ESG NOVEMBRE 2023
EILA KREIVI ET NANCY SAICH (BEI)
« Le défi climatique exige une action immédiate » FRÉDÉRIC VONNER (PWC)
« La transformation ESG, un enjeu collectif »
FLORIAN CZECH (CFL)
« Une meilleure compréhension des enjeux permet de soutenir l’action »
LAETITIA HAMON (LGX)
« Il ne devrait plus y avoir de déconnexion entre finance et finance durable »
See the whole picture Turn ESG complexity into opportunity.
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Édito #Durabilité
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L’enjeu dans l’ombre des PME Le prochain ministre de l’Économie devra sans tarder se saisir d’une problématique pas assez mise en avant : l’épineuse question du reporting ESG des PME luxembourgeoises. Que, techniquement, neuf des vingt plus gros employeurs luxembourgeois ne soient pas concernés par la directive européenne – pas encore en voie de transposition au Luxembourg – n’est qu’une anecdote, soulignée avant l’été par la House of Sustainability : car toutes les PME luxembourgeoises seront concernées par la « double matérialité » dès qu’elles seront dans la chaîne d’approvisionnement directe ou indirecte d’une entité visée par les mesures. Elles devront répondre à la question de savoir comment elles peuvent être affectées par l’environnement et comment elles exercent une influence sur l’aggravation des problèmes environnementaux dans un rapport spécifique établi par un professionnel. Non seulement ces PME devront avoir en tête le risque réputationnel lié à un de leurs gros clients vis-à-vis de la société, mais aussi de marché dans la chaîne de valeur et vis-à-vis de leurs banquiers, eux-mêmes soumis à ces obligations ; mais elles vont devoir y consacrer de nouveaux moyens financiers (et humains) dans un contexte de marge bénéficiaire très faible et amputée encore par l’indexation à répétition et l’inflation. Dans un avis rendu fin septembre, la Fedil appelle le gouvernement à y aller mollo avec la transposition de cette directive. Une sorte de retour du célèbre mantra luxembourgeois – « La directive, toute la directive, mais seulement la directive » – en même temps que celui d’une expression usée comme un fond de culotte depuis une dizaine d’années – le « level playing field » – parce que ces obligations pourraient donner au marché des informations sensibles de nature à perturber les acteurs luxembourgeois dans une compétition sinon mondiale, du moins européenne. Rédacteur en chef ad interim THIERRY LABRO
NOVEMBRE 2023 ESG
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Sommaire ESG Novembre 2023
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10 NANCY SAICH ET EILA KREIVI
« Le défi climatique exige une action immédiate » 20 LAETITIA HAMON
La BEI est très impliquée, expliquent la chief climate change expert Nancy Saich et la chief sustainable finance advisor Eila Kreivi.
« Il ne devrait plus y avoir de déconnexion entre finance et finance durable » 30 ORGANISATION
INTERGOUVERNEMENTALE
Soutenir la croissance durable des pays émergents 32 OBLIGATIONS VERTES
Le capital privé au service de la transition des pays émergents
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« Aujourd’hui, les entreprises prennent conscience que leur vie et leur survie ne dépendent pas seulement de leur rentabilité », Frédéric Vonner (PwC).
34 LABELLISATION
« Chacun a son rôle à jouer dans cette période » 38 INVESTISSEMENTS
L’importance de la philanthropie pour une société durable
Photos
Guy Wolff et Romain Gamba
40 RÉGLEMENTATION
Greenwashing : dis-moi quel est ton nom 44 CSSF
En faveur d’une réglementation harmonisée
50 NICOLETTA CENTOFANTI
62 DES SYNERGIES À INVENTER
52 FRÉDÉRIC VONNER
64 FLORIAN CZECH
« Développer des synergies »
« La transformation ESG, un enjeu collectif » 58 START-UP
Trois jeunes pousses au cœur de l’ESG
La transition durable doit être plus ambitieuse « Une meilleure compréhension des enjeux permet de soutenir l’action » 70 FORECAST
L’engagement ESG des entreprises
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Radiographie
Comment évolue le marché des obligations durables À travers le Luxembourg Green Exchange ou encore le LGX DataHub, la Bourse de Luxembourg permet de mieux rendre compte du développement des obligations vertes, qu’elles soient listées au Luxembourg ou ailleurs dans le monde. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
Nombre total d’obligations durables du LGX Les obligations durables comprennent les obligations vertes, sociales et liées à la durabilité (données à la fin de l’année).
En 2016, la Bourse de Luxembourg lançait le Luxembourg Green Exchange (LGX), une plateforme affichant les obligations vertes, sociales et durables listées auprès de l’institution. Cette année-là, les obligations affichées sur LGX représentaient moins de 1 % de toutes celles émises au niveau de la Bourse de Luxembourg sur une année. En 2022, elles représentaient presque 20 %, soit 930 milliards d’euros au total. Depuis le lancement de cette plateforme, le nombre d’obligations vertes qui y sont affichées a été multiplié par 16, passant de 109 à 1.753 en août 2023. Cela fait de LGX la première plateforme mondiale pour la finance durable.
2.000 1.753
1.500 1.234
585 500
109
2016
6
ESG NOVEMBRE 2023
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Août 2023
0
Luxembourg Green Exchange
1.000
Source
Première plateforme mondiale de finance durable
Confiance Les émetteurs qui font le choix du Luxembourg pour lister leurs obligations proviennent des quatre coins du monde. Ils viennent chercher la confiance que les investisseurs placent dans les produits affichés sur LGX, liée notamment aux critères d’exigence auxquels il faut répondre afin de pouvoir y être repris.
Nombre d’émetteurs et d’obligations par pays en Europe Royaume-Uni 287 obligations 102 émetteurs Irlande 65 obligations 18 émetteurs
930 mrds€
Luxembourg 218 obligations 48 émetteurs
Suède 903 obligations 138 émetteurs
Belgique 70 obligations 26 émetteurs
France 778 obligations 121 émetteurs
Allemagne 879 obligations 83 émetteurs
Le volume d’actifs investis dans des obligations vertes, sociales ou durables affichées au niveau du Luxembourg Green Exchange avoisine désormais les 930 milliards d’euros.
Les obligations vertes, durables, sociales ou liées à la durabilité, émises à travers le monde Durabilité 2.476 obligations / 792,07 mrds €
Social 1.856 obligations / 628,39 mrds €
En lien avec la durabilité 586 obligations / 237,76 mrds €
Green 7.487 obligations / 2.221,68 mrds €
Les données de l’ensemble du marché Au-delà du Luxembourg Green Exchange, la Bourse de Luxembourg a mis en place une base de données reprenant des informations relatives à toutes les obligations vertes, durables, sociales ou liées à la durabilité, émises à travers le monde. La démarche doit permettre aux investisseurs de plus facilement comparer les produits proposés sur le marché à partir de nombreuses variables afin de se faire une opinion sur la qualité de ceux-ci. On y retrouve des données sur plus de 12.000 obligations proposées par plus de 2.800 émetteurs représentant des investissements avoisinant les 3,880 milliards d’euros.
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Matthew Welch, Responsible Investment Specialist at DPAM.
ESG Funds
While climate-related issues have been the focus of ESG in recent years, social issues are growing in importance, both for regulators and investors. Traditional ESG approaches provide the foundation for proper due diligence, but a systemic social risk approach can ensure that negative social impacts are scrupulously managed. 8
ESG NOVEMBRE 2023
Which upcoming regulations and treaties relate to the social element of ESG? We will likely soon see the Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), which is replacing the NonFinancial Reporting Directive (NFRD). This will push companies to report based on double-materiality assessments. Another directive is the Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), which is still under development. Under this, businesses will have to map and address the adverse social impacts of their activities, including those generated by their supply chains.
Simon Verjus
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Photo
The “social” in ESG takes centre stage
Corporate materiality analyses show a growing interest in social issues bolstered by regulators that broaden their reach in these areas. This shift was instigated by Covid and the issues it brought to the fore, but also by global discussions about racism, gender equality, and sexual harassment. Stakeholders see the interconnectedness between public health, social issues, and business continuity.
BRAND VOICE
One regulation which is already in force is the Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), which includes minimum social safeguards in the environmental taxonomy and the principal adverse impact statement. These compel asset managers to put pressure on investee companies to better perform on specific social indicators. Have external factors prompted the shift in focus toward social issues? Yes, conflicts spark interest in social considerations and inspire new rules. Two such cases are the coup in Myanmar and the conflict in the Democratic Republic of Congo, especially in the sector of mineral extraction, as in the latter case. We can also see how geopolitical tensions rose between the United States and China due to the passage of the Uyghur Forced Labor Prevention Act, which prohibits the import of products from Xinjiang into the US unless it can be demonstrated that forced labour was not used. How do traditional ESG approaches still play a role in screening out players with poor ESG ratings? Traditional ESG approaches are still the foundation for proper due diligence in investing. These include normative screenings that follow the compliance with Global Standards, such as the UN Global Compact Principles, or behavioural screenings that assess a company’s past controversies. Activity screenings are done to exclude companies involved in controversial activities, such as coal extraction. We also conduct what are called positive screenings. Under these, companies in a given industry are rated based on their ESG performances, and the bottom performers are excluded. Which best practices do you advise to avoid investing in companies with lower credentials? On top of the traditional due diligence, we strongly advise taking a systemic screening approach. Some companies, which seem to perform well in ESG, might still lack certain policies related to due diligence or human rights,
“ On top of the traditional due diligence, we strongly recommend a systemic screening approach.”
BEST PRACTICES FOR A SYSTEMIC SOCIAL RISK APPROACH
Look beyond traditional external providers When it comes to ESG analysis, some providers tend to carry out tick-the-box exercises that lack insight. It is therefore helpful or even necessary to solicit help from NGOs or other organisations with a deeper knowledge of a particular industry.
Matthew Welch Responsible Investment Specialist, Degroof Petercam Asset Management
and even fall through the cracks of traditional ESG providers and fail compliance with the UN Global Compact Principles. Also, some traditional ESG providers might not have sufficient knowledge of salient human rights issues in a particular industry to properly assess a company’s actions. At Degroof Petercam Asset Management (DPAM), we apply systemic screening throughout the company. We closely adhere to the UN Guiding Principles for Businesses and Human Rights, under which three pillars specify the role of the state and businesses in respect of human rights. We carry out a top-down analysis of high-risk sectors that might have a negative impact on human rights, and then we conduct a bottom-up analysis on the companies in these sectors. We state our concerns, discuss these and engage with management. Together with other investors we try to improve companies’ human rights commitments and their due diligence. This is how DPAM shows its commitment to ESG, human rights, and the social well-being of those impacted by companies in which we invest.
MORE INFORMATION WWW.DPAMINVESTMENTS.COM
Focus on salient human rights Understanding the social and political contexts in which companies operate is key. That way, you will be able to narrow your focus and really understand and assess the salient human rights issues at stake in certain high-risk industries.
Work with stakeholders and set up a process Talk with affected stakeholders in a certain industry. Follow the UN principles and set up a policy, a due diligence, and a remedy to actually address a problem. You can do that directly or communicate with groups that represent stakeholders.
Join forces with other investors Like-minded investors can get together and voice their expectations of companies, thus changing the companies from within. Principles for Responsible Investment (PRI) recently launched an initiative called Advance, which does just that.
NOVEMBRE 2023 ESG
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Conversation Nancy Saich et Eila Kreivi
« Le défi climati exige une acti immédiate» En se positionnant comme « la banque européenne du climat », la Banque européenne d’investissement (BEI) a fait du financement et de l’accompagnement de la transition « durable » sa priorité. Sa chief climate change expert, Nancy Saich, et sa chief sustainable finance advisor, Eila Kreivi, font le point sur les enjeux. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
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ESG NOVEMBRE 2023
Portrait GUY WOLFF
tique tion
À gauche, Eila Kreivi ; à droite, Nancy Saich.
Conversation Nancy Saich et Eila Kreivi
Pouvez-vous nous expliquer comment encore des prêts, mais aussi les départela Banque européenne d’investissements internes, comme la gestion des resment (BEI) s’est transformée afin de se sources, le reporting ou la gestion des positionner comme « la banque eurorisques… Cela a constitué un changement péenne du climat » ? radical, que je n’aurais pas pensé possible Nancy Saich (N. S.) Il y a beaucoup de quelques années avant. Tout le monde s’est choses à dire à ce propos. Remontons à accordé à mettre en œuvre la Climate Bank 2015 et à l’appel lancé aux banques multi- Roadmap que nous avons fixée à l’époque, latérales de développement en perspective dont la mise en œuvre s’étend jusqu’en de la COP21 afin de voir comment elles 2025. Celle-ci vise à mobiliser un millier pourraient contribuer aux négociations qui de milliards d’euros d’investissements pour allaient avoir lieu à Paris. La BEI décide le climat et la durabilité environnementale alors de se doter d’une stratégie climat, sur la décennie actuelle (2021-30). qu’elle a pu présenter avant la COP, dans la continuité des nombreuses actions qu’elle Si 2015 semble constituer un tournant avait déjà menées dans le domaine de la majeur en faveur d’une finance finance verte, durable ou responsable, et ce plus durable, la BEI a commencé bien avant 2015. Cette stratégie sur cinq ans, à s’intéresser à ces enjeux bien avant… appelée EIB Climate Strategy, et mise en Pouvez-vous expliquer ce qui a conduit œuvre entre 2016 et 2020, a placé les enjeux à l’émission d’une première obligation climatiques et environnementaux vraiment verte dès 2007 ? au cœur de nos préoccupations. En 2019, Eila Kreivi (E. K.) À l’époque, lorsque Emmanuel Macron et d’autres ont l’Union européenne avait placé lancé un appel à la création d’une banque les enjeux relatifs au dérèglement européenne du climat, nous nous sommes climatique sur sa liste des priorialors interrogés. Nous nous sommes dit : tés, avec une réelle volonté de «Mais, c’est ce que nous sommes, c’est ce que contribuer au développement des nous faisons déjà ! » Nous émettions des énergies renouvelables et d’améobligations vertes, avec un focus particulier liorer l’efficacité énergétique à sur les enjeux climatiques. Cette démarche travers l’ensemble de l’économie, se traduisait aussi au niveau de notre poli- et plus généralement de la société. EILA KREIVI tique de prêts. Nous avions mis en œuvre Sans que cela n’émane d’une des standards et augmenté nos objectifs de demande extérieure, nous avons financement pour l’action climatique en commencé à réfléchir à la vue de répondre efficacement à ces défis. manière dont nous pouvions mobiliser des Nous sommes alors sortis du bois. capitaux privés pour soutenir ces enjeux, à travers des produits adaptés à ces besoins Quelle était la demande associée spécifiques de financement. C’est de cette à cet appel à la création d’une banque réflexion qu’est née la première obligation européenne du climat ? Et comment verte, listée d’ailleurs à la Bourse de y répondez-vous ? Luxembourg. Certes, l’ambition était N. S. L’un des enjeux est de parvenir à encore éloignée de celle que poursuit la mobiliser les financements nécessaires BEI aujourd’hui. Il s’agissait de donner un pour atteindre les objectifs de l’Accord de signal, de montrer la direction. Toutefois, Paris. Cela implique d’être aligné sur ces cette première obligation verte avait objectifs et les principes qui vont avec, à quelque chose de révolutionnaire. Pour la travers l’ensemble de nos activités de première fois, un émetteur devait dire à financement. C’est le tournant que nous quoi allaient servir les fonds levés, détailavons pris dès 2019, avec la décision de ler l’impact vert du projet mené. Pour devenir la première banque multilatérale concrétiser cela, il a été nécessaire de de développement intégralement alignée mettre en place de nouvelles procédures et avec les objectifs de l’Accord de Paris. On exigences au niveau de la banque, afin de a alors vu toute la banque se mobiliser pouvoir rendre compte des projets finanautour de cette ambition, au niveau des cés. Si cela semble aller de soi aujourd’hui, équipes en charge des investissements ou à l’époque, c’était vraiment révolutionnaire.
« Il faut être clair sur le rôle de ces obligations vertes.»
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ESG NOVEMBRE 2023
STOCKS D’OBLIGATIONS VERTES ÉMISES EN 2022 (% DU PIB NATIONAL) La Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Grèce, la Croatie, Chypre, Malte, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et la Finlande n’avaient pas émis d’obligations vertes à la fin de l’année 2022.
4%
4%
3,1 % 3% 1,9 % 2 % 1,7 %
1,7 %
1,6 % 0,6%
1%
0,6%
Comment l’activité autour de ces premiers fonds verts ou durables s’est-elle développée ? E. K. La croissance de l’activité a été relativement lente durant les six premières années. On a vu l’intérêt pour ces produits croître avec le développement des principes entourant ces produits et l’adoption d’une régulation de plus en plus importante autour de la finance durable. Les investisseurs européens, du Benelux, de France ou encore de Suède, sont les premiers à s’être engagés dans cette voie, avec la volonté de montrer qu’ils soutenaient ces enjeux de durabilité. Toutefois, il faut être clair sur le rôle de ces obligations vertes et le soutien de la banque aux projets de transition durable. Notre engagement ne dépend pas de l’intérêt des investisseurs pour ces produits. La volonté est de soutenir des projets de transition, quel que soit le levier par lequel les capitaux ont pu être mobilisés, à travers des obligations vertes ou d’autres produits. Les obligations vertes ou durables que nous avons mises en œuvre sur le marché constituent, d’une part, un outil de
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Source
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0,1 %
communication autour de ces enjeux et, table deux représentantes de parties de la d’autre part, un outil garantissant une trans- banque qui n’avaient pas l’habitude de traparence accrue aux investisseurs grâce à des vailler ensemble, du moins jusqu’en 2007. critères clairement établis. Appréhender ces enjeux en interne n’avait rien d’évident. Cela a exigé un rapprocheL’effet que cela a induit, ment des équipes, à savoir les collaborateurs cependant, n’est pas anodin ? qui étaient plus orientés vers les aspects E. K. À partir du moment où l’on s’en- techniques, les experts des enjeux environgage en faveur d’une plus grande transpa- nementaux et sociaux, et celles et ceux rence, il n’est pas possible de revenir en occupés sur les métiers de la finance. Nous arrière. C’est le pilier de la stratégie que avons dû apprendre à travailler ensemble, à nous avons choisi pour avancer dans cette comprendre les enjeux et besoins des uns direction, en disant et en démontrant à quoi et des autres. Ce rapprochement est la clé allait servir l’argent. Au niveau de notre ins- du succès. On voit aujourd’hui que des titution, cela a rapproché les équipes. Avec logiques similaires de rapprochement l’émission de ces obligations, notre équipe s’opèrent au niveau des sociétés qui a été amenée à travailler avec l’équipe de émettent des obligations durables par Nancy, pour connecter les flux de finance- exemple, afin qu’elles puissent rendre ment à des projets, évaluer les impacts, faire compte des impacts durables. remonter l’information. E. K. Pour mobiliser les capitaux au service de la transition, vous devez vous Au niveau de l’organisation de la appuyer sur une connaissance approfondie banque elle-même, qu’est-ce que ce du marché des capitaux, pour bien identichangement de paradigme implique ? fier les attentes des investisseurs. Mais vous N. S. C’est un point très intéressant. devez aussi être capable de répondre aux Pour cette interview, vous avez autour de la questions de ces investisseurs, qui sont de NOVEMBRE 2023 ESG
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Conversation Nancy Saich et Eila Kreivi
plus en plus précises. Pour cela, il vous faut une expertise, des procédures, des standards qui garantissent de pouvoir leur fournir les éléments qu’ils requièrent, vous assurer que les informations transmises sont robustes. Dans cette optique, nous avons aussi été les premiers à soumettre à un audit externe le framework associé à nos obligations durables – le document déterminant les objectifs associés à l’obligation, son fonctionnement et les impacts attendus. Cela n’avait jusqu’alors jamais été envisagé. Mais nous avons souhaité démontrer que c’était possible et que cela répondait aux attentes des investisseurs.
sion nette des entités non étatiques ». Les recommandations étaient claires : la première des choses à ne pas faire, si vous voulez atteindre cet objectif en 2050, est de prétendre être net zéro tout en continuant à construire ou à investir dans de nouvelles sources d’énergie fossile. La transition doit dès lors prendre un tournant plus radical… E. K. Nous n’avons plus le loisir d’attendre, de repousser l’action. Si Paris fixe des objectifs à 2050, cette décennie est décisive. Au niveau de la BEI, l’ambition est que, à compter de 2025, plus de 50 % de nos financements annuels soient consacrés à l’action climatique et à la durabilité environnementale (et ça a déjà été le cas en 2022). Et par ailleurs, tous les autres financements liés à notre mission de soutenir les priorités et les objectifs de l’UE devront être parfaitement alignés sur les objectifs de l’Accord de Paris. N. S. La problématique et les tergiversations actuelles autour du net zéro sont révélatrices de la manière avec laquelle les acteurs appréhendent les enjeux. Se fixer un objectif de neutralité carbone est une bonne chose, quel que soit l’horizon de temps. Cependant, cet objectif plus ou moins lointain ne signifie pas que cela nous laisse du temps avant d’agir. L’enjeu, c’est de maintenir le climat à un niveau acceptable pour l’humanité et le vivant. Pour cela, la hausse de la température moyenne globale doit être maintenue sous la barre de 1,5°C. Au-delà, on s’expose à des risques critiques. Sachant cela, il faut que chacun comprenne ce que cela implique concrètement. Premièrement, cela signifie que nous devons atteindre notre pic d’émission d’ici 2025, au niveau mondial. Deuxièmement, que nous devons parvenir à réduire de moitié nos émissions globales d’ici 2030. Or, actuellement, les émissions suivent encore et toujours une courbe ascendante. Autrement dit, la décennie actuelle est critique et il faut agir sans attendre. L’objectif net zéro ne pourra être atteint que si on agit maintenant, en évitant toute émission nouvelle de CO2 dans l’atmosphère.
