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JANVIER 2017
TAUX D’IMPOSITION DES SOCIÉ TÉS
QUEL ÉTAGE ? FISCALITÉ DES ENTREPRISES
RÉFORME FISCALE
OCDE
L’avenir des rulings
Ce qui va changer en 2017
Interview de Pascal Saint-Amans
Naturally different.
PHOTO / CHÂTEAU D’EAU D’HIVANGE / BUREAU GEORGES REUTER ARCHITECTES
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ÉDITO
En plein brouillard
C A M I L L E FR AT I Journaliste Paperjam
P
lus de huit ans après la chute de Lehman Brothers, le monde n’en a toujours pas fini avec la reprise en main d’une finance terrassée par ses propres excès. Fier de sa réussite dans des marchés de niche juteux, le Luxembourg a dû se résoudre, comme d’autres à qui l’on prête – parfois à tort – le statut de paradis fiscal, à rentrer dans le rang et à embrasser la transparence devenue la règle. À reculons d’abord, à marche forcée ensuite, pris dans les phares de l’opprobre mondial en raison de son PIB jugé démesuré pour un si petit pays. De la liste grise de l’OCDE au scandale LuxLeaks, le GrandDuché, acculé, s’est décidé à rejoindre le reste de la meute. En moins de deux ans, il s’est rendu pleinement conforme aux exigences de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière de transparence, a réorganisé son trop célèbre bureau 6 de l’Administration des contributions directes et sa procédure de validation des rulings.
La machine législative fonctionne à plein régime, peinant à suivre une production réglementaire internationale et européenne qui s’est elle aussi emballée. S’il était facile de jouer – ou pas – le jeu avant la crise, la nouvelle donne ne s’est pas encore intégralement dévoilée. Quelle direction prendre au milieu de cette période transitoire truffée d’incertitudes ? Tandis que la Commission européenne épingle des rulings manifestement outranciers accordés à des multinationales, l’ACD perd affaire après affaire au tribunal administratif lorsqu’elle tente de revenir sur des décisions anticipées délivrées du temps glorieux de Marius Kohl. Les entreprises comme leurs conseillers marchent sur des œufs. Les rulings doivent redevenir ce qu’ils sont : une sécurité juridique apportée aux entreprises quant aux impôts qu’elles devront verser. Au gouvernement de faire le reste pour restaurer une compétitivité sur des bases saines. Le secteur financier gronde de plus en plus fort pour qu’il adopte enfin une baisse significative du taux d’imposition des sociétés, surtout dans la perspective d’un élargissement de la base d’imposition comme conséquence de la mise en application du plan d’action Beps de l’OCDE.
Mais la manipulation des taux n’est pas chose aisée. On ne lésine pas sur une source de revenus qui rapporte près d’un quart des recettes fiscales directes. Et nos voisins sont déjà prêts à crier à la concurrence déloyale si le Luxembourg annonce un taux proche de celui de l’Irlande. De quelle marge de manœuvre dispose donc le Grand-Duché alors que les accords internationaux sur la transparence et l’optimisation fiscales se déclinent à Bruxelles par des envies de rapatrier le plus de revenus possible dans les grands pays, qu’il s’agisse de l’harmonisation de l’assiette fiscale des entreprises ou de la TVA ? En attendant, le Luxembourg s’adapte comme il peut aux mutations de l’époque, tant au niveau réglementaire qu’en matière de droit des sociétés, de fiscalité des particuliers ou de politique familiale. C’est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, mais aussi le reflet du coup d’accélérateur donné par la coalition tricolore. Trouvera-t-on derrière le brouillard un horizon dégagé sur une mer calme ou des rochers acérés qui abîmeront le vaisseau grand-ducal ? Nul ne sait encore ce qui s’offrira aux regards lorsque ce flou, qui n’a rien d’artistique, se sera dissipé…
Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
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SOMMAIRE
Janvier 2017 — Supplément — Tax & Legal RULINGS, ETC.
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PA S C A L S A INT- A M A NS (OCDE)
L’ I M P A C T D E S V A R I A T I O N S
TENDANCE MONDIALE
PLACE FINANCIÈRE
FISCALITÉ DES PARTICULIERS
D E P U I S L E 1 ER D É C E M B R E
À LA LOUPE
UN AN APRÈS LA RÉFORME
LÉGISL ATION
T VA SUR LES ADMINISTR ATEURS
ÉCHANGE D’INFORMATIONS
DROIT DE LA CONCURRENCE
DROIT DU TR AVAIL
16 « On a attaqué les racines du mal »
20 Une histoire de taux
22 Les taux se resserrent 24 En pleine jungle réglementaire Q U E L S E N J E U X F I S C A U X E N 2 0 1 7 ?
L’agilité pour répondre à l’incertitude Le contexte géopolitique mondial touche directement la fiscalité. Face aux actions de la Commission européenne, les experts militent pour une approche rationnelle.
28 Du neuf sur les fiches de salaire 30 Un congé parental à la carte 32 Moulinette fiscale
UE
34 Un reclassement perfectible 38 Dépoussiérage et nouveautés
14 FISCALITÉ EUROPÉENNE
Le nouveau code d’Accis On risque de beaucoup parler du projet de directive Accis dans les années futures. La Commission en fait son arme ultime pour lutter contre l’évasion fiscale. Celle-ci ne devrait pas être favorable au Luxembourg.
40 Une circulaire attendue mais non exhaustive 42 Questions autour du CRS
44 Vers une simplification des actions en dommages et intérêts 46 Mouvement perpétuel Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
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RULINGS, ETC.
« Pourquoi ne pas mettre en place une politique de la continuité pour s’assurer un pool de talents internationaux ? » Georges Bock Tax leader KPMG Luxembourg
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RULINGS, ETC.
Q U E L S E N J E U X F I S C A U X E N 2 0 1 7 ?
L’agilité pour répondre à l’incertitude T H I E R RY R A I Z E R |
Le contexte géopolitique mondial rebat les cartes fiscales. Face aux actions de la Commission européenne, les experts militent pour une approche rationnelle. Le Luxembourg aurait tout intérêt à se doter d’une fiscalité 3.0, dans le contexte de la nouvelle vision pour son économie.
C H R I S TO P H E O L I N G E R
C
onvier les quatre leaders de la fiscalité des Big Four pour parler des défis dans leur domaine de compétences aboutit à une discussion éminemment politique. Si les enjeux fiscaux de 2017 se joueront sur des éléments techniques, la compétition que se livrent, plus que jamais, les pays ou les blocs dépend avant tout de réflexions politiques. Et l’élection de Donald Trump aux États-Unis n’est pas venue apporter l’apaisement nécessaire sur le plan international alors que l’incertitude règne, particulièrement suite à un certain référendum du 23 juin qui aboutira au Brexit. « L’incertitude n’est jamais bonne pour les affaires, rappelle Raymond Krawczykowski, tax leader chez Deloitte. Ceux qui ont investi juste avant le référendum en Grande-Bretagne ont perdu jusqu’à 35 % de la valeur de leur investissement suite à la chute de la livre sterling. Beaucoup ont donc choisi de réduire leur investissement de manière significative en raison de cette trop grande incertitude. Les incertitudes en matière fiscale ont le même impact sur le comportement des investisseurs. » Au gel d’investissements s’ajoutent les initiatives de la Commission européenne en matière de révision des situations d’aides d’État avec effet rétroactif, le cas Apple en Irlande étant le plus criant. La Commission avait demandé une régularisation fiscale sur 10 ans à l’Irlande, soit un montant en jeu de 13 milliards. « Pour les Américains, cette décision est perçue comme anti-États-Unis, elle est considérée un peu comme une tentative de déclarer une guerre commerciale, indique Georges Bock, tax leader de KPMG Luxembourg. Il faut faire attention aux conséquences de ces décisions en Europe. » La Commission européenne ne gagnera probablement pas tous les combats qu’elle mène ou mènera à l’égard de multinationales. Mais celui engagé avec les Américains est très symbolique. « Il ne faut pas sous-estimer la guerre commerciale et la fiscalité en fait partie, déclare Wim Piot, managing partner et tax leader de PwC Luxembourg. Ce n’est pas dans l’intérêt des Européens de changer les règles du passé. Si modifications il y a, elles doivent porter sur l’avenir. » Et ce futur pourrait être marqué par une nouvelle concurrence des États euro-
péens sur le taux d’imposition. Si le Royaume-Uni a clairement indiqué que la fiscalité serait un argument de compétitivité post-Brexit, d’autres pays comme la Hongrie surprennent les experts en déclarant vouloir baisser leur taux à 9 %. Plus proche du Luxembourg, la Belgique veut parvenir à un taux de 15 %. Une compétitivité et une évolution des taux qui se raccrochent au projet en cours de Beps. « Le Luxembourg a déclaré sa volonté d’être ‘Beps-compliant’ et c’est une bonne chose, ajoute Georges Bock. En revanche, l’Europe a pris des initiatives dans ce contexte via des directives dont les mesures d’application peuvent la placer dans une situation isolationniste. Nous avons intérêt à montrer le bon exemple, mais nous ne devons pas être les seuls à bouger, d’autant que les textes ne règlent pas toutes les questions concernant les relations avec les pays tiers. » « Nous avons l’impression que la Commission européenne démontre un certain activisme dans la reprise de possession du dossier fiscal qui, avec Beps, était plutôt entre les mains de l’OCDE, note Marc Schmitz, tax leader chez EY Luxembourg. Cela se remarque notamment sur les questions d’aides d’État et des tax rulings. » Les enjeux politiques et l’émotionnel auquel renvoie la fiscalité ont troublé le débat, estiment les experts rencontrés. Ils déplorent la perte d’une certaine approche rationnelle. « On ne pose pas assez la question de la compétitivité autant vers l’extérieur qu’au sein même de l’Europe, ajoute Marc Schmitz. L’Europe devrait davantage stimuler la croissance, mais elle agit plutôt par un biais négatif, à savoir la réprimande et la réglementation. En même temps, les États-Unis sont en croissance… » « Il est plus que jamais primordial de prendre le temps de l’analyse, ajoute Raymond Krawczykowski. L’OCDE avait édité un agenda pour sa part, mais cela n’a pas été fait au niveau européen, ne fût-ce que pour les directives elles-mêmes qui peuvent parfois se contredire, même si elles sont éditées à quelques mois d’écart, comme dans le cas des mesures mettant en œuvre les dispositions de Beps. » Dans un tel contexte où le Luxembourg pourrait perdre des éléments de sa compétitivité fiscale, l’harmonisation des taux n’est pas forcément retenue.
RULINGS
SÉCURITÉ AVANT TOUT Georges Bock défend un usage propre et à des fins de prévisibilité des rulings, ce qui revient à l’essence de l’outil. Quant aux modalités de diffusion publique des informations, le tax leader de KPMG Luxembourg est prudent, car le processus conduisant au ruling nécessite de communiquer à l’administration certaines informations confidentielles, relevant de la cuisine interne à l’entreprise concernée. « Les entreprises veulent tout simplement savoir ce que l’on attend d’elles de façon claire, indique Georges Bock. Même si l’administration diffusait suffisamment de directives précises, l’évolution de l’économie fait que nous aurons tout de même des travaux de préparation et d’interprétation à mener. Ces demandes de la part des entreprises s’expliquent aussi car le business évolue plus vite que les lois. Il faut donc y voir aussi le reflet d’une société innovante. »
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RULINGS, ETC.
« Il faut laisser libre cours à la diversité dans la fiscalité, d’une manière contrôlée et transparente. » Wim Piot Managing partner et tax leader PwC Luxembourg
AT TR ACTION DE TALENT S
DES HARD AUX SOFT FACTORS
La fiscalité ne serait qu’un élément du package luxembourgeois, selon les experts rencontrés. Si le contexte international a favorisé cette évolution du positionnement du pays, l’attraction de talents justifie aussi l’usage d’une sémantique bien rodée, mais nécessaire pour se doter des profils dont a besoin la place financière ainsi que les secteurs en pointe comme l’ICT. Qualité de vie, infrastructure et fiscalité doivent donc se marier de façon cohérente pour faire en sorte que ces talents soient attirés par le Luxembourg. Et qu’ils y restent. « Outre l’évolution du taux des personnes morales, il faut aussi contrôler le taux des personnes physiques, indique Wim Piot. Le package luxembourgeois dépend d’un certain nombre de facteurs que nous devons tenter de maîtriser et dans lesquels il faut investir. Je pense notamment aux infrastructures de mobilité et à l’immobilier. Il faut en la matière tempérer le marché actuel qui affiche des prix trop hauts et une offre trop faible. »
08 —
« Comme le souligne l’économiste Paul Krugman, il ne faut pas réaliser l’harmonisation fiscale, car si les grands pays risquent de perdre de l’argent, et de facto de ne plus investir dans leurs infrastructures, cela conduira tout simplement à une perte d’attrait pour les plus petits pays comme le Luxembourg, ajoute Wim Piot. Il faut laisser libre cours à la diversité dans la fiscalité, d’une manière contrôlée et transparente. » Avec l’analogie de la diversité fiscale entre les États américains, la diversité au sein de l’Union européenne est vue comme naturelle, d’autant plus si le projet Accis, l’Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés en Europe qui doit permettre de limiter la compétition fiscale entre États (lire en p. 14), voit le jour.
De la vision à la politique fiscale
« Ce projet ne doit pas être sous-estimé, ajoute Georges Bock. Il est plutôt en faveur des grands pays, avec l’idée in fine de taxer le bénéfice là où le consommateur se trouve, même si la TVA poursuit déjà ce principe. » Dans l’optique d’une base d’imposition consolidée en Europe, les questions quant à une perte potentielle pour le Luxembourg se posent, le pays ne disposant pas de dizaines de multinationales avec des milliers d’employés. Jalousé quant à ses succès économiques et sa croissance, le Luxembourg reste méconnu quant à son impact bénéfique en Europe, estiment les experts fiscaux. L’industrie des fonds d’investis-
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sement est citée en exemple comme l’un des secteurs qui génèrent des emplois indirectement en dehors de nos frontières. « Dans le domaine fiscal, nous constatons une tentative visant à limiter le rayonnement du Luxembourg en fonction de la dimension de son territoire géographique et de sa population », ajoute Marc Schmitz. Que faire dans un tel contexte ? La question est aussi simple que la réponse est complexe. « Il faut se baser sur les textes des traités fondamentaux instaurant les libertés de mouvement, indique Raymond Krawczykowski. Certaines nouvelles directives fiscales peuvent constituer des barrières à ces libertés fondamentales. Le fait, à titre d’exemple, d’établir des règles de TVA en fonction du pays de consommation n’est pas neutre vis-à-vis de sociétés qui devront démultiplier leurs déclarations et les coûts y afférents. » Les sociétés multinationales pourraient ainsi, si les règles vont trop loin, réfléchir quant à leurs implantations dans différents territoires. Le Luxembourg, pris en étau par les réglementations et en concurrence directe avec ses voisins, aurait donc tout intérêt non pas à se replier sur lui-même, mais à tirer profit de ses atouts historiques. « On peut toujours faire quelque chose, tempère Georges Bock. Le critère absolu est l’agilité. Par exemple dans le cas de Beps, il faut que lorsque des propositions sont sur la table, l’on soit capable de réagir de manière cohérente. » Dans
RULINGS, ETC.
