Tous les aléas de la vente à distance (non livraison, livraison incomplète ou différente...) sont ainsi reportés sur le consommateur.
Patrick Schlouch Punaauia, le 1er octobre 2006
© Tous droits réservés - 2006
7
CHAUD DEVANT ! Pendant la quasi-totalité de son histoire, notre planète a été soit brûlante, soit gelée. Il y a cinquante millions d’années, il n’y avait pas de glace aux pôles. Il y a dix-huit mille ans, au contraire, l’Europe du Nord était couverte d’une couche de glace épaisse de trois kilomètres et la surface des océans se situait cent trente mètres plus bas qu’aujourd’hui. Une région pouvait subir des modifications climatiques brutales comme une élévation de la température moyenne de 20° en une seule décennie. Puis, il y a dix mille ans, ces fluctuations cessèrent et le climat se stabilisa jusqu’à nos jours. C’est même peut-être ce qui a permis à l’humanité de se développer et de progresser. Cette stabilité est désormais menacée par un réchauffement significatif qui pourrait avoir des conséquences terribles. Les experts estiment que la température moyenne augmentera dans une fourchette comprise entre 1,4° et 5,8° au cours du vingt-et-unième siècle. Personne n’est capable à ce jour de préciser davantage, mais un réchauffement proche du haut de cette fourchette pourrait entraîner une élévation du niveau des mers, un accroissement du nombre des catastrophes naturelles (ouragans, inondations, sécheresse…), une forte diminution de la production agricole, la famine et des migrations massives. On ignore quel est le scénario le plus vraisemblable, car le climat est un système d’une infinie complexité. Cette incertitude règne au cœur des débats actuels sur les changements climatiques. En effet, puisque les conséquences finales de ces changements ne sont pas confirmées, on hésite à investir des milliards dans des actions de prévention. Est-il raisonnable d’utiliser les fonds publics pour combattre un risque aussi distant et éventuel ? Ne vaudrait-il pas mieux les consacrer à des besoins plus urgents et concrets ? Un faisceau d’indices scientifiques de plus en plus convaincants laisse tout de même à penser que le risque d’une catastrophe climatique est assez élevé pour que l’humanité fasse tous ses efforts pour essayer de le prévenir. Il semble d’ailleurs que la facture ne soit pas si salée qu’on pourrait le penser. Les experts planchent sur le coût d’un programme d’action visant à éviter que la concentration moyenne de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère n’excède jamais 550 parties par million (ppm). Il y a un siècle, cette concentration était d’environ 280 ppm, elle est actuellement de 380 ppm. La maintenir sous les 480 ppm est considéré comme un objectif ambitieux et, à
550 ppm, la Terre serait, paraît-il, encore vivable. La plupart des spécialistes estiment que cela coûterait moins de 1 % des richesses mondiales. En réalité, la difficulté n’est pas tant technique que politique. Le changement climatique est un des problèmes les plus ardus auxquels le monde ait jamais eu à faire face. Du fait de la globalité du phénomène, il est dans l’intérêt de chaque pays de faire peser la charge sur le voisin. Parce que c’est un défi à long terme, chaque génération a tendance à refiler le bébé à la suivante. Et ainsi, rien ne se fait. Le protocole de Kyoto, qui avait pour ambition de pousser les plus gros pollueurs de la planète à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990, n’a pas complètement fait long feu. L’Union européenne et le Japon atteindront probablement leurs objectifs. Ce traité a aussi créé un marché mondial des émissions de gaz carbonique qui contribue assez efficacement à leur réduction. Malheureusement, ses effets restent très limités parce que les États-Unis ne l’ont pas ratifié et qu’il n’oblige pas les pays en voie de développement. Les États-Unis sont le plus gros producteur mondial de gaz à effet de serre, mais pas pour très longtemps. Chaque année, la Chine accroît sa production d’électricité d’une quantité équivalente à la totalité de la production française. Pour cela, elle utilise presque exclusivement ses réserves de charbon qui sont considérables. Mais, c’est la source d’énergie la plus sale. La Chine dépassera bientôt les États-Unis en matière de pollution et l’Inde n’est pas loin derrière. Les pays en développement estiment que les riches, qui sont à l’origine du problème, doivent donner l’exemple. Si l’Amérique persiste à refuser de réduire ses émissions de gaz, ils ne feront rien non plus. Si, au contraire, elle agit, ils suivront peut-être, mais rien n’est moins sûr. Patrick Schlouch Punaauia, le 5 octobre 2006
© Tous droits réservés - 2006
2
ENFER ET DAMNATION ! La Corée du Nord éternue et le monde s’enrhume. Elle fait péter sa bombinette, narguant la communauté internationale, petit roquet totalitaire odieux, bouffi d’orgueil, de frustration et de volonté de puissance. Une trentaine de pays sont désormais engagés, à des degrés divers, dans une course à l’armement nucléaire, en plus des neuf qui en disposent déjà. Ça fait froid dans le dos, n’est-ce pas ? Quand on voit de quelle manière l’être humain se conduit sur les écrans de nos jours noirs, on a du mal à sonder les abîmes d’horreur vers lesquels notre pauvre monde est happé dans un maelström diabolique.
Kim Jong Il
Un livre vient de sortir, Les Bienveillantes1 de John Littell, décrivant par le menu et dans le détail, les atrocités commises par les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce roman, qui met en scène un bourreau SS, évoque des pratiques si épouvantables, que l’auteur avertit le curieux sensible, au cœur mal arrimé, et l’invite à ne pas poursuivre sa lecture. Pourtant, près de trois cent mille exemplaires de cette anthologie de la barbarie et de la cruauté2, de ce manuel de vivisection, ont déjà été vendus en France et l’éditeur a du mal à satisfaire une demande explosive. On parle 1
Ce titre fait référence à des entités mythologiques primordiales censées, dans la tragédie grecque, pourchasser sans répit les auteurs d’actes inexpiables – la légende des Atrides et la malédiction d’Oreste, matricide par la volonté des Dieux (Eschyle). Les Bienveillantes de John Littell, Gallimard, Paris, 2006. 2 Sur la barbarie et ses mécanismes mentaux, les ouvrages de la philosophe juive Hannah Arendt.
même d’un prix prestigieux pour ce pavé de neuf cents pages, encensé par la critique et qui a bouleversé la rentrée littéraire. Comment expliquer autant d’attrait pour : « Une fresque effarante, insoutenable, un Guernica, d'une noirceur d'autant plus insoutenable qu'elle a la teinte de la vérité. Magistral, mais au-delà de la limite du supportable. », selon une critique littéraire québécoise ? La littérature ennoblit-elle tout, même le charcutage le plus sordide ? Et si les Nazis avaient eu la bombe ? Patrick Schlouch Punaauia, le 16 octobre 2006
John Littell
© Tous droits réservés - 2006
2
LA VIE SANS MORT Petit break poétique pour alléger quelque peu cette ambiance morose et surchauffée (Papeete est toujours partiellement bloquée par des syndicalistes en colère depuis près d’une semaine). Lisez ces paroles d’une chanson de Michel Jonasz, La vie sans mort, extraite de son superbe album de l’an 2000, Pôle Ouest. Il chante : Larguer les amarres qui nous attachent et, toutes voiles dehors, Partir pour la terre nouvelle. Partir au hasard, partir pour quitter le port, Vers le large qui nous appelle. Il faut tirer l'ancre qui nous empêche et, toutes voiles dehors, Traverser les zones qui recouvrent le soleil intime. Enfin, passer la porte d'or, Elle est déjà là, elle s'ouvre. Jeter les barrières des je-sais-tout par-dessus bord, Tout ce qui nous rattache à la peur de quitter son corps, Vivre enfin la vie sans mort…
Bonne méditation ! Patrick Schlouch Punaauia, le 18 octobre 2006 © Tous droits réservés - 2006
L’ÉCONOMIE MONDIALE EN PLEINE RÉVOLUTION En 2005, l’ensemble des richesses produites par les pays dits émergents a, pour la première fois, dépassé la moitié du Produit Intérieur Brut (PIB) global. C’est-à-dire que les pays développés ne dominent plus l’économie mondiale. Les pays en voie de développement ont beaucoup plus d’influence sur les performances des économies des pays riches qu’on ne le pense généralement. Ils mènent la croissance mondiale et conditionnent en grande partie les taux d’inflation et d’intérêt, ainsi que le montant des salaires et des profits dans les pays riches. Tandis que ces nouveaux arrivants s’intègrent à l’économie mondiale et que leurs niveaux de revenus rattrapent peu à peu ceux des pays riches, ils sont à l’origine de la plus grande relance économique de l’histoire de l’humanité. La révolution industrielle n’avait concerné qu’un tiers de la population mondiale, mais cette nouvelle révolution économique touche l’ensemble de la planète. Elle explique les phénomènes que l’on constate à l’heure actuelle dans les pays riches comme les bénéfices records des sociétés (notamment celles qui sont cotées en bourse et profitent de la mondialisation), la relative stagnation des salaires, le coût élevé de l’énergie, la faiblesse des taux d’intérêt et l’énorme déficit commercial des États-Unis. Les pays émergents exportent de plus en plus Leur part des exportations mondiales est passée de 20 % en 1970 à 43 % en 2005. Ils consomment plus de la moitié de l’énergie mondiale et sont à l’origine des quatre cinquièmes de la croissance de la demande de pétrole au cours des cinq dernières années. Ils détiennent aussi 70 % des réserves mondiales de devises. Mais, quels sont ces pays que l’on a d’abord qualifiés de sous-développés, ou de Tiers-monde, puis de pays en voie de développement et que l’on range aujourd’hui dans la catégorie des pays émergents ? Chine, Inde, Brésil et Amérique centrale et latine, Corée du Sud et Asie du Sud-est, Russie et Europe de l’Est, Turquie, Israël et pays du Moyen-Orient… Certains d’entre eux devraient, du reste, être plutôt considérés comme « réémergents ». Jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, en effet, la Chine et l’Inde étaient les
deux plus puissantes économies du monde. Avant que la machine à vapeur et le métier à tisser ne donnent un avantage industriel décisif à la GrandeBretagne, puis aux autres pays d’Europe, les économies émergentes d’aujourd’hui dominaient la production mondiale. Angus Maddison, un historien de l’économie, estime que durant les dix-huit premiers siècles de notre ère, jusqu’en 1820, ces économies ont produit en moyenne 80 % des richesses globales. Mais, elles ont été dépassées par la révolution technologique et, en 1950, leur part était tombée à 40 %. À présent, elles reviennent au premier rang. Au cours des cinq dernières années, leur croissance annuelle a atteint 7 % en moyenne, contre seulement 2,3 % dans les pays riches. Et cette tendance devrait encore perdurer pendant les cinq prochaines années. Si ce mouvement se poursuit, dans vingt ans, les économies émergentes produiront les deux tiers des richesses mondiales. Depuis 2000, la croissance annuelle mondiale s’est établie à 3,2 % en moyenne, et cela grâce aux performances des économies émergentes. C’est mieux que les 2,9 % des années 1950 – 1973, dites dorées, précédant le premier choc pétrolier, quand le Japon et l’Europe se reconstruisaient après la Deuxième Guerre mondiale. C’est certainement bien mieux, en tout cas, que la période de la révolution industrielle. Entre 1870 et 1913, la croissance mondiale n’a pas dépassé 1,3 % par an en moyenne. Cela signifie que la première décennie du vingt-et-unième siècle est en passe de connaître la plus forte croissance économique de toute l’histoire du monde. Considérées collectivement, les économies émergentes se développent plus vite que les économies industrialisées depuis plusieurs décennies. Pour quelles raisons cela se remarque-t-il tellement aujourd’hui ? Il y a d’abord le fait que le différentiel de croissance entre les uns et les autres s’est considérablement élargi depuis l’an 2000. Mais, plus significatif encore, les économies émergentes sont désormais mieux intégrées au système global de production, tandis que le commerce international et les flux financiers ont beaucoup augmenté au cours des dix dernières années. La Chine n’est devenue membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qu’en 2001. Du fait de sa taille et de son ouverture exceptionnelle au commerce et à l’investissement avec le reste du monde, son influence est prépondérante par rapport à celle des autres pays émergents. La somme des échanges extérieurs de la Chine atteint 70 % de son PNB contre seulement 25
2
à 30 % pour l’Inde ou les Etats-Unis. Dès 2007, elle devrait représenter près de 10 % du commerce mondial (4 % en 2000). L’Internet a également rendu possible une réorganisation radicale de la production libérée des frontières. Grâce aux nouvelles technologies de l’information, certains services commerciaux, comme la comptabilité par exemple, ont pu être délocalisés, exposant ainsi de nouveaux secteurs d’activité des pays riches à la concurrence venue d’Inde et d’ailleurs. On devrait se réjouir de voir une croissance plus rapide et plus forte élever le niveau de vie de centaines de millions de personnes dans les pays pauvres. Au lieu de cela, petits patrons, employés et politiciens des pays riches s’affligent de voir la production et les emplois migrer vers les régions d’Asie ou d’Europe de l’Est où les salaires sont les plus bas. Pourtant, d’un point de vue global, les pays riches ont tout à gagner du développement des pays pauvres. L’accroissement de leurs exportations donne aux pays en développement les moyens d’acheter des biens produits dans les pays riches. Et, bien que leurs revenus moyens soient encore faibles, ils constituent de nouveaux marchés immenses et prometteurs. Au cours de la prochaine décennie, près d’un milliard de nouveaux consommateurs apparaîtront sur les marchés mondiaux. Les économies émergentes offrent déjà des débouchés importants aux entreprises des pays plus riches. Plus de la moitié des exportations des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Japon sont destinées à ces économies. Les échanges commerciaux entre les pays riches et les pays émergents croissent deux fois plus vite que les échanges entre pays riches. Les travailleurs victimes de la mondialisation Une croissance accrue dans les pays émergents sera bénéfique pour l’ensemble des pays riches, mais tout le monde n’y trouvera pas son compte de la même manière. L’intégration de la Chine et d’autres pays dans le commerce global provoque une profonde redistribution des revenus. Tandis que les prix des biens exportés par la Chine et d’autres ont tendance à baisser, le prix des denrées que ces pays importent, comme le pétrole par exemple, montent. Mis en concurrence avec une nouvelle main-d’œuvre, les travailleurs des pays riches ont perdu une grande partie de leur pouvoir de négociation. Leurs salaires subissent de fortes pressions à la baisse. La part du revenu national perçue par les salariés est à son niveau le plus bas depuis des décennies dans les pays riches, alors que les profits des entreprises explosent. 3
Il apparaît clairement que les travailleurs occidentaux ne récoltent pas les fruits de la mondialisation. Ceci est vrai non seulement pour les moins formés d’entre eux, mais aussi, et de plus en plus, pour les employés hautement qualifiés dans les secteurs de la comptabilité ou de la programmation informatique par exemple. Si le niveau des salaires persistait à décevoir, les doléances des travailleurs et des opinions publiques pourraient aboutir à des exigences de protectionnisme et de fermeture des frontières. Ce serait une erreur, naturellement, car les pays qui céderaient aux sirènes protectionnistes ne feraient que hâter leur déclin. Le défi qui s’impose aux gouvernements des pays riches est de trouver les moyens de mieux répartir les fruits de la mondialisation sans en réduire le volume ni les avantages. L’influence grandissante des pays émergents La croissance des profits des entreprises et le relatif déclin des salaires ne sont pas les seuls phénomènes générés par la mondialisation. Un grand nombre d’indicateurs ont subi d’énormes distorsions contredisant les règles traditionnelles de l’économie. Ainsi, en dépit du déficit commercial vertigineux dont les Etats-Unis sont victimes, le dollar est resté relativement fort et stable. Les taux d’intérêt y sont encore historiquement bas malgré une croissance soutenue et un endettement public forcené. Le prix des hydrocarbures a triplé depuis 2002 et, malgré cela, la croissance mondiale demeure forte et l’inflation relativement maîtrisée. Toutefois, le prix de l’immobilier a flambé dans de nombreux pays. Tout cela est provoqué en grande partie par l’influence grandissante des économies émergentes. Par exemple, la résistance du dollar s’explique largement par le fait que ces économies accumulent des réserves de devises américaines. De la même manière, l’augmentation des prix du pétrole tient plus à la demande accrue des pays émergents qu’à une faiblesse de la production, voilà pourquoi la croissance mondiale n’en a pas souffert jusqu’ici. L’influence de la hausse des prix de l’énergie sur le niveau de l’inflation est compensée par la baisse des prix des produits exportés par les économies émergentes. Des politiques à revoir Cette situation exige de repenser radicalement les politiques économiques des pays riches. Il sera probablement nécessaire de revoir les systèmes fiscaux de manière à compenser la perte imposée aux salariés par la 4
mondialisation. Les politiques monétaires doivent elles aussi faire l’objet d’une révision. En maintenant les taux d’intérêt à des niveaux très bas, les banques centrales ont facilité la création d’une « bulle immobilière » qui a excessivement gonflé les prix des maisons et des terrains. Cette politique a aussi encouragé l’emprunt au détriment de l’épargne. Paradoxalement, en finançant le déficit commercial américain, les pays pauvres subventionnent les consommateurs les plus riches et paient pour qu’ils leur achètent les biens qu’ils produisent. L’émergence de nouveaux pays sur la scène économique mondiale n’a pas seulement fourni une maind’œuvre bon marché et docile, elle a aussi constitué une source de capital facilement disponible. Il est peu probable que les pays émergents continuent longtemps encore de financer le colossal déficit commercial américain. Le coût du capital pourrait s’élever brutalement en Amérique. Il y a là le risque de voir l’économie américaine souffrir d’un choc financier et d’une récession. Fort heureusement, le rôle des Etats-Unis comme locomotive de la croissance mondiale n’est plus aussi marqué que par le passé. Les importations américaines ne représentaient que 4 % du PIB mondial en 2005. Le plus grand risque pour l’économie mondiale serait qu’une récession et une chute des prix de l’immobilier, ajoutés à la stagnation des salaires, ne déclenchent de larges mouvements protectionnistes. Ce serait négatif à la fois pour les pays riches et les pays pauvres. De toute manière, quoi qu’il arrive, les pays émergents vont continuer à croître et à se développer. Nous n’avons pas encore pris la réelle mesure de cette révolution. P.S. Punaauia, le 30 octobre 2006 (sources : The Economist, Le Point, Internet)
© Tous droits réservés - 2006
5
UN POLYNÉSIEN SUR TREIZE EST MORMON En ce printemps 1820, Joseph vient d’avoir quatorze ans. Il est né en 1805, deux jours avant Noël, le cinquième d’une fratrie de onze enfants dans une modeste famille américaine établie dans le comté de New York, au nom banal de Smith. La religion est au cœur de la vie du jeune Joseph et imprègne profondément l’ambiance au foyer. Depuis quelques années déjà, le garçon s’interroge sur la meilleure manière de servir le Seigneur et s’il doit rejoindre telle ou telle de ses nombreuses Églises qui prolifèrent à cette époque. Il ne comprend pas pourquoi les pasteurs eux-mêmes violent si souvent les préceptes divins qu’ils enseignent. Son esprit s’enflamme, il est en proie au doute et à la confusion. Aujourd’hui, comme chaque fois qu’il en a l’occasion, il s’est réfugié dans le bosquet planté de grands arbres non loin de sa maison en rondins et prie. Il prie Dieu de lui montrer la voie… Soudain, son appel est entendu. Un ectoplasme à forme humaine, brillant et laiteux à la fois, apparaît à quelques mètres devant Joseph à genoux, aussitôt doublé d’un second, identique. Les apparitions jumelles illuminent la clairière de rayons d’arc-en-ciel. Le Père et le Fils se manifestent ensemble devant ce gamin exalté et lui demandent rien moins que de créer la véritable Église de Jésus-Christ. Et il le fait ! Pendant les dix années suivantes, Joseph Smith aura d’autres visions. En 1823, l'ange Moroni lui apparaît et lui annonce qu’un livre est caché, rédigé sur des plaques d'or, racontant l'histoire des premiers habitants de l’Amérique et dévoilant leur origine. En 1827, il découvre ces plaques, gravées de mystérieux caractères et les traduit grâce à deux pierres magiques, l'Urim et le Thummim, que l’ange lui confie avant de les lui reprendre. Telle est la légende de l’origine de l’Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours (EJCSDJ), plus connue sous le nom d’Église mormone, officiellement fondée en 1830 par le même Joseph Smith qui n’a alors que vingt-cinq ans.
Nauvoo : le beau paradis perdu Il est tout naturellement consacré prophète de cette église qui se développe rapidement, mais subit aussi les persécutions traditionnellement réservées aux croyances nouvelles. D’abord installés dans le Missouri, les Saints des Derniers Jours en sont chassés par ordre du gouverneur. Ils émigrent alors vers l’Illinois, puis vers les territoires indiens Iowa durant le terrible hiver 1838 –1839. La plupart d’entre eux s’installent dans la région de Quincy, en Illinois. Mais, quand la petite ville atteint les limites de ses capacités d’accueil, les Mormons cherchent d’autres endroits où s’établir. Beaucoup passeront l’hiver blottis dans les ruines incendiées du Fort Des Moines dans l’Iowa. Ébloui par la splendeur des paysages, Joseph Smith décida d’acheter des terres dans cette région pour y fonder le quartier général de son église. Son site préféré était l’intérieur de la boucle du Mississipi, sur la rive gauche du grand fleuve qui divise entièrement les États-Unis du Nord au Sud, du Canada au Golfe du Mexique. Il le baptisa Nauvoo, ce qui signifie « beau » en hébreu. En 1844, la ville de Nauvoo comptait déjà plus de dix mille habitants, un nombre considérable pour l’époque, et la construction y était l’activité principale. Outre une forte demande de logements, il y avait aussi deux grands chantiers collectifs : un magnifique temple en calcaire blanc sur la colline, dominant toute la communauté, et un hôtel de quatre étages au bord du fleuve. On y trouvait des maréchaux-ferrants, des armuriers, des scieries, des briqueteries, des ateliers de confection de cordages et des commerces de toutes sortes. Des organisations familiales prenaient soin des femmes et des enfants. Il y avait même une université et des loges maçonniques. Comme toutes les grandes villes, surtout les plus proches de la frontière, Nauvoo n’attirait pas que des saints parmi tous ceux qui se réclamaient de la foi mormone. C’était l’époque des pirates sur le Mississipi. Les voleurs de chevaux et les bandits de grands chemin écumaient les vastes prairies de l’Illinois. Persécutés pendant les dix premières années de leur courte histoire, les « Saints » accueillaient à Nauvoo, sans aucun contrôle ni parrainage, tous ceux qui se disaient membres de leur Église. Nauvoo devint bientôt un sanctuaire pour les brigands et les voleurs, attirés par son développement et ses richesses. 2
Joseph Smith constituait en outre une menace politique. Il était candidat à la présidence des États-Unis et faisait campagne dans la perspective des élections de 1844. Un puissant mouvement anti-Mormon se créa alors, avec la ferme intention de chasser les Saints des Derniers Jours de la région. Au printemps 1844, quelques-uns des plus proches disciples de Joseph Smith firent sécession. Ils étaient déterminés à dénoncer sa pratique secrète de la polygamie et à briser l’hégémonie politique de Nauvoo, le quartier général mormon. Les dissidents firent l’acquisition d’une imprimerie et publièrent un journal dont le premier numéro était entièrement consacré à la critique de Joseph Smith. Trois jours plus tard, le 10 juin, le conseil municipal de Nauvoo tint une séance extraordinaire au cours de laquelle on décida de saisir et brûler tous les exemplaires du journal et de détruire l’imprimerie1. La guerre civile était déclarée. La tension monta. On voyait partout des bandes armées se former. Joseph Smith, qui était aussi le maire de Nauvoo, décréta l’état d’urgence et imposa la loi martiale en ville. Quand le gouverneur de l’Illinois, Thomas Ford, fut informé de la situation, il mobilisa la milice de l’État et se rendit sur place. Il s’installa à Carthage, une ville voisine, et somma Joseph Smith et les membres de son conseil municipal de se rendre, afin d’être jugés pour la destruction de l’imprimerie. Assurés de la protection du gouverneur, Joseph Smith, son frère Hyrum et deux conseillers se rendirent le 24 juin. Ils furent emprisonnés. Trois jours après, le 27, alors que le gouverneur Ford était en inspection à Nauvoo, des miliciens anti-Mormons investirent la prison de Carthage. Joseph et Hyrum Smith furent abattus. L’un des deux autres Mormons enfermés avec eux, John Taylor, fut blessé. L’autre s’en sortit indemne. Après la mort du prophète, à seulement trente-huit ans, toute la région tremblait à l’idée des représailles mormones. Mais, elles ne vinrent pas. Au lieu de se venger, Nauvoo se mura dans le silence, le deuil et le recueillement. Le gouverneur regagna Springfield, sa capitale. Pourtant, la paix ne dura pas. Ne constatant aucune résistance, les anti-Mormons lancèrent des raids meurtriers contre les habitations mormones isolées. Dès 1
Ceci me rappelle un épisode de l’année 1986, quand le journal Les Nouvelles de Tahiti, dont le rédacteur en chef était Jean-Pascal Couraud, alias JPK, avait sorti un numéro spécial entièrement consacré à éreinter Gaston Flosse, alors président du gouvernement de la Polynésie française. Le journal avait, là aussi, été saisi sur décision du juge des référés. Du moins, les exemplaires qui n’avaient pas encore été vendus. L’imprimerie n’avait pas été détruite, mais Les Nouvelles de Tahiti ont ensuite connu les pires difficultés et ont finalement été achetées trois ans plus tard par le groupe Hersant. Quant à JPK, il a mystérieusement disparu en décembre 1997 sans laisser aucune trace. 3
1845, les deux camps s’affrontaient ouvertement et le comté de Hancock était à nouveau livré aux exactions des groupuscules armés. La milice de l’État dut encore intervenir pour mettre fin aux hostilités. Cette fois, les Mormons acceptèrent de quitter le pays. À regret, ils durent abandonner leur sanctuaire Nauvoo au printemps suivant.
Joseph Smith, premier prophète mormon
La quatrième religion aux États-Unis Un nouvel et long exode vers l’Ouest, sous la direction de Brigham Young, qui devint leur second prophète, amena les Mormons sur les bords du Lac Salé dans l’Utah. Ils y bâtirent la « Sainte Sion » où Jésus est censé venir régner sur les tribus d'Israël à la fin des temps. L'Utah, qui n'était pas encore un État des États-Unis d'Amérique, dépendait toutefois du gouvernement fédéral. Les relations avec celui-ci, inquiet de l'expansion des Mormons, étaient rendues difficiles par la pratique de la polygamie, « restaurée » par Joseph Smith à la suite d'une « révélation » (selon lui, qui la pratiquait, la polygamie était permise aux patriarches de la Bible, elle n'était donc pas mauvaise par nature…). En 1890, le président de l'Église mit officiellement fin à la pratique de la polygamie et, en 1896, l'Utah devint le quarantecinquième État des États-Unis d'Amérique. 4
Aujourd'hui, les Mormons représentent 70 % de la population de l'Utah. L’EJCSDJ est devenue une organisation puissante financièrement, influente dans le monde des affaires et de la politique (seize Mormons siègent au Congrès des États-Unis). Elle ne publie pas de comptes, mais une enquête du journal Les Echos (08/02/2002) estimait à environ 4 milliards de dollars ses revenus annuels nets d'impôts. Son patrimoine immobilier à travers le monde est considérable : environ cent quarante temples, constructions somptueuses, et des centaines de chapelles. Selon ses dirigeants : « Elle construit ou agrandit presque deux lieux de culte par jour ». Elle possède, en Utah, une immense bibliothèque généalogique, constituée en partie grâce à des accords passés avec des États (dont la France) et consultée par des généalogistes du monde entier. Une revue mensuelle : le Liahona (terme mormon signifiant « boussole »), est traduite en une quarantaine de langues. L'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours affirme être le rétablissement par Jésus-Christ lui-même de son Église originelle. Elle prétend réunir les pouvoirs et les clefs détenus par les prophètes de toutes les époques précédentes, être dirigée par la révélation continue, être le fruit du Rétablissement et être l'Église de la dispensation de la plénitude des temps. Ses membres, les « Saints des Derniers Jours », sont appelés « Mormons » en référence au Livre de Mormon qui serait, comme la Bible, un recueil antique de Saintes Écritures. L’EJCSDJ est la quatrième religion aux États-Unis, en nombre de fidèles. Elle rassemble treize millions de membres dans le monde, essentiellement en Amérique du Nord. Ils sont environ 20 000 en Polynésie française (soit un Polynésien sur treize) et seulement 36 000 en France (un Français sur deux mille) où elle est davantage considérée comme une secte. Patrick Schlouch Punaauia, le 6 novembre 2006
…/…
5
Un temple tout neuf à Tahiti Pénétrer dans un temple mormon est un privilège accordé seulement aux membres de l’EJCSDJ dûment munis d’une « recommandation ». Le laxisme des premiers âges a laissé la place à un contrôle très strict de la motivation et de la pureté d’intention des adeptes. La recommandation n’est accordée au mieux qu’après un an de période probatoire durant laquelle le prétendant baptisé est observé à la loupe et doit faire ses preuves. Le temple est interdit à tous les autres, les membres de l’EJCSDJ sans recommandation et, surtout, les profanes qui doivent se contenter des chapelles voisines. C’est dire à quel point l’occasion qui m’était offerte, en ce vendredi 27 octobre 2006, de visiter le temple mormon de Tahiti était exceptionnelle. Je ne l’ai pas manquée. Une inédite opération « Portes ouvertes au public » avait été lancée par les responsables de l’Église à l’issue d’un an de fermeture pour rénovation et agrandissement. Le chantier venait de s’achever et, durant la brève période précédant la consécration officielle de l’édifice par une personnalité qualifiée pour le faire, il pouvait être visité par tous. Je me suis présenté comme journaliste et j’ai eu la chance d’être guidé par un jeune homme sympathique et intelligent, cadre m’a-t-il dit dans une compagnie aérienne. Il était suivi comme son ombre par sa jeune femme, aide-soignante dans le civil. Comme une bonne cinquantaine de leurs frères et sœurs, ils avaient pris une journée de congé pour venir encadrer les visites quotidiennes organisées à la suite d’une campagne de promotion très professionnelle.
L’éternité cinq étoiles Consacré en 1983, le temple mormon de Tahiti est situé à Papeete, à l’entrée de la vallée de la Fautaua à Titioro. Il est superbe, blanc au toit bleu, avec ses lignes épurées, bien assis au fond d’un parc impeccable, planté de chaque côté d’une rangée de palmiers. Sa flèche centrale caractéristique, surmontée d’un ange doré, une trompe à la bouche, probablement pour annoncer la Bonne Nouvelle, est flanquée de deux drapeaux français et polynésien.
6
Avant d’entrer dans le temple, plutôt que de vous faire enlever vos chaussures, on vous demande d’enfiler des chaussons en tissu ou en papier, de ceux que l’on utilise dans les hôpitaux. Même les pieds nus des profanes seraient une menace pour la pureté et, tout simplement, pour la propreté immaculée des lieux. À la remorque de mon guide, je franchis l’entrée du temple. Des adeptes costauds, en uniforme de l’Église (pantalon foncé, chemise blanche et cravate) sont postés tous les cinq mètres. La visite est canalisée au millimètre et réglée à la seconde. Mes exigences particulières de journaliste perturbent totalement leur organisation, mais ce sont des pros, ils s’en sortent en beauté. Des groupes d’une dizaine de visiteurs se suivent à environ un quart d’heure d’intervalle.
Le temple mormon de Tahiti
Nous arrivons dans une sorte de hall d’accueil. C’est le bureau des Recommandations. C’est ici que l’on doit montrer patte blanche avant d’être admis à entrer dans le temple proprement dit. En réalité, nul ne parvient jamais jusqu’à cet endroit s’il ne possède pas le précieux sésame. Ce vestibule est magnifiquement décoré de boiseries précieuses. Le travail de finition est parfait. Mon guide me confie que les travaux ont été réalisés par une entreprise américaine spécialisée, sous la direction d’un architecte mormon. Mais, il ne peut rien dire sur le budget. Tout juste m’avoue-t-il que cela a coûté « Des millions de dollars ». Certes, la facture a dû être salée (comme le Lac). La qualité de la construction et le luxe de la décoration sont 7
dignes des plus beaux palais. Le style fait étrangement penser à celui des palaces internationaux cinq étoiles. Pas de croix, pas de statue, nul objet rituel… Exception faite des tableaux illustrant des scènes de l’histoire de l’Église ou des Saintes Écritures, rien ne rappelle la vocation religieuse des lieux. Le temple, qui mesure un peu plus de mille mètres carrés, n’a rien à voir avec les autres édifices chrétiens. Ici, point de nef majestueuse couronnée par un autel. Le temple mormon est constitué de plusieurs petites salles, chacune ayant une fonction particulière. Il est d’abord séparé en deux moitiés identiques, l’une pour les femmes et l’autre pour les hommes. Chacune contient des vestiaires car, dans le temple, le Mormon doit abandonner ses vêtements profanes et revêtir une simple robe blanche, symbole de pureté et d’humilité. Les adeptes peuvent ensuite aller s’asseoir dans la Salle de Dotation, laquelle offre une trentaine de fauteuils alignés comme dans une salle de projection privée, où ils reçoivent les enseignements de l’Église. Un dédale de couloirs feutrés, à l’éclairage tamisé, aux moquettes épaisses et souples, aux murs ornés de tableaux colorés et hyperréalistes, nous arrivons bientôt dans le Baptistère. Le choc ! Il y a là une sorte de petite piscine circulaire emplie d’une eau à la transparence cristalline. Elle semble comme suspendue dans le vide, mais elle repose en réalité sur douze bœufs d’albâtre, grandeur nature, symbolisant les douze tribus d’Israël, disposés deux mètres en contrebas en rayons de soleil et dont je ne me lasse pas d’admirer la facture. - Mais, puisque seuls les membres de l’Église déjà dûment baptisés sont autorisés à entrer dans le temple, pourquoi ce baptistère, m’étonnai-je ? - Pour les morts, me répond mon guide. - Pour les morts ? - Oui. Nous pensons que tous les êtres humains ont droit à l’Alliance avec Dieu. En les baptisant par procuration, nous leur offrons l’opportunité de cette Alliance. Encore faut-il qu’ils l’acceptent, là où ils se trouvent. L’Alliance est un acte double. Nous la proposons, mais elle n’est rien si la personne concernée la refuse. Encore des couloirs. Après le Baptistère, mon jeune guide m’entraîne dans la Salle céleste, le Saint des Saints qui symbolise la vie éternelle en famille. Il me demande de garder le silence. Nous entrons dans un salon brillamment éclairé d’un énorme lustre en cristal finement ciselé et d’appliques murales. Un immense miroir est au mur. Des fleurs blanches sont posées dans un vase sur une table centrale en verre. La moquette blanche est encore plus épaisse. 8
Nous restons deux minutes debout, en contemplation, puis la porte s’ouvre. C’est le signal, il faut partir. Il reste une salle encore, la Salle de Scellement où les êtres s’unissent pour l’éternité. Car, m’explique mon guide, quand un maire marie les couples, il les unit et les brise en même temps. - La phrase : « Jusqu’à ce que la mort vous sépare », est un non-sens, précise-t-il. Quand un couple s’unit, ce ne peut être que pour l’éternité. C’est bien l’union éternelle que les adeptes viennent chercher dans cette pièce d’une beauté un peu plus sobre, légèrement moins brillante, encadrée de sièges en velours bleu. Cette fois, je suis autorisé à m’asseoir quelques instants. Devant moi, au centre de la pièce, une sorte de piédestal couvert du même velours bleu sert de socle à ces unions perpétuelles. Combien de temps faut-il réfléchir avant de décider de s’unir pour l’éternité, quand on sait à quel point il est déjà compliqué pour un couple de tenir quelques années ? C’est fini. La visite est terminée, elle a duré à peine une trentaine de minutes. J’en sors tout impressionné, conscient d’avoir vécu un moment rare. Malheureusement les photos étaient interdites à l’intérieur du temple et nous devrons nous contenter de mes souvenirs. Le temple mormon de Tahiti rénové sera officiellement consacré le 12 novembre. P.S.
Pourquoi la généalogie mormone ? Pour les Saints des Derniers Jours, chaque être humain doit avoir l’opportunité de recevoir le baptême et de s’unir avec Dieu même s’il n’a pas pu le faire pendant sa vie terrestre. Ils procèdent donc à des baptêmes postmortem, pour lesquels il est indispensable de pouvoir identifier les individus. Voilà pourquoi, les Mormons se sont lancés dans la plus ambitieuse opération de recherche généalogique de toute l’histoire de l’Humanité. Ils ont ainsi constitué une banque de données portant sur le monde entier et contenant des centaines de millions de fiches sur microfilms. P.S.
9
DANS LA SÉRIE : LES PIÈGES DE L’EGO Le gars vient de subir un lifting du visage. Il est vraiment fier et heureux du résultat. Il fait halte à une station-service et, pendant que le pompiste le sert, il ne peut résister. Il lui lance : - Quel âge me donnez-vous ? Le pompiste lève les yeux, examine le gars, puis lâche : - J’sais pas, dans les trente-quatre, trente-cinq ans ? Vraiment flatté, le gars rétorque : - J’ai quarante-sept ans, Monsieur. Le pompiste fait une moue admirative : - Ben, vous ne les faites pas. Tout content, le gars poursuit sa route. Il s’arrête à un fast food pour grignoter un hamburger. Au moment de payer, il ne peut pas résister et demande à la serveuse : - Quel âge me donnez-vous ? La fille lève les yeux de sa caisse, elle examine le gars en souriant et lui dit : - Vingt-neuf, trente ans ? Le gars est encore plus flatté. Tout guilleret, il sort manger son hamburger sur un banc, dans le parc voisin. Quelque temps plus tard, pendant qu’il digère bien tranquillement au soleil, une dame âgée vient s’asseoir à l’autre bout du banc. Le gars l’observe du coin de l’œil, mine de rien. Puis, n’y tenant plus, il engage la conversation et dit : - Quel âge me donnez-vous ? La vieille dame l’examine soigneusement et répond : - Vous savez, jeune homme, j’ai quatre-vingt-cinq ans, ma vue n’est plus ce qu’elle était. Mais, je possède le pouvoir de connaître précisément l’âge d’un homme. Il me suffit de jouer dix minutes avec son pénis. Le gars ne s’attendait vraiment pas à ça. Pourtant, sa curiosité est éveillée. Il examine les alentours et dit : - Il n’y a personne. Allez-y essayez ! La femme met sa main dans le pantalon du gars, joue une dizaine de minutes avec son pénis, puis elle dit : - Jeune homme, vous avez exactement quarante-sept ans. Le gars est scotché. Un peu vexé aussi. - Mais… Comment ? bafouille-t-il.
-
C’est tout simple, explique la vieille, j’étais derrière vous dans la queue au fast food.
(Anonyme)
2
300 MILLIONS D’AMÉRICAINS La population des Etats-Unis vient de franchir officiellement le seuil des 300 millions. Les 200 millions avaient été atteints en 1967 et l’on estime que les 400 millions seront dépassés dès 2043. Une telle croissance démographique est exceptionnelle parmi les pays développés. Dans les quatre prochaines décennies, la population américaine augmentera de 100 millions tandis que celles du Japon et de l’Europe se réduiront chacune de 15 millions. Ce ne sont là que des projections qui peuvent être démenties par une infinité d’événements, mais elles mettent en évidence le fossé qui existe entre les taux de fécondité aux États-Unis et dans les autres pays développés. Ce taux est en moyenne de 2,1 enfants par femme américaine, c’est-à-dire le minimum indispensable au remplacement d’une population. Cela semble peu, mais c’est énorme par rapport à l’Union européenne, par exemple, où le taux de fécondité n’est que de 1,47 enfant par femme, largement insuffisant pour assurer le renouvellement de la population. On estime que les décès commenceront à dépasser les naissances dès 2010. Cette moyenne européenne cache en outre de fortes disparités entre pays. Le taux de fécondité n’est que de 1,28 en Italie et en Espagne. À ce rythme, et sans immigration, ces deux pays verraient leurs populations réduites de moitié en quarante-deux ans seulement. Le taux de fécondité est étroitement lié au développement et à la prospérité. Plus une population est riche et éduquée, plus son taux de fécondité est bas. Dans les pays pauvres, on a tendance à avoir beaucoup d’enfants. D’abord parce que la mortalité infantile y est importante et aussi parce que l’on a besoin d’eux dans les champs et pour garantir les vieux jours de parents privés de toute retraite. En Afrique, on constate encore des taux de fécondité moyens de plus de sept enfants par femme. Au fur et à mesure qu’un pays se développe, les femmes y sont mieux éduquées. Elles ont moins d’enfants et investissent davantage dans chacun d’eux. Alors qu’un paysan malien ne peut pas se permettre de ne pas avoir d’enfants, c’est un luxe pour de nombreux Occidentaux. Avoir des enfants, c’est parfois devoir renoncer à un salaire pour que la mère (plus rarement le père) puisse rester à la maison et s’en occuper. Les études sont extrêmement coûteuses. Sans oublier la tendance moderne à vouloir profiter le plus
longtemps possible des plaisirs de la vie sans devoir s’encombrer d’une famille nombreuse. Pourquoi l’Amérique échappe-t-elle en grande partie à cette règle commune ? Il y aurait d’abord l’influence de la religion. Les Américains sont beaucoup plus dévots que les Européens si l’on se réfère à la fréquentation des temples et des églises. Selon les experts, il y aurait aussi d’autres facteurs. Les naissances seraient moins nombreuses dans les pays les plus machos, comme l’Italie, l’Espagne ou le Japon que dans ceux où règne l’égalité des sexes, comme les Etats-Unis ou la Suède. Quand une femme sait qu’elle peut compter sur un coup de main du père, elle est plus encline à enfanter. L’espace est aussi un élément significatif. Il est certes plus facile d’élever des enfants dans un pavillon américain avec jardin, que dans un minuscule appartement japonais. La surface habitable de la maison américaine moyenne a doublé depuis 1950 passant de 93 à près de 200 m2. Les taux de fécondité les plus bas du monde sont enregistrés à Hong Kong (0,95), Macao (1,02) et Singapour (1,06) où la densité de population est la plus forte. Une croissance démographique aussi soutenue est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour les Américains ? Elle risque évidemment de poser de nombreux problèmes à caractère culturel, social, écologique. Mais, elle a aussi ses avantages. En 2050, dans l’Union européenne, il y aura moins de deux adultes en âge de travailler pour une personne de plus 65 ans à la retraite. Aux Etats-Unis, la proportion sera encore de près de trois adultes pour un retraité. Patrick Schlouch Punaauia, le 9 novembre 2006
© Tous droits réservés - 2006
2
L’IMPORTANT, C’EST LA DOSE « Rien n'est poison et tout est poison, tout dépend de la dose » (Paracelse) Ce mardi 14 novembre est la Journée mondiale du Diabète. C’est pas drôle. Surtout pour les indigènes, car ils seraient les principales victimes de la « plus grande épidémie de l’histoire du monde ». En ce moment, le mot revient à la mode. Indigènes par ci, indigènes par là. Il y a quelque temps, c’était une insulte, un mot à éviter, comme nègre par exemple. Peut-être que nègre reviendra à la mode un jour et qu’il sera de très bon ton d’appeler les Blacks des Nègres. Le politiquement correct, ça va, ça vient… Faut suivre, c’est tout. Et surtout éviter de faire précéder n’importe quoi du mot « sale ». Parce que « Sale indigène », c’est toujours une insulte, n’est-ce pas ? Finalement, la courtoisie, c’est pas si compliqué. Je disais donc, les indigènes reviennent sur le devant de la scène. Malheureusement, pas pour très longtemps si l’on en croit ces experts du diabète qui se sont réunis cette semaine à Melbourne en Australie. Les populations indigènes de la planète sont menacées d'extinction pure et simple avant la fin du siècle si le diabète, lié à l'obésité, ne ralentit pas sa progression, ont-ils affirmé. « Nous sommes face à la plus grande épidémie de l'histoire du monde », a même enchéri le directeur de l'Institut International du Diabète, le professeur Paul Zimmet. Cette épidémie de « diabésité », contraction de diabète et d'obésité, menace la survie des populations autochtones d'Asie, d'Australie, du Pacifique, d'Amérique du Sud et du Nord, lesquelles seraient particulièrement exposées au diabète de type 2 en raison d'une transition trop rapide aux modes d'alimentation et de vie occidentaux. Ce type de diabète augmente les risques de maladie cardiaque, d'infarctus et de maladies rénales. Bref, il vous démolit. La rencontre inévitable des Européens et des Ma’ohi a déjà failli être fatale à ces derniers. Au dix-neuvième siècle, plus de 95 % - oui vous avez bien lu 95 % des Polynésiens indigènes1 avaient succombé aux maladies transmises 1
Bien que ce terme ne soit pas vraiment idoine vu que les Ma’ohi ne sont pas réellement originaires des îles mais, plutôt, les ont-ils peuplées quelques siècles avant les Européens. Mais, bon, va pour indigènes, à cette époque, on pouvait croire qu’ils l’étaient.
par les Européens (grippe, syphilis, variole, tuberculose, etc.) contre lesquelles ils étaient sans défense et cela en moins d’un demi-siècle. Les Marquisiens ont été jusqu’au bord de la disparition complète. Cette fois, ce serait l’adoption du mode de vie occidental, celui dont tous les damnés de la planète rêvent, celui pour lequel ils se crèvent au boulot pour des salaires de misère, celui qui leur donne l’espoir et la force de tenir le coup, ce serait ce rêve absolu de richesse et de confort qui les mènerait au génocide consenti. Le piège intégral. « Aie confiance, crois en moi », vous vous rappelez, le serpent dans Le Livre de la Jungle. Il vous hypnotise pour mieux vous ruiner. Toute cette bonne nourriture importée, bien grasse et pourtant pas chère, ces boissons si fraîches, si pétillantes, si douces, si sucrées. Ce véhicule dont on avait rêvé depuis si longtemps, rafraîchi par la clim’, aux sièges si moelleux qu’on l’emprunte même pour les plus petites courses. D’ailleurs, c’est si dangereux de marcher le long de la route, un vrai massacre parmi les pauvres diables privés de voiture. Et cette télévision devant laquelle on s’écroule le soir venu et le week-end, les yeux écarquillés devant le spectacle factice de cet Occident empailleté, tout en grignotant des sachets de chips ou en suçant de l’ice-cream au kilo. Ce paradis est en réalité le pire des enfers. Les dépenses de santé commencent par augmenter de 8 puis 10 % par an, ce sera bientôt 15 puis 20 % et cela ne s’arrête plus. Le scénario catastrophe. Plus moyen de faire face. Les fiers Ma’ohi tombent comme des mouches, terrassés par les sournoises calories… Comment, dans ces conditions, comprendre l’incohérence d’un gouvernement qui milite à donf pour le retour aux valeurs et aux modes de vie traditionnels, mais qui subventionne, parmi d’autres autres violents toxiques, le sucre et le lait concentré sucré ? Comment comprendre qu’il puisse, tout à la fois, renoncer à une politique de prévention en privant de crédits l’Établissement pour la Prévention (l’EPAP, surnommé Benoît XVI, un peu trop familièrement à mon goût) et, fustiger les médecins qui s’efforcent du mieux qu’ils peuvent de soigner les malades déjà déclarés ? Franchement, j’ai du mal à suivre. Pour moi, le 14 novembre, c’est un anniversaire important. Le 14 novembre 1976, il y a tout juste trente ans, je débarquais sur le tarmac de l’aéroport de Tahiti – Faa’a. Quand j’ai franchi le seuil de l’avion, j’ai cru entrer dans un four… Et depuis tout ce temps, je mijote.
