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CONVERSATION ADRIANO PICINATI DI TORCELLO
« Dans l’art, les
NFT sont appelés à perdurer »
Adriano Picinati di Torcello, art & finance coordinator au sein du groupe Deloitte.
Adriano Picinati di Torcello, art & finance coordinator au sein du groupe Deloitte, évoque l’engouement suscité par les NFT sur le marché de l’art et les perspectives qu’ouvre la technologie blockchain dans ce domaine.
Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE Photo MATIC ZORMAN
L’ART REPRÉSENTE 7 % DU MARCHÉ DES NFT
Les NFT associés à des œuvres d’art ne représentent qu’une partie de l’ensemble de ces jetons non fongibles échangés sur le marché. Selon les données de NonFungible.com, l’art représente 7 % du volume d’actifs échangés à travers l’ensemble des NFT. La plus grosse part de ceux-ci concerne des « collectibles ». Les objets de collection numériques, en effet, représentent 60 % du volume d’actifs. C’est le segment qui a le plus reculé cette année. Viennent ensuite les échanges d’objets à travers les metaverses (20 % du volume d’actifs échangés). En matière d’art et d’investissement, une tendance se dégage avec un attrait important pour les NFT. Pouvezvous nous rappeler de quoi il s’agit ? Il est en effet important de remettre les éléments dans leur contexte. NFT est l’acronyme de non-fungible token – jeton non fongible. Il s’agit d’un certificat numérique, enregistré au niveau d’une blockchain, qui permet notamment de déterminer qui est le propriétaire d’un objet. Un NFT peut être attaché à une œuvre d’art, numérique ou physique, ou à tout autre actif. Il peut s’agir d’un immeuble ou encore d’un bien dans le metaverse. On parle de « jeton non fongible » dans la mesure où chaque NFT représente un objet, non divisible.
C’est principalement au niveau du marché de l’art que le concept semble avoir fait parler de lui… Il est vrai que, sur le marché de l’art, nous avons assisté il y a quelques mois à un réel engouement pour ces NFT. Celui-ci peut s’expliquer par une frénésie spéculative qui s’est considérablement atténuée depuis. Selon NonFungible.com, nous avons constaté une baisse substantielle du volume de dollars échangés au troisième trimestre (-75 %). Le prix moyen des NFT a été divisé par quatre. Cela, toutefois, n’enlève rien à l’intérêt existant pour les NFT, la communauté des détenteurs étant restée stable. Le bien-fondé de cette technologie pour soutenir le marché de l’art, notamment, va perdurer.
Quel est l’intérêt de cette technologie ? Le marché de l’art, tel qu’il fonctionne actuellement, apparaît comme peu efficient. D’abord, il manque de transparence. D’autre part, établir l’authenticité d’une œuvre, reconstituer son parcours et identifier ses propriétaires successifs peut demander beaucoup d’efforts. Un NFT, et plus particulièrement la technologie sous-jacente, doit permettre d’améliorer le fonctionnement du marché, de réduire certains frottements. Le certificat de propriété attaché à une œuvre, le NFT, est enregistré dans la blockchain. La technologie garantit son authenticité. L’intégrité du certificat, en effet, ne peut pas être altérée. Au départ de la blockchain, les droits de propriété peuvent être facilement transférés d’une personne à une autre en assurant une traçabilité optimale. La technologie apporte une plus grande transparence et permet de fluidifier le marché. Dans le domaine du wealth management, elle offre aussi la possibilité de faire plus facilement entrer des actifs aujourd’hui considérés comme « non bancaires » dans une démarche d’investissement patrimonial. Il n’est alors plus question de NFT, mais de security token. Le jeton, quel que soit son sous-jacent, est alors considéré comme un actif financier et régulé comme tel. Il faut savoir que, selon les estimations, les investissements dans l’art et autres objets de collection des ultra high net worth individuals s’élèvent à 1.500 milliards de dollars.
Y a-t-il un effet NFT au niveau du marché de l’art ? La blockchain contribue notamment à faciliter les relations entre artistes et galeristes, par exemple autour de la gestion des royalties liées à une œuvre. D’autre part, les NFT créent de la rareté, en particulier autour des œuvres digitales, contribuant à l’émergence d’un nouveau marché. Selon une étude que nous avons menée aux États-Unis auprès de 400 créateurs, 50 % déclarent voir un intérêt dans les NFT pour leur avenir, notamment comme un moyen de générer des revenus. Ils ne sont toutefois que 17 % à les utiliser comme source de revenus. Au-delà, et de manière générale, le monde de l’art évolue avec les technologies. Cela ne se limite pas à la blockchain. L’IA ou les metaverses ouvrent aussi de nouvelles possibilités aux artistes, qui peuvent envisager d’autres formes d’art, explorer d’autres supports, proposer des expériences originales ou encore entretenir une communauté autour de leurs démarches.
La tokénisation est donc promise à un bel avenir dans l’art ? Certainement. Nous nous trouvons au début d’une transformation durable. L’enjeu, pour les différentes parties prenantes au marché de l’art, est de prendre conscience de l’intérêt inhérent à l’usage de cette technologie. Il s’agit d’identifier ce qu’elle peut apporter dans l’optique de l’utiliser à bon escient et de progressivement gagner en maturité.