« La Commission européenne démontre un certain activisme dans la reprise de possession du dossier fiscal qui était plutôt entre les mains de l’OCDE. » Marc Schmitz Tax leader EY Luxembourg
le cas de Beps, le statu quo signifie d’ores et déjà réduire le taux. « Il faut que la communauté dans son ensemble soit prête à faire cette démarche d’agilité, des responsables politiques aux professionnels de la Place en passant par les syndicats. » De là à dire que le gouvernement n’a pas suffisamment réagi via sa réforme fiscale, les experts sont nuancés et demandent, dans ce cas aussi, des éléments tangibles quant aux conséquences de l’élargissement de la base d’imposition mise en parallèle avec un abaissement du taux. L’important restera de prendre la décision au bon moment afin d’envoyer un signal rassurant aux acteurs économiques. « Les entreprises se projettent à une échelle de 3 à 5 ans et prennent leurs décisions sur la base des informations disponibles, en l’occurrence en matière fiscale un élargissement de la base imposable et une guerre des taux d’imposition entre États. Si les annonces relatives à une réforme fiscale et une réduction des taux tardent à venir, il sera difficile pour les décideurs économiques de faire marche arrière quant à des choix stratégiques en matière de localisation de leurs activités économiques, ajoute Raymond Krawczykowski. La mobilité des capitaux dans le secteur financier
TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
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Les experts de la fiscalité placent aussi leurs réflexions dans le contexte de la présentation de l’étude Rifkin transposant au Luxembourg le concept de troisième révolution industrielle. « Si le Luxembourg veut se doter d’une stratégie économique du futur basée sur le digital, il faut qu’il dispose d’une fiscalité adaptée à cette ambition, tranche Marc Schmitz, tax leader chez EY Luxembourg. Sur base des orientations stratégiques choisies pour développer l’économie, il conviendrait donc d’y greffer une série de mesures fiscales incitatives ou des aides, tout en respectant naturellement les règles européennes en matière d’aides d’État. » Si l’innovation peut se concevoir par la recherche et le droit, elle peut aussi s’envisager sous l’angle de la fiscalité.
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demeure un élément essentiel avec lequel il faut composer. » « Les grandes réformes fiscales du passé étaient des sortes de big bang bien espacés dans le temps et avec plein de changements intervenant simultanément. De nos jours, par contre, une réforme fiscale doit plutôt être comprise comme un processus continu, passant par une adaptation permanente à l’environnement fiscal international. Ceci inclut aussi une revue continuelle du taux d’imposition qui doit aller de pair avec l’augmentation escomptée de la base imposable, selon Marc Schmitz. En revanche, il est à mon avis possible de mieux communiquer la direction vers laquelle on souhaite aller à moyen et long terme. » L’équipe gouvernementale a logiquement pris des engagements jusqu’en 2018, date à laquelle seront organisées les élections législatives. L’implication des partis d’opposition dans cette vision fiscale en cas d’alternance est aussi évoquée. « On parle de fiscalité, mais il faudrait plutôt parler de politique fiscale du gouvernement, qui comprend les mesures fiscales qui viennent renforcer la vision de l’exécutif, ajoute Raymond Krawczykowski. Nous avons défini une nouvelle vision de développement du pays avec l’étude Rifkin et nous pouvons en être fiers. Le gouvernement
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RULINGS, ETC.
« On parle de fiscalité, mais il faudrait plutôt parler de politique fiscale du gouvernement. » Raymond Krawczykowski Tax leader Deloitte Luxembourg
RULINGS
QUAND LA PERCEPTION DÉPASSE LA RÉALITÉ L’image des rulings demeure relativement négative chez les non-professionnels, en lien avec les Panama Papers et autres LuxLeaks. Phénomène européen, l’usage des décisions anticipées prend aussi une ampleur importante en France où 20.000 demandes du genre sont effectuées par an. « Les entreprises ont elles aussi besoin de prévoir les coûts fiscaux liés à leurs activités avant de réaliser un investissement significatif, note Raymond Krawczykowski, tax leader chez Deloitte. Un ruling est simplement la confirmation par l’administration fiscale du traitement fiscal applicable à une situation particulière ou à une transaction complexe sur la base des textes légaux en vigueur. Je pense qu’il est légitime de la part des entreprises d’aller chercher de telles informations pour les aider à prendre une décision. »
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va mettre en place les mesures nécessaires pour l’appliquer. Il faut que les incitants fiscaux en fassent partie pour renforcer la cohérence des initiatives et par là même l’attrait du pays. »
De la nécessité des rulings
Un attrait qui peut faire des envieux, mais qui, de l’avis des experts, ne doit pas rimer avec une recrudescence d’une certaine forme de complexe. « L’industrie des fonds d’investissement rapporte 800 millions d’euros aux caisses de l’État luxembourgeois, contre aucune entrée en Allemagne, France et Angleterre. Nous ne sommes pas toujours les moins chers, loin de là », souligne Georges Bock. Avec des recours aux rulings qui sont divisés par deux et devraient continuer à l’être dans les prochains mois, les experts fiscaux restent néanmoins persuadés de la nécessité de recourir à cette mécanique. « Le ruling donne la possibilité à la société d’éclaircir sa situation dans une situation de complexité croissante, ajoute Wim Piot. Si l’on fait l’un sans l’autre, cela créera de l’incertitude. Une autre manière d’y recourir moins est de disposer de plus de règles de guidance de la part de l’administration. » Reste que la Commission européenne a semble-t-il décidé de passer à une autre échelle en ne s’attaquant plus à un cas de ruling particulier, mais en remettant en cause des législations entières, comme ce fut le cas avec les « excess profit rulings » en Belgique. « Si la Com-
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mission européenne crée une telle incertitude, alors il faudrait avoir la possibilité de consulter, ajoute Wim Piot. Ce qui voudrait dire que la Commission doit aussi donner des rulings sur les aides d’État. L’un ne peut pas se faire sans l’autre. » Mettant davantage l’accent sur la substance, les nouvelles normes comme Beps rebattent potentiellement les cartes de l’implantation des acteurs sur telle ou telle juridiction. La recherche de sièges européens jugés stables peut bénéficier au Luxembourg. « Nous sommes actuellement face à des normes qui sont en train d’être fixées pour le futur, ajoute Georges Bock. Il est essentiel de faire une politique tournée vers l’avenir qui donne envie à ces entreprises de se renforcer au Luxembourg et donc de renforcer leur substance. » Une politique qui ne passerait pas uniquement par des éléments de fiscalité. Au-delà de l’entreprise et de son dirigeant, c’est tout un écosystème qu’il faut maîtriser, avec le nécessaire besoin de donner envie aux familles des talents de s’établir au Luxembourg. « La bataille fait rage en Europe autour des talents. Pourquoi ne pas être plus courageux et mettre en place une politique de continuité en ce qui concerne la green card pour s’assurer un pool de talents internationaux ? Le capital peut facilement bouger, les personnes moins. Si nous arrivons à garder ces nouveaux talents, et le pays en a la capacité, nous gagnerons en substance sur plusieurs niveaux », conclut Georges Bock.
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UE
FISCALITÉ EUROPÉENNE
Le nouveau code d’Accis JEAN - MICHEL LALIEU |
MAISON MODERNE
On risque de beaucoup parler du projet de directive Accis dans les années futures. La Commission en fait son arme ultime pour lutter contre l’évasion fiscale en harmonisant la base de calcul de l’impôt des sociétés. Cette idée d’assiette commune ne devrait pas être favorable pour un pays comme le Luxembourg.
C’
est la dernière grosse pièce introduite par la Commission européenne dans le vaste puzzle destiné à éradiquer l’évasion fiscale pratiquée par les entreprises transfrontalières. Le 25 octobre dernier, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, et le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, ont offici ellement relancé l’idée d’une uniformisation de l’impôt des sociétés au niveau de l’Union européenne. Initié en 2011, le projet d’Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (Accis) avait été largement débattu dans les sphères communautaires, avant de coincer notamment sur l’aspect consolidation ; celui qui prévoit que les entreprises puissent additionner pertes et profits réalisés dans les différentes filiales européennes pour ne rendre qu’une seule déclaration, dans le pays où elles ont leur siège. Dans la nouvelle version, l’implémentation du projet se fera donc en deux phases. Définition d’une assiette commune d’abord, donc de règles uniformes, afin de calculer les bénéfices imposables dans l’ensemble de l’Union. Dans un deuxième temps – rapidement après la première phase, insiste la Commission –, une seconde directive prévoira des mesures pour mettre en place un marché unique pour les entreprises. C’est à nouveau l’idée de la consolidation qui prévoit que les entreprises puissent remplir une seule déclaration fiscale pour l’ensemble de leurs activités dans l’Union. Une mesure présentée comme devant faciliter la vie des sociétés en réduisant les formalités administratives. 14 —
« Cette idée de consolidation risque à nouveau d’être fortement controversée, avance Keith O’Donnell, managing partner d’Atoz. Il y a en effet un risque de voir se déplacer des bénéfices imposables entre États, selon le mode de calcul adopté. » De fait, si les entreprises ne rendent plus qu’une déclaration unique, les bénéfices imposables, eux, seront en principe réalloués vers les pays où ils ont été effectivement réalisés. Pour calculer cette répartition, l’Accis se basera sur trois critères : les actifs que l’entrepr i se détient dans l’Ét at membre, la main-d’œuvre employée dans ce pays et les ventes qui y sont réalisées. « Il y a donc un risque que certains États soient favorisés par rapport à d’autres », poursuit le responsable d’Atoz. Et, dans la mesure où l’État principal, chargé de renvoyer les parts bénéficiaires vers les autres États, est celui qui abrite le siège de l’entreprise, il se demande si les grands sauront accorder leur confiance aux plus petits.
Doper la croissance ?
Mais revenons aux objectifs avoués du projet. Pour faire passer plus facilement la pilule, le commissaire français Moscovici insiste sur la simplification des procédures pour les entreprises. Il cite ainsi la diminution de 8 % du temps consacré aux activités de mise en conformité et pointe aussi un gain de temps qui peut aller jusqu’à 67 % pour l’établissement d’une filiale à l’étranger. Il note aussi le soutien accordé à l’innovation grâce à des mesures autorisant la déduction fiscale des coûts des investissements en recherche et développement et l’encouragement donné aux investisse-
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ments sur fonds propres par rapport à l’endettement. Bref, selon les calculs de la Commission, ces mesures pourraient faire croître de 3,4 % les investi ssements tot aux dans l’Union européenne et faire gagner 1,2 % de croissance aux « 28 ». Le commissaire Dombrovskis avance le chiffre de 89 milliards d’euros d’investissements supplémentaires et parle de la création d’un maximum de 1,4 million d’emplois. Ceci dit, si la croissance peut y gagner, c’est sans doute parce que l’Accis prévoit avant tout d’éliminer les grandes voies encore utilisées aujourd’hui à des fins d’évasion fiscale. Les recettes supplémentaires récoltées par les États permettront donc aussi de nouveaux investissements. En instaurant des règles d’imposition uniformes sur l’ensemble du territoire de l’Union, la Commission entend supprimer les asymétries entre les systèmes nationaux, rendre inopérante la pratique des prix de transfert, pièce maîtresse dans la pratique des multinationales, et éliminer les régimes préférentiels. Pour se donner plus de chances d’arriver à des résultats concrets, elle a aussi prévu de rendre l’Accis obligatoire pour les entreprises faisant partie d’un groupe qui doit établir des comptes consolidés et qui affiche un chiffre d’affaires consolidé annuel de plus de 750 millions d’euros. « Ça aurait effectivement du sens pour les grands groupes de pouvoir se baser sur un référentiel unique de détermination de la base imposable, note Gerdy Roose, partner chez BDO. Mais mon impression est que cet objectif louable est supplanté par la lutte contre la planification fiscale. » Vaste chantier, donc, que cette Accis. Et qui n’est sans doute pas près d’aboutir rapidement. Difficile en effet d’ima-
UE
giner que les « 28 » puissent se mettre rapidement d’accord sur un tel projet. « La Commission explique qu’il n’y aura pas de perte de souveraineté dans la mesure où les exécutifs nationaux restent maîtres du choix du taux d’imposition. Mais leur imposer une base de calcul commune, c’est quand même leur faire perdre une part de leur souveraineté fiscale », estime Keith O’Donnell.
Attention danger
UNE ASSI ETTE COM M UNE La Commission européenne espère pouvoir unifier les bases nationales de calcul de l’impôt des sociétés.