2
LES DENTS DE SÉGO Si Nicolas Sarkozy veut conserver une chance de battre Ségolène Royal à la présidentielle de 2007, il n’a pas le choix, il doit lui casser les dents. Au sens propre du terme. Eh oui, le véritable adversaire de Sarko, ce sont les dents de Ségo. Elles sont partout. On ne peut plus allumer une télé ni ouvrir un journal sans les prendre en pleine poire. Et nous n’en sommes qu’au début. On en voit tellement qu’on finit même par se demander si elle n’en a que trente-deux, comme tout le monde. Honnêtement, cette femme n’a rien d’un canon, elle serait même plutôt rébarbative (si, si, pardon pour les fans). Mais, qu’elle sourie et la foule est soudain éblouie. L’ayant parfaitement compris, elle soigne avec une grande méticulosité et beaucoup d’efficacité une image de publicité pour pâte dentifrice. Une fois élue – car on ne voit pas qui, désormais, serait en mesure de lui barrer la route vers l’Élysée, le courant semble bien trop puissant -, une fois élue, donc, elle pourrait nommer son dentiste au poste de Premier ministre, car elle lui devra tout. Mais, attention ! Rappelons nous Édith Cresson, la première femme Premier ministre du gouvernement français. Une socialiste elle aussi, nommée à cette prestigieuse mais exposée fonction par François Mitterrand. Elle avait déjà eu ce genre de faiblesse pour son dentiste, lui procurant une sinécure politique avec les avantages correspondants alors qu’il ne justifiait d’aucune compétence. La situation s’était même prolongée par la suite, quand elle était devenue commissaire européen à Bruxelles. L’histoire s’était achevée en scandale et Edith Cresson avait été condamnée ainsi que le fameux dentiste. La morale reste donc sauve, pour l’instant. Le spectre de Jean Jaurès Pendant que Sarko, affublé du masque réglementaire du Père Fouettard, rame avec la « caillera » des banlieues et les immigrés illégaux, Ségolène surfe sur la vague qui l’emporte sans effort, sans projet, sans expérience, vers le pouvoir… On dirait une sorte de Jeanne d’Arc devenue mère de famille nombreuse, inspirée par le spectre de Jean Jaurès et illuminée par la Troisième République. Ses discours caricaturent les promesses vaseuses proférées depuis toujours par les songe-creux briguant (brigand ?) une fonction électorale : « Votez pour moi et la vie sera plus juste, la France
retrouvera sa place dans le monde1, les pauvres ne seront plus pauvres, on accueillera les immigrés, le pouvoir sera plus humain, les malades seront guéris, nous protégerons l’environnement, je m’occuperai de vous personnellement et bla, et bla, et bla… ». Elle réinvente l’univers merveilleux de Walt Disney et le peuple est sous le charme. Une fâââmme, aaaahh ! Et en plus elle a de belles dents, aaaah ! Elle pourrait aussi bien lire l’annuaire des téléphones ou la liste des courses, cela ne changerait pas grand-chose. « Les gens », comme elle dit, n’écoutent rien, ils ne voient que son sourire. Ce sourire angélique auquel on donnerait le Bon Dieu sans confession. Moi, voter pour des dents, ça ne m’inspire pas vraiment. C’est joli de belles mâchoires bien blanches, bien régulières, mais cela suffit-il pour présider aux destinées d’une nation de soixante millions d’individus ? Sans oublier qu’elles peuvent mordre cruellement. De toute façon, mon opinion n’a aucune espèce d’importance, Ségolène Royal sera probablement la première femme présidente de la République française… Parce qu’elle le vaut bien. Patrick Schlouch Punaauia, le 24 novembre 2006
© Tous droits réservés
1
Même si la richesse n’est évidemment pas le seul critère de la stature d’une nation, il est néanmoins intéressant de constater que la France n’est que dix-huitième sur la liste du Fonds monétaire international (FMI) classant les pays selon le montant de leurs revenus par habitant. En 2006, le PIB (produit intérieur brut) de la France par habitant est de 35 000 dollars (à égalité avec l’Australie et le Japon), alors qu’il est de 45 000 dollars aux Etats-Unis et 52 000 en Irlande. Les plus riches du monde sont les Luxembourgeois avec plus de 85 000 dollars de revenus annuels chacun en moyenne. Le PIB par Polynésien se situe autour de 20 000 dollars, au même niveau que celui du Portugal (19 000 dollars), de la Grèce (21 000 dollars) ou de la Nouvelle-Zélande (24 000 dollars). C’est évidemment sans commune mesure avec les revenus de nos voisins insulaires du Pacifique indépendant (Fidji : 3 650 dollars, Tonga : 2 300 dollars, Samoa : 2 000 dollars, Vanuatu : 1 600 dollars, Iles Salomon, Kiribati et Papouasie-Nouvelle-Guinée : environ 700 dollars, soit deux dollars par jour). 1 USD = 95 Fcfp 2
DENGUE, LE « PETIT PALU » Plutôt préservée depuis la grande épidémie de 2001, la Polynésie française est à nouveau touchée par la dengue en 2006. Plusieurs centaines de cas ont été déclarés et leur nombre va croissant. Les services de la Santé sont en situation de « pré alerte ». La dengue, sous ses formes de la plus bénigne à la plus grave, fait tellement partie du paysage polynésien que l’on n’y prête plus vraiment attention… Jusqu’à ce que l’on soit directement ou indirectement touché, un risque qui est loin d’être négligeable. Qu’est-ce que cette maladie dont les cas mortels sont heureusement rares en Polynésie française, mais qui prend de l’ampleur et dont les conséquences sociales, économiques, et humaines tout simplement, sont souvent plus sérieuses qu’on ne l’imagine ? La sensation d’être au bord de la mort, voilà le souvenir que m’a laissé la dengue, dont j’ai heureusement guéri en quelques jours. Quand la dengue frappe une famille, c’est terrible ! Chez les C…., par exemple, que j’ai bien connus dans les années 1980. Ils vivaient à sept dans une grande maison du lotissement Aute à Pirae, les parents et leurs cinq enfants. Je venais là chaque jour, pour travailler dans le bureau que C…. avait mis à ma disposition, sous les combles. Je les ai vus tomber un par un. Chaque matin, je constatais les dégâts. Les plus jeunes, les plus vifs, écrasés de douleur, brûlant de fièvre, livides, les yeux battus, baignant dans leur transpiration, incapables du moindre mouvement…. Comptez une bonne semaine de calvaire et, selon la constitution plus ou moins robuste de chacun, entre une semaine et un mois de convalescence, voire davantage. Quand on s’en sort vivant ! Car la dengue est une maladie parfois mortelle. C’est en tout cas une épreuve très pénible dont on sort affaibli pour un bon moment. Une maladie en pleine expansion Heureusement préservée jusqu’à ce jour de la malaria (paludisme), le principal fléau de la Mélanésie voisine, la Polynésie française est néanmoins infectée par la dengue, dite « grippe tropicale » ou « petit palu », une maladie décrite dès 1779. Dans le monde, la dengue progresse de façon spectaculaire depuis quelques décennies. La maladie est désormais endémique dans plus de cent pays
d'Afrique, des Amériques, de la Méditerranée orientale, de l'Asie du Sud-est et du Pacifique. Environ 2,5 milliards de personnes, soit deux cinquièmes de la population mondiale, sont désormais exposées au risque. On estime entre soixante et cent millions le nombre global de cas d’infection chaque année, et la forme grave de la maladie, la dengue hémorragique, en recrudescence dans plusieurs régions, provoque plus de vingt mille morts annuelles, particulièrement chez les enfants. En 2005, dans l’Océan indien, une région plutôt épargnée jusque-là, une grave épidémie de chikungunya, une affection virale proche de la dengue, a frappé l’Ile de la Réunion dont près du tiers de la population a été touché en quelques mois, avec des conséquences économiques et sociales désastreuses. Le Pacifique oriental est, lui aussi, un nouveau terrain de prédilection pour la dengue (32 800 cas à Tahiti et Moorea en 2001), ainsi que l’Amérique latine. Le virus responsable de la dengue, dont il existe quatre formes différentes (1,2,3,4), est transmis à l'homme par le moustique Aedes aegypti, une espèce commune en Polynésie française. Il est malheureusement possible pour une même personne d’être successivement victime des quatre formes de dengue. Aucun vaccin ni traitement La dengue se manifeste brutalement après deux à sept jours d'incubation par l'apparition d'une forte fièvre généralement accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires et, parfois, d'une éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole. Au bout de trois à quatre jours, une brève rémission est observée, puis les symptômes s'intensifient - des hémorragies conjonctivales (saignements des yeux), des saignements de nez ou des ecchymoses (bleus) pouvant survenir - avant de régresser rapidement au bout d'une semaine. La forme hémorragique, qui représente environ 1% des cas de dengue dans le monde, est beaucoup plus sévère : la fièvre persiste, des hémorragies multiples, notamment gastro-intestinales, cutanées et cérébrales se manifestent. La guérison est le plus souvent totale et sans séquelles. Mais, chez les personnes les plus fragiles, les enfants de moins de quinze ans notamment, un état de choc hypovolémique (baisse de la pression artérielle et du débit cardiaque provoquée par un déficit de sang) peut se produire, refroidissement, moiteur de la peau et pouls imperceptible signalant une défaillance circulatoire. L'enfant est agité et se plaint de douleurs abdominales. Il risque la mort en quelques heures s'il n'est pas perfusé. Il n'existe aujourd'hui ni traitement spécifique ni vaccin pour combattre cette 2
maladie. Le médecin se contente généralement de prescrire du paracétamol, pour calmer les douleurs et faire tomber la fièvre (surtout pas d’aspirine au risque d’aggraver les symptômes hémorragiques de la maladie), et beaucoup de liquide. De toute manière, pendant la phase aiguë, on est bien incapable d’avaler quoi que ce soit de consistant. Le seul moyen de lutter contre la dengue, c’est de se protéger des moustiques en installant des moustiquaires dans les logements et en veillant à détruire les gîtes. En cas d’épidémie, on a aussi coutume de faire une cure de vitamine C pour renforcer ses défenses immunitaires. Est-ce vraiment efficace ? Une vie saine, physiquement active, sans abus, un régime alimentaire équilibré sont finalement les meilleurs atouts pour une guérison et une récupération rapides. Patrick Schlouch Punaauia, le 30 novembre 2006 (Sources scientifiques : Institut Pasteur, Organisation Mondiale de la Santé)
© Tous droits réservés
3
QUATRIÈME COUP D’ÉTAT À FIDJI En ce lundi 4 décembre 2006, les îles Fidji ont vécu leur quatrième coup d’État militaire en vingt ans. L’opération a commencé à la mi-journée. Alors que tout était normal à Suva, un détachement militaire a investi les bureaux de la police et confisqué les armes. Tout s’est passé sans violence et sans victimes, mais dans un climat de tension extrême. Le commodore Frank Bainimarama, 52 ans, chef de l’armée fidjienne, venait de mettre ses menaces à exécution. Pendant la nuit, des troupes lourdement armées ont barré les rues de la capitale ainsi que ses voies d’accès. Les militaires ont essayé de s’emparer du Premier ministre, M. Laisenia Qarase (pron. Ngarassé), qui a réussi à s’échapper en hélicoptère. Il a tenté de se rendre à la résidence du président de la République, Ratu (Grand chef) Josefa Iloilo, mais des gardes lui en ont interdit l’accès. Il s’est ensuite réfugié dans sa maison en ville, protégée par la police. Depuis le précédent coup d’État en 2000, celle-ci est dirigée par le commissaire Andrew Hughes, de nationalité australienne, qui condamne fermement les actions du chef de l’armée. Ironie du sort, au même moment se déroulait à la Cour suprême de Fidji le procès du général Sitiveni Rabuka (pron. Rambouka), 56 ans, ancien Premier ministre, accusé d’avoir fomenté une mutinerie contre le même chef de l’armée, Frank Bainimarama, en 2000. La Cour suprême est installée dans les anciens bâtiments du Parlement, là même où, en 1987, Rabuka, qui n’était alors que colonel, fit irruption à la tête de ses officiers armés pour confisquer le pouvoir au gouvernement du Docteur Timothy Bavadra (pron. Bavandra) qui venait d’être démocratiquement élu. Il dut s’y reprendre à deux fois, en mai et en octobre de la même année, pour s’assurer du succès de son entreprise. Plus tard, en 1992, considéré comme un héros par la plupart des Fidjiens de souche, Rabuka devint Premier ministre. En 1990, il avait soutenu l’adoption d’une nouvelle Constitution dans laquelle était inscrite une discrimination favorable aux Fidjiens indigènes. Ce texte antidémocratique qui institutionnalisait une forme d’apartheid lui attira, ainsi qu’au gouvernement fidjien de l’époque, le blâme quasi unanime de la communauté internationale. Sous la pression, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande notamment, cette Constitution fut finalement abrogée en
1997 et, en 2000, un gouvernement à majorité indo-fidjienne accéda de nouveau au pouvoir. Cette situation fut à l’origine du troisième coup d’État mené par Georges Speight, un inconnu déterminé et certainement manipulé. Il avait réuni un groupe de mercenaires, plutôt des bras cassés, et bénéficiait du soutien occulte de certaines forces politiques qui attendirent prudemment de voir comment les choses allaient tourner avant de se manifester au grand jour. Speight maintint en otage le nouveau Premier ministre, Mahendra Chaudhry, pendant cinquante-six jours dans les locaux du Parlement. Le général Rabuka se présenta alors comme un élément modérateur, neutre. Mais, selon les charges qui pèsent aujourd’hui contre lui, ce n’était qu’une ruse. Lundi matin, la Cour suprême de Fidji a pu avoir la preuve qu’il s’était rendu au quartier général de l’armée le jour même du coup d’État, son vieil uniforme accroché sur un cintre dans sa voiture, prêt à s’asseoir dans le fauteuil du commodore Bainimarama. À présent, c’est ce dernier qui est au cœur de la crise. Ses raisons pour intervenir dans le domaine politique sont à l’opposé de celles de Rabuka. Bien qu’ils soient tous deux Fidjiens de souche, Bainimarama prétend agir dans l’intérêt général de tous les Fidjiens. Il exige notamment le retrait de projets de lois visant à accorder l’exclusivité des droits fonciers aux Fidjiens de souche. Le commodore qualifie son intervention d’ « opération de nettoyage », mais tous les observateurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit bien d’un coup d’État lequel pourrait bien le mener un jour à comparaître devant la même Cour qui juge aujourd’hui son illustre prédécesseur à la tête de l’armée fidjienne, Sitiveni Rabuka. Patrick Schlouch Punaauia, le 5 décembre 2006
Les îles Fidji en bref République, membre du Commonwealth britannique. Capitale : Suva. Indépendantes depuis 1970. Président : Ratu Josefa Iloilo Premier ministre : M. Laisenia Qarase 2
860 000 habitants répartis sur 18 270 km2 dont : - 480 000 Fidjiens de souche (56 %) - 310 000 Fidjiens d’origine indienne (36 %) et - 70 000 Fidjiens d’origine diverse (8 %), chinoise et océanienne notamment. PIB par habitant : 3 500 USD (Polynésie française : 20 000 USD) Espérance de vie (2006) : 72,4 ans pour les femmes et 67,2 ans pour les hommes (Polynésie française : respectivement 76,4 et 71,4 ans).
© Tous droits réservés
3
FIDJI S’ENFONCE DANS LA CRISE « Ce pays est miné par la culture du coup d’État. Le changement s’y effectue plus par la force des armes que grâce à notre intelligence et notre courage moral. » Tupeni Baba (pron. Mbamba), sénateur fidjien Après avoir, lundi, pris le pouvoir par la force, mais heureusement sans effusion de sang jusqu’ici, le chef de l’armée fidjienne, le commodore Josaia Voreqe (pron. Vorengué), dit Frank, Bainimarama, 52 ans, s’est autoproclamé chef de l’État. Il a dissout le Parlement, décrété l’état d’urgence et déposé le Premier ministre Laisenia Qarase (pron. Ngarassé), assigné à résidence dans son village de Manava, dans l’archipel des Lau, loin à l’Est de la capitale Suva. Il a nommé un médecin militaire à la retraite, le Dr. Jona Senilagakali, 77 ans, un homme sans aucune expérience politique, Premier ministre des îles Fidji par intérim. Celui-ci est désormais le principal porte-parole du chef de la mutinerie. Il a annoncé officiellement que des élections générales ne pourraient pas se tenir avant au moins deux ans. Le calendrier électoral sera établi par les militaires. Ceux-ci ont, semble-t-il, l’intention de se maintenir au pouvoir aussi longtemps qu’il le faudra : « pour préserver au mieux les intérêts du peuple de Fidji ». Une mission divine L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume uni et les États-Unis, les principaux donateurs d’aide à Fidji, condamnent fermement le coup d’État. Toute intervention militaire a pour le moment été écartée, mais ils ont annoncé de sévères sanctions économiques. Le nouveau Premier ministre les a balayées d’un revers de la main en annonçant le resserrement des relations avec l’Asie. Il a précisé que Fidji se tournerait vers la Malaisie, l’Indonésie, Taiwan et la Chine pour contourner les sanctions, comme cela avait déjà été fait après les deux coups d’État de 1987. Il a vertement invité les Premiers ministres australien et néo-zélandais, particulièrement virulents, à : « ne pas se mêler de nos affaires et à respecter la souveraineté des Iles Fidji ». Les Fidjiens ont été appelés à se vêtir de noir, mardi, en signe de protestation contre le putsch. Laisenia Qarase, le Premier ministre légal, prône la nonviolence, tandis que l’Australie et la Nouvelle-Zélande encouragent la population à la résistance passive.
Le Premier ministre par intérim, le Dr. Senilagkali a reconnu que le coup d’État était illégal, mais il a estimé que : « c’était un moindre mal que le régime corrompu de Qarase ». Il a déclaré à la radio australienne ABC : « C’est une prise de pouvoir illégale. Il n’y a aucun doute à ce sujet », ajoutant que, en sa qualité de soldat, il devait obéir et n’avait pas d’autre choix que d’accepter la fonction qui lui avait été confiée. Le personnage apparaît entièrement dévoué à son chef et à la cause qu’il prétend défendre, se croyant même investi d’une mission divine. « Je continuerai jusqu’à ce que j’aie nettoyé toute la saleté qui règne à Fidji », a-t-il déclaré. « Je suis un chrétien, et j’agis selon les préceptes chrétiens. Je hais ceux qui disent du mal des Hindous et des Musulmans dans ce pays. Je déteste entendre cela. La haine est mauvaise pour le peuple. Nous essayons de mettre en œuvre un système qui soit juste et acceptable par tous. » Promouvoir le bien-être des Fidjiens ? Le coup d’État s’est déroulé sans violence, mais le nouveau patron du pays n’a pas écarté l’usage de la force au cas où il le jugerait nécessaire pour conserver le contrôle de la situation. Frank Bainimarama a nommé chef de la police, le colonel Jim Koroi, un paraplégique qui lui est entièrement dévoué. Le véritable commissaire de police, l’Australien Andrew Hughes, qui était en congé dans son pays au moment du coup d’État, a juré d’avoir la peau du commodore et de le faire traduire en justice. Dans sa déclaration de l’état d’urgence, publiée dans un numéro spécial de The Gazette, le journal officiel fidjien, le commodore Bainimarama explique que ses objectifs sont : « d’amener le pays à une meilleure gouvernance, d’en finir avec la corruption et les pratiques illégales et de promouvoir le bien-être à Fidji ». La capitale Suva reste enfermée à l’intérieur d’un cordon de sécurité et les endroits stratégiques sont gardés par les militaires. Un couvre-feu pourrait être établi prochainement. Patrick Schlouch Punaauia, le 7 décembre 2006
© Tous droits réservés
2
PACIFIQUE : SALE COUP POUR LA CARTE POSTALE En avril 2006, c’était aux Iles Salomon, en mai au Timor oriental, en novembre au royaume de Tonga et en décembre à Fidji. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, n'en parlons pas, c’est une affection chronique. Le Pacifique sud insulaire est partout frappé par l’instabilité politique et la violence. Les causes en sont toujours les mêmes : la misère et les rivalités entre groupes ethniques. Les pays insulaires indépendants du Pacifique sud comptent parmi les plus pauvres du monde. Ils ne survivent que grâce à l’aide internationale, laquelle a tendance à se raréfier, et à l’argent envoyé à leurs familles par les très nombreux émigrés, en Australie et en Nouvelle-Zélande notamment. La carte postale « lagon - cocotiers » en prend un sacré coup (d'État ?). Les Territoires français de Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis et Futuna, dont le niveau de vie est sans commune mesure, sont, pour le moment, préservés de cette vague de violence. Il faut toutefois se rappeler que la NouvelleCalédonie a été le théâtre d'affrontements ethniques meurtriers dans les années 1980 et que le feu y couve toujours. Quant à la Polynésie française, souvent montrée en exemple pour son multiculturalisme et son métissage réussis, des signes inquiétants se manifestent depuis l’accession au pouvoir de l’UPLD en 2004. Le président Oscar Temaru et les représentants de la majorité indépendantiste lancent régulièrement des propos à caractère raciste et xénophobe dont les effets ne peuvent qu'être ravageurs pour l'équilibre fragile de la société. Un jour, le président fustige l'Éducation nationale française en estimant publiquement qu ' « elle ne fabrique que des crétins et des chômeurs ». En reo ma'ohi, il qualifie les Français de « détritus ». Plus tard encore, il voudrait « foutre tous les médecins libéraux dehors du pays » au motif qu’ils seraient responsables de la hausse des dépenses de santé. Dernièrement, un représentant UPLD a insulté les Français en pleine Assemblée, évoquant la présence gênante des ofe popa’a, ce qui signifie littéralement bambou blanc, mais qui, en réalité, est une grave injure dont la violence est comparable à taioro (non circoncis). La tactique est toujours la même. Classique. On lance une petite phrase assassine, avant de prétendre qu'on n'a pas voulu y mettre le sens que certains y ont vu. Ou bien que l'on aura mal compris, ou mal interprété. Ou encore que c'était une « boutade ». Ce genre de boutade a déjà valu de retentissants procès à certains. Mais, ils n'étaient pas au pouvoir.
Fidji, un cas à part Ce qu’il se passe en ce moment à Fidji doit nous interpeller, car la violence est désormais à notre porte. Le coup d’État s’est jusqu’à présent déroulé sans effusion de sang, il faut s'en féliciter tout en gardant à l'esprit que Fidji est un archipel unique dans la région. Les événements y sont de nature à entraîner des conséquences beaucoup moins contrôlables qu'ailleurs. C’est d'abord le seul à posséder une armée nationale digne de ce nom, bien entraînée, disciplinée et efficace (v. article suivant). Cette armée est la principale raison pour laquelle l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont toujours dépêché des troupes partout dans la région où des conflits se sont déclarés, ont clairement exclu toute intervention militaire à Fidji. On comprend leur prudence. Si l’on excepte la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui est un cas très particulier, Fidji est le plus grand pays insulaire indépendant de la région, avec une population de près d’un million d’habitants. La capitale, Suva, accueille les ambassades de tous les grands États ayant un intérêt en Océanie. C’est le siège du Forum, qui réunit les seize pays indépendants du Pacifique sud, et celui de nombreuses organisations régionales. L’aéroport international de Nadi (pron. Nandi), dans l’Ouest du pays, est le principal carrefour des transports aériens régionaux. On pourrait ainsi multiplier les exemples. Fidji est influent au sein de l'Onu et de nombreuses assemblées internationales. La communauté indo-fidjienne (330 000 personnes environ) est fortement soutenue par l'Inde.
Le fruit de l'Histoire « Beaucoup de ces pays (ndla : les pays insulaires indépendants du Pacifique sud) ont une indépendance politique sans pouvoir soutenir la gouvernance, a récemment déclaré John Howard, le Premier ministre australien. C’est le fruit de l’Histoire et l’on ne peut rien y faire, sauf de leur venir en aide. On ne peut pas remonter le temps. Mais, clairement, l’un des problèmes dans le Pacifique est que ces pays sont trop petits pour être autosuffisants, c’est ça la brutale réalité. » On ne saurait être plus clair. L’Australie et la Nouvelle-Zélande répondent à un devoir moral et humanitaire en intervenant continuellement dans ces minuscules États instables quand la situation l’exige. Mais, elles y ont aussi d’autres intérêts. Ces deux pays accueillent en effet une immigration massive des îles. Auckland est la plus
grande ville polynésienne du monde. Les conflits claniques pourraient s’y étendre, menaçant la paix sociale dans les banlieues. En outre, la violence et l’instabilité politique ouvrent la porte à toute sorte de fléaux. « Tout le monde sait ce que, dans le monde actuel, des États fragiles et en faillite peuvent signifier. Il peut s’agir d’infiltration des systèmes financiers, de frontières passoires, de trafic de drogue ou encore de terrorisme. Personne ne veut de cela dans le Pacifique. », rappelle Helen Clark, le Premier ministre néo-zélandais. Le coup d'État fidjien montre les limites de l'influence australienne et néo-zélandaise dans la région. Le nouveau Premier ministre de Fidji a annoncé que son gouvernement se tournerait vers l'Asie (en particulier la Chine qui ne demande qu'à profiter de l'aubaine) pour contourner les sanctions économiques prises contre lui. Un rebelle décidé et bien armé à deux heures de Sydney et d'Auckland, que faut-il faire ? Avec tous ces chats à fouetter simultanément, l'Australie et la Nouvelle - Zélande n'ont certainement guère envie de voir les Territoires français du Pacifique accéder à l'indépendance politique et venir ainsi grossir les rangs des pays pauvres, instables et violents dont ils doivent déjà assurer la survie. Sans compter que la chute brutale du niveau de vie consécutive à l'indépendance leur ferait perdre de juteux marchés régionaux. On comprend mieux alors le geste répété d'Helen Clark, lors du Forum du Pacifique sud qui s'est récemment tenu à Fidji et que tout le monde a pu remarquer à la télévision. Voisine d'Oscar Temaru, on l'a vue à deux reprises redresser la carte marquée « Polynésie française » placée devant le président et que celui-ci tentait puérilement de dissimuler. Mais n'oublions pas qu'autour de tous ces grands militaires, ces grands politiciens qui pensent et affirment avoir Dieu et le Bien de leur côté, ce sont finalement des populations en grande difficulté qui souffrent toujours davantage.
Patrick Schlouch Punaauia, le 9 décembre 2006
L’ARMÉE FIDJIENNE Avec environ 3 500 soldats, l’armée qui vient de prendre le pouvoir à Fidji est l’une des plus petites du monde. Elle est organisée en un régiment d’infanterie composé de six bataillons et un régiment du génie, auxquels il faut ajouter 350 réservistes.
Les deux premiers bataillons d’infanterie sont traditionnellement stationnés à l’étranger où ils participent depuis près de trois décennies à des opérations de maintien de la paix. Cela a permis de former des officiers très compétents et des soldats bien entraînés. Le 1er Bataillon a ainsi œuvré au Liban, en Irak et au Timor oriental sous le commandement de l’Onu. Le 2è Bataillon est déployé dans le désert du Sinaï. Le 3è Bataillon est à Suva, la capitale de Fidji, et les trois autres sont répartis sur l’ensemble du territoire fidjien. Il va de soi que cette organisation a dû être remaniée pour lancer le coup d’État du 6 décembre. L’armée fidjienne dispose d’une petite marine de guerre forte de 300 hommes laquelle s’occupe notamment de surveiller la zone économique exclusive de Fidji et prend part à des missions de sauvetage en mer. Elle dispose de neuf patrouilleurs de fabrication israélienne. Fidji bénéficie d’une aide militaire de la part de l’Australie et de la Chine. L’aide australienne a été suspendue à l’annonce du coup d’État. La courte histoire de l’armée fidjienne a déjà été marquée par plusieurs interventions dans le domaine politique. En 1987, des militaires sous les ordres du colonel Sitiveni Rabuka (pron. Rambouka) avaient organisé deux coups d’État (en mai et en octobre). En 2000, l’armée avait lancé une opération en réaction au coup d’État, civil celui-là, de George Speight et ses mercenaires. Depuis lors, les relations étaient très tendues entre l’armée et le gouvernement dirigé par le Premier ministre Laisenia Qarase (pron. Ngarassé). Elle s’opposait notamment à son projet d’amnistier les auteurs du coup d’État de 2000, estimant qu’une telle mesure porterait gravement atteinte au moral et à la discipline si les soldats ayant participé à la mutinerie consécutive au coup d’État se voyaient blanchis. Le chef de l’armée, le commodore Frank Bainimarama, reproche aussi au gouvernement de vouloir adopter des lois destinées à écarter totalement les Indo-fidjiens de la propriété foncière. L’armée fidjienne est composée presque exclusivement de Fidjiens de souche. Les Indo-fidjiens (38 % de la population totale de Fidji) ne représentent que 1 % des effectifs. P.S.
© Tous droits réservés
NOUVELLE-ZÉLANDE : DESTINATION GASTRONOMIQUE Jusque dans les années 1990, la cuisine néo-zélandaise était considérée comme très ordinaire, voire infecte, à base de légumes et viandes bouillis et de gâteaux bourratifs. Tout cela est du passé. Désormais, la Nouvelle-Zélande offre à ses visiteurs une cuisine saine, attrayante, délicieuse et tout à fait originale, fondée sur la variété, la qualité et la fraîcheur des produits locaux, mais aussi sur la créativité et le talent des chefs. De nombreux Néos déclarent s’intéresser à la gastronomie. Les cours de cuisine sont à la mode. Les vins néo-zélandais remportent des concours de classe mondiale tandis que les fromages, le miel et les pains se vendent de mieux en mieux, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. Le Seigneur des Agneaux La Nouvelle-Zélande, dont le tourisme est désormais la principales ressource économique, a longtemps assuré sa promotion en capitalisant sur ses paysages extraordinaires, rendus célèbres par la trilogie du Seigneur des Anneaux. À présent que la magie du film s’estompe, on met l’accent sur la qualité de la cuisine et du vin. La Nouvelle-Zélande est en train de devenir une destination gastronomique. Après le pain, le miel et les fromages, la promotion du tourisme kiwi s'appuie aujourd'hui sur les truffes, le safran, les noix et l’huile d’olive. Depuis 2003, le tourisme a remplacé les produits laitiers comme principale source de devises. Pourtant, la Nouvelle-Zélande souffre d'un sérieux handicap dans ce domaine : son éloignement. En effet, les touristes « écolo-gastronomiques », que l'on cherche à séduire en mettant l'accent sur la fraîcheur et la pureté des produits alimentaires, se disent aussi de plus en plus conscients et inquiets de la pollution globale causée par les vols longs courriers qu'ils ont tendance à boycotter. Ce paradoxe s'applique évidemment de la même manière à toutes les destinations touristiques éloignées fondant leur promotion sur un environnement exceptionnellement préservé ou sur une culture populaire unique. Leurs clients potentiels pourraient préférer admirer leur pureté cristalline de loin, sur leurs écrans, de crainte de contribuer à accroître l'effet de serre et le réchauffement planétaire en brûlant des tonnes de kérozène au-dessus des océans.
RETROSPECTIVE 2006
UNE ANNÉE TURBULENTE Deux prénoms, Ségolène et Nicolas ; deux épidémies, la grippe aviaire et le chikungunya ; deux pays, la Corée du Nord et l'Iran, accélèrent leur course à la bombe atomique ; le prix du pétrole flambe jusqu’à frôler les 80 dollars le baril ; le réchauffement climatique et la prise de conscience d'un grand péril écologique ; le martyre du Liban et Israël qui doute de son armée ; le scandale d’Outreau et la révélation d'une Justice française en ruines ; la Coupe du Monde de football et le coup de boule de Zidane ; les marchés financiers en plein boom, mais les salaires en berne à cause de la concurrence des pays émergents ; la mort de trois dictateurs, Slobodan Milosevic, Saddam Hussein et Augusto Pinochet, plus Fidel Castro, qui ne va pas très fort, et George Bush, qui perd sa majorité au Congrès américain ; le retrait de champions sportifs historiques (Zidane en football, Agassi en tennis, Schumacher en Formule 1…) Voilà, en gros, ce que nous pourrions retenir de l’année 2006 en France et dans le monde. On peut y ajouter la crise du CPE (contrat de première embauche) qui a tout de même mis plus de 3 millions de personnes dans les rues des villes de France au printemps. Et bien sûr l'Amérique de plus en plus ensablée en Irak. Je n'oublierai pas non plus qu'après avoir raflé l’Open d’Australie de tennis en janvier, Amélie Mauresmo fut, en juillet, la première Française à remporter le tournoi de Wimbledon depuis... 81 ans (!).
Vague de violence dans les Mers du Sud Dans le Pacifique sud et en Polynésie française, le mot clé fut « instabilité ». L’année a été marquée par une vague de violence et de luttes politiques dans la région (Timor oriental, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Salomon, Tonga, Fidji, Cook…). À Tahiti, au cours d'une année marquée par le débat sur les conséquences des essais nucléaires, on a assisté à des manœuvres politiciennes et syndicales visant à renverser un gouvernement à majorité indépendantiste accusé de mener le pays à sa perte. Le président Oscar Temaru, qui finit l’année en perdant le pouvoir, n’a pas cessé de faire ouvertement sa propagande pour l’indépendance partout dans le monde où ses nombreux voyages l’ont conduit.
Malgré tout, mon mot de l’année sera « lapin », celui que ce même Oscar Temaru a posé à Jacques Chirac qui l’avait invité à l’Élysée le 23 juin.
JANVIER •
Remaniement ministériel en PF. Emile Vanfasse démissionne (4), il abandonne son ministère de l’Economie et des Finances, il est remplacé par Jacqui Drollet, déjà vice-président et ministre du Tourisme. Emile Vernaudon manifeste son mécontentement, mais ne remet pas en cause son appartenance à la majorité UPLD.
•
En Israël, le Premier ministre Ariel Sharon entre la vie et la mort à la suite de trois hémorragies cérébrales. Il est dans le coma depuis le 4.
•
Le virus de la grippe aviaire atteint la Turquie. Une vingtaine de cas sont recensés et quatre décès.
•
La route traversière de Tahiti officiellement livrée par l’armée au pays après quatre ans et demi d’un chantier qui aura coûté 2,5 milliard de Fcfp dont 1,5 milliard pour l’État (10). Pourtant, il ne s’agit encore que d’une piste, entre Papenoo et Mataiea (37,3 kilomètres), praticable seulement en 4x4 et qui exige un entretien lourd et permanent car elle se détériore rapidement en raison de conditions climatiques et hydrologiques très dures.
•
Le conseil des ministres dissout le GIP (11) sur proposition d’Oscar Temaru ; les 950 membres du groupement seront en principe intégrés au cas par cas dans la fonction publique locale, le service de l’Équipement en particulier.
•
Patrick Leboucher n’est plus PDG d’Air Tahiti Nui (12). Il doit démissionner à la suite du remaniement ministériel qui attribue le portefeuille des Transports aériens au président du pays dont il est aussi le directeur de cabinet. Devant le risque de conflit d’intérêts, il préfère céder la place (sous la pression de l’Assemblée). C’est Eric Pommier, directeur général de la Socredo qui lui succède.
•
Le budget du Pays 2006 soumis à la Chambre territoriale des comptes par le haut-commissaire Anne Boquet (13). C’est la seconde fois dans l’histoire du pays qu’une telle procédure est utilisée. Un précédent avait déjà eu lieu en juillet 1992.
Le Tahoeraa Huiraatira avait déjà déposé un recours contre ce budget dont la sincérité est mise en doute. •
Au Chili, Michelle Bachelet est élue présidente de la République (15) avec 53,5 % de suffrages. C’est la première femme à occuper la fonction de chef d’État en Amérique du Sud.
•
Le Français Luc Alphand remporte son premier rallye Paris – Dakar sur Mitsubishi (15). C’était la neuvième participation de l’ancien champion de ski alpin. Le rallye a été une nouvelle fois marqué par le décès d’un pilote moto sur accident et de deux enfants (10 et 14 ans) fauchés par des concurrents en Guinée et au Sénégal.
•
En France, emploi : le Premier ministre, Dominique de Villepin annonce la création du CPE (16), le contrat de première embauche permettant le recrutement d’un jeune de moins de 26 ans avec exonération des charges sociales et période d’essai pendant deux ans, sur le modèle du contrat de nouvelle embauche (CNE) déjà créé récemment.
•
Jacques Teheiura, élu pour trois ans à la présidence du GIE Tahiti Tourisme (17). Ancien ministre de l’Éducation de Gaston Flosse, il succède à Alfred Montaron.
•
Le juge d’instruction Jean-Bernard Taliercio suspendu de ses fonctions par le Conseil supérieur de la Magistrature (19). On lui reproche d’avoir servi d’intermédiaire pour la vente à une gagnante du Loto de l’immeuble de David Bitton au carrefour de la Fautaua pour une somme de 700 millions de Fcfp alors qu’il avait été évalué entre 400 et 500 millions. On lui reproche aussi certaines « amitiés politiques » qui l’auraient incité à mettre des affaires touchant le gouvernement Flosse ou Flosse lui-même sous l’éteignoir. Taliercio est en fonction en PF depuis plus de vingt ans.
•
La star du football argentin, Diego Maradona, en vacances au Club Med de Bora Bora blesse la Miss de l’ïle, Tumata Vaimarae, en lui jetant un verre au visage à la suite d’une rixe en discothèque (24). La victime reçoit neuf points de suture et l’affaire se règle finalement à l’amiable contre un dédommagement de 600 000 Fcfp. Deux avocats de Maradona sont tout de même venus spécialement d’Amérique à cette occasion.
•
La société française est agitée par le débat sur « le modèle social français » qui produit un chômage élevé et coûte très cher en déficit de croissance et en prestations sociales.
•
La commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires présidée par Tea Hirschon rend son rapport. Des retombées ont touché l’ensemble de la Polynésie française y comprisTahiti (de loin la plus peuplée, située à 1 500 km des sites) après chaque tir aérien conclut-il (25). Il y a eu 46 essais nucléaires atmosphériques à Moruroa et Fangataufa de 1966 à 1974.
•
Emile Vernaudon condamné en appel à un an de prison avec sursis et trois millions de Fcfp d’amende, mais pas de peine d’inéligibilité (26). Le maire de Mahina, et ministre des Postes et Télécommunications et des Sports était jugé pour prise illégale d’intérêts concernant l’utilisation de moyens communaux à des fins personnelles en 1996 et 1997. Pilier de l’UPLD au pouvoir, Emile Vernaudon n’a pas démissionné de ses fonctions gouvernementales en dépit de ce qu’avait affirmé Oscar Temaru en arrivant à la présidence en 2004 qui promettait que tout ministre condamné devrait quitter ses fonctions.
•
•
Clôture du 3è FIFO (28) : le Grand prix du Jury est attribué à Breaking bows and arrows, de Liz Thompson, sur l’histoire des Papous ; le 1er prix spécial du jury et le prix du public vont à Le septième ciel des requins gris, de Cyril Tricot (France). Nouvel an chinois, début de l’année du Chien de feu (29).
•
En Palestine, le mouvement Hamas remporte la majorité absolue aux élections générales (29). Cette organisation est ouvertement violente et terroriste et vise la disparition de l’État d’Israël. Embarras de la communauté internationale, de l’Europe, notamment, qui finance l’autorité palestinienne à 60 % à raison d’1 milliard d’euros par an.