« Nous veillons à ce que chaque projet soutenu ne nuise pas à l’Accord de Paris.» NANCY SAICH
In fine, l’enjeu est de soutenir la transition, de répondre aux objectifs climatiques. Comment cet objectif est-il appréhendé à travers vos financements ? N. S. La banque du climat, en effet, doit soutenir sans compromis les objectifs de l’Accord de Paris. Cependant, la banque ne finance pas uniquement des projets visant à réduire les émissions ou à préserver la biodiversité. Nous avons par exemple lancé des obligations à caractère durable, qui soutiennent des projets à visée sociale, dans le domaine de la santé ou de l’éducation par exemple, pour lesquels nous sommes sollicités. Nous entendons continuer à soutenir de tels projets, en lien avec les objectifs de développement durable des Nations unies. E. K. Veiller à ce que chaque projet ne nuise pas à l’Accord de Paris est un enjeuclé. Lors de la dernière COP, à Charm el-Cheikh, il y a eu des discussions intéressantes au sujet du rapport du « Groupe d’experts de haut niveau (des Nations unies) sur les engagements de zéro émis14
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QUATRE GRANDS AXES DE TRAVAIL POUR 2021-2025 Dans sa feuille de route pour son rôle de banque du climat 2021-2025, la Banque européenne d’investissement met en avant quatre principaux axes de travail: • Accélérer la transition grâce à la finance verte • Assurer une transition juste pour tous • Renforcer la cohérence stratégique et la responsabilité • Soutenir les opérations conformes à l’Accord de Paris
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Conversation Nancy Saich et Eila Kreivi
En même temps, c’est une transformation complexe à aborder… E. K. Si la finance durable est importante, si nous avons besoin de standards pour bien appréhender la transition et son financement, ce n’est pas nous qui portons directement les projets, mais les pays, les villes, les sociétés. La transformation que nous devons opérer est majeure. Elle implique de mettre en œuvre de nouvelles infrastructures, d’investir dans la R&D, d’abandonner certaines activités, liées aux énergies fossiles par exemple, de développer de nouveaux modèles autour des principes d’économie circulaire. Ces changements doivent pouvoir être appréhendés dans leur globalité, en tenant compte des impacts collatéraux, pour les populations vivant dans des régions minières par exemple. Nous sommes là aussi pour accompagner ces enjeux, à travers le financement de projets qui ne relèvent pas directement d’activités durables, selon la définition qu’en donne la taxonomie verte. Mais comment accélérer le changement ? N. S. Nous agissons aussi comme des conseillers auprès d’une grande variété d’acteurs. Au niveau de l’activité Capital market par exemple, nous accompagnons des pays, des sociétés ou encore des institutions financières qui souhaitent émettre des obligations vertes. D’un autre côté, nous agissons aussi auprès des acteurs qui envisagent la transition sur le terrain, avec un service de conseil, afin de leur permettre de définir des projets qui répondent à l’enjeu climatique. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que les projets verts ou durables viennent à nous. Notre expertise, nos connaissances de ces enjeux, aujourd’hui, sont partagées. Cette transition comporte son lot de risques et d’opportunités. Les acteurs économiques et publics en ont-ils suffisamment conscience ? N. S. Autour de l’Accord de Paris, il faut considérer deux volets. D’une part, il s’agit de réduire le risque climatique, en minimisant ou neutralisant les émissions de CO2. D’autre part, il s’agit aussi d’adapter nos sociétés au regard des risques climatiques auxquels nous sommes exposés. S’engager dans la transition, c’est aussi veiller à ren16
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forcer sa résilience. Aujourd’hui, beaucoup des projets que nous finançons concernent la réduction des risques climatiques. Nous pensons que des efforts supplémentaires doivent être entrepris en matière d’adaptation, en vue de renforcer notre résilience. E. K. Au niveau financier, il y a lieu aussi d’accompagner les acteurs face aux risques inhérents aux changements à venir. L’introduction d’un coût carbone, par exemple, peut avoir un impact non négligeable sur des modèles existants, certaines valorisations. Les institutions financières doivent s’y préparer, envisager des scénarios qui tiennent compte de ces éventualités, pour mieux comprendre comment elles doivent évoluer, afin notamment de garantir la résilience de nos sociétés. Il est vrai, d’autre part, que si les transformations à mener impliquent d’arrêter certaines activités, avec la disparition de certains emplois, elles sont aussi porteuses d’opportunités pour l’économie. Cette transition sera créatrice d’emplois. Elle doit permettre de développer de nouveaux modèles porteurs pour l’avenir. Il y a des opportunités économiques associées à ce changement, bien qu’il soit complexe à appréhender. On parle souvent des pertes, des dommages associés au dérèglement climatique. Pour ma part, je pense qu’il ne faudrait pas parler du coût de la transition, mais bien d’investissement. Nous avons beaucoup parlé de climat, de social. Le BEI a-t-elle pris des engagements en matière de préservation de la biodiversité ? N. S. On ne peut viser de façon crédible 1,5 °C si on ne prend pas au sérieux la protection de la nature ainsi que l’arrêt de la perte de biodiversité et l’inversion de ce phénomène. C’est un enjeu critique. Nous ne pourrons pas relever le défi climatique, et sauver l’humanité, sans investir massivement dans la préservation de la nature et des espèces. Ces enjeux sont donc aussi pris en compte au niveau de nos politiques, investissements et opérations. L’année dernière, nous avons même renforcé nos normes en matière de biodiversité et d’écosystèmes, en passant d’un objectif de «pas de perte nette» à un objectif de « pas de perte » de biodiversité dans les opérations que nous finançons.
BRAND VOICE
Immobilier
Créer des projets mixtes et durables
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Dans un secteur immobilier mouvementé, certains font le choix de mêler résidentiel, retail et office avec une forte couche d’ESG pour répondre aux attentes des occupants toujours plus attentifs à la notion de durabilité. Issue de la fusion de deux acteurs de l’immobilier, Nextensa s’inscrit dans cette démarche. Il y a deux ans, le fonds coté en bourse Leasinvest et le développeur Extensa, deux sociétés immobilières appartenant au groupe d’investissement Ackermans & van Haaren, fusionnaient. De cette union est née Nextensa, qui permet de combiner les revenus locatifs récurrents des investissements immobiliers avec le potentiel de gains en capital des activités de développement. «Nous avons fusionné pour des raisons stratégiques notamment. Nous souhaitions élargir nos activités mêlant bureau et retail dans le but de créer des projets mixtes intégrant également du résidentiel. Nous voulions aussi avancer sur le volet durabilité avec un exemple majeur, le site Tour & Taxis à Bruxelles où nous avons recyclé d’anciens bâtiments pour y intégrer les installations les plus modernes et ajouté de nouveaux immeubles. Nous sommes heureux de cette décision, car la durabilité est clé dans le financement de projets», explique Michel Van Geyte, CEO de Nextensa. 18
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La création de Nextensa a également insufflé d’une autre dynamique dans les équipes avec un nouveau management, l’arrivée de récents collaborateurs, amenant une vague de changements positifs. « Dans le contexte actuel, il faut être plus flexible et s’adapter au marché. Nous avons aujourd’hui les outils pour le faire », se réjouit William Moulin, head of Luxembourg. Faire évoluer le marché grâce à des projets ambitieux Également active en Belgique, Nextensa a développé une stratégie audacieuse. « Le monde a évolué ces dernières années. Il y a toutefois une opportunité à saisir: l’ESG. Nous observons que les entreprises intègrent ce volet dans leurs KPI. Elles décident donc de rénover leur bâtiment ou de chercher un immeuble à zéro émission de carbone ou à énergie négative. Les immeubles verts et durables sont privilégiés. Il est donc important pour nous
Knauf Shopping Schmiede Il y a cinq ans, Nextensa a décidé de faire de ce centre commercial, situé aux frontières de trois pays, une véritable destination et de lui donner un second souffle. L’ambition était de faire vivre une expérience aux visiteurs avec des divertissements, un food court, etc. Au cours des travaux, le centre est resté ouvert. Les marques ont, quant à elles, évolué.
« La durabilité est clé dans le financement de projets. » Michel Van Geyte CEO Nextensa
« Le parc luxembourgeois est vieillissant, il existe donc de nombreuses opportunités de développement. »
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Marie Russillo (Maison Moderne)
William Moulin Head of Luxembourg Nextensa
Moonar Cette rénovation en site occupé est un challenge. Avec ce complexe de six immeubles (cinq lui appartenant) autour d’une esplanade, Nextensa souhaite mettre en avant l’aspect social, en nommant un community manager et en intégrant des services distincts dans chaque immeuble : (fitness, pop up room, game room, brainstorm room conciergerie etc…). Une approche qui encourage les interactions.
d’analyser notre portefeuille. En ce qui concerne les futurs bâtiments, je suis optimiste », déclare le CEO. La stabilité et l’attractivité du pays sont des atouts aux yeux de l’entreprise. « Avancer dans nos projets mixtes avec cette notion ESG est indispensable. Cette dernière va jouer un rôle dans la prise de décision des occupants. Le parc luxembourgeois est vieillissant, il existe donc de nombreuses opportunités de développement. Notre ambition est de repositionner notre portefeuille d’actifs pour qu’il réponde aux besoins et habitudes de demain », précise William Moulin, dont l’arrivée chez Nextensa s’intègre également dans la stratégie. Le développement du quartier de la Cloche d’Or, dont Nextensa est un partenaire financier, illustre ces ambitions, comme l’explique Michel Van Geyte. « La force de ce quartier est sa mixité avec la présence d’un centre commercial, d’une école, de services publics, d’un parc avec un couloir écologique, mais aussi d’immeubles résidentiels et de bureaux.
Il s’agit d’un exemple d’extension de ville bien équilibrée qui répond aux besoins des résidents et entreprises. » De nouveaux challenges pour améliorer le bien-être des occupants Au nord du pays comme dans la capitale, Nextensa multiplie les projets en se concentrant aussi sur les volets « social » et « gouvernance » de l’ESG. Le Knauf Shopping à Schmiede et le complexe Moonar près de l’aéroport en sont de parfaits exemples.
POUR EN SAVOIR PLUS, RENDEZ-VOUS SUR WWW.NEXTENSA.EU
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Conversation Laetitia Hamon
« Il ne devrait plus y avoir de déconnexion entre finance et finance durable» Le Luxembourg Green Exchange joue un rôle actif pour engager la transformation du secteur financier dans son ensemble depuis 2016. La head of sustainable finance, Laetitia Hamon, revient sur cette épopée et évoque les défis à venir. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
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Portrait ROMAIN GAMBA
Le LGX a suscité un intérêt considérable, selon la head of sustainable finance Laetitia Hamon.
Conversation Laetitia Hamon
En 2016, il y a sept ans déjà, la Bourse de Luxembourg lançait le Luxembourg Green Exchange (LGX), se positionnant comme pionnière en matière de finance durable. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a conduit votre institution à prendre une telle initiative ? Ce lancement est intervenu juste après 2015, année charnière pour le développement de la finance durable. D’une part, les Nations unies venaient de définir les 17 objectifs de développement durable. D’autre part, 2015 est également l’année de l’accord de Paris. Un nouvel horizon, avec des objectifs ambitieux en matière de développement durable, se présentait à nous. La Bourse s’est alors demandé comment elle pouvait contribuer à la transition à mener. Nous sommes partis du constat que nous avions déjà des obligations vertes listées à la Bourse, et notamment la première obligation verte émise par la Banque européenne d’investissement (climate awareness bond) en 2007 ainsi que celle de la Banque mondiale émise l’année suivante. En 2016, environ 50 % du marché des obligations vertes étaient listés chez nous.
Une société, un État, une ville ou encore une banque de développement peut se tourner vers le marché des capitaux afin de pourvoir à ses besoins de financement. De manière générale, cependant, on ne sait pas ce qu’une entité va financer en émettant une obligation. Lorsque l’on parle d’obligations vertes, par contre, il devient important d’expliquer au départ dans quel projet on va investir les capitaux qui ont pu être levés et, si on y arrive, quels seront les impacts générés par ce projet. Au-delà, il convient aussi de s’assurer que les fonds mobilisés seront bien alloués à l’objectif annoncé.
« Le LGX contribue à la visibilité et à la crédibilité des émetteurs d’obligations durables. »
Quels types de projets financent les obligations aujourd’hui affichées au LGX ? On y trouve des obligations vertes, les premières que nous avons affichées, qui financent des projets environnementaux. Le plus souvent, elles con cernent le développement des énergies renouvelables ou Vous étiez déjà une bourse verte, encore des projets d’efficacité en fait… énergétique. Rapidement, d’autres types Oui. Mais, à l’époque, nous n’avions pas d’obligations ont intégré la plateforme, dans encore de critères permettant de définir ce une approche de développement durable. qu’était une obligation verte. En dehors des D’un côté, il y a des obligations sociales, Green Bond Principles de l’International orientées vers des investissements à caracCapital Market Association, aucun critère tère social, comme des projets dans le secn’avait été établi pour reconnaître une obli- teur de la santé ou de l’éducation, la créagation verte. C’est à l’époque qu’un groupe tion d’emplois ou encore de logements de travail, au sein de la Bourse, a trouvé accessibles. D’un autre côté, il y a des obliopportun de créer le Luxembourg Green gations durables, qui visent des projets Exchange, qui est une plateforme qui sociaux et/ou environnementaux. Pour ces affiche les obligations vertes, sociales et trois premières catégories, l’allocation des durables listées chez nous. L’objectif était fonds est déterminée pour un projet défini. double. D’une part, il s’agissait de mettre en Il existe une quatrième catégorie d’obligaavant ces obligations et d’aider les investis- tions affichée au LGX: les obligations liées seurs à trouver plus facilement ces produits. au développement durable. Pour celles-ci, D’autre part, la volonté était de donner de l’allocation des fonds n’est pas associée à la visibilité et de la crédibilité aux émetteurs, un projet. L’émetteur s’engage sur des à travers l’établissement d’un ensemble de objectifs à atteindre. Par exemple, une critères de transparence auxquels il faut société active dans l’énergie peut émettre répondre pour être admis au LGX. une obligation liée au développement durable en s’engageant à atteindre une Pouvez-vous nous rappeler réduction de 20 % de ses émissions d’ici ce qu’est une obligation verte ? 2050 (avec un objectif intermédiaire à Une obligation, avant toute chose, est une 2030). Mais ces objectifs peuvent concerdette que tout type d’entité peut émettre. ner d’autres dimensions, comme l’égalité
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COOPÉRATION La Bourse de Luxembourg, forte de son expérience autour de l’émission des obligations durables, agit auprès de nombreux pays émergents dans une démarche de coopération. Particulièrement touchés par les impacts climatiques, ces pays doivent mobiliser des moyens importants pour, notamment, atténuer les risques. La Bourse de Luxembourg, dès lors, leur apporte une assistance technique, partageant avec eux ses connaissances, son expertise et des cas pratiques pour les aider à émettre des obligations durables de qualité et accéder aux financements nécessaires à la réalisation de leur projet.
des genres. Par exemple, les entreprises qui émettent ce genre d’obligations peuvent s’engager à augmenter le ratio de femmes dans leurs organes de décision. Que se passe-t-il si l’objectif annoncé n’est pas atteint ? L’objectif étant défini au niveau de la documentation légale associée à l’obligation, s’il n’est pas atteint, l’émetteur sera sanctionné par des pénalités, elles aussi prévues. Le plus souvent, il s’agit d’une augmentation du coupon payé aux investisseurs. À quels critères de transparence faut-il répondre afin de pouvoir être affiché au LGX ? Un préalable, avant d’évoquer les critères, réside dans le fait que l’obligation émise doit être listée sur un des deux marchés que propose la Bourse de Luxembourg ou qu’elle doit être reprise sur la liste officielle. À partir de là, on peut prétendre à être affiché au LGX pour peu que l’obligation réponde à un ensemble de critères de transparence. Nous allons, notamment, vérifier si l’émetteur a bien produit un ensemble de documents. À travers l’un d’eux, appelé framework, l’émetteur va devoir expliquer comment il va utiliser les fonds levés,
comment il va sélectionner les projets qui seront financés, comment il va s’assurer que les fonds sont bien tracés jusqu’aux projets. Il doit aussi expliquer de quelle manière il va rendre compte de l’allocation effective des fonds et, éventuellement, de l’impact généré par le projet. Au niveau du LGX, nous allons également exiger que ce document essentiel, qui explique la démarche, soit vérifié par un second-party opinion provider, un expert qui va pouvoir vérifier si ce qui est écrit est bien aligné avec des standards internationaux, et qui va donner une opinion – accessible, elle aussi, aux investisseurs. Enfin, pour le LGX, nous exigeons que l’émetteur s’engage à fournir un reporting post-émission de l’obligation. Parce que ce n’est pas tout d’afficher des engagements, nous voulons que les investisseurs puissent bénéficier des suivis de ceux-ci. Quel engouement a suscité le lancement du LGX, avec l’application de ces critères ? Cela a suscité un intérêt considérable et a renforcé l’attrait des émetteurs et des investisseurs pour la Bourse de Luxembourg. Nous étions déjà un acteur très international. Nous avons acquis, à travers cette démarche, une dimension bien supé-
rieure, dont profite par ailleurs toute la place financière. Le LGX est un levier de promotion-clé, positionnant le Luxembourg comme une place financière durable de premier plan. Suite au lancement du LGX, nous avons eu l’opportunité de prendre part à de nombreuses discussions. Nous avons été sollicités et impliqués dans de nombreux groupes de travail. Notre CEO, Julie Becker, a fait partie du groupe d’experts de la Commission européenne en charge d’émettre des propositions et recommandations concernant le package réglementaire autour de la finance durable. Personnellement, je suis impliquée dans le groupe d’experts de la Commission européenne Scaling up Sustainable Finance in Low and Middle-Income Countries, dont l’objectif est d’envisager les leviers permettant de mobiliser l’investissement privé pour soutenir les enjeux de développement des pays émergents. Et quel intérêt l’initiative a-t-elle suscité, du côté des émetteurs ? Il a été important. Il y a d’abord eu beaucoup de questions, autour des critères notamment. À l’époque, l’obligation du reporting n’était pas une pratique courante. Elle le devient de plus en plus, bien que des efforts doivent encore être faits pour amé-
CINQ DATES-CLÉS À RETENIR 2007
2016
2020
2021
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La première obligation verte au monde est cotée sur le LuxSE. Il s’agit d’un climate-awareness bond, émis par la Banque européenne d’investissement.
