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MÉTIER SPÉCIFIQUE

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Le profil du parfait banquier privé

Gestionnaire de fortune, le banquier privé est à la fois conseiller et confident. Il doit faire preuve de discrétion, de disponibilité, d’adaptabilité et se mettre constamment à jour par rapport aux lois et réglementations. Un rôle complexe et exigeant, encore plus au Luxembourg, où il doit apporter à ses clients internationaux des solutions transfrontalières.

Où trouveton ces perles rares ? Aujourd’hui, comme toutes entreprises, les banques tentent de se différencier les unes des autres en développant un type de clientèle bien particulier, des produits spécifiques et des valeurs qui leur sont propres. En matière de banque privée, le client met toute sa confiance en une personne, le private banker, la structure apportant une valeur ajoutée par rapport à ses services. L’ensemble forme un tout cohérent.

C’est pourquoi certaines banques n’hésitent pas à investir directement dans la formation de jeunes talents, comme l’explique Olivier Lecler, directeur de Société Générale Private Banking Europe (entités de Luxembourg, Suisse et Monaco) : « Nous intégrons beaucoup de jeunes directement à la sortie de leurs études. Nous les formons à toutes les facettes du métier, leur expliquons l’organisation de la banque et ses enjeux. » D’autres banques, dans une même optique, mettent en place des programmes de mentoring. « Les nouvelles recrues, en travaillant avec une personne expérimentée au sein de la banque, peuvent rapidement évoluer, indique Annie Burton, spécialiste du recrutement pour le secteur des banques et de la finance chez Badenoch & Clark. Les attentes des banques sont assez élevées concernant les sommes que doit apporter le banquier privé. Les plus basses sont à 20 ou 30 millions d’euros, d’autres sont à 60 millions sur six mois, un an. Et donc, si vous vous lancez comme banquier privé, vous devez vous assurer que vos clients seront à même de vous amener ces sommes d’argent. »

Certains banquiers privés proviennent directement du secteur bancaire. Étant donné qu’il s’agit d’un profil assez généraliste, le fait de passer par d’autres postes et de pratiquer divers métiers permet de développer une connaissance globale de l’activité bancaire, ainsi que, dans certains cas, des connaissances approfondies dans un domaine spécifique. « C’est un métier devenu très technique. Un bon banquier privé dispose d’une culture suffisamment large pour comprendre tous les sujets et aborder chaque problématique. Il doit être capable de s’appuyer sur des experts et d’entrer dans les détails de matières devenues très complexes, que ce soit l’organisation patrimoniale, les investissements financiers, les interactions digitales, la responsabilité sociétale des entreprises… », explique Olivier Lecler. Le champ de compétences auquel un banquier privé peut être confronté dans l’exercice de ses fonctions est extrêmement large. Claire Vallet, private banker chez ING Luxembourg, parle de son expérience : « Il faut se former en permanence parce que le marché évolue. Rester informé et formé demande beaucoup de temps, mais c’est indispensable pour accompagner ses clients comme il se doit. On exige du conseiller en banque privée à la fois l’excellence et le sur mesure. C’est la seule façon de se différencier. »

La relation client au cœur du métier Dans le monde de la banque privée, la relation client occupe une place centrale. Pour

PARLONS SOFT SKILLS

Pour établir une relation de confiance avec ses clients, le private banker doit faire preuve d’une grande capacité d’écoute et d’un excellent sens du relationnel. C’est en discutant avec eux, en les écoutant, qu’il peut percevoir leurs problématiques, identifier leurs besoins et trouver les solutions adéquates. Le sens commercial est également important, car il peut être amené à démarcher, se présenter et proposer ses services. En outre, comme il côtoie, dans l’exercice de ses fonctions, de nombreuses spécialités, il doit être vif d’esprit et s’adapter constamment. Liée au secret professionnel, la discrétion est, bien sûr, une caractéristique essentielle et indissociable de son métier. proposer des solutions adéquates, le conseiller doit pouvoir comprendre les problématiques de son client, souvent spécifiques, car liées à sa situation personnelle. Ce lien très proche lui demande d’être constamment proactif et disponible sur la durée. « Il y a des individus qui gèrent des fortunes depuis 2030 ans. Certains deviennent de véritables amis de la famille, à qui le client pose ses questions et confie ses doutes », affirme Annie Burton. « Nous sommes des conseillers privilégiés de nos clients. Ce qu’ils viennent chercher chez nous, c’est le conseil et l’expertise. L’émotionnel influence parfois leurs décisions. Notre rôle est de leur apporter un regard objectif et de proposer des solutions qu’ils n’avaient pas envisagées, qui correspondent au mieux à leurs attentes. C’est ça aussi qui crée une bonne relation », précise Claire Vallet.