•
À la Réunion, une épidémie de chikungunya, maladie proche de la dengue, transmise par le moustique, affecte plus de 70 000 personnes. Le tourisme est frappé de plein fouet avec une baisse de 40 % des réservations.
•
Le 10 mai sera désormais la date officielle de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Cette décision est prise à l’issue d’un grand débat qui agité la société française et surtout dans les Dom-Tom, aux Antilles en particulier, au sujet d’une loi visant à faire reconnaître « les aspects positifs de la colonisation française » dans les manuels d’histoire.
•
À Melbourne (Australie), Amélie Mauresmo, la joueuse de tennis française, remporte son premier tournoi du Grand Chelem en battant Justine Hénin sur abandon au deuxième set (30).
FÉVRIER •
Les Français et Françaises ont grandi et grossi en 30 ans, surtout leur tour de taille. En 50 ans, les Françaises ont pris 15 cm de tour de taille en moyenne. Le tour de taille moyen des Françaises est aujourd’hui de 80 cm. La taille moyenne de la Française est passée à 162,5 cm et elle pèse 62,4 kg. Quant au Français moyen, il mesure désormais 175,6 cm et pèse 77,4 kg (170 cm pour 72 kg en 1970). En un siècle, la femme a grandi de 8 cm et l’homme de 11 cm. 26 % de la population est en surpoids pour un taux d’obésité de 8,3 %.
•
La publication de douze caricatures du Prophète Mahomet dans un journal danois provoque une réaction très violente des musulmans dans le monde entier. Des manifestations à Gaza, notamment, et en Afghanistan font plusieurs morts. On brûle les ambassades danoises et norvégiennes. La France dont certains médias ont repris les caricatures, est également vilipendée. Ces caricatures avaient pourtant été publiées le 30 septembre 2005, mais elles étaient alors passées inaperçues. En Occident, un grand débat oppose les tenants de la liberté d’expression à ceux du respect des religions et du sacré. Jacques Chirac et George Bush condamnent la publication des caricatures. L’Islam, du moins l’Islam sunnite, interdisent toute représentation du visage et du corps humains et notamment de ceux du Prophète.
•
Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire en mission officielle en PF à l’occasion de la publication du rapport de la commission de l’APF sur les conséquences des essais nucléaires.
•
La BRED (banque populaire française privée) fait son entrée dans le capital de la Socredo en reprenant la moitié des actions de l’Agence française de développement (AFD) qui partageait le capital à égalité avec la Polynésie française.
•
L’équipe de France de handball devient championne d’Europe en battant l’Espagne (championne du monde en titre) en finale par 31 à 23.
•
Les émeutes consécutives à la publication de caricatures du Coran se poursuivent et s’aggravent. Il y en a jusqu’à Fidji où réside une forte communauté (60 000 environ) de musulmans d’origine indienne. Washington et Londres, toutefois, soutiennent tardivement le Danemark dont les ambassades ont été brûlées à Damas et à Beyrouth. Malgré tout, l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo décide de publier aussi les caricatures du Prophète (8).
•
L’UPLD perd la majorité absolue à l’APF. Jean-Alain Frebault, représentant des Marquises transfuge du Tahoeraa Huiraatira, démissionne pour rejoindre le « groupe des îles » actuellement composé de Temauri Foster, Michael Yip et Teina Maraeura. Même si Frebault a déclaré qu’il restait dans la majorité, l’UPLD ne compte plus désormais, officiellement, que 28 voix sur 57 (21 Tahoeraa et 8 noninscrits).
•
Le magistrat Fabrice Burgaud, juge d’instruction dans l’affaire de pédophilie d’Outreau, entendu pendant sept heures par une commission d’enquête parlementaire. Il reconnaît son inexpérience et son isolement professionnel, mais nie toute erreur de sa part. Treize personnes avaient été détenues à titre provisoire pour des durées allant jusqu’à trois années avant d’être acquittées à la suite des aveux de mensonge des principaux accusateurs.
•
La grippe aviaire atteint l’Afrique. Des foyers d’infection du virus H5N1 ont été découverts au Nigéria (8).
•
Présentation et adoption à l’APF (9) du rapport de la commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires. Le groupe Tahoeraa Huiraatira ne participe pas au vote. Oscar Temaru est lui aussi absent de cette séance pourtant qualifiée d’historique, il est en Nouvelle-Zélande pour signer l’achat de l’hôtel Rocklands à Auckland, un monument, historique lui aussi, pour plus de 500 millions de Fcfp (4,2 millions d’euros).
•
Dominique de Villepin utilise la procédure d’urgence (article 49-3 de la Constitution) pour faire passer la loi dite sur l’Égalité des chances dont la mesure phare est la création d’un Contrat de Première Embauche (CPE) réservé aux moins de 26 ans et qui prévoit notamment une période « d’essai » de deux ans pendant laquelle l’employeur pourra licencier sans autorisation ni même motivation. La gauche crie à la précarité. Le Premier ministre souhaitait faire entrer le texte en vigueur sans les interminables débats que la gauche s’apprêtait à mener et avant les réactions des jeunes dans la rue, qui sont restées très limitées.
• •
Ouverture officielle à Turin (Italie) des XXè Jeux Olympiques d’Hiver (10). L’Egypte, pays organisateur, remporte la XXVè Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football (10) en battant la Côte d’Ivoire par tirs au but à l’issue de cent vingt minutes de jeu au cours desquelles les deux équipes n’ont pu se départager. C’est la troisième fois que l’Égypte est championne d’Afrique de football, mais elle n’est pas qualifiée pour la Coupe du Monde de juin 2006 en Allemagne, contrairement à l’autre finaliste, la Côte d’Ivoire.
•
La grippe aviaire en Europe de l’Ouest. Des oiseaux contaminés au virus H5N1 ont été découverts en Italie et en Grèce (11).
•
Antoine Deneriaz empoche la médaille d’or des JO de Turin dans l’épreuve reine de descente (12). C’est le 6è Français à s’imposer dans cette épreuve.
•
Gary Zebrowski, premier Polynésien à participer à des Jeux Olympiques d’hiver, se classe 6è et meilleur français en snowboard dans l’épreuve de half pipe (12).
•
Le budget de la PF « épinglé » par la Chambre territoriale des Comptes (CTC) à laquelle il avait été soumis par le haut-commissaire qui l’avait jugé en déséquilibre. La CTC lui donne raison. Le budget utilise de façon excessive en fonctionnement la DGDE (dotation globale de développement économique versée par l’État à raison de 18 milliards par an, ex. FREPF, le Fonds pour l reconversion économique de la Polynésie française) pour une somme de 1,7 milliard de Fcfp à laquelle s’ajoutent 300 millions de recettes prévues par une loi de pays non encore adoptée (13).
•
Le cinéma Mamao Palace rouvre ses portes sous le nom de Majestic avec des salles rénovées (13). Le premier film diffusé est Les Bronzés 3 qui fait un carton en France.
•
L’ancien porte-avions français Clémenceau, désarmé depuis juillet 1997, n’en finit pas d’accumuler les déboires. Bourré d’amiante, il fait l’objet d’une campagne agressive de la part des associations écologistes, Greenpeace en particulier, qui veulent empêcher son démantèlement dans un chantier indien. La Cour suprême indienne refuse l’opération alors que le bateau croisait déjà dans les eaux indiennes. Un arrêt du Conseil d’État français enfonce le clou. Finalement, Jacques Chirac décide son rapatriement à Brest quelques jours seulement avant sa visite officielle à New Delhi où il doit signer d’importants contrats économiques.
•
L’Iran déterminé à mener à bien un programme nucléaire militaire. C’est le cauchemar de la communauté internationale. Les négociations ont échoué et l’option militaire est à exclure. Si l’Iran réussit à se doter de la bombe atomique, c’est tout le système mondial de dissuasion nucléaire qui s’écroule et la prolifération serait alors inévitable.
•
À Tonga, un roturier est nommé Premier ministre pour la première fois dans l’histoire du pays. Après la démission brutale du prince ‘Ulukalala Lavaka Ata, le plus jeune fils du roi Tupou IV (87 ans), c’est Fred Sevele, militant démocrate de longue date, et ami du prince héritier, qui a été nommé Premier ministre.
•
Décès de Simon Laufatte, célèbre professeur polynésien de kung fu et de tai chi chuan à la suite d’une « indigestion ». Il avait 61 ans.
•
Décès de l’acteur français Darry Cowl, à l’âge de 80 ans. De son vrai nom André Darricau.
•
Tokelau rejette l’indépendance. Le scrutin d’autodétermination ne donne que 60 % des voix pour l’indépendance (en association avec la NZ) alors qu’il fallait une majorité des deux tiers des… 610 électeurs inscrits. C’est donc le statu quo qui prévaudra pour ce minuscule archipel de trois atolls et 1 500 habitants, qui reste sous administration néo-zélandaise.
•
Grippe aviaire : la France décide le confinement des volailles (15). Découverte d’un canard sauvage mort contaminé au virus H5N1 dans la Bresse, région spécialisée dans la volaille haut de gamme.
•
L’assassinat d’un jeune Juif, Ilan Halimi, par un gang (le Gang des Barbares) après enlèvement et trois semaines de tortures dans une banlieue parisienne fait grand bruit. Le crime est qualifié d’antisémite. Les malfaiteurs rackettaient systématiquement des Juifs dont ils pensaient qu’ils avaient de l’argent et que, même s’ils n’en avaient pas, leur communauté mettrait la main au portefeuille pour les soutenir. Treize personnes ont été interpellées. Leur chef, Youssouf Fofana, 25 ans, est en fuite en Côte d’Ivoire dont sa famille est originaire.
•
Chirac en Thaïlande (17), c’est la première visite officielle d’un président français dans ce pays.
•
Grippe aviaire : six pays d’Europe de l’Ouest sont touchés dont la France.
•
Décès de l’homme d’affaires polynésien Jean Bréaud à l’âge de 100 ans.
•
Les Nouvelles de Tahiti publient des extraits du rapport de la Cour territoriale des comptes (CTC) sur le « système Flosse » (22). 626 personnes étaient rémunérées par la présidence dont beaucoup détachées dans d’autres services ou des associations. La CTC évoque une « administration parallèle ». On parle surtout de la « cellule d’espionnage », le Service d’études et de documentation (SED). On évoque aussi les atolls de Tupai (1,6 milliard de Fcfp d’investissement - 13,5 millions d’euros - pour une occupation de 20 jours par an en moyenne) et de Fakarava (plus de 2 milliards de Fcfp d’investissement), la direction de la Communication qui employait 22 personnes et, bien sûr, le GIP (Groupement d’Intervention de la Polynésie, composé de près de 1 000 agents). On apprend aussi, ou plutôt cela est confirmé, que Christine Bourne, éditorialiste au quotidien La Dépêche de Tahiti, était bien rémunérée par la présidence depuis 1991 pour des prestations de « conseil en communication » à hauteur de 500 000 Fcfp par mois, somme augmentée à 600 000 Fcfp en 1992. Au total Mme Bourne a perçu plus de 80 millions de Fcfp pour des services dont l’intérêt et l’importance, selon la CTC, restent flous.
•
Augmentation du litre d’essence de 2 Fcfp et du litre de gazole de 7 Fcfp (23).
•
Les XXè Jeux Olympiques d’hiver s’achèvent à Turin sur un bilan mitigé pour la France : avec 9 médailles dont 3 en or, elle se classe 10è (l’Allemagne est première avec 24 médailles dont 9 en or). Déception dans les disciplines où on attendait les Français (snowboard notamment et patinage, voire ski alpin) et bonnes surprises en ski de fond et biathlon où l’on les attendait moins voire pas du tout.
MARS •
L’équipe de France de football, battue au Stade de France par la Slovaquie (1-2) à quelques mois de la Coupe du monde en Allemagne (1).
•
Gaston Flosse mis en examen dans l’affaire de l’achat de l’atoll d’Anuanuraro (214 hectares) de Robert Wan par la Polynésie française au prix de 850 millions de Fcfp. L’atoll avait d’abord été estimé à 150 millions de Fcfp. Cette mise en examen est la 3è après celle de l’affaire de l’hôtel Tahara’a et celle des emplois fictifs de la présidence (2).
•
Un incendie détruit la centrale électrique du centre ville de Papeete (4). Il s’ensuit un rationnement du courant. Chacun des secteurs de Tahiti subit à tour de rôle un délestage de deux heures chaque jour. Les difficultés devraient durer de deux à cinq semaines.
•
Des manifestants écologistes bloquent le centre d’enfouissement technique (CET) de Paihoro, ce qui a pour effet de suspendre le service de collecte des ordures dans les communes de Tahiti.
•
Débat mondial autour de la volonté de l’Iran de se doter d’une arme nucléaire en dépit de son engagement au traité de non prolifération.
• •
•
Grippe aviaire : le virus gagne du terrain en France. Aux Victoires de la Musique (21è édition), les jeunes sont à l’honneur. Le chanteur Raphaël rafle trois victoires. Concert du groupe de reggae UB40 place To’ata à Papeete (5).
•
Visite officielle du ministre des Dom-Tom, François Baroin, en Nouvelle Calédonie et en Australie (3).
•
Oscar Temaru en tournée aux USA (9) à l’occasion du congrès de la société Morinda (jus de noni). Comme à son habitude, il en profite pour faire des déclarations anti-françaises et pro-indépendance (ce qui lui vaut un courrier du haut-commissaire à quelques jours d’une visite officielle du ministre des DomTom, François Baroin, en PF). Il fonde l’indépendance économique du pays sur trois secteurs d’activité : le noni, la pêche et l’hydrogène (fourniture d’énergie). Le problème est que les deux premiers connaissent une crise grave en PF et que le troisième reste encore largement du domaine des spéculations scientifiques.
•
Laurent Gerra, célèbre imitateur, en spectacle à la Maison de la Culture (9). C’est la troisième fois qu’il vient se produire à Tahiti.
•
A la Réunion, l’épidémie de chikungunya passe le cap des 200 000 cas, (11) mais semble ralentir.
•
Le CAC 40 franchit la barre des 5 100 points.
•
La crise du secteur de la pêche s’aggrave en Polynésie française. Deux armateurs déposent le bilan (13). Leurs thoniers viennent grossir la flottille d’une trentaine de bateaux, parfois tout neufs, bloqués au quai de Papeete. Les armateurs dénoncent les malversations des équipages qui vendaient les produits de la pêche dans les îles avant de rentrer à Papeete.
•
Décès en prison de l’ancien président serbe, Slobodan Milosevic (11), qui aurait été victime d’une crise cardiaque. Son procès pour crime contre l’humanité, génocide et crimes de guerre (on l’estime généralement responsable de la mort d’au moins 200 000 personnes), durait depuis 2002.
•
Georges Bush en visite en Inde promet d’aider ce pays à développer son industrie nucléaire alors que New Delhi n’a jamais signé les traités de nonprolifération, violant ainsi la loi américaine qui interdit de telles pratiques. Néanmoins, il faudra encore l’aval du Congrès américain pour que cette décision puisse entrer en vigueur.
•
Forte contestation dans les universités contre le Contrat première embauche (CPE) mis en place par le Premier ministre Dominique de Villepin, qui ne semble pas près de céder.
•
À peine rentré des Cook et des États-Unis, Oscar Temaru repart pour la Nouvelle-Zélande (16) à l’occasion de son 18è voyage officiel en un an dont seulement deux fois en France. Il est déjà prévu un nouveau voyage en Chine au mois d’avril.
•
Formule 1 : Giancarlo Fisichella et Fernando Alonso offrent un doublé historique à Renault au Grand Prix de Malaisie (19), deuxième épreuve du Championnat du Monde 2006. Renault n’avait pas remporté de doublé dans une épreuve de Formule 1 depuis 1982 (René Arnoux et Alain Prost au Grand Prix de France).
•
« Les Bronzés 3, Amis pour la vie » passe le cap des 10 millions d’entrées en France.
•
Le notaire de Tahiti Alexandre Cormier se retire (20). Il vend ses parts dans la plus grosse étude de PF (environ 50 % des affaires) à son associé Clémencet.
•
Le Ai’a Api d’Emile Vernaudon signe une convention de partenariat avec trois représentants non-inscrits des îles (Teina Maraeura, Michel Yip et JeanAlain Frébault) (22). Le Ai’a api dispose de quatre représentants à l’Assemblée de la Polynésie française (APF), mais deux seulement ont signé la convention. En perspective, l’élection du président de l’APF en avril et les législatives de 2007.
•
En Espagne, l’ETA annonce un « cessez-le-feu permanent » (23) . L’organisation séparatiste basque met officiellement fin à 38 années de violence terroriste ayant causé la mort de 800 personnes. La nouvelle est tout de même accueillie avec prudence.
•
Oscar Temaru prêche à nouveau l’indépendance de la Polynésie française à l’occasion d’un déplacement à Tubuai (Australes). Après les Etats-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, les Cook et autres pays, le président poursuit sa campagne anti-française à quelques jours de la visite à Papeete du ministre de l’Outre-mer, François Baroin.
•
La Polynésie française comptait 256 200 habitants (au 1er janvier 2006) selon l’Institut de la Statistique de Polynésie française (ISPF). L’espérance de vie a légèrement diminué par rapport à 2005 passant à 71,2 ans pour les hommes et 76,1 ans pour les femmes.
•
La Polynésie française gagne les Championnats du monde de va’a (pirogue) en Nouvelle Zélande (25). Elle remporte 23 médailles d’or, contre 18 à la Nouvelle-Zélande. Au total, la PF remporte 50 médailles contre 60 pour la Nouvelle-Zélande.
•
Bras de fer entre les anti-CPE (contrat de première embauche) et le Premier ministre Dominique de Villepin qui tient ferme sur ses positions. Entre 1 et 3 millions de personnes dans la rue le 28. Syndicats, étudiants et même lycéens sont ligués contre le gouvernement et exigent le retrait de la loi. Des casseurs en profitent pour se mêler aux manifestations. Les forces de l’ordre sont généralement louées pour leur maîtrise qui a permis d’éviter des drames. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et président de l’UMP, le parti majoritaire au pouvoir, se prononce pour une « non-application du CPE » creusant ainsi une faille dans la majorité.
•
Première visite officielle en Polynésie française du ministre de l’Outremer, François Baroin (30). Le ministre passe quatre jours dans le pays et visite les cinq archipels. Il se montre rassurant sur la présence de l’État en PF en pleine campagne tous azimuts d’Oscar Temaru en faveur d’une indépendance rapide du pays. Oscar Temaru qui avait d’abord annoncé qu’il ne recevrait pas le ministre et ne devait même pas être présent à Tahiti pendant sa visite, l’accueille finalement à l’aéroport et à la présidence où il lui remet un document appelé « Accords de Tahiti nui » inspiré des « Accords de Noumea » visant à préparer un processus menant à l’indépendance totale du pays. Le ministre répond que c’est aux Polynésiens de décider d’un tel processus et non pas à Oscar Temaru seul.
•
Hiro Tefaarere (Ai’a api) démissionne de son ministère des Petites et moyennes entreprises (30). Il se déclare « las des tergiversations du président ».
•
Le conseil des ministres donne son feu vert à la création de deux nouveaux hypermarchés en zone urbaine (30) : Géant Casino (du promoteur Thierry Barbion) à Tipaerui et Carrefour (groupe Louis Wane) à Auae – Faa’a. les deux établissements seront distants de moins d’un kilomètre.
•
En Israël, Ehud Olmert devient Premier ministre après la (courte) victoire (28 sièges sur 120 contre 20 aux Travaillistes) de son parti Kadima (fondé par Ariel Sharon).
•
Le Conseil d’État confirme que le français est la langue officielle de la PF (31). Son usage s’impose aux personnes morales de droit public. Les débats à l’Assemblée devront donc avoir lieu en français. Cette décision fait l’unanimité des élus polynésiens contre elle.
•
La crise du CPE atteint des sommets en France où les étudiants, les lycéens et les syndicats sont unis pour exiger son abrogation. Jacques Chirac s’exprime à la télévision en disant qu’il promulgue la loi, mais il dit aussi qu’elle ne sera pas appliquée. Les parlementaires de la majorité sont chargés de négocier avec les syndicats et les organisations étudiantes une sortie de crise permettant d’éviter de faire perdre la face à quiconque. Les jeunes poursuivent leurs actions de blocage des universités et des lycées mais aussi des routes et des voies ferrées.
AVRIL •
•
De 1 à 3 millions de manifestants dans les rues des villes de France pour réclamer le retrait du CPE (4). Taoahere Richmond est élue Miss Papeete 2006 (7).
•
Tractations à l’Assemblée de la PF (10) à quelques jours de l’élection du nouveau président. Les autonomistes se regroupent autour de la candidature de Gaston Tong Sang (Tahoeraa Huiraatira). Emile Vernaudon semble basculer du côté de Gaston Flosse avec qui il s’était déjà allié dans le passé avec des résultats catastrophiques pour son parti, le Ai’a Api. Les « autonomistes centristes » de ADN (Alliance pour une Démocratie Nouvelle, Nicole Bouteau, Philip Schyle) ne souhaitent pas s’associer à cette plateforme autonomiste qu’ils jugent « hétéroclite » (on y retrouve en effet Hiro Tefaarere qui confirme ses convictions indépendantistes).
•
Jacques Chirac décide d’enterrer le CPE définitivement (11). L’article 8 de la loi sur l’égalité des chances qui prévoyait sa création est remplacé par un
dispositif en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté dont le financement laisse toutefois planer des doutes sur sa légalité, n’ayant pas été prévu dans les règles. C’est la fin d’une crise qui aura duré trois mois, mais certaines universités restent encore bloquées, les étudiants souhaitant poursuivre leur mouvement sans que l’on sache très bien pourquoi. •
En Italie, Romano Prodi, chef d’une coalition de gauche, remporte de justesse les élections nationales et fait chuter Silvio Berlusconi, le président du conseil sortant très contesté (11).
•
Nouvelle flambée des cours du pétrole qui dépassent les 70 dollars le baril. Causes : une forte demande aux États-Unis, en Chine et en Inde sur fond de crise iranienne. Le 4è producteur mondial de pétrole défie la communauté internationale à propos du nucléaire.
•
Emile Vernaudon, maire de Mahina, président du Ai’a api, démissionne du gouvernement. C’en est fini de l’alliance Oscar - Emile. Une crise est ouverte après deux années de collaboration. Les déclarations répétées d’Oscar Temaru sur l’indépendance et son « manque de respect » à l’égard de son partenaire sont les deux principales raisons invoquées par celui-ci pour son départ (12).
•
Philip Schyle, maire d’Arue et président du Fetia Api, représentant noninscrit à l’Assemblée de la Polynésie française, est élu président de celle-ci après avoir présenté sa candidature au dernier moment. Il est élu pour un an, par 29 voix contre 28 à Anthony Geros, président indépendantiste sortant, grâce au soutien du Tahoeraa Huiraatira et de la « plate-forme autonomiste ». Mais il ne « renvoie pas l’ascenseur » puisque, grâce à son abstention, les autres membres du bureau sont tous UPLD, en particulier les trois vice-présidents.
•
Air Tahiti Nui ouvre une ligne Papeete – New York – Paris, à raison d’un départ par semaine, le samedi (19).
•
Nouvelle flambée des cours du pétrole qui atteint le record historique de 72 dollars le baril. Le débat s’installe sur la possibilité d’une crise majeure dans un avenir proche, due à la baisse des réserves (dont certains prétendent qu’elles sont largement surestimées), la situation internationale (crise du nucléaire iranien), la spéculation et la forte demande des pays développés et des pays émergents (Chine et Inde notamment).
•
Pacifique : violentes émeutes aux îles Salomon où l’élection du Premier ministre, Snyder Rini, est fortement contestée. L’Australie dépêche des troupes pour ramener le calme.
•
Première visite officielle de quatre jours du président chinois Hu Jintao aux Etats-Unis.
• •
La reine d’Angleterre, Elisabeth II, fête ses 80 ans. Oscar sauve le Taui, c’est le gros titre de Une de La Dépêche de Tahiti du 20. Oscar Temaru réussit in extremis à déjouer une manœuvre de l’opposition en retournant à son profit les représentants des îles qui avaient d’abord signé en faveur de la plateforme autonomiste. Michel Yip et Teina Maraeura élus des Tuamotu et Jean-Alain Frebault, élu des Marquises rejoignent l’UPLD, confortant ainsi la majorité de celle-ci à l’APF avec 30 voix (la majorité absolue est à 29). Le président du pays a promis trois ministères aux « îliens ». Gilles Tefaatau, ministre de l’Urbanisme, du Logement et des Affaires foncières, désavoue son président du Ai’a Api, Emile Vernaudon, et reste au gouvernement. En revanche, sa collègue, Natacha Taurua, restée fidèle à Emile, est démise de ses fonctions de ministre de l’Artisanat.
•
Mise en place des commissions législatives à l’Assemblée de la Polynésie française (21). L’UPLD n’en laisse aucune à l’opposition.
•
Patrick Galenon, secrétaire général du syndicat CSTP-FO, est élu président du conseil d’administration de la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) (22). Il succède à Marcel Ahini. Le patronat, qui avait quitté le CA de la CPS en 2005, fait son retour à la faveur de cette élection.
•
La situation se complique à l’Assemblée de la PF : Fabienne Bennett et Michel Teata, les suivants de liste devant prendre les sièges des ministres nouvellement nommés, Temauri Foster et Teina Maraeura, affirment vouloir rester Tahoeraa Huiraatira, parti sous la bannière duquel ils avaient été élus. Dans ce cas, le gouvernement Temaru et l’UPLD perdraient leur majorité absolue et ne pourraient plus compter que sur 28 voix (29 pour la majorité absolue). Les deux nouveaux ministres se disent prêts à renoncer à leurs ministères pour « redescendre à l’Assemblée » en cas de besoin.
•
Entrée en vigueur des nouvelles taxes dites de « solidarité » sur les tabacs et alcools (27) après bien des péripéties judiciaires. 119 Fcfp (1 euro) sur un paquet de cigarettes, 200 Fcfp sur un paquet de tabac à rouler, 90 Fcfp sur une bouteille de vin, 6 Fcfp sur une bouteille de bière.
•
Zinedine Zidane annonce sa retraite définitive du football professionnel après la Coupe du monde de 2006 en Allemagne (27).
•
Le scandale de l’affaire Clearstream éclabousse le Premier ministre Dominique de Villepin quelques semaines seulement après la bataille du CPE. Un « corbeau » aurait informé le ministère de l’Intérieur (à l’époque où de Villepin était ministre) que des personnalités politiques très connues (parmi lesquelles Nicolas Sarkozy) détiendraient des comptes secrets à l’étranger par le biais de la société financière luxembourgeoise Clearstream. Les documents et listes fournis par le corbeau se sont révélés des faux, mais Dominique de Villepin n’en aurait pas informé Nicolas Sarkozy. On le soupçonne d’avoir voulu nuire au président de l’UMP en accord avec Jacques Chirac. L’opposition réclame la démission du Premier ministre. Les divisions s’aggravent dans la majorité.
•
Oscar Temaru annonce son ralliement à Ségolène Royal pour les présidentielles de 2007 (29). Cette annonce surprend tout le monde car Ségolène Royal n’est pas encore candidate, le PS ne devant choisir son champion qu’en novembre. Pourtant, elle fait l’objet d’un véritable phénomène de mode en France, caracolant en tête des sondages.
MAI •
L’affaire Clearstream prend de l’ampleur et devient une véritable affaire d’État dans laquelle le Premier ministre et même le président de la République semblent fortement impliqués. Elle alimente en tout cas toute la conversation de la classe politique et les médias.
•
Le paquebot de croisière Paul Gauguin change d’exploitant. Anciennement Radisson Seven Seas Cruises, il devient Regent Seven Seas Cruises (2). Le Päul Gauguin propose des croisières haut de gamme dans les eaux polynésiennes.
•
Terehe Pere, 21 ans, très jolie Miss Raiatea, est élue Miss Tahiti 2006 (5) à To’ata. Succédant à Mihimana Sachet, c’est la 46è Miss Tahiti de l’histoire. Raimata Agnieray est 1ère dauphine (déçue), Vairani Hoiore, Miss Mahina 2ème dauphine (contente) et Teura Barff 3ème dauphine (surprise). L’élection était pour la première fois diffusée en direct par RFO Télé - Polynésie.
•
Viol collectif et meurtre d’une jeune fille à Pamatai (sur les hauteurs de Papeete). Akirina Tiori, 18 ans, a été retrouvée morte et nue près du pont de la RDO (6), elle a été violée par au moins dix-huit individus dont plusieurs mineurs.
•
L’abolition de l’esclavage est officiellement commémorée pour la première fois en France (10).
•
Laure Manaudou bat le record du monde du 400 m nage libre en grand bassin (12) au cours des Championnats de France de natation (4’03“03). Elle détrône ainsi l’Américaine Janet Evans qui détenait l’ancien record depuis 1988 à Séoul (4’03“85).
•
Le sélectionneur Raymond Domenech dévoile sa liste de 23 joueurs de l’équipe de France de football (14) pour la phase finale de la Coupe du Monde qui débutera le 9 juin en Allemagne. Giuly, Anelka, Pires, Govou, Micoud ni Rothen n’en font partie. En revanche, le sélectionneur a pris le parti de la jeunesse. Il fait en particulier appel à Chimbonda comme défenseur (un jeune Antillais inconnu, mais déjà classé meilleur arrière droit dans le championnat d’Angleterre en 2005). C’est Fabien Barthez qui gardera les buts français. L’irascible Gregory Coupet ronge son frein.
•
Finalement, Teina Maraeura ne sera pas ministre. Le transfuge du Tahoeraa Huiraatira a décidé de rester à l’Assemblée pour empêcher sa suivante de liste, Fabienne Bennett, d’y « monter ». Elle a en effet choisi (pour le moment) de rester fidèle au Tahoeraa Huiraatira. En revanche, Temauri Foster a opté pour le gouvernement et laisse sa place à son suivant de liste, Michel Teata, maire d’Anaa, resté lui aussi fidèle au Tahoeraa Huiraatira. La majorité UPLD se compose donc de 29 représentants (une fragile majorité absolue). Temauri Foster confirme qu’il démissionnerait du gouvernement et « redescendrait » à l’Assemblée en cas d’urgence.
•
En France, l’opposition de gauche dépose une motion de censure (15) contre le gouvernement à la suite de l’affaire Clearstream dans laquelle le Premier ministre, Dominique de Villepin est soupçonné d’avoir ourdi, , avec la complicité de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, un complot contre le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, en essayant de le faire accuser de disposer de comptes bancaires secrets au Luxembourg dans le cadre de l’affaire des frégates de Taiwan et des commissions colossales versées à cette occasion. Cette motion de censure n’avait aucune chance d’être adoptée mais, pour la première fois, François Bayrou, président de l’UDF, s’associe à la gauche et vote avec elle, consommant ainsi son passage dans l’opposition. Toutefois un tiers seulement des trente députés UDF le suivent dans cette initiative.
•
Nancy Morgan, 19 ans, élue première ambassadrice de la perle de Tahiti (18).
•
L’équipe de football de Pirae (Tahiti) parvient brillamment en finale du tournoi des clubs champions d’Océanie. Malheureusement, elle doit finalement s’incliner devant le Auckland FC, champion de Nouvelle-Zélande, sur le score de 3 à 1.
•
Le Montenegro accède à l’indépendance à la suite d’un référendum. L’ancienne province serbe, ex. république yougoslave, grand comme deux départements français et peuplé de 650 000 personnes, a choisi l’indépendance par 55,5 % des voix.
•
Le doyen des juges d’instruction de Papeete, Jean-Bernard Taliercio, sanctionné par sa hiérarchie. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) estime qu’il a porté atteinte à l’institution judiciaire et au crédit de la Justice. Le CSM constate des retards dans les procédures. Il rappelle aussi l’affaire de la gagnante du Loto (elle avait gagné plus d’un milliard de Fcfp et le juge, qu’elle connaissait personnellement, lui avait conseillé d’investir dans l’achat de l’immeuble du quartier de la Fautaua appartenant au promoteur immobilier David Bitton, un de ses amis intimes). Les adversaires de Gaston Flosse prétendent que cette sanction est le résultat des pressions faites par le sénateur auprès du ministère de la Justice de manière à écarter un juge un peu trop curieux. Taliercio sera muté et ne pourra plus exercer au titre de juge d’instruction. Toutefois, préférant ne pas quitter la Polynésie française où il vivait
depuis de nombreuses années, il a finalement décidé de démissionner de la magistrature et s’est reconverti dans l’immobilier. •
Moehau Teriitahi devient ministre du Développement des archipels (24) à la place de Teina Maraeura qui l’a lui-même imposé au président Temaru avant de redescendre à l’Assemblée pour consolider la fragile majorité UPLD.
•
Jean-Alain Frebault, représentant des Marquises à l’Assemblée est nommé président du CA de l’Office des Postes et Télécommunications, un fromage (24). Encore une nomination imposée à Oscar Temaru par les « îliens » dont les voix sont désormais indispensables au président pour préserver sa majorité et son fauteuil.
•
Les sociétés Yahoo et eBay s’unissent face au pouvoir grandissant de Google qui détient la moitié des parts de marché des moteurs de recherche sur Internet. Les actions Google introduites il y a deux ans à la bourse de New York au prix de 65 USD (6 000 Fcfp), valent aujourd’hui, plus de 500 USD (45 000 Fcfp).
•
Le champion olympique, député UMP et ancien ministre des Sports, Guy Drut, amnistié par Jacques Chirac afin de lui permettre de siéger à nouveau au Comité international olympique (CIO) dont il était membre. Guy Drut avait été condamné à 15 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende dans l’affaire des marchés publics d’Ile de France en novembre 2005. Le CIO l’avait alors suspendu de tous ses droits et fonctions. La décision fait scandale en France et accentue encore la chute de popularité du président de la République et du Premier ministre déjà fortement dégradée à la suite du CPE et de l’affaire Clearstream. Les deux personnalités sont au plus bas dans les sondages aux alentours de 25 % d’opinons favorables seulement. Les médias évoquent la déliquescence au sommet de l’État. On parle de plus en plus de réforme des Institutions, d’une 6è République… La grogne est forte même au sein de la majorité UMP.
•
Décès de l’acteur français Claude Piéplu (83 ans). Il était notamment célèbre pour avoir réalisé la voix des Shadocks, un feuilleton en dessins animés qui avait passionné les Français à la fin des années 60 (25).
•
Football : la France bat le Mexique (4ème au classement mondial) 1 à 0 (27) au Stade de France au cours d’un match de préparation à la Coupe du Monde dont
la phase finale débute le 9 juin en Allemagne. C’est le dernier match de Zinedine Zidane dans ce stade où il avait remporté notamment la Coupe du Monde 1998 avec les Bleus. Malheureusement, cette victoire ne convainc pas les observateurs. •
Edouard Michelin, patron du grand groupe français de pneumatiques, meurt en mer au cours d’une partie de pêche au large de l’île de Sein. Il avait 43 ans.
•
Une averse de grêle s’abat sur la Presqu’île de Tahiti (28). Phénomène météorologique rarissime, les habitants de Puunui ont pu assister à une forte averse de grêlons gros comme des œufs de pigeon. L’événement a été filmé par des vidéastes amateurs.
•
La Palme d’or du 59è Festival de Cannes est attribuée au cinéaste britannique Ken Loach, 70 ans, pour son film Le vent se lève, sur la guerre d’indépendance irlandaise.
•
Terrible séisme en Indonésie, plus de 5 000 morts et 200 000 sinistrés (28)
JUIN •
Football : la France bat le Danemark par 2 à 0 (1) à Lens en match de préparation à la coupe du Monde.
•
Au nom du gouvernement de la Polynésie française, le vice-président, Jacqui Drollet lance un ultimatum à l’État (2). Il menace de boycotter le sommet France – Océanie prévu à Paris le 26 juin 2006. Oscar Temaru avait pourtant confirmé sa présence par courrier à Jacques Chirac le 29 mai. Entre temps, il y a eu la taxe d’aéroport imposée par l’État en violation de l’autonomie fiscale polynésienne. Il y a aussi les « dettes » de l’État qui dépasseraient les 6 milliards de Fcfp. Il y a surtout la très mauvaise qualité des relations État – Pays et le peu d’envie d’Oscar Temaru, partout reçu comme un chef d’État dans la région, de se voir rabaisser au rang anonyme de simple président d’une collectivité territoriale française.
•
Turbulences à la direction d’Air Tahiti Nui. Nelson Levy, directeur général et fondateur de la compagnie en 1996, est écarté de tout pouvoir par le pdg Eric
Pommier, qui souhaite prendre les rênes de la compagnie et mettre fin à la confusion qui régnait depuis deux ans (3). Officiellement, il reste directeur général, mais il ne peut plus prendre la moindre décision sans en référer préalablement au pdg. La compagnie Air Tahiti Nui accuse un déficit de 1,8 milliards de Fcfp, dû essentiellement à la hausse vertigineuse des prix du pétrole (plus de 72 dollars le baril). •
Erwina Chanson, 24 ans, élue Miss Dragon 2006 à la mairie de Papeete. Sa première dauphine est Jo-Ann Liu Sing, 23 ans, et la deuxième dauphine est Magnolia Chaussoy, 19 ans.
•
Football : la France bat la Chine à Saint Étienne par 3 à 1 dans son dernier match de préparation avant la Coupe du Monde (7), mais ne parvient toujours pas à convaincre. En outre, l’équipe perd Djibril Cissé gravement blessé au cours de ce match (double fracture de la jambe gauche – tibia et péroné).
•
Football : ouverture de la Coupe du Monde en Allemagne (9). 32 équipes, réparties en 8 groupes de 4, vont s’affronter pour le titre suprême. Dans l’équipe de France, c’est Sydney Govou, le Lyonnais, qui est appelé par Raymond Domenech pour remplacer Djibril Cissé blessé. Certains attendaient plutôt Johann Micoud, Nicolas Anelka ou Ludovic Giuly.
•
En Irak, on annonce la mort du chef terroriste Abou Moussab al-Zarqaoui, éliminé par une bombe américaine frappant une maison où il était réuni avec d’autres membres de son organisation Al-Qaïda.
•
Finalement, Oscar Temaru confirme qu’il sera présent au sommet France – Océanie du 26 juin à Paris (9).
•
Apprès avoir traversé l’Atlantique et le Pacifique en planche à voile, Raphaëla Le Gouvello, 46 ans, est victorieuse de l’Océan indien en reliant l’Australie à la Réunion, une première mondiale (plus de 3 300 km en 60 jours, 2 heures et 1 minute, sur une planche de 7,8m de long).
•
Tennis : la Belge Justine Henin-Hardenne remporte le tournoi de RolandGarros (Paris), faisant partie du Grand Chelem pour la deuxième fois consécutive en battant la Russe Svetlana Kuznetsova (n° 8) en deux sets ; l’Espagnol Raphaël Nadal, tenant du titre, qui fêtait ses vingt ans le même jour (11), remporte la
finale hommes. Il bat le numéro un mondial, le Suisse Roger Federer, 24 ans, en quatre sets (1-6, 6-1, 6-4, 7-6). C’est la seconde victoire consécutive du numéro 2 mondial dans cette épreuve en deux participations. C’était aussi sa soixantième victoire d’affilée sur terre battue, un record absolu. •
• •
Nouveaux barrages à Motu Uta à l’initiative de Rere Puputauki et des ex. GIP ; ils sont épaulés cette fois par le syndicat des Pêcheurs qui reproche au gouvernement de ne rien faire pour eux alors qu’ils vivent une crise terrible, le poisson ayant déserté les eaux polynésiennes depuis plus de trois ans (15). Décès de Raymond Devos à l’âge de 83 ans à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (15). Bill Gates, 51 ans, l’homme le plus riche du monde, quitte Microsoft qu’il avait créé en 1975 et dont les systèmes d’exploitation équipent plus de 90 % des ordinateurs dans le monde. Il a déclaré vouloir se consacrer entièrement à sa fondation caritative (15).
•
L’élection du président du parti politique Here Ai’a, Georges Handerson (par ailleurs ministre de l’Environnement) annulée par le tribunal de première instance de Papeete à la suite de plaintes déposées par ses rivaux malheureux, Jean Juventin, 78 ans, Matahi Hiro et Tcho Ming Liu dit Aming. Le 29 avril, le parti avait élu son président avec 327 voix sur 831 suffrages exprimés. Or, les statuts prévoient que l’élection du président doit avoir lieu à la majorité absolue. Le tribunal a nommé un administrateur provisoire pour gérer le parti jusqu’à l’élection d’un nouveau président.
•
Oscar Temaru est à Paris à l’occasion du deuxième Sommet France – Océanie. Il est reçu par le Premier ministre Dominique de Villepin (19) pendant 45 minutes à Matignon. Il en profite pour demander « la normalisation des relations avec l’État » et pour présenter une nouvelle fois son projet d’ « Accords de Tahiti nui » sur le modèle calédonien.
•
Inauguration officielle du Musée du Quai Branly à Paris (21). Consacré aux « arts premiers » d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, il a été voulu par Jacques Chirac dont il restera, dit-on, la principale marque de sa longue présidence.
•
Gaston Flosse condamné à trois mois de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire de l’hôtel Tahara’a. En revanche, le tribunal
correctionnel de Papeete n’a pas assorti sa sanction d’une mesure d’inéligibilité. Réginald Flosse, son fils, propriétaire de l’hôtel, a été relaxé. •
Oscar Temaru en visite à Paris rencontre François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, et Dominique Perben, ministre des Transports (notamment à propos de l’aéroport de Tahiti – Faa’a).
•
Oscar Temaru rencontre Ségolène Royal à Paris (21). Il avait déjà annoncé son soutien à la candidate socialiste à Papeete. Celle-ci promet de venir en PF prochainement.
•
Temaru – Chirac, incroyable rendez-vous manqué (23). « Oscar pose un lapin à Chirac » titre Les Nouvelles de Tahiti du samedi 24 juin sur six colonnes à la Une. Le président de la Polynésie française avait sollicité depuis longtemps un tête-à-tête avec le président Chirac après l’avoir critiqué et méprisé pendant trente ans. Il n’était pas venu l’accueillir à son arrivée à Faa’a, commune dont il est le maire, lors de sa visite à Tahiti en 2003. Chirac avait organisé une réunion de travail à trois (PF, NC et W&F) à l’Elysée pour préparer le deuxième Sommet France-Océanie. Mais, Temaru voulait son RV privé, il a dit qu’il n’irait pas à cette réunion. Il a menacé de ne pas participer au Sommet (son viceprésident Jacqui Drollet avait même lancé un ultimatum à l’État, conditionnant la présence de la PF au paiement de 6 milliards de Fcfp de « dettes » et l‘annulation de la taxe d’aéroport décidée par l’État en violation de l’autonomie fiscale polynésienne). Finalement, Chirac cède et accorde le RV demandé. Il aura lieu une demi-heure avant la réunion de travail. À l’heure prévue, tout le monde attend Temaru qui ne se montre pas. La présidente calédonienne, Marie-Noëlle Thémereau, et le député wallisien Victor Abrial sont choqués et le font savoir. Le président de la République, disent-ils, a retardé la réunion de vingt minutes pour permettre l’arrivée de M. Temaru, mais il n’est pas venu. Explication officielle de l’absence : un problème de communication. Gros problème de communication en effet ! Explication officieuse parue plus tard dans Tahiti Pacifique : le président se terrait dans sa chambre d’hôtel, en pareo, probablement les tripes tordues à l’idée de se retrouver seul dans ce qu’il considère comme la gueule du loup.