Création de la Bourse verte de Luxembourg (le Luxembourg Green Exchange), première plateforme mondiale pour les titres durables.
Dans l’optique de renforcer l’accès à la formation sur la finance durable et aux données structurées sur le développement durable, la Bourse crée la LGX Academy et le LGX DataHub.
Le LGX atteint la barre des 1.000 obligations durables, composées d’obligations vertes, sociales, durables et liées au développement durable.
Afin de faire progresser le financement de l’égalité entre les hommes et les femmes, les obligations axées sur le genre sont affichées au LGX pour permettre aux investisseurs d’identifier plus facilement les opportunités d’investissement dans ce domaine.
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Conversation Laetitia Hamon
« Nous travaillons beaucoup avec d’autres bourses, notamment dans les pays émergents. »
DEMANDES EN HAUSSE On constate que les obligations durables les plus crédibles, proposant un reporting de qualité, sont le plus souvent sursouscrites. Plusieurs éléments permettent de justifier cet engouement. Le principal, toutefois, a trait à la réglementation, qui impose aux gestionnaires de dresser un tableau de la dimension durable de leurs produits. Les banques, d’autre part, devront aussi rendre compte de leur green asset ratio, à savoir la proportion des actifs de l’établissement bancaire investis dans des activités économiques durables, ou écologiquement responsables, par rapport au total des actifs d’une entreprise. Ces exigences sont de nature à booster la demande.
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place ce genre de démarche. Nous avons, par exemple, accompagné la Bourse du Cap-Vert dans la mise en œuvre d’un blue exchange, autrement dit un segment pour les obligations finançant la protection des ressources maritimes.
Comment résumeriez-vous votre contribution à la transition durable à mener ? On sait que la transition climatique – et, plus largement, vers un développement durable – implique d’opérer des changeliorer la qualité des rapports émis. Nous ments importants, d’investir dans de nouaccompagnons les émetteurs à ce niveau. velles technologies, dans des infras L’enjeu est que les données transmises tructures, de faire évoluer des modèles… après l’émission de l’obligation répondent Des fonds publics conséquents sont mobiaux attentes des investisseurs, et les aident lisés. Les banques jouent aussi leur rôle. à réaliser les reportings auxquels ils sont Mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire désormais contraints, eux aussi. que les marchés des capitaux supportent cette transformation. Notre rôle, à ce Que représentent les obligations vertes, niveau, est de contribuer à orienter les sociales, durables (ou liées à la durabifonds vers les projets qui participent à lité) au niveau de la Bourse cette transition. Concernant la bourse, de Luxembourg ? nous souhaitons aller plus loin, en agissant En 2016, les obligations affichées au LGX au niveau de l’éducation à faire en la représentaient moins de 1 % de toutes matière, en accompagnant les acteurs de celles émises au niveau de la Bourse de la finance afin qu’ils puissent bien appréLuxembourg sur une année. En 2022, elles hender ces enjeux. C’est pour cela que représentaient presque 20 % du total. nous avons créé la LGX Academy en 2020. Aujourd’hui, les obligations affichées au À travers elle, nous aidons les acteurs à LGX, ce sont 930 milliards d’euros. Les comprendre les produits qui s’inscrivent émetteurs, dans leur documentation, n’hé- dans cette démarche, les standards et les sitent pas à se prévaloir d’être affichés au réglementations en vigueur, afin que, à LGX. C’est un élément qui contribue à leur leur échelle, ils puissent contribuer au crédibilité vis-à-vis des investisseurs. développement de cette finance durable. À la suite du lancement du LGX, avez-vous vu se multiplier des initiatives similaires par ailleurs ? Oui, on en a vu beaucoup. Toutefois, ces initiatives sont quelque peu différentes de ce que l’on propose, en raison notamment de notre positionnement. La Bourse de Luxembourg est, avant tout, une plateforme d’échange orientée vers les obligations. Cependant, depuis le lancement du LGX, nous avons vu beaucoup d’autres bourses développer des segments durables ou verts. À ma connaissance, nous sommes les seuls à imposer des critères aussi poussés et, entre autres, l’obligation de reporting. Par contre, et c’est important de le mentionner, nous travaillons beaucoup avec d’autres bourses, notamment dans les pays émergents, pour les aider à mettre en
Depuis 2016, beaucoup de choses ont évolué. Quel regard portez-vous sur le développement de la finance durable ces dernières années ? Quand je suis arrivée au Luxembourg, en 2008, on parlait déjà de finance responsable. Cependant, le sujet ne mobilisait qu’une poignée de personnes convaincues. Si la thématique était évoquée, cela restait marginal, et rarement suivi d’actions. L ’année 2018, avec l’adoption d’un ensemble de réglementations en matière de finance durable, a marqué un tournant important. Tous les acteurs ont alors pris conscience que cela allait avoir des implications profondes sur leurs opérations et qu’ils devaient engager des démarches crédibles en la matière. Il faut aussi saluer l’effort associé à l’adoption de la taxonomie verte, long-
Conversation Laetitia Hamon
temps discutée, mais qui a le mérite d’apporter une définition claire et p artagée de ce qui relève d’une activité durable. Afin de soutenir le développement de la finance durable, quels défis faut-il encore relever ? Il s’agit de faire de la finance durable un standard, d’accompagner les acteurs pour que ces critères soient au cœur de leur stratégie, qu’ils soient intégrés dans tout ce qu’ils font. À l’avenir, l’enjeu est qu’il n’y ait plus de déconnexion entre finance et finance durable. On parle ici d’un changement structurel. Il s’agit de repenser en profondeur les habitudes d’investisse-
Aujourd’hui, qui produit les données DataHub. À quels enjeux cette reprises dans les reportings postplateforme vient-elle répondre ? Notre approche autour du LGX et de ses émission ? Dans quelle mesure critères de transparence invite les acteurs sont-elles contrôlées ou vérifiées ? à produire des données et à les mettre à Aujourd’hui, c’est l’émetteur du produit disposition des investisseurs. Mais nous qui émet les rapports post-émission, sur avons souhaité aller plus loin. À travers la une base déclarative. C’est lui aussi qui mise en œuvre du LGX DataHub, nous décide de les faire vérifier ou non par des avons créé une base de données centrali- auditeurs externes. C’est effectivement un sée, qui reprend les informations des obli- enjeu-clé. De plus en plus d’émetteurs, à gations affichées au LGX mais qui capture l’instar de la Banque européenne d’invesaussi les données de toutes les obligations tissement, font vérifier leurs rapports vertes, sociales ou durables listées partout post-émission. C’est très bien, mais ce dans le monde. Au total, le LGX DataHub n’est pas systématique. Nous engageons fournit un accès aux données de plus de d’ailleurs des discussions sur ce sujet avec 12.000 obligations (le LGX en affiche 1.700, les acteurs. Dans le futur, avec l’évolution des standards, cela devrait se généraliser. Par exemple, les obligations qui souhaiteront être reconnues en tant que EU Green Bonds, dans le contexte de la réglementation EU Green Bond Standard, devront faire vérifier leurs données.
« Nous sommes submergés par une vague de données en tout genre. Il faut pouvoir déterminer quelles sont celles qui font le plus de sens. » ment, la manière avec laquelle on conçoit les produits, en intégrant les notions de durabilité. Cela ne se fait pas sans mal. Cela implique d’importants efforts d’éducation et d’accompagnement du changement. Chacun doit être formé à ces enjeux, en acceptant que le monde de demain sera durable ou ne sera pas. Un autre défi réside dans la gestion des données, qui doivent renseigner sur l’impact de ces investissements durables, pour convaincre chacun de la pertinence de l’approche. Or, actuellement, nous sommes submergés par une vague de données en tout genre. Il faut pouvoir déterminer quelles sont celles qui font le plus de sens, et pourquoi, et s’assurer que les investisseurs les comprennent. Autour des données durables, la Bourse de Luxembourg a mis en place le LGX 26
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ndlr). Cela permet aux investisseurs ou aux gestionnaires d’actifs d’opérer des choix, de filtrer selon divers critères, de comparer les obligations, afin de construire plus facilement des portefeuilles correspondant à leur niveau d’exigence. La mise en place de cette base de données a nécessité un important travail pour établir un modèle cohérent, qui s’applique à toutes les obligations. Que peuvent y trouver les investisseurs ? La base est riche, s’articulant autour de 150 points de données par obligation. Elle permet de comprendre la promesse faite au moment de l’émission, mais aussi de suivre ce qui a été effectué, à travers les données post-émission reprises. Il ne s’agit pas d’évaluer nous-mêmes les obligations, mais de donner aux investisseurs les éléments pour le faire.
En matière de finance durable, considérant les diverses initiatives prises ces dernières années, comment est perçu le Luxembourg ? Le Luxembourg est perçu comme une place financière qui travaille beaucoup sur ce sujet, comme pionnier dans ce domaine. Le LGX mais aussi LuxFlag ou encore la LSFI démontrent l’engagement du pays sur ces questions. Sa force réside dans sa capacité à agir avec agilité à l’égard de ces changements. Ses acteurs se mobilisent efficacement, soutiennent l’innovation, pour avancer plus rapidement que d’autres sur ces sujets.
PARTNER CONTENT
Christel Bertin, General Manager au sein d’Elvinger Hoss Prussen
Notre ambition, un acteur engagé dans la responsabilité durable Face aux transformations majeures qui bouleversent le monde, nous nous engageons comme employeur, acteur économique et partie prenante de la société d’aujourd’hui et de demain. En réponse aux questions sociales et environnementales, notre stratégie RSE vise à saisir les opportunités et identifier les risques actuels. En tant qu’employeur, nous encourageons le développement de notre plus grande richesse, notre équipe. La diversité et l’inclusion sont au cœur de notre démarche et nous offrons l’égalité des chances à tous ceux qui partagent nos valeurs. Nous mettons en œuvre des outils spécifiques pour promouvoir le développement de carrière et suivons les données pour identifier constamment les améliorations potentielles. Nous visons l’excellence, ceci demande du temps, de l’implication. Nous nous efforçons de rester vigilants au maintien de bonnes pratiques, en déterminant des objectifs mesurables et réalistes, tout en offrant un cadre de
travail attractif, avec des activités sportives et des événements conviviaux, moments d’échanges et de partage. En tant qu’acteur économique, nous promouvons intérêt commun, respect, partage des connaissances et surtout éthique. Nous cherchons à travailler avec des prestataires responsables prenant en considération les questions ESG. En tant que partie prenante de la société, au-delà de notre activité, nous agissons pour le bien commun: philanthropie, soutien aux ONG, travail pro bono. Enfin, protéger la planète et adopter des pratiques durables, dans nos achats, notre consommation énergétique et nos moyens de transports font partie de nos défis actuels et des enjeux collectifs pour un avenir vertueux.
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Stéphanie Lhomme, Head of Forensic Investigations, Corporate Intelligence & Litigation Support, and Nevine Elsherif, Senior Advisor in Sustainable Finance, Regulatory & Consulting Expertise at Arendt.
Legislation
ESG due diligence: a first step to mitigating litigation risks
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ESG regulations, such as the Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) passed by the European Parliament in June, and clarifications to existing directives, such as those on SFDR published in the spring, are posing growing challenges for companies. Moreover, the same trends are occurring in the US, the UK and even Asia, where ESG legislation has been introduced and will continue to be strengthened and broadened. “So, corporations need to navigate through all
of these regulations and ensure their due diligence approach is adequate,” says Stéphanie Lhomme, Head of Forensic Investigations, Corporate Intelligence & Litigation Support at Arendt. ESG issues also vary from sector to sector, and from one geography to another. They will be different in retail to what they are in banking or in the petroleum industry, for example, and different in Germany than in Brazil. S. Lhomme comments that “a one-sizefits-all solution is not the answer.
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Navigating through ESG legislation and performing proportionate and adequate due diligence (beyond the collection of self-disclosed information and data) is becoming increasingly important for businesses, says Arendt.
Marie Russillo (Maison Moderne)
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BRAND VOICE
It should start with a proper risk assessment that goes beyond the compliance risks to consider the operational and contextual risks, which too often is still lacking.” Unique in the EU S. Lhomme, who was hired to set up the Forensic Investigations, Corporate Intelligence and Litigation Support practice within the regulatory consulting practice of Arendt, says that the model of adding Forensic Investigation and Business Intelligence expertise to support the work of the lawyers and regulatory experts is very common in the US and started a few years ago in the UK, yet it remains quite unique in Europe. “I think that in today’s risks landscape, our investigation and intelligence capabilities added to the solid legal foundations bring critical value to our clients,” says S. Lhomme. Indeed, Arendt’s range of Regulatory & Consulting services covers a wide spectrum in ESG. The teams can assist with risk mapping and perform a comprehensive assessment of material ESG risks and, equally importantly, opportunities. They can also deliver in-depth due diligence including, (i.e. information gathering and analysis which will supplement the self-disclosed information provided on a voluntary basis by the third parties) when necessary, field verification, such as site visits. “Enhanced due diligence will be part of the compliance requirements and is certainly a key success factor in the decision-making process, but it is still too often seen as a cost and not as a competitive advantage,”
“ It’s becoming dangerous for companies to make claims without having challenged the data.” Stéphanie Lhomme Head of Forensic Investigations, Corporate Intelligence & Litigation Support, Arendt
“ You have had a tremendous shift in the level of disclosure requirements in the SFDR in a matter of three years, which makes it very hard for the market to adapt quickly.” Nevine Elsherif Senior Advisor in Sustainable Finance, Regulatory & Consulting expertise, Arendt
S. Lhomme explains. “Even less is it viewed as a way to avoid litigation and investigation, and these cases are rising significantly.” In her experience, there are two different approaches to due diligence: “one is pure compliance and gives you a false sense of security in front of your risks; the other is risk-based and proactive decision-making. Due diligence is nothing more than being diligent in what you do, what you invest in, whom you partner with, and making informed decisions.” Interrelated regulations It is hardly a surprise that litigation is increasing, especially as regulation tightens and becomes all encompassing. CS3D, for example, requires that due diligence be conducted not only on a company’s own activity but also on their entire supply chain worldwide. Arendt can perform stress testing for ESG concerns across the supply chain. Another challenge is that regulation is very interrelated, says Nevine Elsherif, Senior Advisor, expert in ESG and Sustainable Finance in the Regulatory & Consulting entity of Arendt. “Any update or clarification published by the European Commission or the regulator has some sort of ripple effect.” She cites, for example, the SFDR Level 2, published in July 2022
and effective from 1 January 2023, which introduced significantly more detailed disclosure requirements for entities and their products compared to the SFDR Level 1, which came into force in March 2021. “So, you have had a tremendous shift in the level of disclosure requirements in the SFDR in a matter of three years, which makes it very hard for the market to adapt quickly.” The data challenge The difficulty many entities face when trying to fulfil disclosure requirements, to organise their due diligence approach, or to communicate on their ESG strategy and performance is the quality of the data that is available to them. Data is often inconsistent; the methodologies to collect and analyse it are inconsistent, and they might not be used objectively and consistently even within the same corporation. “Different data providers implement different methodologies,” says N. Elsherif. “It is very important that the market reaches a common understanding on how the data is attained, processed and calculated.” The European Securities and Markets Authority’s recent report flags the lack of clarity in ESG data computation as a key greenwashing channel, emphasising the demand for robust due diligence channels. N. Elsherif highlights the growing challenge with ESG data, especially for private equity and non- listed firms without third-party coverage. And S. Lhomme has a stark warning: “It’s becoming dangerous for companies to make claims without having challenged the data. Data analytics offers valuable insights now for compliance. This is a very effective means to be proactive in managing and mitigating risks that are not just regulatory but reputational as well and in case of regulatory investigations (they will come) or ESG litigation, data analytics will help establish the facts and determine how decisions were made.”
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GGGI, nouvel acteur au Luxembourg
Soutenir la croissance durable des pays émergents
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Soutenir la croissance verte des pays en voie de développement Le Global Green Growth Institute (GGGI) a été créé dans le cadre du sommet de la Terre, à Rio, en 2012. « Il s’agit d’une organisation intergouvernementale dont l’objectif est de soutenir une croissance durable, respectueuse de l’environnement et inclusive socialement, explique la manager European partnerships, head of Luxembourg office au sein du GGGI, Julie Godin. Notre action est orientée vers les pays en voie de développement et émergents, en mettant en œuvre une approche différenciée pour chacun d’eux. L’enjeu est de contribuer à réduire la pauvreté, créer des emplois ‘verts’, soutenir l’inclusion sociale, préserver et pérenniser les ressources naturelles afin de se rapprocher des objectifs de développement durable adoptés par les Nations unies en 2015. »
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Comment le GGGI intervient-il ? Le GGGI soutient les gouvernements des pays en voie de développement et pays émergents. Le GGGI intervient sur trois axes majeurs visant la transformation de l’économie vers un modèle plus inclusif socialement et respectueux de l’environnement. Le premier vise l’adoption et la mise en œuvre de plans de croissance verte et de politiques sectorielles à l’échelle de ces pays. Le deuxième concerne la mise à disposition d’une expertise en matière de transition durable dans les secteurs précis et prioritaires de ces pays. Enfin, au départ de la stratégie et des projets envisagés avec l’aide des experts de l’institution, le dernier axe cherche à mobiliser les financements pour la transition, qui passe par l’engagement du secteur privé et la réalisation des projets verts. « Notre intervention réside dans l’apport d’une assistance technique et le renforcement des capacités. Nos experts se positionnent auprès des autorités, pour les aider à définir des priorités, à planifier des projets, tout en évaluant les investissements, afin de leur permettre de s’engager dans une dynamique de croissance verte, précise Julie Godin. Nous développons pour cela une présence au niveau de chaque pays que nous accompagnons, au plus près des gouvernements. » 30
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Qui retrouve-t-on derrière le GGGI ? L’accord créant le GGGI en 2012 a été signé par 18 pays, membres fondateurs. Depuis lors, d’autres ont adhéré à cet accord, portant le nombre actuel de partenaires à 47 États membres. L’institution, actuellement présidée par Ban Ki-moon, est active dans près de 40 pays. Son siège social est établi à Séoul, en République de Corée. L’organisation occupe 650 personnes à travers ses bureaux répartis partout dans le monde. « Il s’agit, pour beaucoup, de conseillers techniques, établis dans chacun des pays dans lesquels nous menons des opérations, explique Julie Godin. Le bureau au Luxembourg est à part. Nous y avons établi notre antenne de liaison européenne. À travers elle, nous cherchons à développer des synergies avec les acteurs locaux et européens dans l’optique de renforcer l’impact de nos projets et répondre aux besoins des pays membres. »
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Une stratégie alignée sur l’accord de Paris La stratégie GGGI 2030 fixe le cap des efforts du GGGI pour répondre efficacement aux besoins de ses membres, des pays en voie de développement, dans la transformation de leurs économies vers une croissance verte écologiquement durable et socialement inclusive. « Notre action, sur cette période, vise à soutenir les efforts nécessaires en vue d’atteindre les objectifs fixés lors de l’accord de Paris de 2015, explique Julie Godin. Maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels implique une réponse mondiale renforcée. L’accord de Paris, en outre, vise à renforcer la capacité des pays à faire face aux impacts du changement climatique. C’est un enjeu essentiel pour de nombreux pays en voie de développement, qui sont particulièrement exposés à ces impacts. »
Le 9 juin, le Global Green Growth Institute (GGGI) inaugurait son bureau de liaison européen à Luxembourg. Cette organisation intergouvernementale est un soutien majeur au développement durable des pays émergents, mobilisant notamment le soutien des pays développés dans sa démarche. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
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Mobiliser les investissements privés Sur quels sujets le GGGI intervient-il ? « La volonté est de combler l’écart conséquent qu’il y a Au regard de sa stratégie, le GGGI intervient sur les entre les moyens à mobiliser pour soutenir la croissance thématiques-clés que sont la gestion et la réduction verte et les investissements effectivement réalisés des déchets, l’économie circulaire, la production d’énerjusqu’alors », poursuit Julie Godin. Dans cette optique, le GGGI gie renouvelable, le développement des transports durables, intervient au niveau opérationnel en aidant les gouvernements les bâtiments et l’industrie écologiques, les paysages forestiers à définir des projets pertinents aux yeux des investisseurs privés. durables, l’égalité des genres et le développement inclusif. Et la démarche fait ses preuves. « Depuis 2015, le GGGI a mobi« D’un pays à l’autre, les approches ne sont pas les mêmes. lisé plus de 9 milliards pour des projets verts, précise Julie Godin. Dans chacun d’entre eux, en collaboration avec les autorités Pour un euro investi à travers le GGGI sous la forme d’assistance locales, nos équipes vont définir un cadre de planification natiotechnique à nos États bénéficiaires, 15 euros en moyenne sont nal, offrant des perspectives sur cinq années en fonction mobilisés auprès des acteurs privés ou publics. » de la situation du pays », explique Julie Godin.