Comme le banquier privé suit ses clients pendant des années, voire des décennies, il assiste en même temps à l’évolution de leur famille. Il voit les enfants naître, grandir, puis être invités à prendre part à la gestion du patrimoine familial. Tout au long de ce parcours, le banquier est présent pour apporter un conseil en structuration, visant la préservation et la transmission des actifs à la génération suivante. « Lorsqu’il y a des préoccupations liées à la transmission, dans un premier temps, il faut identifier les besoins du client, l’écouter, parler avec lui. Une fois que ces points sont clairs, on intègre les enfants dans la discussion pour que le choix des parents soit coopté par tout le monde. Cela évite les conflits et permet aux enfants de se sentir considérés. C’est très apprécié par les familles. Mon rôle est de les aider à construire leurs projets de vie. C’est très enrichissant », confie Claire Vallet.

Il arrive d’ailleurs que des banquiers privés prennent leur indépendance, afin de s’affranchir de certaines contraintes liées à une banque en particulier et de continuer à gérer

la fortune de leurs clients devenus fidèles. Depuis 2008, on a ainsi vu le nombre de sociétés de gestion de famille, les family offices, augmenter. Ces gestionnaires traitent directement avec la banque privée de leur choix et profitent d’une plus grande flexibilité.

2008 et 2020 : deux crises aux conséquences opposées 2008 et sa crise financière ont marqué un tournant dans le secteur du private banking, notamment au Luxembourg. « Certains banquiers privés n’étaient pas préparés. Beaucoup de choses ont été remises en question, comme la proposition de valeur et la qualité des intervenants. La levée du secret bancaire s’est accompagnée d’une évolution de la clientèle et de ses attentes », relate Annie Burton. La crise liée au Covid-19 est, quant à elle, d’une tout autre nature. Contrairement à 2008, elle a renforcé la confiance des clients envers leur banquier privé. Au niveau de l’activité de private banking d’ING, le Net Promoter Score – un indicateur mesurant la propension des clients à recommander le service –, déjà très élevé en 2019, a encore évolué positivement en 2020. « Personnellement, j’ai constaté une sorte de retour aux sources de la part de nos clients. Nous avons été à la fois proactifs et réactifs pour courtcircuiter un éventuel stress face à la situation et l’absence d’informations. Nous avons beaucoup communiqué », révèle Claire Vallet. Un ressenti aussi partagé par le groupe Société Générale. « 2020 a été une année durant laquelle le lien avec nos clients s’est énormément renforcé. Ils sont encore plus demandeurs de conseils et d’orientation. Les banques n’ont pas été perçues négativement. Au contraire, elles ont été vues comme des acteurs qui pouvaient

OLIVIER LECLER Directeur Société Générale Private Banking Europe (entités de Luxembourg, Suisse et Monaco)

Le Luxembourg s’est fait l’un des grands spécialistes de la gestion patrimoniale à l’international. »

apporter des solutions et aider les clients à s’adapter. On en sort avec des relations clients, dans l’ensemble, consolidées », déclare Olivier Lecler.