•
Coupe du Monde de football : la France arrache sa qualification en huitième de finale (23). Elle termine ce premier tour deuxième de son groupe (1er Suisse, 3è Corée du Sud, 4è Togo). Match nul contre la Suisse (0-0), match nul contre la Corée du Sud (1-1), elle bat finalement le Togo par 2 à 0. Les deux buts ont été
marqués par Vieira (55è minute) et par Henry (65è minute). Zidane (dont c’était le 34è anniversaire), suspendu, a regardé le match depuis le banc de touche avec Abidal, l’arrière gauche également suspendu et remplacé par Sylvestre. En huitième, la France rencontrera l’Espagne, une autre pointure que le Togo, qui a gagné brillamment ses trois matches de poule avec la meilleure attaque du tournoi. •
Le projet socialiste de gouvernement après les élections de 2007, « Réussir ensemble le changement », est adopté par 85 % des militants. Ce projet affirme la volonté d’ « agir à gauche pour transformer la société face à la domination de la finance mondiale ».
•
Recrudescence de violence dans les banlieues françaises.
•
Arcelor (Europe) et Mittal Steel (Inde) s’unissent pour former le plus grand groupe sidérurgique mondial (25). Après cinq mois de bataille boursière, le géant européen a finalement cédé aux avances (d’abord jugées hostiles) du numéro un mondial de la sidérurgie Mittal Steel. Le nouveau groupe compte 320 000 salariés et produit 116 millions de tonnes d’acier. Le siège du groupe restera à Luxembourg. Mittal a racheté les actions d’Arcelor au prix de 40,37 euros pour un total de 27,6 milliards d’euros.
•
Deuxième Sommet France - Océanie à Paris (26). Jacques Chirac réunit autour de lui les collectivités françaises du Pacifique (avec les incroyables péripéties imposées par le président de la Polynésie française, Oscar Temaru, 61 ans) et 16 des pays membres du Forum du Pacifique sud. Timor oriental est absent pour cause de chaos politique.
•
Coupe du Monde de Football, huitième de finale : la France se qualifie pour les quarts de finale en battant l’Espagne 3 à 1 (27). Une équipe de France transcendée réussit enfin à vaincre ses démons de la Coupe du Monde 2002. Après un penalty réussi par l’Espagne (meilleure équipe du premier tour avec 9 points et une différence de buts de + 7) à la 28è minute, la France revient avec un but de Ribery à la 41è minute. En deuxième mi-temps, Vieira (83è minute) qualifie la France et Zidane enfonce le clou à la 92è minute.
•
Fête de l’Autonomie à Papeete (29). Les partis autonomistes (avec le Ai’a Api mais sans No Oe Te Nunaa ni le Fetia Api) se rassemblent pour célébrer
l’autonomie et baptiser la carrefour du Pont de l’Est « Place de l’Autonomie ». Une stèle est installée au carrefour que le ministre de l’Équipement James Salmon, tente lui-même de détruire la veille au soir avec une équipe de travailleurs et un bulldozer. Le maire, Michel Buillard doit s’interposer avec sa police municipale. Les indépendantistes répliquent finalement en baptisant l’avenue Bruat, avenue Pouvanaa a Oopa lors d’une cérémonie précipitée et confidentielle qui fera dire à Anne Boquet, le haut-commissaire de la République à qui l’on n’avait pas demandé son avis, que le Metua (« père spirituel » du peuple polynésien) « méritait mieux que cela ».
JUILLET •
Coupe du Monde de Football : exploit de la France qui élimine le Brésil en quart de finale par 1 à 0 à Francfort (1), un magnifique but de Thierry Henry à la 57è minute sur une passe décisive de Zidane (coup franc). Zizou fait un match extraordinaire d’aisance et de détermination, montrant des gestes techniques de toute beauté. L’équipe de France est revenue au plus haut niveau. Jamais le Brésil n’a pu développer son jeu et n’a pratiquement pas eu d’occasion de but.
•
40è anniversaire d’Aldébaran, le premier tir atomique français à Moruroa le 2 juillet 1966.
•
Chris Downes (Australie) remporte le 24è Open international de golf de Tahiti sur le score de 259 (69, 62, 63, 65), nouveau record du tournoi (l’ancien record de 265 datait de 2002 et appartenait à Jason Dawes qui conserve le record du parcours avec 60). Downes devance Michael Wright (Aust., 264) et Brad McIntosh (Aust., 266). Le premier pro tahitien est le jeune Kirianu Blais (16è avec 280).
•
Inauguration de la ligne ferroviaire Pékin – Lhassa, plus de 4 000 km de long (3). Le plus haut train du monde traverse le haut plateau tibétain jusqu’à une altitude de plus de 5 000 m (col de Tangu La, 5 072 m). Une assistance en oxygène est proposée aux passagers. Le voyage dure deux jours et coûte 80 euros en seconde classe.
•
Coupe du Monde de Football : nouvel exploit français avec l’élimination du Portugal en demi-finale (5) par 1 à 0, but de Zinedine Zidane sur penalty à la 32è
minute de jeu. La suite du match a été une continuelle tentative des Portugais de revenir au score et une défense héroïque de la France qui les en a empêchés malgré plusieurs occasions jusqu’à la dernière seconde mettant les nerfs des Français à rude épreuve. On a tout de même senti une grande fatigue chez les Français qui ont commis pas mal de petites erreurs dans le contrôle de la balle. L’homme du match fut sans conteste Lilian Thuram, le défenseur central français qui a sauvé son équipe à de nombreuses reprises de « pied de maître ». •
Tennis : Amélie Mauresmo remporte le tournoi de Wimbledon (8) en battant Justine Henin en finale (2-6, 6-3, 6-4). Cela faisait 81 ans qu’une Française n’avait pas gagné ce tournoi mythique. Il s’agissait de Suzanne Lenglen qui a laissé son nom à l’un des principaux courts de Roland-Garros.
•
Inde, Bombay, sept bombes placées par des terroristes liés au Pakistan dans les chemins de fer font un massacre.
•
Finale de la Coupe du Monde de Football (9) : l’Italie devient championne du monde pour la quatrième fois de l’histoire en battant la France aux tirs au but (5-3) alors que le score était nul (1-1) à l’issue des deux prolongations de 15 mn. C’est David Trezeguet qui a manqué son tir, le voyant avec désespoir s’écraser sur la transversale du gardien italien Buffon. Le premier but avait été marqué par Zidane sur penalty à la 7è minute, tandis que l’Italie avait égalisé par une tête de Materazzi sur corner à la 19è minute. La fin des prolongations a été marquée par l’expulsion de Zinedine Zidane sur carton rouge. Le capitaine français, provoqué par Materazzi, qui l’insulte de façon très violente (« Ta mère et ta sœur sont des putains terroristes », serait la phrase répétée à trois reprises par le défenseur italien, mais Zidane n’a pas réellement confirmé. De son côté, Materazzi reconnaît avoir insulté le Français qu’il a jugé « arrogant », mais il nie les propos qu’on lui prête). Zidane se retourne alors et lui assène un coup de tête dans le plexus qui le met à terre. Triste sortie pour un très grand joueur, adulé par le monde entier et qui mettait un terme à sa carrière sportive. C’est aussi la première fois que la vidéo est utilisée en match de football officiel alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. En effet, l’incident avait échappé à l’arbitre de champ occupé au jeu. C’est le quatrième arbitre, équipé d’un écran de télévision qui a « dénoncé » Zidane après coup. Une enquête a été ouverte par la FIFA. Zidane s’est excusé publiquement à la télévision (Canal +) mais a affirmé ne pas regretter son geste compte tenu de la violence de la provocation italienne. Zidane était toutefois coutumier du coup de
tête puisque sa carrière a été émaillée de pas moins de 14 cartons rouges et expulsions consécutifs à des coups de tête à l’adversaire. •
Regain de violence au Moyen Orient (10). À la suite de l’enlèvement d’un de ses soldats, Israël lance des opérations militaires de représailles dans la bande de Gaza visant à déstabiliser le gouvernement extrémiste du Hamas. Puis, c’est le Hezbollah, mouvement extrémiste du Liban, représenté au Parlement libanais, qui enlève deux autres soldats israéliens et lance des roquettes sur Haïfa entraînant des représailles massives. L’armée israélienne détruit l’aéroport de Beyrouth, des centrales électriques, des réseaux d’eau, des routes. Les États-Unis soutiennent Israël, la France estime que la réaction de l’État juif est disproportionnée et appelle à un cessez-le-feu. Des dizaines de milliers de personnes, étrangères pour la plupart, fuient le pays. Les grandes puissances organisent leur départ via Chypre.
•
Oscar Temaru absent au défilé du 14 juillet. Depuis une semaine, depuis son départ présumé pour Berlin où il devait en principe assister à la finale de la Coupe du Monde de football, on ignore où il est passé.
•
Bruno Tauhiro remporte la course mythique de va’a hoe (pirogue individuelle) Te ‘Aito 2006 (12,5 km).
•
Oscar Temaru de retour à Tahiti (16). Il fait très peu de commentaires sur son absence. Après avoir assisté à la finale de la Coupe du Monde de football à Berlin, le 9, il s’est rendu au Luxembourg où il a rencontré le ministre de l’Économie et des banquiers, puis en Suède pour « s’incliner sur la tombe de Bengt Danielsson ». Il est revenu accompagné de Christian et Adriana Karembeu ayant voyagé dans le même avion que lui.
•
Festival de la Jeunesse du Pacifique à Papeete (18) : environ 1 400 jeunes venus de divers pays de la région sont rassemblés pendant une semaine à la Maison de la Culture.
•
Oscar Temaru profite du Festival de la Jeunesse pour faire de nouvelles déclarations intempestives en faveur de l’indépendance. Il provoque la réaction du haut-commissaire, Anne Boquet, qui regrette publiquement « la succession de gestes inamicaux » de la part du président et du pays à l’égard de l’État. JeanChristophe Bouissou, représentant à l’APF et président du parti Rautahi, estime
de son côté que les choses sont allées trop loin, il réclame la dissolution de l’APF et de nouvelles élections. •
Cyclisme, Tour de l’Amitié : le « tour cycliste de Polynésie française » est pour la première fois de son histoire gagné par un Tahitien. Manarii Laurent vainqueur du 13è Tour de l’Amitié (7 étapes à Tahiti et Moorea).
•
Tsunami en Indonésie, au moins 500 morts (18). Le système d’alerte mis en place à la suite du gros tsunami de 2004 n’a pas fonctionné.
•
Dominique de Villepin en visite éclair à Beyrouth (18). La crise s’aggrave au Liban où Israël a décidé d’éradiquer le Hezbollah, mais celui-ci est soutenu par l’Iran et la Syrie.
•
Standard and Poor’s, l’agence internationale du crédit, rapporte la note de la Polynésie française à BBB+ « avec des perspectives négatives », alors que le pays était noté A- depuis l’an 2000 (avec des perspectives stables), début des notations (19). S&P’s souligne notamment l’envolée des dépenses de fonctionnement. Cette notation tombe mal au moment où le pays souhaite lancer un nouvel emprunt pour boucler son budget. Il lui en coûtera un demi point d’intérêt supplémentaire.
•
À la suite d’un scandale aux matches truqués, des grands clubs italiens sont relégués en deuxième division avec un handicap de points (jusqu’à 30). La Juventus de Turin, la Fiorentina, la Lazio de Rome voient leurs joueurs internationaux les quitter.
•
Nouvelle période de canicule en France. Des records de température sont enregistrés dans toute l’Europe.
•
Le groupe Nonahere, 1er prix du Heiva 2006 en catégorie « Danse légendaire » et Tamariki Oparo (un groupe de Rapa créé pour l’occasion et qui n’avait pas concouru depuis douze ans) gagne le 1er prix en catégorie « Danse historique » (20).
•
Décès du cinéaste français Gérard Oury (La Grande Vadrouille, Le Corniaud…) à l’âge de 87 ans (20). Il était le mari de l’actrice Michèle Morgan et
le père de la cinéaste Danièle Thompson. Il a réalisé 18 films dont les six meilleurs ont attiré plus de 50 millions de spectateurs. •
Tiger Woods, Américain de 30 ans, remporte son troisième British Open de golf (23). Il dédie sa victoire à son père mort d’un cancer au mois de mai.
•
Floyd Landis, Américain de 30 ans, remporte la 93è édition du Tour de France cycliste (23). Il succède à un autre Américain, Lance Armstrong, qui avait remporté sept fois la Grande Boucle mais dont la réputation est entachée de lourdes suspicions de dopage. Landis, de l’équipe Phonak, devance sur le podium l’Espagnol Oscar Pereiro (à seulement 57“) et l’Allemand Andreas Kloden (à 1’29“). Le premier Français, Cyril Dessel, est 7è à 8’41“, beau résultat pour sa deuxième participation. Avant le départ de ce Tour de France, une nouvelle affaire de dopage avait écarté l’Allemand Ian Ulrich, le favori de cette année.
•
Football : la justice est plus clémente en appel pour les clubs italiens impliqués dans le scandale des matches truqués (26). La Juventus de Turin reste bien reléguée en deuxième division, mais les trois autres clubs (AC Milan, Lazio de Rome et Fiorentina) restent finalement en première division. La Juve commencera la saison 2006/2007 avec 17 points de handicap et perd ses deux derniers titres de champion d’Italie. L’AC Milan débitera la saison avec 8 points de handicap. La Fiorentina et la Lazio écopent respectivement d’un handicap de 19 et 11 points et seront privées de Coupe d’Europe.
•
Logement social : l’Agence française de développement (AFD) conditionne son soutien financier à l’Office polynésien de l’habitat (OPH) au redressement de sa situation financière grevée par plus de 1,7 milliard de loyers impayés et exige une plus grande rigueur de gestion.
•
Crise politique aux îles Cook (26), le gouverneur général, représentant la reine d’Angleterre, Sir Frederick Goodwin, dissout le Parlement à la demande du Premier ministre Jim Marurai et annonce de nouvelles élections générales anticipées dans les trois mois. Il s’agit d’éviter le vote d’une motion de censure déposée par l’opposition devenue majoritaire à la suite d’une élection partielle.
•
Contrefaçon : les douaniers de Polynésie française saisissent dans des magasins de Tahiti (Carrefour notamment) 7 000 articles de rentrée des classes
contrefaits à partir de marques connues (Barbie, Nike, Adidas…). Il existe un fort marché de la contrefaçon en PF, notamment en provenance de Chine. •
L’Assemblée de la PF planche sur un collectif budgétaire (26) visant à augmenter les dépenses de fonctionnement de 9,1 milliards de Fcfp et les dépenses d’investissement de 5,3 milliards, lesquelles seraient financées par un emprunt. Au même moment, les employeurs expriment leurs craintes dans l’avenir de la situation économique du pays.
•
La France et l’Europe du Nord toujours sous la canicule. Des températures frôlant les 40° sont enregistrées. Le phénomène provoque la mort de plus de 60 personnes en France.
•
L’offensive israélienne se poursuit au Liban où le Hezbollah oppose une résistance farouche à Tsahal, l’armée israélienne, qui subit des pertes. Près de 500 personnes ont trouvé la mort au Liban et 750 000 autres ont fui les villes bombardées du Sud, tandis que plus de 1 500 roquettes tombaient sur Haïfa et le Nord d’Israël causant une vingtaine de morts parmi la population civile et des centaines de blessés. Echec d’une conférence internationale à Rome. Les EtatsUnis soutiennent l’État hébreu sans réserve.
•
Floyd Landis, récent vainqueur du Tour de France cycliste 2006 contrôlé positif à la testostérone (27) à la suite d’un test effectué le soir de son envolée victorieuse dans les Alpes, le lendemain d’un écroulement total au cours duquel il avait perdu près de 10 minutes au classement général. Si la contre-expertise confirme le dopage, il pourrait être déchu de son titre. Landis nie avoir été dopé.
•
La nocivité des essais atmosphériques français officiellement reconnue par L’INSERM, Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (28). Un courrier daté du 17 juillet 2006 du directeur de l’Unité 605, Florent de Vathaire, affirme que ces essais ont eu une incidence sur le nombre de cas de cancers de la thyroïde. Oscar Temaru lit ce courrier en pleine Assemblée, provoquant une agitation qui contraint le président Philip Schyle à suspendre la séance.
•
Massacre au Liban (29), l’armée israélienne tue plus de 50 civils, dont une majorité d’enfants à Canaa, au cours d’un de ses raids au Liban sud. Les images télévisées provoquent un très fort choc émotionnel dans l’opinion mondiale. Israël décide de suspendre ses frappes aériennes pendant 48 heures.
•
Le radeau Tangaroa est arrivé à Papeete où il a été accueilli avec ferveur (30) en provenance des îles Sous-le-Vent, dimanche, en milieu d'après-midi. Après une longue dérive de près de 8 000 km, des côtes du Pérou à Raroia, dans les Tuamotu, Tangaroa s'était rendu au marae de Taputapuatea, à Raiatea, tiré en partie par une pilotine.
AOUT •
La RDO ouverte aux poids lourds (de moins de 19 tonnes). La commune de Faa’a soulagée (4). Pourtant, les camions bouderont largement la courte « autoroute » polynésienne et préféreront continuer à emprunter la route de ceinture.
•
Nicole Bouteau, 37 ans, déclarée inéligible à l’APF pour un an (4). La présidente du parti No oe e te nunaa est condamnée pour avoir omis de nommer un mandataire lors de la campagne des élections territoriales partielles de février 2005. Faute de mandataire, l’association NOETN ne pouvait être considérée comme un parti politique et ne pouvait par conséquent faire des dons pour cette campagne, ce qu’elle avait fait à hauteur de 1,5 millions de Fcfp (12 600 euros) et 195 000 Fcfp d’avantages en nature. Nicole Bouteau, très affectée par cette décision souvent jugée injuste par comparaison avec d’autres décisions de justice récentes (l’absence d’inéligibilité d’Emile Vernaudon, notamment, pourtant condamné pour des faits plus graves), a annoncé qu’elle se présenterait à la députation en 2007.
•
Floyd Landis, récent vainqueur du Tour de France cycliste, convaincu de dopage à la testostérone (4). La contre-expertise a confirmé les premières analyses. Il a été aussitôt licencié par son sponsor Phonak et devra certainement rendre le maillot jaune et le prix de 450 000 euros de la victoire. C’est la première fois qu’une telle affaire survient dans le Tour de France. C’est Oscar Pereiro, deuxième au classement général qui devrait être désigné comme vainqueur officiel du Tour 2006.
•
Laure Manaudou rafle 4 médailles d’or aux Championnats d’Europe à Budapest (5) dont celle du 400 m nage libre, sa distance fétiche sur laquelle elle bat son propre record du monde.
•
Guerre, d’Irak, guerre au Liban, forte demande mondiale et à présent fermeture du principal champ pétrolifère américain en Alaska pour risque de pollution, les cours du pétrole flambent et dépassent les 78 $ (8)
•
Démantèlement d’un réseau d’importation d’ice et de cocaïne à Tahiti, appelé par la presse Vahiné connection (10). En effet, le transport de la drogue était assuré depuis les Etats-Unis par des femmes. Environ 5 kilos ont été importés en PF depuis 2003 pour une valeur théorique de 200 millions de Fcfp.
•
Une série d’attentats aériens évitée par la police britannique (11). A Londres une vingtaine de terroristes, la plupart d’origine pakistanaise sont arrêtés à l’issue d’une longue enquête débutée après les attentats de Londres en 2005. Les terroristes s’apprêtaient à faire sauter une dizaine d’avions de compagnies américaines au-dessus de l’Atlantique à l’aide d’explosifs liquides. La sécurité est accrue dans les aéroports et toute matière liquide ou sous forme de gel ou de pâte est désormais interdite dans les bagages à main en cabine (y compris les produits vendus par les boutiques duty free : parfums, alcools, etc.). Les contrôles accrus provoquent des retards considérables. L’aéroport de Heathrow à Londres est totalement paralysé. La véracité des déclarations de la police britannique est sérieusement mise en cause.
•
Va’a (pirogue) : Evangélique Tehiva remporte la 5è édition du Super Aito Vahine Socredo en 2h 12’ 50“. C’est sa cinquième victoire consécutive dans cette course.
•
Cessez-le-feu au Liban, (14) à la suite d’un accord du Conseil de Sécurité des Nations unies obtenu un mois après le début des hostilités. Une force internationale devra s’installer au Liban sud avec l’armée libanaise, au total 15 000 hommes à terme pour pacifier cette région. Le bilan est lourd, les infrastructures du Liban sont dévastées, plus de 1 500 personnes ont été tuées, des civils pour la plupart et de nombreux enfants. L’armée israélienne se retire sans avoir remporté de victoire et après avoir subi de lourdes pertes. Le Hezbollah est plus puissant que jamais et les deux soldats dont l’enlèvement avait été à l’origine du conflit, n’ont pas été retrouvés. Une commission d’enquête a été créée sous la pression de l’opinion publique israélienne pour tenter d’expliquer les raisons de ce gâchis.
•
Manutea Owen remporte le 15è Super Aito entre Tahiti et Moorea (A/R) en 4h31’49“. Il devance Karyl Maoni et Bruno Tauhiro (15).
•
Décès de Dame Te Atairangikaahu, Te Arikinui, la Grande Reine des Maoris est morte à l’âge de 75 ans à sa résidence de Ngaruawahia près de Hamilton des suites d’une longue maladie (15). Descendante en ligne directe du premier roi maori de Nouvelle-Zélande, Potatau Te Wherowhero, et fille du roi Koroki V Te Atairangikaahu, à qui elle avait succédé, elle était devenue reine en 1966. Le président Oscar Temaru adresse un message de condoléances à la famille et aux proches et annonce sa présence aux funérailles.
•
Trois pêcheurs mexicains sont retrouvés aux îles Marshall après avoir dérivé pendant plus de 9 mois (du 28/10/2005 au 09/08/2006) et sur plus de 8 000 km sur une barque de 9 m sur 3. Ils étaient partis à cinq de San Blas sur la côte Pacifique au Nord-ouest du Mexique, deux d’entre eux sont morts pendant l’aventure. Ils affirment s’être nourris d’oiseaux et de poisson crus, avoir bu de l’eau de pluie et avoir beaucoup prié ensemble. Ils avaient avec eux une bible dont ils affirment qu’elle les a sauvés.
•
100 000 personnes aux funérailles de Dame Te Ata, Te Arikinui, la reine des Maoris au mont Taupiri au sud d’Auckland (20). C’est son fils, Tuheitia Paki, 51 ans, qui a été couronné 7è roi maori. Oscar Temaru, qui la double nationalité, française et néo-zélandaise, représentait la PF.
•
Un trafic de gazole détaxé mis au jour par les gendarmes et les douaniers polynésiens (23). Le carburant détaxé est vendu 33 ou 40 Fcfp le litre aux pêcheurs. Il est revendu avec une marge, mais moins cher qu’à la pompe publique (135 Fcfp). Le détournement durerait depuis plusieurs années et porterait sur un minimum de 300 millions de Fcfp.
•
Air Tahiti Nui annonce l’arrêt de ses vols New York – Paris pour cause de manque de rentabilité de la ligne (24). Celle-ci avait été ouverte au mois de juillet.
•
La planète Pluton déclassée par les astronomes (24). Le système solaire est officiellement réduit à 8 planètes. Découverte en 1930 par un jeune astronome américain de 24 ans, Clyde Tombaugh, Pluton a un diamètre de 2 300 km, soit les deux tiers de celui de la Lune. On discute encore sur la nouvelle appellation de
Pluton et des corps célestes de la même famille. L’expression « planète naine » semble tenir la corde. •
Liban : Jacques Chirac annonce le déploiement de 2 000 soldats français (24) dans le cadre de la FINUL, la force d’interposition dans le Sud du pays. La France, qui renâclait à fournir des soldats, aurait obtenu des garanties sur les conditions d’exercice de la mission de ses troupes. En principe, la FINUL devrait compter à terme environ 15 000 hommes fournis par une dizaine de pays.
•
Hiro Tefaarere devient officiellement le n° 2 du Ai’a api (24). Il est nommé secrétaire général du parti d’Emile Vernaudon.
•
John Howard, Premier ministre australien annonce une expansion significative de l’armée australienne (24), notamment pour faire face aux troubles dans la région.
•
Surpopulation carcérale en Polynésie française, 80 à 90 % des peines de moins d’un an ne sont pas effectuées ainsi que la totalité des peines de moins de six mois. La seule prison de PF, le centre pénitentiaire de Nuutania, prévu pour 130 places enferme 250 détenus dans des conditions épouvantables. Un nouveau centre pénitentiaire et un centre de semi-liberté sont prévus depuis longtemps, mais ils tardent à voir le jour.
•
Oscar Temaru en visite aux îles Marquises surprend tout le monde et déçoit les six maires de l’archipel en annonçant que l’aéroport international des Marquises ne se fera pas à Nuku Hiva, comme cela était prévu et demandé, notamment en raison des besoins des exportateurs de poisson, mais à Hiva Oa. Le président justifie cette décision en expliquant que l’aéroport coûtera moins cher et, surtout, que c’est à Hiva Oa que sont enterrés Gauguin et Brel, les deux icônes qui, selon le président, constitueraient le principal attrait touristique des Iles Marquises (30).
•
Nouvelles déclarations explosives d’Oscar Temaru : à l’inauguration de la Foire agricole d’Outumaoro (31), il relance son projet de retarder l’ouverture des écoles à 9h afin de « permettre aux parents d’apprendre à leurs enfants à planter et à pêcher de 7h à 9 h », il regrette que les jeunes Polynésiens ne sachent même plus monter à un cocotier et déclare que « l’Education nationale est une fabrique de crétins
et de chômeurs » provoquant des réactions indignées parmi les syndicats d’enseignants et la classe politique. Ses services et le ministre de l’Éducation, Jean-Marius Raapoto, prennent sa défense en affirmant qu’il ne faisait que reprendre les conclusions de plusieurs travaux sur le gâchis de l’Éducation nationale française. •
Le chômage en France repasse sous les 9 % et revient à son niveau de mars 2002 (31).
SEPTEMBRE •
Séminaire sur le thème l’OPT (Office des Postes et Télécommunications) vat-il disparaître ? (1) La concurrence et les charges (personnel et contraintes de service public) mettent en péril la pérennité de l’Office. La téléphonie par Internet menace l’équilibre financier de l’OPT qui réalise 50 % de son chiffre d’affaires sur la téléphonie dont 80 % vers l’extérieur. La décision du gouvernement Temaru de « taxer » les établissements publics pour alimenter le budget du pays, dont 2,5 milliards de Fcfp pour l’OPT en 2007, est de nature à précipiter la fin de cet office qui emploie un millier d’agents et cadres pour un salaire mensuel moyen d’environ 500 000 Fcfp (4 200 euros) et prend en charge les retraites de milliers d’anciens agents à des conditions très privilégiées.
•
Une jeune Autrichienne de 18 ans, Natascha Kampusch, s’évade après huit années de séquestration dans une cave. Son kidnappeur, Wolfgang Priklopil, qui l’avait enlevée à l’âge de dix ans, se suicide. L’histoire de Natascha provoque un très grand écho médiatique. (2)
•
Le champion de tennis André Agassi, 36 ans, met fin à sa carrière après son élimination au 3è tour de l’US Open devant l’Allemand Benjamin Becker (7/5, 6/7, 6/4, 7/5). Surnommé le Kid de Las Vegas, Agassi a été le seul champion à remporter les quatre tournois du Grand Chelem (4).
•
L’Iran refuse de suspendre ses opérations d’enrichissement de l’uranium en dépit des menaces de sanctions de l’ONU (4).
•
Le Dr. Patrice Sigwald est retrouvé mort à son domicile de Pirae. Il a été assassiné par son amant, un Tahitien de 30 ans, père de quatre enfants, avec qui il entretenait des relations régulières depuis le mois d’avril.
•
La sonde européenne Smart 1 s’écrase sur la Lune (4) à l’issue d’une mission de trois ans autour du satellite de la Terre après l’avoir cartographié dans son ensemble. Première mondiale, elle était équipée d’un moteur ionique activé au xénon. Moins de 60 litres de gaz ont été nécessaires pour parcourir plus de 100 millions de km.
•
Oscar Temaru est au Groenland pour participer au Forum des PTOM (les pays et territoires d’outremer associés à l’Union européenne) (5). Il se prononce en faveur de l’installation d’un câble sous-marin de télécommunications entre Hawaï et Tahiti. Le coût de l’investissement est estimé à 9 milliards de Fcfp. Temaru espère le faire financer par l’Europe.
•
Naissance du premier héritier mâle de la famille impériale japonaise depuis 40 ans. La princesse Kiko, 39 ans, belle-fille de l’Empereur du Japon Akihito, met au monde un garçon qui se place 3è dans l’ordre de succession au trône du Chrysanthème (5).
•
Football, éliminatoires de l’Euro 2008 (6) : la France bat l’Italie championne du monde au Stade de France par 3 buts à 1 (deux buts de Sidney Govou et un de Thierry Henry, but de Gillardino pour l’Italie) au cours d’un match époustouflant considéré par tous comme la revanche de la finale perdue du Mondial.
• •
• •
Israël lève son blocus du Liban établi depuis deux mois (8). Décès du roi de Tonga Taufa'ahau Tupou IV à l’âge de 88 ans, après 41 ans de règne au pouvoir absolu (10). Cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Salomon (13) : le Premier ministre Manasseh Sogavare déclenche une crise diplomatique avec l’Australie en déclarant l’ambassadeur australien aux Salomon, Patrick Cole, persona non grata et en l’expulsant du pays pour « ingérence dans les affaires intérieures salomonaises ». L’Australie réagit en supprimant toute délivrance de visa d’entrée aux ressortissants des îles Salomon
et menace de suspendre son aide financière à ce pays au bord de la banqueroute et de la guerre civile qu’elle soutient à bout de bras. L’ambassadeur australien s’était intéressé d’un peu trop près à des personnalités politiques salomonaises en vue qu’il soupçonnait de corruption. •
L’IEOM (Institut d’Émission d’Outremer) constate un ralentissement marqué de l’économie polynésienne au 2è trimestre 2006. En particulier les prix sont en hausse, le BTP déprimé et le commerce amoindri. En revanche, l’hôtellerie apparaît en forme.
•
Jean-Alain Frebault, représentant des îles Marquises est « démissionné d’office » par le haut-commissaire (24) sur plainte d’Yves Conroy (membre du Here Ai’a, parti de la majorité UPLD,- et candidat aux législatives de 2007). On lui reproche de cumuler son poste de représentant et celui de président du conseil d’administration de l’Office des Postes et Télécommunications, ce qui est illégal. Il a fait appel (suspensif) de cette décision devant le Conseil d’État. Trois autres représentants de la majorité sont menacés de la même sanction pour avoir cumulé des fonctions incompatibles (Temauri Foster, Teina Maraeura et Michel Yip).
•
Immigration incontrôlée : propos « inacceptables » d'Oscar Temaru, (26) ou problèmes de linguistique ? A la suite de la séance d'ouverture de la session budgétaire de l'Assemblée de la Polynésie française, le 21 septembre dernier, le président Temaru s'est exprimé en tahitien à propos de l'immigration incontrôlée, sur les ondes de RFO radio. Des propos que le parti Rautahi de Jean-Christophe Bouissou estime, mardi dans un communiqué, « inacceptables, insultants et xénophobes à l'égard de nos compatriotes métropolitains traités de "bons à rien et de détritus de toute espèce" ».
•
Lionel Jospin annonce qu’il se retire de la course à la présidentielle de 2007 (28). Prenant conscience qu’il ne parvenait pas à rassembler le PS autour de sa candidature, il veut éviter d’être un facteur de division supplémentaire.
•
Jacques Chirac en visite officielle en Arménie (30) pour rendre hommage aux victimes du génocide de 1915 – 1917 qui aurait fait plus de 1,5 million de morts. Le président de la République a clairement indiqué que la reconnaissance de ce génocide par la Turquie serait un préalable à son adhésion à l’Union européenne.
OCTOBRE •
Parti socialiste : Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius restent seuls en lice pour l’investiture du PS pour les élections présidentielles (3) après les retraits de Lionel Jospin, Jack Lang et François Hollande. Ségolène Royal est largement en tête dans les sondages. Le vote des « militants » est prévu pour le mois de novembre, mais l’arrivée massive de nouveaux membres du PS qui ont pu obtenir un droit de vote en payant simplement 20 euros sur Internet pourrait bousculer la donne.
•
Airbus reconnaît que son géant, l’A380, aura deux ans de retard dû à des problèmes de gestion industrielle. Le cours de l’action EADS s’effondre de 25 %.
•
Wall Street bat des records. L’indice est au plus haut depuis sept ans à 11 727 points.
•
Va’a (pirogue) : Triplé tahitien à Molokai (Hawaii). Trois équipes tahitiennes montent sur le podium. Shell va’a, premier, E’rai-Hititoa, second et Team Raromatai, troisième. Les Tahitiens renouent ainsi avec un succès historique obtenu en 1976 quand Te Oropaa, Tautira et Mataiea avaient déjà remporté les trois premières places de cette course mythique (8). Shell va’a se paie le luxe de battre le record de l’épreuve en 4h 46’04“ soit 4’ 27“ de moins que Lanikai en 2000.
•
La Corée du Nord procède à son premier essai nucléaire dans le Nord-Est du pays (8) provoquant une condamnation unanime de la communauté internationale.
•
Alain Juppé réélu maire de Bordeaux avec 56,24 % des suffrages (8). Toutefois, la participation n’était que de 44,1 %. L’ancien Premier ministre et fondateur de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) avait dû renoncer à ses fonctions de maire après sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs du RPR (Rassemblement pour le République) assortie d’une inéligibilité d’un an. Il avait passé cette année au Québec comme enseignant à l’École nationale d’administration. Dès son retour, la majorité du conseil municipal avait démissionné pour permettre l’organisation de nouvelles élections et le retour de l’ancien maire.
•
La justice sort du silence en Polynésie française (8). Le vice procureur de la République, Christophe Perruaux, délégué régional de l’Union syndicale de la magistrature, réfute officiellement les accusations de connivence de la justice locale avec Gaston Flosse et affirme son impartialité.
•
Papeete paralysée une nouvelle fois par des barrages à l’Est et à l’Ouest (12). Le syndicat O oe to oe rima de Ronald Terorotua, appuyé par les membres de l’ex-GIP et les transporteurs de Maeva Transport bloquent les voies d’accès à la capitale. Ils exigent des négociations avec le président Temaru qui reste introuvable. Ils protestent notamment contre « la vie chère ». Le haut-commissaire joue l’apaisement et la médiation tandis que la majorité UPLD réclame son intervention pour faire lever les barrages par la force. Ironie quand on connaît l’histoire des barrages dans le pays dont les indépendantistes sont tout de même les précurseurs et les spécialistes.
•
Le Turc Orhan Pamuk reçoit le prix Nobel de littérature (12). Il succède au Britannique Harold Pinter.
•
L’Islande reprend ses campagnes de chasse à la baleine après un moratoire de 16 ans. La Norvège et le Japon qui souhaitent eux aussi reprendre le massacre se sentent renforcés par cette décision.
•
Les Panaméens consultés par référendum votent à une très large majorité pour l’élargissement du canal de Panama.
•
Formule 1 : Michael Schumacher se retire à l’issue d’une carrière exceptionnelle (22). 16 ans de Formule 1 ; 7 titres de champion du monde ; 249 Grands prix courus ; 91 victoires.
•
Le surfeur Tahitien Michel Bourez sacré champion d’Europe senior aux Canaries (22).
•
Après presque deux semaines de tergiversations, les bloqueurs de Papeete, menés par Ronald Terorotua et Rere Puputauki, lassés par l’inefficacité de leur mouvement, investissent la présidence, le CESC et l’Assemblée de la PF (23). Mais, le haut-commissaire, Anne Boquet, décide de les déloger en envoyant 150 gardes mobiles. Tout se passe bien et sans violence à la présidence et au CESC,
mais, à l’APF, les manifestants (une centaine seulement) résistent et les forces de l’ordre emploient les gaz lacrymogènes. Un blessé est à déplorer dans les forces de l’ordre. • •
Nomination d’un consul de Chine à Tahiti (24), 41 ans après la fermeture du premier consulat à Fare Ute. Il s’agit de M. Chang Dong Yue. Oscar Temaru demande à nouveau l’indépendance et critique l’État français (24) à l’occasion du 37è Forum du Pacifique sud. Il demande la réinscription de la Polynésie française sur la liste de l’Onu des pays à décoloniser.
•
Forum du Pacifique sud : la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie accèdent au statut de membre associé (24). Les deux territoires français étaient jusqu’ici des membres observateurs.
•
Air Tahiti Nui fête les dix ans de sa création (28). La compagnie dont le déficit dépasse les 3 milliards de Fcfp, en profite pour procéder à une augmentation de capital de 1,8 milliard de Fcfp dont 1,5 milliard apportés par le Pays. ATN reçoit également une avance en compte courant d’associés de 1,25 milliard dont 1 milliard apporté par le Pays. Cette avance est en principe remboursable dans six à huit mois.
•
Francis Cabrel rassemble 6 000 personnes pour un super concert à To’ata (28).
•
Nouvelle baisse du chômage en France au mois de septembre. Le taux de chômage n’est plus que de 8,8 % après 20 mois consécutifs de baisse.
NOVEMBRE •
Air France abandonne ses B747 sur la ligne Paris – PPT au profit d’un A340, entre PPT et LAX, et d’un B777, entre Paris et LAX (2). Il faudra donc désormais changer d’avion à LAX. En revanche, la compagnie nationale française effectuera quatre liaisons hebdomadaires au lieu de trois. Le nombre de sièges offerts à l’année sur la ligne Paris – PPT diminue car les avions sont plus petits. Toutes ces mesures font partie d’un plan destiné à enrayer les déficits constatés par Air
France sur cette ligne (30 % en moyenne annuelle selon le responsable d’Air France à Papeete Jean-daniel Allouch). •
Shell Va’a remporte l’édition 2006 de la course Hawaiki Nui Va ‘a e n 9h35mn51s (cumul des trois étapes), 2ème Team OPT en 9h51mn31s, 3ème Tamarii Vairao en 9h58mn08s (3).
•
•
Premier sommet Chine - Afrique à Pékin (4). 41 dirigeants africains ont répondu à l’invitation chinoise pour la plus grande réunion diplomatique jamais organisée en Chine. Le commerce entre la Chine et l’Afrique atteint les 50 milliards de dollars, dix fois plus qu’il y a dix ans. Le président chinois, Hu Jintao, a promis de doubler l’aide de son pays à l’Afrique et d’éponger partiellement sa dette. En France, flambée de violences dans les banlieues où des bus sont brûlés.
•
Les prix du pétrole sont redescendus sous les 60 dollars le baril, mais cette embellie pourrait n’être que de courte durée.
•
Embrouillamini politique à Papeete : budget introuvable, absence de quorum à l’APF, bronca des quatre « îliens » qui négocient « secrètement » avec l’opposition, rumeurs de motion de censure (6).
•
Saddam Hussein condamné à mort par pendaison (6) à la suite de son procès pour génocide et crimes contre l’humanité. Une procédure d’appel a aussitôt été enclenchée conformément à la Constitution irakienne.
•
Le prix Goncourt 2006 est attribué à Jonathan Littel pour son roman Les Bienveillantes (Gallimard), mémoires d’un bourreau nazi homosexuel, de plus de 900 pages, plutôt controversé, mais qui a déjà été vendu à 300 000 exemplaires en France avant même d’avoir obtenu ce prix. Ce qui fait dire à certain qu’il a été choisi pour redorer le blason de l’Académie Goncourt. Les Bienveillantes avaient déjà obtenu le prix de l’Académie française. Lionel Lemonchois gagne la Route du Rhum, une course transatlantique en solitaire (7) sur son grand trimaran Gitana XI. Il pulvérise l’ancien record de Laurent Bourgnon (1998) en 7 jours, 17 heures, 19 minutes et six secondes soit 4 jours, 15 heures et 22 minutes de moins.
•
•
Les Nouvelles de Tahiti paraissent dans une nouvelle formule plus colorée et avec une maquette rénovée (9).
•
Un tableau de Gauguin, L’homme à la hache, est vendu aux enchères pour 3,84 milliards de Fcfp (40,3 millions de dollars) chez Christie’s à New York (9).
•
Aux Etats-Unis, les Démocrates remportent les élections législatives dites du mid-term (9). Ils obtiennent la majorité au Sénat (51 sièges sur 100) et à la Chambre des Représentants (229 sièges sur 435). La position du président George Bush est affaiblie. Son premier geste est de renvoyer son ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, très controversé.
•
Pia Hiro, ministre de la Santé du gouvernement Temaru démissionne avec fracas (10). L’ancienne ministre de Gaston Flosse, passée à l’UPLD au moment du taui n’en peut plus. On ne lui donne pas les moyens de travailler et, surtout, on ne respecte pas le personnel. La goutte d’eau fut, selon elle, quand, en plein conseil des ministres, Oscar Temaru lança « qu’il fallait foutre tous les médecins libéraux hors du pays », les accusant d’être à l’origine de la croissance des dépenses de santé et voulant les remplacer par des médecins chinois moins chers. Le hautcommissariat rappelle que l’exercice de la médecine est strictement réglementé en PF et que c’est encore l’État qui décide de l’équivalence des diplômes. Pia Hiro reproche aussi au président d’avoir taillé des coupes claires dans le budget de la prévention (déjà très réduit). Enfin, la ministre démissionnaire révèle que les débats du conseil des ministres ont lieu exclusivement en reo ma’ohi depuis le mois de juillet. Comme elle ne maîtrise pas cette langue, elle était de facto exclue des discussions. Pia Hiro est aussitôt remplacée (le jour même) par le Dr. Charles Tetaria, proche du président qu’il avait accompagné à Fidji où ils avaient étudié la possibilité d’envoyer les étudiants polynésiens se former à l’école de médecine de Suva.
•
Rugby : les All Blacks néo-zélandais écrasent l’équipe de France à Lyon par 47 à 3 lors du premier test-match de leur tournée européenne (11).
•
Politique : nouvelles tractations entre l’opposition autonomiste et certains membres de la majorité (les « îliens ») dans la perspective d’une motion de censure (13). Gaston Flosse doit limiter ses ambitions sous la pression. C’est Gaston Tong Sang, maire de Bora Bora, qui prend la direction des négociations et devrait être le candidat de l’opposition à la présidence du Pays en cas de motion
de censure réussie. Pour la première fois, le Fetia Api de Philip Schyle se joint aux négociations et apporte son soutien. •
Tonga : de violentes émeutes provoquent la destruction de 80 % de la capitale Nuku’alofa (15). On déplore aussi 6 morts. Les émeutiers reprochent au pouvoir de ne pas tenir les promesses démocratiques faites après la mort du roi Tupou IV. L’Australie et la NZ envoient un petit contingent militaire sur place.
•
Le Conseil économique, social et culturel (CESC) adopte à l’unanimité un rapport accablant pour l’État sur les conséquences des essais nucléaires (15).
•
Ségolène Royal remporte la primaire du Parti socialiste et devient son candidat officiel pour l’élection présidentielle de 2007 (16). C’est un véritable razde-marée des militants puisqu’elle obtient 60,6 % des voix contre 20,8 % à Dominique Strauss-Kahn et 18,5 % à Laurent Fabius. Oscar Temaru lui adresse un courrier de félicitations dans lequel il appelle à de nouvelles négociations avec l’État sur la base des « Accords de Tahiti Nui » préalables à l’indépendance.
•
Un Polynésien gagne 1,151 milliard de Fcfp à Euro Millions (18). L’enjeu total était de plus de 20 milliards de Fcfp pour ce douzième tirage sans gagnant. Les organisateurs avaient décidé de répartir cette cagnotte entre les gagnants du rang inférieur à 5 numéros et une étoile. Ils sont vingt à se partager le pactole.