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Quels sont les impacts générés par ces projets ? Entre 2017 et 2022, 8,6 milliards de dollars ont pu être mobilisés pour concrétiser des projets définis avec le support du GGGI. Ce résultat a permis d’améliorer la résilience de populations représentant 1,3 million de personnes face aux impacts climatiques, d’éviter 332 millions de tonnes d’émissions de CO2 ou encore de protéger 7 millions d’hectares d’espaces naturels et, enfin, de créer 200.000 emplois « verts ». Le GGGI a permis de faciliter l’accès à l’énergie, d’améliorer les conditions sanitaires, de mettre en place des systèmes de gestion de déchets, ainsi que des solutions de transport durables.
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Créer des synergies avec la place financière En accueillant un bureau de liaison du GGGI au Luxembourg, la volonté est aussi de créer des synergies à l’échelle internationale afin de promouvoir le développement de marchés financiers durables dans les pays en voie de développement et les économies émergentes. En la matière, Luxembourg, à travers par exemple le développement du Luxembourg Green Exchange, peut faire valoir une expertise unique en matière de finance durable. L’idée est de permettre au GGGI de renforcer son assistance technique au départ des compétences de la place financière luxembourgeoise. Des projets de coopération peuvent être envisagés pour accompagner les gouvernements désireux d’émettre des obligations durables.
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Le GGGI et le Luxembourg La collaboration entre le Luxembourg et le GGGI a débuté en 2018 à l’initiative du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, dans le cadre de la stratégie internationale de financement climatique du Luxembourg. Depuis lors, le Luxembourg et le GGGI ont collaboré sur de nombreux projets. Cette collaboration s’est renforcée au fil du temps. Depuis juin, Luxembourg accueille donc le bureau de liaison européen de l’institution. L’équipe a pris ses quartiers dans les locaux de la Luxembourg House of Financial Technology.
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Des projets concrets La première collaboration s’est concentrée sur des projets d’amélioration de la résilience des villages ruraux du Vanuatu face aux impacts du changement climatique. La coopération entre le Luxembourg et le GGGI, à ce niveau, a contribué à la mise en œuvre de pompes à eau solaires, au renforcement de l’environnement institutionnel du Vanuatu en matière de gestion des systèmes de pompage d’eau solaires et des ressources en eau. Depuis ce projet, la collaboration a été étendue à d’autres secteurs, dans les domaines de l’économie circulaire et de la gestion des déchets avec des projets au Sénégal et au Rwanda, ou encore dans le renforcement des capacités de certains États en matière de finance durable. NOVEMBRE 2023 ESG
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Obligations vertes
Le capital privé au service de la transition des pays émergents En 2018, Amundi et l’IFC lançaient le plus grand fonds d’obligations vertes au monde orienté vers les pays émergents. L’enjeu ? Mobiliser l’épargne privée pour la mettre au service de la croissance durable de ces pays tout en incitant ces économies à recourir aux obligations vertes pour financer leur transition. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
Engager un mouvement de transition durable à l’échelle du globe implique d’orienter les flux financiers vers des projets qui contribuent au développement durable, dans nos contrées mais aussi dans les pays émergents. Dans cette perspective, en 2017, l’International Finance Corporation (IFC) a lancé le concept du Green Cornerstone Bond Program (GCBP), un fonds à revenu fixe dédié à l’investissement dans des obligations vertes sur les marchés émergents. L’organisation s’est alors rapprochée d’Amundi pour le mettre en œuvre. En 2018, les deux partenaires lançaient Amundi Planet Emerging Green One ( Planet-EGO), le plus grand fonds d’obligations vertes au monde. « Ce partenariat a permis de créer une plateforme innovante qui associe une grande expertise en matière de gestion d’actifs, à travers Amundi, à la contribution au développement du secteur privé, via l’IFC, dans les pays émergents afin d’aider ces économies à atteindre une croissance durable à long terme », détaillent les deux partenaires. Amorcer une dynamique Fort d’un encours de 1,42 milliard de dollars, 32
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ce fonds fermé prévoit d’investir pendant sa durée de vie (sept ans) près de 2 milliards de dollars en « obligations vertes, sociales, durables ou liées à des objectifs de durabilité ». Si l’ambition est conséquente et louable, elle s’accompagne toutefois de nombreux défis. Voici cinq ans, l’émission de telles obligations vertes au niveau des pays émergents était encore rare. Le co-directeur de la couverture des clients institutionnels chez Amundi, Jean-Jacques Barbéris, expliquait à l’époque que «justement, la vocation de ce fonds est d’amorcer une dynamique et de créer un marché d’obligations vertes de qualité ». Segment en croissance Le marché est en pleine évolution. Entre 2012 et 2022, 3,374 milliards de dollars ont été levés via des GSSS. Ces émissions demeurent majoritairement le fait de pays développés (2,392 milliards de dollars) et d’instances supranationales (530 milliards). 452 milliards ont été mobilisés par les pays émergents grâce à ces outils, dont 250 milliards rien que par la Chine. Si l’on se penche sur la dernière décennie, le niveau d’émission d’obligations
vertes par les pays émergents n’a toutefois fait qu’augmenter. Entre 2020 et 2021, elles ont plus que doublé, atteignant un montant record de 95 milliards de dollars en 2021 – contre 41 milliards en 2020.
dans les marchés émergents que les capitaux nécessaires pour financer les transitions vertes sont les plus rares, poursuivent les deux partenaires. Ces ressources sont essentielles pour mettre les économies sur la voie de la réalisation des objectifs climatiques internationaux. »
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2022, une année difficile Au niveau global, la croissance des investissements sur le segment des GSSS a Vers un rebond cependant marqué le pas en 2022, dans Ce revers n’est pas de nature à ébranler un contexte de tensions géopolitiques la confiance des promoteurs d’Amundi croissantes et de resserrement de la poli- Planet Emerging Green One. « À l’avenir, tique monétaire dans les principales éco- nous pensons que les émissions de ces oblinomies. « Tout cela a ébranlé les investis- gations continueront de croître, sous l’effet seurs. Les émissions mondiales de titres à de l’accélération de la transition énergétique, revenu fixe ont chuté de 26 % par rapport de l’élargissement de l’écart entre les marà l’année précédente. Il est toutefois encou- chés émergents et les économies avancées, et rageant de constater que les émissions de de la dynamique macroéconomique qui souGSSS ont mieux résisté, avec une baisse tient la classe d’actifs à revenu fixe dans les plus modeste de 13 % », détaillent le global pays en voie de développement », assurent head of emerging markets au sein les partenaires. Selon leur scénario central, d’Amundi, Yerlan Syzdykov, et la vice- Amundi et l’IFC estiment que les émissions présidente, Economics and Private Sector d’obligations vertes rebondiront en 2023, Development de l’IFC, Susan Lund. Ce augmenteront de 14% en glissement annuel tarissement des flux des investissements dans les marchés émergents en dehors de privés à la faveur des projets durables doit la Chine, avant de retomber à une augmencependant inquiéter. « C’est notamment tation plus modeste de 11% en 2024.
Entre 2020 et 2021, les émissions d’obligations vertes dans les marchés émergents ont plus que doublé, atteignant un montant record de 95 milliards de dollars en 2021, contre 41 milliards en 2020.
1,1 milliard d’euros investis via Planet-EGO En 2022, Amundi Planet Emerging Green One (Planet-EGO), le fonds dédié à l’investissement dans des obligations vertes sur les marchés émergents mis en place par l’IFC et Amundi, comptait 39 obligations vertes dans son portefeuille. À travers elles, les fonds mobilisés contribuent au financement de projets verts dans 14 pays ou régions émergents, du Brésil à la Chine, en passant par le Chili, la Hongrie, l’Inde, le Nigéria, le Pérou, l’Arabie Saoudite ou encore les Émirats arabes unis. Le montant total investi par le fonds dans ces obligations vertes s’élève à 1,1 milliard d’euros. En termes de couverture sectorielle, l’utilisation des produits
est concentrée dans sept secteurs : les énergies renouvelables, les transports écologiques, la construction écologique, la gestion de l’eau, la gestion des déchets et des polluants, l’efficacité énergétique, et les énergies alternatives. Sur les 30 émetteurs du portefeuille du fonds Planet-EGO, 15 émettent pour la première fois des obligations vertes. Parmi ces 30 émetteurs du portefeuille, on retrouve sept banques et une institution financière non bancaire qui ont participé à la formation exécutive sur les obligations vertes, sociales et durables (ESD) du Green Bond Technical Assistance Program (GB-TAP).
Ce programme, qui a été lancé par l’IFC en 2018 – à la même période que le fonds –, vise à fournir une assistance technique aux institutions financières désireuses d’émettre des obligations vertes. Le programme a été développé en partenariat avec le secrétariat d’État suisse à l’Économie, l’Agence suédoise de coopération internationale pour le développement et le ministère des Finances du Luxembourg. Le GB-TAP propose une série d’activités et d’initiatives visant à favoriser l’offre d’obligations vertes sur les marchés émergents. Au-delà d’une formation exécutive sur les obligations vertes pour les professionnels des institutions
financières, le programme poursuit plusieurs objectifs : la communication et la diffusion des principes des obligations vertes ; l’amélioration de la qualité des rapports via la diffusion de références et la collecte de données ESG ; le partage des connaissances par le biais de divers rapports, études de cas, formations en ligne, webinaires et ateliers sur les obligations vertes ; et le financement durable, le soutien à l’élaboration de politiques en matière d’obligations vertes et de finance verte pour les institutions du secteur public.
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Labellisation
« Chacun a son rôle à jouer dans cette période » Les fonds ou produits financiers durables et verts sont de plus en plus nombreux. Afin d’assurer leur transparence, des labels existent, tels que ceux attribués par LuxFlag. La directrice exécutive de l’association, Isabelle Delas, explique le rôle de cette labellisation. Journaliste MARIE JACQUEMIN
La finance durable prend de plus en plus d’importance dans le paysage financier, tant au Luxembourg qu’au niveau international. Afin de crédibiliser les fonds ou produits financiers considérés comme durables, certains labels ont été développés et sont attribués par des structures nationales et internationales. Parmi celles-ci, LuxFlag, Luxembourg Finance Labelling Agency. « Nous sommes une association active depuis 2006, résultat de l’alliance entre des structures privées et des entités publiques », commence à expliquer la CEO de l’association, Isabelle Delas. « Notre objectif est de promouvoir le flux de capitaux pour stimuler le secteur de l’investissement responsable en labellisant les fonds qui en font la demande. » Ainsi, au terme d’un processus strict, les fonds peuvent obtenir l’un des sept labels mis en place par LuxFlag. Un processus de certification strict Il pourrait être facile de se dire qu’il ne s’agit que d’un label supplémentaire. Toutefois, les entreprises visant la labellisation de leurs fonds doivent se préparer et 34
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ISABELLE DELAS CEO Luxflag
« La labellisation des fonds d’investissement permet aux particuliers de sélectionner des projets financiers durables. »
s’attendre à un processus strict. « LuxFlag est reconnue internationalement pour son processus d’évaluation rigoureux, indique Isabelle Delas. Pour obtenir et conserver l’un de nos labels, les produits labellisés sont dans l’obligation de respecter des exigences strictes en termes de reporting et de transparence dans leurs pratiques ESG.» Tout commence par la soumission d’une demande, comprenant une série de documents en lien avec le fonds ou produit financier concerné. « Les informations à transmettre sont disponibles en libre accès sur notre site, étant donné que, selon le label souhaité, les documents à fournir varient. La transparence doit aller dans les deux sens. La première étape est la vérification par notre équipe en charge des o pérations, poursuit la directrice exécutive. L’équipe accompagnera également le gestionnaire d’actifs ou la banque durant tout le processus de demande de labellisation. » Le savoir-faire des experts Une fois que l’association a réceptionné l’ensemble des informations et documents demandés, le processus peut commencer.
Afin d’attribuer ou non les labels, LuxFlag collabore avec des experts dans leur domaine lors des comités d’éligibilité. Ils se réunissent chaque trimestre afin d’émettre une recommandation finale qui conforte ou non celle proposée par la directrice exécutive. « Les comités d’éligibilité sont composés d’experts bénévoles qui, comme l’ensemble des collaborateurs de LuxFlag, veulent apporter leur pièce à l’édifice de la durabilité, précise la directrice. Chacun dans leur domaine d’expertise, ils nous accompagnent dans la phase finale du processus de labellisation. » La recommandation finale du comité d’éligibilité est alors transmise au conseil d’administration de l’association, qui prend la décision d’octroi ou non du label. La décision peut donc être positive ou « positive avec un suivi » ou « positive sujet à », auxquels cas des modifications devront être apportées au fonds. « Si la décision est positive, le produit concerné sera labellisé pour une période d’un an, développe Isabelle Delas. Un renouvellement pourra être demandé, en soumettant une demande actualisée deux mois avant l’expiration du label. »
Croissance des produits labellisés Luxflag Le nombre de fonds labellisés a longtemps été en augmentation. Cependant, depuis 2022, une légère décroissance se fait sentir. Toutefois, LuxFlag constate un regain d’intérêt, notamment depuis le lancement du mandat discrétionnaire ESG. D’autres labels sont en cours de réflexion.
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Un contrôle et une évolution continus Afin de s’assurer que les fonds ou produits financiers répondent toujours aux critères du label reçu, l’équipe des opérations effectue des contrôles mensuels automatiques et réguliers. « Nous monitorons également de manière régulière les fonds Le savoir-faire des experts devant mettre en place certaines actions en À travers le processus de labellisation, l’obvue de l’utilisation du label. » jectif est d’encourager les gestionnaires Bien entendu, l’ensemble de ces vérifi- d’actifs à développer des produits financations et des processus de labellisation ciers durables tout en incitant tout un chaévolue de manière constante. « Les normes cun à investir dans ces produits. « Il est définissant les principes de durabilité sont important que toute la population se rende en constante évolution en raison, notam- compte qu’elle peut et doit apporter sa ment, des progrès scientifiques, des évolu- pierre à l’édifice afin de faire évoluer les tions réglementaires, des attentes des investissements de manière encore plus resinvestisseurs et des changements sociaux, ponsable. Cela ne doit pas uniquement ajoute la directrice exécutive. Les labels reposer sur les entreprises ou les fonds ou LuxFlag sont notamment alignés sur la produits financiers d’une certaine taille. La SFDR et la taxonomie, car il est important labellisation des fonds d’investissement perpour nous d’opérer de manière conforme et met également aux particuliers de sélectiontransparente. » Cela permet également de ner des projets financiers durables lorsqu’ils renforcer la crédibilité des fonds à l’inter- investissent afin de créer eux-mêmes un national. À l’heure actuelle, plus de impact positif. Chacun a son rôle à jouer 300 fonds sont labellisés et distribués dans dans cette période de transition que nous plus de 80 pays à travers le monde. traversons », conclut Isabelle Delas. NOVEMBRE 2023 ESG
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Catherine Wurth, Head of Corporate Social Responsibility, explique comment la banque a placé la RSE au cœur de son Plan de Développement GTS 2025.
Banque
Être acteur responsable d’une transformation durable
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Percevez-vous la durabilité comme un sujet qui revêt une importance croissante pour vos clients ? Les défis auxquels font face nos sociétés sont de grande ampleur. Une prise de conscience est en train de se produire, tant chez nos clients particuliers que professionnels. En tant que partenaire financier, nous les accompagnons dans la voie de leur transition durable. Nous avons donc mis en place des outils et des solutions de financement et d’investissement durables pour répondre à leurs attentes. Comment BGL BNP Paribas s’engage-t-elle concrètement ? La banque a placé la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) au cœur de son Plan de Développement
GTS (Growth Technology Sustainability) 2025. Nous avons formé nos collaborateurs à de nouvelles expertises en lien avec le développement durable, afin de les aider à porter ces sujets auprès de nos clients. Nous avons déployé à grande échelle les ateliers de Fresque du Climat qui permettent de mieux comprendre les causes du dérèglement climatique et les actions à mettre en place pour y remédier. Près de la moitié des collaborateurs de la banque y ont déjà participé! Au début de l’année 2022, BGL BNP Paribas a été certifiée ISO 50001, une norme internationale qui reconnaît une gestion responsable et durable de l’énergie. C’est le résultat d’un travail de longue haleine de la part de nombreuses équipes au sein de la banque. Nous avons par ailleurs défini des trajectoires
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Face aux défis climatiques, énergétiques et sociaux, les entreprises jouent un rôle à la mesure de leurs activités. À l’instar de BGL BNP Paribas, les banques engagées seront les acteurs du financement vers ce monde durable. Rencontre avec Catherine Wurth, Head of Corporate Social Responsibility.