Pour un petit pays comme le Luxembourg, il n’est d’ailleurs pas du tout évident que le projet soit acceptable. Selon l’étude d’impact du projet Accis, il pourrait engendrer une baisse de rentrées fiscales de 0,25 % du PIB pour l’ensemble des États membres. Pour le Grand-Duché, il pourrait coûter 1 % de PIB au niveau des recettes publiques. « Demander au Luxembourg d’accepter ce projet, c’est comme demander à des dindes de voter pour Noël », lance le patron d’Atoz, reprenant un dicton purement britannique. Un sentiment partagé par Gerdy Roose, qui estime que cette directive sera « pénalisante » pour le Grand-Duché. « Si le Luxembourg n’est plus maître de la base imposable, il perd un important levier pour réduire l’impôt des sociétés. Et au cas où la différence en viendrait à se faire uniquement au niveau du taux d’imposition, des pays comme l’Irlande, la Suisse et peut-être bientôt le Royaume-Uni ou la Pologne seront nettement plus concurrentiels. » Pour l’expert en fiscalité de BDO, le projet de directive Accis doit être pris très au sérieux. Et surtout, prévient-il, il ne faut pas considérer qu’il ne passera jamais. Mais il lui reproche aussi un aspect « non abouti ». « On a l’impression d’un travail arrêté à mi-chemin. Beaucoup de points importants comme les aspects de fusion ou de scission d’entreprises ne sont pas pris en compte et on ne trouve rien non plus sur le problème de la consolidation fiscale au niveau national. » Il reproche également l’espèce de blanc-seing donné à la Commission pour préciser le texte et l’absence de commentaires dans le texte pour pouvoir en définir l’esprit. Bref, prévue pour entrer en vigueur dans deux ans à peine, le 1er janvier 2019, la proposition d’assiette fiscale commune risque bien de provoquer des vagues et des frictions entre États membres. À voir donc quel panier de la balance l’emportera entre le souci de simplification administrative et celui de frapper à nouveau un grand coup contre l’évasion fiscale. Si le Luxembourg devait se mettre à jouer sur les taux d’imposition pour rester compétitif en matière fiscale, les efforts programmés dans la future réforme fiscale se révéleront largement insuffisants.
Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
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RETOUR SUR BEPS
DIX ANS DE CARRIÈRE À L’OCDE 1967 Naissance à Désertines (France) 1996 Licencié en histoire, diplômé de Sciences Po Paris et de l’École nationale d’administration (Ena), Pascal Saint-Amans rejoint le ministère de l’Économie et des Finances à la direction de la législation fiscale. 2007 Il entre à l’OCDE à la tête de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale. Il assiste notamment le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale. 2012 Trois mois après sa nomination à la direction du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, il propose le projet Beps au G20, qui en adoptera les mesures finales en novembre 2015. 2017 Beps devrait atteindre la centaine de pays signataires lors de la prochaine réunion du cadre inclusif fin janvier.
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RETOUR SUR BEPS
PA S C A L S A INT- A M A NS
« On a attaqué les racines du mal » CA M I L L E F R AT I |
GÉRALDINE ARESTEANU
Le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) incarne une révolution entamée il y a quatre ans. « Silver fox », comme on le surnomme, a pris la vague de la crise et d’une sensibilisation accrue de l’opinion pour imposer le projet Beps (érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices), qui vise à réaligner la localisation des activités des entreprises et de leurs bénéfices. Un tour de force en passe de réussir.
V
ous avez lancé le projet Beps en 2012. Il a été signé trois ans après, à l’automne 2015. Aviezvous imaginé une telle rapidité d’exécution ? p a s c a l s a i n t - a m a n s C’est ce qu’on avait proposé, même si par contre beaucoup de gens n’y croyaient pas. On avait prévu de changer toutes les règles de la fiscalité internationale en deux ans pour la simple et bonne raison que si on ne le fait pas très vite, on ne le fait jamais. Il fallait aussi le faire dans un horizon politique pour maintenir un soutien politique de haut niveau. Ce qui est satisfaisant, c’est qu’au-delà des mots ou des accords internationaux, on est passé à la traduction dans les faits de ces changements dans chaque pays. On a aussi établi une structure, le cadre inclusif pour l’application de Beps, qui réunit 90 pays ! On peut dire que Beps a eu une résonance immédiate bien au-delà des pays du G20 et de l’OCDE. Nous devrions dépasser la centaine de pays membres fin janvier. Avez-vous réussi à dépasser les préjugés des multinationales américaines envers Beps ? Oui, je crois, même s’il y a toujours la perception que c’est un agenda européen contre les États-Unis. Ce n’est pas le cas. Il y a la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Indonésie, le Japon, la Corée... qui ne sont pas des pays européens ! Et puis le rapport récent sur BASF est une belle illustration du fait que les techniques d’érosion des bases et des transferts des bénéfices ne sont pas l’apanage des entreprises américaines. C’est plus visible dans le cas des entreprises américaines parce qu’elles ne peuvent pas rapatrier leur profit qui est donc piégé offshore – il y aujourd’hui 2.600 milliards de dollars de profit cumulé de sociétés américaines aux Bermudes ou aux îles Caïmans. Alors que pour les entreprises européennes, ça se voit
moins parce qu’avec les règles de territorialité, elles peuvent éroder les bases fiscales et rapatrier les dividendes dans leur chiffre d’affaires avec des dispositifs anti-abus très limités. Que peut-on attendre, selon vous, de l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche ? Jusqu’à présent, les États-Unis ont soutenu le projet Beps. Mais comme sur beaucoup de sujets, il y a un niveau d’incertitude élevé par rapport à la nouvelle administration américaine. Ce qui me paraît assez clair néanmoins, c’est que toutes les conditions sont maintenant réunies pour une réforme fiscale aux États-Unis. Or une réforme fiscale, quelle qu’elle soit, ne peut se traduire que par une baisse des taux, parce que le taux américain, à 40 %, est aujourd’hui le plus élevé de l’OCDE, et il est vraiment très en écart par rapport aux autres. S’il y a une baisse des taux, il y aura un élargissement des bases, ce qui permettrait de mettre fin à une anomalie qui favorise la double non-imposition. C’est en quelque sorte la pièce manquante du puzzle Beps. L’application du projet Beps va-t-elle automatiquement conduire à une baisse des taux d’imposition des sociétés, comme vous l’anticipiez il y a quelques années ? En mettant fin à la double non-imposition, ce qui est son but, le projet ne met pas fin à la concurrence pour la baisse des taux. Les entreprises avaient le choix hier entre les ÉtatsUnis à un taux de 40 %, la France à 36 % ou – je fais un peu de provocation – l’Irlande ou le Luxembourg à un taux proche de 0 %, parce qu’il y avait un ruling, etc. Qu’est-ce qu’on choisit dans ce cas-là ? On fait des arrangements juridiques pour arriver au 0. Et ça, ce n’est plus possible
Il y aura toujours de l’optimisation fiscale, mais au lieu d’être au cœur du réacteur, elle sera marginale.
AGI TATEUR Pascal Saint-Amans a bouleversé la finance internationale en quelques années, profitant de la maturité de l’opinion publique et des dirigeants pour introduire un plan d’action radical.
parce que les règles obligent les entreprises à réaligner la localisation des profits et la localisation des activités. Une fois que vous êtes obligé de faire ça, quelle est la conséquence pour les États dans un environnement ouvert où il n’y a absolument pas d’accord sur une harmonisation des assiettes ou des taux ? La compétition fiscale se fait sur la vraie matière taxable, pas sur des contrats juridiques. Donc oui, dans une économie ouverte, j’imagine que les petits pays vont être entre 12,5 et 20 % alors que les grands pays vont plutôt être entre 20 et 30 %. Les petits pays doivent être un peu plus attractifs. Ils sont plus ouverts et comme ils n’ont pas de marché, ils n’ont pas certains atouts des grands États ni les mêmes besoins financiers. Les grands États, à mon avis, peuvent se permettre et ont besoin d’être un peu plus haut. Il n’y a pas de théorie économique qui démontrerait un taux optimal et cela varie avec le temps. Il y a 30 ans, un taux de 40 voire 50 % d’imposition des sociétés était considéré comme banal, alors qu’aujourd’hui, c’est totalement exceptionnel et en écart avec le reste du monde. Les mesures Beps peuvent-elles réellement mettre fin à l’optimisation fiscale que vous appelez agressive ? Oui. On a fait un plan d’ensemble de 15 mesures et on n’a pas juste essayé de fermer un schéma ici ou là. On a quand même attaqué les racines du mal. Le problème est que les États avaient laissé les règles perdre de leur pertinence et devenir telles qu’elles facilitaient l’optimisation fiscale. On met fin à cela en agissant sur plusieurs manettes en même temps : prix de transfert, transparence, conventions fiscales, dispositifs anti-hybrides... On change de paradigme. On était dans
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RETOUR SUR BEPS
un cadre où on pouvait faire de la planification fiscale, c’était même facilité, presque incité par les règles. Et ces règles ont changé, donc il devient compliqué, en tout cas illégal, de faire des choses qu’on pouvait faire hier. Bien sûr, il y aura toujours de l’optimisation fiscale. On n’est pas naïfs. Mais au lieu d’être au cœur du réacteur, comme c’était le cas hier – il fallait être en quelque sorte assez peu malin pour payer des impôts puisque tout facilitait cette optimisation fiscale –, demain elle sera marginale.
Êtes-vous satisfait de l’application des mesures de Beps au niveau européen ? Alors que pendant très longtemps l’UE n’avait pas avancé à cause de l’unanimité requise en matière de fiscalité, le fait qu’il y ait un accord global au niveau de l’OCDE a débloqué les discussions au niveau communautaire. Il y a donc eu une rapidité d’adoption des textes sans précédent. La directive sur l’échange automatique de renseignements bancaires a été adoptée à très grande vitesse parce qu’on avait déjà développé le CRS (Common Reporting Standard). L’échange automatique des rulings, l’une des mesures de l’action 5 de Beps, a été traduit par une directive en quelques semaines. C’est très positif. Vous avez une directive sur le reporting pays par pays qui est un copier-coller de l’accord OCDE. Et puis Beps a été repris par d’autres textes sur les produits hybrides, les dispositifs CFC, la déduction des intérêts avec les directives Atad et maintenant Atad II, qui pourra, je l’espère, être adoptée sous présidence slovaque (qui s’achève le 31 décembre 2016, ndlr). Quand l’UE reproduit l’accord que ses pays membres ont trouvé à l’OCDE avec d’autres pays, ce qui permet de niveler le terrain de jeu, de « level the playing field », ça facilite.
EFFET DO MIN O L’unanimité au G20 autour des propositions de l’OCDE ont débloqué les discussions au niveau de l’UE.
Les petits pays doivent être un peu plus attractifs.
CHRONOLOGIE
QUATRE ANS DE TRAVAIL
Juin 2012 Première évocation du projet Beps devant le G20 Juillet 2013 Présentation du plan d’action Beps Novembre 2015 Adoption des 15 mesures par le G20 à Antalya (Turquie) Décembre 2016 87 pays signataires, une centaine en janvier 2017
Est-ce que les différentes fuites n’ont pas aussi joué un rôle important en attirant l’attention de l’opinion 18 —
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publique sur les pratiques fiscales dommageables ? Oui et non. Par exemple sur les rulings, les LuxLeaks sont sortis trois mois après l’accord sur l’action 5 de Beps. Nous avons anticipé dès 2012 avec un calendrier, mais les « leaks » ont maintenu la pression politique pour continuer à avancer sur tous les fronts. La crise a provoqué la réaction et l’attention politique, les différents « leaks » l’ont maintenue à un niveau élevé via l’opinion publique, et ça n’a jamais fléchi. Et encore au sommet du G20 à Hangzhou en septembre dernier, tous les chefs d’État et de gouvernement ont parlé spontanément de la nécessité de régler les problèmes de fiscalité internationale en dehors même de la session fiscale. Que pensez-vous des lanceurs d’alerte à l’origine des différentes fuites ? Lorsque les choses deviennent inacceptables et ne sont plus acceptées, et que les pays ne les résolvent pas, il y a un moment où ça fuit. C’est comme l’eau : il y a de l’eau qui s’accumule quelque part où elle ne devrait pas être et si on ne résout pas le problème,
ça va fuiter, vous pourrir le plafond et le mur. La tolérance pour des rulings hors normes est devenue très faible, voire nulle. Et donc ça finit par sortir. Les fuites sur HSBC et autres, c’est parce que la Suisse refusait l’échange automatique de renseignements et que c’était devenu inacceptable dans un monde où les inégalités se sont accrues. Je le vois sous cet angle-là et pas sous celui de la moralité, parce que les affaires de lanceurs d’alerte sont toujours compliquées. Ce qui me choque néanmoins, sans faire d’ingérence dans les affaires intérieures de quelque pays que ce soit – je reconnais que juridiquement c’est compliqué, est-ce qu’il faut protéger les lanceurs d’alerte ou pas –, c’est que l’on poursuive des journalistes devant des tribunaux quand ils font leur travail. Mais au total, les changements sont intervenus dans les lois, les pratiques et les politiques, ce qui éloigne le spectre de situations inacceptables. Je reconnais avec plaisir que le gouvernement de Xavier Bettel, avec l’action de P ierre Grame gna, a été trè s constructif et positif.
LICENCE CC
Croyez-vous que Beps signe la fin des rulings outranciers ? Les rulings étaient tolérés dans le passé, malgré une tentative en 1998-2000 de dire qu’ils devraient faire l’objet d’un échange spontané de renseignements. Mais ça ne se passait pas. Et c’est vrai que certains pays, dont le Luxembourg, avaient la réputation de sortir des rulings qui favorisaient très fortement l’optimisation fiscale agressive – pour être poli. Le projet Beps rend cela impossible du fait de l’échange automatique des rulings. Si vous faites un ruling qui prive vos partenaires de base taxable, comme vous allez être obligé de leur notifier votre ruling, celui-ci n’a plus de raison d’être.
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IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
L’ I M P A C T D E S V A R I A T I O N S
Une histoire de taux CA M I L L E F R AT I |
MAISON MODERNE
Le débat sur le taux d’imposition des sociétés a rebondi cette année dans le contexte de la préparation de la réforme fiscale.
L
Les premières annonces du ministre des Finances, qui vise un taux nominal de 26 % en 2018, laissent le secteur financier sur sa faim.
e débat dure depuis plusieurs années au Luxembourg : ne faudrait-il pas baisser l’impôt sur le revenu des sociétés (IRC) pour préserver la compétitivité de l’économie du pays ? À 29,22 %, le taux nominal (comprenant l’IRC et l’impôt communal, l’ICC) se place au-dessus de la moyenne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), à 24,6 %, et au-dessus du taux médian dans l’Union européenne (21 %). Les mouvements amorcés par certains autres pays ne sont pas sans faire trembler au Luxembourg, du Royaume-Uni qui vient d’abaisser son taux à 20 % et serait tenté par une dégringolade à 15 % pour contrer les effets négatifs du Brexit, à la Suisse qui veut passer sous les 18 %, sans parler de l’Irlande et son taux de 12,5 % depuis 2003. C’est un éternel chiffon rouge agité par les partisans d’un geste radical pour sauver le PIB grand-ducal. Le débat s’est de nouveau imposé à la faveur de la réforme fiscale présentée en février par le gouvernement avec la promesse de doper la compétitivité du pays dans un contexte international incertain. L’application du plan d’action Beps (érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices) est dans toutes les têtes, faisant craindre une inflation de l’impôt sur les sociétés sous l’effet de l’élargissement de la base fiscale. Son instigateur, Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, s’est d’ailleurs toujours montré ouvert à un abaissement de cet impôt comme moyen de neutraliser les effets de Beps (lire aussi notre interview en p.16). 21 % ? 18 % ? 15 % ? Autant de chiffres avancés qui relèvent davantage du domaine du symbole et du choc d’attractivité que d’une réflexion approfondie. Tout simplement parce qu’aucune étude sur le taux le plus adapté n’existait au niveau du Grand-Duché. Il fallait se contenter de l’étude rétrospective menée en Irlande par John Fitzgerald et Thomas Conefrey sur The macro-economic impact of changing the rate of corporation tax, parue en 2010. Celle-ci démontrait que la baisse du taux d’imposition de 40 à 12,5 % au pays du trèfle entre 1970 et 2003 avait conduit à une progression du PNB de 3,7 %. 20 —
La question centrale reste l’impact réel d’une variation du taux d’imposition des entreprises sur l’économie et la croissance du Grand-Duché.
