Francité

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FRANCITÉ REVUE DE LA MAISON DE LA FRANCITÉ - N° 78 - OCTOBRE 2016

BELGIQUE- BELGIË P.P. BRUXELLES X BC0452 MAISON DE LA FRANCITÉ 18 rue Joseph II 1000 Bruxelles

www . maison de la francite . be

40 ANS


TABLE DES MATIÈRES

Bienvenue à la Maison

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40 ans... Un peu d’histoire

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Et aujourd’hui...

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Ahmed Medhoune - Portrait

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Deux témoins de notre histoire

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Évolution d’un emblème

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Parlons francophonie

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Le concours de textes annuel

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Les tables de conversation

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Le stage de prise de parole

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L’Espace Césaire

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L’hôtel Hèle, entre néoclassicisme et art nouveau

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Un esprit d’équipe

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Les associations résidantes

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Rimbaud, des “promesses d’arcs-en-ciel“

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BIENVENUE À LA MAISON

La Maison de la Francité a pour mission d’assurer la promotion de la langue française et de la francophonie internationale, dans un esprit d’ouverture et de modernité. La Maison de la Francité bénéficie du soutien structurel de la Commission communautaire française / Services du Gouvernement francophone bruxellois, du Gouvernement francophone bruxellois et de sa Ministre-Présidente en charge notamment de la Culture.

Nous bénéficions aussi d’aides ponctuelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de ses divers services, de son Parlement, de son Gouvernement et notamment de son Ministre en charge de la Promotion de Bruxelles et de sa Ministre en charge de la Culture.

Nous les remercions tous chaleureusement. Par ailleurs, dans un souci de bonne gouvernance, sachez que nous veillons à additionner à nos subventions publiques d’autres modes de ressources financières : recettes propres, partenariats, financement participatif, dons déductibles fiscalement...

Soyez certains que l’ensemble de ces ressources sont utilisées au service des citoyens, conformément aux missions des statuts de la Maison de la Francité.

NOUS SOMMES À VOTRE ÉCOUTE... Maison de la Francité ASBL 18, rue Joseph II - 1000 Bruxelles Belgique Métro : station Arts-Loi

+32 (0)2 219 49 33 secretariat@maisondelafrancite.be FRANCITÉ n°78 - Octobre 2016

Editeur responsable : Ahmed Medhoune Directeur de rédaction : Donald George Rédactrice : Anne Vandendorpe Graphiste : Olivier David Photographe : Malko Douglas Tolley

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Créée en 1976, la Maison de la Francité est née dans un contexte bien différent de celui d’aujourd’hui. C’était le temps de conflits communautaires plus exacerbés où les francophones de Bruxelles ressentaient avec acuité le besoin de protéger leur langue et de veiller notamment à la bonne application de la législation linguistique. Aujourd’hui, la Maison de la Francité fête ses 40 ans. Notre mission se construit désormais dans une société qui a évolué, loin des conflits communautaires belgobelges de l’époque, vers un Bruxelles multiculturel où le “vivre ensemble“ se profile comme un enjeu positif. Dans ce contexte, la Maison de la Francité a plus que jamais la volonté de promouvoir la langue française, dans un esprit d’ouverture et de modernité, dans le respect de toutes les cultures et en étant à l’écoute de chacun. Pour cette saison anniversaire, la Maison de la Francité a programmé plus de 300 activités, allant de l’évènementiel (débats littéraires, conférences, ateliers participatifs, ateliers roman, expositions, projections audiovisuelles, causeries et vadrouilles culturelles...) à des actions de formations et d’apprentissage/maitrise du français (ateliers, permanences d’écrivains publics, tables de conversation, stages de prise de parole, concours de textes...) en passant par une offre de services (prêt de jeux de langage, assistance à la bonne utilisation de la langue française, location de salles à des associations partageant nos valeurs...). Espace culturel autant que lieu de débat et de compréhension des enjeux contemporains, la Maison de la Francité est résolument un acteur de la vie associative à Bruxelles. Tout en promouvant les langues et cultures francophones, la Maison de la Francité entend se positionner comme une institution engagée auprès de tous les publics avec une attention particulière envers les publics plus fragilisés. Vivre le français et s’ouvrir sur le monde, tel est désormais le fil rouge qui guide les activités et la philosophie de la Maison de la Francité.

Donald GEORGE Directeur

Ahmed MEDHOUNE Président du Conseil d’Administration


40 ans... Un peu d’histoire

C’est en mars 1976 que Jean-Pierre Poupko, Président de la Commission Française de la Culture de l’Agglomération de Bruxelles (C.F.C., ancêtre de la COCOF) inaugura la Maison de la Francité, en présence de Lucien Outers, Président du Conseil Culturel de la Communauté Culturelle Française, et de Henri-François Van Aal, ministre de la Culture française.

À cette époque, les tensions communautaires vont croissant. Parmi les manœuvres politiques menées dans les communes flamandes à l’encontre des francophones, le déménagement forcé de la section française de l’Université de Louvain (depuis 1968), et la révision constitutionnelle de 1970, qui crée trois Communautés culturelles et trois Régions, achèvent de menacer de caducité l’unité du pays. Au début des années 1970, Wallons et Bruxellois s’unissent et prennent diverses initiatives pour affirmer l’identité et la culture francophone, à Bruxelles et dans la partie sud du pays. Au niveau des élus politiques, d’âpres discussions s’engagent, compliquant toute avancée. S’agissant de la Région bruxelloise, il faudra attendre près de vingt ans pour qu’elle soit dotée des mêmes compétences que les Régions flamande et wallonne. Vingt ans durant lesquels les élus se disputent autour de l’enjeu que représente Bruxelles pour les Flamands, qui exigent notamment la parité dans les postes exécutifs alors qu’ils y représentent une communauté minoritaire.

C’est dire si cette équipe est composée d’experts dans les matières de la linguistique et de la politique de la langue ! Tout en visant l’émancipation des citoyens grâce à la maitrise du langage, elle se concentre sur la défense des intérêts linguistiques des francophones et développe des outils pour améliorer la qualité de la langue dans l’espace public. Elle s’attache également à développer les relations entre Bruxelles et la Francophonie.

TRÈS VITE, LES ACTIVITÉS SE MULTIPLIENT Des colloques sur divers aspects du français contemporain, un copieux programme de conférences et des expositions sont organisés, à côté de services permanents, comme, dès 1979, le Centre de documentation sur la langue française et le service S.V.P. langage (sur une suggestion du professeur Joseph Hanse).

En attendant qu’un compromis soit signé entre les deux communautés linguistiques, en 1971, la Commission Française de la Culture (C.F.C., ancêtre de la COCOF) est mise en place à Bruxelles, pour organiser les matières culturelles, sociales, de santé et d’enseignement en Région bruxelloise. En 1989, elle deviendra la Commission communautaire française (COCOF), à la suite de la création de la Région de Bruxelles-Capitale. Installée au départ sous la tutelle de la Communauté française, la COCOF gagnera en autonomie progressivement, au fur et à mesure de divers transferts de compétences, dont la sixième réforme de l’État fut, en 2014, la dernière étape décisive. La Commission communautaire française soutient la Maison de la Francité depuis sa création. Dénommée à présent Services du Gouvernement des francophones bruxellois, elle est son principal pouvoir subsidiant. La Maison de la Francité reçoit également un soutien ponctuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous remercions chaleureusement ces deux institutions.

NAISSANCE D’UN LIEU AU SERVICE DES FRANCOPHONES Il faut se remémorer ce contexte historique pour comprendre l’esprit qui présida à la création de la Maison de la Francité. En 1975, la Commission Française de la Culture (future COCOF, donc) et, en son sein, André Paris, décident d’offrir aux Bruxellois un lieu qui soit à la fois un symbole de l’identité francophone, un foyer d’activités et un centre de références en termes d’information et d’actions en faveur de la langue française. En 1976, l’institution loue pour sa « Maison de la Francité » le complexe architectural relié au prestigieux hôtel Hèle - qu’elle acquerra en 1992. Le bâtiment abrite très vite plusieurs associations culturelles francophones, comme l’imprimerie de la C.F.C., le nouveau Service de la langue française, le Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles, Coopération par l’Éducation et la Culture, le Fonds Henry Storck et le Centre du Film sur l’Art. André Patris dirigera la maison jusqu’en 1986. Par la suite, il restera lié aux activités connexes de la maison, jusqu’en 1993, année où il prendra la présidence de la “Commission de surveillance de la règlementation linguistique“ instituée par le Conseil de la Communauté française.

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En 1982, la Maison de la Francité crée l’Atelier de Vocabulaire de Bruxelles, avec Michèle Lenoble-Pinson, professeure aux Facultés Saint-Louis. Son activité consistera à proposer des alternatives aux anglicismes, en s’appuyant sur le potentiel créatif du français. L’Atelier diffusera ses fiches d’anglicismes dans le trimestriel Questions de français vivant, voué à l’examen de la situation de la langue française. Ce trimestriel paraitra jusqu’en 1993, puis cèdera la place à la revue Francité.


CITÉ À BON PORT : MAISON DE LA FRAN ILS ONT CONDUIT LA Ses directeurs : -1986), Ses présidents : M. André Patris (1978 (1977-1990), 86-1987), M. Jean-Pierre Poupko (19 ns M. Paul Herrema 90-1991), (19 ain ing Ma r vie 87-1998), Oli M. M. Christian Bonnert (19 -1996), 91 (19 s ulo opo Ris sile -2014), M. Ba M. Daniel Laroche (1998 ), 00 -20 96 (19 its Sm 14-2015), M. Philippe Mme Karine Jottard (20 ), 05 -20 00 (20 ak Spa is 2015). Mme Antoinette M. Donald George (depu 05-2010), M. Serge Moureaux (20 10-2011), M. Rachid Madrane (20 11-2015), M. Ridouane Chahid (20 puis 2015). M. Ahmed Medhoune (de

DES ACTIVITÉS PHARES : JEUX DE LANGAGE ET CONCOURS DE TEXTES. Au début des années 1990, la Maison de la Francité développe deux nouvelles activités, qui draineront vers elle un immense public. L’une de ces activités majeures est emblématique des relations que la maison entretient avec le milieu de l’enseignement et de la formation : il s’agit de sa fameuse exposition de “Jeux de langage“. Démarrée en 1992, elle connait un succès immédiat. L’exposition sera itinérante pendant une dizaine d’années, et visible aux quatre coins de la Région bruxelloise. Cette belle exposition témoigne d’un tournant dans la stratégie mise en place par la maison. Pendant de nombreuses années, la Maison de la Francité était conduite par les défenseurs de la langue française les plus engagés. Mais au fil du temps, la conception de la langue et de sa relation avec les locuteurs s’est modifiée. Il ne s’agit plus de rechercher la pureté de la langue mais bien d’encourager son adaptation aux changements qui affectent le monde, pour en faire une langue vivante : parlée par un nombre croissant de locuteurs. La collection “Jeux de langage“ découle de cette vision. Elle fut créée par Christian Bonnert, alors qu’il était le directeur de la Maison de la Francité. Organisée conjointement avec le Service des ludothèques de la Commission communautaire française, elle se proposait de rassembler l’échantillonnage le plus vaste possible de jeux centrés sur la langue française. En présentant des outils pour une approche ludique, donc plus séduisante de l’apprentissage et du perfectionnement de la langue écrite et orale, elle touche tous les publics. Environ 115 jeux étaient présentés au public, lors de la première manifestation, mais la collection n’a cessé de se compléter et de se renouveler. Avec cette activité, la Maison de la Francité entend véhiculer une image vivante de la langue, en évolution permanente et orientée vers le plaisir, sans oublier la dimension sociale inhérente au jeu de société, qui invite au dépassement de soi. Aujourd’hui, plus de 250 jeux sont proposés aux enfants, aux adultes et aux professionnels de l’enseignement, via des expositions, des ateliers organisés ponctuellement pour les professionnels ainsi que des animations.