•
Pierre Gemayel assassiné au Liban (21). Le fils de l’ancien président libanais, Amine Gemayel, était ministre de l’Industrie dans le gouvernement de Beyrouth. La Syrie est le principal suspect désigné par tous.
• •
Décès de l’acteur Philippe Noiret d’un cancer à l’âge de 76 ans (23). Huit agents travaillant pour la Direction de l’Environnement sont assermentés par le tribunal de Papeete pour constater les infractions à la législation sur la protection de l’environnement (23). Jusqu’à présent, cette réglementation pourtant assez stricte, n’était guère appliquée faute de moyens. C’est donc un progrès. Toutefois, les nouveaux agents n’ont pas le pouvoir de sanctionner directement, mais seulement de constater les infractions et de transmettre à leur Direction, laquelle transmettra (ou pas) au procureur de la République.
•
Annulation surprise du Festival du film romantique de Bora Bora organisé par Passions Productions, une société dirigée par Pascale Fortunat (24). Une semaine avant l’ouverture prévue du Festival, le gouvernement interdit la manifestation et retire l’aide qu’il avait promise. Aucune raison précise n’est évoquée, mais on parle de rumeurs accusant Passions Productions de manque de sérieux. La décision aurait été prise au pus haut niveau par Oscar Temaru. L’organisatrice réclame 100 millions de Fcfp de dommage et intérêts.
•
Nicolas Sarkozy se déclare officiellement candidat à l’élection présidentielle de 2007 (29) dans une interview publiée dans plusieurs dizaines de quotidiens régionaux. Toutefois, une fuite a permis à Libération de publier cette interview en avant-première sur son site Internet.
DÉCEMBRE •
Toute l’année 2006 a été marquée par le débat sur le changement climatique (réchauffement dû à l’effet de serre provoqué par les activités humaines, les émissions de gaz notamment, et susceptible d’entraîner des conséquences dramatiques sur la stabilité du climat, les catastrophes, le niveau des mers, la désertification, etc.). Le film de l’ancien vice-président américain, Al Gore, Une vérité qui dérange, fait un tabac mondial. En décembre, un sondage révèle que 10 % des Français seraient prêts à voter pour Nicolas Hulot, qui n’est pas encore candidat déclaré aux élections présidentielles. L’écologie, dont le célèbre animateur est devenu une icône, est devenue un enjeu majeur de la politique française et internationale.
•
Henri Flohr (ex maire Tahoeraa Huiraatira d’Hitiaa O Te Ra) revient au conseil municipal de Papenoo (3). A l’occasion d’élections municipales partielles dans la section de commune d’Hitiaa O Te Ra organisée à la suite du décès d’un conseiller municipal et de la démission de cinq autres, il remporte la majorité absolue dès le premier tour (56,4 % des suffrages exprimés pour une participation de 76 %). Le candidat de l’UPLD au pouvoir dans le pays, Gilles Tefaatau (ministre des Affaires foncières) est nettement battu. Le Tahoeraa Huiraatira estime que cette partielle a valeur de test global d’autant plus que le candidat UPLD a bénéficié du soutien des plus hautes personnalités de son camp (Oscar Temaru est venu en personne, ainsi que le vice-président Jacqui Drollet qui est lui-même de cette commune). Mais, de son côté, l’UPLD minimise la victoire
•
d’Henri Flohr dont le score a baissé par rapport à 2001 (60 %). Henri Flohr avait été écarté de la politique pendant trois ans à la suite d’une condamnation pour abus de biens publics avec une peine d’inéligibilité de cinq ans, réduite à trois ans en juillet 2006 par la Cour d’appel de Papeete. Coup d’État à Fidji (6) L’armée, sous les ordres du commodore (vice-amiral) Frank Bainimarama, dépose le gouvernement dirigé par Laisenia Qarase et nomme un ancien médecin militaire de 77 ans, Jona Senilagakali à sa place. L’opération se fait sans effusion de sang. L’armée reprochait, notamment, au gouvernement de vouloir amnistier les auteurs du coup d’État de 2000 (George Speight et ses complices). Concert de protestations dans la région et annonce de fermes sanctions économiques mais pas d’intervention militaire de la part de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande comme c’est le cas dans d’autres endroits de la région (Salomon, PNG, Timor oriental, Tonga…).
•
Dépôt d’une motion de censure à l’Assemblée de la PF (11). La plateforme autonomiste a réussi à réunir 29 représentants dont deux des « îliens » qui avaient pourtant voté le budget avec la majorité. Gaston Tong Sang a été désigné comme leader de ce mouvement par le Tahoeraa Huiraatira et accepté par ses partenaires. En revanche, l’après motion semble très flou.
•
Mort du général Augusto Pinochet (91 ans), ancien dictateur du Chili de 1973 à 1990. Pinochet quitte la scène sans avoir été jugé (11).
•
Zinedine Zidane effectue un pèlerinage triomphal en Algérie où il est accueilli et fêté comme un demi-dieu. Accompagné de ses parents, « le plus grand joueur de football de l’histoire », a partout déchaîné la passion des foules, notamment dans sa région d’origine. Visiblement, le coup de boule de la Coupe du Monde n’a pas terni l’image du fils prodige.
•
En Belgique, la télévision nationale de service public, la RTBF, interrompt ses programmes pour une édition spéciale annonçant l’indépendance de la Flandre et la disparition de la Belgique en tant qu’État et nation. Il s’agit en réalité d’un canular organisé de façon très professionnelle pendant plusieurs minutes. Ce canular a choqué les Belges qui ont été nombreux à y croire.
•
Vote de la motion de censure à l’APF (14). Les représentants de la « majorité » UPLD étaient absents et le débat n’a pas dépassé une heure. Le samedi 16 à
minuit, deux candidatures avaient été déposées : Oscar Temaru et Gaston Tong Sang. L’élection est prévue pour le jeudi 21. •
Nouvelle-Calédonie : le corps électoral de 1998 gelé par l'Assemblée nationale (15). Les députés ont adopté à une large majorité le projet de loi constitutionnelle sur le gel du corps électoral pour les élections provinciales.
•
Gaston Tong Sang, 57 ans, élu président de la Polynésie française (26) par 31 voix contre 26 à Oscar Temaru au second tour de scrutin. Au premier tour, il avait obtenu 27 voix, Oscar Temaru 26, et 4 bulletins blancs, ceux des « îliens » (Temauri Foster, Michel Yip, Teina Maraeura - Tuamotu, Jean-Alain Frebault – Marquises) qui voulaient montrer une fois encore leur pouvoir de nuisance. GTS a prononcé un discours programme d’une heure et demie, tandis que O. Temaru s’est contenté d’un discours politique d’une demi heure. A l’issue du scrutin, le président déchu a crié à la « mascarade » et au « complot de l’État colonial UMP ». Il annonce un raz-de-marée Ségolène Royal aux présidentielles en PF.
•
L’année s’achève en Polynésie française avec la présentation d’un nouveau gouvernement par le président Gaston Tong Sang. C’est le quatrième gouvernement en quatre ans (29). Il est composé de 15 ministres dont trois étaient déjà membres du gouvernement sortant : − Vice-président, ministre du Développement communal, chargé de la Politique de la ville : Temauri Foster (groupe des « îliens ») − Ministre de l'Économie et de l'Emploi, de l'Énergie, de la Formation professionnelle, du Commerce, de l'Industrie et des PME, chargé du Dialogue social : Teva Rohfritsch (Tahoeraa Huiraatira) − Ministre des Finances et de la Fonction publique : Armelle Merceron (Tahoeraa Huiraatira) − Ministre du Développement des archipels, des Transports interinsulaires et des Énergies renouvelables : Moehau Teriitahi (groupe des « îliens ») − Ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche : Tearii Alpha (Tahoeraa Huiraatira) − Ministre de la Santé, chargé de la Prévention : Jules Ienfa (Tahoeraa Huiraatira) − Ministre du Logement et de la Famille :
Madeleine Brémond (Tahoeraa Huiraatira) − Ministre de l'Équipement, des Ports, des Aéroports, et de l'Établissement des grands travaux : Louis Frébault (groupe des « îliens ») − Ministre du Tourisme et de l'Environnement : − − − − −
Maina Sage (Rautahi) Ministre de l'Agriculture et de la Pêche : Frédéric Riveta (Tahoeraa Huiraatira) Ministre des Affaires foncières, de l'Aménagement et de l'Urbanisme : Luc Faatau Ministre de la Culture et de l'Artisanat : Natacha Taurua (Ai’a api) Ministre des Postes, des Communications électroniques et de la Perliculture : Michel Yip (groupe des « îliens ») Ministre de la Jeunesse et des Sports :
Clarentz Vernaudon (Ai’a api) − Ministre des Transports terrestres, chargé du Port autonome de Papeete et des Aéroports sous concession : Moana Blanchard (Rautahi) L’entrée en fonction de ce nouveau gouvernement est obscurcie par une colère de Hiro Tefaarere, secrétaire général et numéro 2 du Ai’a api et représentant à l’APF, qui annonce son retrait de la plate-forme autonomiste majoritaire. Il laisse ainsi planer un sérieux doute sur la longévité de ce nouveau gouvernement. La majorité de 31 voix à l’APF qui a élu Gaston Tong Sang est déjà réduite à 30, alors que la majorité absolue indispensable pour gouverner est de 29. La marge de manœuvre du président est donc extrêmement étroite. Hiro Tefaarere reproche au président d’avoir trop accordé aux « îliens » issus de l’ancienne majorité (4 ministères contre deux seulement au Ai’a api). Il critique aussi violemment l’attitude irrespectueuse des « îliens » qui auraient investi leurs ministères avant même l’annonce officielle de leur nomination. •
Saddam Hussein est exécuté par pendaison le 30 à l’aube à la suite de la confirmation de sa condamnation pour crimes contre l’humanité par la Cour d’appel.
Patrick Schlouch
RETOUR EN GRÂCE POUR L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE On pourrait difficilement trouver des opinions publiques plus anti-nucléaires que dans le Pacifique sud. Pendant un demi siècle, à partir des années 1940, les peuples océaniens ont eu à subir chez eux les conséquences des expériences atomiques américaines, anglaises, puis françaises. Il s’en est suivi, dans cette région du monde, un mouvement d’opposition viscérale à tout ce qui a trait au nucléaire. Malgré cela, le Pacifique sud n’échappe pas au phénomène mondial du retour en grâce de l’atome. Dans les années 1980, la Nouvelle-Zélande alla jusqu’à interdire ses ports aux bâtiments à propulsion atomique, provoquant ainsi une rupture de ses relations militaires avec les États-Unis dont les conséquences furent dramatiques pour le système de défense kiwi. L’Australie n’était pas en reste. La virulence antinucléaire de ses médias, notamment à l’égard de la France, n’avait rien à envier aux gesticulations parfois hystériques de leurs homologues néo-zélandais, fidjiens, papous ou autres. Cet état d’esprit s’exprimait dans un climat de grande hypocrisie puisque, depuis la fin des années 1970, l’Australie était devenue l’un des principaux fournisseurs mondiaux d’uranium, matière première indispensable à la production d’énergie nucléaire, civile ou militaire, dont elle tirait de confortables revenus. Le traité de Rarotonga (signé dans la capitale des îles Cook, en 1985, par treize pays) visait à faire du Pacifique sud une zone dénucléarisée, comme l’étaient déjà l’Amérique latine et l’Antarctique. Il ne le fut réellement qu’en 1996, quand la France ajouta finalement sa signature à ce traité après l’arrêt définitif de ses essais en Polynésie française.
Un choix inévitable pour l’Australie Néanmoins, à partir du début des années 1990, une nouvelle tendance apparaît. On prend peu à peu conscience de la précarité des ressources pétrolières mondiales et des graves périls écologiques liés à l’effet de serre et au réchauffement du climat. Dès 1991, alors que les bombes atomiques françaises continuent d’être testées à Moruroa et Fangataufa, le prince héritier de Tonga (le seul pays insulaire océanien à ne pas avoir signé le traité de Rarotonga) fait scandale en déclarant ouvertement qu’il souhaiterait installer une centrale nucléaire dans le royaume pour garantir son indépendance énergétique, estimant cette énergie particulièrement bien adaptée aux
besoins de son pays. « C'est propre et bon marché, explique-t-il. Il n'y a aucun souci à se faire en ce qui concerne les déchets radioactifs qui seraient réexportés et recyclés dans d'autres réacteurs. La crainte d'une atteinte à l'environnement par une telle centrale n'a aucun fondement si ce n'est l'ignorance ». La même année, le président du Parti national au pouvoir en Nouvelle-Zélande exprime des idées similaires, considérant que son pays devra inéluctablement se tourner vers le nucléaire pour satisfaire ses besoins sans cesse croissants en énergie. Quinze ans plus tard, ce mouvement a pris de l’ampleur. Dans un récent rapport du gouvernement australien, on peut lire que l’Australie aurait le plus grand intérêt à ne plus exporter son uranium, mais plutôt à l’utiliser elle-même pour alimenter sa propre industrie nucléaire, limitant ainsi ses émissions de gaz à effet de serre. Au mois de mai dernier, le Premier ministre, John Howard, surprenait tout le monde en déclarant publiquement que l’énergie nucléaire était « un choix inévitable » pour l’Australie. Cette vague d’opinion favorable à l’énergie nucléaire pour lutter contre les changements climatiques, submerge de nombreuses régions du monde. Mais, elle provoque en même temps de nouvelles inquiétudes. On craint surtout la prolifération des bombes si les éléments nécessaires à leur fabrication deviennent plus largement et facilement disponibles. Parmi les pays développés, l’Australie est un cas particulier en matière de ressources énergétiques. Elle possède 38 % des réserves mondiales d’uranium, mais elle produit son électricité à partir du charbon (80 %) et du gaz. Une étude officielle publiée en 2006, a montré que ce pays pourrait quadrupler ses revenus s’il exportait de l’uranium enrichi plutôt que l’oxyde d’uranium qu’il vend principalement aux ÉtatsUnis, à la France et au Japon. La même étude recommandait la création d’une industrie nucléaire civile, avec la mise en service d’un premier réacteur vers 2020 et le lancement d’un programme de construction de 25 autres à l’horizon 2050. Un tel réseau serait capable de fournir le tiers des besoins nationaux en électricité et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 20 %. Cette étude a profondément divisé les Australiens. Leur Premier ministre a admis que l’électricité d’origine nucléaire leur coûterait 50 % plus cher que l’électricité produite en brûlant du charbon. John Howard précisait que cette nouvelle source d’énergie ne pourrait être compétitive que sous réserve de prendre en compte les coûts réels induits par les émissions de gaz à effet de serre des centrales thermiques, c’est-à-dire à condition de taxer ces émissions, une mesure qu’il a pour l’instant rejetée.
Renaissance nucléaire Dans le monde, de nombreux pays construisent des centrales nucléaires, ou projettent de le faire. À tel point que les observateurs spécialisés évoquent un phénomène de « renaissance nucléaire ». Des réacteurs sont actuellement en construction dans treize pays. Dans d’autres, comme les États-Unis et le Royaume uni, les autorités préparent le terrain pour faciliter le lancement de nouveaux projets. Certains États européens traînent des pieds pour dénucléariser, comme ils l’avait promis vers la fin des années 1990 sous la pression des lobbies écologistes. L’énergie nucléaire avait fait l’objet d’un profond rejet dans l’opinion mondiale après l’accident de Three Mile Island (Etats-Unis) en 1979 et surtout celui de Tchernobyl (Union soviétique) en 1986. Le débat actuel porte sur la sécurité et le coût des centrales nucléaires, la protection de l’environnement et sur la garantie des approvisionnements extérieurs en matériaux fissiles. Les spécialistes affirment que les centrales modernes sont plus sûres. Les cahiers des charges et les contrôles sont aussi beaucoup plus stricts. Les autorités finlandaises, par exemple, ont exigé d’Areva, une entreprise française chargée de construire un réacteur en Finlande, qu’il soit capable de résister à un crash d’avion. On assiste également à l’émergence d’un consensus international à propos du stockage souterrain comme étant le meilleur moyen de disposer des déchets. D’un point de vue économique, on estime généralement que l’énergie nucléaire produit l’électricité la moins chère (à l’exception du charbon quand il est abondant et facilement exploitable comme c’est le cas en Australie). En réalité, le coût des centrales est souvent lourdement grevé par des imprévus (retards dans la construction, dépassements de budget, pannes…). C'est justement le cas en Finlande, où le premier exemplaire de réacteur nouvelle génération EPR (European Pressurized Reactor) construit par Areva a déjà pris dix-huit mois de retard dont le coût est estimé à près de 700 millions d'euros. La France est le pays le mieux équipé du monde en réacteurs nucléaires qui produisent environ 80 % de son électricité. Patrick Schlouch Punaauia, le 2 janvier 2006 © Tous droits réservés
2 % DES ETRES HUMAINS POSSÈDENT 50 % DE LA RICHESSE MONDIALE Qu’est-ce que la richesse ? Le concept est différent de celui de revenu. Celui-ci se définit comme le flux d’argent qu’un individu ou un ménage perçoivent chaque année. La richesse est l’ensemble des possessions accumulées, moins les dettes. Qui est riche ? Êtes-vous riche ? La notion de richesse est absolument relative. Ne sommes-nous pas toujours le riche de quelqu’un, et le pauvre d’un autre ? L’évaluation de la richesse des personnes et des ménages est beaucoup plus ardue que la comptabilité de leurs revenus. À tel point que cette évaluation n’avait pratiquement jamais fait l’objet d’études. Le rapport que vient de publier le World Institute for Development Economics Research (WIDER), un établissement spécialisé dans la recherche sur le développement économique dont le siège est à Helsinki (Finlande), cherche à combler cette lacune. L’ambition du WIDER était de mesurer la répartition des richesses personnelles (argent, biens immobiliers, biens mobiliers durables, bétail, etc.) dans le monde aux alentours de l’an 2000. Handicapés par un cruel manque de données, les chercheurs ont largement usé de l’extrapolation. Néanmoins, leur rapport nous livre quelques éléments intéressants, susceptibles de nous aider à mieux nous situer sur la longue lignée de la richesse ou de la misère humaines. Si vous lisez cette chronique sur votre ordinateur, cela signifie déjà que vous faites, au minimum, partie de la moitié la plus riche de l’humanité. Vous comptez, probablement, parmi les 20 %, ou même moins, des êtres humains les plus privilégiés. Le rapport du WIDER nous apprend en effet que 50 % des êtres humains (soit plus de 3 milliards d’individus), les plus pauvres, possèdent chacun, en moyenne, moins de 2 160 dollars US (1 660 euros). À l’autre bout de la chaîne, pour compter parmi le 1 % le plus riche de l’humanité (soit environ 37 millions d’adultes), il faut avoir la chance de posséder au moins l’équivalent de 515 000 dollars (395 778 euros). Plus de la moitié de la richesse mondiale est détenue par seulement 2 % des êtres humains adultes. Cette répartition équivaut à une société dans laquelle une personne sur dix posséderait 1 000 euros et chacune des neuf autres, seulement 1 euro.
De nombreuses personnes vivant dans les pays pauvres ne possèdent presque rien. Mais, il est paradoxal de noter que pas mal de gens dans les pays riches possèdent encore moins : leurs dettes sont supérieures à leurs actifs. Par exemple, la valeur de la richesse collective de la moitié la plus pauvre des Suédois est négative. Patrick Schlouch Punaauia, le 5 janvier 2006 Richesse minimum nécessaire pour faire partie des : 50 % plus riches 40 % 30 % 20 % 10 % 5% 1%
2 161 $ 3 517 $ 6 318 $ 14 169 $ 61 041 $ 150 145 $ 514 512 $
Source : World Institute for Development Economics Research
© Tous droits réservés
REINS À VENDRE ? Au fur et à mesure que les populations des pays riches vieillissent et engraissent, les insuffisances rénales se multiplient et les files d’attente s’allongent pour obtenir une greffe de rein. Aux Etats-Unis, le nombre de patients augmente de 7 % par an et plus de quatre mille personnes sont mortes en 2005 faute d’avoir trouvé un donneur. Cette situation incite les médecins à transplanter des reins plus vieux ou en moins bon état, tandis que les malades désespérés se tournent de plus en plus vers un trafic international en plein essor, mais dangereux et souvent sordide. La plupart des États interdisent le commerce des organes humains. Les insuffisants rénaux ayant besoin d’une greffe dépendent largement, pour leur survie, de la compassion et de la générosité de proches qui acceptent de sacrifier un de leurs reins de leur vivant, ou de personnes décédées ayant préalablement autorisé le prélèvement de leurs organes. Dans quelques pays (Espagne, Belgique, Autriche et Singapour), cette autorisation est désormais présumée, mais l’offre de reins y reste malgré tout très insuffisante. Les patients qui en ont les moyens n’hésitent plus à acheter illégalement l’organe tant convoité à des personnes pauvres, prêtes à vendre un de leurs reins contre espèces sonnantes et trébuchantes. Malheureusement, les conditions de ce trafic sont déplorables. Les vendeurs de reins ne bénéficient d’aucun suivi médical après une opération généralement bâclée, les acheteurs contractent souvent des maladies graves comme le sida ou l’hépatite. Le cas iranien Étrangement, l’Iran ignore ces difficultés sanitaires, le commerce des reins y est légal. L’Association iranienne des insuffisants rénaux (AIIR), reconnue par l’État, contrôle et supervise les transactions. Les donneurs perçoivent entre 2 000 et 4 000 dollars (1 540 à 3 080 euros) et il n’y a plus de liste d’attente. Officiellement, l’AIIR affirme que la vente de reins est exceptionnelle et que les autorités religieuses encouragent les transplantations volontaires gratuites. Elle ajoute que l’effroyable insécurité routière qui frappe l’Iran fournit chaque année plus de 27 000 cadavres, jeunes pour la plupart, sur lesquels prélever les organes voulus. Pourtant, l’AIIR verse systématiquement 1 200 dollars (920 euros) à chaque donneur de rein. Et il est notoire que, dans la pratique, le commerce « de gré à gré » est largement répandu. Il s’agit pour le vendeur d’obtenir, directement du patient, un supplément par rapport à la prime de l’AIIR, supplément dont le montant est fixé par les lois du marché, de l’offre et de la demande.
Il suffit de placer une petite annonce dans le journal local pour rechercher un rein. Un donneur (ou plutôt un vendeur) se présente généralement dans les jours qui suivent. Les dangers du marché noir On peut être choqué à l’idée d’un tel commerce. Il existe pourtant déjà bel et bien un marché international légal des organes des personnes décédées sur lequel des sociétés font des profits confortables, mais les individus en sont exclus. Quoi qu’il en soit, l’Iran a résolu un grave problème de santé publique auquel les pays développés et riches sont toujours plus cruellement confrontés. Aux Etats-Unis, le délai d’attente pour une transplantation rénale est actuellement de cinq ans. Il était inférieur à un an dans les années 1980. Pour les médecins, la pénurie de donneurs est d’autant plus frustrante que le rein est l’organe que l’on transplante le mieux. S’il bénéficie d’un suivi médical correct, le donneur ne sacrifiera pratiquement rien de son espérance de vie. La greffe est aussi bénéfique d’un point de vue économique. Le coût d’une transplantation et de son suivi médical perpétuel équivaut à celui de trois ans de dialyse. La durée de vie moyenne d’un rein donné par une personne vivante est de vingt-deux ans, et de quatorze ans quand il a été prélevé sur un cadavre. Le marché noir qui se développe rapidement partout dans le monde a des effets pervers dramatiques. Les riches patients, qui se précipitent en Afrique ou en Asie pour acheter le rein qui leur sauvera la vie, en reviennent souvent atteints de maladies incurables ou transplantés de greffons incompatibles avec leur propre organisme. Dans une récente affaire de trafic qui fait les gros titres de la presse en Afrique du Sud, des Brésiliens pauvres ont été transportés à Durban (Afrique du Sud) où ils ont vendu leurs reins à des clients payants, des Israéliens pour la plupart. Un homme d’affaires israélien avait organisé cette opération de grande envergure : la transplantation illégale d’au moins cent reins. Des médecins sud-africains ont été mis en examen pour fraude et commerce illégal de corps humains. Leur procès est en cours. Le cerveau de ce trafic s’est réfugié en Allemagne. Les vendeurs brésiliens avaient été recrutés dans les favellas. On leur avait promis de l’argent et un suivi médical sérieux. Les spécialistes font observer que, tant qu’il y aura des patients déterminés à se procurer un rein à tout prix et des êtres humains assez désespérés pour vendre un des leurs, il sera impossible d’empêcher tout commerce. Il serait plus avisé, selon eux, de le réglementer que de le confiner dans la clandestinité.
LE BHOUTAN, UN EXEMPLE POUR LE MONDE ? « Nous vivons des jours heureux. C’est vraiment super d’être bhoutanais ! ». Ainsi concluait l’éditorialiste de Kuensel, le principal média bhoutanais, pour commenter, le 21 décembre dernier, la transmission de la couronne au prince héritier, Sa Majesté Jigmé Khesar Namgyel Wangchuck, devenu roi du Bhoutan quelques jours plus tôt par la volonté de son père. Au-delà de l’enthousiasme de circonstance attendu d’un organe de presse officiel, on sent dans cette phrase un réel sentiment de fierté et de bonheur. Pour qui connaît, même un tout petit peu, le Bhoutan, il ne fait aucun doute que cette opinion soit partagée par l’immense majorité des Bhoutanais qui vouent une adoration à leur monarque et à sa famille. Que se passe-t-il dans ce minuscule royaume de l’Himalaya, blotti au cœur de l’immense continent asiatique, un peu comme la glande pinéale est cachée au centre de notre cerveau ? Nous avons certainement beaucoup à apprendre de ce petit peuple oublié pendant des siècles, mais dont la profonde sagesse est avec bonheur en passe d’imprégner l’Humanité, bien qu’à dose homéopathique. Il faudra beaucoup de cette sagesse à la société bhoutanaise, et de courage aussi, pour encaisser sans trop de souffrance ni de dégâts les chocs violents qui lui sont assénés à un rythme de plus en plus soutenu. À grandes enjambées, le Bhoutan progresse vers la modernité et accélère la cadence. Petit pays pétri de bouddhisme tibétain, totalement isolé pendant des siècles, le Bhoutan s’ouvre au monde. Il n’avait pas le choix. La mondialisation n’épargne aucune région, même la plus reculée. Elle produit ses effets partout, les bons comme les plus constestés. Sa Majesté Jigmé Singyé Wangchuck, 51 ans, quatrième roi du Bhoutan, a parfaitement observé cette situation. Il a compris qu’il fallait s’y adapter, en tirant le meilleur profit de ses aspects positifs, tout en sauvant l’essentiel. En 1998, il a spontanément renoncé à son pouvoir absolu au profit de son peuple. Il a décidé de doter le Bhoutan d’une Constitution. Il a annoncé que le pays allait devoir se moderniser et s’ouvrir encore davantage, mais dans le respect des valeurs culturelles et religieuses traditionnelles. Les Bhoutanais ont été profondément bouleversés. Ce peuple est extrêmement attaché à son roi et à son mode de vie ancestral. Le Bhoutan est le seul pays au monde, dont le bouddhisme Vajrayana soit la religion officielle. Mais, c’est aussi un peuple jeune, curieux du monde qui l’entoure, impatient de le découvrir et surtout d’échanger.
Le 15 décembre 2006, le roi a finalement abdiqué en faveur de son fils, Sa Majesté Jigmé Khesar Namgyel Wangchuck, 27 ans, cinquième roi du Bhoutan. La Constitution entrera en vigueur en 2008. La transition de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle aura duré dix ans. Le Bonheur National Brut Dans les années 1990, Sa Majesté Jigmé Singyé Wangchuck s’était fait remarquer grâce à une formule devenue célèbre. Ce roitelet, sorti de nulle part, avait un jour réveillé l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, en affirmant haut et fort que le Bonheur National Brut (BNB) était plus important que le Produit National Brut (PNB). Il rappelait simplement que la quête du bonheur dépasse la seule poursuite des richesses matérielles. Habile « petite phrase », expression à l’usage des médias, on a souri. Pourtant, le concept de BNB ne se résume pas à un gadget diplomatique. C’est un vrai principe de gouvernement auquel on s’intéresse de plus en plus, un peu partout dans le monde. Il est en tout cas très sérieusement considéré au Bhoutan où un membre du gouvernement est officiellement chargé du BNB. Le Centre des Hautes Études Bhoutanaises, un institut de recherche, a établi une liste (non exhaustive) de neuf indicateurs destinés à mesurer le BNB d’un pays ou d’une population. Il s’agit de : -
la qualité de la vie (mais comment la mesurer ?) ;
-
l’état de santé des populations ;
-
leur niveau d’éducation ;
-
la vitalité de l’écosystème et sa diversité ;
-
la richesse et le dynamisme culturels ;
-
l’équilibre dans l’utilisation du temps ;
-
une bonne gouvernance ;
-
une vie sociale riche et animée ;
-
et le bien-être émotionnel (là encore, quelle est l’unité de mesure ?).
Un vrai monarque Sa Majesté Jigme Khesar Namgyel Wangchuck est donc le nouveau Druk Gyalpo (roi du Bhoutan), cinquième de la dynastie des Wangchuck qui règne depuis un siècle. Il a prononcé son premier discours devant la nation le 17 décembre, deux jours seulement après avoir reçu de son père la responsabilité du pouvoir. Une ère s’achève pour le Bhoutan. Mais, c’est surtout un nouveau chapitre historique qui s’ouvre sous les meilleurs auspices parce qu’il a été très bien préparé. La clarté
profonde des idées exprimées par le jeune souverain a rassuré les élites et le peuple qui l’ont reconnu comme un vrai monarque, digne de sa prestigieuse lignée. Il personnifie désormais l’avenir du royaume. Les Bhoutanais sont confiants mais ils pressentent que son règne connaîtra des turbulences et que le jeune monarque devra faire face à des difficultés sans commune mesure avec celles de ses prédécesseurs sur le trône. « La route vers le Bonheur National Brut sera jonchée d’obstacles, prévenait Kuensel. Le Druk Gyalpo, le gouvernement et le peuple devront franchir de nombreuses épreuves. La mondialisation est une force qui doit être maîtrisée. (…) L’équilibre entre les vieilles traditions et les nouvelles tendances est plus fragile que jamais. » Coca Cola boit le bouillon La réalité souvent cruelle de cette mondialisation s’est manifestée plus vite et plus brutalement que prévu. La société Bhutan Beverages Company Limited (BBCL), distributeur de Coca Cola au Bhoutan, vient de déposer son bilan. Elle avait été créée il y a moins de cinq ans, en juin 2002. Sa faillite ruine près de 5 000 petits actionnaires naïfs qui avaient investi leurs économies dans le prestige et la sécurité d’une marque symbolisant pour eux le capitalisme triomphant. Le choc est rude pour les Bhoutanais qui découvrent à leurs dépens les risques des placements financiers et de la jungle du business international. Si le géant Coca Cola a pu s’effondrer aussi facilement, qu’en sera-t-il d’enseignes et d’entreprises moins célèbres ? La jeunesse en première ligne Le Bhoutan attend beaucoup de sa jeunesse. Elle devra trouver des solutions inventives aux nouveaux problèmes qui le menacent. Mais, cette jeunesse doit d’abord apprendre à connaître son propre pays, ses traditions, ses modes de vie et son patrimoine uniques. Tout cela constitue en effet les meilleurs atouts pour le développement social, économique et culturel du royaume. Le Bhoutan a la chance de bénéficier d’une image très positive, à tous les points de vue, écologique en particulier. Le prestige croissant du bouddhisme tibétain dans le monde entier (y compris en Chine communiste) est aussi un élément décisif. Un nombre grandissant d’adeptes recherche des maîtres et des instructeurs dans des domaines où les Bhoutanais sont spécialistes. Ils sont donc nombreux à parcourir la planète pour diffuser la précieuse doctrine du Véhicule de Diamant. Les plus illustres universités, les écoles les plus renommées les réclament. On aimerait surtout savoir de quelle manière le bouddhisme pourrait contribuer au progrès d’un monde en paix.
Les Bhoutanais s’enrichissent eux-mêmes d’une connaissance et d’une expérience bien utiles à leur retour dans leur pays. Ils reviennent aussi souvent avec de l’argent, des soutiens financiers pour des activités religieuses ou sociales et pour des opérations de préservation culturelle ou écologique. L’influence bhoutanaise, nourrie de compassion, de sagesse et de non-violence, s’exerce progressivement dans tous les milieux des sociétés modernes. Un contrepoids bienvenu aux excès d’autres mouvements prétendument spirituels. Et, peut-être, un exemple pour tous les peuples cruellement tiraillés entre tradition et modernité. Patrick Schlouch Punaauia, le 13 janvier 2006
Le chantre du Bonheur National Brut Sa Majesté Jigme Singye Wangchuck, quatrième roi du Bhoutan, est né le 11 novembre 1955. Il a accédé au trône en 1972, à l'âge de 17 ans, après la mort de son père, Jigme Dorji Wangchuck. Il a été couronné le 2 juin 1974 lors d'une cérémonie à laquelle des dignitaires étrangers avaient été invités, marquant ainsi la fin d'une longue période d'isolement du pays. Il a été éduqué au Bhoutan et en Angleterre. Jigme Singye Wangchuck a poursuivi la politique de son père en faveur d’un équilibre entre modernisation et préservation de la culture traditionnelle. En 1988, il a instauré le Driglam Namzha (Etiquette et Bonnes manières) qui impose à tous les citoyens de porter le vêtement traditionnel en public et l'apprentissage du dzongkha (la langue nationale) dans les écoles. En 1998, il a spontanément renoncé à son pouvoir absolu et annoncé l’avènement d’une monarchie constitutionnelle. En 2003, il a organisé la première campagne militaire bhoutanaise depuis plus d'un siècle pour expulser les séparatistes de l’Assam qui utilisaient le territoire bhoutanais pour lancer des raids contre leurs cibles en Inde. Des campagnes ont également été menées contre des séparatistes népalais dans le Sud du pays. Le roi adopte un style de vie simple, préférant travailler dans une petite cabane en bois hors de Thimphu (pron. Tim’pou) la capitale, plutôt que dans le dzong (palais – forteresse) officiel. Mari de quatre princesses ravissantes, quatre sœurs, Jigme Singye Wangchuck a dix enfants (cinq fils et cinq filles) dont son fils aîné, le prince Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, en faveur de qui il vient d’abdiquer le 15 décembre 2006.
Le cinquième roi du Bhoutan n’a que 27 ans Sa Majesté Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, né le 21 février 1980, nouveau Druk Gyalpo, roi du Bhoutan, est le cinquième de la dynastie Wangchuck. Il est le fils aîné du précédent roi, Sa Majesté Jigme Singye Wangchuck, et de sa troisième épouse, Son Altesse Royale la princesse Ashi Tshering Yangdon (née le 29 décembre 1957). Il a une sœur et un frère ainsi que quatre demi-sœurs et trois demifrères nés des trois autres épouses de son père. Il n'est pas marié. Après avoir reçu une formation de base au Bhoutan, le jeune roi est parti étudier aux États-Unis, puis à Oxford (Angleterre) où il a obtenu un diplôme en relations internationales et en science politique.
Le Bhoutan en bref •
Royaume de 47 000 km2 situé dans l’Himalaya entre la Chine au Nord et l’Inde au Sud.
•
Religion officielle : le bouddhisme tibétain Vajrayana
•
Population : la CIA (Central Intelligence Agency) l’estime à 2,3 millions en 2006. Pourtant, le gouvernement ne recense officiellement que 810 000 Bhoutanais. Ceci provient du fait qu’une grande partie de la population vivant au Bhoutan est constituée de réfugiés népalais fuyant leur pays pour des raisons principalement politiques (dictature et guérilla maoïste).
•
PNB par habitant évalué à seulement 1 500 dollars en 2007 (p.m. France 37 000, Polynésie française 20 000), mais en progression solide et constante depuis dix ans (+160 %).
•
Économie : fondée sur l'agriculture (laquelle occupe 90 % de la population), l'exploitation forestière, et la vente à l'Inde d'électricité d'origine hydraulique. Le tourisme se développe rapidement.
•
BNB (Bonheur National Brut) : Nettement au-dessus de la moyenne mondiale.
http://www.kuenselonline.com/
Le nouveau roi du Bhoutan
© Tous droits réservés
Son père, avec ses quatre épouses
LA PRODUCTION D’OPIUM EN PLEIN BOOM EN AFGHANISTAN Les Talibans étaient parvenus à réduire la culture du pavot en Afghanistan au point de la faire pratiquement disparaître. Un tout récent rapport commandé par la Banque mondiale et le Bureau des Nations unies sur les Drogues et la Prévention du Crime montre à quel point la production d’opium s’est développée à partir de 2001, après que les Talibans ont été chassés du pouvoir par l’intervention armée d’une coalition internationale dont la France fait partie avec environ 2 000 soldats. Ce rapport révèle que l’Afghanistan a produit plus de 6 000 tonnes d’opium en 2006. Il estime que le trafic d’héroïne compromet désormais la reconstruction de l’État. La lutte contre la production d’opium en Afghanistan est minée par la corruption. Les efforts entrepris par les autorités afghanes et les forces internationales n’ont pas réussi à empêcher la concentration du trafic entre les mains d’acteurs moins nombreux que par le passé et bénéficiant de puissants soutiens politiques. Les pressions effectuées sur les paysans pour qu’ils renoncent à la culture du pavot au profit d’autres récoltes sont le plus souvent inefficaces dans des régions isolées, privées de ressources, éloignées des marchés. Les campagnes d’arrachage dans les champs de pavot et les renonciations volontaires à cette culture ne concernent que les petits exploitants pauvres, privés de soutiens politiques, incapables de verser des bakchichs ni de se protéger. L’extrême corruption permet en revanche aux plus gros trafiquants d’échapper aux arrachages grâce à des pots-de-vin. Quand les autorités obtiennent un succès dans une région, c’est pour s’apercevoir aussitôt que le trafic s’est déplacé ailleurs, ou qu’il reprend au même endroit l’année suivante. Production annuelle d’opium en Afghanistan (en milliers de tonnes)
Source : ONU
Les plus récentes statistiques des Nations unies sont décourageantes pour les services antidrogue. En 2006, la culture du pavot a augmenté de 59 % et la production d’opium de 49 %. L’Afghanistan fournit à présent plus de 92 % de l’opium mondial. Le pavot occupe moins de 4 % des terres cultivables et emploie seulement 13 % de la population, mais l’opium compte tout de même pour 27 % du PIB (Produit Intérieur Brut) afghan (trafic de drogue illégales inclus). Le rapport de la Banque mondiale et de l’Onu conclut en reconnaissant que la réduction de la production d’opium en Afghanistan prendra des décennies à condition de surcroît de parvenir à réduire parallèlement la demande dans les pays riches. C’est pas gagné ! Certains suggèrent tout simplement de payer les paysans afghans pour qu’ils cessent de cultiver le pavot, estimant cette solution économique en comparaison du coût social des méfaits de l’héroïne. En attendant, pendant que les stocks d’opium illégal s’entassent en Afghanistan, le monde souffre. Les organisations humanitaires ont le plus grand mal à se procurer de la morphine (dérivée de l’opium) à laquelle, selon les statistiques de l’Onu, 80 % de la population mondiale n’ont pas accès. Patrick Schlouch Punaauia, le 17 janvier 2007
© Tous droits réservés
LE GRAND MARCHÉ AUX BÉBÉS Plus de trois millions d’êtres humains actuellement en vie sont nés d’une fécondation in vitro (FIV). Cette technique avait été conçue au départ comme une solution aux problèmes de stérilité des couples hétérosexuels. Mais, la demande explose dans d’autres catégories de la population, comme les célibataires ou les homosexuels. On a de plus en plus besoin de sperme, d’ovules, et parfois de ventres, sans oublier les services cliniques indispensables. Tout ce qui touche à la Nature et à la vie humaine est socialement sensible. Les États ont donc tendance à réglementer strictement les activités qui s’y rapportent. Mais la morale n’est pas la même partout et la réglementation varie. Des candidates à la FIV avisées choisiront par conséquent de se procurer les éléments dont elles ont besoin dans différentes parties du monde : du sperme au Danemark, un ovule en Roumanie, une mère porteuse en Californie. Certaines changent même de pays en plein traitement. Elles commencent par exemple en France avant de se rendre en Russie, en Espagne ou aux États-Unis à un moment crucial du processus. Spermafrost Des femmes originaires de toute l’Europe affluent au Danemark pour trouver du sperme parce que le don y est bien organisé, totalement anonyme et que la sécurité sanitaire des échantillons y est garantie. À l’époque du sida et de l’hépatite, le sperme doit être particulièrement contrôlé. Désormais congelé sous forme de paillettes, il est possible de le conserver et de le dépister six mois après le don, pour une sécurité maximale. L’anonymat permet d’éviter qu’un donneur ne puisse faire valoir des droits paternels ou, au contraire, qu’il soit contraint d’assumer des responsabilités parentales non souhaitées. Cryos, une banque du sperme danoise, est certainement le plus gros fournisseur mondial de sperme. Elle approvisionne des cliniques dans plus de 50 pays, dispose de plus de 200 donneurs réguliers et distribue plus de 10 000 échantillons par an pour un millier de grossesses réussies. Cryos ne peut pas exporter ses échantillons dans les pays où le don anonyme est illégal, comme la Suède, la Norvège, les PaysBas, le Royaume uni, la Suisse ou l’Australie. Elle ne peut pas non plus exporter en Italie où le don de sperme est interdit. Les patientes de ces pays se déplacent au Danemark pour procéder à leur insémination. Les banques du sperme américaines publient leurs catalogues et leurs tarifs sur Internet. Une des plus connues est Cryobank en Californie. Ses donneurs perçoivent
75 dollars (58 euros) par échantillon qu’elle revendra entre 250 et 400 dollars (195 à 310 euros) à ses clientes. Les informations de base sur un donneur (taille, poids, couleur de peau, activité professionnelle) sont gratuites, mais il faut payer pour en savoir plus. Une description du visage coûte 12 dollars ; un enregistrement de la voix 25 dollars. Pour 65 dollars, on peut acheter un dossier contenant une photo du donneur quand il était lui-même bébé, un enregistrement audio, un profil personnel détaillé, un profil psychologique et l’avis du personnel médical. La cliente peut se faire aider dans son choix par un consultant au tarif de 80 dollars la demi-heure. Pour quelques milliers de dollars, elle pourra même faire stocker des échantillons du même donneur et les réserver pour de futures inséminations. La banque reprend les échantillons non utilisés à moitié prix. Précieux ovule Donner des ovules est beaucoup plus compliqué que donner du sperme. Les donneuses doivent d’abord suivre un traitement destiné à stimuler l’ovulation pendant environ deux semaines et subir tout de même une légère opération pour le prélèvement des ovules. Résultat, là où il est illégal de rémunérer les donneuses, les ovules sont rares, et là où c’est légal, ils sont chers. En Espagne, la rétribution du don d’ovule est autorisée. Cela coûte environ 1 200 euros. Les cliniques espagnoles passent des accords avec leurs homologues européennes qui leur envoient leurs patientes pour l’implantation des ovules. En principe, il est interdit de rétribuer le don d’ovule aux Etats-Unis. En revanche, on peut très bien offrir une compensation à la donneuse pour le temps passé et les efforts fournis. Cette compensation peut-être très élevée. Certaines donneuses font appel à des agents spécialisés et peuvent recevoir 4 500 à 7 000 euros. D’autres répondent directement à des annonces, fréquentes dans les campus universitaires notamment, offrant jusqu’à 80 000 euros. Dans certains journaux, on peut trouver des petites annonces classées sous la rubrique « Don d’ovule ». Des cliniques américaines s’approvisionnent en ovules dans des pays plus pauvres, en Europe de l’Est par exemple. Le sperme est alors congelé en Amérique, puis expédié en Roumanie ou en Russie où les ovules sont fécondés. Les embryons qui en résultent sont à leur tour congelés et renvoyés en Amérique où ils seront implantés dans l’utérus de la mère porteuse. Ventres à louer La Californie est devenue un eldorado pour les femmes en quête de matrices à louer. Le Sunny State reçoit des femmes du monde entier venues jusque là pour signer des contrats de gestation avec des mères porteuses. La législation de cet État de l’Ouest
américain garantit en effet que la femme qui a « commandé » la gestation est bien la véritable mère de l’enfant. Une femme dont les ovaires fonctionnent, mais dont l’utérus est endommagé ou même absent, peut très bien produire par FIV des embryons qui seront génétiquement les siens. Dans le cas où elle serait incapable de produire elle-même des ovules, elle pourrait utiliser ceux d’une donneuse distincte de la mère porteuse, réduisant ainsi le risque de voir celle-ci vouloir garder l’enfant à sa naissance. Malgré toutes les précautions que l'on puisse prendre, les relations entre des parents potentiels et une mère porteuse seront inévitablement compliquées. Une gestation dure bien plus longtemps que les quelques semaines nécessaires à un don d’ovule, ou les quelques minutes d’un don de sperme. Les parents ont tendance à vouloir contrôler le comportement de la mère porteuse. En outre, dans la plupart des pays, la loi présume que la mère de l'enfant est celle qui l'a porté, quels que soient le matériel génétique et la méthode de conception utilisés. Il est donc conseillé de recruter une mère porteuse dans un des quelques pays où cette pratique est légale. Toutefois, dans certains de ces pays, il est interdit de rétribuer les mères porteuses, ce qui réduit fortement l’offre. La Californie est, depuis longtemps, une destination populaire pour les femmes stériles à la recherche d’une mère porteuse. La législation y accorde des droits étendus aux parents potentiels, qui peuvent s’adresser à des cabinets d’avocats spécialisés dans l’établissement de contrats de gestation. Mais l’Illinois, un autre État américain, pourrait bientôt les attirer davantage encore. Une loi de 2005 attribue en effet aux parents potentiels la garde de l’enfant avant même sa naissance. En tout état de cause, la gestation par mère porteuse, facturée environ 15 000 euros, demeure une méthode réservée aux privilégiés. Le processus complet de la mise au monde d’un enfant, incluant le don d’ovule, la gestation, les frais médicaux et légaux, les voyages et autres dépenses coûtera aux alentours de 80 000 euros. Dans le futur, les progrès de la science pourraient ralentir ceux de ce grand marché aux bébés. Quand on saura couramment les congeler, les jeunes femmes pourront faire conserver leurs propres ovules, de manière à pouvoir les utiliser plus tard, à leur convenance. Certaines femmes font appel à des mères porteuses parce qu'elles ont souffert de fausses couches à répétition, mais la science pourrait bientôt leur permettre de porter leurs enfants elles-mêmes. D’ici là, il y aura encore de nombreux parents potentiels prêts à payer des fortunes pour réaliser leur rêve et de beaux jours pour les donneurs de sperme ou d’ovules, les mères porteuses et les intermédiaires qui les aident à se rencontrer. Patrick Schlouch
À L’AUBE DE L’ÂGE DE L’HYDROGÈNE Oscar Temaru, quand il était président de la Polynésie française, affirmait pouvoir appuyer l’indépendance économique de son pays (256 000 habitants) sur trois piliers principaux : le nono (un fruit aux vertus médicinales certes appréciées dans le monde entier et notamment en Asie), la pêche hauturière et… l’hydrogène. Il faisait mine d’ignorer que les deux premiers secteurs d’activité cités traversaient alors une crise sérieuse, dont ils ne sont d’ailleurs toujours pas sortis. Quant à l’hydrogène, on ne voit pas vraiment où sont les gisements en Polynésie française. Il y a l’océan bien sûr, puisque l’hydrogène abonde dans l’eau, mais il est à tout le monde et gratuit. De toute manière, l’exploitation industrielle de l’hydrogène tient encore largement de la science-fiction. Si l’on en parle beaucoup, on semble encore loin de pouvoir en tirer des profits suffisants pour soutenir une économie nationale, si minuscule fût-elle. Et pourtant, un homme y croit dur comme fer, un Américain de 83 ans, Stanford Ovshinsky, qui affirme que l’Humanité est déjà entrée dans l’âge de l’hydrogène. Depuis quelques années, on a entendu tout et n’importe quoi au sujet de l’hydrogène et de sa capacité à succéder aux hydrocarbures comme première source d’énergie dans un proche avenir. Le président américain Georges Bush avait même annoncé que la pile à combustible à hydrogène allait bientôt supplanter le moteur classique des automobiles. Nous n’avons rien vu de tel. Au contraire, les constructeurs semblent avoir abandonné cette piste au profit d’autres, a priori plus réalistes, comme les systèmes hybrides. Un gaz du même métal Sur notre planète, quand il n’est pas associé à d’autres éléments chimiques, ce qui est rare, l’hydrogène se manifeste sous la forme d’un gaz, dont le nom exact est dihydrogène (symbole H2). On est donc surpris d’apprendre que c’est en réalité un métal. Dans les conditions voulues, c’est-à-dire sous de très hautes pressions et de très basses températures, il se présenterait sous la forme solide et cristalline d’un métal alcalin. L'hydrogène est partout dans l’univers. C’est le principal élément constituant du soleil et de la plupart des étoiles, dont l’énergie provient de la fusion thermonucléaire de l’hydrogène. L’eau est la source la plus abondante d'hydrogène sur notre planète, mais on en trouve aussi dans la plupart des matières organiques, le pétrole et le gaz naturel.