L’équipe Market Research de PwC s’est adjoint les services de John Fitzgerald, chercheur affilié à l’Economic and Social Research Institute de Dublin, et Christelle Sapata, économiste à l’Université Aix-Marseille, afin d’évaluer les effets présumés d’une baisse de l’IRC sur l’économie luxembourgeoise. Le premier enseignement de cette étude, The future of corporate taxes – A macroeconomic assessment for Luxembourg, présentée lors de l’événement Future of tax de PwC en septembre dernier : l’impact réel d’une variation du taux d’imposition des sociétés demeure difficile à calculer, comme le montre la pléthore d’études sur le sujet. Une étude menée par l’OCDE en 2005 estimait sur la base de 31 études empiriques qu’une variation de 1 % du taux de l’impôt des sociétés (en passant par exemple de 10 % à 9,9 % ou à 10,1 %) induit en moyenne une variation de sens opposé des investissements directs étrangers entrants, à raison de quelque 3,7 %. D’autres travaux estiment à 4,5 % le surplus d’investissements entrants au Royaume-Uni en 2015, 20 ans après la baisse du taux d’imposi-
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tion de 28 à 20 %. Celle-ci serait responsable d’un coup de pouce au PIB de 0,8 % également d’ici 20 ans, alors que la baisse du taux écossais de 23 à 20 % génèrerait une augmentation du PIB de 1,4 % après deux décennies. Au final, une croissance plus élevée 20 ans après la baisse du taux viendrait à elle seule compenser près de 60 % de son coût. La variété des résultats traduit le rôle déterminant des spécificités de chaque marché dans les effets d’une baisse du taux d’imposition des sociétés. L’étude luxembourgeoise s’est donc attachée à reprendre la méthodologie utilisée pour le cas de l’Irlande, partant du postulat qu’il s’agissait d’une économie « comparable en termes de taille, d’ouverture et de spécialisation dans les services financiers ». Les deux pays partagent également le statut de domiciliation privilégiée pour la distribution transfrontalière de fonds. Seule différence de taille : l’Irlande ne compte pas sur une masse de travailleurs frontaliers pour faire tourner son économie. Les résultats des calculs de l’étude luxembourgeoise se veulent sans appel : la baisse du taux nominal de 8,25 points de pourcentage, ce qui le ramène à 20,97 %, permettrait d’augmenter le PIB de 2,68 % (+1,81 milliard d’euros) et de stimuler l’emploi de 0,86 % (+3.836 employés). Les recettes fiscales seraient en revanche amputées de 576 millions d’euros. Dans le cas contraire, une augmentation de 5,50 points de pourcentage du taux nominal pour atteindre 34,72 % ferait diminuer le PIB de 1,79 % (-1,21 milliard d’euros) et l’emploi de 0,58 % (-2.558 employés), tout en augmentant les recettes fiscales de 325 millions d’euros. Et une augmentation de 13,75 points de pourcentage à 42,97 % engendrerait une chute du PIB de 4,47 % (-3,02 milliards d’euros) ainsi qu’une baisse de l’emploi de 1,44 % (-6.394 employés). Les recettes fiscales s’élèveraient alors à 725 millions d’euros. En cas de baisse du taux, « la perte de revenus devrait être compensée par une augmentation des taux d’imposition dans d’autres domaines pour être neutre dans le budget », notent les auteurs de l’étude, qui invitent à identifier « quels impôts sont les moins dommageables pour la croissance ». Et de citer une éventuelle taxation sur la propriété foncière ou sur la consommation.
IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
LES EFFETS D’UNE VARIATION DU TAUX NOMINAL D’IMPOSITION DES SOCIÉTÉS (TAUX ACTUEL : 29,22 %) SCÉNARIO 1 Effet sur le PIB Effet sur l’emploi -576 millions € -22,92 %
TAU X À 2 0, 9 7 % +2,68 % +0,86 % Effet sur les recettes fiscales
SCÉNARIO 2 -1,79 % -0,58 %
TAU X À 3 4 ,7 2 % Effet sur le PIB Effet sur l’emploi +325 millions € +12,95 %
Effet sur les recettes fiscales
SCÉNARIO 3 -4,47 % -1,44 %
TAU X À 4 2 , 9 7 % Effet sur le PIB Effet sur l’emploi +725 millions € +28,88 %
Effet sur les recettes fiscales S O U R C E : P WC L U X E M B O U R G
Les auteurs de l’étude concèdent toutefois certaines limites comme l’attitude des autres pays, impossible à anticiper, l’effet non linéaire d’une variation du taux d’imposition et surtout l’absence de données sur les entreprises individuelles. Mais, rappelait Christelle Sapata en septembre, « il y a un réel besoin de réforme fiscale, car la mise en application de Beps va accroître le fardeau fiscal des entreprises et affecter négativement l’économie ».
Patience et longueur de temps
Au vu du commanditaire de l’étude, il apparaît pour le moins surprenant que celle-ci se prenne à détailler davantage les risques d’augmenter le taux d’IRC alors que cette voie n’est clairement pas d’actualité. Une estimation d’une baisse plus marquée, à 18 % voire 15 %, aurait été plus cohérente avec la pression savamment exercée depuis plus d’un an par les poids lourds de la place financière dans cette optique. La Chambre de commerce s’est, de son côté, prudemment prononcée pour un taux à 21 %, au niveau du taux médian dans l’UE. Dans son avis sur la réforme fiscale, elle estime que ce taux « constituerait pour le Luxembourg une excellente cible, car il vise simplement, par définition, à figurer au milieu du peloton européen et constitue dès lors la négation même de toute pratique de ‘race to the bottom’ ». Quant au ministère des Finances, son discours ne change pas depuis le début de l’année : la baisse à 27 % en 2017 (donc 19 % d’IRC) et celle à 26 % en 2018 (soit 18 % d’IRC), avant même l’élargissement de la base fiscale, sont des signaux assez encourageants à l’intention des entreprises qui se posent la question de rester ou de s’ins-
« Il y a un réel besoin de réforme fiscale, car la mise en application de Beps va accroître le fardeau fiscal des entreprises et affecter négativement l’économie. » Christelle Sapata Économiste à l’Université Aix-Marseille
taller au Luxembourg. Étant entendu que dès la mise en application de Beps et la prévision d’un élargissement de la base, le ministère saura se montrer réactif et réduire encore l’IRC en conséquence. Il faut dire que Pascal SaintAmans, l’instigateur de Beps à l’OCDE, estime lui-même que les petits pays ont vocation à se situer entre 12,5 et 20 % de taux d’imposition des sociétés alors que les grands pays vont plutôt miser entre 20 et 30 %. Une analyse que ne partagent pas les syndicats, toujours méfiants à l’égard d’une baisse du taux d’imposition des sociétés alors qu’ils considèrent que les salariés et plus généralement les personnes physiques sont les plus sollicités par le gouvernement en termes d’augmentation des impôts. L’impôt sur les sociétés rapporte tout de même une part substantielle de revenus à l’État – 1,6 milliard d’euros en 2015, soit 23,5 % des recettes fiscales. « Il convient, avant toute réforme portant sur l’imposition des sociétés, de pouvoir comprendre leur base d’imposition, compte tenu des mesures de tempérament et des différentes stratégies d’optimisation fiscales qui permettent déjà actuellement de réduire leur taux effectif d’imposition », souligne le groupe syndical dans l’avis du Conseil économique et social sur l’analyse des données fiscales au Luxembourg daté de novembre 2015. Car les divers abattements, exonérations et bonifications pourraient bien équivaloir à un taux effectif inférieur, surtout s’ils ne sont pas pratiqués par d’autres pays avec lesquels le Luxembourg veut concourir en matière de taux. Il est à espérer qu’une telle analyse sera menée avant toute nouvelle décision de baisse de taux afin d’éviter des mauvaises surprises.
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IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
TENDANCE MONDIALE
Les taux se resserrent CA M I L L E F R AT I |
MAISON MODERNE
I R L A N D E : 12,5 % | =
La taxation allégée des entreprises est un argument d’attractivité utilisé de longue date par certains pays insulaires – allant jusqu’à 0 % – ou plus récemment par les pays d’Europe de l’Est libérés de l’URSS, abonnés aux 10 %. Loin des 38,9 % encore affichés par les États-Unis, même si le jeu des déductions rend le taux réel largement supportable. Le mouvement à la baisse, continu depuis 1995, s’est accru au fil du durcissement des règles fiscales internationales. La perspective post-Beps de l’élargissement de la base imposable des entreprises amène de nombreux pays à annoncer une baisse du taux, du Royaume-Uni à la Belgique en passant par la Suisse et le Luxembourg. 22 —
R O YA U M E - U N I : 2 0 % |
R U S S I E : 2 0 % | =
INDE : 24,6 % | =
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
C H I N E : 2 5 % | =
NORV ÈGE : 25 % |
IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
I TA L I E : 3 1 , 4 % | =
GRÈCE : 2 9 % |
S U I S S E : 1 7, 9 2 % |
L U X E M B O U R G : 2 9 , 2 2 % |
POLOGNE : 19 % | =
E S PA G N E : 2 5 % |
PAY S - B A S : 2 5 % | =
P O R T U G A L : 2 1 % | B E L G I Q U E : 3 4 % |
B R É S I L : 3 4 % | =
F R A N C E : 3 3 , 3 3 % | = A L L E M A G N E : 2 9 ,7 2 % | =
D A N E M A R K : 2 2 % |
É TAT S - U N I S : 38,9 % | ?
Hausse récente ou annoncée Baisse récente ou annoncée = Stabilisation ? En fonction de la nouvelle administration Trump
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M A I S O N M O D E R N E (A R C H I V E S)
CADRE LÉGISLATIF
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CADRE LÉGISLATIF
PLACE FINANCIÈRE
En pleine jungle réglementaire CA M I L L E F R AT I
La production de normes depuis la crise financière garde un rythme soutenu, que ce soit dans le secteur de la banque, de l’assurance ou des fonds. Panorama d’un horizon chargé avec l’Association des compagnies d’assurances (Aca), l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL) et l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi).
AIFM
MIFID 2 La directive doit être transposée en droit luxembourgeois au plus tard en juillet 2017 et sera d’application début janvier 2018. Elle a un impact considérable sur la gouvernance en définissant deux catégories d’intervenants que sont les product manufacturers et les distributeurs, chacune ayant des obligations particulières dans la mise en place des produits, le suivi qui en est effectué et l’adéquation des produits par rapport aux investisseurs. Le mode de rémunération de la distribution devra être fondamentalement repensé puisque les rétrocessions sur commissions de distribution versées aux distributeurs indépendants ne seront plus autorisées. La distribution va donc évoluer et ce mouvement conduit dès à présent vers la mise en place de nouvelles solutions (robo-advice), l’émergence de nouveaux acteurs (plateformes) et une certaine désintermédiation (les sociétés de gestion pouvant s’adresser directement aux investisseurs en B2C).
Le texte initial de la directive prévoyait une revue qui se fera à partir de juillet 2017, probablement précédée d’une consultation par la Commission. Elle devrait déboucher sur un certain nombre de modifications, la Commission ayant cependant clairement annoncé que l’objectif est de limiter ces adaptations aux points strictement nécessaires. Certains sujets liés, tels que la ségrégation des actifs à travers la chaîne de détention des dépositaires et des délégués, feront probablement l’objet de modifications groupées avec cette revue. La Commission doit également prendre position après le rapport de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma), qui a conclu positivement sur l’accès pour les AIFM (gestionnaires) et AIF (fonds) de cinq juridictions au marché européen.
PRIIP Après le Kid (key information documents) bien connu des OPCVM, place au Priip (packaged retail and insurance-based investment products). « L’idée est de mieux informer le client sur les sousjacents de l’investissement qu’il choisit, avec un document d’information unique pour les banques, les fonds et les assurances », indique Marc Hengen, administrateur délégué de l’Aca. Initialement programmé pour début 2017, Priip entrera en vigueur un an plus tard, le temps de peaufiner des mesures d’application jugées insatisfaisantes par les professionnels comme par le Parlement européen.
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CADRE LÉGISLATIF
40
directives européennes introduites depuis 2008 dans la gestion d’actifs
AML / KYC La 4e directive KYC (know your customer) anti-blanchiment devra être transposée en droit luxembourgeois en juin 2017. Les principales modifications ont trait à la notion de bénéficiaire effectif, la mise en place de registres publics et l’extension du champ des infractions primaires. Les professionnels devront tenir compte de la directive telle que transcrite en droit luxembourgeois, mais également d’autres textes pouvant s’y rapporter, notamment les orientations qui seront émises par les autorités de supervision européennes, à savoir l’Esma, l’Autorité bancaire européenne (Eba) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions (EIOPA). Une 5e directive est en discussion.
500
mesures d’application en cours au niveau de l’UE
382 MILLIONS D’EUROS
Coût de la vague réglementaire en 2013 pour les banques (Étude sur le coût de la réglementation et son impact sur la place financière à Luxembourg, EY/ABBL 2014)
26 —
CRS
ATAD
Par la loi du 18 décembre 2015 concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale, Luxembourg a transposé la directive 2014/107/UE du 9 décembre 2014 (dite Dac 2). Les institutions financières doivent donc obtenir de leurs clients investisseurs les informations nécessaires quant à la résidence fiscale de ces derniers et procéder à un échange d’informations vers l’Administration des contributions directes, qui en retour transmettra ces informations aux autorités fiscales de l’état de résidence de ces investisseurs. La première communication aura lieu en 2017 sur les données concernant l’année 2016. Les données faisant l’objet de cette communication sont des données signalétiques, ainsi que les dividendes, intérêts, produits de vente de parts et positions titres. Ce type d’échange d’informations est déjà en place depuis Fatca.