Eva Krins (Maison Moderne)
Contenu sponsorisé par BGL BNP PARIBAS
BRAND VOICE
LA BANQUE S’ENGAGE
« En tant qu’acteur financier majeur au Luxembourg, nous avons un vrai rôle à jouer mais aussi une grande responsabilité.» Catherine Wurth Head of Corporate Social Responsibility
de réduction des émissions de CO2 dans différents secteurs d’activités, responsables d’une grande part des émissions carbone. Concrètement, nous souhaitons aligner nos portefeuilles de crédit et d’investissement sur une trajectoire zéro carbone d’ici 2050. Sur un volet plus social, qu’en est-il de vos engagements ? L’inclusion sociale et la question d’une transition juste mobilisent également toute notre attention. Nous œuvrons en faveur de l’inclusion sociale et financière à travers microlux, la première institution de microfinance au Luxembourg dont BGL BNP Paribas est membre fondateur. Microlux contribue à la création d’emplois et au développement de l’économie locale via l’accompagnement et l’octroi de microcrédits pour des personnes souhaitant créer ou développer une activité économique et n’ayant pas accès au crédit bancaire traditionnel. Depuis sa création en 2016, microlux a soutenu 200 entrepreneurs qui ont pu profiter d’un accompagnement sous forme de coaching individuel, de formation ou de diagnostic projet. Microlux a ainsi pu contribuer à la création de 280 emplois. Nous contribuons également à l’inclusion de personnes réfugiées via le programme de mentoring One Step Forward : des collaborateurs du Groupe BNP Paribas au Luxembourg s’impliquent comme mentors en apportant leurs conseils et leur accompagnement à des personnes réfugiées inscrites
à l’Université de Luxembourg, favorisant ainsi leur intégration professionnelle. Depuis son lancement, 80 % des bénéficiaires du programme ont trouvé un emploi. Nous soutenons également nos collaborateurs qui passent à l’action. Grâce au programme 1MillionHours2Help, chaque collaborateur bénéficie d’une journée de travail solidaire par an pour soutenir des associations locales autour de projets contribuant à un monde plus durable et plus inclusif. En quoi une banque telle que BGL BNP Paribas peut-elle faire changer les choses ? Selon l’UE, il faudra dégager chaque année, pendant les 10 prochaines années, 300 milliards d’euros pour financer la transition énergétique. Cet argent ne peut venir uniquement des gouvernements, le capital privé est nécessaire. En tant qu’acteur financier majeur au Luxembourg, nous avons donc un vrai rôle à jouer mais aussi une grande responsabilité. Notre principal atout, c’est que nous bénéficions pleinement du modèle diversifié et intégré d’un grand groupe international, ce qui nous permet d’apporter des compétences dans ces domaines très variés. À ce sujet, quelles perspectives voyezvous s’annoncer dans les années à venir ? Le dérèglement climatique et les mesures politiques qui en découlent auront un fort impact sur notre activité. Les contraintes vont s’accentuer, mais elles sont nécessaires et nous suivrons cette tendance, nous saurons nous y adapter. Le reporting ESG par exemple sera obligatoire pour les plus grandes entreprises dès 2024, puis pour les PME par la suite. C’est un exercice difficile mais incontournable. Autre perspective, le bilan carbone va devenir indispensable pour les entreprises comme pour les particuliers.
RETROUVEZ PLUS D’INFORMATIONS SUR LES ENGAGEMENTS DE BGL BNP PARIBAS
Objectif zéro carbone La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) est au cœur du Plan de Développement de BGL BNP Paribas. Engagée, la banque a mis en place des formations pour ses collaborateurs et s’inscrit dans une trajectoire zéro carbone d’ici 2050.
Accompagner les professionnels Pour ses clients professionnels, BGL BNP Paribas propose le Financement à Impact. Un crédit dont le taux d’intérêt dépend de la réalisation d’objectifs ESG définis en amont, pour encourager les entreprises qui s’engagent dans un développement durable.
Soutenir les particuliers La rénovation énergétique de leur logement est un sujet phare pour les clients particuliers. La banque leur propose des solutions dédiées, en partenariat avec un conseiller énergétique spécialisé, qui accompagne les clients dans l’obtention d’aides et pour leurs travaux.
Favoriser l’inclusion financière BGL BNP Paribas soutient l’inclusion sociale et financière avec microlux, première institution de microfinance au Luxembourg dont la banque est membre fondateur, qui permet l’octroi de microcrédits aux entrepreneurs n’ayant pas accès au crédit bancaire traditionnel.
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Investissements
L’importance de la philanthropie pour une société durable
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Les origines de la fondation Depuis le milieu des années 2000, les acteurs de la gestion de fortune luxembourgeois développent un intérêt croissant pour la philanthropie. « Avant cette période, le sujet n’était que rarement discuté au niveau de la sphère financière. Quelques institutions bancaires, en particulier la Banque de Luxembourg, ont émis l’idée que le Luxembourg devrait plus s’impliquer dans ce domaine », explique la directrice de la Fondation de Luxembourg, Tonika Hirdman. Ces acteurs ont rapidement été entendus. En 2008, le Premier ministre de l’époque, JeanClaude Juncker, a annoncé trois mesures en faveur de la philanthropie : « Les deux premières mesures étaient relatives au cadre légal, d’une part pour simplifier les dons et d’autre part pour doubler la déductibilité des dons, de 10 à 20 % du total des revenus imposables. La troisième mesure concernait la création de la Fondation de Luxembourg, afin de faciliter l’engagement philanthropique au travers d’une fondation », poursuit Mme Hirdman.
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Un pont entre les acteurs Le rôle de la Fondation de Luxembourg est d’établir les liens entre, d’une part, le secteur financier et les donateurs et, d’autre part, le monde caritatif, comme les ONG, les centres de recherche et les institutions culturelles. « Ce sont des univers totalement différents qui communiquent avec des vocabulaires propres à chacun. Un de nos rôles est de communiquer avec les acteurs de la finance et d’accompagner les donateurs s’engageant dans une démarche philanthropique, développe Tonika Hirdman. Nous accompagnons la démarche de création, en structurant le projet, en définissant l’objet et en mettant en place une gouvernance. Nous veillons aussi à la gestion et au suivi administratif de la fondation. »
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Une prise de conscience rapide Dans un premier temps, la majorité du secteur bancaire, notamment au niveau du wealth management, s’est montrée hésitante face à la philanthropie, malgré une demande croissante de la clientèle. « Au cours des premières années, nous avons fait un travail de sensibilisation important, surtout auprès des banques privées, afin de faire comprendre l’intérêt de la philanthropie et la nécessité d’en parler à leurs clients. Les institutions bancaires se sont interrogées sur ce qui pouvait lier le wealth management et la philanthropie, explique Tonika Hirdman. Les banques les plus réactives ont vite compris l’intérêt de cette pratique, de pouvoir offrir un accompagnement en la matière et, en même temps, d’approfondir leurs relations avec les clients. Actuellement, toutes les banques de la place financière ont inclus le conseil en philanthropie dans leur offre. »
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Les philanthropes On peut distinguer quatre grandes catégories de donateurs. « La première concerne des personnes plus âgées, qui souhaitent voir leur engagement continuer après leur décès, explique Tonika Hirdman. Il y a également des hommes et des femmes d’affaires, dont la carrière a été couronnée de succès, et qui souhaitent rendre une partie de leur réussite à la société. Cette catégorie de donateurs augmente. » Ces personnes, exigeantes dans leur démarche, ont tendance à appliquer une vision entrepreneuriale au niveau de la gestion de leur fondation. La troisième catégorie concerne les familles fortunées souhaitant sensibiliser leurs enfants et transmettre leurs valeurs. « La dernière catégorie est composée d’entreprises. Elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir impliquer leurs collaborateurs dans un projet philanthropique, aligné sur les valeurs de la société », complète la directrice générale.
Fondée en 2008, la Fondation de Luxembourg est une institution-clé de la philanthropie au Luxembourg. De plus en plus de familles fortunées souhaitent placer une partie de leur patrimoine au service de la société par le biais d’une fondation, comme l’évoque la directrice générale, Tonika Hirdman. Journaliste MARIE JACQUEMIN
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Choisir des causes durables Lors de la création de la Fondation de Luxembourg, il y a rapidement eu une prise de conscience concernant la nécessité de développer une stratégie en faveur des investissements ESG. « La philanthropie et l’ESG sont fortement liés. Les donateurs veulent avoir un impact positif aussi au travers de leurs investissements », déclare la directrice. Dans ce contexte, les donateurs sont encouragés à appliquer la stratégie ESG développée par la Fondation de Luxembourg, pour les investissements de leur propre fondation. « Certains d’entre eux souhaitent aller encore plus loin en renforçant leur soutien à travers des investissements dans les fonds d’impact ou la microfinance, par exemple », développe Tonika Hirdman.
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Un impact positif La philanthropie est un moyen d’avoir un impact positif sur la société. « Aujourd’hui, nous faisons face à des enjeux importants, tels que, par exemple, le changement climatique, la sécurité alimentaire, et même la santé…, commence à expliquer Tonika Hirdman. Le gouvernement ne peut pas traiter l’ensemble de ces problématiques. Les donateurs peuvent, à leur échelle, s’engager dans cette recherche au travers de leur fondation et prendre des risques financiers. Nous avons déjà vu des causes, soutenues dans un premier temps uniquement par une fondation, devenir un véritable sujet pour les décideurs et, par la suite, recevoir d’autres sources de financement. »
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Les actifs Les montants mobilisés dans le cadre d’une démarche philanthropique sont transmis sous la forme d’actifs liquides ou de portefeuilles d’investissement. « Chaque fondation créée sous notre égide dispose de son propre compte en banque, hébergé dans l’institution bancaire choisie par le donateur. Une fois la banque choisie, c’est nous qui gérons ces actifs avec la banque en question », explique Tonika Hirdman. Avec la nouvelle loi qui succède à celle de 1928, relative aux associations et aux fondations, les actifs immobiliers peuvent maintenant être gérés au sein d’une fondation.
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Des causes plus soutenues L’engouement pour la philanthropie se confirme au fil du temps. « Nous avons observé une forte croissance des dons dans les domaines de la santé et de la recherche. Ce sont d’ailleurs les domaines qui mobilisent les volumes d’actifs les plus importants, développe Tonika Hirdman. Nous avons aussi constaté d’importants flux en faveur de causes et de projets liés à l’éducation. L’idée poursuivie par nos donateurs est que, en finançant l’éducation, ils contribuent non seulement au développement d’un individu, mais aussi à celui de sa famille, et, par conséquent, les effets positifs du don se répercutent sur toute la société. » Le domaine culturel a également vu les actifs dont il bénéficie augmenter.
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L’importance de la sensibilisation Depuis la création de la Fondation de Luxembourg, il y a 15 ans, d’importants efforts ont été réalisés afin de sensibiliser les acteurs de la gestion de fortune et leurs clients à l’intérêt de la philanthropie. « Nous organisons régulièrement des tables rondes et des présentations avec les banques privées, des cabinets d’avocats et des family offices », explique la directrice générale. La Fondation de Luxembourg entend aussi contribuer à la formation des gestionnaires de fortune de demain. Pour cela, elle prend part au cursus proposé aux étudiants du master en wealth management de l’Université du Luxembourg. Des conférences sont régulièrement organisées sur cette thématique.
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Le Luxembourg et la philanthropie Le pays dispose d’atouts non négligeables pour les donateurs souhaitant créer une fondation. « Deux aspects sont importants pour ceux qui souhaitent engager une telle démarche au départ du Luxembourg : la stabilité économique, d’une part, et la constance au niveau des politiques menées, d’autre part. Le fait que le Luxembourg soit positionné comme un des centres financiers les plus importants au monde, notamment en ce qui concerne le domaine des banques privées, est également un facteur d’attractivité », affirme Tonika Hirdman. NOVEMBRE 2023 ESG
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Réglementation
Greenwashing : dis-moi quel est ton nom Engagée dans une lutte contre le greenwashing, l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) veut réglementer l’utilisation des noms des fonds qui ont recours à des termes liés à l’ESG ou au développement durable. Si l’objectif est louable, la façon de l’atteindre laisse de nombreux acteurs perplexes. Journaliste MICHAËL PEIFFER
ISR, responsable, éthique, planète, océan, green, etc. Depuis que les projecteurs se sont tournés vers la finance durable, de nombreux gestionnaires de fonds utilisent des noms en rapport avec l’univers ESG pour baptiser leurs produits. Mais cette terminologie traduit-elle un engagement réel du fonds en faveur d’objectifs environnementaux, sociaux ou de gouvernance, ou vient-elle seulement soutenir une stratégie marketing destinée à vendre un produit, qu’importe son contenu ? La méfiance est de mise et, depuis plusieurs années déjà, le greenwashing est un sujet de préoccupation majeur pour les autorités financières européennes. Dans un papier de position publié en février 2023, le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) pointait des risques de greenwashing particulièrement importants dans le secteur des fonds d’investissement, précisant que les stratégies autour de l’appellation des fonds en sont partiellement à l’origine. «Des lacunes réglementaires, une normalisation insuffisante, l’utilisation de termes relativement nouveaux et vagues, et l’absence de données fiables facilitent l’écoblanchiment», estime le Beuc. Des stratégies marketing non encadrées Malgré l’introduction régulière de nouvelles 40
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règles visant à encadrer les produits financiers dits durables, le nom des fonds reste un sujet que la réglementation ne traite pas. Si elle prête à de nombreuses discussions, la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) établit le niveau de transparence requis pour chaque acteur des marchés financiers et pour les catégories de produits qu’il propose. Elle n’encadre cependant pas les stratégies marketing en tant que telles. Trop souvent, l’investisseur associe de manière abusive la classification d’un fonds par rapport à la réglementation SFDR à l’assurance de la qualité de ce fonds quant aux aspects ESG (voir encadré). Les gestionnaires de fonds, à qui l’on ne doit plus apprendre les règles du marketing, ont vu dans le développement de la finance durable une aubaine commerciale et n’hésitent pas à ajouter des noms attractifs à leurs produits étiquetés « durables ». Le phénomène se reflète dans la collecte des fonds, qui a évolué en deux temps ces dernières années. Dans un premier temps, les fonds Article 8 (faisant la « promotion » de caractéristiques sociales ou environnementales) ont connu la tendance la plus favorable, jusqu’à début 2022, avant de subir la forte décollecte observée sur l’ensemble des fonds après
Évolution rapide des marchés ESG
13 %
Manque d’expertise et de compétences en matière d’ESG
13 %
Manque de données fiables
13 %
Les principaux facteurs de greenwashing
Une réglementation en rapide évolution
11 %
Incitations concurrentielles
Les personnes interrogées ont été invitées à identifier les principaux facteurs de blanchiment écologique suite à un appel à contributions de l’ESMA sur le greenwashing.
22 %
Interprétations divergentes de la réglementation
14 %
Inadéquation entre les attentes des investisseurs et les pratiques du marché
14 %
Source
Esma
le début de la guerre en Ukraine. Plus modeste en valeur absolue, la collecte nette positive des fonds Article 9 (affichant un « objectif » d’investissement durable) est, pour sa part, continuelle depuis l’apparition de ces catégories. Dans son rapport Trends, Risks and Vulnerabilities 2023, l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) note que ces tendances « mettent en lumière une plus grande résilience d es produits dont les attributs en matière de durabilité sont perçus comme meilleurs, confirmant le constat que les investisseurs axés sur la durabilité sont moins sensibles aux rendements à court terme ».
d’actifs à inclure dans les noms de leurs durabilité « apporte un regain d’attention, fonds une terminologie conçue pour attirer ne serait-ce que pour quelques mois». les actifs des investisseurs». Cette tendance est confirmée dans une analyse publiée en Des investisseurs à protéger février 2023 par Morningstar. Cette ana- C’est dans ce contexte que l’Esma a prolyse identifie un total de 988 fonds domi- posé, en novembre 2022, un cadre presciliés en Europe qui ont changé de nom en criptif visant à s’assurer que l’utilisation ajoutant un terme lié à la durabilité depuis de termes évoquant l’ESG et la durabilité 2018, date à laquelle le Plan d’action euro- dans le nom des fonds peut être confirpéen pour la finance durable a été dévoilé… mée à travers leurs processus de gestion. Morningstar note d’ailleurs que le pic de L’Esma estime que les termes liés à l’ESG « rebranding » a été atteint au moment de et au développement durable dans les l’entrée en vigueur des obligations SFDR noms de fonds doivent être étayés de de niveau 1, en 2021. Toujours selon cette manière significative et cohérente dans étude, « les fonds renommés montrent une les objectifs et la politique d’investisseamélioration de leur profil de durabilité ment du fonds. Très concrètement, le dans la phase de changement de nom », régulateur et superviseur des marchés Succès confirmé pour les noms ESG se traduisant notamment par une baisse financiers de l’Union européenne veut Une analyse publiée par Novethic sur un de l’exposition aux combustibles fossiles introduire des seuils quantitatifs minipanel de fonds durables ayant au moins un ou par l’amélioration des scores ESG. mums de proportion d’investissement alilabel a révélé que les investisseurs sont Cependant, ces fonds renommés n’at- gnés avec les termes indiqués dans le nom attirés par les noms associés à la finance teignent pas, pour la majorité d’entre eux, du véhicule d’investissement. Ces seuils durable, ce qui entraîne une augmentation les caractéristiques des « fonds durables » seraient établis autour des notions introde la collecte de ces fonds. Cette étude selon la nomenclature définie par l’entre- duites par la SFDR. Il serait de 80 % pour montre également que ces fonds ne sont prise de notation, qui ajoute que « leurs l’utilisation de termes liés à l’ESG. Pour pas nécessairement gérés de manière adap- efforts pour devenir plus ESG semblent les fonds utilisant des termes en lien avec tée, soulignant ainsi « la nécessité de revoir s’estomper avec le temps ». L’analyse se la durabilité, un deuxième seuil de 50 % les stratégies de gestion de ces fonds ». conclut en avançant « que beaucoup de ces viendrait s’ajouter au premier. « L’objectif Comme le reconnaît l’Esma, « des pres- fonds n’étaient plus dans le radar des inves- est de garantir la protection des investissions concurrentielles sur le marché des tisseurs avant le changement de marque », seurs contre les allégations non fondées ou fonds dits durables incitent les gestionnaires et que l’ajout d’une terminologie liée à la exagérées en matière de développement NOVEMBRE 2023 ESG
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La SFDR sur la sellette ? L’utilisation abusive de la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) comme outil marketing est l’une des raisons qui poussent aujourd’hui l’Esma à lancer de nouveaux chantiers destinés à lutter contre le greenwashing. L’Article 8 et – surtout – l’Article 9 sont aujourd’hui utilisés comme des labels de qualité, qui viennent légitimer les objectifs durables d’un fonds. Ce n’était pas le but initial recherché et, pire, cela conduit à des dérives. Il faut donc revoir la copie. CONSULTATION Le 15 septembre, la Commission européenne a publié une nouvelle consultation sur la réglementation SFDR. Le régulateur souhaite collecter des informations sur la manière dont celle-ci a été implémentée et les éventuelles difficultés rencontrées par les acteurs du marché. Cette consultation prendra fin le 15 décembre 2023 et devrait aboutir, à horizon 2025, à une refonte importante de la réglementation. OBJECTIF La SFDR est en vigueur depuis mars 2021. En décembre 2022, la commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, a annoncé une évaluation complète du cadre afin d’en définir les lacunes potentielles – en se concentrant sur la sécurité juridique, l’applicabilité de la réglementation et sa capacité à jouer son rôle dans la lutte contre le greenwashing. Les consultations publiques ouvertes et ciblées constituent une partie importante de cette évaluation.