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L’autre activité qui deviendra rapidement l’un des évènements majeurs de la Maison est centrée sur la créativité et l’expression personnelle. Depuis 1996, la Maison de la Francité organise des ateliers d’écriture hebdomadaires, et dans le même élan, en 1997, elle lance son premier concours de textes annuel, sur le thème décapant de “l’exploit du siècle, concours d’écriture sportive“. Accessible à tous, dès 7 ans, celui-ci récolte aussitôt le succès, malgré les délais serrés : les participants n’ont disposé que de 3 semaines, pour écrire les 4 pages demandées. Cette première édition recueillit 450 participations ! D’emblée, le concours incite à l’écriture, plutôt qu’à la littérature. Il veut susciter une prise de parole, offrir à chacun la possibilité de s’exprimer. C’est ainsi que chaque année, la Maison de la Francité lance un nouveau concours, rivalisant d’originalité dans les thèmes proposés. En 1999, son concours proposé en prélude à “Bruxelles, ville européenne de la culture de l’an 2000“ intitulé Bruxelles, qu’est-ce que c’est ? Définition d’une ville par les gens qui y vivent, y passent ou y travaillent fait fureur : 1.700 textes sont envoyés ! Dans le numéro du Francité qui rend compte du concours (Francité n°24, été 1999), on peut lire “Vue par morceaux, hachée menu par les yeux et le cœur, la ville a été rendue en morceaux ; les 1.700 pièces, mises bout à bout, bord à bord, livrent le puzzle d’un grand miroir brisé.“ Le concours aboutira à l’édition du “Dictionnaire de Bruxelles, Définition d’une ville par les gens qui y vivent y passent ou y travaillent“, publié aux éditions Labor, en 2000. Le dictionnaire ajoute aux meilleurs textes du concours les contributions de trente-cinq écrivains belges, qui furent invités à y donner “leur“ définition de Bruxelles. L’ouvrage est en vente à la Maison de la Francité. Le concours est soutenu par des institutions francophones majeures : le Service de la langue française de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Parlement francophone bruxellois, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Délégation générale du Québec, l’Organisation internationale de la Francophonie.


CRÉATION DE LA REVUE FRANCITÉ Née en 1993, cette revue a longtemps été un vrai bastion du français dans Bruxelles : tout à la fois plateforme de résistance, agenda d’activités culturelles et de parutions sur la langue française et tribune d’où linguistes, politiciens et enseignants préoccupés de la défense des intérêts linguistiques des francophones ont soumis leurs réflexions sur l’état du français en Belgique. Dès le numéro 0 de Francité, le ton est donné : la Maison de la Francité mène toujours son “Combat pour la langue et la culture française“. Les numéros 14 et 15 retracent les lignes de force de l’histoire communautaire, linguistique et culturelle de la Belgique, pour pointer les dérives antidémocratiques des nationalistes flamands. En 1996, le n°16, consacré à la présentation des nouveaux organes de la Maison, déclare vouloir “convaincre les amoureux de la langue française de devenir des militants“. Cette année-là, la Maison de la Francité crée l’Observatoire de la langue à Bruxelles (OLAB). Celui-ci se propose de “combattre toute atteinte à la présence et à la qualité du français à Bruxelles et en Communauté française, relevées par un réseau d’informateurs, en s’adressant aux responsables des faits litigieux (médias, publicitaires, administrations…) pour leur demander de modifier leur pratique“. Pendant quelques années, chaque numéro de Francité lui voue une rubrique, reprenant les observations les plus significatives, les résultats des actions menées…

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En 2000, cette rubrique est prise en charge par l’Office des Consommateurs Francophones, qui recueille toute réclamation d’ordre linguistique, et en assure le suivi, lorsqu’un francophone se plaint de ne pas être servi dans sa langue, dans une administration ou chez un commerçant, mais aussi lorsqu’il découvre un texte truffé de fautes, publié en français par une institution ou un journaliste, dans le public comme dans le privé.

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Fin 2001, les administrateurs approuvent une nouvelle orientation des objectifs de la maison. En modernisant le rôle de la Maison de la Francité, ils la conduisent à mettre en avant les atouts de la langue française, sur lesquels se fonde son avenir, et en particulier, plus que la vocation d’autorité de sa grammaire, son potentiel d’innovation. Pour pointer quelques-unes de ses actions, rappelons qu’elles concrétisèrent, notamment, la promotion du multilinguisme et de la diversité culturelle, ainsi que la lutte contre le monolinguisme, qui fait la part belle à l’anglais dans l’espace public et pénalise les usagers d’autres langues internationales. La Maison de la Francité offrit aussi de mieux faire connaitre au grand public les mesures mises en place pour adapter le français aux réalités contemporaines, telles que la simplification orthographique de 1990, et la création d’équivalents français aux anglicismes. Elle créa des partenariats avec les organisations qui, en Belgique, se consacraient à l’un ou l’autre aspect de la langue française, de son enseignement, de la défense des intérêts francophones et de la promotion de la francophonie.

Francité - n°15

- 1996

Pour tendre la main aux non-francophones, elle a mis en ligne sur son site internet un répertoire des formations de français dans la région bruxelloise et la périphérie. En 2003, elle adressa à la population bruxelloise un appel à parraineurs de fonctionnaires stagiaires à la Commission européenne originaires d’un pays candidat. L’initiative consistait à mettre ceux-ci en contact avec des familles bruxelloises francophones. Le Francité n°35, qui rapporte l’une de ces expériences, indique qu’elle fut, pour certains stagiaires, une des seules occasions de pratiquer le français durant leur séjour. Les 78 numéros parus de Francité, disponibles gratuitement et imprimés en plusieurs milliers d'exemplaires, ont fourni un magnifique support pour diffuser les informations traitées par la Maison au cours de son histoire. Et l'histoire se poursuit ! Plusieurs activités permanentes, telles que ses tables de conversation (depuis 2003) et son stage de prise de parole (depuis 2008), continuent de fidéliser le public.

Francité - n°48 - 2006 06


Et aujourd’hui... Aujourd’hui, active dans une société devenue résolument multiculturelle, la Maison de la Francité se doit de s’ouvrir à sa ville, à sa Région, à sa diversité culturelle, sociale et économique et ancrer son action dans les valeurs de solidarité, d’entraide, de convivialité et d’ouverture d’esprit. Espace culturel autant que lieu de débat et de compréhension des enjeux contemporains, la Maison de la Francité doit être un acteur de la vie associative à Bruxelles. Tout en promouvant les langues et cultures francophones, la Maison de la Francité doit se positionner comme une institution engagée auprès de tous les publics, avec une attention particulière envers les publics plus fragilisés (y compris les nouveaux arrivants liés aux migrations actuelles).

11 MISSIONS Dans cet esprit, les missions statutaires de la Maison de la Francité ont été ajustées, sur la base d’un véritable plan stratégique : 1. assurer la promotion de la langue française et de la francophonie, dans un esprit d’ouverture aux autres cultures et de modernité, principalement en Région bruxelloise, en Fédération Wallonie-Bruxelles et au bénéfice de l’ensemble des francophones de Belgique ainsi qu’au niveau international ; 2. promouvoir l’appartenance de Bruxelles et de la Belgique à la Francophonie internationale ; 3. promouvoir les cultures francophones dans leur diversité, en valorisant notamment les écrivains francophones issus d’ici et d’ailleurs ; 4. favoriser l’apprentissage et la maitrise de la langue française, y compris par la valorisation de l’expression écrite et orale et la promotion de la lecture, notamment pour les jeunes, les publics précarisés et les non-francophones, entre autres par le développement de l’expression et de la créativité ; 5. engager l’institution auprès des publics fragilisés, à contribuer à une maitrise plus adaptée et plus performante de la langue, et ce pour une meilleure égalité des chances, en se positionnant notamment comme un allié de l’école ainsi que du monde associatif et humanitaire ; 6. contribuer à la compréhension des enjeux contemporains de l’écriture, de la lecture et de l’usage de la langue française (en tenant compte notamment des apports de la diversité francophone, de la mondialisation et de la révolution numérique) ; 7. contribuer au “vivre ensemble“ en s’inscrivant dans la coopération pluricommunautaire ; 8. développer la dimension nationale et internationale de la Maison de la Francité, en développant notamment les partenariats et collaborations avec les institutions en rapport avec la Francophonie (Délégations francophones belges et étrangères, ambassades de pays où le français est reconnu comme une langue importante, organisations internationales...) ; 9. accroitre la visibilité de l’institution, tant au niveau belge qu’international ; 10. accueillir dans le complexe immobilier “Maison de la Francité“, suivant les règles fixées par le Conseil d’administration de la Maison de la Francité, d’autres associations culturelles francophones poursuivant un but analogue et reconnues ainsi comme associations résidantes ; 11. favoriser la concertation et la coopération entre les acteurs culturels, associatifs et institutionnels qui œuvrent dans le même but.

4 AXES STRATÉGIQUES Dans les cinq années à venir, la Maison de la Francité va alors articuler et développer ses missions suivant quatre axes stratégiques : • • • •

l'apprentissage et la maitrise du français ; la promotion et la valorisation de la langue française ; le débat, la réflexion et la recherche ; le développement des relations au niveau de la Francophonie internationale.

Pour promouvoir ces activités, la Maison de la Francité mettra à profit tous les moyens de communication contemporains et veillera à en optimaliser la bonne gestion financière dans le souci d’une bonne gouvernance.

Un fil rouge : aimer le français et s’ouvrir au monde ! 07


Depuis janvier 2015, la Maison de la Francité est présidée par Ahmed Medhoune, un homme expérimenté et à la forte personnalité. Arrivé en Belgique avec ses parents dans les années 1960, à la suite de l’appel aux travailleurs immigrés lancé notamment au Maroc, Ahmed Medhoune dit aujourd’hui acquitter une “dette“. Pour lui, dès l’enfance, l’école a été une passion : “Elle m’a donné l’occasion de rencontrer des enseignants qui, par leur regard positif posé sur moi, m’ont transmis la confiance, le désir et l’ambition. Leur bienveillance est mon héritage. Aujourd’hui, ce qui m’anime, c’est l’envie de donner plus à ceux qui ont moins.“

Ahmed Medhoune Portrait

Ahmed Medhoune découvre l’importance du langage en enseignant à l’Institut royal pour sourds et aveugles et lors de ses cours de français aux étrangers. “L’enseignement m’a transmis le gout de la maitrise de la langue. Le monde est malade de son obscurantisme. Nous avons besoin de lumière et de lucidité. Mal nommer les choses, jugeait Paul Camus, c’est ajouter au malheur du monde. La langue française, avec sa précision chirurgicale, est un outil magnifique pour mieux comprendre notre monde.“ Ahmed Medhoune a exercé sa passion pour l’essentiel à l’ULB. Il a présidé plusieurs ASBL, avant d’arriver à la Présidence de la Maison de la Francité pour les cinq prochaines années. Quel est son projet, pour notre maison ? “En 2016, la Maison de la Francité fête ses 40 ans. Née dans un contexte extrêmement différent à l’époque, elle doit aujourd’hui faire face à des changements radicaux, sur les plans du rôle du français à Bruxelles, de son rapport au néerlandais, des rapports politiques au sein de la ville, de la diversité culturelle bruxelloise, de la crise économique… Les centaines de milliers d’hommes et de femmes qui fuient dans la détresse leurs pays en guerre sont une autre incitation, pour la Maison de la Francité, à s’ouvrir au monde. C’est l’un des axes de son développement prévu pour les prochaines années. Bruxelles est une tour de Babel, la compétition culturelle y est grande, et la diversité linguistique la caractérise. C’est aussi une société divisée, où la question du vivre ensemble est cruciale. Pour toutes ces raisons, la Maison de la Francité doit toucher de nouveaux publics. Nous sommes financés par les pouvoirs publics pour jouer un rôle social. Nous devons être un acteur parmi les autres, notamment dans l’apprentissage du français. Car notre langue française est aussi un accélérateur d’insertion professionnelle, un outil pour trouver sa place, un passeport pour intégrer d’autres groupes, échanger et construire une identité.“ Pour Ahmed Medhoune, le bilan d’une vie réussie se fait à partir de ce que nous avons pu donner aux autres. “Si nous pratiquons la même attitude au quotidien, à la Maison de la Francité, cela rendra notre maison encore plus respectable“, estime-t-il.