Le Luxembourg a jusqu’au 31 décembre 2018 pour transposer la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale du 17 juin 2016, qui prévoit une limitation de la déduction des charges financières nettes encourues au titre de toute dette (liée ou non) au montant le plus élevé entre 30 % de l’Ebitda ajusté de l’emprunteur (hors revenus exonérés), et trois millions d’euros. Cette limitation comprend une clause dite « grand père », excluant de son champ d’application les emprunts contractés avant le 17 juin 2016, ainsi que des exceptions en fonction de l’endettement global du groupe auquel appartient l’emprunteur.
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DAC 3 ET 4 Le projet Beps a engendré encore deux autres directives sur la coopération administrative : Dac 3, transposée par la loi du 23 juillet 2016, instaure l’échange automatique d’informations en matière de décisions fiscales anticipées transfrontières et d’accords préalables en matière de prix de transfert, tandis que Dac 4, en cours de transposition via le projet de loi 7031, fixe les règles de déclaration pays par pays pour les groupes d’entreprises multinationales.
25.897
emplois dans le secteur bancaire
14.000
emplois dans l’industrie des fonds
6.484
emplois dans l’assurance et la réassurance
DISTRIBUTION DE PRODUITS D’ASSURANCE Le Luxembourg doit transposer une directive sur la distribution de produits d’assurance qui concerne tous les intermédiaires, dont les agents, les banques et les courtiers. « L’objectif est d’appliquer les mêmes normes aux autres canaux de distribution, de la vente directe au comparateur sur internet qui propose des contrats », explique Marc Hengen, administrateur délégué de l’Aca. Avec des exigences professionnelles renforcées et une meilleure protection des clients à la clé. « La législation évolue pour tenir compte des autres formes de distribution en train de voir le jour en raison de la digitalisation croissante de la relation entre le client et son assureur. »
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RÉFORME FISCALE
FISCALITÉ DES PARTICULIERS
Du neuf sur les fiches de salaire MAISON MODERNE
La réforme fiscale annoncée par le gouvernement en février dernier prendra effet au 1er janvier 2017 sous réserve de son vote par la Chambre des députés avant le 31 décembre. Panorama des principaux changements à attendre avec l’équipe Tax & Legal de SD Worx, prestataire de services RH.
DEUX BARÈMES D’IMPOSITION SONT INTRODUITS POUR LES PLUS HAUTS SALAIRES 2016
Barème d’imposition en %
2017
45 %
nouvelles tranches d’imposition
40 %
35 %
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5 %
0 % 0€
10.000 €
20.000 €
30.000 €
40.000 €
50.000 €
100.000 €
200.000 €
∞
salaire annuel
28 —
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
RÉFORME FISCALE
VOITURES DE FONCTION : LA POLLUTION FISCALISÉE Mercedes A200 Tesla S 90
Audi Q7 TDI hybride
BMW Série 3 330
Jaguar F-Pace
2,0 % 1,75 % 1,5 % 1,25 %
Tous moteurs en 2016
1,0 %
Essence en 2017
0,75 %
Diesel en 2017
0,5 %
Électrique / hydrogène en 2017
0,25 % 0 % 0 g CO2/km
50 g /km
100 g /km
150 g /km
Tous les véhicules de fonction étaient jusqu’à présent soumis au même régime fiscal (avantage en nature de 1,5 % de la valeur du véhicule à l’état neuf, options et TVA comprises). Ce pourcentage variera désormais en fonction du carburant et du taux de CO2 (entre 0,5 et 1,8 %).
200 g /km
LES CHÈQUES-REPAS REVALORISÉS
10,80
La « valeur moyenne théorique » d’un chèque-repas va passer de 2,80 à 3,60 euros, c’est-à-dire que le salarié contribuera au minimum à hauteur de 3,60 euros pour chaque chèque-repas. L’exemption pour la contribution maximale de l’employeur par titre passera donc à 7,20 €.
8,40 5,60
Toutefois, à l’heure actuelle, le projet de réforme fiscale ne prévoit pas d’obligation pour l’employeur d’augmenter sa participation. La valeur faciale des chèques-repas pourra se situer entre 8,40 € et 10,80 €.
2,40
4,80
Part employeur Part salarié
2,80 2016
3,60
Si la part du salarié est inférieure à 3,60 € par titre, la différence entre 3,60 € et la part du salarié sera imposable comme avantage en nature.
2017
CAS PRATIQUE Déclaration impôt revenus 2016
Déclaration impôt revenus 2017
Salaire brut
60.000 € + 35.000 €
60.000 € + 35.000 €
Revenu imposable
77.962
77.962
Impôt dû
12.772 (16,38 %)
10.824 (13,88 %)
Crédit d’impôt pour salarié
300 + 300
300 + 600
Impôt d’équilibrage budgétaire temporaire
-244
0
Total annuel dû
12.416
9.924
Voici ce qui va changer sur la déclaration de revenus d’un couple marié de moins de 40 ans avec deux enfants et deux salaires (un de 60.000 euros et un de 35.000 euros).
Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
— 29
POLITIQUE FAMILIALE
D E P U I S L E 1 ER D É C E M B R E
Un congé parental à la carte É Q U I P E TA X & L EGA L D E S D WO R X |
MAISON MODERNE
La loi du 11 octobre 2016 vient de réformer le congé parental en profondeur. Il sera désormais plus flexible et pourvu d’un revenu de remplacement.
UN CONGÉ PLUS FLEXIBLE
Salarié travaillant
Apprenti
40 h/semaine
Au moins 20 h/sem.
Au moins 10 h/sem.
Temps plein 4-6 mois 1 employeur 2 employeurs Temps partiel 8-12 mois
Pour prétendre au congé parental, le (la) salarié(e) doit avoir été affilié(e) à la sécurité sociale luxembourgeoise le jour de la naissance de l’enfant et introduire la demande 2 mois avant le premier congé parental et 4 mois avant le second.
Fractionné 1 jour/semaine pendant 20 mois Fractionné 4 mois pendant maximum 20 mois
UN VÉRITABLE REVENU DE REMPLACEMENT CONGÉ PARENTAL À PLEIN TEMPS AVANT L A RÉFORME
La nouvelle loi remplace l’indemnité forfaitaire de 1.778,31 euros / mois pour un congé à un temps plein par un revenu de remplacement soumis à l’impôt et aux cotisations sociales. Ce revenu sera compris, pour un contrat à temps plein, entre le salaire social minimum (1.922,96 euros) et 5/3 de celui-ci (3.204,93 euros). Pour les contrats à temps partiel, ces montants sont calculés au prorata du temps de travail. Voici deux exemples de fiches de salaires pour un(e) salarié(e) à temps plein, marié(e), gagnant 2.500 euros sur 13 mois.
30 —
Prestation
Total
Indemnité de congé parental
1.778,31 €
Cotisations sociales
–
Base taxable
1.728,52 €
2.415,83 €
–
À payer
1.710,35 €
2.368,14 €
–
APRÈS LA RÉFORME
Retenue 2.708,33 €
– 49,79 €
292,50 €
CONGÉ PARENTAL À 4/5 TEMPS SUR 20 MOIS 20 17 Part versée par l’employeur (salaire mensuel 80 %)
Part versée par la Caisse de l’avenir des enfants (indemnité congé parental 20 %)
Prestation
Total
Retenue
Total
Retenue
Brut total
2.000,00 €
–
541,67 €
–
Cotisations sociales
–
221,00 €
–
59,85 €
Base taxable
1.779,00 €
–
481,82 €
–
À payer
1.781,41 €
–
403,40 €
–
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
EN CHIFFRES
À LA LOUPE
Moulinette fiscale Les 657 fonctionnaires et employés de l’Administration des contributions directes centralisent les déclarations et les réclamations émanant des particuliers comme des entreprises du pays.
COMMUNICATIONS
RECETTES
+9,5 %
de recettes liées aux impôts directs entre 2014 et 2015
3,2 milliards d’euros perçus au titre de la retenue sur les traitements et les salaires en 2015
soit 46,24 % du total
1,6 milliard d’euros
1.388.000
visites sur le site internet www.impotsdirects.public.lu en 2015 dont
206.747 pour le seul mois de mars record de plus de
30.000 appels par jour
soit 23,56 % du total
RULINGS
385 millions d’euros
539
provenant de l’impôt sur la fortune (5,58 %)
décisions fiscales anticipées en 2015, dont 85 avec avis défavorable
Total :
7,5 milliards d’euros
3.000 à 10.000 euros montant de la redevance à payer par une entreprise pour une demande de décision fiscale anticipée
LITIGES
187
1.316
réclamations introduites en 2015
décisions fiscales anticipées spécifiques concernant des prix de transfert, dont 42 avec avis défavorable
965.861 fiches de retenue d’impôt en 2015, dont 405.928 pour des non-résidents
233 décisions de remise gracieuses
269.044
personnes morales enregistrées comme contribuables
32 —
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
S O U R C E : R A P P O R T 2 0 1 5 D E L’AD M I N I S T R AT I O N D E S C O N T R I B U T I O N S D I R E C T E S
rapportés par l’impôt sur le revenu des collectivités en 2015
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DROIT DU TRAVAIL
UN AN APRÈS LA RÉFORME
Un reclassement perfectible Entrée en vigueur en janvier dernier, la nouvelle loi sur le reclassement professionnel est jugée « trop rigide » par le patronat, notamment pour les entreprises de 25 à 50 salariés auxquelles elle a été étendue. Les syndicats pointent pour leur part dans son application des vides juridiques susceptibles de mettre en grande difficulté certains salariés. 34 —
U
n peu plus de 11 mois après son entrée en vigueur, quel bilan peut-on tirer de l’application de la « nouvelle » loi sur le reclassement professionnel ? Déjà réformée à plusieurs reprises, elle vise à proposer aux salariés « à capacité réduite », autrement dit qui ne sont pas à considérer comme invalides mais qui présentent une incapacité pour exercer leur dernier poste de travail, une affectation à un poste adapté dans leur entreprise — le re c l a s s e m e n t i n te r n e — ou d e s mesures de réinsertion en dehors de celle-ci, en reclassement externe par l’intermédiaire de l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem). Par rapport à la situation qui prévalait jusqu’en 2015, plusieurs nouveautés ont été introduites dans le but notamment, via différentes
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
mesures, d’accélérer les procédures, de mieux préserver les droits des personnes en reclassement externe et de créer les conditions nécessaires pour privilégier le reclassement interne. Sur ce dernier point, les entreprises sont désormais davantage mises à contribution, puisque le reclassement interne est aujourd’hui, si l’organe décisionnel qu’est la commission mixte de reclassement le décide, une obligation pour elles, à compter de 25 salariés contre 50 auparavant. Cette mesure serait aujourd’hui synonyme de « difficultés », souligne le service juridique de la Chambre des métiers, qui fait part de problèmes pour certaines petites et moyennes entreprises (PME) « qui ont toutes les peines à appliquer la nouvelle législation ». Il s’agit le plus souvent d’entreprises « ayant une activité très spécifique »,
poursuit la Chambre des métiers, citant parmi d’autres celles de la construction. « Une société active par exemple dans les toitures et qui n’emploie que des couvreurs ne peut naturellement pas créer de poste aménagé pour procéder à un reclassement interne d’un salarié qui n’est plus capable de travailler sur un toit », insiste le service juridique, « et surtout si cette PME a déjà reclassé l’une ou l’autre personne sur des tâches administratives, puisque les reclassements déjà faits ou l’emploi de travailleurs handicapés ne sont pas pris en compte dans la loi actuelle. » « Entre la possibilité d’être sanctionné pour licenciement abusif et la certitude de devoir payer les pénalités légales pour non-respect de l’obligation de reclassement interne, le choix est tentant pour un employeur de licencier le salarié concerné avant d’entrer
SV E N B E C K E R (A R C H I V E S)
F R É D É R I C A N T ZO R N
DROIT DU TRAVAIL
dans la procédure », constate la Chambre des métiers, qui se dit consciente qu’il existe pourtant des aides et des prises en charge conséquentes, « mais que bon nombre de PME ne les utilisent pas faute de bien les connaître ». Cependant, elle ne voit pas que du négatif dans l’application de la nouvelle loi sur le reclassement professionnel, pointant différentes améliorations apportées par rapport à la situation antérieure. En rappelant que ce reclassement doit permettre à un salarié de faire face à sa maladie tout en travaillant, elle souligne le « gros travail » qui a été fait, notamment du côté de l’accélération de la procédure, « à la fois plus souple mais aussi plus adaptée au cas par cas » et qui a bénéficié d’une certaine simplification administrative. Elle cite aussi, toujours en les saluant, les nouvelles règles en matière de réévaluation périodique de l’état de santé du salarié, le statut de « personne en situation de reclassement professionnel » permettant à une personne reclassée en externe de trouver un nouvel emploi tout en conservant ce statut avantageux, et l’obligation de disposer d’un examen médical d’embauche pour les salariés de moins de trois ans, véritable garde-fou contre ce qu’elle nomme « le tourisme social ». Du côté syndical, l’appréciation sur la nouvelle loi et son application oscille également entre satisfaction et mécontentement. Tant du côté de l’OGBL que du LCGB, on salue « toute une série d’améliorations » dont, encore une fois, l’accélération de la procédure, notamment grâce au fait que la médecine du travail puisse dorénavant elle aussi saisir la commission mixte (pour les postes de plus de 10 ans, classés à risque), comme était seul habilité auparavant le contrôle médical de la sécurité sociale.