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durable, tout en fournissant aux autorités nationales et aux gestionnaires d’actifs des critères clairs et mesurables pour évaluer les noms de fonds comprenant des termes liés aux critères ESG ou au développement durable », a expliqué la présidente de l’Esma, Verena Ross. Les propositions de l’Esma ont fait l’objet d’une consultation publique qui s’est terminée le 20 février 2023. Une centaine d’organisations ont ainsi répondu à ses questions, sans oublier d’émettre leur avis, souvent critique. Des avis plutôt mitigés Dans l’ensemble, les représentants de l’industrie des fonds se disent « favorables à l’établissement de règles communes afin d’éviter les informations trompeuses et de renforcer la confiance et la clarté sur le marché, en particulier dans le paysage ESG qui évolue rapidement », comme l’explique l’Association européenne de la gestion de fonds et d’actifs (Efama). Celle-ci suggère cependant que l’Esma retarde la publication de ses propositions de lignes directrices jusqu’à ce que le manque de clarté sur ce qui constitue un « investissement durable » soit rectifié. L’Efama souhaite que l’Esma ait aussi préalablement travaillé avec la Commission européenne pour résoudre les problèmes d’interopérabilité entre les lignes directrices définies et la réglementation SFDR, la directive Mifid / IDD, etc. « Il est peu probable qu’une méthodologie fondée sur une définition juridique peu claire permette aux investisseurs de mieux comprendre les fonds ESG et de répondre de manière adéquate aux préoccupations liées au greenwashing », a déclaré une conseillère en politique réglementaire à l’Efama, Anyve Arakelijan. De son côté, l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi) convient elle aussi qu’il est de la plus haute importance de protéger les investisseurs contre les allégations de durabilité non fondées ou exagérées et d’avoir des exigences harmonisées pour atteindre cet objectif. « Cependant, nous sommes d’avis que l’approche suggérée – lier les noms relatifs à l’ESG à des seuils minimums spécifiques sur les avoirs du fonds – n’est pas la manière la plus appropriée de favoriser cet objectif. En particulier, nous sommes préoccupés par la terminologie sous-jacente ainsi
que par la méthodologie utilisée pour construire le mécanisme de seuil et le pourcentage concret utilisé. En outre, nous sommes préoccupés par le calendrier, en particulier la courte période de transition, et le champ d’application des lignes directrices proposées, écrit l’Alfi dans sa réponse. En conclusion, nous pensons qu’une approche plus structurée de la révision et de la modification du cadre de la finance durable serait bénéfique pour toutes les parties prenantes concernées, plutôt qu’une approche ad hoc et fragmentaire. » Les propositions de l’Esma rejoignent d’autres initiatives qui ambitionnent elles aussi d’encadrer le marketing et la commercialisation des fonds ou produits d’assurance-vie selon des caractéristiques plus objectives que leur nom. Au final, il s’agit bien d’empêcher les sociétés de gestion d’exagérer les allégations de durabilité, d’atténuer le risque de greenwashing et de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés sans être induits en erreur. Cependant, l’accumulation des clés de lecture peut porter préjudice à la compréhension de l’ensemble pour l’épargnant final, surtout si elles s’appuient sur des concepts dont la lisibilité reste largement perfectible. Lors de l’annonce de la consultation, l’Esma proposait que le projet de lignes directrices devienne applicable trois mois après la publication de leur traduction sur son site. En outre, une période de transition de six mois était suggérée pour les fonds lancés avant la date d’application, afin de leur permettre de se conformer aux nouvelles lignes directrices… Pour l’heure, aucune nouvelle information n’a été publiée par l’autorité européenne sur ce sujet bien plus complexe qu’il n’y paraît.
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BayWa r.e., Pfaffenweiler – Isabella Puetz
Leading the energy transition through sustainable investing Energy Infrastructure Partners contributes to a sustainable future by leading the energy transition and ensuring a stable energy supply. Today’s energy markets are challenged to balance three priorities: 1. Ensuring stable energy supply for homes and businesses, 2. Maintaining affordable energy prices, and 3. Minimizing environmental harm and climate change. As an investor in high-quality, large-scale renewables and system-critical energy infrastructure assets, Energy Infrastructure Partners, or EIP, is strongly committed to these goals. The Swiss-based infrastructure sector specialist has over 100 international energy experts. EIP’s investor base includes pension funds, insurance companies and large family offices, who are increasingly interested in contributing to the security of the energy supply as a pathway to create positive economic, ecological and social developments, and whose long-term funding
needs closely match the energy infrastructure asset class. Last year, renewable energy projects in the portfolio managed by EIP generated about 19,000 gigawatt hours, or enough energy to supply 8.2 million European households. This renewable energy generation helped avoid emissions of about 3 million tons of carbon dioxide equivalent. As we at EIP continue our sustainability journey, we invite you to engage with us on the topic. Please read our Sustainable Finance Report 2022 for more details about our work. Disclaimer: "This corporate communication is issued by and relates to Energy Infrastructure Partners Luxembourg and is not a marketing communication related to a Fund, an investment product or investment services in your country. It is not intended to provide investment, tax, accounting, professional or legal advice. Only intended for Professional investors within the meaning of the Markets in Financial Instruments Directive 2014/65/ EU ("MiFID") in the EU/EEA countries and for institutional investors for information purposes. Not intended for retail investors, nor for US Persons.”
ENERGY INFRASTRUCTURE PARTNERS LUXEMBOURG ALEXANDRA KARTHEISER Head of Client Solutions – Luxembourg +352 28 80 66 6206 investor@energy-infrastructure-partners.lu www.energy-infrastructure-partners.com
CSSF
En faveur d’une réglementation harmonisée Alors que l’entrée en vigueur des diverses réglementations liées à la finance durable se poursuit à un rythme soutenu, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) défend l’émergence d’un cadre efficace et cohérent à l’échelle européenne, préalable indispensable pour obtenir la confiance de l’investisseur. Journaliste MICHAËL PEIFFER
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« Nous sommes encore dans une phase d’ajustement. Des adaptations sont nécessaires afin de disposer d’un cadre réglementaire robuste et cohérent. »
Responsabiliser les acteurs de la finance Au-delà de son rôle de surveillance auquel elle est parfois réduite dans l’esprit collectif, la CSSF est aussi là pour responsabiliser les acteurs de la finance dans l’implémentation des nouvelles réglementations. « Nous devons trouver le bon équilibre entre la surveillance et une approche trop prescriptive qui nuirait à l’évolution des bonnes pratiques, reprend Laura Gehlkopf. Nous avons en face de nous des professionnels de la finance, qui doivent connaître leur métier, et avoir l’habitude de mettre en place des processus de gestion des risques et de bonne gouvernance. » Le sujet de la finance durable, que l’on parle d’intégration de nouveaux facteurs ESG à
CSSF
SHANEERA RASQUÉ Coordinatrice ESG pour le métier des OPC CSSF
sont à clarifier, que des incohérences, voire des inconsistances, peuvent apparaître. Il est donc important d’y être attentif, de coopérer pour répondre à cette problématique centrale : comment réussir à mettre en œuvre une politique efficace et cohérente pour réorienter les flux vers une économie plus respectueuse de l’homme et de l’environnement», précise Laura Gehlkopf.
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Le 11 décembre 2019, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, présentait le Pacte vert pour l’Europe, la feuille de route stratégique pour entreprendre la transition écologique et énergétique de l’Union européenne. En marge de la définition d’objectifs climatiques ambitieux, le secteur de la finance se voyait confier une mission cruciale : réorienter le financement et l’investissement vers les activités durables. « Quatre ans plus tard, l’opérationnalisation efficace du cadre réglementaire en matière de finance durable reste le cœur du sujet », lance la coordinatrice ESG au sein de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), Laura Gehlkopf. En tant que régulateur national, la CSSF participe à de nombreux forums et groupes de travail pour contribuer à définir les meilleures règles possibles et à les faire évoluer en bonne collaboration avec toutes les parties prenantes. « En matière de régulation, le Luxembourg a toujours prôné une approche harmonisée. Au fur et à mesure de l’entrée en vigueur des nouvelles réglementations, il faut bien constater que des points
Dans quelle mesure les investissements du secteur financier ont-ils un impact sur les domaines suivants ?
Est-ce que le grand public devrait être davantage informé pour mieux comprendre et appréhender le sujet de la durabilité dans le monde de la finance ? Tout à fait d’accord 47 %
Développement des énergies 58 % Sociétés et communautés 52 % Environnement et climat 49 % Droits humains 39 %
Source
CSSF, la Fondation ABBL pour l’éducation financière et LSFI
Biodiversité 35 %
prendre en compte, d’obligations de reporting ou de prise en compte de la volonté des investisseurs, vient s’intégrer dans des processus qui existent déjà. « Nous devons donc appeler à la responsabilité des professionnels de la finance pour intégrer cela de la manière la plus efficiente possible, tout en les guidant lorsque c’est nécessaire », annonce Laura Gehlkopf. Grâce à son implication à l’échelle européenne, voire internationale, la CSSF se fait l’écho des pratiques et des positions de la place financière luxembourgeoise. À l’inverse, elle communique au marché local les grandes orientations prises, en veillant à orienter et guider au mieux les acteurs qu’elle supervise. « Que l’on parle de finance durable ou d’autres sujets réglementaires, les attentes des instances européennes à notre égard ne sont pas différentes, témoigne la coordinatrice ESG pour le métier des OPC au sein de la CSSF, Shaneera Rasqué. La CSSF conduit ses missions de surveillance prudentielle et des marchés dans le but de contribuer à la protection des investisseurs ainsi qu’à la solidité et à la stabilité du secteur financier. Il
Je ne sais pas 7% Pas du tout d’accord 1%
Plutôt d’accord 40 %
Plutôt pas d’accord 4%
s’agit donc pour la CSSF de dûment incorporer les exigences découlant du Pacte vert pour l’Europe tel qu’actuellement développé par les différentes instances européennes. » De nombreux défis à relever Les défis à relever sont toutefois nombreux. Malgré le fait que certaines réglementations-clés comme le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité (SFDR) ou le règlement sur la taxonomie soient entrées en vigueur, le cadre réglementaire continue d’évoluer. « Nous sommes encore dans une phase d’ajustement. Des adaptations sont nécessaires afin de disposer d’un cadre réglementaire robuste et cohérent. Cela commence par la définition de ce qui constitue un investissement durable suivant les textes européens, souligne Shaneera Rasqué. Sur cet aspect, la Commission européenne a récemment clarifié que les acteurs du marché financier ont un certain degré de latitude pour définir eux-mêmes ce qu’ils entendent par un tel investissement, ce qui implique qu’il puisse y avoir des degrés d’appréciation différents du marché sur le
même produit financier. Cela nuit forcément à la comparabilité des produits et peut évidemment poser des questions de risque de greenwashing, et de cohérence avec l’objectif de protection de l’investisseur. » Sur cette question du greenwashing, le rôle de la CSSF est de responsabiliser les parties prenantes. « Nous pouvons nous assurer que les entités que nous supervisons respectent le cadre réglementaire, mais il y a une limite au-delà de laquelle nous ne pourrons pas aller. Notre travail ne consiste pas à se substituer aux experts scientifiques », constate Laura Gehlkopf. « Sur ce sujet, l’enjeu est donc aujourd’hui de pouvoir s’appuyer sur des données de qualité, fiables et comparables afin d’évaluer le plus justement possible les impacts que peut avoir une activité sur l’environnement. Ces données doivent aussi être interprétées pour les rendre compréhensibles aux investisseurs », ajoute la coordinatrice ESG, Laura Gehlkopf. Difficulté supplémentaire en matière de finance durable. « Ces données touchent désormais à l’extra-financier, avec des sujets comme la comptabilisation des émissions carbone, mais aussi d’autres qui NOVEMBRE 2023 ESG
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peuvent être encore plus compliqués à chiffrer. Il est donc nécessaire de faire le pont entre des gens qui ont une connaissance approfondie du secteur financier et d’autres qui développent des connaissances scientifiques en lien avec les critères ESG. » Une réponse collective à des enjeux planétaires L’an dernier, la CSSF, la Fondation ABBL pour l’éducation financière et la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI) ont réalisé un sondage afin de mieux cerner la perception et la connaissance des ménages luxembourgeois par rapport à la finance durable. « Il en est ressorti une impression plutôt favorable du grand public vis-à-vis de la finance durable, mais une méconnaissance du sujet, d’où l’importance de démarches pédagogiques et le rôle pivot du banquier, partage Laura Gehlkopf. Pour investir dans un produit de finance durable, les investisseurs doivent avoir confiance dans ce secteur. Et cette confiance se construit par l’acquisition d’une bonne compréhension du sujet. La CSSF a, là aussi, un rôle à jouer. Pour répondre à ces enjeux, nous avons notamment lancé, avec d’autres institutions, un site internet d’information (finance- durable.lu, ndlr). De manière plus générale, il est urgent pour l’ensemble du secteur de libérer les ressources existantes, de former des experts dans ces domaines ESG. Je suis convaincue que cela passe aussi par la réalisation du potentiel qui existe déjà sur la Place, notamment en permettant aux collaborateurs de se former et en faisant évoluer les rôles. Sur ce point, il revient aussi au top management de donner les bonnes impulsions. » Le changement n’attend pas L’entrée en vigueur des nouvelles réglementations se poursuit à un rythme soutenu. « L’agenda est chargé, confirme Shaneera Rasqué. Il y aura des évolutions réglementaires importantes que nous suivons de près, sans pouvoir toutes les nommer. Le travail entrepris par l’ESMA sur la définition du greenwashing risk suit son cours, avec une finalisation prévue en mai 2024, et la consultation de la Commission européenne vient d’être lancée sur la refonte de la SFDR. En parallèle, nous avons une 46
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LAURA GEHLKOPF Coordinatrice ESG CSSF
« Nous devons trouver le bon équilibre entre la surveillance et une approche trop prescriptive qui nuirait à l’évolution des bonnes pratiques. »
proposition de règlement sur les ESG rating providers, et les travaux sur la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), entre autres. » Pour ce qui est du domaine des fonds d’investissement, il est également utile de rappeler l’action (Common Supervisory Action – CSA) sur la transparence et les risques de durabilité annoncée par l’ESMA le 6 juillet 2023. Outre le fait de permettre une revue de la conformité des acteurs du marché financier avec les dispositions en vigueur, cette CSA permettra également d’identifier les lacunes éventuelles liées au cadre réglementaire qui peuvent nécessiter un ajustement. Au vu de l’ampleur et de la globalité du défi climatique, seule une réponse collective peut s’avérer efficace. « De ce fait, les instances européennes doivent contribuer à cet objectif en remédiant à ces initiatives qui peuvent entraîner la fragmentation des marchés, comme la mise en place de régimes nationaux ou des différences dans l’application des exigences réglementaires en finance durable pour différents produits financiers », confie encore Shaneera Rasqué. Une telle fragmentation risque de remettre en cause le bon fonctionnement du passeport européen et donc du marché unique de l’UE. « Au niveau international, il est également important d’attacher une attention accrue à l’interopérabilité et la comparabilité entre les taxonomies de la finance durable applicables dans différentes juridictions », poursuit-elle. Aussi important et urgent que soit le besoin de répondre au défi climatique, il est essentiel de consacrer suffisamment de temps à la mise en place d’un cadre réglementaire aux fondements solides.
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Julien Melotte, Audit Partner, Industry & Public Sector, Sustainability, PwC Luxembourg
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PwC Luxembourg
Start strong on your sustainability journey Performing double materiality assessment while engaging with stakeholders is the foundation of impactful sustainability reporting.
Ruggero Golini, Advisory Senior Manager, Sustainability and Business Transformation, PwC Luxembourg
To produce a trustworthy sustainability report, businesses must understand first how their actions impact the environment, society, and, in turn, their financial performance. This process is known as double materiality because it assesses the importance of sustainability topics from two different angles: external impact and financial implications. It is a requirement for companies under the Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)1 and a vital component of impactful and comprehensive sustainability reporting. A double materiality analysis is ultimately about identifying and reporting relevant (that is, material) environmental, social, and governance impacts, risks, and opportunities, and it is carried out in four phases explored in the following sections. PHASE 1: UNDERSTANDING PHASE In the understanding phase, companies establish the foundation for their materiality assessment process, considering the following key points:
TWO PERSPECTIVES CONVERGE IN THE DOUBLE MATERIALITY ASSESSMENT PROCESS Inside out perspective The company's effects on people and the environment
Double materiality assessment process
Impact materiality Understand
Assess
Determine
Report
Financial materiality Outside in perspective Risks and opportunities that may impact future cash flows and company value
• Own operations and value chain: Materiality is not limited to a company's operations; it extends to the entire value chain, including upstream and downstream activities. For instance, critical suppliers of raw materials, key customers, and end-users should be included in the analysis. • Engagement with stakeholders: Actively involving stakeholders helps in understanding their concerns and how the business impacts people and the environment. This input strengthens the importance of sustainability matters from their perspective. PHASE 2: ASSESSMENT PHASE The assessment phase focuses on identifying sustainability-related impacts, risks, and opportunities. This can be done through a top-down approach, starting with a list of potential topics, and enhancing it through stakeholder engagement or internal assessments, or a bottom-up approach, where granular impacts are grouped into topics. For instance, following a bottom-up approach, a company may assess its climate risk via the analysis of different physical risks (such as extreme weather events) and transition risks (such as regulatory changes) to which its operations are exposed. It is essential to combine research and data analysis with stakeholder engagement to make sure that all relevant impacts, risks, and opportunities are identified and assessed using objective criteria.
PHASE 3: DETERMINATION PHASE In the determination phase, decisions are made about which topics are in the scope of the sustainability report. This includes setting thresholds, aligning with global standards, and outlining the reporting process. Two main processes can be distinguished in this phase: • Scoring impacts, risks, and opportunities: Impacts are assessed using quantitative and/or qualitative scales based on the severity of actual and potential negative impacts. For risks and opportunities, the effects on performance, financial situation, and cash flows are considered. • Determining what to report: All impacts, risks, and opportunities that score higher than a threshold are considered material, and thus, a company must report them. The type of information to disclose around these topics depends on whether it is related to policies, actions, targets, or metrics. In the final stages of the determination phase, it is important to consider the disclosure requirements for policies and targets, and state explicitly if these are not available. For metrics, they can be omitted if they do not apply to the company context. PHASE 4: REPORTING PHASE To ensure the double materiality exercise's effectiveness, it is essential to present it clearly and transparently. This clarity is crucial for the users of the sustainability statement
and for auditors. It is necessary to provide detailed explanations of both the process, outlining how the double materiality assessment was conducted, and the outcome, specifying the topics deemed material and the corresponding information included in the sustainability statement. To learn more about double materiality, consult the EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) ESRS 2 (European Sustainability Reporting Standards) standard and the guidelines issued by EFRAG in August 2023. 1 Directive (EU) 2022/2464 of the European Parliament and of the Council of 14 December 2022 amending Regulation (EU) No 537/2014, Directive 2004/109/EC, Directive 2006/43/EC and Directive 2013/34/EU, as regards corporate sustainability reporting: https:// eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ ALL/?uri=CELEX:32022L2464
MORE INFORMATION JULIEN MELOTTE Audit Partner, Industry & Public Sector, Sustainability, PwC Luxembourg Tel: +352 49 48 48 5287 Linked in: Julien Melotte Email: julien.melotte@pwc.lu RUGGERO GOLINI Advisory Senior Manager, Sustainability and Business Transformation, PwC Luxembourg Tel: +352 621 333 628 Linked in: Ruggero Golini Email: ruggero.golini@pwc.lu
« Développer des synergies » Présentation de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI) avec sa directrice générale, Nicoletta Centofanti. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
Portrait ROMAIN GAMBA (ARCHIVES)
« Le défi qui nous occupe, (...) c’est bien de changer la finance. » NICOLETTA CENTOFANTI Directrice générale LSFI
Pouvez-vous nous résumer le rôle de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative ? Notre association a été fondée en 2020 par le gouvernement luxembourgeois, plus particulièrement par le ministère des Finances et celui de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, par Luxembourg for Finance (LFF) et le Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD). Notre mission a été de concevoir et de mettre en œuvre la stratégie luxembourgeoise pour la finance durable. Au-delà, notre rôle est de sensibiliser, promouvoir la finance durable et soutenir le développement d’initiatives en la matière. En quoi cette initiative est-elle essentielle aujourd’hui ? La transition que nous devons mener à la faveur d’une société et d’une économie qui soient durables exige des besoins en capitaux conséquents. À travers la finance durable, il s’agit d’orienter les flux de capitaux vers des projets qui contri-
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buent aux objectifs de développement durable qui ont été fixés. Dans cette optique, il faut mobiliser tout un écosystème, qui va des investisseurs privés et institutionnels aux porteurs de projets qui ont besoin de financement, en passant par l’ensemble des opérateurs financiers. Pour cela, il est nécessaire de créer des synergies entre tous ces acteurs. À qui s’adresse plus particulièrement la LSFI ? Notre cible principale, c’est le secteur financier. Notre objectif premier est de lui permettre d’opérer cette transformation durable. L’enjeu, toutefois, implique de mobiliser une grande diversité d’acteurs, comme ceux du domaine de la formation et de la recherche, les associations de la société civile, à l’instar des diverses organisations non gouvernementales actives dans ce domaine, les entreprises innovantes et les plateformes qui les soutiennent, comme la Lhoft ou le Blockchain Lab. Tous ces acteurs doivent pouvoir soutenir la transition des opérateurs financiers. La LSFI entend aussi s’adresser aux particuliers, avec un volet important consacré à l’éducation à la finance durable. Vous avez évoqué la définition d’une stratégie. Quels en sont les grands piliers ? Elle est construite autour de trois axes principaux. Le premier a trait à la sensibilisation des acteurs et à la promotion de bonnes pratiques liées la finance durable. En deuxième lieu, il s’agit de libérer le potentiel des acteurs, leur permettre de s’engager plus facilement en faveur de cette approche de la finance. Enfin, il
Conversation Nicoletta Centofanti
convient de mesurer les progrès réalisés, de quantifier les impacts, pour s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.
rapport comprenant les résultats du groupe de travail sur les outils liés à la transition climatique.