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Et comment la Maison de la Francité s’y prendra-t-elle ? “Dans une ville métissée comme Bruxelles, notre maison doit œuvrer à la reconnaissance de ce que l’autre, l’étranger, nous apporte. La Maison de la Francité veut rendre hommage au métissage culturel, car c’est le propre du monde. S’ouvrir à la diversité, la Maison de la Francité le fait déjà via ses tables de conversation, qui accueillent des personnes de toutes origines. Nous devons réinsuffler de l’engagement au cœur de cette institution publique. Comme dans toutes les autres, d’ailleurs !

Agir, c’est bien. Comprendre, c’est important aussi. Depuis cette année, la Maison de la Francité organise de grands cycles de rendez-vous, sous la forme de diners littéraires, de conférences et d’expositions, pour explorer les enjeux de la langue et les manières de vivre ensemble. Ainsi, des écrivains issus de l’immigration et qui ont choisi d’écrire en français sont venus y raconter comment et pourquoi la langue française est devenue leur amie intime. En outre, la Maison de la Francité sort de ses murs et devient partenaire d’autres institutions culturelles. Elle se range à leurs côtés, avec ses formidables outils, notamment ses jeux de langage ou sa collection de littératures d’Afrique et des Caraïbes, à découvrir à l’Espace Césaire.“ Le métissage, Ahmed Medhoune en est le produit. Quelle place le français occupe-t-il dans son cœur ? “Pour moi, tout est musique. Je suis sensible à celle de la langue. J’aime les belles écritures classiques françaises, comme les écrivains travaillés entre un ici et un ailleurs. Sans oublier la poésie. Bruxelles est l’une des villes francophones les plus au nord. Elle doit montrer qu’à 1h20 en train de Paris, on peut parler un français académique et bien conservé, mais aussi très ouvert sur les apports de mots, de façons de dire, de fraicheur et de saveurs, qui en font un français métissé. Car le français de Bruxelles n’est pas celui de Paris. Ici, on est plus poreux aux autres langues. La richesse du français de Belgique ne doit pas être le résultat d’une homogénéité, voire d’une domination culturelle. Cette dimension éthique, qui est un autre aspect passionnant de notre langue française, sera également développée à la Maison de la Francité dans les prochaines années.“


DEUX TÉMOINS DE NOTRE HISTOIRE... Pour Francité, M. Christian Bonnert, directeur de la Maison de la Francité de 1987 à 1998, livre ses meilleurs souvenirs de ces longues années consacrées à piloter la Maison. Sollicité par les instances dirigeantes de la Commission française de la Culture pour prendre la direction de la Maison de la Francité, alors que j’étais conseiller-chef du service de la Jeunesse et des Sports à la CFC, j’ai profité de cette double fonction pour mettre en place des collaborations entre ces deux institutions. À l’époque, la CFC était installée rue de la Loi, ce qui facilitait les rapprochements. Nous voulions conduire nos actions en cohérence avec le contexte multiculturel de plus en plus complexe à Bruxelles, et développer la connaissance de la langue française auprès des jeunes. Cette synergie avec le service de la Jeunesse et des Sports s’est illustrée dans les deux premiers concours de textes de la Maison de la Francité, organisés autour d’un thème sportif. C’est aussi de cette collaboration qu’est née la collection des Jeux de langage, en même temps que le secteur des ludothèques bruxelloises. En effet, en 1989, nos travaux ont permis que la ludothèque de la Commission Française de la Culture voie le jour. Grâce à ses acquisitions, en 1992, nous avons monté notre première exposition permanente de Jeux de langage. Celle-ci était accessible d’octobre à décembre, les mercredis après-midi et les samedis, à la Maison de la Francité. Chaque année, elle attira un public jeune, venu avec l’école ou en famille pour s’initier aux jeux avec l’aide de nos animateurs. Contenus dans des coffres, les jeux ont commencé de voyager dans d’autres communes bruxelloises le restant de l’année, de manière à ce que le grand public puisse aussi les consulter dans des salles communales, des maisons de jeunes, des centres culturels… Les jeux y étaient exposés et disponibles pour la location. C’est ainsi que la Maison de la Francité s’est ouverte au grand public. Des expositions et les conférences des mercredis midis, axées sur l’histoire de l’art, furent également mises sur pied, en collaboration avec les associations qui avaient leur siège dans la maison. (À l’époque, outre les associations de médias audiovisuels et l’imprimerie de la CFC, la Maison de la Francité abritait les studios de Radio-France, avec le journaliste Quentin Dickinson, toujours envoyé spécial permanent à Bruxelles pour France Inter à l’heure actuelle !) Citons notamment, avec la collaboration du Musée d’Ixelles, une exposition des affiches de Privat Livemont, artiste à qui l’on doit la fresque de la salle d’entrée de la rue Joseph II, une exposition d’artistes mexicains dans le cadre d’Europalia, l’exposition Rimbaud obtenue grâce au président d’alors, Basile Risopoulos, et à ses contacts avec les autorités locales d’Antibes… En outre, l’engagement du linguiste Philippe Ernotte permit le développement du Centre de documentation sur la langue française (ancien Espace Césaire). En 1998, je quittai ma fonction de directeur à la Maison de la Francité avec l’élargissement des compétences de la Commission française de la Culture et son évolution vers la Commission Communautaire Française (Cocof). M. Laroche, alors conseiller culturel du ministre Gosuin, à la Cocof, prit la direction de la Maison à ma suite. Propos recueillis par Anne Vandendorpe.

M. Daniel Laroche a occupé les fonctions de directeur de la Maison de la Francité de 1998 à 2012. Il a eu la gentillesse d’accepter de nous livrer son meilleur souvenir... Parmi mes principaux soucis de nouveau directeur, en 1998, figurait l'image extérieure de la Maison : faire du bon travail ne suffisait pas, encore fallait-il asseoir sa notoriété et sa crédibilité, faire d'elle un véritable catalyseur de la francophonie. Aussi ai-je appris avec joie, fin 2000, que Mme Antoinette Spaak acceptait d'en assurer la présidence. Entre autres fonctions prestigieuses, elle avait présidé le Conseil Culturel de la Communauté française, où elle avait démontré son intérêt pour la qualité de la langue et pour la vitalité francophone. L'une de ses premières initiatives : dresser un répertoire précis de tous les services et associations belges œuvrant en faveur du français, puis inviter leurs dirigeants à une table ronde, rue Joseph II, en vue d'améliorer l'échange d'informations et la collaboration. Le rayonnement personnel de Mme Spaak, son entregent et sa fermeté souriante firent de cette réunion un moment exceptionnel dans l'histoire de la Maison. Daniel Laroche.

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Évolution d’un emblème À l’origine, la Maison s’incarnait dans un logo figuratif et stylisé. Aujourd’hui, elle affiche une image flamboyante, et son logo est polysémique. L’évolution du logo de la Maison de la Francité raconte aussi l’évolution de ses missions. Le premier logo de la Maison de la Francité reproduisait élégamment la façade de l’hôtel Hèle. Croqué à l’encre noire en un rectangle étroit, il donne à voir des lignes droites esquissant les contours de nombreuses ouvertures. Du haut vers le bas, sous un large trait noir figurant le toit, trois rangées de fenêtres, l’imposant balcon du premier et le relief plus chargé du rez-dechaussée, semblent autant d’invites à pénétrer dans la maison. Le dessin équilibre soigneusement traits pleins et espaces vides, et rend hommage au cachet de la façade néoclassique. Ses bords ondoient légèrement sous la plume du dessinateur. En 2002, le Bureau des administrateurs confie au bureau de graphistes Trait pour trait le renouvèlement de son image graphique. Voici ce que devient le logo. Il reprend la façade du 18, rue Joseph II, mais sous une forme stylisée. La Maison de la Francité, est-il expliqué dans l’argumentaire de l’époque, n’est pas une institution éthérée ou abstraite : depuis plus de 25 ans, elle s’incarne fortement, si l’on peut dire, dans cet hôtel de maitre aux remarquables qualités architecturales et artistiques. Le projet de Trait pour trait allie l’élégance à une très bonne lisibilité. Moins fouillé que l’ancien, il est plus percutant et donc plus facilement reconnaissable. Sans être totalement fermée ou rigide, sa composition est solidement structurée. Quant à ce surprenant accent aigu qui domine le tout, nous explique-t-on alors, d’une part, il suggère le mouvement et le dynamisme dont la maison est animée, d’autre part, c’est un signe typographique caractéristique du français écrit, et que beaucoup d’autres langues ne connaissent pas. Le logo actuel de la Maison de la Francité a été créé en 2013 par le bureau de graphistes Labelise. En totale rupture avec les deux logos précédents, devenus passéistes et trop ancrés dans le patrimoine, il introduit le rouge vif dans la charte graphique et représente cette fois les missions de l’association. Il figure toujours une maison, mais dont le toit semble s’être envolé. Plus précisément, de celui-ci s’échappent deux faisceaux rouges symbolisant une porte à deux battants ouvrant la maison vers l’extérieur, ou deux ailes déployées autour du bâtiment, suggérant le rassemblement des multiples associations qui habitent le lieu et y fonctionnent en synergie. L’effet est chaud et aérien.


Par l’intermédiaire de sa Représentation permanente auprès de l’Union européenne, l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) est un précieux partenaire de la Maison de la Francité. L’Ambassadeur Stéphane Lopez, qui occupe cette fonction depuis 2014, suit d’ailleurs les activités de notre maison de près, depuis plusieurs années. En outre, l’OIF soutient le concours de textes avec fidélité depuis près de 15 ans, dont elle récompense généreusement le gagnant du premier prix junior. Nous remercions vivement M. Lopez et l’OIF pour ce partenariat qui honore nos travaux. Pour ce numéro anniversaire, M. Lopez a eu la gentillesse d’évoquer les nombreux ponts jetés entre la Maison de la Francité et l’Organisation internationale de la Francophonie. Entretien.

Parlons francophonie.

- M. Lopez, quels sont les principaux atouts de la Maison de la Francité, en regard des objectifs de l’OIF ?