Trop dangereux et trop cher L’hydrogène est déjà largement utilisé dans l’industrie, chimique ou agro-alimentaire (dans des conditions très particulières), mais, quand on l'évoque aujourd’hui, c’est surtout à ses capacités comme vecteur d’énergie renouvelable et non polluante que l’on fait allusion. L’hydrogène est en effet un combustible « propre », sa combustion ne génère rien d’autre que de la vapeur d’eau. Malheureusement, on ne le trouve pratiquement jamais à l’état gazeux, il est donc nécessaire de le produire à partir d’un corps composé (eau, hydrocarbures, etc.). Bien naturellement, cela nécessite de l’énergie et coûte cher. L’hydrogène n’est donc pas une source d’énergie primaire, mais plutôt un moyen de stockage de l’énergie, comme dans une batterie. Il suscite beaucoup d’espoir car il pourrait apporter une réponse aux deux principaux défis du vingt-et-unième siècle : l’épuisement progressif des ressources en énergie non renouvelable et le réchauffement de la planète provoqué par l’émission de gaz à effet de serre. Toutefois la production, le stockage et le transport de l'hydrogène posent encore de nombreux problèmes techniques, du point de vue de la sécurité notamment (l’hydrogène est extrêmement inflammable), et leurs coûts sont démesurés. L’utilisation massive de l’hydrogène ne semble pas envisageable pour demain. Et pourtant, ils y croient En dépit de tous ces obstacles, quelques-uns y croient fermement. Outre Oscar Temaru, l’hydrogène a encore quelques fervents promoteurs. Claude Mandil, par exemple, le directeur exécutif de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), prédit que l'hydrogène « jouera un rôle crucial dans l'économie mondiale », sans toutefois préciser dans quel délai. En revanche, Stanford Ovshinsky, un industriel américain de quatre-vingt-trois ans aux allures de Harpo Marx, fondateur de la société Energy Conversion Devices (ECD), est convaincu que nous sommes bel et bien déjà dans l’âge de l’hydrogène et que nos vies et celles de nos enfants en seront bientôt transformées. Ce monsieur, que certains médias vont jusqu’à comparer à Thomas Edison, le génial inventeur de l’électrification de masse et fondateur de la compagnie General Electric, estime que : « Les âges de l’Humanité ont toujours été classés en fonction des matériaux qu’elle dominait. On a connu l’âge de pierre, l’âge de bronze, l’âge du fer et, plus récemment, celui du silicone. Nous sommes maintenant à l’aube de l’âge de l’hydrogène. » Mais pourquoi, dans un contexte de scepticisme généralisé, prendre l'avis de M. Ovshinsky en considération ? D’abord, parce qu’il possède une longue expérience et qu’il est reconnu dans ses domaines de compétence. Il y a déjà un demi siècle qu’il a exposé publiquement sa
vision de ce qu’il appelle le « cycle de l’hydrogène » comme alternative crédible aux énergies fossiles. Ce cycle commence avec de l’eau, tout simplement, à partir de laquelle on obtient le précieux gaz par le truchement d’une électrolyse alimentée à l’énergie solaire. L’hydrogène pourra ensuite être retransformée en vapeur d’eau avec une production d’énergie. La seconde raison pour laquelle l’opinion de Stanford Ovshinsky au sujet de l’avenir énergétique de l’hydrogène ne doit pas être négligée, c’est que ses références écologistes sont irréprochables. Sa femme Iris, récemment disparue, et lui avaient fondé leur entreprise ECD en 1960 avec la motivation proclamée : « d’utiliser les progrès de la science pour résoudre les problèmes de la société ». Bien avant les chocs pétroliers des années 1970, ils prédisaient que la trop forte dépendance du monde vis-à-vis du pétrole aurait tôt ou tard des effets désastreux, des changements climatiques jusqu’à la guerre. Enfin, si l’on peut faire confiance à l’avis de M. Ovshinsky, c’est surtout parce qu’il a obtenu des succès considérables dans ses travaux, qu’il ne s’exprime pas à la légère et qu’il a toujours réalisé ce qu’il avait annoncé. Il est notamment l’inventeur de la batterie hybride utilisée partout pour alimenter les appareils électroniques ou les véhicules électriques. Un milliard de batteries de ce type sont vendues dans le monde chaque année. Il détient aussi des brevets en matière d’énergie solaire, de disques optiques enregistrables, de stockage de données et d’écrans plats. Ses clients sont des entreprises aussi prestigieuses qu’Intel, Samsung, General Electric, Chevron et bien d’autres. Amorphe mais pratique Ce que ces inventions apparemment disparates ont en commun, c’est qu’elles reposent toutes sur les découvertes de M. Ovshinsky dans le domaine des matériaux dits « amorphes » et baptisés « ovoniques » en son honneur. Ces matériaux peuvent servir pour la production d’électricité (dans les générateurs solaires ou les piles à combustible), le stockage de l’énergie (dans les batteries), l’informatique (mémoire sur disques ou puces) et pour la création de nouveaux matériaux aux propriétés inédites. Tout récemment, ECD a même réussi à « bricoler » une Toyota Prius hybride pour la faire rouler à l’hydrogène pur. Bien qu’il soit un autodidacte sans aucun diplôme, Stanford Ovshinsky sait s’entourer de spécialistes bardés de peaux d’âne et même de prix Nobel, comme Sir Neville Mott, de l’Université de Cambridge (Royaume uni), qui a été récompensé pour ses travaux sur les matériaux amorphes.
Une bonne illustration de la méthode et de l’état d’esprit Ovshinsky est sa nouvelle usine de panneaux solaires dans le Michigan. Il y a déjà quelques décennies, il affirmait que les cellules photovoltaïques ne devraient pas être fabriquées selon des techniques et avec des matériaux coûteux, mais « au kilomètre ». Personne n’y a cru. Il a pourtant demandé à son équipe d’étudier un procédé permettant de fabriquer des kilomètres de film solaire. On lui a d’abord répondu que c’était impossible, mais, aujourd’hui, l’usine fonctionne. Elle produit des bandes de film solaire, souples, autoadhésives, capables de produire de l’électricité même quand le ciel est couvert et pratiquement indestructibles. Les carnets de commande sont pleins et les bénéfices approchent les 30 %. « Les piliers de l’économie mondiale seront l’information et l’énergie », affirme Stanford Ovshinsky, qui n’en manque pas lui-même. Il annonce que, bientôt, ses nouvelles unités de production ne fabriqueront plus un mètre de film solaire à la minute, mais cent fois plus. Il est persuadé de pouvoir améliorer les performances des piles à combustible de manière radicale. Il pense parvenir à stocker l’hydrogène dans des volumes et des conditions de sécurité permettant la création d’un véritable réseau de distribution d’énergie renouvelable. Comme l’électricité grâce au génie d‘Edison avait propulsé l’Humanité vers des progrès inimaginables, l’hydrogène est certainement sur le point de nous ouvrir de nouveaux horizons infinis. Patrick Schlouch Punaauia, le 26 janvier 2007
© Tous droits réservés
LE JAPON PRIVATISE LA « PRUNE » Un nouvel article du code de la route japonais accorde aux municipalités la possibilité de privatiser le contrôle du stationnement. Elles ne s’en sont pas privées, c’est le cas de le dire. La plupart d’entre elles ont décidé de profiter de l’aubaine. Depuis lors, c’est l’enfer pour l’automobiliste nippon. Il était habitué à une certaine bienveillance de la part de la police. En général, il était averti par une marque à la craie à côté de son véhicule mal garé avant de se voir infliger une amende. Ces beaux jours sont finis. Une armée de contractuels hypermotivés applique désormais une politique de tolérance zéro. Le nombre des amendes pour stationnement interdit a grimpé de 30 % en un an et le nombre de voitures abandonnées sur la voirie a chuté de 60 %. C’est le bon côté de l’opération. Mais, comme toute médaille… Au lieu d’encourager les automobilistes à choisir les transports en commun, la nouvelle loi les a plutôt incités à rester chez eux, au moment où le gouvernement souhaiterait les voir dehors, à dépenser leur argent pour stimuler l’économie. Les commerçants, les restaurateurs et les hommes d’affaires sont sur le pied de guerre. Le business aurait chuté de 20 % dans les quartiers les plus fréquentés des villes. Certains essayent de contourner l’obstacle. Des fast-food servent leurs clients garés en double file. Les services de valet parking (parking assisté) inconnus jusqu’ici au Japon, ont fait leur apparition. Les parkings privés poussent soudain comme des champignons. Le prix moyen du foncier a chuté de plus de 80 % depuis la crise économique de la fin des années 1990. Au centre de Tokyo, on peut aujourd’hui acheter une maison traditionnelle en bois de 80 m2 à partir de 100 000 euros. Une fois la maison rasée, ce petit espace transformé en parking peut rapporter plus de 30 000 euros par an (les Japonais utilisent des systèmes de parking robotisé à étages permettant de garer un certain nombre de véhicules sur une surface extrêmement réduite). Vive le vélo ! Patrick Schlouch Punaauia, le 30 janvier 2007
© Tous droits réservés
TRENTE-QUATRE MINUTES POUR MOURIR Un quart de siècle après son abolition en France, on reparle beaucoup de la peine de mort. La pendaison lamentable de Saddam Hussein a relancé le débat. En Chine, où elle est un instrument de terreur politique entre les mains du régime communiste, les exécutions se multiplient à l’approche des Jeux Olympiques de 2008. Un trafic d’organes parfaitement structuré s’est créé qui prolifère sur les quelque quatre mille cadavres disponibles chaque année. L’abolition de la peine de mort est une des conditions d’entrée dans l’Union européenne, mais la situation aux Etats-Unis, où elle existe encore dans trente-huit États sur cinquante, continue de faire polémique, notamment en raison des scandales liés aux exécutions manquées. La Floride, la Californie et le Maryland viennent d’établir un moratoire sur les exécutions par injection de produits toxiques à dose létale. Le 13 décembre 2006, Angel Diaz, condamné pour meurtre en Floride, fut la dernière victime d’une exécution ratée. Le médecin chargé de l’opération a procédé aux premières injections intraveineuses. Le condamné a grimacé, s’est tordu de douleur, essayant en vain de crier jusqu’à ce qu’une seconde série d’injections ne parvienne enfin à l’achever. Son supplice a tout de même duré trente-quatre minutes. Deux jours plus tard, Jed Bush, qui vivait son dernier mois comme gouverneur de Floride, décidait de suspendre toutes les exécutions capitales dans cet État. Il créait aussi une commission d’enquête chargée de vérifier si la méthode utilisée (l’injection de produits toxiques à dose mortelle) était bien conforme aux principes de la Constitution américaine. D’autres États envisagent de faire de même. Trente-sept des trente-huit États où la peine de mort est encore applicable utilisent les injections létales. C’est peut-être moins horrible que les méthodes précédentes et certainement moins inhumain que la chaise électrique, par exemple, qui a fait littéralement exploser les corps de plusieurs condamnés. Mais, la cruauté de la punition et les terribles dysfonctionnements qui s’y attachent commencent à faire sérieusement réfléchir les responsables. L’été dernier, les exécutions ont été suspendues dans le Missouri après qu’un médecin bourreau a reconnu qu’il était dyslexique et qu’il lui était arrivé de n’injecter que la moitié des doses requises. Le jour où la Floride a annoncé son moratoire sur les exécutions capitales, un tribunal californien jugeait que les injections létales constituaient un traitement « cruel et
inacceptable », qu’elles étaient donc contraires aux principes énoncés dans la Constitution américaine. Quelques jours après, la cour d’appel du Maryland adoptait aussi une mesure de suspension estimant que les instructions contenues dans le Manuel des Opérations d’Exécution auraient dû faire l’objet d’un débat public avant d’être officiellement adoptées. Ces moratoires restent fragiles, ils s’appuient sur des problèmes juridiques pouvant être assez facilement résolus. Le nouveau gouverneur de Floride, Charlie Crist, a annoncé qu’il ne déciderait rien avant le mois de mars, quand la commission d’enquête lui remettra son rapport. Mais, il n’est pas réputé pour sa magnanimité, au contraire. En outre, l’opinion publique reste largement favorable à la peine de mort. Un sondage Gallup réalisé en octobre 2006 révélait que deux Américains sur trois sont pour son maintien, une proportion stable depuis dix ans. La peine de mort existe encore dans trente-huit États américains sur cinquante, mais en réalité bien peu l’appliquent. Il y a eu cinquante-trois exécutions aux Etats-Unis en 2006, le plus faible nombre depuis dix ans. Près de la moitié s’y concentre au Texas. Seulement quatorze États ont effectivement procédé à des exécutions. Certains États appliquent la peine capitale si rarement qu’ils l’ont de facto abandonnée. Il n’y a pas eu d’exécution dans le New Jersey depuis 1963, par exemple. Le 2 janvier, un groupe d’élus a recommandé que cet État officialise la situation et abolisse la peine de mort pour de bon.
Patrick Schlouch Punaauia, le 3 février 2007
© Tous droits réservés
DROP OUT L’homme-nature n’est pas un phénomène spécifiquement polynésien. Tous les endroits isolés de la planète connaissent ces hommes (rarement des femmes) qui s’excluent volontairement de leur environnement social pour essayer de renouer avec ce qu’il y a chez eux de plus primitif, au-delà du péché originel. La démarche mystique et spirituelle affleure dans ces consciences en quête d’absolu. Il est certaines fois où elle se déploie totalement, comme chez les ermites, mais, le plus souvent, on veut s’échapper, rien d’autre, par ce qu’on n’en peut plus. On possède tout ce qu’il faut pour être heureux, mais, cela finit par coûter trop cher, et la cadence s’accélère sans arrêt. On n’arrive plus à suivre. On est fatigué de l’hypocrisie ambiante, des tromperies, des coucheries, des vacheries… On ne veut plus se lever le matin pour aller plier le dos devant son patron, ses employés ou ses clients. Dans le sillage de Rousseau et de Thoreau, on rêve d’air pur et de liberté. On voudrait avoir la paix, tout simplement, et se fondre dans la Nature dont on se sent soudain écarté depuis trop longtemps. Non, Tahiti n’a certes pas l’exclusivité de l’aspirant homme-nature. Néanmoins, ce fut toujours l’une de ses destinations de rêve favorites. Il y est aussi connu sous le nom moqueur de « touriste de bananes ». Il est vrai que, dans la rude carrière de drop out, beaucoup sont appelés, mais bien peu sont élus. La longévité dans ce domaine requiert des qualités exceptionnelles, physiques et mentales. Une petite rente peut être bien utile pour prolonger et accommoder un état somme toute extrêmement précaire. Vingt-huit ans au Pari J’ai connu le dernier homme-nature « officiel » et « historique » de Tahiti. Il s’appelait Raymond Léglise, il a vécu pendant vingt-huit ans au Pari, à l’extrême pointe de la Presqu’île (plus loin, c’est l’Antarctique). On le voyait régulièrement à Papeete, tout petit, chétif, avec son air de Robinson Crusoe à la longue barbe grise. Il venait toucher sa maigre pension trimestrielle d’ancien marin, puis retournait vers sa chère solitude. Il suivait assidûment les tribulations tragi-comiques de l’Humanité sur un transistor pourri. On l’imagine en train d’écouter la litanie des catastrophes, des folies et des trahisons, les yeux brillants de malice et, sur les lèvres, ce demi-sourire qui ne le quittait jamais. Les rhumatismes ont eu raison de son isolement. Contraint et forcé, il a dû quitter sa Presqu’île bien aimée. En 1979, il est finalement venu s’installer définitivement à Papeete pour suivre le traitement médical dont il avait besoin. Raymond Léglise a
alors perdu son titre honorifique d’homme-nature, pour endosser la condition peu enviable de simple clochard. Il a fini ses jours dans un cabanon de jardin acheté chez Manufrance. Chassés par les nonos Les hommes-nature les plus célèbres en Polynésie française sont évidemment Marlon Brando, Paul Gauguin, Jacques Brel et Paul-Emile Victor. À l’exception du peintre, ceux-là possédaient des moyens financiers confortables, les mettant à l’abri de la pauvreté inhérente à la qualité d’homme-nature, mais dans l’esprit, ils en furent d’authentiques. Beaucoup ont tenté l’expérience de l’exil depuis la découverte des îles à la fin du dixhuitième siècle. La plupart ont échoué. Les raisons en sont multiples. Au début des années 1980, j’ai rencontré trois amis qui avaient décidé de partir aux Marquises, mener la vraie vie, proche de la Nature. Ils ont quitté leurs emplois, leurs maisons, vendu leurs voitures et les quelques biens qu’ils possédaient dans l’idée de tout reconstruire là-bas, au Fenua Enata. Un seul a tenu le coup, quelques mois seulement. Les deux autres sont revenus par le bateau suivant. Ils ne supportaient pas les cruelles morsures des nonos. S’ils sont plusieurs, ils se disputent pour des riens et cela justifie un rapatriement prématuré vers la civilisation et ses délicieux travers. Si l’on est seul, on devient vite fou. Parfois, c’est tout simplement que vos nouveaux voisins du coin n’apprécient guère votre présence dans leurs alentours et vous le font bien sentir. Pour Romain Gary, qui avait aussi son avis sur la question, les hommes-nature étaient : « Des types qui avaient rompu avec la société, mais qui n’arrivaient pas à rompre avec le sentiment de culpabilité qui les dévorait à cause de leur rupture avec la société. » Le plus souvent, votre existence d’homme-nature s’achève quand vos ressources financières sont épuisées. La terre nourricière polynésienne prodiguant gratuitement ses fruits à ceux qu’elle accueille est bien sûr au cœur du mythe, mais elle n’a aucune réalité tangible. Dans son roman Touriste de bananes (1938), Georges Simenon brosse en quelques mots le portrait de l’homme-nature raté : « - Il ne faut pas vous vexer… C’est une expression à nous pour désigner certains passagers qui partent pour les îles avec l’idée d’y vivre une vie naturelle, loin du monde, sans souci d’argent, en se nourrissant de bananes et de noix de coco… Tenez ! Les deux Américains qui sont avec vous… Il y en a quelques-uns du même calibre à chaque bateau… Ils ont tout juste de quoi arriver là-bas… Ils chercheront une hutte abandonnée par les indigènes et ils s’y installeront puis, dans quelques mois, anémiés, malades, ils se présenteront à la police ou à leur consul pour se faire rapatrier. » Rien à faire, il n’y a nulle part où fuir. La seule issue est à l’intérieur de nous-même.
DIS-MOI DE QUOI TU RIS… On aime beaucoup rire à Tahiti. Le Polynésien est même fameux pour sa joie de vivre et sa bonne humeur communicative. Tout lui est prétexte à se fendre la pipe. L’humour local n’atteint pas toujours des sommets de finesse, mais il reste le plus souvent bon enfant, même quand il adopte certaines connotations à caractère ethnique ou sexuel. En Polynésie française, on rit surtout pour se moquer, des autres, des popa’a (Blancs), des Tinito (Chinois), des Farani (Français), mais aussi, et comme partout, des institutions, des églises, des juges, de la politique, du sport, des médias... On sait même rire de soi et de ses propres tics sociaux. En témoignent ces deux histoires typiquement tahitiennes : - Un homme est à la pêche sur le récif, à plus de cent mètres de son fare auquel il tourne le dos. À dix heures et demie, sa vahiné l’appelle. Elle lui fait de grands signes et lui crie de rentrer, son ma’a, son déjeuner est prêt. Alors, pour confirmer qu’il a capté le message, sans se retourner ni ouvrir la bouche, le tané se contente de hausser les sourcils en rejetant légèrement la tête en arrière (en signe d’acquiescement - c’est nettement plus drôle quand on peut mimer au lieu de le décrire ce geste qui, à lui seul, exprime tellement sur la mentalité polynésienne). - Un Tahitien marche sur le front de mer à Papeete. Il passe devant l’hôtel Kon Tiki, le plus haut bâtiment de la ville, quand, soudain : Tchok, un corps humain s’abat violemment sur la chaussée tout près de lui. C’est horrible, il y a du sang et des morceaux de chair tout autour. Le Tahitien s’arrête, regarde le cadavre sans sortir les mains des poches de son short de surf, lève les yeux vers le toit de l’hôtel, trente mètres plus haut, puis les rabaisse vers le mort et, tout en hochant doucement la tête, lâche seulement un : « Iiiaaa… Saacrrrréée chute !!! », soutenu par une moue admirative, avant de reprendre sa déambulation, comme si rien ne s’était passé ou presque. Ce n’est pas que le Ma’ohi ait le cœur sec, loin de là, mais c’est un pudique, peu expansif. Il en a vu d’autres et sait dédramatiser les pires situations. J’ai pu le constater à maintes reprises. Tiens, par exemple, il y a bien des années, dans la vallée de Titioro à Papeete, je couvrais un reportage sur un fare qui venait d’être entièrement détruit par le feu. Quand je suis arrivé sur place, il ne restait pratiquement rien de la petite maison en bois. Un vrai désastre. La famille nombreuse qui vivait là essayait tant bien que mal de récupérer quelques objets parmi les débris calcinés. J’ai alors été stupéfait du sang-froid de ces gens et de leur
courage. Les enfants jouaient, les adultes blaguaient… Ils avaient tout perdu sauf le sourire. Moquerie ciblée L’humour polynésien n’est jamais fort éloigné du sexe et de ses secrets. Le reo ma’ohi regorge de ces mots à double, voire à triple sens, de ces expressions équivoques qu’une simple nuance dans l’intonation peut faire passer, volontairement ou pas, du vocable honnête au propos grivois ou même pire. On se gausse gentiment du Farani, le brave Français, qui s’efforce pourtant de tout son cœur de baragouiner quelques phrases en tahitien, de dansotter un tamouré ou de goûter au fafaru, mais qui saute à pieds joints dans les pièges les plus grossiers, c’est le cas de le dire. Le Farani, le popa’a, est d’ailleurs la cible traditionnelle de la moquerie locale. Celle-ci peut parfois s’aigrir et, dans certaines bouches, confiner à la xénophobie voire au racisme. Des personnalités politiques polynésiennes de tous bords aiment à jouer des subtilités de la langue polynésienne et de son style très imagé, pour railler l’étranger tout en se protégeant derrière le paravent d’un humour grinçant. Cela dit, les popa’a, les Chinois et les Demis ne sont pas en reste. À Tahiti, tout le monde ironise sur tout le monde, mais, c’est le plus souvent sans méchanceté, tout simplement pour se payer une bonne tranche de rigolade, comme dans cette scène extraite du roman de Georges Simenon, Touriste de bananes (Gallimard, 1938) : « Le car n’était en réalité qu’un camion qu’on avait garni de bancs. Toutes les places étaient occupées. Une grosse femme, qui avait deux poules attachées ensemble sur les genoux, riait sans arrêt car son voisin improvisait en maori quelque chose dans le genre de : “ Monsieur le Français, ce n’est pas très poli de nous faire attendre… ”. Il se trouva quelqu’un pour répéter gravement : “ Non, pas très poli… ”. Alors, tout le monde reprit en marquant le rythme : “ Non, pas très poli… ”. Du coup, le récitant, inspiré, continua sa ballade et le chauffeur scanda les strophes de coups de sirène. (…) “ Monsieur le Français, il est de bonne heure, “ Mais nous devons aller au marché… “ Monsieur le Français réveille-toi vite… “ Monsieur le Français… “ Non, pas très poli… ” Le jour avait encore toute sa fraîcheur. Le lagon était pâle et on entendait se chamailler des merles des Moluques. La grosse indigène se renversait en arrière pour rire plus à l’aise, de toute sa chair, et elle battait la mesure avec ses poules entravées :
“ Monsieur le Français… “ Non, pas très poli… ” Puis, l’éclat de rire devint général, parce qu’on voyait déboucher en sens inverse la carriole haute sur roues d’un Chinois et que la carriole était obligée de s’arrêter en attendant le départ du car. » Patrick Schlouch Punaauia, le 22 février 2007
© Tous droits réservés
LES RISQUES D’INVESTIR EN CHINE Intel, le numéro un mondial du processeur électronique, a investi un milliard de dollars au Vietnam en 2006, autant qu’en Chine au cours des dix années précédentes. Pour certains, la Chine ne serait déjà plus le meilleur endroit en Asie pour faire fabriquer un produit industriel. De nombreuses entreprises choisissent d’installer leurs nouvelles usines dans les pays voisins. Avec ses réserves inépuisables de main d’œuvre bon marché et ses capacités techniques, la Chine paraît pourtant insurpassable. Aujourd’hui, quand une usine ferme en Europe ou aux Etats-Unis, on pense généralement que c’est pour délocaliser ses activités en Chine. Il est vrai que la part des exportations chinoises dans le commerce mondial a triplé entre 1993 et 2005, pour atteindre 7,3 %. Dans le même temps, tous les pays membres du G8 (les huit pays les plus riches de la planète) ont vu leurs parts diminuer, à l’exception de la Russie. La même chose pour la production industrielle. Celle de la Chine a doublé entre 1993 et 2003 tandis qu’elle a diminué dans la plupart des pays membres du G8. Seuls les États-Unis et le Canada tirent leur épingle du jeu. Ensemble, ces deux pays assurent encore 25 % de la production industrielle mondiale. On a l’impression que tout, désormais, est fabriqué en Chine, mais, en réalité, c’est l’Amérique du Nord qui reste le véritable atelier du monde.
Victime de son succès La Chine n’est pas la seule à connaître un boom industriel. Elle se heurte de plus en plus à la concurrence d’autres pays émergents. Les productions cumulées de la Corée du Sud, de Taiwan, de l’Inde et de l’Association des Nations du Sud-est Asiatique (ASEAN) représentaient déjà 9 % de la production globale en 2003. Les deux principales raisons qui incitent les grandes sociétés à bouder la Chine pour leurs nouveaux investissements sont l’augmentation des coûts et le besoin de diversifier leurs sources d’approvisionnement. Jusqu’à présent, le développement industriel de la Chine s’est limité aux régions côtières, notamment autour de Shangai et de Hong Kong. Mais, les coûts y croissent rapidement, les loyers explosent, on a de plus en plus de difficulté à trouver des terrains industriels et, surtout, les salaires grimpent en flèche, en dépit d’un fort mouvement migratoire de l’intérieur du pays vers le littoral. La Chine est victime de son succès. Il est de plus en plus difficile d’y recruter du personnel qualifié et surtout de le retenir. En 2005, le coût mensuel d’un ouvrier (charges sociales comprises) s’établissait en moyenne à 350 dollars (270 euros) par mois à Shangai et 250 dollars (192 euros) à Shenzhen. Il était d’environ 200 dollars (154 euros) à Manille (Philippines), 150 dollars (115 euros) à Bangkok (Thaïlande) et 100 dollars (77 euros) en Indonésie. La conquête de l’Ouest Une solution pour les entreprises établies en Chine consiste à délocaliser leurs activités vers l’intérieur du pays où les coûts sont nettement inférieurs. Cela est du reste encouragé par le gouvernement chinois qui souhaite voir le progrès économique s’étendre vers les campagnes misérables. Intel est une des quelques entreprises étrangères ayant tenté l’expérience. En 2004, elle a construit une usine de plus d’un demi-milliard de dollars à Tch’en-Tou, la capitale du Sichuan, au pied de l’Himalaya. Les coûts de transport ont considérablement augmenté. Mais, en contrepartie, Intel a pu réduire tous ses autres coûts de production (main-d’œuvre, terrains, bâtiments,…), tout en bénéficiant d’aides généreuses de l’État chinois. Cette façon de faire n’est pas adaptée à tous les cas de figure. Certains estiment que les avantages de cette nouvelle « conquête de l’Ouest » ne compensent pas le coût de l’acheminement des produits finis jusqu’en Europe ou en Amérique. Il est aussi plus difficile de trouver du personnel qualifié à l’intérieur de la Chine que dans les zones côtières. Les cadres expatriés rechignent à s’installer dans de tels endroits isolés, privés de tout.
Un pays à risques Du coup, tout bien réfléchi, beaucoup d’entreprises préfèrent investir dans d’autres pays d’Asie. Elles peuvent y trouver non seulement des conditions économiques imbattables, mais cela leur permet également, et c’est essentiel, d’accroître la sécurité de leurs approvisionnements en diversifiant leurs sources de production. En effet, les patrons s’inquiètent notamment de l’essor des mouvements sociaux en Chine où des paysans expropriés se soulèvent partout pour protester contre la confiscation de leurs terres par l’État au nom du développement économique. Dans le centre des villes, des dizaines de milliers de personnes sont expulsées de leurs logements vétustes pour laisser place à des immeubles de bureaux ou à des stades pour les Jeux Olympiques. Officiellement, on a recensé 87 000 émeutes en Chine en 2005. Le nombre réel est certainement bien plus élevé. Autre menace pour les entreprises étrangères établies en Chine : la montée des tendances protectionnistes en Europe et en Amérique du Nord. La Chine est accusée de tous les maux par les opinions publiques occidentales. Elle est notamment jugée responsable de la destruction de millions d’emplois industriels. Dans un tel contexte de tension, on peut craindre une détérioration des relations commerciales avec la Chine et un brusque ralentissement des échanges. Les entreprises s’efforcent donc de plus en plus de disposer d’usines dans plusieurs pays, de manière à pouvoir moduler leur production en fonction des contraintes pouvant s’imposer ici ou là. Il y a un troisième risque à investir en Chine, c’est la contrefaçon. Il est notoire que le droit chinois protège très mal la propriété intellectuelle. De nombreux investisseurs étrangers ont eu la désagréable surprise de voir des copies de leurs produits exclusifs bientôt mises en vente sous un nom différent et à un prix nettement plus bas. Enfin, les patrons surveillent de près la montée du yuan, la monnaie chinoise. La parité du yuan et du dollar américain était restée fixe depuis des années. En juillet 2005, sous la pression américaine notamment, le gouvernement chinois a finalement consenti une réévaluation historique de sa monnaie de 2,1 %. Il ne faut pas oublier que la Chine possède plusieurs centaines de milliards de dollars de réserves en Bons du Trésor américain. Ainsi, à chaque fois qu’elle accepte de réévaluer sa monnaie, c’est un nouveau cadeau qu’elle fait aux Américains en réduisant leur dette. Or, depuis 2005, le yuan s’est encore apprécié de 4 % par rapport au dollar et les spécialistes estiment qu’il devrait encore gagner 5 % de plus en 2007. Perspectives vertigineuses Cela dit, pour un investisseur, la Chine conserve encore de nombreux avantages par rapport à ses concurrents asiatiques. Elle dispose d’infrastructures de meilleure qualité. On y trouve facilement des fournisseurs et, par-dessus tout, elle offre les
perspectives vertigineuses d’un marché national d’1,3 milliard de consommateurs. Le pouvoir d’achat y est encore faible, mais il croit rapidement de 10 % par an. Les industries fortement consommatrices de main-d’œuvre, comme le textile ou la chaussure, rechercheront toujours les plus bas salaires possible. En revanche, les activités à plus grande valeur ajoutée accordent davantage d’importance à la taille et à la qualité du marché qu’aux coûts de production. La Chine n’est pas la seule en Asie à offrir un marché prometteur. L’Inde, avec sa population d’1,1 milliard et sa croissance économique de 8 % par an, est une autre cible privilégiée, même si elle reste encore beaucoup plus pauvre. En 2006, elle n’a bénéficié que de 7 milliards de dollars d’investissements étrangers, contre 70 milliards en Chine. Le manque d’infrastructures (de transport, de santé, d’éducation, etc.) et la lourdeur légendaire de son administration pénalisent l’Inde. Les entreprises s’y installent tout de même de plus en plus, notamment pour profiter des quelque 700 000 ingénieurs et diplômés scientifiques formés chaque année dans les universités indiennes. Avec une population cumulée de 560 millions, les dix pays membres de l’ASEAN (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Myanmar et Cambodge) offrent eux aussi un marché potentiel considérable. L’Asie du Sud-est est d’ailleurs le principal bénéficiaire du choix des entreprises de diversifier leurs sources de production hors de Chine. Sa faiblesse est de ne pas encore être un véritable marché unique. Les barrières douanières y ont été largement abattues avec des droits inférieurs à 5 % sur la plupart des produits, mais il reste encore de nombreux obstacles à la liberté du commerce comme le foisonnement des standards industriels par exemple. De toute manière, avec environ la moitié de la population mondiale, l’Asie est le réservoir naturel de main d’œuvre et de croissance économique de la planète. Nous n’avons certes pas fini d’entendre parler de la Chine, ni de ses voisins. Patrick Schlouch Punaauia, le 25 février 2007
© Tous droits réservés
LE FANTÔME DE L’INDÉPENDANCE Voici l’un des sujets les plus sensibles et de ceux qui alimentent ordinairement les conversations à Tahiti. Quand j’y suis arrivé pour la première fois, en 1976, on m’annonçait déjà l’indépendance pour bientôt et cela n’a plus jamais cessé depuis, bien au contraire. L’indépendance hypothétique et virtuelle de la Polynésie française imprègne tout dans le pays, elle occupe tous les esprits, les pro comme les contre (les Polynésiens font d’ailleurs souvent preuve d’une facilité déconcertante à passer d’une opinion à l’autre). Il est toujours délicat pour un popa’a de traiter de l’indépendance. De quoi se mêle-til, celui qui est de la race des colonisateurs, que pourrait-il connaître de la souffrance d’une culture violentée et soumise, à laquelle il est étranger ? C’est oublier un peu vite que la souffrance est universelle et que même un popa’a, pour peu qu’il s’y intéresse et fasse preuve de compassion, est capable de comprendre et même de ressentir les frustrations d’un peuple. En particulier quand il a, comme c’est mon cas, vécu plus de vingt-cinq ans à Tahiti où il a fondé une famille, et qu’il connaît assez bien la situation dans les pays indépendants du Pacifique sud pour avoir résidé trois ans à Fidji, voyagé un peu partout dans la région et étudié celle-ci depuis plus de quinze ans dans le cadre de son métier de journaliste. Et pourquoi pas un référendum ? L’indépendance colore et influence tous les domaines de la vie polynésienne : la politique bien sûr, mais aussi le social, la culture, le sport, l’économie, l’éducation, la santé, etc. etc. C’est comme un fantôme toujours présent, une litanie interminable, qui finit par lasser. On est bien obligé de s’y faire, comme aux autres désagréments du quotidien tahitien - par ailleurs plutôt enviable - comme la chaleur, l’isolement, les cent-pieds ou les moustiques… Il faut pourtant admettre que l’on a parfois envie de dire aux Polynésiens, à l’instar de Raymond Barre à l’adresse des Corses : Allez-y, prenez la votre indépendance ! Arrêtez d’y penser sans cesse et d’en parler tout le temps. Puisque vous en rêvez tellement, agissez ! Sautez le pas ! Il suffirait en effet, en principe, qu’une majorité de Polynésiens réclame l’indépendance du pays pour qu’elle soit immédiatement accordée. C’est prévu dans la Constitution. Ce n’est pourtant pas si simple. Il faudrait d’abord organiser un référendum d’autodétermination. Les Polynésiens auraient alors le choix entre le maintien du statu quo, avec une très large autonomie au sein de la République, et une indépendance totale accompagnée ou pas d’un
soutien de la France, dont la durée et l’ampleur seraient à négocier. Ils sont de plus en plus nombreux, en Polynésie française, à le souhaiter, espérant ainsi clarifier une situation ambiguë, source d’instabilité et nuisible au progrès. Mais, pourquoi un référendum ? Dans la situation actuelle, personne n’y a vraiment intérêt. Les indépendantistes savent très bien que la population, dans sa grande majorité, rejetterait l’éventualité d’une séparation avec la France, synonyme de profonde régression économique et sociale. Quant aux autonomistes, ils ne veulent pas prendre le risque de voir le pays basculer dans l’indépendance sur un coup de tête de l’opinion, par le truchement d’un vote contestataire. On a vu en 2005 comment les électeurs français ont dit Non à la Constitution européenne, votant ainsi à l’encontre de leurs propres intérêts, pour des raisons tenant surtout de la politique intérieure de la France et plus émotionnelles que logiques. Tout est possible. La théorie de l’indépendance « par accident » a été développée par Semir Al Wardi, professeur à l’Université de la Polynésie française et politologue. Selon M. Al Wardi, on est allé si loin dans l’autonomie, qu’une rupture institutionnelle pourrait survenir sans que personne, au fond, ne l’ait réellement souhaité, peut-être à la faveur d’un malheureux concours de circonstances ou d’un jeu politique dangereux sur un terrain si proche de l’irréversible. Un mariage de raison Cela étant, les liens de la Polynésie française avec « la mère patrie » sont plus solides qu’on ne pourrait le penser. Des liens tissés pendant plus d'un siècle et demi d’histoire commune, avec l’application du droit français dans tous les secteurs de la vie publique ou privée, des unions mixtes multiples et de nombreuses connexions familiales, la pratique de la langue française, à peu près couramment parlée par au moins 70 % de la population, et même la baguette de pain incontournable. Pour être honnête, l’élément déterminant, c’est surtout le soutien financier et humain considérable que Paris accorde à sa collectivité territoriale, le plus important de tout l’outre-mer français. Les transferts de l’État en faveur de la Polynésie française (260 000 habitants) ont dépassé les 150 milliards de Fcfp (1,26 milliard d’euros soit presque 5 000 euros par habitant) en 2004 et ils continuent à croître. Cela n’inclut pas les aides diverses accordées par l’État, la défiscalisation notamment (environ 50 milliards de Fcfp), qui a déjà permis à la Polynésie française de s’équiper à bon compte en hôtels et immeubles, en avions, en bateaux de pêche, etc., ni la majoration des pensions des fonctionnaires qui fait des retraités la seconde ressource économique du pays après le tourisme.