Injustices
Les deux syndicats évoquent également comme « de bonnes choses » l’instauration d’un statut pour la personne en reclassement ainsi que la création d’une indemnité d’attente professionnelle — notamment pour les carrières mixtes — équivalente à l’indemnité de chômage, avec un bémol du côté de l’OGBL qui, par la voix de Carlos Pereira, membre du bureau exécutif, la considère comme « trop restreinte ». En revanche, la réévaluation des salariés se trouvant en reclassement externe poserait problème. « Un salarié en reclassement externe sous l’ancienne législation qui est aujourd’hui réévalué apte au travail n’a aucun recours contre cette décision, puisque la loi ne prévoit rien à ce niveau, même pas la possibilité d’une deuxième opinion médicale », explique Christophe Knebeler, secrétaire général adjoint du LCGB. « À partir de cette décision, il n’a donc plus droit qu’à un an d’indemnités d’attente, période durant laquelle il doit retrouver du travail, avec toutes les difficultés que cela suppose, puisqu’il a le plus souvent un ‘trou’ parfois de plusieurs années dans son CV qui risque de ne pas être particulièrement bien vu par un potentiel employeur, poursuit le syndicaliste. Et bien que soient apparus entre-temps de nouveaux outils de réinsertion
tels que le stage de professionnalisation ou le contrat réinsertion-emploi, il reste à voir dans quelle mesure ces instruments pourraient aider les personnes concernées dans leur recherche. » En outre, si ce salarié veut contester cette réévaluation, il ne pourra introduire un recours que contre la Caisse nationale d’assurance pension (Cnap) quand elle lui aura signifié le retrait de ses indemnités — au bout d’un an toujours —, une procédure non seulement possiblement plus longue, mais aussi durant laquelle il ne pourra pas chercher du travail en prévision d’un éventuel rejet de son recours, puisque contestant son état d’aptitude prononcé par un médecin. « Il y a donc de véritables risques pour que le salarié se retrouve dans une situation très compliquée qui pourrait mettre en péril son existence et celle de sa famille », ajoute Christophe Knebeler, évoquant dès lors « une zone grise » qu’il conviendrait de gommer au plus vite. À celle-ci s’ajoute encore l’un ou l’autre dysfonctionnement et parfois même « une certaine forme d’injustice dans certains cas », ajoute enfin — autre observatrice avisée — le Dr Nicole Majery, directrice du Service de santé au travail multisectoriel (STM). Elle épingle notamment le cas du reclassement en interne qui, lorsque prononcé par le médecin du travail — pour un poste à risque de plus de 10 ans —, contraint l’entreprise à se plier à cette décision, sans aucun recours possible. « Elle doit se débrouiller pour trouver une solution, quand bien même elle n’en a pas, puisque la loi ne prévoit aucune exception », explique le Dr Majery. Pour un poste classique ou également à risque mais avec moins de 10 ans d’ancienneté, c’est le contrôle médical qui se prononcera avec — pour une pathologie identique — la possibilité cette fois pour l’entreprise de refuser l’aménagement ou la création d’un poste, à condition pour elle de pouvoir justifier d’un préjudice grave. « Cela équivaut donc — en quelque sorte — à deux poids, deux mesures », note la directrice du STM, soulignant en outre et comme la Chambre des métiers que le reclassement en interne peut s’avérer extrêmement compliqué pour les PME d’au moins 25 salariés, ou celles exerçant une activité bien particulière, comme le transport de personnes par exemple. Et le Dr Majery de citer enfin un autre cas « malheureux » découlant de la loi lorsqu’un salarié employé depuis moins de trois ans dans une entreprise tombe malade. Pour pouvoir être éligible à un reclassement, il devra pouvoir faire part d’une déclaration d’aptitude à l’embauche consécutive à une visite médicale préalable. « S’il ne dispose pas de cette déclaration d’aptitude, faute de visite médicale, la commission mixte lui refusera d’office cette possibilité de reclassement », poursuit Mme Majery. « Or, l’organisation d’une visite médicale est une obligation pour les employeurs, que certains encore ne respectent pas. Avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour le seul salarié, injustement pénalisé. »
75 %
L’Adem peut verser à l’employeur qui reclasse un salarié ou embauche un salarié reclassé jusqu’à 75 % de son salaire.
25
Les entreprises de plus de 25 salariés sont maintenant tenues de retrouver un poste en interne à un salarié déclaré inapte par la commission mixte de reclassement.
4 %
Les entreprises comptant 4 % de salariés en situation de handicap ne sont plus exemptées de reclassement interne.
« Le choix est tentant pour un employeur de licencier le salarié concerné avant d’entrer dans la procédure. » La Chambre des métiers
Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
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PUBLIREPORTAGE
Interest Expense Deductions: A new challenge Antonio A. Weffer, Transfer Pricing Country Leader
O
n 5 October 2015, the OECD released its final report on recommended limitations on interest expense deductions (“Action 4”) under its Action Plan on Base Erosion and Profit Shifting (BEPS). Action 4 is focused on the use of third party, related party and intragroup debt to achieve excessive interest deductions or to finance the production of exempt or deferred income. A best practice approach to tackling these issues should apply to all forms of interest and payments equivalent to interest, to ensure that groups in an equivalent position are treated consistently and to reduce the risk of a rule being avoided by a group structuring its borrowings into a different legal form. A best practice rule to address base erosion and profit shifting using interest expense should therefore apply to: (i) interest on all forms of debt; (ii) payments economically equivalent to interest; and (iii) expenses incurred in connection with the raising of finance (such as payments under profit participating loans or guarantee fees with respect to financing arrangements, to name a few). The best practice approach does not apply to payments which are not interest, economically equivalent to interest or incurred in connection with the raising of finance. However, any payment may be subject to limitation under the best practice approach where they are used as part of an arrangement which, taken as a whole, gives rise to amounts that are economically equivalent to interest. One of the aims of the best practice approach is to link the amount of interest deductions in an entity to the level of its taxable economic activity. A rule that limits the level of debt in an entity will not necessarily address base erosion and profit shifting risks where an excessive rate of interest is applied to a loan. Therefore, such a rule would need to have further mechanism to identify the maximum interest on the permitted level of debt. A key question is whether a general interest limitation rule should apply to the interest an entity incurs on its borrowings without any offset for interest income (gross interest expense), or after offsetting the interest income it receives (net interest expense).
A gross interest rule has the benefit of simplicity and is also likely to be more difficult for groups to avoid through planning. However, a gross interest rule could lead to double taxation, where each entity is subject to tax on its full gross interest income, but part of its gross interest expense is disallowed. A net interest rule would reduce the risk of double taxation, as an entity’s interest income would be set against its interest expense before the interest limitation is applied. It would also allow an entity to raise third party debt and on-lend borrowed funds within its group, without the entity incurring a disallowance of part of its gross interest expense. Taking into account these considerations, the general interest limitation rules will apply to an entity’s net interest expense paid to third parties, related parties and intragroup, after offsetting interest income. Based on the above, from an economic, commercial and transfer pricing angle, it is reasonable to argue that when dealing with limitation interest expense rules, corporates should firstly have net interest expenses and secondly, said net interest expense should arise as a consequence of entering a raising of finance arrangement. Otherwise, only an arm’s length test could apply as best practice approach. The OECD Transfer Pricing Guidelines specify the following two categories of transfer pricing methods that multinationals can use to test the arm’s length character of their related party transactions: (i) Traditional transaction methods, regarded as the most direct methods, which require the use of prices of gross margins agreed by third parties as the basis of testing the arm’s length character of related party prices (ii) Transactional profit methods, which test the profit results earned by related parties, relative to the profit results earned by comparable third parties. Based on the above, the taxpayer should seek to apply the most appropriate method to demonstrate that the outcome of its taxable transactions falls within the range (prices or margins) that independent parties would achieve in comparable circumstances. To this end, in the context of determining arm’s length interest expense deductions, Baker & McKenzie Luxembourg has developed a two-step methodology, looking at: (i) the minimum return allocation; and (ii) residual income allocation of the financing debt instrument, which is in line with the methods sanctioned by the OECD Transfer Pricing Guidelines. 1. BEPS Final Report Action Plan 4. Paragraph 40. October 2015. 2. BEPS Final Report Action Plan 4. Paragraph 57. October 2015. 3. BEPS Final Report Action Plan 4. Paragraph 60. October 2015. 4. BEPS Final Report Action Plan 4. Paragraph 61. October 2015. 5. BEPS Final Report Action Plan 4. Paragraph 62. October 2015. 6. OECD Transfer Pricing Guidelines. Please refer to http://www.oecd.org/
DROIT DES SOCIÉTÉS
La coalition gouvernementale a donné un coup d’accélérateur à la rénovation du droit des sociétés.
LÉGISL ATION
Dépoussiérage et nouveautés É M I L I E P I R LOT ( H O U S E O F E N T R E P R E N E U R S H I P ) |
Retour sur les quatre textes récemment entrés en vigueur ou attendus dans les prochains mois avec la collaboration d’Émilie Pirlot, legal advisor senior à la House of Entrepreneurship.
MAISON MODERNE
MODERNISATION DE LA LOI MODIFIÉE DU 10 AOÛT 1915 CONCERNANT LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES entrée en vigueur le 10 août 2016 Son objectif Moderniser le droit des sociétés en continuant à assurer tant la liberté des opérateurs que la sécurité des tiers. Ce qu’elle change La loi vise principalement à assouplir certaines règles applicables aux différentes formes de sociétés et à consacrer certaines pratiques juridiques précédemment développées, mais aussi à intégrer certaines innovations existantes à l’étranger. Les principales modifications concernant la sàrl (société à responsabilité limitée) consistent en la possibilité d’émettre des obligations non convertibles au public, des parts bénéficiaires avec ou sans droit de vote et des actions rachetables, l’augmentation du nombre maximal d’associés qui passe de 40 à 100, la possibilité de déléguer la gestion journalière à l’un des gérants ou encore la possibilité de faire des apports en industrie, sous certaines conditions. Pour ce qui est de la SA (société anonyme), on note principalement la possibilité d’émettre des actions gratuites ou des actions en dessous de la valeur nominale sous certaines conditions, la reconnaissance de la
38 —
possibilité d’introduire dans les statuts une délégation des pouvoirs de gestion du conseil d’administration vers un comité de direction ou un directeur général ainsi que la reconnaissance de la validité des clauses de lock up qui seraient intégrées dans les statuts. De manière générale, on note également une simplification au niveau du transfert de siège, une reconnaissance de la pratique des tracking shares ou encore la possibilité pour le conseil de gérance ou d’administration de suspendre les droits de vote d’un associé ou d’un actionnaire qui ne respecterait pas ses obligations statutaires ou conventionnelles. Enfin, cette loi introduit également la société par actions simplifiée (SAS) comme nouvelle forme de société, principalement caractérisée par une très grande liberté contractuelle. À surveiller La nouvelle loi introduit également des contraintes supplémentaires. Il sera donc important d’évaluer l’impact de ces dispositions sur les nouvelles entités, mais aussi sur les structures existantes pour lesquelles les actionnaires disposent de 24 mois pour adapter les statuts.
— Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal
SOCIÉTÉ D’IMPACT SOCIÉTAL (SIS) entrée en vigueur prévue avant la fin de l’année Son objectif Créer un cadre juridique pour toute entreprise qui poursuit une activité destinée à améliorer la situation sociale des personnes et à contribuer au bien-être collectif. Ce qui va changer En créant un « agrément SIS », le Luxembourg va se doter d’un instrument visant à dépasser la dichotomie classique entre engagement social et activités commerciales. Pour pouvoir bénéficier de cet agrément, la société devra avoir une activité de production, de distribution ou d’échange de biens ou de services et poursuivre un objectif social ou sociétal répondant aux conditions fixées par le projet de loi. Elle devra également prévoir des indicateurs de performance qui permettront de vérifier de manière effective la réalisation de cet objectif. Une caractéristique fondamentale de la SIS réside également dans la structure
de son capital social, composé de parts d’impact (dont les titulaires ne peuvent pas jouir des bénéfices générés par la société) et de parts de rendement (dont les titulaires peuvent jouir des bénéfices générés par la société pour autant que les objectifs sociaux ou sociétaux aient effectivement été atteints). Les SIS dont le capital social se compose uniquement de parts d’impact bénéficieront également d’exemptions en matière fiscale. À surveiller Le fait d’exempter certaines SIS de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune risque de créer une distorsion de la concurrence en faveur des entreprises sociales et au détriment des entreprises traditionnelles dès lors que les SIS poursuivent des activités sur des marchés qui sont également disputés par des entreprises traditionnelles.
DROIT DES SOCIÉTÉS
SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE SIMPLIFIÉE (SÀRL-S) entrée en vigueur prévue le 16 janvier 2017 Son objectif Stimuler l’entrepreneuriat au Luxembourg en facilitant l’accès à la création d’entreprise via une réduction des coûts à la constitution, un processus d’établissement plus simple, rapide et efficace, et une réduction du capital social minimum. Ce qui va changer À partir du 16 janvier prochain, les entrepreneurs pourront constituer une sàrl-s avec un capital minimum d’un euro seulement et par un acte sous seing privé, c’est-àdire sans passer devant un notaire. Ces deux innovations majeures ont pour but d’alléger substantiellement la charge financière nécessaire au lancement et au financement initial d’une société. En contrepartie de ces avantages, la loi impose certaines limites qui ont pour objectif de rappeler la volonté du gouvernement de destiner la sàrl-s aux entrepreneurs personnes physiques débutants ou ne disposant que de peu de ressources. C’est notamment la raison pour laquelle la loi réserve la création de la sàrl-s aux seules personnes physiques, tant pour ce qui concerne les associés que les
gérants, et prévoit que chaque personne physique ne pourra être associée que d’une seule et unique sàrl-s à la fois (sauf si les parts lui sont transmises pour cause de mort). L’objet social est restreint à l’exercice d’activités pour lesquelles une autorisation de commerce est nécessaire. Enfin, pour contrebalancer la baisse du capital minimum à un euro seulement et rassurer les créanciers inquiets de cette diminution de leur gage commun, la loi impose aux associés de faire annuellement, sur les bénéfices nets, un prélèvement d’au moins 5 %, affecté à la constitution d’une réserve et ce jusqu’à ce que le montant du capital social augmenté de ladite réserve atteigne le montant minimum du capital social d’une sàrl « classique », soit 12.000 euros. À savoir La sàrl-s n’est pas un outil adapté à tous les entrepreneurs ni à toutes les activités. Le choix de la structure juridique appropriée, qu’il s’agisse d’une sàrl simplifiée ou d’une autre forme juridique, nécessite impérativement une réflexion approfondie tenant compte de nombreux critères qu’il convient d’analyser au cas par cas.