- À l’époque où s’est mise en place l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue ensuite l’Organisation internationale de la francophonie, Léopold Sédar Senghor a tenu à l’inscrire à un haut niveau décisionnel, celui des Ministres, puis des Chefs d’État et de Gouvernement, afin de lui fournir l’autorité politique indispensable à une action francophone résolue. Mais ce haut niveau de relation aux États n’exclut en rien un rapport étroit et attentif à la société civile, c’est d’ailleurs le sens de la Conférence des OING et plus largement de la relation de confiance qui s’est établie avec le monde associatif, qui irrigue largement l’OIF de ses convictions et de sa créativité. C’est dans cet esprit que la Représentation permanente de l’OIF auprès de l’Union européen a toujours entretenu une collaboration riche avec la Maison de la Francité, qui joue un rôle fondamental à Bruxelles, en programmant avec talent de nombreuses activités de promotion de la langue française, du plurilinguisme et des cultures francophones. La conférence de Claude Hagège, programmée en 2015, est un bon exemple de cette contribution de la Maison de la Francité au rayonnement de la francophonie, en son rôle associatif. Elle a non seulement touché des hauts fonctionnaires européens, mais aussi des professeurs, des étudiants et plus généralement des personnes qu’intéressent ses activités portant sur la langue et la culture. Par son contact direct avec les Bruxellois, qui vivent au jour le jour l’usage de la langue française et que cette langue passionne, la Maison de la Francité joue donc un rôle essentiel. La francophonie ne peut s’exprimer exclusivement au niveau politique et diplomatique : elle est d’abord une communauté de langue et de cultures. - Est-ce pour cette raison que vous soutenez le concours de textes avec fidélité ? - Le concours de textes s’adresse à la jeunesse francophone. La chose est très importante, car les passionnés de la langue française sont parfois d’un âge vénérable. Leur expérience et leur sagesse sont infiniment précieuses à la francophonie, mais nous devons aussi nous adresser aux jeunes, qui constituent l’avenir de la francophonie : il est fondamental qu’ils s’enthousiasment pour la langue française, l’usage qu’on peut en faire, les opportunités qu’elle offre, le moyen d’expression créative qu’elle fournit. Nous vivons une époque de grandes tensions, liées à des phénomènes de radicalisation multiples et à la réaction toute aussi radicale que leur oppose la société : les amalgames, l’intolérance, la peur et le rejet de l’autre, de son altérité, sont un fléau, une maladie qui ronge nos sociétés.

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Un des problèmes majeurs aujourd’hui provient du fait qu’un grand nombre de personnes n’ont pas accès aux canaux et aux espaces d’expression pour révéler et développer leur créativité : la langue écrite et l’oralité, la danse, le chant, la création plastique, les sports, l’entreprenariat économique, en sont quelques exemples parmi beaucoup d’autres. Il est fondamental que chacun puisse développer ses capacités expressives, créatives, explorer ses facilités, découvrir ses talents et ceux des autres afin de développer aussi sa tolérance à l’altérité. La privation d’expression de la créativité est l’une des pires violences qui soit faite à l’homme ; la frustration ressentie est longtemps silencieuse, mais lorsqu’elle s’exprime finalement, elle est particulièrement dangereuse, explosive, dévastatrice. Tout enfant est un créateur en puissance : à la société de le révéler, de l’accompagner, et de lui offrir ensuite tout au long de sa vie des espaces et des occasions d’expression, c’est-à-dire de valorisation. Le concours de textes de la Maison de la Francité fournit cette possibilité dans le domaine du langage. Plus les gens, et en particulier les jeunes, auront la capacité de disposer de canaux d’expression variés et d’espaces et d’occasions d’expression, moins nous serons soumis aux problèmes de la radicalisation quelque forme qu’elle prenne, car le djihadisme n’est pas la seule qui doit nous interpeler. La violence est partout entre automobilistes, entre voisins, entre collègues, entre adversaires, au sein des couples, économique, sociale, communautaire, linguistique, raciste, sexiste. Les phénomènes de radicalisation en général sont la forme essentielle et achevée d’une frustration qui s’est longtemps concentrée. La violence extrême est comme un parfum : elle est passée par une longue distillation et extraction. Elle a souvent pour origine une absence de capacités expressives, une absence d’espace créatif, une absence de perspectives, une absence de sens finalement. Nos sociétés vainement consuméristes n’ont pas grand sens en elles-mêmes et il est donc d’autant plus dangereux de laisser des gens sur le côté de la route, hors de la réalisation personnelle et collective, sans grand moyen et espace d’expression et de création, livrés au poison de la frustration existentielle. Si nous disposions de plus de structures offrant aux jeunes et aux moins jeunes les voies et moyens d’exprimer leur rapport à l’existence dans toute sa complexité, si nous disposions de plus de structures d’éducation à l’altérité, d’apprentissage de la tolérance, d’ouverture à la différence, de partage, de rencontres, de confrontation à ce qui n’est pas nous, cela nous permettrait d’éviter beaucoup de politiques publiques sécuritaires, qui s’avèrent inévitablement lacunaires sur le plan du terrorisme, comme de la délinquance dans toutes les formes qu’elle revêt. C’est ainsi qu’il faut considérer le rôle et la contribution de la Maison de la Francité.


- Depuis 2003, vous suivez l’évolution de la Maison de la Francité. Au début, elle était très liée au Service de la langue et aux politiques linguistiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En diversifiant ses activités, elle s’ouvre à davantage de publics. Cette évolution correspond-elle aux orientations actuelles de l’OIF ? - Nous devons nous garder d’un défaut de nos sociétés qui est l’élitisme. Nos sociétés sont très inégalitaires et l’école peine à compenser les handicaps socioculturels de départ, voire les conserve ou les accroit. La langue et la culture sont au cœur de cet élitisme. Au lieu d’en faire des outils d’émancipation et d’intégration, nos sociétés les utilisent pour trier socialement les gens et les enfermer dans leur histoire personnelle et familiale. C’est lamentable, tellement injuste, tellement improductif. Dans l’univers professionnel, les chercheurs d’emploi sont jugés sur leur accent, leur vocabulaire, leur syntaxe, la manière dont ils s’expriment à l’oral et a fortiori à l’écrit. La langue devient alors un révélateur implacable. Si nous n’y prenons garde, les opérateurs francophones s’adressent à un public restreint, favorisé sur le plan socioculturel et déjà doté des moyens d’expression en langue, et par là, nous renforçons l’exclusion. La Maison de la Francité, avec son ciblage d’un public plus varié et ses activités de langue et de culture au sens large, qui ne touchent pas que les élites culturelles, va dans le sens préconisé par les institutions francophones de s’adresser au plus grand nombre. Cette orientation de la Maison de la Francité n’est d’ailleurs pas récente ; elle a démarré voici quelques années. - S’ouvrir aux écoles qui l’environnent est justement la mission sur laquelle la Maison de la Francité renforce ses actions. - C’est fondamental. Vous êtes placé dans un quartier à la fois très central et voisin de quartiers moins favorisés. Il est malheureux que la langue soit un handicap pour un enfant, plutôt qu’une opportunité. C’est pourtant un outil merveilleux. Pour moi, elle a été un instrument de promotion sociale et elle est devenue un compagnon de jeu : il y a de la joie à la maitriser, à choisir telle construction plutôt que telle autre, telle expression plutôt que telle autre, de la satisfaction à rendre sa pensée ou ses sensations le plus justement possible. Nous devons sortir de cette fonction de marqueur social, de révélateur social, dévolue à la langue et en faire un moyen d’expression, un espace de créativité et de jeu. C’est ce que fait la Maison de la Francité. Nous avons le même problème avec la culture. Si vous interrogez les gens sur leurs activités culturelles récentes, je doute qu’ils vous répondent massivement être allés au théâtre, à l’opéra, à un concert de musique classique. Cette situation est très regrettable : langue et culture ne doivent pas être des instruments de division sociale.

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Et puis l’intolérance se généralise parce que les gens, en dépit de la mondialisation, sont enfermés dans leur identité et rejettent de plus en plus celle de l’autre. Nous devons habituer les esprits à l’altérité, exposer à la différence, lutter tout à la fois contre la standardisation et l’enfermement identitaire. C’est aussi ce que fait la Maison de la Francité. En exposant des moyens de création et d’expression et en organisant des rencontres avec des artistes et des créateurs, la Maison de la Francité fait œuvre d’apprentissage de la tolérance. - Connaissez-vous des fonctionnaires de l’UE et de l’OIF qui fréquentent la Maison de la Francité ? - Il y a peu de fonctionnaires de l’OIF en poste à Bruxelles. Moi, je fréquente la Maison de la Francité. S’agissant des fonctionnaires européens, je ne saurais me prononcer. Vous devez le savoir mieux que moi. Dans tous les cas, je le souhaite. Il est important, là aussi, que les fonctionnaires européens sortent de leur univers institutionnel et côtoient la société civile belge au-delà de celle commerciale et de service. En 2003, le CGRI (Commissariat général aux Relations internationales, aujourd’hui WBI, Wallonie-Bruxelles International), avait mis en place un dispositif complexe, novateur et multiforme, par lequel WBI, la Région bruxelloise et l’OIF, tentaient d’organiser une relation entre fonctionnaires européens et la francophonie bruxelloise, dans son foisonnement. La Maison de la Francité a pris part à ce groupe de réflexion en organisant le parrainage de stagiaires de la Commission européenne par des familles bruxelloises qui se portaient volontaires. J’en ai moi-même fait l’expérience ! Je ne crois pas que le dispositif soit demeuré. Cela partait d’une ambition très pertinente. Une enquête faisait apparaitre, il y a quelques années, la faible intégration des fonctionnaires européens à la société belge. Il faut être prudent. Le huis-clos institutionnel et diplomatique est dommageable. On voit bien que les sociétés européennes sont de moins en moins en phase avec leurs institutions et même avec leurs États. Le contact avec les autres est essentiel, a fortiori lorsqu’ils appartiennent à d’autres univers. Il n’est pas bon que les fonctionnaires soient coupés de leur société d’origine comme de celle où ils résident et ne fonctionnent qu’en vase clos. Il nous faut des structures qui servent d’articulation entre cet univers européen et la société civile et que l’Union européenne profite du point de vue de la société belge. La Maison de la Francité est bien placée pour cela. De plus, quand la Maison de la Francité organise un évènement, il y a un moment avant, un moment pendant et un moment après, qui permettent des brassages d’opinions intéressants, sur les plans culturel et sociétal. C’est aussi une contribution sociale importante à nos yeux.


TÉMOIGNAGE

Le concours de textes annuel Henry Landroit effectue la première sélection des lauréats de notre concours de textes, dans les catégories jeunesse, depuis la première édition de celui-ci. Ancien instituteur et directeur d’école primaire, il s’est toujours intéressé à la langue française et à sa didactique. Auteur de quelques écrits, principalement des nouvelles, dont quelques-unes distinguées, il a également exploré les pistes proposées par l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) et organisé à Bruxelles depuis 2012 des ateliers d’écriture s’en inspirant. Son blog, qui fournit des réflexions souvent piquées d’ironie, sur l’actualité, la langue et la pédagogie, mérite une visite (landroit.blogspot.com)… Dans ce numéro de Francité, il nous confie ses impressions sur la participation des jeunes au concours de textes. UN CONCOURS RARE Qu’est-ce qui peut pousser un préadolescent ou un adolescent à participer au concours de textes annuel de la Maison de la Francité ? Celui-ci est un des rares concours de ce type ouvert aux 12-18 ans. La plupart de ceux qui y participent le font spontanément, quelques-uns en ayant suivi un atelier d'écriture préalable, d’autres enfin le font par l’intermédiaire de l'école. Des professeurs de français proposent en effet cette activité à leurs élèves. Depuis près de vingt ans, je sélectionne quelques textes parmi les quelques centaines qui proviennent des cadets (12-15 ans) et des juniors (15-18 ans). Les textes sélectionnés sont transmis au jury qui les classe.