Quels sont les enjeux associés Cela commence donc par de la sensibiau troisième pilier, autour lisation. Dans quelle mesure faut-il de la mesure et des progrès ? encore convaincre aujourd’hui ? La maturité des acteurs financiers à Il est important d’évaluer comment les l’égard de la finance durable peut varier acteurs se positionnent vis-à-vis de la sensiblement de l’un à l’autre. Si chacun finance durable, afin d’identifier les défis de nous est de plus en plus conscient de et pouvoir travailler sur les leviers-clés repenser son rapport à la finance pour d’amélioration. Dans ce contexte, nous soutenir les objectifs de développement avons entrepris une étude, avec PwC, avec durable, il demeure essentiel de sensibi- pour ambition d’évaluer les investisseliser toutes les parties prenantes à cet éco- ments durables au Luxembourg. Ce trasystème sur tous les aspects de cette vail a notamment mis en lumière un grand transformation, d’autant plus qu’elle revêt besoin des données – seul le segment des une réelle complexité. Dans cette optique, fonds a été évalué – mais aussi de stannous avons mis en place un ensemble dardisation au niveau de la donnée ESG. d’outils d’information, comme notre Vis-à-vis du grand public, nous avons newsletter. Nous publions régulièrement aussi mené une grande enquête, avec la les études plus relèvent de ces enjeux et collaboration de la CSSF et de l’ABBL, proposons divers événements pour ras- pour comprendre la sensibilité des partisembler les acteurs intéressés. Nous les culiers vis-à-vis de ces enjeux. Si, au sein accompagnons aussi sur des aspects plus de la population, on a conscience de l’imtechniques, de compréhension des enjeux, pact positif de la finance durable, que l’inde mise en œuvre de la transformation, à térêt pour ses produits est réel, l’enquête travers un ensemble de webinaires. Dans a révélé un besoin accru d’information. cette optique, on peut évoquer notre partenariat avec l’Université du Luxembourg Quel regard portez-vous sur ou notre participation au programme de les leviers d’activation de la finance développement de fintech Catapult, pro- durable ? Depuis quelques mois, on a l’impression que la transformation posé par la Lhoft Foundation. de la finance est principalement portée par une vague de réglementations… Au-delà de la sensibilisation, comment soutenez-vous les acteurs ? On constate que les initiatives se multiNous entendons notamment leur faciliter plient, avec la mise en œuvre de standards, l’accès aux instruments et ressources des acteurs qui s’engagent et, effectiveutiles qui peuvent les aider dans leur ment, un important volet réglementaire transformation. Sur notre site web, nous qui pousse les acteurs à prendre des avons par exemple recensé l’ensemble des mesures. Si la réglementation est un volet initiatives, cadres de référence, standards, essentiel, il faut qu’elle soit bien appréhenoutils (J’agis – Initiatives) ou formations dée. Le défi qui nous occupe, ce n’est pas orientées vers les acteurs financiers (J’agis de répondre à la réglementation mais bien – Formations). D’autre part, nous animons de changer la finance. À ce titre, le déveaussi des groupes de travail autour de loppement des aspects soft, en matière sujets-clés. Ces groupes rassemblent une d’éducation et de développement des diversité d’acteurs, représentatifs de l’en- compétences, est crucial. L’enjeu est de semble de l’écosystème, et doivent per- permettre aux acteurs du secteur de commettre de définir des orientations prendre le développement durable dans stratégiques. Dans les derniers mois, nous toutes ses dimensions. Nous évoquons, par avons publié le rapport du premier groupe ailleurs, une transformation majeure, visde travail dédié à l’analyse des formations à-vis de laquelle il faut veiller à assurer la disponibles dans le domaine de la finance compétitivité de la place financière. durable. Nous allons bientôt publier le
Quatre groupes de travail À l’heure actuelle, la LSFI a mis en place deux groupes de travail. L’un des deux se penche sur les enjeux d’éducation et de formation dans le domaine de la finance durable. L’autre s’attache aux défis liés à la mesure des impacts climatiques et au reporting de ceux-ci. Deux autres groupes vont prochainement être lancés : le premier concernera la thématique des données ESG ; le second traitera des enjeux d’innovation et de développement de produits dans le domaine de la finance durable.
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Conversation Frédéric Vonner
« La transformation ESG, un enjeu collectif » Si la plupart des entreprises conviennent de la nécessité de s’inscrire dans une démarche de développement durable, la transformation à opérer n’a rien d’évident. Sustainability & sustainable finance leader au sein de PwC Luxembourg, Frédéric Vonner partage quelques clés pour bien appréhender ce changement. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
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Photo ROMAIN GAMBA
Pour Frédéric Vonner, il faut des objectifs clairs et compris de tous : de la direction, des collaborateurs, des fournisseurs et partenaires, ainsi que des clients.
Conversation Frédéric Vonner
Pourquoi les entreprises, aujourd’hui plus que jamais, doivent-elles se doter d’une stratégie durable ? L’essence même d’une entreprise est d’être durable, ou pérenne. Aujourd’hui, on assiste à une prise de conscience du fait que la vie et la survie d’une entreprise ne dépendent pas uniquement de sa capacité à être financièrement rentable. La disponibilité des ressources – matérielles, humaines et intellectuelles – est tout aussi essentielle à son bon fonctionnement. Il faut également privilégier des approches qui garantiront la disponibilité des ressources durablement, soutenir un développement responsable, soucieux de l’environnement, de la société, des communautés et des écosystèmes qui nous entourent. De manière plus pragmatique, les acteurs économiques doivent aussi évoluer s’ils veulent pouvoir continuer à recruter ou se maintenir sur le marché. Les jeunes recrues sont particulièrement attentives à ces aspects, déterminants dans les choix qu’ils font. Une récente étude a révélé qu’une jeune recrue sur cinq avait refusé une offre d’une entreprise dont les ambitions ESG n’étaient pas alignées avec ses valeurs. Toutes les organisations sont aujourd’hui appelées à s’inscrire dans une démarche de développement durable. Cependant, aborder une telle transformation n’a rien d’évident. Comment bien l’appréhender ? S’inscrire dans une démarche de développement durable implique de considérer trois piliers principaux: la définition d’une stratégie, la transformation à opérer et le reporting associé aux objectifs poursuivis. La principale difficulté rencontrée par les entreprises est de déterminer par où commencer. C’est la question de la poule et de l’œuf qui se pose à ce niveau. Commence-t-on par déterminer une stratégie visant à améliorer nos performances sociales ou environnementales ? Ou est-il préférable de faire une première évaluation des impacts de l’activité pour définir une stratégie adaptée ? Si l’on regarde ce que demande la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui exige des organisations qu’elles rendent compte de leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance, on y retrouve ce principe de double matérialité. L’entreprise doit 54
ESG NOVEMBRE 2023
« Au cœur de la transformation ESG, il s’agit de trouver comment faire mieux ou tout aussi bien, mais différemment. » à la fois évaluer comment l’environnement l’impacte et mesurer son empreinte sur le monde qui l’entoure. Dès lors, comment engager la démarche ? Les entreprises vont devoir travailler sur les deux aspects, la stratégie et la mesure des impacts. Cependant, la manière d’engager la transition va surtout dépendre du secteur dans lequel l’organisation évolue. Les enjeux ne sont pas les mêmes pour une société de services, dont l’empreinte environnementale liée à sa propre activité est plus limitée que pour une industrie manufacturière. Il est cependant important que chacune comprenne qu’une démarche ESG s’envisage en tenant compte de l’environnement dans lequel l’organisation évolue, de l’ensemble de ses parties prenantes. Pourquoi est-ce important ? Envisager une approche ESG sans tenir compte des acteurs qui composent l’écosystème dans lequel on évolue, sans prendre le soin d’évaluer les risques et opportunités liés à nos actions sur l’environnement, produira des effets limités. Une telle démarche pourrait même s’avérer contre-productive. Par exemple, décider seul de placer des ruches sur le toit de son immeuble part d’une bonne intention. Mais si l’espèce d’abeilles sélectionnée est réputée envahissante, elle peut davantage nuire à la biodiversité que la préserver. En outre, face aux nombreux défis qui nous occupent, nous devons agir collectivement. Les diverses politiques mises en œuvre actuellement, notamment à travers la réglementation, cherchent à créer et à renforcer des effets de levier forts.
DES COMPTES À RENDRE
CSRD Dès 2024, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) entrera progressivement en vigueur. Elle obligera plus de 50.000 entreprises en Europe à établir un reporting extra-financier, autrement dit de suivre et de publier, en plus de leur bilan financier, un bilan ESG (environnemental, social et de gouvernance). CSDDD La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) vise à encadrer les obligations de responsabilité des entreprises sur le plan social et environnemental et à appliquer la notion de « devoir de vigilance ». Si elle est adoptée, elle imposerait aux entreprises européennes de publier des informations sur les risques de durabilité identifiés, y compris au niveau de leurs prestataires et fournisseurs sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Source
Panorama du développement durable en entreprise – Luxembourg 2022
Concrètement, comment ces réglementations créent-elles des effets de levier ? Notre impact dépend des actions que l’on met en place directement en tant qu’organisation, mais aussi des engagements de nos partenaires, fournisseurs et même clients. C’est en cela que le changement doit s’envisager de manière écosystémique. La fonction Achats d’une organisation, en intégrant un ensemble de critères environnementaux ou sociaux dans ses démarches de sélection, a un potentiel d’influence considérable sur les performances ESG de l’entreprise. Prenons l’exemple d’une organisation qui, du jour au lendemain, décide de remplacer les bouteilles d’eau en verre par des carafes d’eau filtrée. La décision permettra peutêtre d’améliorer les performances de l’organisation. Elle pourra avoir, toutefois, des impacts regrettables sur le fournisseur des bouteilles d’eau. Quelle autre approche l’entreprise peut-elle privilégier vis-à-vis de ses fournisseurs ? Elle peut travailler en collaboration avec ses fournisseurs, chercher à les impliquer dans la démarche ESG de l’entreprise. Ensemble, les acteurs en présence peuvent chercher des solutions alternatives, innover, à la poursuite d’objectifs durables communs. On peut penser, dans le cadre de notre exemple, à la mise en place de consignes sur les bouteilles en verre. En agissant ensemble, on améliore les performances à plus large échelle. Au cœur de la transformation ESG, il s’agit de trouver comment faire mieux ou tout aussi bien, mais différemment, de manière à être aligné avec les objectifs durables que l’on poursuit. Entre la stratégie et le reporting, il faut procéder à la transformation du modèle. Comment appréhender cela ? Tout d’abord, il est important de fixer des objectifs clairs et cohérents au regard de l’activité de l’entreprise. La stratégie va être déterminée en opérant une sélection parmi les 17 objectifs de développement durable définis au niveau des Nations unies. À ce niveau, l’entreprise doit viser des objectifs auxquels elle peut contribuer significativement. À partir de là, elle doit
MOTIVATIONS PRINCIPALES POUR AMORCER UNE DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE Raisons internes à l’entreprise Pour des raisons de motivations personnelles (de la direction) 34 % 4 % Pour se différencier de la concurrence 3%
Pour mieux gérer des crises
1%
Pour répondre à la demande des salariés
Raisons externes à l’entreprise
pouvoir établir un état des lieux, déterminer comment elle se positionne vis-à-vis des enjeux sélectionnés et fixer un but à atteindre. Pour opérer la transformation requise, il faut des objectifs clairs et compris de tous : de la direction, des collaborateurs, des fournisseurs et partenaires, ainsi que des clients. Il s’agit d’intégrer ces ambitions au cœur de la stratégie de l’entreprise, pour que chaque décision prise soit alignée sur ces enjeux. Quels sont les défis liés à la mise en place d’un reporting de qualité ? Si l’on se fixe des objectifs, il faut les associer à des indicateurs bien choisis, qui permettront de se rendre compte du chemin parcouru. Cela peut avoir des implications sur la gestion des données au sens large à l’échelle d’une organisation. Si l’un des enjeux est de réduire la production des déchets, il faut pouvoir les quantifier, déterminer quelle part est recyclée… Il faut aller chercher ces données, les structurer et pouvoir les suivre dans le temps. Les indicateurs, en outre, sont importants pour mobiliser les équipes en vue de la poursuite d’objectifs communs, communiquer sur les défis et les résultats, déterminer les leviers d’amélioration et faire émerger de nouvelles idées auprès des collaborateurs.
Pour répondre à la demande des clients ou du marché
17 % Pour se conformer aux obligations légales ou à venir
16 % 2%
Pour répondre à la demande des investisseurs
1%
Pour accéder aux marchés publics
19 % Aucune 2 % Autres
NOVEMBRE 2023 ESG
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PARTNER CONTENT
LA CHARTE GRAPHIQUE VERSION 2015 EXPLIQUÉE
COMMENT CRÉER ET METTRE MERCI À EN PAGE UN DOCUMENT
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Digital Inclusion
Créer un impact avec son parc informatique En réponse aux inégalités d’accès au matériel informatique, l’ASBL Digital Inclusion mise sur une distribution 100% locale et publiquement accessible.
Dans un monde en constante évolution, l’accès aux technologies de l’information constitue un défi essentiel pour la société. Or, tout le monde n’a pas le privilège de posséder des appareils informatiques, y compris au Luxembourg. « La plus grande partie de la population bénéficie d’un très bon accès à ces technologies, et de nombreux ménages sont suffisamment équipés. D’autres n’ont, en revanche, pas d’ordinateur chez eux et sont donc mal connectés. Ce fossé s’est aggrandri avec la pandémie », explique Patrick de la Hamette, directeur. Créée en 2016, Digital Inclusion travaille pour combler cet écart en rendant les technologies de l’information accessibles à tous dans le pays. Parmi ses missions, l’asbl assure en effet la collecte et la redistribution de matériel informatique sur le territoire luxembourgeois. « En tant que partenaire officiel
banque monde change
de réutilisation informatique du gouvernement, nous nous inscrivons dans une démarche d’économie circulaire pour offrir aux résidents à faibles revenus et aux réfugiés les équipements nécessaires pour atteindre l’autonomie numérique. » IMPLIQUER LES ENTREPRISES LOCALES Digital Inclusion s’adresse aux entreprises du pays en leur proposant la collecte et la réutilisation sociale de leurs ordinateurs portables et smartphones déclassés. Grâce à une telle contribution, ces entreprises ainsi que les institutions et particuliers peuvent mettre en avant leur responsabilité sociale locale et environnementale. En donnant une seconde vie à leurs appareils, ils permettent à ces derniers d’être utilisés aussi longtemps que possible, optimisant par la même occasion leur impact. « De plus, Digital Inclusion communique chaque don avec une campagne sur les réseaux sociaux pour mettre en avant la conscience écologique du donateur et son engagement solidaire envers le Luxembourg. Le nombre de laptops offerts y est renseigné. » UNE DÉMARCHE INCLUSIVE ET PARTICIPATIVE L’organisation remet ensuite chaque appareil en état, y compris les ordinateurs portables et/ou smartphones endommagés, dans son atelier informatique participatif accessible à tous. Digital Inclusion exploite cet atelier, enseigne la maintenance informatique aux personnes sans activité et volontaires et certifie leurs compétences. Enfin, elle distribue rapidement et gratuitement ces appareils aux personnes dans le besoin à travers le Luxembourg via une liste d’attente équitable et publique ouverte depuis 2016. Pour s’y inscrire, les candidats doivent répondre à des critères : bénéficier de l’allocation de vie chère octroyée par l’État ou être réfugié au Luxembourg. « Les bénéficiaires d’ordinateurs portables ont aussi la possibilité depuis 2017 de suivre gratuitement des cours d’infor-
Son modèle de distribution solidaire d’ordinateurs portables a été mis plusieurs fois à l’honneur, valant à l’asbl sept prix.
matique dans dix langues et trois niveaux, allant de l’alphabétisation numérique à la citoyenneté numérique. Contrairement au soutien matériel, ces cours sont ouverts à tout le monde et offrent la possibilité aux participants d’améliorer leurs compétences numériques globales. » LA DISTRIBUTION DEPUIS 2016 :
+ de 7000
ordinateurs offerts, dont une majorité de laptops
+ de 1.000
smartphones offerts
GARANTIR UNE DISTRIBUTION DÉMONÉTISÉE ET ÉQUITABLE Digital Inclusion se distingue des autres initiatives de collecte d’ordinateurs portables de manière significative. « Nous nous engageons à distribuer 100 % de la valeur collectée grâce à notre modèle de distribution social, démonétisé, transparent et totalement local. Nous garantissons le fait que les ordinateurs portables sont exclusivement destinés aux familles démunies et aux réfugiés au Luxembourg. » Comme la demande d’appareils est toujours élevée, l’asbl propose une option complémentaire aux dons en nature d’ordinateurs portables et de smartphones. Les entreprises peuvent se tourner vers des modèles de parrainage où les appareils sont achetés auprès de fournisseurs de seconde main. L’asbl veille aussi à ce que les appareils donnés restent au Luxembourg pour une réutilisation sociale, tout au long de leur cycle de vie. Pour ce faire, l’association grave chacun d’entre eux, leur attribue un numéro de série et offre une garantie d’échange d’obsolescence gratuite pour tous les appareils. Les appareils en fin de vie sont remis à l’industrie locale du recyclage.
Digital Inclusion grave tous les appareils pour garantir leur démonétisation.
La mission de réutilisation solidaire est officiellement octroyée à Digital Inclusion sous forme d’une convention du gouvernement luxembourgeois, notamment pour le ministère de la Famille, depuis 2022, garantissant des pratiques justes et transparentes. Non seulement l’association est entièrement conforme aux réglementations environnementales et aux autorisations, mais, grâce à son partenariat avec le ministère de la Famille depuis 2022, elle garantit également les normes les plus élevées en termes de transparence, d’équité et de RGPD. Digital Inclusion offre toutes les solutions possibles pour garantir l’intégrité des données, y compris la possibilité de donner des ordinateurs portables sans dispositif de stockage de données ou la destruction certifiée de ces dernières. « Dans tous les cas, nous fournissons des certificats de don et d’effacement des données à tous les donateurs. » Enfin, en plus des options de sécurité des données complètes qu’elle propose, Digital Inclusion offre un soutien logistique complet, lié aux dons d’appareils désaffectés, en assurant par exemple le transport des appareils. DES DEMANDES D’ORDINATEURS TOUJOURS PLUS NOMBREUSES À mesure que la société devient plus numérique et que l’inflation met plus de pression sur les personnes dans le besoin, les services de Digital Inclusion sont plus sollicités que jamais, et chaque ordinateur portable compte. « En 2022, par exemple, en réponse à la guerre en Ukraine et aux nombreux réfugiés supplémentaires arrivant au Luxembourg, nous avons lancé un appel à l’action. Celui-ci a abouti à la collecte, à la remise en état et à la distribution de plus de 2000 ordinateurs et 270 smartphones d’occasion. » Les IMS Sustainability Awards ont reconnu le travail de Digital Inclusion pour cette action.