Presque tous les médecins sont encore aujourd’hui des « Français de France », de même que la grande majorité des professeurs, ingénieurs, cadres des grandes entreprises, professions libérales, etc. L’investissement est tout de même intéressant et chacun y trouve son compte. Pour ce prix relativement modique (le PIB français avoisine les 2 000 milliards d’euros), la France dispose avec la Polynésie d’un poste avancé dans une région du monde où elle est traditionnellement présente depuis des siècles. L’arrêt des essais nucléaires a réduit son intérêt stratégique, en apparence du moins, mais il reste considérable, notamment en matière de recherche scientifique, de surveillance de l’environnement, de météorologie… Tous domaines dont l’importance se confirme de jour en jour. En outre, les Polynésiens consomment beaucoup de produits et de services français et une grande partie des transferts de l’État reviennent en métropole sous forme de consommation de produits alimentaires, véhicules, etc. En 2006, la Polynésie française a importé pour plus de 48 milliards de Fcfp (403 millions d’euros) de produits français, soit près d’un tiers des transferts de l’État (source : ISPF). C’est bien plus la raison que la passion qui unit les Polynésiens à la France. Si par un coup de veine imprévu, la Polynésie française se voyait soudain dotée de ressources propres lui permettant de se passer des subsides de la métropole, l’audience des idées indépendantistes s’élargirait sans doute aussitôt considérablement, mais, en l’état actuel des choses, elle se limite à une fourchette comprise entre 15 et 35 % de l’électorat. Autonomie ou indépendance ? L’idée d’indépendance sous-tend la politique locale depuis l’annexion de Tahiti et ses îles par la France le 29 juin 1882 (et même depuis 1842 avec le protectorat). Elle s’est renforcée après la Deuxième Guerre mondiale et, surtout, après l’installation du CEP dans les années 1960. À partir de la fin des années 1970, après la création du Tavini Huiraatira (Servir le peuple) par Oscar Temaru, elle n’a plus jamais cessé d’être au cœur de tous les débats politiques, sociaux, économiques et culturels. Il y a toujours eu des opposants à la présence française en Polynésie. La cession de ses États à la France par le roi Pomaré V fut loin de faire l’unanimité, et la France dut d’abord s’imposer par la force. Les voix indépendantistes ont été mises en sourdine. Après la Deuxième Guerre mondiale et surtout dans les années 1950-1960, elles ont retrouvé un interprète de talent en la personne de Pouvanaa a Oopa, chantre du nationalisme ma’ohi, considéré comme le plus grand metua (guide, père spirituel…) des temps modernes. Pourtant, en face des visées atomiques du général de Gaulle,
Pouvanaa ne faisait pas le poids et, malgré tout son charisme, il fut la première victime politique de la force de frappe française. Pouvanaa mourut en janvier 1977, quelques mois seulement avant l’adoption du premier statut d’autonomie interne de la Polynésie française arraché par le Front uni, une coalitaion de partis indépendantistes dirigée par le maire de Faa’a, Francis Sanford. En février 1976, un an avant sa mort, dans sa dernière interview accordée à La Dépêche de Tahiti, Pouvanaa se montrait toujours aussi combatif et convaincu : « Si Dieu a donné son indépendance et sa dignité à chaque peuple, il est juste que nous demandions aussi notre indépendance, que nous ne soyons plus un peuple soumis à l’esclavage d’un autre pays. » À partir du milieu des années 1960, la lutte contre l’implantation du CEP et les essais nucléaires fut le cheval de bataille du mouvement indépendantiste polynésien, soutenu par les opinions publiques et les gouvernements du Pacifique sud, notamment l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji. Vers la fin des années 1970, on assiste à une forte poussée de revendication identitaire, heureusement non-violente à l’exception de quelques actes isolés. Il y a là, la manifestation d’une volonté de s’affranchir des contraintes de la vie quotidienne moderne, lesquelles seraient toutes les conséquences de la présence française (sans la France et les Français, la vie serait plus belle). On peut aisément rapprocher cette poussée identitaire des vagues de contestation ayant bouleversé l’Amérique et l’Europe quelques années plus tôt et en particulier du mouvement « écolo - hippie », qui a fortement influencé certains des jeunes maîtres à penser du renouveau culturel et politique polynésien de cette époque. Avec la création du Tavini Huiraatira en 1978, son président Oscar Temaru, qui succéda à Francis Sanford à la mairie de Faa’a, devint le chef de file incontesté des indépendantistes. Toutefois, l’arrêt définitif des essais nucléaires en 1996 et l’octroi d’une autonomie toujours plus large à la Polynésie française, semblaient priver le Tavini de ses principaux arguments politiques. Le statut de février 2004, obtenu sous l’impulsion de Gaston Flosse, avec le soutien d’une forte majorité de la population, ne disposait-il pas que la Polynésie française se gouverne elle-même ? N’accordait-il pas une quasi-indépendance aux Polynésiens, sans rupture avec la France ? N’étaitce pas la solution idéale d’une liberté avec les moyens d’en profiter ? Conscient de la vigueur du sentiment nationaliste des Polynésiens et constatant les progrès rapides des idées indépendantistes dans la population, Gaston Flosse, leader incontesté des partisans de la présence française, fit sa révolution personnelle au début des années 1980. Jusqu’alors farouchement opposé à l’idée d’autonomie, il comprit que celle-ci pouvait permettre de sauver l’essentiel en accordant aux Polynésiens la reconnaissance et la liberté de manœuvre dont ils rêvaient, sans pour
autant larguer les amarres avec la France. Il n’eut alors de cesse d’obtenir de celle-ci une autonomie de plus en plus complète, à la limite extrême de l’indépendance, ne reconnaissant à l’État que ses compétences strictement régaliennes : nationalité, défense, monnaie, justice. Dans sa lutte pour l’autonomie, Gaston Flosse s’est même parfois montré plus anti-français que les indépendantistes qu’il combattait, à tel point qu’il fut souvent considéré comme le « plus grand indépendantiste du pays » et soupçonné de rêver de devenir le premier président d’un Polynésie indépendante rebaptisée Tahiti nui. Rappelant sans cesse son amour de la France, où il passa du reste pratiquement la moitié de son temps, Gaston Flosse a toujours nié, mais il faut bien reconnaître que son attitude a bien souvent contredit ses discours rassurants. Taui roa À l’issue de plus de vingt ans de lutte opiniâtre contre l’indépendance et en faveur de l’autonomie au sein de la République, Gaston Flosse finit par commettre les plus graves erreurs politiques de sa longue carrière, qui le privèrent d’un couronnement triomphal programmé. En avril 2004, quelques semaines seulement après avoir enfin obtenu le statut dont il rêvait depuis si longtemps (certains affirmaient même qu’il avait été taillé sur mesure pour lui), il fit dissoudre l’Assemblée. Première erreur. Les élections anticipées furent organisées selon un nouveau mode scrutin savamment étudié pour garantir une majorité forte et une stabilité politique favorable au développement. Ce scrutin de liste à un tour était assorti d’une prime majoritaire de 33 % à la liste arrivée en tête dans chacune des six circonscriptions correspondant aux cinq archipels (les Tuamotu-Gambier étant séparés en deux circonscriptions Ouest et Est). Cette prime fut fatale à Flosse et à son parti le Tahoeraa Huiraatira (Rassemblement populaire). Le piège qu'il avait tendu fonctionna contre lui. Le risque était de voir ses opposants passer outre leurs clivages traditionnels (notamment sur le thème de l’indépendance) et s’unir pour profiter de la prime. Inimaginable ! Il surestima ces divisions et sous-estima au contraire l’aversion, parfois la haine qu’il inspirait à ses adversaires politiques et qui furent le ciment de leur alliance. Gaston Flosse n’avait pas non plus conscience de la lassitude des Polynésiens à son égard ni de leur aspiration à une gouvernance plus démocratique, plus transparente et moins stressante. Il perdit les élections d’avril 2004 et se trouva brutalement écarté du pouvoir par le déferlement du taui (changement). Son rival de toujours, Oscar Temaru, lui succéda alors à la présidence du Pays grâce à l’UPLD (Union pour la Démocratie), une coalition de partis, pas tous indépendantistes, autour du Tavini Huiraatira, et sur la foi de son engagement de ne pas faire de l’indépendance un objectif immédiat. Le nouveau président s’en tint effectivement à des propos apaisants pendant la campagne électorale, affirmant haut
et fort que l’urgence était au développement économique, social et culturel de la Polynésie française, l’éventualité d’une indépendance étant repoussée à quinze ou vingt ans, au moins. Ce n’était bien sûr que des promesses contre-nature. Aussitôt établi dans ses hautes fonctions, Oscar Temaru ne cessa plus jamais de militer en faveur de ses idéaux indépendantistes, tant en Polynésie que sur la scène internationale. Abandonnant la gestion quotidienne du Pays à son vice-président, Jacqui Drollet, il multiplia les voyages dans les États susceptibles d’apporter un soutien à ses ambitions séparatistes, faisant chaque fois des déclarations plus fracassantes, réclamant la réinscription de la Polynésie française sur la lise de l’ONU des pays à décoloniser (sur laquelle figure la Nouvelle-Calédonie) et réaffirmant que son unique objectif serait toujours la souveraineté pleine et entière de son fenua. En vain. À l’extérieur, il n’obtint qu’un succès d’estime, tandis que ses comportements fantasques et peu diplomatiques ternissaient sa réputation, y compris parmi ses propres amis. Dans le pays, sa majorité se fissura rapidement, et les autonomistes qui en faisaient partie le lâchèrent. Il dut finalement abandonner le pouvoir en décembre 2006 à la suite d’une motion de censure. « Paradoxalement, la période du taui a révélé à quel point la Polynésie était dépendante de la métropole, ce que chacun savait, mais faisait mine d’ignorer ou cherchait à cacher », remarque l’historien Jean-Marc Regnault (Tahiti Pacifique, mars 2007). L’exemple calamiteux des États voisins Même si l'on veut bien reconnaître les ressorts émotionnels de la revendication identitaire et l’attachement viscéral du Ma'ohi à sa terre et à l’idée qu’il se fait de sa culture, il peut sembler étrange que l’indépendance de la Polynésie française rassemble encore autant de partisans (avoués ou pas et même parmi ceux qui tirent le plus grand profit de la présence française). Les Polynésiens bénéficient du statut le plus avantageux de l’outre-mer français, probablement unique au monde, d’un niveau et d’une qualité de vie sans commune mesure avec ceux des États insulaires indépendants de la région. Jamais sans doute un peuple « colonisé » n’a été autant aimé, choyé et protégé. Les Polynésiens sont des citoyens français à part entière et jouissent des mêmes droits que leurs compatriotes de métropole. La liberté d’expression et d’action politique ou syndicale est totale dans le cadre des lois de la République. Même si le français est la seule langue officielle, les langues locales sont non seulement reconnues par l’État, mais leur pratique est préservée et encouragée (RFO Polynésie, par exemple, est la seule station de télévision d’outre-mer bilingue, entretenant à grands frais deux rédactions, en
français et en reo ma’ohi, et produisant des émissions dans les deux langues). L’identité polynésienne s’épanouit librement dans tous les domaines. Dans aucun autre pays de la région, la danse, la musique, l’artisanat et les arts traditionnels ne manifestent une vitalité et une qualité comparables. La santé, l’éducation, le logement, l’emploi… sont soutenus par un État « papa gâteau » dont beaucoup ailleurs dans le monde n’oseraient même pas rêver. Dans un pays aussi étendu et isolé, les difficultés demeurent bien sûr considérables. Le revenu annuel par habitant de la Polynésie française est presque de moitié inférieur à celui de la France métropolitaine (20 000 dollars par an contre 38 000) et une forte minorité de la population reste exclue du progrès et du développement. Mais cela n’a absolument rien de comparable avec la situation des archipels voisins, dont il est de notoriété publique qu’elle est dramatique à tous les points de vue. Aucun d’entre eux n’a réussi son indépendance et ils sont aujourd’hui confrontés à des difficultés insurmontables. Dans ces pays, la misère ne frappe pas seulement une minorité, elle s'étend à la quasi totalité de la population à l’exception d’une étroite élite dirigeante. À Fidji, l’État insulaire le moins pauvre de la région, le revenu annuel par habitant est estimé à 3 600 dollars, au Vanuatu il atteint à peine 1 600 dollars (environ 400 Fcfp par jour). L’émigration (des jeunes et des plus qualifiés) y est le plus souvent la seule solution pour s’en sortir. Les Cook, les Samoans ou les Tongiens vivent plus nombreux à l’étranger que dans leurs propres pays. Pauvreté, violence, luttes ethniques, émigration forcée, corruption politique, déficit démocratique, atteintes aux droits l’homme et aux libertés individuelles, culture à l’agonie, endettement vertigineux… Voilà le résultat calamiteux de trente ans d’indépendance dans les États insulaires du Pacifique sud. « Beaucoup de ces pays (ndla : les pays insulaires indépendants du Pacifique sud) ont une indépendance politique sans pouvoir soutenir la gouvernance, a récemment déclaré John Howard, le Premier ministre australien. C’est le fruit de l’Histoire et l’on ne peut rien y faire, sauf de leur venir en aide. On ne peut pas remonter le temps. Mais, clairement, l’un des problèmes dans le Pacifique est que ces pays sont trop petits pour être autosuffisants, c’est ça la brutale réalité. » Comment autant de Polynésiens, souvent éduqués et informés, peuvent-ils encore aspirer à un sort pareil ? Cela reste un mystère pour moi. Oscar Temaru le sait parfaitement qui admet publiquement que l’indépendance supposerait un sérieux serrage de ceinture (tout en faisant mine de croire que la France continuerait à soutenir financièrement une Polynésie indépendante, on peut toujours rêver !). Selon lui, la fierté nationale vaut bien quelques privations. Certes. Il omet toutefois de montrer l’exemple et, surtout, de reconnaître l’ampleur des sacrifices à consentir.
Handicap Pourquoi les Polynésiens français réussiraient-ils là où tous leurs cousins du Pacifique ont échoué ? Seraient-ils plus malins, plus intelligents, plus travailleurs ? Disposeraient-ils de ressources dont les autres seraient dépourvus ? Ce serait plutôt le contraire, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon ou Fidji sont nettement plus vastes, avec des populations plus nombreuses et ils possèdent d’importantes richesses minières. Ce n’est pas vers un paradis retrouvé que l’indépendance entraînerait les Polynésiens. Cela d’autant moins qu’un tel paradis terrestre n’a jamais été qu'un mythe. Par surcroît, les Tahitiens seraient fortement handicapés pour émigrer vers les pays développés les plus proches, Nouvelle-Zélande, Australie ou Etats-Unis. À cause de la barrière de la langue d’abord (Oscar Temaru en est conscient qui menait avec son gouvernement une vive campagne en faveur de l’enseignement de l’anglais dès l'école maternelle). Ils ne bénéficient pas non plus du privilège d’entrée ou de résidence dans ces grands pays du Pacifique, contrairement aux habitants des archipels voisins anglophones. Les portes ne sont du reste pas près de s’ouvrir (sauf peut-être aux plus qualifiés) car les Néo, les Aussies et les Yankees ont déjà bien du souci avec leurs propres anciennes colonies. Maintenant que la France ne fait plus exploser de bombes dans la région ni de bateaux dans leurs ports, ils verraient d’un assez mauvais œil son retrait du Pacifique sud, synonyme de charges et de tourments supplémentaires. On peut en revanche considérer, comme le fait Oscar Temaru, que la France n’aura pas éternellement les moyens de soutenir à bout de bras des collectivités territoriales de l’autre côté du monde, aussi minuscules soient-elles. Il n’est pas impossible qu’elle soit alors contrainte de se retirer du Pacifique sud où ses intérêts ne sont plus aussi évidents depuis l’arrêt des essais nucléaires. N’est-ce pas d’ailleurs exactement ce que les autres nations européennes avaient fait, trente ans plus tôt, le Royaume uni en tête, abandonnant leurs anciens territoires à leur triste sort. L’indépendance de la Polynésie française est donc peut-être inéluctable à terme, même si les conséquences en seront probablement très regrettables pour la majorité des Polynésiens français. En attendant ce jour béni pour les uns, redouté par les autres, son fantôme planera sur Tahiti et ses îles. Elle hantera tous les esprits et l'on en parlera encore pendant cent huit ans... Mais, n'est-ce pas l'âme de la Polynésie qui s'exprime, au fond ? Tahiti, c'est un tout, balayez l'indépendance et vous vous priverez du reste. On finirait par s'ennuyer. Patrick Schlouch
LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT Victimes de la double concurrence de la main d’œuvre bon marché des pays émergents et du progrès technologique, les travailleurs des pays développés ont vu leurs salaires et leur pouvoir d’achat stagner, voire régresser au cours de la dernière décennie. À l’autre bout de la chaîne, les revenus des patrons des grandes entreprises ont explosé. Aux Etats-Unis, les salaires ont augmenté moitié moins vite que la productivité depuis 2001. Il y a vingt ans, la paye d’un grand patron américain équivalait à environ quarante fois le salaire moyen, en 2006 c’était cent dix fois. Le monde vit les années glorieuses du capitalisme triomphant. La libération des échanges commerciaux associée à la révolution des technologies de l’information et de la communication ont créé une prospérité sans égale. Au cours des cinq dernières années, le monde a connu la plus forte croissance depuis le début des années 1970. Des centaines de millions d’habitants des pays en voie de développement ont pu trouver de l’emploi et sortir de la misère. Des centaines de millions d’autres sont sur le point de les rejoindre. D’un point de vue global, l’Humanité a beaucoup progressé sur le plan économique, mais, dans les pays développés, la part des salaires dans le PIB (la production de richesses d’un pays) est tombée au plus bas, tandis que les profits des entreprises atteignent des sommets. Tentation protectionniste Les signes de mécontentement abondent. Les opinions publiques occidentales manifestent de plus en plus contre la liberté du commerce, relayées par des élus soucieux de coller au mieux à la tendance. En Amérique, en Europe et même au Japon, la Chine fait figure de grand méchant loup. Partout, le protectionnisme fait des émules de plus en plus nombreux. Le constat est clair, mais qui est vraiment responsable ? La mondialisation, la globalisation est brocardée comme un monstre froid, un rouleau compresseur, grand destructeur d’emplois, effaceur d’identités culturelles et rabat-joie. La concurrence des crève-la-faim du Tiers monde balaie tout sur son passage. Pourtant, un autre phénomène, encore moins contrôlable, est à l’œuvre : le progrès technologique. Plus encore que l’ouverture des frontières, la révolution informatique explique la dévalorisation du travail, la disparition de millions d’emplois et la régression des salaires moyens. Grâce à l’informatique, la machine est aujourd’hui
capable d’effectuer une infinité de tâches autrefois assumées par des humains, à un coût très réduit, sans problème de santé ni menace de grève. Alors, faut-il ériger de nouvelles barrières douanières et casser nos ordinateurs pour retrouver le plein emploi avec des salaires corrects ? Beaucoup sont d’avis de fermer les frontières pour protéger les emplois et les productions nationales. Ils le regretteraient bien vite à voir les prix s’affoler (il faudrait bien répercuter la hausse des coûts de production, les salaires en particulier) et l’offre de produits et services se réduire. Bien moins nombreux ceux qui envisageraient de se priver de leurs assistants informatiques. Ils sont devenus indispensables. La productivité des entreprises et des individus en serait gravement affectée. Protéger à la machine à prospérité La situation n’est certes pas facile, car on voit bien que la première des choses à faire pour l’améliorer, c’est… ne rien faire. Ne pas prendre le risque d’enrayer ce mouvement de progrès à double spirale, commerciale et technologique, cette formidable machine à fabriquer de la prospérité qui est à l’œuvre sous nos yeux. Alors quoi, les grands patrons sont trop payés, les entreprises font trop de profits ? Certains candidats à la présidence de la République française nous expliquent qu’il faut limiter leurs salaires et taxer davantage les bénéfices des grandes entreprises. Mais, comment pourrions-nous juger ? Que savons-nous de la gestion d’un groupe d’entreprises employant des dizaines de milliers de personnes dans le monde entier ? Il semblerait que le vrai talent se raréfie dans le domaine économique, et plus encore à un tel niveau. On parle même de pénurie. La demande fixe donc les prix. Imposer des contraintes supplémentaires à nos entreprises ne ferait que les entraver et les handicaper davantage dans la rude compétition internationale. Si l’on n’a aucun intérêt à bousculer les gagnants de la modernité, soutenir ses victimes n’est pas évident non plus. Il faut prendre aux premiers en faveur des secondes clament les cœurs purs, les Robin des Bois de la politique. Simpliste ! Quand les riches sont trop imposés, ils s’en vont, tout simplement, et s’installent ailleurs, où ils paieront moins. L’Irlande était un des pays les plus pauvres d’Europe jusque dans les années 1980, elle connaît depuis vingt ans une croissance qui permet aujourd’hui à ses habitants de disposer de revenus parmi les plus élevés du monde. Pourquoi, comment ? Simplement, parce qu’elle a su attirer à elle les entreprises et les talents en leur proposant des conditions fiscales avantageuses. Avant de tondre les entreprises et les « riches », il est judicieux de leur laisser d’abord se faire de la laine.
Pendant la même période, la France n’a fait que décliner et pas seulement d’un point de vue économique. Événement impensable avant 2005 : pour la première fois en ce début d’année cinquantenaire du traité de Rome, plusieurs pays européens, dont le Royaume uni, l’Allemagne et l’Espagne, se sont réunis sans la France, pour discuter de l’avenir de l’Europe. Et cette campagne présidentielle ! Encore les mêmes antiennes. Les mêmes visages, les mêmes idées reçues, les mêmes craintes, la même démagogie, l’ignorance qui s’étend sans cesse davantage. On dirait que jamais la vérité n’a fait si peur en France. C’est comme si les Français refusaient de voir le monde tel qu’il évolue, préférant se passionner par la course à l’Élysée (le nom déjà, Elysée, le paradis…), bercés par les surenchères toujours plus mirobolantes des candidats. De l’autisme collectif, en quelque sorte. Dormez, braves gens ! Ce n’est pas un président que les Français vont bientôt élire, c’est un veilleur de nuit. Et pendant ce temps, le compteur tourne Peut-être, ce même état d’esprit frileux a-t-il présidé à l’accumulation de la dette nationale monstrueuse qui s’alourdit à chaque seconde, comme le montre si bien l’animation impressionnante que l’on a pu voir sur France Télévision, dans l’émission d’Arlette Chabot À vous de juger. C’est un compteur d’euros en 3D, affichant les treize chiffres de la dette française (plus de 1,222 trillion, c’est-à-dire mille deux cent vingt deux milliards), dont les six derniers défilent à une allure affolante. Ça fait vraiment peur ! Pour chaque Français, cela représente près de 20 000 euros. Il faudra bien que quelqu’un les paie un jour. Il est possible de voir un compteur de ce type et d’en savoir plus sur la dette publique de la France et des autres pays sur le site http://www.nirgal.com/wakeup/dette Oh, je sais, la France n’est pas le seul pays à être violemment endetté. D’autres le sont bien davantage encore. Ce n’est pas le fait d’être endetté qui pose un problème, c’est simplement qu’il vaut mieux emprunter pour investir et se développer plutôt que pour continuer à vivre au-dessus de ses moyens, dans une sorte de cocooning illusoire et suranné, en refusant de s’adapter aux évolutions du monde. Le changement provoque toujours une certaine souffrance, même s’il se révèle bénéfique à plus long terme. S’opposer au changement est vain, on ne remonte pas le cours du temps. Il vaut bien mieux apprendre à s’adapter pour tirer le meilleur parti des aspects positifs du changement que de s’épuiser à nier l’évidence.
Pas facile ? C’est vrai, mais se placer la tête dans le sable, cela empêche non seulement de voir la réalité, mais vous met dans une position très favorable au coup de pied au derrière. Le succès ou la régression de tel ou tel pays dépendront étroitement de son ouverture vers l’extérieur et de la capacité de ses dirigeants à comprendre les évolutions du monde. Affirmer son identité, ce n’est pas se replier craintivement sur soi-même, c’est échanger, se faire connaître, rayonner autant que possible. Mais, pour cela, il faut d’abord maîtriser sa peur, ne plus tout attendre de l’État et apprendre à valoriser les richesses et les talents que le ciel nous a donnés. Patrick Schlouch Punaauia, le 17 mars 2007
© Tous droits réservés
GÉANTS DES MERS, NOUVELLE GÉNÉRATION Avec un trafic mondial de marchandises croissant de 15 % par an et des exportations chinoises augmentant presque deux fois plus vite, la construction de porte-conteneurs connaît un boom sans précédent. Le commerce entre la Chine, l’Inde, l’Amérique et l’Europe représente 65 % des mouvements annuels de tous les cargos de plus de 250 mètres en activité. Cette situation a entraîné un flot de commandes pour de nouveaux navires, plus modernes et plus grands, grâce auxquels le coût des transports de marchandises devrait baisser, mais qui vont se trouver confrontés à de nouvelles difficultés. On dénombre actuellement environ 4 000 porte-conteneurs en service sur les océans de la planète et 1 300 autres sont en commande auprès des chantiers navals. Le tonnage commandé correspond à la moitié de celui de la flotte existante, très supérieur à la proportion habituelle qui n’est que d’un tiers. Les cargos en fin de carrière sont à présent remplacés par des bâtiments deux fois plus massifs, capables de transporter du fret à des coûts beaucoup plus faibles. Les trois plus gros navires actuels ont été construits par le chantier danois d’Odense pour le compte de la Maersk Line, une compagnie danoise, numéro un mondial des porte-conteneurs exploitant plus de 500 bateaux. Le premier, l’Emma Maersk (photo), a été livré en août 2006. Il a été suivi quelques mois plus tard par l’Estelle Maersk et l’Eleonora Maersk. D’une longueur de 397 mètres et larges de 53 mètres, avec un tirant d’eau de 16 mètres, ces nouveaux géants des mers peuvent transporter jusqu’à 13 500 evp (conteneurs de 20 pieds ou leur équivalent en 40 pieds). Un train ainsi chargé mesurerait plus de 70 kilomètres. Ils sont propulsés par un moteur diesel de 14 cylindres développant 110 000 cv, leurs ancres pèsent chacune environ 30 tonnes, autant qu’un gros camion.
Les limites du gigantisme La Maersk Line a prévu de mettre à l’eau une dizaine de ces monstres. Huit autres sont en construction pour le compte de la compagnie française CMA-CGM (un groupe né en 1999 de la fusion de la Compagnie Maritime d'Affrètement et de la Compagnie Générale Maritime, 5è transporteur mondial avec plus de 150 navires). Certains spécialistes prédisent l’arrivée prochaine de megacargos pouvant transporter jusqu’à 18 000 evp, permettant ainsi une économie de 30 % sur le coût du transport par rapport aux anciens navires plus modestes. Mais, si la grande taille permet de baisser les tarifs, elle pose aussi de nouveaux problèmes. Jusqu’à la fin des années 1980, les plus gros bateaux ne pouvaient pas transporter plus de 5 000 evp. Cela leur permettait de traverser le canal de Panama sans difficulté. Les navires capables de franchir les 80 km de ce canal vieux de 93 ans, reliant l’Atlantique au Pacifique, sont rangés dans la catégorie dite Panamax. Ils ne doivent pas excéder 294 mètres de longueur, 32 mètres de largeur et 12 mètres de tirant d’eau. Les énormes porte-conteneurs modernes, trop volumineux pour passer par le canal, sont classés dans la catégorie dite post-Panamax. Au mois d’octobre 2006, les Panaméens ont accepté par référendum un projet d’élargissement du canal dont le coût est estimé à 5 milliards de dollars (3,85 milliards d’euros). Dans quelques années, les nouveaux Goliath océaniques pourront donc l’emprunter, mais à un coût plus élevé. Toutefois, si la recherche de nouvelles économies d’échelle pousse l’accroissement de la taille des navires encore plus loin, non seulement le canal de Panama leur sera à nouveau interdit, mais aussi le canal de Suez et même le détroit de Malacca. Le canal de Suez est long de 163 km. Ouvert en 1869, il relie la Méditerranée et la mer Rouge, permettant d'aller en Asie sans devoir contourner l'Afrique. Les experts estiment à 18 000 evp la capacité maximale des navires, classés Malaccamax, pouvant traverser le détroit de Malacca qui s’étend sur plus de 800 km entre la Malaisie et l’île indonésienne de Sumatra. L’importance commerciale de cette voie maritime est comparable à celle des canaux de Panama et de Suez, mais sa profondeur minimale ne dépasse pas 25 mètres, ce qui en interdit l’accès aux navires de plus de 20 mètres de tirant d’eau. On n’en est pas loin. L’essentiel du trafic des nouveaux cargos géants se concentre autour d’une vingtaine de grands ports seulement, dominés par Singapour, Hong Kong et Shangaï, disposant de chenaux suffisamment profonds et équipés de matériel de levage de taille suffisante. Les économies d’échelle obtenues grâce au gigantisme risquent fort d’être grignotées par le coût des aménagements portuaires indispensables pour accueillir et traiter la nouvelle génération de géants des mers.
LA CHINE REDÉCOUVRE LA RELIGION Karl Marx l’appelait l’opium du peuple. Strictement interdite pendant plus d’un demi-siècle par le régime maoïste, la religion fait un retour en force en Chine. À tel point qu’elle transforme rapidement le paysage social et politique, non seulement dans de nombreuses régions rurales, mais même dans les villes où l’idéologie marxiste athée est pourtant bien implantée. Ce mouvement puissant concerne les cultes populaires traditionnels, notamment celui des ancêtres, aussi bien que les grandes religions organisées. Confronté à une sorte de marée spirituelle, le Parti communiste chinois a dû revoir sa position vis-à-vis de la religion et commence même à en percevoir les vertus sociales. Désormais, il reconnaît officiellement cinq grandes confessions : le Bouddhisme, le Taoïsme, l’Islam, le Catholicisme et le Protestantisme. En revanche, il considère les cultes populaires comme de la superstition. Leur pratique reste illégale, mais, dans les campagnes, les autorités locales ont tendance à fermer les yeux. De nombreux gouvernements locaux sont en effet dans une situation financière difficile. Criblés de dettes, ils ont de plus en plus de mal à assumer leurs responsabilités publiques et ils apprécient grandement le soutien bénévole d’associations religieuses en matière de santé ou d’éducation par exemple. Les autorités locales craignent aussi les manifestations de paysans qui se multiplient depuis quelques années. Pour éviter les vagues, elles préfèrent faire preuve de souplesse à l’égard des activités religieuses. Les dirigeants politiques locaux trouvent aussi dans la religion des avantages bien matériels. Par exemple, l’usage veut qu’une association sollicitant l’autorisation d’ouvrir un lieu de culte, organise un banquet en leur honneur. Ils faciliteront naturellement la vie des associations qui les respectent et qui leur accordent leur soutien financier. Les gouvernements locaux tirent aussi profit des taxes et impôts versés par les commerçants qui prospèrent à proximité des lieux de culte. Ces derniers sont le plus souvent considérés comme des entreprises qui génèrent des revenus et contribuent à la bonne santé économique de la communauté. Certains temples peuvent attirer plusieurs centaines de milliers de dévots à l’occasion des fêtes. Selon les témoignages des journalistes étrangers, qui ont depuis quelques mois le droit de circuler (presque) librement dans le pays, la renaissance de la religion est évidente en Chine. On remarque partout des temples neufs, des églises, des mosquées. Selon les chiffres officiels, ces bâtiments sacrés sont fréquentés par cent
millions de croyants (moins de 10 % de la population chinoise), mais ce nombre est sans doute largement sous-estimé. Pour le moment, il ne s’agit que de tolérance. Les autorités de Pékin restent très vigilantes sur tout ce qui concerne la religion. Leur attention se fixe notamment sur le Bouddhisme tibétain, l’Islam dans certaines régions sensibles, le Catholicisme et le Protestantisme quand ils sont pratiqués de manière informelle, des groupes de croyants se réunissant chez les uns ou les autres pour prier. Ces confessions leur paraissent en effet susceptibles de masquer des mouvements politiques à caractère subversif. On se souvient de la rafle effectuée dans les années 1990 sur la secte Falun Gong, d’obédience bouddhiste, encore soumise aujourd’hui à des contrôles très stricts et dont de nombreux membres sont en prison. Le débat est toutefois ouvert au sein du Parti communiste chinois à propos de la religion. Ne serait-il pas plus productif de reconnaître la liberté des cultes, plaident certains, plutôt que de s’y opposer dans un combat risquant de menacer gravement la sacro-sainte stabilité politique du pays ? Autrement dit, il vaut mieux nager dans le sens du courant, comme le préconise justement la philosophie taoïste. La religion au service de l’harmonie sociale L’évolution rapide de l’économie et des modes de vie ébranle la société chinoise et menace sa cohésion. Le gouvernement commence à considérer la religion et les cultures traditionnelles comme des éléments fédérateurs, capables de contribuer à la préservation de cette cohésion sociale. Désormais, on encourage généreusement l’étude du confucianisme, la doctrine de Confucius (Kong Fu Zi), philosophe chinois du sixième siècle avant notre ère, érigée en religion d’État jusqu’au début du vingtième siècle et qui vise surtout l’harmonie des relations humaines. Cette doctrine avait pourtant été sévèrement condamnée comme « féodale » par Mao Tsé Toung et totalement bannie. Depuis 2004, la Chine a financé la création de plusieurs dizaines d’Instituts Confucius dans le monde entier pour promouvoir la langue et la culture chinoises. Un de ces instituts vient d’être inauguré à Paris, le 16 mars 2007, à l’Université Paris 7 Denis Diderot http://www.confucius.univ-paris7.fr/
Autre explication du développement spectaculaire de certaines associations confessionnelles : l’état précaire du système de santé publique chinois. Si la secte Falun Gong a connu un tel succès populaire, c’était beaucoup parce qu’elle prétendait pouvoir guérir les malades sans prise de médicaments. Or, ceux-ci coûtent très cher en Chine où ils sont délivrés par les hôpitaux publics. Près de Pékin, dans un village célèbre pour une apparition de la Vierge Marie en 1900, des nonnes catholiques ont ouvert un dispensaire où elles prodiguent des soins à des tarifs cinq fois plus bas que ceux des hôpitaux d’État ou des cliniques privées. Les autorités encouragent même les associations religieuses chinoises à s’inspirer de Hong Kong où leurs homologues gèrent de nombreux établissements scolaires et de santé. Depuis la nomination de Benoît XVI, considéré comme un pape plus modéré et moins anti-communiste que Jean-Paul II, Pékin a entamé de difficiles négociations avec le Vatican pour essayer d’améliorer les relations entre les deux États. Un rapprochement a même été tenté avec le Dalaï Lama. Depuis 2002, ses représentants ont pu discuter à cinq reprises avec les autorités chinoises, la dernière réunion ayant eu lieu au mois de février 2007. Mais, les discussions piétinent car les Chinois restent convaincus que le Dalaï Lama ne vise que l’indépendance du Tibet. À rebours de l’idéologie officielle, le Bouddhisme tibétain provoque dans le même temps un engouement marqué auprès de nombreux Chinois, des citadins surtout, qui lui reconnaissent plus de « pureté » qu’au Bouddhisme officiel considéré comme étroitement lié au gouvernement. Les religions s’infiltrent même jusque dans les rangs du Parti communiste. De nombreux membres les pratiquent ouvertement en violation des règles du parti. Comme d’autres avant lui, contre la propriété privée par exemple qui vient d’être officiellement reconnue en Chine, le combat maoïste contre la spiritualité semble donc bien perdu. Le Parti communiste chinois ne pourra plus jamais exiger de ses membres qu’ils renient leur foi et se déclarent athées. Patrick Schlouch Punaauia, le 5 avril 2007
ROGGEVEEN : LE VIEUX NOTAIRE AVENTURIER Pâques ! C’est bien sûr la plus grande fête chrétienne, célébrant la résurrection du Christ. Mais, il y a aussi une île, perdue au milieu du Pacifique sud, qui porte ce nom. L’île de Pâques, fameuse pour ses statues, ses mystères, et baptisée ainsi par son découvreur parce qu’elle lui était justement apparue le jour de Pâques. Cela, tout le monde le sait. Mais savez-vous qui découvrit l’île de Pâques ? Cook ? Bougainville ? Vous n’y êtes pas. L’île de Pâques a été découverte un demi-siècle avant les exploits de ces illustres navigateurs par Jacob Roggeveen, un notaire hollandais de soixante-trois ans. C’était en 1722. L’île lui apparaît le 5 avril, dimanche de Pâques. Roggeveen et son équipage de deux cent vingt-trois officiers et marins, répartis sur trois bateaux, sont en mer depuis déjà huit mois. En ce jour béni entre tous, la première terre inconnue se présente comme un cadeau du ciel à cet homme profondément croyant, ancien étudiant en théologie, embarqué dans l’aventure la plus risquée, mais la plus exaltante qu’il fût possible de vivre à cette époque : la traversée de l’Océan Pacifique. On oublie souvent que les navigateurs hollandais ont joué un rôle de premier plan dans l’exploration de la planète. Solidement implantés jusqu’en Indonésie à l’Est et en Amérique du Sud à l’Ouest, ils furent en réalité, après les Espagnols et les Portugais, parmi les premiers Européens à organiser des expéditions vers les mers australes, plus de cent ans avant les Anglais et les Français. Ainsi, dès le début du dix-septième siècle, à l’initiative d’Isaac Le Maire, de riches marchands hollandais créent une compagnie de commerce maritime, la Compagnie australienne, avec pour objectif d’explorer les mers du Sud et d’exploiter les richesses qu’elles pourraient recéler. En 1615, une expédition trans-Pacifique est organisée, commandée par Jacob Le Maire, le propre fils d’Isaac Le Maire, assisté à la manœuvre par les frères Willem et Jan Schouten, deux des meilleurs marins hollandais de leur temps. Ils inscrivent leur nom dans l’Histoire en réussissant, pour la première fois, à franchir le Cap Horn (du nom de leur port d’attache aux Pays-bas), à l’extrême Sud de la Terre de feu, avant de rallier l’Indonésie en neuf mois. Au passage, ils découvrent quelques atolls des Tuamotu, dont Rangiroa, le plus grand d’entre eux, et, plus à l’Ouest, l’archipel de Tonga. Mais, ils naviguent trop au Nord et ne connaîtront jamais l’existence de l’île de Pâques.
Une vocation contrariée Les années ont passé. En Europe, on fantasme toujours sur le mystérieux continent austral, dont les richesses mythiques font rêver. Pourtant, les commerçants hollandais font de si bonnes affaires avec l’Amérique du Sud, qu’ils ne songent guère à financer de nouveaux voyages exploratoires vers le Pacifique. Voilà pourquoi ils accueillent favorablement la demande d’Arent Roggeveen, un de leurs compatriotes, particulièrement dynamique, quand, en 1675, il sollicite l’autorisation d’organiser une expédition dans les mers australes. La Compagnie des Indes occidentales a tout à y gagner. Non seulement Roggeveen ne demande aucun financement, mais il lui promet de surcroît une commission sur ses éventuels bénéfices. Arent Roggeveen était un savant extraordinaire. Il connaissait les mathématiques et l’astronomie. Géographe et expert dans l’art de la navigation, il se passionnait pour la légendaire Terra Australis, lisant avec soin tout ce qui avait été publié sur le sujet depuis le premier voyage du Portugais Magellan, cent cinquante ans plus tôt. Hélas, la mort le fauche pendant la préparation du voyage. Le projet est enterré. Arent Roggeveen avait un fils qui, comme celui d’Isaac Le Maire, son modèle, s’appelait Jacob et n’avait que seize ans. Toute sa vie, Jacob Roggeveen fut hanté par le rêve fantastique de son père et le feu de l’aventure couva sous sa peau. Pourtant, il s’engagea dans une voie totalement opposée. Il étudia sagement le droit et la théologie, devint notaire et magistrat et mena une longue carrière de notable. Jusqu’à ce que son destin le rattrape. Il avait soixante-deux ans, déjà presque un vieillard pour l’époque. Neuf ans plus tôt, en 1712, Jacob Roggeveen avait été nommé conseiller de justice auprès de la Compagnie hollandaise des Indes orientales à Batavia, ancien nom de Djakarta, la capitale de l’Indonésie. Là, pendant deux ans, dans l’ambiance exotique et animée de ce grand port tropical, le sang fouetté par les odeurs d’épices et la peau ambrée des indigènes, il est soumis aux tentations du large et renonce à leur résister. Dès son retour en Hollande, en 1714, il entreprend de réactualiser et concrétiser le fabuleux projet d’exploration de son père. Il lui faudra sept ans pour y parvenir. Enfin, le 1er août 1721, exactement deux cents ans après que Magellan a traversé l’Océan Pacifique pour la première fois, Jacob Roggeveen quitte le port de Texel en Hollande, à la tête d’une flottille de trois navires que la Compagnie hollandaise des Indes occidentales lui a confiés, avec pour mission de prendre possession de toute terre découverte au nom de la couronne de Hollande. Son âge, son expérience et sa respectabilité d’homme de loi ont fait merveille auprès de ses sponsors. Non seulement, il n’a pas eu à financer son expédition, ni à promettre de verser une commission sur ses profits, comme son père l’avait fait, mais, il a même obtenu de la
Compagnie un dixième de tous les bénéfices réalisés dans les terres australes pendant dix ans. Sa flottille est composée de l’Arent (le prénom de son père) qui mesure trente-six mètres de long et embarque cent dix hommes, le Thienhoven, trente mètres et quatrevingts hommes, et La galère africaine, un gros voilier sans quille et à fond plat, vingthuit mètres et trente-trois hommes. Elle se dirige vers le Cap Horn qu’elle espère franchir pendant l’été austral. Pari tenu, mais la météo est déplorable. Les trois navires sont confrontés aux pires difficultés. Le Thienhoven se perd dans la tempête. La flottille sera néanmoins réunie par miracle deux mois plus tard, aux îles Juan Fernandez, émergeant à sept cents kilomètres au large des côtes chiliennes. C’est à Mas-a-Tierra, la plus grande île de l’archipel, aujourd’hui connue sous le nom d’île Robinson Crusoé, qu’a vécu pendant près de cinq ans, dans l’isolement le plus sévère, Alexandre Selkirk, naufragé volontaire dont l’histoire a inspiré Daniel Defoe pour l’écriture de son best seller. Les Hollandais visitent sa cabane et son jardin. Pâques, rencontre tragique À présent, ils voguent de concert vers l’inconnu. Roggeveen a toutefois entendu parler d’un boucanier du nom de Davis qui, en 1687, trente-cinq ans plus tôt, aurait aperçu une terre à environ 27° de latitude et cinq cents lieues (2 000 km) à l’Ouest des côtes chiliennes. Il décide de la chercher. Le dimanche de Pâques, 5 avril 1722, l’île s’offre à ses yeux, il la baptise aussitôt du nom du jour : l’île de Pâques. Les trois navires passent la nuit au large et, le lendemain, ils s’approchent de la terre sur laquelle les Hollandais aperçoivent les premiers signes de vie humaine. Mais, un puissant orage interdit tout débarquement, empêchant du même coup les « naturels » de s’approcher des bateaux. À l’exception d’un seul guerrier, entièrement nu, qui, sur une petite pirogue, réussit à rejoindre La galère africaine et à se hisser à bord. Voici comment le capitaine Bouman raconte l’événement sur son carnet de bord : « Il paraît fortement impressionné par l’aspect de notre navire. Comme nous ne pouvons pas du tout nous comprendre, nous communiquons au moyen d’expressions du visage et de signes. Nous lui offrons un petit miroir, mais son reflet dans cette glace, tout comme le son de la cloche, l’effraie beaucoup. Le verre d’eau-de-vie que nous lui tendons, il se le verse sur la figure et ouvre de grands yeux quand il réalise combien cette liqueur est forte. Nous lui donnons un deuxième verre avec un biscuit, mais il refuse de boire ou de manger. Il semble éprouver quelque honte de sa nudité, surtout à côté de nos vêtements. Il cherche alors à se cacher et passe derrière la table sur laquelle il pose la tête et les bras. Puis, il se lance dans un long monologue, une sorte d’invocation à ses dieux. Sa voix est forte et, à plusieurs reprises, il élève les mains et la tête vers le ciel. Au bout d’une demi-heure, il s’arrête et commence à
sauter et chanter. Il se montre heureux, gai et très satisfait, surtout quand nous lui attachons un morceau de toile à voile autour de la taille pour cacher ses parties. Les marins commencent à jouer du violon et il danse avec eux, très surpris du son de cet instrument. Sa petite embarcation est faite de morceaux de bois cousus ensemble et elle est si légère qu’un homme peut facilement la porter. Nous sommes très admiratifs devant le courage de cet homme qui n’a pas peur de s’embarquer sur une pirogue aussi fragile et de partir ainsi en haute mer. Lorsqu’il nous a rejoints, nous étions au moins à trois milles de l’île. » Le 8 avril, le beau temps est revenu. Deux chaloupes sont dépêchées en reconnaissance. Elles reçoivent un bon accueil de la part des habitants de l’île et Roggeveen décide une exploration plus importante. À l’aube du 10 avril, cent trentequatre hommes armés, répartis sur trois chaloupes et deux sloops, abordent l’île de Pâques. La rencontre avec les indigènes est très tendue. On s’observe avec méfiance, le moindre geste peut être interprété comme une agression. Soudain, la scène tourne au tragique. Des coups de feu éclatent et, bientôt, une douzaine de morts et des dizaines de blessés jonchent la plage. Les Pascuans prennent la fuite. Ils réapparaissent pourtant quelque temps après, les bras chargés de présents (canne à sucre, volailles, ignames et bananes). Tant bien que mal, les Hollandais leur font comprendre que leurs intentions sont pacifiques et ils finissent par échanger les victuailles contre des rouleaux de toile. Roggeveen et ses hommes sont fascinés par les fameux moai, les grandes statues de plus de dix mètres de haut, qu’ils admirent alignées près de la plage et tournant le dos à la mer. Ils se demandent comment elles ont été élevées, en l’absence de tout matériel. Roggeveen pense toutefois l’expliquer facilement en les croyant faites d’argile. Il estime alors la population de l’île de Pâques à deux ou trois mille personnes.