BIEN D’AUTRES PARTENAIRES PARTICIPENT AU JURY... La Compagnie de Lecteurs et d’Auteurs (CléA) est un partenaire incontournable dans l’organisation de nos concours de textes. C’est de chez elle que proviennent nos sélectionneurs de la catégorie adulte, et sa directrice, Laurence Ortegat, s’investit grandement dans l’aventure. En plus d’accepter chaque année d’intégrer le jury du concours, Laurence Ortegat répond présent lorsque nous la sollicitons, prodiguant ses conseils et apportant sa pierre à l’édifice : sur la communication du thème, pour ajuster la méthode d’évaluation des textes ou pour soutenir l’équipe aux moments cruciaux du concours. Ce soutien sans faille est aussi le cas de Milady Renoir, la directrice de Kalame, autre partenaire du concours. Sa connaissance des chemins menant à l’écriture nous est précieuse au moment d’élaborer les ateliers d’écriture qui seront les plus utiles aux candidats. De plus, grâce à elle, nous pouvons compter sur des animatrices hors pair, pour animer ces ateliers. Aux côtés de Laurence Ortegat, certaines personnalités composent un noyau de fidèles dans le jury du concours de textes : il s’agit de Mme Laurence Ghigny, attachée culturelle à la Fédération Wallonie-Bruxelles, et de M. Serge de Patoul, député francophone bruxellois, qui nous accompagne depuis le concours 2015. Chaque année, la Délégation Générale du Québec y est aussi représentée. Nous remercions chaleureusement chacun de ces précieux partenaires ainsi que tous les autres.

LE SAVIEZ-VOUS ? C’est dire que j’en ai vu passer, des textes de tous genres... 200 à 400 textes chaque année. Ma mission consiste à repérer les meilleurs. Les meilleurs ? À partir de quels critères ? L’orthographe des participants ne doit pas entrer en ligne de compte (j’allais écrire heureusement...). Il perturbe pourtant souvent la compréhension d’un texte (surtout l’orthographe d’ordre grammatical). J’attache de l’importance particulièrement à la cohérence du texte, à sa structure (un début, un corps, une fin), à son originalité. Il faut dire qu’inévitablement, dans un concours de ce genre, ouvert à tous les publics, la moisson est variée. Cela va des textes totalement délirants qui partent dans tous les sens (au risque de ne même pas se soucier du respect du thème !) à de petites perles de justesse et de poésie ; du texte imprégné de ce qu’on appelle “la culture de jeunes“, où l’on reconnait, à chaque détour de paragraphe, l’influence d’Harry Potter, de jeux vidéos ou de films célèbres au texte original qui décrit des mondes réellement inventés ou qui expose les réalités et les sentiments quotidiens des écrivains en herbe. C'est peut-être pour ce dernier aspect que je continue depuis si longtemps à sélectionner ces textes. Beaucoup de ceux-ci sont inévitablement le reflet des préoccupations des jeunes d'aujourd'hui, de leurs interrogations, leurs espoirs, leurs regrets. Leur vision du monde m'intéresse même si elle s'exprime avec une sorte de violence, même si elle manque parfois de nuances, car elle est celle de la jeunesse, qui a encore du temps devant elle pour améliorer ce monde qui en a bien besoin... • Henry Landroit

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En 2017, la Maison de la Francité organisera son 20e concours de textes. Voici la liste des thèmes choisis depuis la première édition. 1997 et 1998 : “L’exploit du 21e siècle, concours d’écriture sportive“ 1999 : “Bruxelles, qu’est-ce que c’est ? Définition d’une ville par les gens qui y vivent, y passent ou y travaillent“ (2000 : pas de concours ) 2001 : “Un voyage en français“ 2002 : “Jardin, forêt, volière. La nature et moi“ 2003 : “L’inspecteur mène l’enquête“ 2004 : “Un mariage insolite“ 2005 : “L’invention du siècle“ 2006 : “Le pays de mes rêves“ 2007 : “Mon histoire romaine“ 2008 : “Lutin au Québec. Une aventure du vingt-et-unième en Amérique du Nord“ 2009 : “La tête dans les étoiles“ 2010 : “Une rencontre africaine“ 2011 : “Je t’appelle citadelle, concours d’écriture de slam“ 2012 : “Si j’étais magicien…“ 2013 : “Destination ailleurs“ 2014 : “Prisonnier“ 2015 : “Étincelles“ 2016 : “Je suis qui, au fait ?“


TÉMOIGNAGE

Les tables de conversation Chaque mardi et jeudi, un vent de franche convivialité et de bonne humeur s’engouffre dans la Maison de la Francité, où animateurs et apprenants se retrouvent pour une heure et demie de table de conversation en français. Michèle Barel est l’une de nos animatrices. Cela fait plus de dix ans qu’elle prodigue ses conseils avisés et son expérience de la langue française au public multiculturel qui fréquente nos tables de conversation. Venue de l’enseignement organisé par la Ville de Bruxelles, où elle a exercé les fonctions de professeure et de bibliothécaire pendant 33 ans, c’est en 2005 qu’elle a répondu à une annonce de la Maison de la Francité. Pour ce numéro anniversaire, Michèle Barel raconte son attachement à cette activité permanente de la maison. Je désirais m’occuper utilement durant la retraite. Depuis, je me partage entre mes petits-enfants, les voyages, les séjours dans le sud de la France et, quand je suis à Bruxelles, la Maison de la Francité. La Maison de la Francité est un centre très actif à Bruxelles pour le rayonnement de la langue française, et où tous les publics sont les bienvenus, sans distinction d’origine ni d’âge. Elle offre beaucoup de possibilités à tous ceux qui veulent s’informer dans les domaines liés à la langue française (avec, notamment, ses jeux de langage, son centre d’informations, ses conférences, ses visites culturelles bruxelloises…).

FOCUS

Les tables de conversation sont une de ces possibilités et proposent aux apprenants une formule agréable et même ludique, pour améliorer leur pratique orale de la langue. Les animateurs bénévoles qui proposent leurs services me semblent toujours de bonne humeur, très impliqués dans leur tâche et attentifs aux attentes des apprenants. Ainsi, ils n’hésitent pas à s’éloigner parfois du thème du jour pour répondre à une demande pratique particulière. Des liens se créent aussi entre les apprenants, qui sympathisent et organisent des échanges ou des sorties entre eux.

C’est cet esprit de complicité, de partage et de soif de savoir, qui fait pour moi la force et le charme des tables de conversation de la Maison de la Francité. Elles m’apportent à chaque fois une réelle satisfaction, par le contact avec les personnes rencontrées, venues de tous horizons, où se côtoient le fonctionnaire européen, la retraitée américaine, le maçon portugais, la mère de famille iranienne, l’étudiant flamand… Chaque séance m’amène aussi à effectuer des recherches sur les thèmes abordés, qui peuvent concerner le fonctionnement des services publics, du Parlement européen, de nos institutions fédérales, la météo… C’est une source de vrai bonheur et un enrichissement permanent. Et si nos apprenants sont assidus, je pense que c’est parce qu’eux aussi trouvent du plaisir à partager ces moments d’apprentissage et de convivialité. En outre, la langue française est une langue difficile, certes, mais riche et pleine de nuances. Même si j’ai enseigné le français pendant plus de trente ans, chaque table de conversation me fait aussi découvrir ses subtilités et ses liens étroits avec l’Histoire, par le biais de l’étymologie, de l’orthographe et même de ses exceptions aux règles grammaticales. En effet, la langue française nous rattache à d’anciennes civilisations : grecque, romaine, gauloise ou germanique qui, en nous léguant une part de leur héritage lexical, ont fait la richesse de notre parler quotidien et de nos échanges avec les autres. J’ai remarqué que nos apprenants étaient très intéressés par cet aspect de la langue et friands d’anecdotes linguistiques. Ils apprécient particulièrement de connaitre l’origine des mots et des expressions, la polysémie et aussi les belgicismes, qui font partie de l’identité belge. Enfin, Bruxelles, carrefour européen multilingue et multiculturel, permet d’aborder la langue française dans son contexte mondial, car apprendre le français, c’est aussi se rapprocher des écrivains du siècle des lumières, des idées révolutionnaires, des droits de l’homme et d’une certaine forme de liberté de pensée, très précieuse aujourd’hui.

LE SERVICE D’ÉCRIVAIN PUBLIC

LE SERVICE SOS LANGAGE.

Depuis 2014, la Maison de la Francité accueille une permanence "Écrivain public". Tous les jeudis après-midi (sauf vacances scolaires), un écrivain public assure un accompagnement à la compréhension ou à la rédaction de documents administratifs et privés : lettres, formulaires, C.V., récits de vie... Les entretiens se font de manière individuelle et sur rendez-vous, afin d’offrir une écoute attentive aux demandeurs, et de cerner précisément les besoins et attentes de chacun. Ce service gratuit est assuré par des professionnels bénévoles. La durée des rendez-vous est d’une heure.

La permanence S.O.S. langage fonctionne par téléphone, courriel ou par un formulaire en ligne sur le site de la Maison de la Francité. En 2015, 205 demandes lui sont parvenues. Ce sont essentiellement les entreprises privées, surtout les agences de communication, qui font appel à notre service linguistique. Les journalistes l’utilisent très peu.

Ce service de la Maison de la Francité a été mis en place dans l’optique de développer le service SOS langage et de l’orienter davantage vers les personnes n’ayant pas accès aux outils rédactionnels (contrairement à la majorité des usagers du service SOS langage). Les permanences sont organisées en collaboration avec l’association Présence et Action Culturelles, mouvement d’Éducation permanente qui propose des formations d’écrivains publics et développe le réseau des permanences. Informations et prises de rendez-vous à la Maison de la Francité, au 02/219.49.33, de 9h à 17h.

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Les questions posées concernent le plus souvent les aspects suivants : l’accord du participe passé, surtout après un verbe pronominal (par exemple : elle s’est forgé un nom, elles se sont donné rendez-vous) ; le pluriel des noms, plus particulièrement les noms compléments de noms (par exemple : salle d’études ou d’étude ? jours de congés ou congé ?) ; les anglicismes et leurs équivalents ; la nouvelle orthographe... D’autres questions visent les abréviations, les majuscules, les guillemets, les espaces, le trait d’union, etc. Certaines demandes ne trouvent pas de réponse simple et claire dans les dictionnaires et les grammaires, soit qu’elles relèvent de la stylistique, soit qu’elles sont aux marges du code linguistique français (cas des anglicismes, des acronymes, des noms de marques, etc.). Les outils de recherche et la persévérance de notre linguiste en viennent à bout dans 99% des cas !