MODERNISATION DU DROIT DE LA FAILLITE projet de loi déposé le 1er février 2013 en cours d’examen par la sous-commission parlementaire dédiée Son objectif Procéder à une refonte complète du droit de la faillite et instaurer de nouvelles mesures permettant de préserver les entreprises. Ce qui va changer Le projet de loi prévoit tout d’abord des mesures permettant d’éviter les faillites, notamment via l’identification des entreprises en difficulté à un stade précoce et la proposition de solutions adaptées pour leur redressement éventuel, telles que le conciliateur d’entreprise, l’accord amiable avec les créanciers ou encore la réorganisation judiciaire. À côté de ces mesures, le projet permet également au commerçant malheureux, mais de bonne foi, de pouvoir disposer d’une seconde chance, notamment en prévoyant que le commerçant personne physique ne sera plus débiteur du solde du passif de la faillite après clôture de celle-ci. Le projet comporte aussi un volet répressif qui prévoit notamment une
dissolution administrative sans liquidation ainsi que la décriminalisation de la banqueroute. Des réserves Le projet de loi semble se concentrer sur la prévision des faillites et non sur leur prévention. Bien que des mesures soient introduites, elles interviennent trop tard dans la vie d’une entreprise en difficulté. Ces mesures ont plutôt vocation à prédire quand une entreprise va tomber en faillite au regard des informations (clignotants) qui sont institutionnalisées, que de véritablement prévenir les difficultés. D’autre part, certaines dispositions répressives du projet de loi alourdissent sensiblement la responsabilité du dirigeant. Dans certains cas, une simple faute de gestion entraînera la responsabilité du dirigeant au lieu d’une faute lourde et caractérisée, ce qui semble contraire à l’esprit d’entreprendre et à la volonté d’octroyer une seconde chance.
Supplément 01 / 2017 — Tax & Legal —
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AVIS D’EXPERTS
T VA SUR LES ADMINISTR ATEURS
Une circulaire attendue mais non exhaustive J U L I E CA R B I E N E R E T J E A N S C H A F F N E R (A L L E N & OV E RY )
Les administrateurs seront assujettis à la TVA à partir du 1er janvier 2017. Toutefois, la circulaire de l’Administration de l’enregistrement et des domaines ne couvre pas l’intégralité des situations.
L
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À notre sens, les tantièmes perçus par les administrateurs gérant des fonds d’investissement pourraient en principe être exonérés de TVA. Julie Carbiener et Jean Schaffner Partner et senior associate Allen & Overy
titre de défraiement. La circulaire n’a pas apporté plus de précisions sur ce point, mais il conviendra d’opérer une analyse au cas par cas, faisant preuve de cohérence. La circulaire aurait également pu se pencher sur la situation des fonctionnaires représentant leur administration ou celle des représentants de syndicats agissant dans une telle configuration. La circulaire mentionne expressément que ces règles seront appliquées strictement à compter du 1er janvier 2017. Les administrateurs visés devront par conséquent s’immatriculer à la TVA au Luxembourg pour le 1er janvier 2017. Ils devront émettre des factures et soumettre des déclarations TVA auprès de l’AED. Il convient de noter que pour les sociétés qui ne sont pas assujetties à la TVA ou qui ne bénéficient pas d’un droit à la déduction de la TVA, la TVA sur les tantièmes des administrateurs représentera un coût définitif. Les sociétés et leurs administrateurs devront donc revoir leurs accords afin de clarifier si la rémunération convenue doit s’entendre hors TVA ou TVA incluse. La circulaire ne fournit cependant pas de clarification sur l’ap-
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plication de l’exonération de TVA aux services de gestion prestés par des administrateurs de fonds d’investissement. À notre sens, les tantièmes perçus par les administrateurs gérant des fonds d’investissement pourraient en principe être exonérés de TVA en vertu de l’article 44, 1 d) de la loi sur la TVA luxembourgeoise. Cet article prévoit notamment une exonération de TVA sur les services de gestion prestés à des fonds d’investissement. Selon la jurisprudence européenne, le terme « gestion » correspond à tous les services qui sont essentiels et spécifiques à la gestion du fonds. Les administrateurs pourraient bénéficier de cette exonération si ces conditions sont remplies. Cela devrait être analysé au cas par cas. De manière générale, la position prise par l’AED dans la circulaire n’est pas surprenante, puisqu’elle est conforme aux principes de la loi sur la TVA luxembourgeoise. Il est cependant regrettable que la circulaire n’ait pas apporté davantage de clarifications sur certains points. Cela permettra néanmoins aux assujettis de bénéficier d’une certaine marge de manœuvre dans l’analyse de leur situation.
A L L E N & OV E RY
e 30 septembre 2016, l’Administration de l’enregistrement et des domaines (AED) a émis une circulaire no 781 confirmant que les tantièmes reçus par les administrateurs de sociétés sont soumis à la TVA. Cette position est conforme à la loi sur la TVA luxembourgeoise ainsi qu’à la vision de la Commission européenne. La circulaire énonce tout d’abord que les administrateurs sont considérés comme des assujettis aux fins de la loi sur la TVA luxembourgeoise. Par conséquent, leurs services sont soumis à la TVA au taux de 17 %. La circulaire précise en outre que les salariés siégeant en qualité d’administrateurs en représentation de leurs employeurs (et non rémunérés spécifiquement pour cette activité) ne sont pas considérés comme des assujettis aux fins de la loi. La circulaire confirme également que les services de gestion fournis par un administrateur non luxembourgeois à un assujetti immatriculé à la TVA au Luxembourg seront soumis à la TVA au Luxembourg en vertu du principe d’autoliquidation. Les administrateurs peuvent bénéficier du régime de franchise dans le cas où leur chiffre d’affaires annuel imposable n’excède pas le seuil annuel de 25.000 euros. En pratique, cela signifie que les administrateurs tombant sous ce régime spécifique n’auront pas à inclure de TVA sur leurs factures. Il est envisagé de rehausser ce seuil à un montant de 30.000 euros à compter du 1er janvier 2017. La circulaire précise également que l’article 44, paragraphe 1er, w) de la loi sur la TVA luxembourgeoise, qui prévoit une exonération de TVA sur les jetons de présence reçus en contrepartie d’une prestation de services effectuée dans le cadre d’une activité honorifique, s’applique aux administrateurs. La circulaire précise qu’une activité d’administrateur est considérée réalisée à titre honorifique lorsque l’indemnité reçue est versée à
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Domiciliation and office solutions > Registered domiciliation agent > Delivery of a registered address > Full-service office rental solutions > Complete payroll services > Dedicated staff support > Organization of board and shareholders’ meetings > Drafting of the minutes of official meetings > Maintenance of registers of shareholders and/or bondholders > Protection and archiving of corporate documents and records as required by law > Servicing for liquidation and re-domiciliation
Directors
Corporate secretarial, administrative management and regulatory compliance > Execution of formal registration with local authorities > Assistance with other functions as per corporate governance criteria > Supply of company secretary services > Assistance with qualified staff recruitment and training > Efficient management of correspondence and communications > Maintenance of accurate accounts and records available for inspection at any time
Liquidation > Assume liquidator role or provide assistance to appointed liquidator > Connect with independent 3rd parties in charge of tax and legal matters > Keep company accounts, liquidation accounts as well as periodical reports > Manage daily operations as well as 3rd party relationships > Provide specific secretarial services in relation to liquidation > Complete liquidation
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AVIS D’EXPERTS
ÉCHANGE D’INFORMATIONS
Questions autour du CRS A N D R E W K N I G H T ( M PA R T N E R S)
Le Common Reporting Standard promu par l’OCDE entrera officiellement en vigueur au 1er janvier 2017. Certaines interrogations demeurent toutefois en suspens.
Nous observons une tendance croissante à adopter différentes approches de la façon dont le CRS est mis en œuvre.
L’
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Andrew Knight Partner M Partners
les États-Unis comme un pays dit non participant. Cela réduit, mais n’élimine pas, la possibilité de contourner le CRS en détenant des actifs via les États-Unis. Le Luxembourg, après avoir initialement décidé de considérer les États-Unis comme participants, peut-être dans le but de se rendre plus compétitif du point de vue du CRS, a récemment annoncé que les États-Unis ne seraient plus considérés comme tels. En ce qui concerne la compétitivité, est-il possible que les pays se concurrencent pour rendre leurs régimes CRS plus attrayants par rapport à leurs concurrents ? En théorie non, mais la réalité est un peu différente. Certes, l’OCDE veut une uniformité aussi grande que possible, mais le fait est que nous observons une tendance croissante à adopter différentes approches de la façon dont le CRS est mis en œuvre. Un exemple frappant est celui de la façon dont les pays traitent les déclarations, en particulier les FAQs (questions fréquemment posées, ndlr), que l’OCDE publie. Ces questions sont certainement destinées à fournir des conseils utiles aux pays et à leurs Fis. Mais la réalité est très différente. Tout d’abord, l’OCDE a l’habitude préoccupante de modifier les FAQs, ce qui oblige les conseillers à réévaluer les conseils qu’ils ont déjà donnés à leurs clients. Deuxièmement, les FAQs contredisent parfois une posi-
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tion qui est déjà clairement énoncée dans le CRS lui-même. Lorsque l’on examine toute FAQ, la première chose à établir est si la FAQ fait partie du droit local. L’OCDE n’est pas un organe législatif et ses déclarations ne lient les pays que dans la mesure où ces pays choisissent de les rendre contraignantes. Et à cet égard, il existe une très large gamme d’approches : à un extrême, des pays disent que tout ce que l’OCDE dit doit être traité comme faisant partie de la législation locale ; à l’autre extrême, d’autres disent qu’une déclaration de l’OCDE n’est pas contraignante si elle n’est pas spécifiquement incluse dans la législation locale. Le Luxembourg a apparemment adopté une approche à mi-parcours en déclarant, dans ses propres FAQs, que les FAQs de l’OCDE sont « applicables ». En fin de compte, la réalité actuelle la plus pertinente est que, jusqu’à ce qu’un tribunal annule le CRS parce qu’il viole certains droits fondamentaux (par exemple le droit à la vie privée), et des mesures sont certainement prises dans cette direction, le CRS est lui-même la vraie réalité. Mais tout aussi réelle est la nécessité pour les conseillers professionnels d’adopter une approche indépendante et critique quant à l’interprétation du CRS en termes d’impact pratique.
M PA R T N E R S
objectif du CRS est tiré de ce que les États-Unis envisageaient avec Fatca, à savoir assurer un flux automatique d’informations relatives à la situation fiscale des particuliers aux autres autorités fiscales. Et la source de cette information, ce seront les institutions financières (Fis) qui détiennent ou gèrent le patrimoine de ces individus. Ainsi, les institutions financières luxembourgeoises commenceront à communiquer les informations requises à l’Administration des contributions directes (ACD) à partir de 2017. L’ACD transmettra à son tour ces informations aux pays où résident les personnes qui détiennent des comptes auprès de ces institutions. Ce qui semble indiquer que l’objectif est bientôt atteint, non ? Malheureusement, la réalité est un peu différente. Premièrement, quels pays recevront des informations ? Cela inclura-t-il les pays qui ont la réputation de ne pas assurer la sécurité de ces informations ou d’utiliser les informations à des fins non fiscales ? On espère bien sûr que non, mais la réalité est que souvent nous l’ignorons encore. Espérons que ce petit détail soit bientôt clarifié. Dans l’intervalle, les Fis sont tenues de recueillir des informations sur tous leurs clients, juste au cas où leur pays de résidence se retrouverait sur la liste. Il est possible que, à quelques exceptions près, tous les 100 autres pays signataires du CRS figurent finalement sur la liste. Sous Fatca, un seul pays figurait sur la liste, à savoir les États-Unis. À propos des États-Unis, participent-ils au CRS ? Non, bien sûr que non – soyons réalistes –, les États-Unis ont leur propre CRS, à savoir Fatca. En dépit d’une certaine pression à leur égard pour qu’ils s’y conforment, il y a peu de chance que M. Trump l’accepte. Une conséquence potentiellement préjudiciable pour les États-Unis est que la plupart des pays participants au CRS traitent
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AVIS D’EXPERTS
DROIT DE LA CONCURRENCE
Vers une simplification des actions en dommages et intérêts L É O N G LO D E N ( E LV I N G E R H O S S P R U S S E N )
Ce type d’actions en matière de concurrence se verra désormais facilité par de nouvelles règles édictées au niveau européen et récemment transposées en droit interne.
Les entreprises qui violent conjointement le droit de concurrence sont solidairement responsables de l’intégralité du préjudice causé par la violation.
L
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Léon Gloden Partner Elvinger Hoss Prussen
nalité d’une telle demande, ordonner la divulgation d’informations, y inclus en ce qui concerne des éléments de preuves dans le dossier d’une autorité de concurrence. Cependant, compte tenu de leur importance pour la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique, des déclarations faites par des sociétés aux fins d’une demande de clémence et des propositions de transaction sont protégées. D’autres preuves, y compris celles établies par une autorité de concurrence et envoyées aux parties au cours de sa procédure, ne peuvent être divulguées qu’une fois qu’elle a clos cette procédure. Sous réserve de certaines règles sp é c i f i qu e s p ou r l e s p e t i te s e t moyennes entreprises et les bénéficiaires d’une immunité d’amende, les entreprises qui violent conjointement le droit de concurrence sont solidairement responsables de l’intégralité du préjudice causé par la violation de sorte que la partie lésée a le droit d’exiger de chacune d’elles la réparation intégrale de ce préjudice. La directive imposant aux États membres de veiller à ce que les délais de prescription applicables aux actions
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en dommages et intérêts soient de cinq ans au minimum, la loi réfère à cet égard aux principes de droit commun luxembourgeois qui prévoient un délai de prescription de 10 ans pour les actions commerciales. La loi encourage encore le règlement consensuel des litiges. Conformément à la directive, elle prévoit la suspension du délai de prescription fixé pour introduire une action en dommages et intérêts pendant toute la période de règlement consensuel du litige ainsi que la suspension des procédures relatives à l’action en dommages et intérêts pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans. De plus, certaines règles régissent la récupération du reliquat de la demande en dommages et intérêts de la partie lésée partie à un règlement consensuel. La loi ne contient pas de dispositions relatives aux actions collectives. Lors des débats à la Chambre, j’ai évoqué la discussion relative à l’introduction éventuelle d’un contrôle a priori de concentrations. Monsieur le ministre de l’Économie a confirmé que le gouvernement n’entend pas instaurer un tel contrôle a priori.