Le piège de l’archipel dangereux Les Hollandais ne s’attardent pas à Pâques qui n’offre qu’un paysage désolé, une population misérable et aucune richesse tangible à exploiter. Après avoir remonté vers le Nord pendant toute une journée pour essayer de découvrir des terres voisines, Roggeveen décide de remettre le cap au nord-ouest, en direction des Tuamotu, dont l’existence est connue depuis le milieu du seizième siècle et, surtout, depuis l’expédition de Le Maire et Schouten. Le 18 mai, les Hollandais aperçoivent le premier atoll (Tikei) qu’ils confondent avec Puka Puka, découvert par Magellan. De nombreux marins souffrent du scorbut et l’expédition a le plus urgent besoin de vivres frais, mais Roggeveen refuse de s’arrêter car il n’y a aucune passe ni mouillage sûr. Les Tuamotu n’ont pas usurpé leur surnom d’archipel dangereux. En pleine nuit, La galère africaine se met au sec sur un récif de l’atoll de Takapoto. Au matin du 19 mai, les capitaines des deux autres navires se rendent compte qu’ils sont passés par miracle entre deux îlots coralliens. La galère africaine est finalement perdue, impossible de la remettre à flot. Son équipage est réparti entre l’Arent et le Thienhoven. À la surprise générale, cinq marins décident toutefois de déserter et de rester sur l’atoll habité par quelques indigènes. Les deux navires rescapés traversent avec peine le labyrinthe des Tuamotu, aux îles basses, invisibles jusqu’au dernier moment. C’est une épreuve dont ils ont hâte de sortir. Ils évitent de justesse Manihi, puis Apataki, avant d’apercevoir Arutua et Rangiroa. Roggeveen se sent comme pris au piège alors que le scorbut fauche ses hommes par dizaines. À l’aube du 2 juin, une île haute, mais plate, apparaît enfin. Entourée de falaises, c’est Makatea, le petit atoll surélevé qui, deux siècles plus tard, deviendra célèbre pour ses riches gisements de phosphate. On a tellement besoin de ravitaillement qu’en dépit d’un accès très difficile, on envoie un détachement de quarante hommes à terre pour essayer d’y trouver des fruits ou des herbes comestibles. Mais, les indigènes se montrent hostiles et s’opposent au débarquement. Les Hollandais font feu et parviennent à prendre pied sur l’île. Ils réussissent même à amadouer les indigènes avec de la pacotille. Ils ramassent de grosses quantités de végétaux pour les malades. Pourtant, le lendemain, quand ils retournent à terre pour une seconde récolte, ils tombent dans une embuscade et sont contraints d’abattre un grand nombre d’indigènes animés d’une fureur guerrière peu commune et qui ne reculent pas, même devant les mousquets. Il y a aussi des victimes parmi les Hollandais. La perte de La galère africaine, cette tragique confrontation avec les indigènes, et la difficulté de se ravitailler en produits frais ont grandement affecté le moral de l’expédition. Les trois quarts des hommes sont atteints du scorbut. Roggeveen,
vaincu, décide d’abandonner sa mission d’exploration et de rentrer au plus vite en Hollande, via l’Indonésie. Le 6 juin, après trois jours de navigation au nord-ouest, on signale les sommets de deux îles hautes. Les Hollandais pensent qu’il s’agit des îles Tonga que Le Maire et les frères Schouten avaient découvertes en 1616. Il s’agit en réalité de Bora Bora et de Maupiti, dans l’archipel de la Société. Échaudé par ses déboires dans les Tuamotu, Roggeveen préfère passer au large. Bora Bora et Maupiti ne seront finalement visitées que cinquante ans plus tard par le capitaine Cook. En route, les Hollandais découvriront encore les îles Samoa, puis l’expédition s’achèvera trois mois plus tard dans des conditions dramatiques. Roggeveen arrive à Batavia le 4 octobre 1722. La moitié de ses deux cent vingt-trois hommes sont morts, du scorbut pour la plupart. Les survivants sont épuisés et malades. Mais, leurs ennuis ne sont pas terminés. Ils sont accusés d’avoir violé les privilèges de la Compagnie des Indes orientales (concurrente de celle des Indes occidentales qui les emploie) en pénétrant dans les mers du Sud sans autorisation. On saisit leurs navires et on les jette en prison où ils croupiront encore neuf mois, avant d’être enfin rapatriés en Hollande pour y être jugés au mois de juillet 1723. Ils furent finalement acquittés des charges qui pesaient contre eux, remis en liberté et la Compagnie des Indes orientales fut même condamnée à leur verser des indemnités. Jacob Roggeveen passa le reste de sa vie dans sa ville natale de Middelburg où il mourut en 1729, à l’âge de soixante-dix ans. La morale de cette histoire, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves d’adolescent. La vie commence aujourd’hui, à soixante ans comme à vingt. Patrick Schlouch Punaauia, le 13 avril 2007
© Tous droits réservés
LAPIDATION, LA HONTE DE L’ISLAM Au soir du 18 octobre 2004, une jeune femme de vingt-trois ans était sauvagement massacrée à coups de pierres, dans un terrain vague près du centre commercial Grand Littoral à Marseille. On l’a retrouvée le lendemain, la tête fracassée. Elle s’appelait Ghofrane Haddaoui, elle était belle et ne demandait qu’à vivre. Ses assassins viennent d’être très sévèrement condamnés, mais sa mère continue à se battre pour faire reconnaître qu’elle a été victime d’une lapidation. Née à Tunis, dans une famille de six enfants, Ghofrane Haddaoui avait travaillé dans une société de nettoyage, puis comme vendeuse. Avant sa mort, elle suivait une formation d’aide ménagère pour personnes âgées. Ses assassins, deux mineurs de 16 et 17 ans au moment des faits, ont été condamnés le 13 avril 2007 à vingt-trois ans de réclusion criminelle. L’excuse de minorité ne leur a pas été accordée (elle aurait entraîné une réduction de leurs peines de moitié), mais la cour d’assises des Bouches-du-Rhône n’a toutefois pas suivi les réquisitions du ministère public qui réclamait la peine maximale de trente ans. Les mobiles de ce crime particulièrement odieux et barbare restent assez flous. L'accusé principal, un petit caïd de banlieue bien connu de la police, avait été interpellé dès le 8 novembre 2004. Il avait reconnu les faits pendant sa garde-à-vue. Selon lui, Ghofrane avait accepté de le suivre tard dans la nuit, avant de changer d'avis, de lui expliquer qu'elle avait un autre copain et qu'elle devait se marier avec lui. D'après ses propres déclarations : « Fou de rage » et sous l'effet combiné de l'alcool et du cannabis, il l'avait alors violemment giflée, puis s'était acharné sur elle « pendant une dizaine de minutes » en lui jetant de grosses pierres sur la tête. Il était aidé d'un complice qui s’était occupé de maintenir la malheureuse jeune femme pendant la tuerie. L’autopsie avait permis d’établir qu’une trentaine d’impacts sur la boîte crânienne avaient entraîné des lésions cérébrales et une hémorragie à l’origine de la mort. Le meurtrier avait été confondu par le recel du téléphone portable de la victime. S'étant vanté de son forfait, il avait été identifié par la propre mère de celle-ci, Monia Haddaoui. Pour elle, Ghofrane aurait été victime d’une lapidation.
La forme la plus barbare de la peine de mort Du latin lapis (pierre), donnant le verbe lapidare (tuer à coups de pierres), la lapidation est une forme d'exécution, couramment utilisée à l'époque préchrétienne dans tout le bassin méditerranéen. La lapidation s’appliquait comme peine capitale en cas de condamnation pour adultère, blasphème, meurtre ou prostitution. Elle consiste selon les cas en une défenestration ou en un caillassage jusqu'à ce que mort s'ensuive. Citée dans l’Ancien Testament et le Talmud comme sanction de l'adultère, elle est rejetée par le Nouveau Testament : Jésus empêche la lapidation d'une femme adultère en lançant à ses accusateurs : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Bien qu’elle ne soit nulle part mentionnée dans le Coran, ni pour punir l’adultère ni pour quelque autre crime, elle est encore appliquée de nos jours dans certains pays musulmans, notamment l’Iran et le Nigeria. Pour la justifier, la charia (loi islamique) s'appuie sur les hâdith, textes rapportant des actes et des paroles du prophète Mahomet et de ses compagnons à propos de commentaires du Coran ou de règles de conduite, mais dont l’authenticité et la véracité sont contestées par de nombreux exégètes. La peine de mort par lapidation, qui avait été plus ou moins abandonnée depuis quelques années, revient à nouveau sur le devant de la scène parce que les autorités religieuses exigent plus de rigueur de la part des tribunaux et un retour aux sources de la révolution islamique. La lapidation est précisément prévue dans le code pénal iranien depuis vingt-sept ans. Elle est publique.
« Article 102 : La lapidation jusqu’à ce que mort s’ensuive est le châtiment pour les adultères. L’homme et la femme adultères sont enterrés dans un trou rempli de sable, le premier jusqu’à la taille, la seconde jusqu’au-dessus des seins, et ils sont lapidés. » Les pierres utilisées ne doivent pas être trop grosses, afin de ne pas infliger la mort d’un seul coup. Elles ne doivent pas être non plus si petites qu’on ne puisse leur donner le nom de pierre. La taille moyenne est choisie généralement afin de faire expier la faute par la souffrance. En novembre 1996, un amendement a été adopté par l’Assemblée islamique iranienne. Il dispose qu’un mari trompé surprenant sa femme en flagrant délit d’adultère peut tuer le couple fautif sans encourir de poursuites. Ce droit n’est pas reconnu pour la femme dans la même situation. Les relations illégitimes n’allant pas jusqu’à l’adultère entre un homme et une femme sont passibles de quatre-vingt-dixneuf coups de fouet. Les femmes principales victimes L’Iran et le Nigeria sont les pays où la lapidation est le plus souvent pratiquée. Cette peine peut aussi être prononcée dans de nombreux autres pays musulmans comme les Emirats arabes unis, le Pakistan, le Soudan, l’Arabie saoudite, le Yémen, le Bangladesh… L’organisation Amnesty International estime que : « Les femmes en sont les principales victimes. En effet, le déroulement des procès est manifestement défavorable aux accusées, la grossesse étant considérée comme une preuve suffisante de zina, infraction constituée par l’adultère ou par des rapports sexuels librement consentis hors du mariage. Le serment prêté par un homme qui dément avoir eu une relation sexuelle avec une femme constitue souvent une preuve suffisante pour le déclarer innocent, sauf si quatre témoins oculaires indépendants et de bonne réputation déclarent qu’il a participé à cet acte. Les accusées de milieu social modeste sont aussi défavorisées, ayant peu d’instruction et ne bénéficiant pas de l’aide d’un avocat, leurs chances de voir leurs droits respectés sont fortement réduites. De plus, le manque de formation juridique des juges, souvent uniques, des tribunaux islamiques qui s’autorisent arbitrairement à prononcer la peine capitale en juridiction inférieure constitue un non-respect manifeste des normes internationales relatives à l’équité des procès. L’exécution par lapidation intensifie la brutalité de la condamnation à mort. Cette méthode n’a d’autre but que d’augmenter la souffrance de la victime. » On peut légitimement s’interroger sur l’avenir d’une humanité aussi radicalement coupée en deux. D’un côté, celle qui avance vers toujours plus de liberté et de respect accordés aux femmes. De l’autre, celle qui les maintient dans une censure étroite et obscurantiste, avec l’obligation de sortir voilées et de multiples interdictions comme
conduire un véhicule, avoir une activité professionnelle, assister à des rencontres sportives, être soignées par des hommes, souvent même s’instruire… L’Europe, et en particulier la France dont la population comporte une forte minorité musulmane, est aujourd’hui le champ de bataille sur lequel ces deux visions du monde diamétralement opposées s’affrontent et s’affronteront de plus en plus. Patrick Schlouch Punaauia, le 20 avril 2007 On peut visionner une vidéo (insoutenable) montrant une scène de lapidation sur : www.iran-resist.org/media1126 Pour en savoir plus sur l’adultère et sa condamnation par l’Islam, lire l’interview du Professeur Mahmoud Azab : www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=1128
© Tous droits réservés
SOUS LA GLACE, LES SECRETS DU CLIMAT Cela fera bientôt un siècle que le premier homme a atteint le pôle Sud pour la première fois. En 1911, l’explorateur norvégien Roald Amundsen y était parvenu sur un traîneau tiré par des chiens. À présent, on s’y rend en avion et l’Antarctique est devenu un eldorado pour les scientifiques du monde entier. Dans sa couverture de neige et de glace et dans les profondeurs de son sous-sol sont imprimées de précieuses informations sur la vie sur Terre depuis des millions d’années. Tous les grands pays possèdent une base en Antarctique. Les Américains viennent d’inaugurer une nouvelle station polaire, vaste dôme brillant, enterré dans la neige comme un igloo géant et high tech. Les politiques ont pris conscience de l’intérêt scientifique du continent austral et les crédits affluent. Les régions polaires nord et sud sont désormais unanimement considérées comme cruciales dans la compréhension des phénomènes climatiques. C’est dans ce contexte de branle-bas de combat que soixante pays vont investir au total 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) pour faire travailler plus de 10 000 chercheurs, au Nord et au Sud, dans le cadre de l’Année polaire internationale (API) qui a commencé en mars. La première raison de l’intérêt des scientifiques pour l’Antarctique est historique. L’épaisse couche de glace qui couvre le continent, et les sédiments accumulés au fond de ses espaces marins contiennent de précieuses informations sur le passé de la vie sur Terre. Elles pourraient se révéler très utiles pour prévoir les conséquences des futures évolutions du climat. Et puis, l’Antarctique stocke à peu près 90 % de toute la glace existant sur Terre. Si même une petite partie de cette masse énorme venait à fondre, cela entraînerait une élévation dramatique du niveau des océans. Dans l’Ouest du continent, là où la couverture de glace est la plus épaisse, des chercheurs américains vont, pendant les quatre prochaines années, plonger des sondes pour extraire des « carottes » de 3,5 km de long et seulement douze centimètres de diamètre. La glace s’est accumulée par couches successives, au fur et à mesure des chutes de neige annuelles. Les Américains pensent pouvoir traverser jusqu’à quarante mille couches et ainsi remonter le temps quarante mille ans en arrière. Dans chaque couche sont emprisonnées de minuscules bulles d’air, piégées au moment où la neige a touché le sol. L’analyse de ces bulles d’air permettra de connaître précisément leur concentration en gaz carbonique, un gaz à effet de serre
que les scientifiques considèrent comme le principal responsable du réchauffement climatique. Jusqu’à présent, pour des raisons pratiques et de coût, ce type de forage était effectué au Groenland. Mais, les carottes prélevées dans cette dépendance danoise, proche du pôle nord, sont polluées par trop de poussières, ce qui fausse les analyses. La glace de l’Antarctique est beaucoup plus pure, permettant de dater les échantillons avec une grande précision. Il sera aussi possible de comparer les données obtenues sur les deux sites et ainsi de mieux comprendre les échanges et les interactions entre le Nord et le Sud. Une autre équipe américaine, installée sur une station de forage en mer, sonde les sédiments du fond. Elle a déjà réussi à extraire une carotte de 1 284 m de long. La glace ne peut évidemment rien révéler sur ce qui existait avant sa formation, c’est-àdire quelques dizaines de milliers d’années, tout au plus. En revanche, les sédiments contiennent des informations vieilles de plusieurs millions d’années. Les Américains estiment que leur échantillon va jusqu’à six ou sept millions d’années. L’an prochain, ils pensent atteindre les quinze millions d’années. Si toute la glace stockée dans les deux régions polaires nord et sud fondait, le niveau des mers s’élèverait de soixante-dix mètres. Personne ne prétend que cela pourrait se produire, mais les scientifiques ont tout de même constaté que, dans le passé, les océans se sont élevés de près de vingt mètres en moins de cinq cents ans à la suite de changements climatiques. L’Antarctique n’est pas seulement un site idéal pour mieux connaître le climat et son évolution au cours des âges, c’est aussi un champ d’action privilégié pour les astrophysiciens et des biologistes. Pour observer ll’écho du Big Bang qui voyage dans l’univers depuis treize milliards d’années, l’Antarctique est un endroit parfait. À 2 800 m d’altitude, l’atmosphère du pôle sud est pur et de faible densité
Patrick Schlouch Punaauia, le 23 avril 2007
© Tous droits réservés
MENDAÑA : L’OBSTINATION FATALE C’est l’histoire de la toute première rencontre entre les Européens et les Polynésiens, le 22 avril 1595. Choc brutal et tragique. Sommet d’incompréhension. Deux univers totalement opposés se heurtent violemment. La veille, une flottille espagnole de quatre navires commandée par Alvaro de Mendaña arrive en vue de Fatu Hiva, l’île la plus méridionale de l’archipel des Marquises, jusqu’alors inconnu. Mendaña, qui part pour la seconde fois vers les îles Salomon et leurs supposées fabuleuses richesses, pense les avoir retrouvées. Ce n’est qu’en entrant dans la baie d’Omoa qu’il réalise son erreur. Les bateaux espagnols sont accueillis par soixante-dix pirogues à double balancier. Certains indigènes se dirigent vers eux à la nage ou même perchés sur des bois flottants. Quiros, le capitaine de l’expédition qui décrit la scène dans le seul récit du voyage qui nous soit parvenu, estime à quatre cents le nombre des « Indiens » dont il admire le physique impressionnant. L’accueil est plutôt amical. Les insulaires offrent de la nourriture. Une quarantaine d’entre eux montent sur le pont du navire du gouverneur Mendaña. On leur donne des vêtements et de menus objets. Très vite, l’ambiance s’échauffe. Les insulaires, passablement excités, se mettent à danser et appellent leurs compagnons à les rejoindre à bord. À tel point que Quiros les juge excessifs et importuns. Mendaña tente de leur faire quitter le navire. Mais, les indigènes refusent et se mettent à dérober tout ce qui leur tombe sous les mains. Soudain, dans l’affolement général, le tonnerre d’un coup de canon. Effrayés, ils sautent aussitôt à la mer et rejoignent leurs pirogues, à l’exception de l’un d’entre eux qui s’accroche et refuse de partir. Un soldat doit le blesser à la main pour lui faire lâcher prise. « La vue du sang provoque l’indignation de tous, raconte Quiros, que l’un d’eux, porteur d’une sorte de parasol de palmes, semble orchestrer. Au milieu du groupe, un vieillard à la barbe large et fournie, au regard féroce, debout dans sa pirogue, nous menace des yeux et du geste : tantôt il empoigne sa barbe à deux mains, tantôt il retrousse sa moustache. Les Indiens de plus en plus échauffés accompagnent leurs cris du son rauque des conques marines et du claquement des pagaies contre le bois des pirogues. Certains brandissent des lances de bois, d’autres des frondes et des pierres car ils ne possèdent pas d’autres armes. Non sans courage, ils nous jettent leurs javelots et leurs pierres dont beaucoup heurtent le flanc du navire mais qui, finalement, blessent un des soldats. Le gouverneur ordonne alors une décharge de mousqueterie mais, comme il a plu, la poudre est humide et peu de coups partent. Cependant, cinq ou six Indiens sont touchés et les autres, pris de panique, sautent à la mer, restent accrochés par les mains aux plats-bords de leurs embarcations ou se cachent derrière leurs compagnons pour s’en faire
un bouclier quand ils se voient ajustés. Une deuxième fusillade coûte la vie au vieux courageux ainsi qu’à sept ou huit guerriers et en blesse beaucoup d’autres. La flotte des pirogues se disperse alors et nous nous préparons à nous éloigner quand une de leurs embarcations s’approche, montée seulement de trois hommes, dont l’un nous interpelle en brandissant un rameau vert et un morceau d’étoffe blanche. Ceci paraît être un signe de paix et une invitation à revenir mouiller dans la baie. Bien que nous n’acceptions pas, ils nous laissent quelques noix de coco en nous quittant. » Mendaña décide de remonter vers le Nord où d’autres îles apparaissent, mais il ne semble y avoir aucun mouillage. Les navires espagnols trouvent enfin un abri dans la baie de Vaitahu à Tahuata le 24 juillet. L’accueil, là encore, est d’abord amical. Mais, sans que l’on sache très bien pourquoi, peut-être aussi stupidement que « pour montrer leur habileté au tir » comme l’explique Quiros, des soldats abattent un homme et son jeune fils qui se dirigeaient vers les navires en pirogue. Les Marquisiens prennent cela pour un avertissement et, le lendemain, tous les habitants de la vallée sont rassemblés sur la plage et offrent des fruits. Profitant de leur avantage, les Espagnols leur ordonnent de remplir des barils d’eau. Les insulaires s’exécutent mollement et protestent à leur manière. En riant, ils versent nonchalamment le contenu de quelques noix de coco dans les barils. Cette attitude jugée provocatrice entraîne une réaction brutale des soldats espagnols qui ouvrent le feu sans sommation, abattant une dizaine de Marquisiens. Le 28 juillet, Mendaña décide de prendre officiellement possession de l’archipel au nom du roi d’Espagne Philippe II. Le ravitaillement en eau se poursuit tout l’aprèsmidi, mais les Marquisiens n’y participent que très peu. Les marins demandent alors aux soldats de les aider à transporter les tonneaux. Ils refusent. Le ton monte. Ils ne sont pas là pour travailler, mais pour les protéger et, jugeant sans doute les Marquisiens responsables de cette altercation, ils tirent sur eux. Cette fois, soixantedix hommes, femmes et enfants restent au sol. Le premier contact entre Européens et Polynésiens a été meurtrier, il annonce un futur bien plus dramatique encore. L’or des Salomon Alvaro de Mendaña est né à Congosto (au nord-ouest de la province du León en Espagne) en 1542, dans une famille connue et respectée de la petite noblesse locale. En 1563, à vingt-et-un ans, il partit pour le Pérou, en compagnie de son oncle, Don Lope García de Castro, membre du Conseil des Indes, récemment nommé président du tribunal de Lima, et sous la protection de qui il se consacra d'abord à des activités commerciales et juridiques. Ce n'était donc pas un aventurier. Pourtant, sa vie ne fut qu'une suite d'événements extraordinaires, dont le dernier fut sa triste mort dans l'île
de Santa Cruz, en 1595. Ce n'était pas non plus un marin, mais il dirigea deux formidables expéditions dans le Pacifique sud et découvrit deux archipels mythiques, les Salomon et les Marquises. Vers 1565, le roi d’Espagne ordonna que l’on procédât à des explorations systématiques, en mer et sur terre, dès que l’on entendrait parler de nouvelles découvertes possibles. Au même moment, des rumeurs circulaient à Lima, la capitale du Pérou, selon lesquelles il y avait, loin dans l'Ouest, des îles, appelées Salomon, où l’or abondait. Le poste de vice-roi du Pérou étant vacant, le président du tribunal, l’oncle d’Alvaro de Mendaña, procéda à l'exécution des directives royales et organisa une expédition pour tenter de découvrir ces îles Salomon. La seule personne à qui il faisait suffisamment confiance pour pouvoir le désigner comme chef de cette expédition, c’était Alvaro de Mendaña, son propre neveu. Celui-ci n’avait que vingt-cinq ans quand il se retrouva, sans aucune préparation ni expérience, au commandement de deux navires, Los tres reyes (Les trois rois mages) et Todos los santos (Tous les Saints), portant cent soixante hommes en partance pour des contrées inexplorées. Ses missions étaient multiples : explorer et découvrir, cartographier, s'informer des ressources et des coutumes des indigènes et étudier les possibilités de leur évangélisation. Mendaña leva l'ancre de Callao, le port de Lima, le 19 novembre 1567, et navigua vers l'Ouest pendant deux mois sans rencontrer aucune terre. Le 15 janvier 1568, il aperçut l'île de Nui (Tuvalu), mais il la jugea insignifiante et continua son chemin sans s'y arrêter. Le 7 février, il découvrit enfin la première île de l’archipel des Salomon qu’il baptisa Santa Isabel, nom qu’elle porte encore aujourd’hui. Les Espagnols restèrent six mois aux Salomon, les explorant systématiquement. Mendaña découvrit et nomma une vingtaine d'îles, dont on retrouve certaines sur les cartes modernes : Guadalcanal (ainsi appelée en souvenir d'un petit village d'Andalousie où il y avait autrefois des mines d'or et d'argent et d'où était originaire Pedro de Ortega Valencia, le chef des soldats), Florida (l'île fleurie), San Jorge (Saint Georges, que l'on fêtait le lendemain de sa découverte) ou San Cristóbal (Saint Christophe)… Les instructions royales étaient de revenir au Pérou dès qu'il aurait dépensé la moitié de ses provisions. Il reprit donc le chemin de l'Amérique le 11 août, toucha les côtes du Mexique à la mi-janvier 1569 et jeta enfin l'ancre à Callao le 22 juillet suivant. L'expédition avait duré vingt-deux mois et avait coûté la vie à trente-cinq hommes. Certains avaient été victimes du scorbut, d’autres de maladies tropicales, d’autres encore avaient été attaqués, dépecés et mangés par les indigènes salomonais. Les représailles espagnoles firent au moins quatre-vingts morts.
Malgré ces contacts difficiles, et bien qu’il n'ait pas trouvé la moindre pépite d’or, Mendaña fut séduit par la beauté des Salomon et par leurs richesses potentielles, au point qu'il se mit en tête d'y retourner et d'y établir une colonie espagnole. Il lui fallait une autorisation officielle. Il devait rentrer à Madrid. Ce fut le début d’une interminable attente de vingt-cinq ans, pendant lesquels il consacra toute son énergie à son projet et dut surmonter les pires difficultés, avant de pouvoir enfin reprendre la route des îles. Le dernier voyage Mendaña aurait dû se méfier. Quand une entreprise est empêchée par autant d’obstacles, ce n’est pas bon signe. Il est préférable d’y renoncer. Mais, cet homme était entêté. Il voulait absolument repartir pour les Salomon, rien ni personne n’eût été capable de l’en dissuader. C’était pourtant la mort qui l’attirait si fort de l’autre côté de l’horizon. Le 10 avril 1595, Mendaña quittait à nouveau le port de Callao à la tête d'une flottille de quatre navires, le San Jerónimo, le Santa Isabel, le San Felipe et la Santa Catalina. Il avait la responsabilité de l’expédition, mais déléguait les questions militaires à son maître de camp, Pedro Merino Manrique, et la direction des navires à son chef-pilote, Pedro Fernández de Quiros. Après quelques escales sur les côtes péruviennes pour compléter son avitaillement et son équipage (quatre cent trente personnes en tout, y compris l’épouse de Mendaña, Doña Isabel, et des colons avec leurs familles) la flottille prit la direction des îles Salomon le 16 juin. Cinq semaines plus tard, elle parvenait en vue des Marquises où elle cabota pendant deux semaines. Le 5 août 1595, Mendaña leva l'ancre pour ce qui devait être la dernière étape de son voyage et de sa vie. À peine arrivés aux îles Salomon, après maintes souffrances, dont la disparition, le 7 septembre, du Santa Isabel et des cent quatre-vingt-deux personnes qu’il transportait, les Espagnols, épuisés, furent victimes des fièvres tropicales. Le premier à succomber fut le chapelain, Antonio de Serpa, le 17 octobre, suivi le lendemain par Mendaña luimême. Il avait cinquante-trois ans. Un mois plus tard, le 18 novembre, Doña Isabel, qui avait succédé à son mari à la tête de l'expédition, décida d'abandonner l’archipel des Salomon où la situation n'était plus tenable. Elle fit exhumer le cercueil de son mari qu'elle ne voulait pas laisser en terre païenne, et le déposa sur le Santa Catalina. Malheureusement, le bateau disparut en haute mer dans la nuit du 10 au 11 décembre 1595. Patrick Schlouch
MAGELLAN : L’OBSTINATION FATALE 2 Nous sommes le 24 janvier 1521. Christophe Colomb a « découvert l’Amérique » vingt-neuf ans plus tôt. Pour la première fois, des Européens naviguent sur cet océan inconnu, étrangement calme, qu’ils baptisent Pacifique. Depuis deux mois, ils n’ont croisé aucune terre. Puis, soudain, c’est comme « un mince ruban vert qui semble flotter comme une guirlande sur la houle ». Les marins sont en majorité espagnols, ils sont dirigés au nom du roi d’Espagne, par un Portugais, Magellan, l’un des plus célèbres et courageux explorateurs de tous les temps. La terre qu’ils contemplent est Puka Puka, un petit atoll isolé et inhabité au nord-est des Tuamotu. Les Européens connaissent désormais l’existence de la Polynésie, la voie est ouverte. Magellan se méfie. Il hésite à s’approcher de ce récif sans mouillage et sans passe. Mais, ses hommes sont tellement épuisés, assoiffés et malades, qu’il n’a pas le choix. On parvient tant bien que mal à franchir la barrière en chaloupe à la faveur d’une vague et l’on pénètre dans le calme d’un merveilleux lagon turquoise, dans lequel on plonge avec délice. Malheureusement, l’atoll est désert. Aucun fruit, ni végétal comestible, il n’y a pas même un cocotier, juste quelques arbustes secs et tordus. En creusant, les hommes ne font sourdre du corail qu’un peu d’eau chaude et saumâtre. La déception est grande. Heureusement, le lagon est poissonneux et Puka Puka est habité par une forte colonie d’oiseaux de mer. Les nids contiennent des centaines d’œufs sur lesquels les Espagnols se précipitent, affamés, abattant au passage un goéland ou un fou qu’ils feront bientôt rôtir sur la plage. L’escale ne dure que quelques jours, deux ou trois, pas plus. Et Magellan repart vers son destin tragique. Brillant mais fantasque et orgueilleux Fernand de Magellan (Fernão de Magalhães) est né dans le Nord du Portugal au printemps 1480. Il était le fils de Pedro Rui de Magalhaes, maire de Sabrosa, et de Alda de Mezquita. En 1492, à douze ans, il part pour Lisbonne et devient page à la cour du roi Joao II. C’est l’époque des grandes découvertes, la capitale du Portugal est le centre nerveux d’une première vague de mondialisation. Le jeune Magellan suit des yeux avec envie des dizaines de navires descendant le Tage en partance vers des destinations mystérieuses. Sa vocation est née. Il apprend l'astronomie et la navigation.
À vingt-quatre ans, il s’engage dans la marine. Le 25 mars 1505, il fait partie des mille cinq cents hommes embarqués à bord d’une flottille portugaise, sous les ordres de l'amiral Francisco de Almeida, qui part pour l’Inde, dont il été nommé vice-roi. Personnage brillant, Magellan est nommé officier en 1510. D’un caractère fantasque et orgueilleux, il a toutefois du mal à se couler dans le moule. Il est dégradé moins d’un an plus tard pour désobéissance. Il est renvoyé au Portugal en 1512 et cela ne s’arrange pas. En mai 1514, il est tout simplement remercié par le roi Manuel 1er auquel il se heurte. Il va alors proposer ses services au roi d’Espagne. La route des épices En ce début de seizième siècle, la rotondité de la Terre est une notion nouvelle, inconnue du public et pas encore confirmée par une circumnavigation qui ferait revenir à son point de départ, un navire voguant toujours vers l’Ouest. Magellan y croit fermement. Il est convaincu qu’il pourrait rejoindre les îles aux épices (l’archipel des Moluques, situé entre l’Indonésie et les Philippines) en trouvant un passage au Sud de l’Amérique. Il y a plus d’un siècle déjà que les fiers marins portugais explorent les côtes africaines et en exploitent les richesses. En 1488, Bartolomeu Dias franchissait pour la première fois le Cap des Tempêtes (rebaptisé ensuite « Cap de Bonne Espérance »). Dix ans plus tard, le grand Vasco de Gama réussissait à rallier l’Inde au terme d’un voyage d’un an. Le commerce des épices est aux mains des Portugais et des Espagnols qui se sont partagé le nouveau monde et ce marché extrêmement lucratif en vertu du traité de Tordesillas (1494). Magellan expose son projet au roi du Portugal, lui proposant d'ouvrir une nouvelle route vers les épices par l’Ouest. Mais, le roi l’a pris en grippe et, malgré son insistance, il refuse. Furieux et frustré, Magellan décide alors de quitter son pays. Usant d'un privilège de la noblesse de la péninsule ibérique, il opte pour la nationalité espagnole et part pour Séville en 1517. À la recherche d’un passage vers l’Ouest L’Espagne a un nouveau roi, Charles-Quint, qui n’a que dix-huit ans. Il accueille favorablement la proposition de Magellan qui lui permettrait d’accéder aux épices sans conflit avec son voisin portugais. En mars 1518, Magellan et son associé, Rui Faleiro, sont nommés capitaines. CharlesQuint accepte de financer leur expédition et de mettre à leur disposition cinq navires équipés pour un voyage de deux ans. Il leur accorde en outre le monopole sur la
nouvelle route maritime pour une durée de dix ans et les nomme par avance gouverneurs des terres qu'ils découvriraient, avec une part de 5 % des profits. Magellan est heureux, mais ses ennuis ne font en réalité que commencer. La préparation du voyage n’est qu’une longue suite de problèmes : les navires promis par la couronne d’Espagne ne sont que de vieux rafiots, l’argent fait défaut, le roi du Portugal leur met des bâtons dans les roues et, finalement, il se brouille avec son ami Faleiro. Il faudra l’opiniâtreté peu commune de Magellan pour que l’expédition puisse tout de même être organisée. Le 20 septembre 1519, à trente-neuf ans, il quitte enfin le port de Sanlucar de Barrameda, sur la côte andalouse, à la tête de deux cent soixante-cinq marins, répartis sur cinq bateaux : le Trinidad, sur lequel il embarque, le Victoria, le San Antonio, le Concepcion et le Santiago. L’Amérique (alors appelée Indes occidentales) n’avait été découverte que vingt-sept ans plus tôt. Quelques colonies portugaises étaient déjà installées sur le littoral, mais le continent restait largement inconnu. À bord du Trinidad, un Italien du nom d’Antonio Pigafetta a réussi a se faire embarquer comme passager. Il sera le premier « touriste » de l’Histoire à effectuer un tour du monde complet. Presque tout ce que l’on sait du voyage provient de son journal, car Magellan n’a rien laissé lui-même et la plupart de ses hommes étaient illettrés. Dès le départ, raconte Pigafetta, les choses se gâtent. Des cinq capitaines de l'expédition, au moins trois sont en désaccord avec les décisions de Magellan, certains officiers veulent même l'éliminer. Une mutinerie est dirigée par Juan de Cartagena, un Grand d’Espagne, mais elle échoue. Cartagena est placé aux arrêts sur le Victoria. La traversée de l’Atlantique dure quatre mois et la flottille, sous pavillon espagnol, approche des côtes du Brésil, colonie portugaise, en décembre. Magellan décide prudemment de rester au large de ce qui est aujourd'hui Rio de Janeiro. Après avoir ravitaillé, l’expédition longe les côtes en direction du Sud à la recherche du fameux passage vers l’Ouest. Elle s’égare d’abord dans l’estuaire du Rio de la Plata (Argentine), mais elle constate rapidement son erreur et, en mars 1520, elle arrive en Patagonie. L’hiver austral est très rigoureux, il fait un froid terrible. Magellan décide de faire halte jusqu’au printemps. En mai, le Santiago est envoyé en reconnaissance à la recherche d’un passage vers l’Ouest. Malheureusement, il fait naufrage. Après trois mois sans nouvelles, Magellan décide de poursuivre vers le Sud et, en octobre, il parvient enfin à l’entrée du fameux passage qui porte désormais son nom.
Mais, les conditions de vie sont dramatiques, les hommes n’en peuvent plus. Une grande partie d’entre eux refuse d’aller plus loin. Juan de Cartagena est libéré par les rebelles et une nouvelle mutinerie s'organise. Une fois de plus, Magellan parvient à la mâter. Le 1er novembre 1520, Magellan engage ses navires dans le passage qu'il baptise Détroit de la Toussaint. C’est un dédale sinueux d’environ cinq cents kilomètres de long, bordé de fjords profonds, aux eaux sinistres, surplombé de falaises menaçantes, parsemé d’écueils et de hauts-fonds. Il faudra un mois pour le traverser. Trois navires seulement parviendront à s’en extirper par l’Ouest. Le San Antonio, faisant sédition, a rebroussé chemin vers l’Espagne avec une grande partie des vivres. Pacifique mais impitoyable À cette époque, la circonférence de la Terre n'était pas encore connue avec précision. Magellan la sous-estime beaucoup. Il n'a aucune idée de l'immensité de l'Océan Pacifique et croit qu'une fois le détroit franchi, il rejoindra rapidement les îles aux épices. C’est pourquoi, en dépit de la perte de deux de ses navires et du manque de vivres, il décide tout de même de poursuivre son voyage. Jouant de malchance, il manque de peu les nombreuses îles de la Polynésie à l'exception de Puka Puka, atoll inhabité et inhospitalier, et d’une île du Kiribati où il ne peut accoster. C’est l’enfer à bord. L'eau n'est plus potable, la nourriture manque, les hommes survivent en mangeant des rats. Le scorbut taille des coupes claires dans les équipages. Enfin, le 6 mars 1521, après quatre-vingt dix-huit jours de mer, Magellan arrive à Guam. Premier contact avec des Océaniens, montés sur leurs pirogues à balancier. On peut enfin se ravitailler convenablement et soigner les malades autant que possible. Le 28 mars 1521, les rescapés atteignent enfin les Philippines. Le décor est paradisiaque et ils rencontrent des indigènes accueillants qui se laissent apparemment convertir au christianisme sans difficulté. Pourtant, Magellan n’en a pas fini avec les ennuis. Le fier Lapu-Lapu, roi de la minuscule île de Mactan, refuse la colonisation européenne. Aujourd’hui considéré comme un héros national aux Philippines, il fut le premier indigène à entrer en résistance. Au matin du 27 avril 1521, à la tête d’une foule de guerriers armés de lances et d’arcs, Lapu-Lapu affronte les quelques dizaines d’Espagnols encore capables de se battre. Une pluie de flèches empoisonnées s’abat sur eux. L'une d'elles atteint Magellan, qui succombe bientôt à sa blessure dans quelques centimètres d'eau. Il n’avait que quarante et un ans. Dix-huit survivants seulement Juan-Sebastian Elcano, le capitaine du Concepcion, prend alors le commandement de l’expédition. Mais, il n’y a plus assez de marins pour manœuvrer trois navires. Il
décide donc d’abandonner le Concepcion, qui est brûlé, et de continuer avec le Victoria et le Trinidad. Ils quittent les Philippines en mai et, six mois plus tard, parviennent enfin aux fameuses îles aux épices (les Moluques), déjà aux mains des Portugais depuis quinze ans. Clandestinement, les deux navires sont chargés d’épices. Pour des raisons de sécurité, Elcano décide de séparer le Trinidad et le Victoria pour le voyage de retour vers l’Espagne. Sage décision, le Trinidad est arraisonné par la flotte portugaise qui ne trouve à bord que vingt pauvres marins transformés en spectres. De son côté, Le Victoria réussit à traverser l'Océan Indien et à franchir le Cap de Bonne Espérance. Le 6 septembre 1522, il atteint enfin le port andalou de Sanlucar de Barrameda qu’il avait quitté trois ans plus tôt. À bord, il n’y a que dix-huit marins survivants, dont notre touriste, Antonio Pigafetta, et quatre indigènes philippins sur les treize qu’Elcano avait embarqués. Le Victoria fut le premier bateau à effectuer une circumnavigation complète du globe terrestre. Les épices rapportées à fond de cale furent vendues pour une véritable fortune. Plus jamais ça Voici comment Antonio Pigafetta, qui résista à tous les maux de l’expédition, raconte la première traversée du Pacifique (texte adapté du vieux français) : « Nous débouchâmes (dans le Pacifique) le 28 novembre 1520 et fûmes trois mois et vingt jours sans rien manger d’autre que du biscuit. Quand celui-ci vint à manquer, nous en mangeâmes la poudre, puante d’urine de souris, avec des vers à poignées. Nous bûmes l’eau jaune, corrompue depuis plusieurs jours. (…) La souris se vendait un demi ducat ou un ducat. Les gencives de certains croissaient par-dessus les dents, tant en haut qu’en bas, à tel point qu’ils ne pouvaient plus rien manger et mouraient. Cette maladie (le scorbut) emporta dix-neuf hommes (…). Vingt-cinq ou trente autres furent si malades qu’ils ne pouvaient plus bouger. D’autres (mais en petit nombre) par la grâce de Dieu n’eurent aucune maladie. Pendant ces trois mois et vingt jours, nous traversâmes le gouffre des quatre mille lieues (une lieue marine était égale à 5,5 km) de la mer Pacifique. Cet océan est bien pacifique car, tout ce temps, sans rencontrer aucune terre, nous n’eûmes ni orage ni tempête. Nous ne vîmes rien d’autre que deux petites îles inhabitées, avec quelques arbres, peuplées seulement d’oiseaux que nous baptisâmes Iles Infortunées, distantes l’une de l’autre de deux cents lieues. Leurs eaux sont infestées de tiburins (requins). La première est située à quinze degrés de latitude de l’Antarctique et l’autre à neuf. Nous parcourions tous les jours cinquante, soixante ou soixante-dix lieues. Et si Dieu ne nous avait pas protégés, nous serions tous morts de faim sur cette très grande mer. Jamais, je ne referai un tel voyage. »