TÉMOIGNAGE

Le stage de prise de parole Depuis 2009, Jacqueline Paquay a animé le stage de prise de parole de la Maison de la Francité avec une énergie rare et un talent maintes fois souligné par ses élèves. À l’occasion de son récent départ à la pension, Francité revient sur la création de cette activité devenue permanente. - Quel fut votre rôle dans la mise en place du stage de prise de parole ? - En 2008, la Maison de la Francité réagit à la communication dans la presse d’indices, relevés notamment dans le milieu scolaire, d’une possible régression de la compétence linguistique chez les francophones. Elle mit alors sur pied un atelier de perfectionnement en français oral, destiné à des étudiants et des adultes possédant déjà une bonne maitrise du français. D’emblée, l’atelier était centré sur l’oralité. Pour le diriger, M. Laroche, alors directeur de la Maison de la Francité, s’est mis à la recherche de professionnels exerçant dans les arts de la parole. À cette époque, j’enseignais déjà depuis plusieurs années la diction, la déclamation et l’éloquence en académie. J’avais aussi suivi la formation à la prise de parole en anglais du club Toastmasters de Bruxelles. À la suite de cette expérience, en 1993, j’ai participé à la création du Club des Orateurs, qui devint le premier lieu où une formation similaire s’est tenue en français. Je possédais donc une solide expérience de cette pratique, et des idées relativement précises sur la méthodologie à mettre en place. Depuis le début, les séances se font les mercredis soir, dans la salle Papyrus. Elles s’adressent à des personnes qui veulent s’exprimer plus aisément en public, enrichir leur expression et dépasser cette peur typique que l’on appelle le trac. En 2010, la formation a changé d’appellation pour devenir “stage de prise de parole“, un titre plus approprié à son contenu. - Quel public attire-t-il ? - Des demandeurs d’emploi, des étudiants qui veulent se préparer aux entretiens d’embauches, des futurs professeurs, des étudiants en thèse… Chaque groupe est une surprise. Le public de la Maison de la Francité est très différent de celui des académies. Il est plus mélangé, d’une part, et il doit courir un véritable marathon des arts de la parole. Contrairement aux académies, où les apprenants ont un an pour se former, ici, au bout des 10 séances, ils doivent être capables de s’exprimer en public durant 4 minutes, sans notes. Pour y arriver, j’ai besoin de conserver un groupe soudé jusqu’au bout du stage. Chacun évolue à son rythme. Je me souviens de stagiaires européens qui parlaient très mal le français, mais qui sont parvenus à captiver le public. Il y a eu un journaliste colombien passionnant à écouter, une Coréenne qui s’exprimait de manière incompréhensible au début de la formation… J’ai eu un fantastique groupe d’Africains, qui ont composé des discours particulièrement chargés, pour raconter leurs parcours de vie… - Le but est-il surtout orienté vers l’acquisition d’une compétence professionnelle ? - Le stage ne propose pas aux participants d’améliorer leur maitrise du français. Il est centré sur l’expression orale. Par des procédés ludiques, j’ai amené des personnes à prendre la parole sans s’en rendre compte, en douceur. Paraitre naturel devant le public, cela s’apprend ! Les techniques existent, pour utiliser ces outils que sont la respiration, la maitrise de l’articulation, la projection de la voix, la structuration de la pensée… Tous les publics peuvent en retirer un bénéfice. À la Maison de la Francité, la formation est accessible au plus grand nombre. J’espère qu’elle le restera.

LE SAVIEZ-VOUS ? Désormais, notre stage de prise de parole sera conduit par Isabelle Puissant, une nouvelle animatrice comptant plusieurs années d’expérience professionnelle comme comédienne et enseignante en arts du spectacle. Les séances ont toujours lieu les mercredis, de 18h30 à 21h. Renseignements et inscriptions : avandendorpe@maisondelafrancite.be ou 02/219.49.33.

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L’espace Césaire

Lors du déménagement des bureaux de la Maison de la Francité vers l’hôtel Hèle, en décembre 2012, le centre de documentation du bâtiment arrière fut réaménagé, pour y fusionner les fonds respectifs de la Maison de la Francité et de l’ONG CEC, cloisonnés jusqu’alors au sein du même bâtiment.

Une bibliothèque commune au complexe culturel francophone de la Maison de la Francité était née. Le 28 octobre 2013, l’Espace Césaire est officiellement inauguré, en la présence, notamment, de Mme Michèle Dominique Raymond, sous-secrétaire générale au secrétariat ACP (groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique), de M. Bernard Cerquiglini, recteur de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et de M. Thierry Lagnau, directeur de l’Alliance française de Bruxelles-Europe. Depuis septembre 2014, son catalogue est consultable en ligne, via les sites internet de l’ONG CEC et celui de la Maison de la Francité.

du Québec à Bruxelles en 2014, et le fonds s’est également enrichi d’ouvrages donnés par les ambassades de France et de Suisse. Des encyclopédies sur les arts et la Belgique sont aussi accessibles à la consultation. Une section consacrée aux jeux de langage a été créée afin de compléter l’offre de la Maison de la Francité dans le domaine. Les jeux acquis, dans un premier temps, sont ceux qui ont été sélectionnés par le projet de cohésion sociale « Alpha jeux » de la commune de Molenbeek. Cette section compte actuellement plus de septante jeux.

L’Espace Césaire est un lieu de dialogue interculturel en plein centre de Bruxelles. C’est d’autant plus important que Bruxelles compte parmi les principales villes francophones et a, en tant que capitale belge, européenne et comme métropole internationale, un rôle culturel de premier plan à jouer dans la promotion de la langue française et de la francophonie dans le monde.

ACTIVITÉS DANS L’ESPACE CÉSAIRE

Qui mieux dès lors que la figure d’Aimé Césaire pouvait symboliser auprès du public l’expression francophone dans sa pluralité et son métissage, la francophonie multiculturelle et le rôle de la littérature comme moyen privilégié d’éducation ?

Dernièrement, l'Espace Césaire a mis en place une méthode de découverte des littératures africaines et caribéennes, souvent méconnues, basée sur une expérience sonore originale. Dans une ambiance décontractée, assis dans un fauteuil confortable, les yeux bandés, les visiteurs sont plongés dans le noir pendant 25 minutes, pour savourer des enregistrements sonores d'extraits d'œuvres littéraires. La formule est à présent proposée aux écoles secondaires.

FONDS DE LA LANGUE FRANÇAISE Comptant près de 10.000 références, l’Espace Césaire regroupe des ouvrages dédiés à la langue française (dictionnaires, ouvrages d’orthographe et de grammaire, ouvrages portant sur la langue française dans le monde), à la Francophonie (essais et études) et à la littérature francophone, en particulier celle d’Afrique et de Caraïbes, mais pas uniquement. Une attention particulière a été portée sur la section consacrée à l’apprentissage du français. Plusieurs séries de manuels FLE ont été acquis, ainsi que des ouvrages sur les méthodes d’apprentissage axées sur les jeux, le théâtre ou les ateliers d’écriture. Côté littérature, on y trouve notamment les romans primés par le Prix des 5 continents de la Francophonie. Une importante section de littérature québécoise a été initiée par un don de la Délégation

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Outre les services de consultation et de prêt, cette bibliothèque a pour vocation d’abriter des activités d’expression ou de création. Des ateliers d’écriture, des séminaires de littérature ou des séances de jeux de langage y ont lieu de manière régulière.

L’ONG Coopération Éducation Culture a investi récemment l’Espace Césaire en y organisant son cycle de conférences “Constellations“ consacré aux littératures africaines, abordées sous différents angles (identité, urbanité, violence, voyage). Ce cycle a été l’occasion de mettre en perspective des auteurs, des œuvres littéraires et des visions du monde plurielles au travers de la découverte des littératures d’Afrique. L’Espace Césaire s’imprègne peu à peu de toutes ces rencontres multiculturelles qui sont autant de définitions possibles de l’esprit de la francité. Découvrez ses actualités sur Facebook et Twitter !


PRÉSENTATION HISTORIQUE DU PRESTIGIEUX ÉDIFICE QUI ABRITE LA MAISON DE LA FRANCITÉ

Datant de 1850, cet hôtel de maitre néoclassique fut modernisé en 1895 à la demande de son propriétaire, Monsieur Hèle, par l’architecte Léon Govaerts (Saint-Josse-ten-Noode, 1860-1930) et entièrement décoré par le peintre Privat-Livemont (Schaerbeek, 1861-1936). Il constitue un témoin précieux de l’éclectisme bourgeois propre à la fin du 19e siècle, entre classicisme et art nouveau et un des derniers qui résista à la pression immobilière rue Joseph II. En 1895, le bâtiment est considérablement transformé (démolition de l’annexe à l’arrière et extension, transformation en façade). Il y eut un remaniement complet de la cave et l’architecte Govaerts procéda à un remaniement très important de l’agencement des volumes du rez-de-chaussée. Il remplaça le balcon du premier étage par un oriel (bow-window) en fer, qui donne à la façade un élément structurel vertical. (Notons que l’oriel actuel a été refait en 1957 et n’a plus rien de commun avec la réalisation de Govaerts.) Le soubassement est entièrement recouvert de pierre bleue.

L’Hôtel Hèle, entre néoclassicisme et art nouveau.

LE REZ-DE-CHAUSSÉE Les murs du hall d’entrée et de la cage d’escalier sont recouverts de marbres roses et blancs ; les parties supérieures des murs du hall sont décorées de mosaïques représentant des vasques de fleurs, et le sol de mosaïques à motifs végétaux géométriques. Le salon côté rue, avec son décor néo-Louis XVI composé de lambris de bois peint, de décor en stuc et de toiles tendues, possède un plafond orné d’une peinture circulaire sur toile de Privat-Livemont, la Marche à l’étoile. Cette pièce, particulièrement bien conservée, n’a pas fait l’objet des travaux de restauration effectués en 2008. Le remplacement des soieries d’origine recouvrant les murs par les tissus synthétiques qui les ornent toujours aujourd’hui n’a pas pu être daté. La salle Hèle, à l’arrière du salon néoclassique, est la pièce la plus intéressante du bâtiment. Cette salle est constituée de trois volumes successifs qui assurent le passage de l’obscurité à la lumière. Les murs sont décorés de motifs floraux stylisés d’inspiration symboliste, au style art nouveau affirmé. Le plus grand de ces volumes forme une sorte d’atrium moderne et est recouvert d’une verrière de vingt-deux mètres carrés, procurant une lumière légèrement bleuâtre, aboutissant à une véranda. En montant l’escalier vers le premier étage, l’œil est attiré vers la petite verrière qui se trouve à l’entresol. Éclairée par un puits de lumière, la verrière présente un décor floral rayonnant. Un miroir astucieusement placé semble doubler sa surface. Une horloge gainée sous le miroir, insérée dans le décor lambrissé de ce palier, s’intègre parfaitement dans l’ensemble. LE PREMIER ÉTAGE Le décor du premier étage est constitué de motifs en grande partie Louis XV, mêlant cartouches, guirlandes et éléments végétaux. Une rosace portant les quatre points cardinaux, dans ce même style délié et riche, orne le plafond du palier et indique l’orientation de la maison. Sur le mur, un grand rectangle délimité par une

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moulure en bois et stuc formée de petits caissons ornés en leur centre d’une marguerite devait encadrer une œuvre (peut-être une tapisserie). Des vitraux enchâssés dans la porte permettent à la lumière naturelle d’éclairer le palier un tant soit peu. La petite pièce côté rue est tapissée d’un papier peint de motifs végétaux vert et ocre sur fond blanc. Son plafond et le haut des murs sont recouverts d’une toile aux motifs comparables à ceux de la cage d’escalier. La grande pièce donnant accès au bow-window possède également un plafond finement décoré de guirlandes de fleurs autour d’un bâton de bambou en style assez naturaliste, encadré par un caisson mouluré orné d’un tressage de ruban et de laurier. LA MAISON DE LA FRANCITÉ ET L’HÔTEL HÈLE Au cours du temps, un arrière-bâtiment, bientôt relié par un couloir à l’édifice principal, est construit dans le jardin ; la parcelle attenante du 19F avenue des Arts est adjointe à celle du 18 rue Joseph II. En 1976, la Commission française de la Culture loue l’ensemble des bâtiments au propriétaire de l’époque, y crée la Maison de la Francité et y accueille d’autres associations francophones. En janvier 1979, à la requête du Ministère de la Culture, l’État belge achète l’ensemble des bâtiments. C’est enfin la Commission communautaire française qui acquiert l’immeuble et, le 15 juillet 1993, le Gouvernement de la Région de BruxellesCapitale classe le bâtiment de la rue Joseph II. Entre 2003 et 2005, une première phase de travaux de rénovation concerne la galerie et l'arrière-bâtiment. En 2006, les bureaux de la Maison de la Francité et des autres associations qui occupaient l’Hôtel Hèle s’installèrent dans l'arrière-bâtiment pour permettre que l'Hôtel Hèle soit restauré à son tour. C'est fin 2012, après 4 ans de travaux, que l’hôtel Hèle fut à nouveau mis à la disposition de la Maison de la Francité.