Le Luxembourg et son expertise en private banking Au Luxembourg plus qu’ailleurs, les clients sont internationaux. Leurs affaires sont menées dans différents pays, et leur nationalité, tout comme leur lieu de résidence, varie au cours de leur vie. Olivier Lecler, qui couvre trois entités de banque privée du groupe Société Générale – Luxembourg, Suisse et Monaco – sait de quoi il parle : « Majoritairement, nous nous adressons à une clientèle très haut de gamme, qui a généralement des besoins transfrontaliers. Lorsque vos activités se développent à l’international, que l’un de vos enfants s’installe dans un autre pays et que vous achetez une résidence secondaire à l’étranger, votre banquier doit pouvoir vous apporter des solutions internationales. » Claire Vallet fait le même constat au sein d’ING Luxembourg : « De plus en plus, les clients sont mobiles et ont des problématiques internationales. Il est de moins en moins courant d’être face à des personnes dont toute la famille réside dans le même pays. » Cette exposition internationale amène les banques à faire appel à des profils culturels variés. C’est le cas de Société Générale qui emploie, sur les trois entités citées plus haut, des collaborateurs de 29 nationalités différentes. Les banquiers doivent faire preuve d’une certaine adaptabilité culturelle en fonction des clients qu’ils ont en face d’eux. Les structures, de leur côté, doivent mener un travail d’intégration conséquent en interne. « Par exemple, si un banquier privé a un réseau en Arabie saoudite, il doit pouvoir compter sur une banque qui connaît cette culture, qui parle la langue. Certaines banques disposent de desks nationaux, d’autres possèdent une expertise orientée métier et sont plus étalées géographiquement », explique Annie Burton.

Ce multiculturalisme luxembourgeois a influencé l’évolution du métier. « Tous les marchés sont couverts en une seule Place. C’est assez extraordinaire, s’enthousiasme Claire Vallet. Le Luxembourg est au cœur de l’Europe, et l’expertise en matière de private banking s’y est considérablement développée au cours des dernières décennies. Ce pays a montré sa capacité à se réinventer et à s’adapter à un environnement changeant. Les règles sont assez constantes, et c’est confortable pour nos clients. »

En plus des connaissances de base propres à tout bon banquier privé, celui installé au Luxembourg doit maîtriser des compétences bien particulières. « Le Luxembourg s’est fait l’un des grands spécialistes de la gestion patrimoniale à l’international. À cette fin, la place financière s’est dotée d’un certain nombre d’outils – notamment autour de l’industrie des fonds – très adaptés à ce type de besoins, explique SES MISSIONS AU QUOTIDIEN

La mission première du private banker est de gérer le patrimoine et la fortune de ses clients. Des années durant, il les accompagne dans leurs projets de vie et suit l’évolution de leurs activités. Son quotidien ressemble un peu à celui d’un entrepreneur : il analyse et suit de très près les mouvements du secteur, entreprend, crée et développe. Toujours disponible pour ses clients, il est capable de les conseiller, de déterminer leurs besoins et de les aiguiller dans les décisions à prendre pour faire fructifier leurs avoirs. Marchés financiers, solutions d’investissement, crédits, gestion de patrimoine… sont autant de domaines qu’il doit maîtriser. Une grande partie de son temps consiste à se former et s’informer, afin de rester au courant de tout changement de loi ou de réglementation.

Olivier Lecler. Le panel de solutions qu’offre la Place luxembourgeoise est un réel atout, que le banquier privé doit maîtriser en plus des autres compétences traditionnelles propres au métier. »

Quel avenir pour le private banker ? Déjà très complexe, le métier de private banker est amené à devenir encore plus exigeant. La clientèle se montre plus pointilleuse, plus internationale et plus riche. « On est face à une sorte de concentration et d’augmentation de la taille des clients, commente Claire Vallet. Ici, le seuil de l’apport des clients en private banking a doublé depuis mon arrivée, il y a 12 ans. Une clientèle plus riche attend aussi des services plus poussés. Cette dynamique va, selon moi, se poursuivre. Je m’attends aussi à un environnement régulatoire encore plus contraignant. »

Selon Olivier Lecler, la dimension digitale du métier va également prendre une place importante. « Aujourd’hui, il est nécessaire que le banquier privé soit capable de s’appuyer sur toute une série d’outils digitaux, qui permettent, d’une part, de gérer la banque du quotidien (appui dans l’établissement de diagnostics, compréhension des situations, etc.) et, d’autre part, de mieux interagir avec le client, explique-t-il. Par exemple, les outils d’analyse statistique et d’intelligence artificielle doivent nous permettre d’identifier, et même d’anticiper, les besoins futurs du client pour les mois et les années à venir. On en est encore au début, mais cela va devenir un élément important au fil du temps. » Enfin, l’investissement responsable a de plus en plus de succès. Selon Olivier Lecler, « c’est devenu un critère. En tant que banque responsable, nous souhaitons ainsi offrir un large choix de solutions d’investissement responsable à nos clients. » Une corde de l’arc des private bankers qui tendra à se renforcer dans les années à venir.

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