E LV I N G E R H O S S P R U S S E N
e 15 novembre dernier, la Chambre des députés a adopté la loi relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts pour les violations du droit de la concurrence et modifiant la loi modifiée du 23 octobre 2011 relative à la concurrence. Elle transpose en partie la directive 2014/104/EU du 26 novembre 2014 régissant les actions en dommages et intérêts en matière de concurrence. En premier lieu, la loi facilite les actions en dommages et intérêts par l’introduction de certaines mesures procédurales spécifiques. L’exercice de telles actions est simplifié par une série de présomptions concernant l’existence et les effets d’une violation du droit de la concurrence : une présomption irréfragable qu’une telle violation a été commise s’il existe une constatation en ce sens dans une décision définitive du Conseil de la concurrence ; une preuve de l’existence d’une telle violation quand elle est établie dans une décision finale d’une autorité de concurrence d’un autre État membre ; une présomption réfragable que les violations commises dans le cadre d’une entente causent un préjudice ; et une présomption réfragable pour l’acheteur indirect qui introduit une action en dommages et intérêts quant à la répercussion à son encontre du surcoût résultant d’une violation du droit de la concurrence, le défendeur disposant toutefois à son tour d’un moyen de défense dans le cadre d’une action intentée par un acheteur direct quant à la répercussion par ce dernier d’un tel surcoût au niveau inférieur de la chaîne de distribution. L’accès aux preuves est rendu plus facile. À la demande du requérant, le juge peut, sous certaines conditions, en particulier en analysant la proportion-
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plusieurs sociétés. Tous ont une vision et la transforment en actes et en résultats. Pourquoi l’ont-ils fait ? Comment l’ont-ils fait ? Ils viendront présenter leur parcours exemplaire.
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DOMENICA FORTUNATO
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Espaces saveurs
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Brasserie Simon
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Groupe FNP
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RENÉ GROSBUSCH
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JURISPRUDENCE
DROIT DU TR AVAIL
Mouvement perpétuel MAISON MODERNE
Retour sur une année 2016 riche en jugements qui font déjà date.
FAUTE GRAVE
Cour constitutionnelle, 8 juillet Le contrat de travail à durée indéterminée ne peut être résilié par l’une des parties qu’avec un préavis. Une résiliation avec effet immédiat n’est possible que lorsque l’autre partie a commis une faute grave. Il est partant logique que lorsque l’employeur ou le salarié résilie un contrat à durée indéterminée avec effet immédiat abusivement, ou sans respecter l’intégralité du préavis prévu par la loi, il s’expose à devoir payer à l’autre partie une indemnité compensatoire de préavis. Que se passe-t-il lorsqu’après une démission avec effet immédiat, le tribunal saisi considère que l’employeur s’était rendu coupable d’une faute effectivement grave, et que la démission du salarié était justifiée ? Est-ce que le salarié a droit à une indemnité de préavis à payer par l’employeur, qui s’était rendu coupable de la faute grave ? La Cour constitutionnelle vient de juger que l’employeur
E-MAILS SOUS SURVEILLANCE INDUE
Cour d’appel, 28 avril 2015 et 4 juillet 2016
devrait être tenu à un tel paiement dans tous les cas où la rupture du contrat lui est imputable, incluant la démission du salarié pour faute grave de l’employeur, afin que soit respecté le principe constitutionnel d’égalité de traitement des citoyens dans des situations comparables. La Cour a appliqué le même raisonnement à l’indemnité de départ. À l’instar de la situation du licenciement avec effet immédiat abusif, une indemnité de départ devrait être payée au salarié ayant au moins 5 ans d’ancienneté, en cas de démission avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur jugée justifiée par la juridiction compétente. Selon nous, en cas de licenciement avec effet immédiat justifié, l’employeur devrait donc être en droit de se voir payer par le salarié une indemnité de préavis, puisque le licenciement a, dans ce cas, dû être notifié par la faute du salarié.
Dans un arrêt particulièrement bien motivé, la Cour d’appel de Luxembourg a condamné pénalement une société et l’un de ses dirigeants pour avoir opéré une surveillance illégale d’une salariée sur le lieu de travail en ouvrant des e-mails privés destinés à cette salariée et à l’insu de cette dernière. Le fait que la société disposait d’une autorisation de la Commission nationale de protection des données permettant de consulter légalement les e-mails professionnels de ses salariés n’a pas été d’un grand secours pour les condamnés puisqu’il s’agissait d’e-mails intitulés « privé » que cette autorisation ne permettait de toute façon pas d’ouvrir. L’employeur n’a pas non plus réussi à s’exonérer par le fait qu’il s’agissait d’une salariée licenciée et dispensée de préavis et que les e-mails provenaient de salariés travaillant pour des sociétés avec qui il entretenait des relations d’affaires.
Guy Castegnaro & Ariane Claverie Avocats à la Cour, partners, Castegnaro – Ius Laboris Luxembourg
Patrice Mbonyumutwa Avocat à la Cour, MMS Avocats
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Si l’on doit admettre que la Cour s’est montrée d’une grande rigueur dans la protection des salariés contre une surveillance illégale sur leur lieu de travail et qu’on est pour la première fois passé du croque-mitaine législatif et réglementaire à la réalité d’une condamnation judiciaire, il reste tout de même une faille béante dans le système. À la lecture de cette décision, on peut en effet conclure qu’il suffit au salarié d’intituler clairement ses e-mails « privé et confidentiel » pour faire échec à une éventuelle surveillance légitime de l’employeur sur le lieu de travail. Dans un autre arrêt le 4 juillet 2016, concernant un licenciement abusif, la Cour d’appel a considéré que les captures d’écran constituaient un traitement de données à caractère personnel à des fins de surveillance, traitement illégal s’il n’est pas nécessaire pour l’une des finalités définies à l’article L.261-1 du Code du travail.
LICENCE CC
Le droit du travail ne cesse d’évoluer au gré de la production législative, mais aussi de la jurisprudence.
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JURISPRUDENCE
CONGÉ PARENTAL
AUTRES DÉCISIONS
Cour d’appel, 20 octobre Suite à une demande de premier congé parental faite pendant la période d’essai, une salariée a reçu une confirmation de congé parental par son employeur et par courrier de la Caisse nationale des prestations familiales (aujourd’hui Caisse pour l’avenir des enfants). Or, l’employeur a procédé au licenciement avec préavis de cette salariée le deuxième jour du congé parental. La salariée a alors saisi la juridiction du travail dans le but de voir annuler son licenciement. La Cour rappelle dans cet arrêt que le salarié lié par un contrat à durée indéterminée comportant une clause d’essai ne peut demander le congé parental qu’après l’expiration de la période d’essai.
La salariée ne pouvait donc pas demander un congé parental et son employeur n’aurait pas dû le lui accorder. La demande de congé parental n’étant de ce fait pas régulière, la salariée ne pouvait pas bénéficier de la protection contre le licenciement. Les juges ont justifié cette position par le fait que la prise du congé parental pendant une période d’essai empêcherait l’employeur d’utiliser effectivement les mois prévus par la clause d’essai pour vérifier l’adéquation du salarié pour le poste déterminé, mais encore empêcherait l’employeur comme le salarié de rompre l’essai dans l’hypothèse où ce dernier ne serait pas concluant.
Chambre des salariés
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 29 octobre que les faits en question constituaient bien des infractions de vol domestique, de violation du secret des affaires, de recel et de violation de la loi du 18 avril 2001 qui protège les bases de données. Cette décision s’avère un coup de semonce sans précédent adressé à toutes les entreprises qui pourraient être amenées à profiter sciemment des données secrètes apportées par des salariés en provenance d’une société concurrente. Au pénal, la salariée et la nouvelle société ont chacune écopé d’une amende, respectivement de 1.000 et 2.000 euros, mais au civil, le tribunal n’a pas indemnisé le manque à gagner de 100.000 euros allégué par l’ancien employeur qui n’a obtenu que la modique somme de 500 euros pour réparer son préjudice moral.
Patrice Mbonyumutwa Avocat à la Cour, MMS Avocats 48 —
LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE Cour d’appel, 4 février
Le motif tiré de la suppression de poste est contredit par le remplacement du salarié licencié par un autre salarié exerçant les mêmes fonctions, mais percevant un
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salaire moins élevé. L’employeur aurait dû tenter de conserver l’emploi du salarié, moyennant une modification de ses conditions de travail.
CADRE SUPÉRIEUR
Cour d’appel, 28 avril Le fait que le contrat de travail stipule que le salarié est engagé sous le « statut hors convention » ne suffit pas pour exclure le salarié du bénéfice des dispositions de la convention collective, mais il faut
analyser si le salarié a en réalité les attributs de la fonction de cadre supérieur (rémunération nettement plus élevée, pouvoir de direction effectif, large indépendance dans les horaires de travail).
CDD ABUSIFS CDD
VOL DE FICHIERS
Les faits à la base de la décision inédite rendue fin octobre dans la foulée de l’affaire LuxLeaks par le tribunal correctionnel de Luxembourg sont assez fréquents sur la Place. Une salariée d’une entreprise active dans le transport avait démissionné pour créer une société concurrente dont elle était associée et gérante. Peu avant sa démission, elle avait pris soin de transférer les grilles tarifaires de son employeur sur son e-mail privé et les a ensuite utilisées au profit de sa nouvelle société pour démarcher les clients de son ancien employeur en leur proposant des tarifs plus intéressants. Son ancien employeur a alors introduit une action judiciaire contre la salariée et la nouvelle société afin de les faire condamner pénalement. Le tribunal a constaté
Nathalie Moschetti Conseillère de direction, Chambre des salariés
Cour de justice de l’UE, 14 septembre Maria Elena Pérez López
Le recours à des contrats à durée déterminée successifs pour couvrir des besoins permanents est contraire au droit européen. La Cour a par ailleurs rendu à la même date deux autres arrêts concernant l’utilisation de CDD en Espagne. Dans les affaires jointes C-184/15 Florentina Martínez Andrés / Servicio Vasco de Salud et C-197/15 Juan Carlos Castrejana López / Ayuntamiento de Vitoria, la Cour précise que les autorités nationales doivent prévoir des mesures adéquates suffi-
samment effectives et dissuasives pour éviter et sanctionner les abus constatés tant pour les CDD soumis aux règles du droit du travail que pour ceux soumis au droit administratif. En ce qui concerne l’affaire C-596/14 Ana de Diego Porras / Ministerio de Defensa, la Cour, en référence au principe de non-discrimination, estime que les travailleurs à durée déterminée ont droit à une indemnité de résiliation au même titre que les travailleurs à durée indéterminée.
HEURES SUPPLÉMENTAIRES Cour d’appel, 21 avril
Dans le domaine du transport routier, la nécessité des heures supplémentaires et l’accord de l’employeur sont à présumer.
LICENCIEMENT APRÈS MALADIE Cour d’appel, 17 décembre 2015 Un salarié avait averti son employeur de sa maladie par mail et envoyé son certificat le 1er jour, mais le certificat n’a été reçu que cinq jours après. Le fait que le certificat de maladie fût parvenu avec plusieurs jours de retard à l’employeur ne constitue pas, compte
tenu des faits qu’il y avait incapacité de travail certifiée par un médecin et que le salarié avait une ancienneté de plus de 20 ans, un motif suffisamment grave pour justifier un licenciement avec effet immédiat. Confirmé par un arrêt du 24 mars 2016.
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Janvier 2017 Supplément – Tax & Legal
Adresse BP 728 L-2017 Luxembourg Bureaux 10, rue des Gaulois, Luxembourg-Bonnevoie ISSN 2354-4619 Web www.maisonmoderne.com Fondateur et CEO Mike Koedinger Directeur administratif et financier Etienne Velasti
ÉDITEUR Tél (+352) 20 70 70-100 Fax (+352) 29 66 19 E-mail publishing@maisonmoderne.com Rédaction press@paperjam.lu Web www.paperjam.lu Directeur de la publication Mike Koedinger Directeur éditorial Sven Ehmann Rédacteur en chef Thierry Raizer Journaliste senior associé Jean-Michel Gaudron Coordination Camille Frati, Marie-Astrid Heyde Rédaction Frédéric Antzorn, Camille Frati, Jean-Michel Lalieu,Thierry Raizer Photographies Géraldine Aresteanu, Christophe Olinger Correction Pauline Berg, Muriel Dietsch (coordination), Sarah Lambolez, Inès Sérizier
STUDIO GRAPHIQUE Tél (+352) 20 70 70-200 Fax (+352) 27 62 12 62-84 E-mail studio@maisonmoderne.com Directeur associé Guido Kröger Directeur de la création Jeremy Leslie Studio manager Stéphanie Poras-Schwickerath Directeur artistique Vinzenz Hölzl Mise en page Monique Bernard (coordination), Olga Silva, SaschaTimplan, Ellen Withersova
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Aca 24 Adem 34 Administration de l’enregistrement et des domaines 40 Administration des contributions directes 32, 42 Alfi 24 Allen&Overy 33, 40 Atoz 14, 11
Eba 24 Economic and Social Research Institute 20 Eiopa 24 Elvinger Hoss Prussen 44 Esma 24 EY Luxembourg 6, 24
Pereira Carlos Piot Wim Pirlot Émilie PwC Luxembourg
Baker & McKenzie BDO Bock Georges
36 14 6
C Carbiener Julie 40 Castegnaro – Ius laboris Luxembourg 27,46 46 Castegnaro Guy Chambre de commerce 20 Chambre des métiers 34 Chambre des salariés 46 Claverie Ariane 46 Clifford Chance 51 Commission européenne 6 Commission nationale de protection 46 des données Conefrey Thomas 20 Conseil économique et social 20 Cour constitutionnelle 46 Cour d’appel 46 Cour de justice de l’Union européenne 6, 46
D
Tél (+352) 20 70 70-300 Fax (+352) 26 29 66 20 E-mail regie@maisonmoderne.com Directeur associé Francis Gasparotto Sales manager Magazines et Guides Vincent Giarratano Assistante Nathalie Sohn Chargés de clientèle Marilyn Baratto, Thomas Fullenwarth, Laurent Goffin, Mélanie Juredieu Assistante commerciale Céline Bayle Administration Isabelle Ney
Dbit 52 Deloitte Luxembourg 6 14 Dombrovskis Valdis
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N-O O’Donnell Keith 14 OCDE 6, 20, 42 OGBL 34 Ogier 13
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Dans cet index sont reprises les entreprises, les personnalités et les publicités apparaissant dans ce magazine.
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U-V-W-X-Y-Z Université Aix-Marseille
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