LES TRAVAUX DE RESTAURATION DE L’HÔTEL HÈLE ENTREPRIS EN 2008 (Texte de Chloé Dion)

En septembre 2008, la Commission Communautaire Française, propriétaire, en collaboration avec la Direction des Monuments et Sites de la Région de Bruxelles-Capitale, entame d’importants travaux de restauration visant à redonner à l’hôtel l’aspect qu’il avait en 1895. Cette restauration a permis de sublimer le bâtiment et de donner un nouveau souffle à la Maison de la Francité... La restauration de l’Hôtel Hèle a rassemblé plusieurs acteurs : Stephan van Eesbeek, architecte du cabinet Melviez chargé des travaux, Guy Condé-Reis, architecte des Monuments et Sites, Anne-Sophie Augustyniak, conservatrice-restauratrice de la société ASAJAG, Olivier Berckmans, chargé de l’étude archéologique du bâtit, et l’atelier d’Offard, prestigieux atelier de papier peint. Chacun d’entre eux a œuvré pour la réussite de cette restauration. En n’appartenant pas à un courant artistique mais à plusieurs, le bâtiment offrait des décors singuliers dont la lecture s’est avérée aussi complexe qu’inattendue. Il fut donc primordial d’établir un fil conducteur des travaux. Fallait-il conserver et restaurer l’aspect original, un état intermédiaire, ou un état tardif rassemblant toutes les transformations ? Fallait-il tout restaurer à la manière de Govaerts, ou respecter les différents ajouts successifs ? Toutes ces questions essentielles ont occupé les acteurs de la rénovation. La connaissance, la logique de construction, le respect de l’histoire et non sa propre interprétation ont régenté les interventions sur le bâti. Anne-Sophie Augustyniak, conservatrice-restauratrice d’œuvres d’art, a réalisé l’étude stratigraphique du bâti. Elle nous décrit son travail en détail. Il s’agissait d’une étude stratigraphique faite en plusieurs phases. En premier lieu, nous avons identifié les finitions originales ainsi que l’évolution des coloris des murs, plafonds, boiseries, etc. qui composent les pièces du rez-de-chaussée, de la cage d’escalier et des étages. Ensuite, peu de temps avant que les travaux de restauration soient lancés (soit plusieurs années après ma première étude, vu la lourdeur des procédures administratives), nous avons complété nos premières découvertes, en agrandissant les fenêtres stratigraphiques effectuées dans la première phase, pour mettre au jour de manière significative l’intervention originale. Cela nous permit de réaliser une description précise de cette dernière, et d’orienter nos conseils pour sa réfection ou restauration : quels matériaux utiliser et les directions à prendre. L’architecte des monuments et sites de la ville de Bruxelles-Capitale, Guy Condé Reis, chargé de la direction du chantier, rejoint Augustyniak sur l’importance de la préparation faite en amont. La gestion du chantier fut lourde, il a fallu revenir sur les décisions et les techniques de construction. Le plus gros travail fourni n’est pas dans le résultat visible, mais dans tout ce qui ne l’est pas (électricité, normes, boiseries, études chromatiques, etc.).

originaires du Japon et appelés Kinkawa ou Kinkarakawa. Il a été déterminé qu’il s’agissait de l’un des plus anciens visibles à Bruxelles, et le seul à être constitué de fibres orientales. Lors de sa restauration, les artisans ont protégé le papier peint original par un filtre, et ont appliqué un papier peint neuf. Ils ne pouvaient pas utiliser les mêmes principes de réalisation, car la feuille d’étain noircit, et donne un aspect dégradé. Ce travail a été réalisé par l’atelier d’Offard, un atelier français tourangeau, qui réalise des papiers peints à la planche. Cette manufacture exceptionnelle est un des quatre meilleurs ateliers au monde pratiquant cette technique : les bandes de papiers sont posées sur une très longue table pour être recouvertes des premières couches de peinture. Ensuite, les machines à presse prennent le relai avec le travail d’impression, et les finitions sont faites à la main. Le rendu final donne l’illusion du papier d’origine. La véranda est un ajout installé lors de la restauration. Avant de la construire, il a fallu étudier méticuleusement les traces, rainures et ancrages qui portaient témoignage de l’existence d’une ancienne structure métallique à cet endroit. Même sans archives disponibles, il a été possible, grâce à ces traces, de retrouver la volumétrie et la logique de construction de l’ancienne véranda. L’étude archéologique du bâti, réalisé par Olivier Berckmans, a permis de déterminer que l’office recevait un monte-charge desservant la grande salle de réception du rez-de-chaussée. Tout comme la véranda, ce passe-plat, qui servait à faire monter les plats préparés au sous-sol, où se trouvaient les cuisines, vers la salle à manger, a été récréé. Sa conception a découlé de l’observation des plinthes, des coupures du marbre et des ancrages dans les meubles latéraux déjà existants. Il a ainsi la taille d’un petit comptoir. Au-dessus, les battants de verre servant à le fermer sont une création totale. L’élaboration de cette fermeture a été conçue de manière à paraitre la plus vraisemblable. Quant aux autres pièces, les restaurations n’ont, hélas !, pu aboutir. Les papiers peints étant trop endommagés, il était impossible de les représenter à l’identique et dans une vérité historique. Ç’aurait également été très couteux...

< Évolution des motifs des papiers peints lors de la restauration

LES TRAVAUX ENTREPRIS La restauration de l’hôtel Hèle s’est concentrée sur la restitution des coloris et des papiers peints originaux, sur la mise au jour des parquets en bois massif, ainsi que sur la reconstruction d’éléments disparus. La façade a subi quelques interventions. L’étude stratigraphique a permis d’établir qu’un faux appareillage recouvrait toute sa surface, datant de l’époque de Govaerts et combiné d’une peinture de couleur beige clair. Les restaurateurs ont alors réappliqué cette teinte sans recréer l’appareillage. Le salon central et le salon du côté jardin du rez-de-chaussée étaient recouverts d’une peinture blanche rosée, au niveau des murs hauts. L’étude préalable a permis de mettre au jour le papier peint de Govaerts, présent sous la peinture, composé de motifs naturalistes d’inspiration totalement art nouveau. Ces décors restaurés à la main forment une unité de style et de couleurs, tout en étant chacun unique dans le détail de leurs motifs. L’entresol et le premier étage ont eux aussi fait l’objet d’une étude stratigraphique méticuleuse. La couleur ocre d’origine était en effet recouverte de plusieurs couches de peinture, dont la plus récente était mauve. Les coloris originaux ont été rétablis. Le petit bureau du premier étage possédait un faux plafond, qui a protégé le papier peint original et permis sa restauration complète et détaillée. À cet étage, la moquette recouvrant le parquet en bois massif des grandes pièces a été retirée. Le grand bureau en façade au premier étage, donnant sur le bowwindow, reçut une attention toute particulière. En effet, lorsque les experts ont commencé à déplacer certains éléments pour observer les couches inférieures, ils ont découvert un papier peint tout à fait original. Ce papier épais, huilé, composé d’une fleur d’étain en relief, très en vogue à la fin XIXe siècle, imite les papiers peints en cuirs dorés

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Le papier d’origine apparait sous les couches de peinture >

< dans le bureau donnant en façade du premier étage, papier peint reprenant le Kinkawa, et réalisé par le cabinet d’Offard

< La véranda

Le passe-plat de la salle Hèle


Un esprit d’équipe

Pour mettre la lumière sur ceux qui font vivre la Maison, ce numéro anniversaire vous présente l’équipe œuvrant, à l’ombre des tapisseries, moulures et vitraux du prestigieux bâtiment, à ce que rayonnent la langue et la culture françaises, dans la capitale et au-delà.

Trois “chargés de projets“ se partagent une grande part des activités de la Maison de la Francité et travaillent de concert, avec le directeur Donald George, au bon fonctionnement de l’association.

Donald George

Rachid El Khabbabi

Virgine D’Hooge

Anne Vandendorpe

Malko Douglas Tolley

Kamelya El M’Rabet

André Mortier

Arrivé aux commandes de la Maison à la fin de 2014, Donald George, licencié en philosophie de l’U.L.B., a choisi, après une carrière de 30 ans dans le domaine de l’évènementiel et de la communication appliquée au secteur non marchand, de revenir à ses premiers amours : la langue française et tout ce qui tourne autour de l’écriture (il a écrit sa première pièce de théâtre – éditée aux éditions Archipel – à l’âge de 20 ans) et de la littérature en général. Rachid El Khabbabi, arrivé en 2010, occupe la fonction d’adjoint à la direction. Au-delà des tâches de gestion administrative de l’ASBL, il a l’importante responsabilité de veiller à la bonne gestion financière de la Maison, en préparant le budget annuel, en supervisant la comptabilité générale, et depuis 2015, en élaborant une comptabilité analytique de toutes les activités. Il est également la personne qui veille, en bon père de famille, sur le complexe immobilier. Il travaille en excellente collaboration avec le directeur sur tous les sujets qui font le quotidien de la Maison de la Francité. Engagée voici dix ans, Virginie D’Hooge occupe une place charnière dans le fonctionnement de la maison, puisqu’elle se charge du suivi des subventions publiques et des partenariats avec les associations résidantes. Historienne de l’art et diplômée en science de l’information et documentation de l’U.L.B, elle est responsable de la collection “Jeux de langage“, de l’Espace Césaire et de la coordination des projections audiovisuelles organisées en partenariat avec Cinergie et le C.F.A. Anne Vandendorpe, arrivée en 2014, possède un master en langues et littératures romanes et est spécialisée en étude du théâtre (UCL et ULB). Le service “S.O.S. langage“ lui fut naturellement confié, ainsi que l’organisation des tables de conversation française (au siège et dans les associations partenaires), du stage de prise de parole, du concours annuel de textes et de la revue Francité. Elle est aussi le contact des intervenants et des libraires, dans le cadre des diners littéraires et des conférences organisées par la Maison. Malko Douglas Tolley, arrivé dans l’équipe en 2016, est diplômé en sociologie politique de l’U.L.B. Ce féru de théâtre est également rédacteur pour un webzine culturel. Son projet de vadrouilles culturelles est une nouvelle activité extramuros qui permet d’initier des rencontres privilégiées en découvrant les coulisses d’associations culturelles bruxelloises. Également gestionnaire de communauté et administrateur du site internet de la Maison de la Francité, il est présent lors de nombreuses activités programmées dans la Maison. En participant à nos activités, le visiteur qui franchit notre porte a beaucoup de chances de croiser notre concierge et hôtesse d’accueil, Kamelya El M’Rabet (depuis fin 2012). C’est elle qui inscrit les apprenants des tables de conversation, veille sur les trois bâtiments (2.200 m2) qui composent l’ensemble immobilier et se charge de la préparation et du service, lors des repas et banquets, avec son équipe de jobistes dévoués. Collaborateur le plus ancien de la Maison de la Francité - il est entré en 1999, André Mortier touche à tout dans la maison : régie technique, aide au montage des expositions, vérification des jeux, distribution du courrier aux associations résidantes, reproduction et expédition de documents, intendance générale, mise en place des salles, jardinage, etc. Ses 17 années passées à la Maison de la Francité ont marqué leur empreinte et il soigne l’entretien des salles Hèle et Étoile, avec une attention particulière pour la magnifique pendule de l’entresol.

Toutefois, sans l’aide des collaboratrices et collaborateurs non permanents qui mettent leur talent au service de son programme d’activités, la Maison de la Francité ne serait rien. Pour terminer cette présentation, qu’il me soit permis de rendre hommage aux bénévoles qui animent les tables de conversation, aux animatrices des ateliers d’écriture, de l’exposition “Jeux de langage“ et du stage de prise de parole ! Nous n’oublierons pas Christophe Louergli, qui a monté et démonté de nombreuses fois nos expositions, en 2015-2016, et en a assuré la surveillance et la promotion. Pour terminer, que soit également remercié Rony Demaeseneer, qui anime de manière très personnelle nos diners littéraires, contribuant à implanter l’atmosphère si particulièrement sympathique de nos activités crépusculaires, ainsi que Tamara Swuine, responsable des conférences depuis cette saison 2016-2017, notre complice Philippe Marchal, commissaire d’expositions et animateurs de “causeries artistiques“, Sophie Majerat, animatrice de l’atelier “roman“ de la Maison de la Francité ou encore Robert Massart et Jacques Lefebvre, animateurs d’ateliers “langue(s) et littérature(s) et tous les acteurs des associations résidantes qui contribuent souvent à donner de la vie à notre Maison...

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Les associations résidantes

La Maison de la Francité, c’est aussi un complexe immobilier regroupant une dizaine d’associations francophones entre ses murs. Une cohabitation qu’enrichissent les partenariats et actions conjointes menés de façon récurrente et qui contribuent grandement au succès de chacune.

BÂTIMENT PRINCIPAL - 18, RUE JOSEPH II - 1000 BRUXELLES

MAISON DE LA FRANCITÉ ASBL - 02 219 49 33 - MDLF@maisondelafrancite.be - www.maisondelafrancite.be

COMPAGNIE DE LECTEURS ET D'AUTEURS - CLéA ASBL - 0474 19 84 28 - compagnie.clea@gmail.com - www.compagnie-clea.org La Compagnie de Lecteurs et d’Auteurs (CLéA) propose aux auteurs différents services de relecture et d’accompagnement dans la réécriture, selon le manuscrit, l’expérience et le souhait de l’auteur. Ces formules sont encadrées par des accompagnateurs de CLéA afin de garantir le respect de la méthodologie et des valeurs de CLéA. Directrice : Mme Laurence Ortegat

ÉDUCATION POPULAIRE ASBL - 0486 90 59 89 - educpop.freinet@gmail.com - www.educpop-freinet.be L’ASBL Éducation populaire est une association de pédagogues (enseignement primaire) promouvant la méthode Freinet à l’occasion de permanences le mercredi après-midi, de formations, de symposiums… Présidente : Mme Danièle Blumfarb

REvUE ET CORRIGÉE - ERCÉE ASBL - 02 223 44 74 - editions.ercee@gmail.com - www.bon-a-tirer.com/ercee.html L’ASBL Revue et Corrigée (Ercée) a été créée à Bruxelles en 1978. Aujourd’hui, elle coordonne la plateforme numérique de revues littéraires et artistiques francophones (www.revues.be). Elle publie la revue en ligne www.bon-a-tirer.com. Depuis 1985, elle édite, sous l’enseigne Éditions Ercée, des ouvrages de littérature et de sciences humaines. Administrateur délégué : M. Alain Esterzon RÉSEAU KALAME ASBL - 0494 581 304 - info@kalame.be - www.reseau-kalame.be Réseau Kalame soutient tout projet de création ou d’organisation d’ateliers d’écriture. Il s’agit d’une sorte de plateforme horizontale où tout le monde peut entrer sous certaines conditions : avoir une pratique de la lecture et de l’écriture, suivre certaines journées de rencontres et de formations, participer à la vie du réseau. Directrice : Mme Milady Renoir UNION FRANCOPHONE DES BELGES à L'ÉTRANGER - U.F.B.E. ASBL - 02 217 13 99 - ufbe@skynet.be - www.ufbe.be L’Union francophone des Belges à l’Étranger (U.F.B.E.) gère les dossiers administratifs et fiscaux de centaines d’expatriés belges disséminés sur les cinq continents ; elle les conseille avant le départ, durant leur éloignement et à leur retour. Président : M. Alain Rens

ILOT CENTRAL - ENTRÉE PAR LE19F, AV. DES ARTS - 1000 BRUXELLES ESPACE CÉSAIRE - 02 217 90 71 - info@espace-cesaire.org - www.espace-cesaire.org

ASSOCIATION CHARLES PLISNIER ASBL - 02 537 04 49 - asso.plisnier@gmail.com - www.charles-plisnier.net L’Association Charles Plisnier organise des conférences, attribue des prix annuels, publie la revue Francophonie vivante, etc. Présidente : Mme Myriam Watthee-Delmotte

COOPÉRATION PAR L'ÉDUCATION à LA CULTURE - C.E.C. ASBL - ONG - 02 217 90 71 - info@cec-ong.org - www.cec-ong.org Coopération par l’Éducation et la Culture (C.E.C.) est une O.N.G. spécialisée dans les relations culturelles et éducatives avec l’Afrique subsaharienne dont les activités s’articulent autour d’une bibliothèque spécialisée, d’expositions, de cours de littérature africaine, etc. Présidente : Mme Ann Gerrard

BÂTIMENT SITUÉ AU 19F, AVENUE DES ARTS - 1000 BRUXELLES

CENTRE DE L'AUDIOvISUEL à BRUxELLES - C.B.A. ASBL - 02 227 22 30 - cba@skynet.be - www.cbadoc.be Le Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles (C.B.A.) est actif en matière de production audiovisuelle, documentaire et fiction, par le biais de coproductions et a obtenu de nombreuses récompenses internationales. Secrétaire général : M. Javier Packer-Comyn CENTRE DU FILM SUR L'ART - C.F.A. ASBL - 02 217 28 92 - cfa@scarlet.be - www.cfa-asbl.be Le Centre du Film sur l’Art (C.F.A.) gère un fonds de courts et moyens-métrages documentaires sur les arts plastiques et collabore notamment avec la Cinematek. Directrice : Mme Sarah Pialeprat

CINERGIE ASBL - 02 219 04 84 - info@cinergie.be - www.cinergie.be Cinergie joue un rôle informatif et documentaire à l’égard du secteur de l’audiovisuel en Belgique francophone (scénaristes, producteurs, réalisateurs, comédiens, etc.) via Internet. Directrice : Mme Dimitra Bouras FONDS HENRI STORCK ASBL - 02 219 63 33 - info@fondshenristorck.be - www.fondshenristorck.be Le Fonds Henri Storck gère le fonds de films et d’archives légué par le grand cinéaste belge (prêt, copies, droits, etc.). Directrice : Mme Natacha Derycke

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Rimbaud, des “promesses d’arcs-en-ciel“ La place importante qu’occupent les adjectifs de couleurs dans l’œuvre de Rimbaud n’est plus à démontrer. On pense immédiatement au poème Voyelles. Pourquoi ce sonnet a-t-il fait l’objet de tant d’interprétations ? Sans doute et avant tout parce qu’il constitue la pierre angulaire, l’illustration parfaite de la théorie du voyant telle que Rimbaud nous la décrit. Dans Alchimie du verbe, le poète se souvient d’ailleurs d’avoir “inventé la couleur des voyelles“. Métaphores audacieuses, voire hallucinées, les visions que Rimbaud nous fait toucher – rappelons au passage le rôle capital ici des sens et de la vue en particulier – s’entrechoquent en reflets colorés. Mais d’où tire-t-il ces associations “impressionnistes“ ? De nombreuses hypothèses quant à l’origine de son addiction aux couleurs ont été émises. Elles divisent les exégètes depuis plus d’un siècle. Peu importe en somme puisque Verlaine aurait lui-même affirmé que Rimbaud se “foutait pas mal si A était rouge ou vert“. Ce qu’il faut relever, c’est avant tout la déclinaison quasi infinie des adjectifs de couleurs et les multiples spectres optiques qui gorgent l’œuvre rimbaldienne. En attribuant une couleur à chaque voyelle, le poète joue et se joue des mots, entités toujours changeantes, jamais fixées et dont il convient d’extraire tous les sucs possibles. En chargeant la langue de nouvelles sonorités et de couleurs, Rimbaud cherche surtout une langue neuve, une langue moderne, moderniste dont il serait le seul à en comprendre l’algèbre. Une langue augmentée qui donnerait un sens neuf aux pauvres « mots de la tribu » selon l’expression de Mallarmé.

(Les Assis). Viennent ensuite, par ordre d’importance, le blanc qui résonne en contrepoint au noir, espace de pureté mais aussi d’ennui comme en témoigne la lettre qu’il adresse aux siens en novembre 1878 lors de la traversée du Saint-Gothard, et le rouge qui s’associe le plus souvent au vocabulaire charnel, au lexique du corps qu’il soit ivre, vivant, en ruine ou mort, “Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez“ (Les premières communions) ou le plus célèbre “Il a deux trous rouges au côté droit“ (Le Dormeur du val). Mais on retrouve aussi ce rouge, parfois proche du noir sur la palette rimbaldienne, pour évoquer la terre comme dans les villes où l’adolescent voit “la boue […] soudainement rouge et noire“. Les autres tons comme le bleu ou le rose renvoient, quant à eux, à une forme de candeur, d’insouciance et de bonheur éphémère ; ils ponctuent, à leur façon, l’ “opéra fabuleux“ mais ont tendance à s’effacer au fur et à mesure que l’œuvre avance vers moins de naïveté. Bientôt, du côté de l’Afrique, le poète laissera la place au négociant…pour une autre aventure.

Claude Jeancolas a tenté une classification des couleurs dans l’œuvre rimbaldienne. Le noir semble être “la plus obsessionnelle“ chez lui puisqu’il en relève une centaine d’occurrences. Pensons notamment au “gibet noir“ (Bal des pendus), à la “chaste robe noire“ (Le Châtiment de Tartuffe) ou encore aux “noirs de loupes“

Rony Demaeseneer

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En choisissant le poème et les couleurs des voyelles rimbaldiennes pour “illuminer“ le passage qui mènera entre autres vers l’Espace Césaire, la Maison de la Francité opte résolument pour l’ouverture, pour la clarté ! La mise en espace prévue dans le couloir donnera au visiteur le sentiment de traverser littéralement le poème rimbaldien, source intarissable pour le voyageur en quête de nouveaux horizons. Et résonnent les mots sur la page, de la page au livre et du livre à l’homme.

Cet article s’inspire, en grande partie, de la notice que j’ai consacrée aux couleurs dans l’œuvre du poète de Charleville et parue dans le Dictionnaire Rimbaud, Laffont, 2014.

La revue FRANCITÉ est éditée chaque année par la Maison de la Francité ASBL. Elle est diffusée à 6.000 exemplaires. Editeur responsable : A. Medhoune, 18 rue Joseph II, 1000 Bruxelles.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le passage qui mène à la Maison de la Francité par le 19F, avenue des Arts, a été rafraichi en 2015 et mis aux couleurs du poème de Rimbaud “Voyelles“. Désormais, du blanc, du noir, du rouge, du vert et du bleu vous guident tout au long de notre deuxième entrée, remplaçant ainsi un “tunnel“ gris et sombre qui était peu sécurisant. Rony Demaeseneer, qui pilote nos diners littéraires bruxellois, apporte ci-dessous un commentaire tout en couleurs...


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