EN SAVOIR PLUS SUR DIGITAL INCLUSION OU FAIRE UN DON, CONTACTEZ info@digital-inclusion.lu
Start-up
Une collaboration simplifiée Encadrée par de nombreuses réglementations, la gestion des fonds alternatifs peut vite devenir chronophage. Rencontre avec Tobias Degünther qui, avec Fundvis, propose une solution pour fluidifier les échanges entre les parties prenantes. Journaliste MARIE JACQUEMIN
Anciens consultants, Tobias Degünther et Leonhard Kossmann ont été frappés par les difficultés rencontrées en matière de communication et de coopération dans le secteur de la gestion des fonds alternatifs. C’est pour répondre à ces enjeux qu’ils ont créé Fundvis. «Rapidement, nous avons compris que le secteur des fonds alternatifs était l’un des sujets-clés pour l’avenir. Nous étions alors en 2021», développe le cofondateur et CEO de Fundvis, Tobias Degünther. Conscients des leviers à activer pour permettre à l’ensemble du secteur d’évoluer, les deux hommes travaillent sur trois axes : la coordination, la communication et la coopération entre les différentes parties prenantes impliquées dans les fonds d’investissement et dans leur gestion. « Sur cette base, nous avons développé une solution, un produit SaaS, qui soutient les interactions entre les différentes personnes impliquées, explique le CEO. Il s’agit du point de départ de Fundvis et de notre core product.» Une solution entièrement sure mesurée Le principe de Fundvis est de simplifier le suivi en matière de gestion des fonds et de faciliter la coopération et la communication entre personnes impliquées, tant du côté des gestionnaires que des investisseurs. «Le point commun entre tous les fonds d’investissement vient de la variété des contributeurs qui coopèrent sur différents sujets, développe le cofondateur. En parallèle, il s’agit d’un domaine qui est basé sur les régle58
ESG NOVEMBRE 2023
TOBIAS DEGÜNTHER Cofondateur et CEO Fundvis
« Il s’agit d’un segment en pleine expansion et qu’il faut garder à l’œil, en raison des évolutions qui se préparent. »
mentations européennes. L’ensemble des activités et des flux sont alignés sur le cadre défini par le régulateur, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme ou contre le blanchiment d’argent. » Toutes ces étapes, toutes ces mesures à respecter avaient tendance à engendrer un nombre important de mails et d’appels. Un mode de fonctionnement chronophage que Fundvis veut simplifier. Grâce à la plateforme, les différents intervenants peuvent coopérer de façon digitale. Le service proposé permet donc de faciliter les différentes opérations de gestion des fonds alternatifs. Un autre aspect important à prendre en compte est le fait qu’il s’agit d’une plateforme no code. « Vous n’avez pas besoin de faire appel à nous pour changer un workflow ou en développer un nouveau, explique le CEO. Une fois que vous avez créé votre processus, vous pouvez simplement le dupliquer lorsque vous devez gérer un nouveau fonds.» Évoluer avec les réglementations À l’avenir, ce seront également l’ensemble des régulations relatives à l’ESG qui entreront en vigueur et qui seront intégrées sur la plateforme. « En ce qui concerne les différentes régulations ESG, nous allons intégrer et fournir des KPI et des questionnaires dédiés, afin de permettre d’identifier rapidement si les fonds répondent aux normes. Il s’agit d’un segment en pleine expansion et qu’il faut garder à l’œil, en raison des évolutions qui se préparent. »
Start-up
Automatiser la gestion des données Automatiser la gestion opérationnelle des données des fonds d’investissement permet un gain de temps considérable, notamment au regard des nouvelles régulations ESG. Cofondateur de Next Gate Tech, Davide Martucci nous parle de sa technologie. Journaliste MARIE JACQUEMIN
Il y a quelques années, Davide Martucci et En quelques années à peine, leur solution Semin Ibisevic travaillaient ensemble au a séduit de nombreuses entreprises. sein d’un family office, dans le domaine des L’équipe, composée de plus de 40 perfonds. Rapidement, ils ont pu constater sonnes, met tout son savoir-faire au service que certains aspects de ce secteur ne pro- de l’automatisation de la gestion de donfitaient pas des atouts de la digitalisation… nées. «Nous avons lancé Next Gate Tech en « Lorsque je suis arrivé au Luxembourg en 2019, juste avant la crise sanitaire. Rapide2015, j’ai fondé un family office, grâce ment, nous avons signé avec nos premiers auquel j’ai rencontré Semin. Rapidement, clients, explique le CEO. Très vite, nous j’ai réalisé que certaines tâches, notamment pour la partie back-office – l’aspect réglementaire, la surveillance, le reporting –, nécessitaient encore de nombreuses manipulations, explique Davide Martucci. À l’époque, Excel était la base de ce métier. J’ai été frappé par ce manque d’automatisation. Avec Semin, nous sommes rapidement arrivés à la conclusion que le problème résidait dans la non-harmonisation des données provenant des différents fournisseurs de serDAVIDE MARTUCCI Cofondateur vices et contreparties. » Next Gate Tech
Une croissance rapide Concrètement, l’ensemble des parties impliquées dans la gestion des fonds recevait une importante quantité de données, mais pas de manière harmonisée. Les deux hommes ont donc décidé d’apporter une solution, Semin Ibisevic étant chargé de la partie technique et Davide Martucci de la gestion. Ils ont ainsi développé une technologie permettant de faciliter la gestion des données au travers de Next Gate Tech.
« Il y a déjà une tendance vers plus de transparence sur les marchés financiers. »
nous sommes également lancés dans des levées de fonds. Cela nous a permis de continuer nos activités durant la crise du Covid, tout en sachant que cette période a engendré une forte digitalisation dans de nombreux domaines.» Depuis, d’autres levées de fonds ont eu lieu et la start-up a bien grandi. Une gestion des données simplifiée En automatisant la collecte des données et leur gestion, les différentes parties impliquées peuvent gagner énormément de temps. « Notre service concerne donc la gestion des données et des transactions d’un portefeuille, développe Davide Martucci. Cela signifie que nous allons collecter quotidiennement tous les mouvements d’un fonds. Ces données peuvent provenir de nos clients ou de leurs fournisseurs de services.» La technologie proposée par Next Gate Tech intègre dorénavant plus de bases de données ESG pour répondre aux différentes réglementations, en place et à venir, auxquelles font face ses clients. « Nous intégrons ces données afin de permettre aux acteurs concernés d’avoir une vue ESG ‘à 360 degrés’ de leurs portefeuilles via des ratings ESG, des expositions à des sociétés controversées ou encore un alignement avec la taxonomie. Il y a une tendance vers plus de transparence sur les marchés financiers depuis ces dernières années, les critères ESG en font maintenant partie intégrante.» NOVEMBRE 2023 ESG
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Start-up
Greenomy, le facilitateur Les réglementations tournées vers l’ESG obligeront bientôt les entreprises à réaliser des rapports extra-financiers. Un travail long et fastidieux qui a inspiré la création de Greenomy. Rencontre avec le CEO, Alexander Stevens. Journaliste MARIE JACQUEMIN
CSRD, SFRD, taxonomie… Voici quelquesunes des réglementations qui obligeront bientôt les entreprises à prendre en compte leur durabilité au travers, notamment, de la rédaction de rapports extra-financiers. Un travail fastidieux que les portails développés par Greenomy, une regtech bruxelloise, permettent de simplifier. « L’idée de Greenomy est de codifier l’ensemble de la législation européenne relative aux reportings extra-financiers, explique le CEO de Greenomy, Alexander Stevens. Nous avons développé trois portails. Le premier est à destination des entreprises. Celles-ci peuvent connecter notre software à leur système informatique et injecter les données à analyser. En quelques clics, elles pourront ensuite générer leur rapport extra-financier. » La deuxième solution est un portail centré sur l’investisseur. Il offre aux assets managers et aux gestionnaires de fonds de private equity la possibilité de récolter facilement les données des entreprises dont elles détiennent des parts en les invitant par e-mail à remplir leurs données. Une arrivée luxembourgeoise C’est au travers d’un troisième portail que Greenomy a commencé à étendre son activité au Luxembourg, en s’associant avec la Spuerkeess. «La dernière solution que nous proposons permet aux banques de calculer le green asset ratio de leur portefeuille de prêts, déclare Alexander Stevens. La banque peut ainsi inviter toutes les entreprises ayant 60
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contracté un prêt chez elle à soumettre leurs données ESG. Un ‘scoring taxonomique’ sera alors généré.» Une fois l’ensemble des scores rassemblés, la banque obtient son green asset ratio. À terme, l’outil développé en utilisant notamment les nouvelles technologies, dont l’IA, permet d’automatiser le processus, de collecter les données, de les agréger et de générer le rapport extra-finan-
ALEXANDER STEVENS CEO Greenomy
« Nos clients comptent sur nous quant à l’intégration de ces nouvelles réglementations. »
cier. Son arrivée sur le sol luxembourgeois s’est faite sans accroc. «Le Luxembourg dispose d’un écosystème très ouvert et d’atouts non négligeables, tels que la Lhoft», explique le CEO. La scale-up n’en est, d’ailleurs, qu’à ses débuts. Des négociations sont en cours avec d’autres acteurs financiers luxembourgeois afin de continuer à s’implanter. Évoluer avec les régulations Les réglementations ESG n’en sont qu’à leurs débuts. « Des législations vont régulièrement entrer en vigueur. Toutefois, nous avons la chance, chez Greenomy, d’avoir une équipe de regulatory watch, attentive à ces évolutions. Nous prenons en compte tous les développements réglementaires », développe le chef d’entreprise. De nouveaux frameworks seront ainsi développés et intégrés au fur et à mesure, sur les différents portails. « Nos clients comptent sur nous quant à l’intégration de ces nouvelles réglementations, justifie Alexander Stevens. De plus, nous mettons tout en place pour leur permettre de comprendre au mieux ces évolutions. Pour cela, nous avons développé la Greenomy Academy et proposons un blog avec de nombreuses informations. » Greenomy entend également continuer à grandir et se développer au sein de l’Union européenne. « Nous pouvons, de cette manière, accompagner nos clients dans cette période de transition et contribuer à l’amélioration de leur durabilité », conclut le CEO.
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10 x 6 Leading HR Managers’ Challenges 2024 ��h�� - ��h�� | Luxembourg-ville |
Dix experts parleront de la fonction RH, qui est en constante évolution, influencée par des nouvelles tendances et de nouveaux défis. Les enjeux sont une culture d’entreprise attrayante, une marque employeur forte et dela transparence. On y ajoute des pratiques éthiques et responsables, comme la qualité de vie au travail, la diversité et l’inclusion, ainsi que la réduction de l’impact environnemental. Et pour attirer et retenir les talents, on développe leurs compétences. Avec la participation de : Didier Lemeire (Spuerkeess), Louis de Looz-Croswarem (BGL BNP Paribas), Genevieve Machin (NATO Support and Procurement Agency – NSPA), Christelle Noel (Dussmann), Ann De Jonghe (Sodexo Luxembourg), Hyppolito Staudt (POST Luxembourg) et Géraldine Hassler (KPMG).
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Des synergies à inventer
La transition durable doit être plus ambitieuse Le président du Conseil supérieur pour un développement durable, Romain Poulles, assure que la transition vers une société durable implique de considérer les enjeux au-delà de la problématique climatique. C’est l’ensemble de notre modèle qui doit être repensé, suivant une approche systémique, en sortant des logiques qui prédominent depuis le début de l’ère industrielle. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
Si la question du développement durable semble désormais figurer parmi les préoccupations des dirigeants, les actions prises sont-elles pour autant à la hauteur des enjeux ? Ou, au contraire, devrionsnous faire preuve de plus d’ambition ? Ces questions, nous avons souhaité les aborder avec le président du Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD), Romain Poulles, fervent promoteur d’un modèle de société durable et d’une économie circulaire. « Aujourd’hui, nous avons tendance à appréhender la durabilité sous le seul prisme du défi climatique, explique-t-il d’emblée. Pour la plupart, il s’agit avant tout de réduire l’empreinte carbone de nos activités, avec pour objectif d’atteindre la neutralité. Je crains que cette manière d’appréhender l’enjeu génère plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. » Pour le dirigeant, considérer le niveau d’émissions de CO2 comme le principal indicateur de la réussite de la transition vers une société durable, c’est se fourvoyer. Cela n’a, à ses yeux, pas plus de sens que de rendre compte du bien-être d’une 62
ESG NOVEMBRE 2023
société en ne considérant que le PIB, comme nous le faisons depuis plusieurs décennies. On constate aujourd’hui que la démarche atteint rapidement ses limites. Changer d’indicateurs Le développement durable, d’une part, englobe bien d’autres enjeux – sociaux et environnementaux – qu’il faut pouvoir relever. Pour cela, selon Romain Poulles, nous devons afficher des ambitions bien plus importantes. « Aujourd’hui, nous avons tendance à rester dans une logique linéaire. Les incitants et les contraintes qui sont mis en œuvre sont toujours basés sur l’ancien modèle, celui de la croissance, explique-t-il. S’ils nous invitent à davantage de sobriété, ce qui est une bonne chose, l’enjeu principal reste de réduire les impacts négatifs de nos activités. Or, l’ambition devrait être tout autre. Elle devrait être de créer des impacts positifs. Pourquoi n’essaierions-nous pas de laisser un monde meilleur à nos enfants ? » Il s’agit alors de mettre en place des approches vertueuses, en acceptant notam-
ment de laisser derrière nous des modèles qui nous apparaissent aujourd’hui à bout de souffle. « Nous devons changer de système, en commençant par adopter de nouveaux indicateurs, comme le PIB bien-être que nous avons introduit en 2008 et qui évalue la prospérité de la société sur base de 63 sous-indicateurs sociaux, poursuit Romain Poulles. À côté du développement de la richesse, il faut, à l’avenir, rendre compte de la création ou de la destruction de valeurs sociales ou environnementales. » L’aspect finance Au cœur d’une économie linéaire, il s’avère, en effet, que la création de valeur financière implique l’exploitation de ressources environnementales ou humaines. Tout est lié. «Il y a lieu, notamment, de découpler les indicateurs sociaux de ceux mesurant le développement de la richesse financière. Que nos pensions dépendent de la croissance du PIB n’est tout simplement pas durable », assure Romain Poulles. Or, actuellement, c’est à partir de ce dernier indicateur que sont prises la plupart des orientations poli-
tiques. Cela doit changer. « Au départ de s’inscrivent dans l’économie du partage, de nouveaux indicateurs sociaux et environne- services associés à des biens. La ressource est mentaux, il nous appartient ensuite de fixer alors considérée d’une tout autre manière. » des objectifs ambitieux, ajoute le président Les opportunités sont nombreuses. du CSDD. Ce n’est que dans ces conditions « Bien les appréhender, toutefois, implique que l’on pourra opérer des choix, sortir des aussi de travailler suivant des approches logiques qui prévalent actuellement pour systémiques, assure-t-il. À ce jour, le Luxemtrouver de nouvelles réponses à la hauteur bourg s’est doté d’une multitude d’initiatives, des enjeux, à travers, par exemple, des dyna- toutes envisagées en silo, sans concertation. miques de circularité. » Les enjeux liés au développement durable étant finalement très interdépendants, à Favoriser des approches systémiques l’avenir, il faut parvenir à mieux coordonLes logiques qui orientent aujourd’hui nos ner les politiques et initiatives mises en place, décisions, basées sur la croissance, ont été depuis le sommet de l’État, pour favoriser le mises en place par de précédents décideurs. développement de synergies au service d’un Aussi, il est possible d’en changer. Si cela modèle de société vertueux. » peut s’apparenter à une contrainte, on peut appréhender ces changements comme une opportunité. « D’un système de santé basé essentiellement sur des soins, suivant une logique intrinsèquement linéaire, on peut imaginer des approches davantage orientées vers la prévention, qui profitent davantage à la société, cite Romain Poulles en guise d’exemple. On peut penser des modèles qui ne soient plus calculés suivant des perspectives d’obsolescence ou de propriété, mais qui
ROMAIN POULLES Président Conseil supérieur pour un développement durable
« Sortir des logiques qui prévalent actuellement pour trouver de nouvelles réponses à la hauteur des enjeux, à travers, par exemple, des dynamiques de circularité. »
One Planet Luxembourg : avoir l’ambition de changer Au début de l’année 2023, sous l’égide du Conseil supérieur pour un développement durable a été mise en place l’initiative One Planet Luxembourg. Il s’agit d’un appel, lancé à toute la société luxembourgeoise, à faire pression sur la politique et sur les partis afin qu’ils prennent leurs responsabilités pour pallier l’urgence climatique, environnementale et sociétale. En effet, pour Romain Poulles, il est temps d’agir avec ambition et de considérer, au-delà des problèmes, les opportunités liées au changement. « Il est impératif que la politique prenne enfin – à la hauteur des enjeux climatiques, de
biodiversité et d’inclusion sociétale – la mesure des changements qui s’opèrent et mette en œuvre concrètement les instruments pour relever ces défis, explique-t-il. Au-delà, le Luxembourg a dans ses mains tout ce qu’il faut pour montrer la voie, démontrer qu’il est possible de construire une société selon un modèle vertueux. » Au total, 40 associations, 16 institutions publiques ou parapubliques, 35 entreprises, 10 acteurs de l’économie sociale et solidaire et 715 citoyens ont répondu à cet appel à ce jour. D’autres devraient se joindre à eux. Pour One Planet Luxembourg,
les prochains mandataires auront une lourde responsabilité. Car, pour espérer changer encore de trajectoire dans un certain nombre de domaines, ce sera le mandat de la dernière chance. « Les actions qui seront entreprises par nos mandataires aux niveaux communal, national et européen seront décisives », poursuit Romain Poulles. Le président du CSDD invite les dirigeants à saisir, dès à présent, l’unique opportunité de changer que nous avons, « la plus importante depuis deux siècles. Il s’agit de faire du développement durable et de ses 17 objectifs le thème central de l’action politique, autour duquel tous
les plans nationaux seront conçus et contrôlés quant à leur cohérence. L’enjeu, entre autres choses, est que la résilience (d’un point de vue humain et dans l’intérêt de la nature) soit au cœur des stratégies internationales, nationales et communales de ce pays, que l’équité sociale et l’intérêt des générations futures guident l’action publique dans la transition vers un modèle soutenable, résilient, voire régénératif. » Pour le coup, l’ambition affichée est bien là. Reste à voir si la société sera vraiment à la hauteur de l’enjeu.
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Conversation Florian Czech
« Une meilleure compréhension des enjeux permet de soutenir l’action» Comment les enjeux de développement durable sont-ils appréhendés à l’échelle d’une entreprise de la taille des CFL, premier employeur du pays ? Le head of sustainable development au sein de la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois, Florian Czech, évoque les grands enjeux en la matière. Journaliste SÉBASTIEN LAMBOTTE
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Photo ROMAIN GAMBA
Florian Czech se félicite de voir les contributions du terrain aux projets de la direction.
Conversation Florian Czech
Aujourd’hui, quelle importance les priorité de cette stratégie réside dans le aspects environnementaux, sociétaux « nous », traduisant la volonté de mettre en et de gouvernance (ESG) revêtent-ils œuvre une approche collective basée sur pour une entreprise comme les CFL ? le dialogue, impliquant chaque collaboraAu concept d’ESG, utilisé dans le secteur trice et collaborateur et, par extension, les financier, nous privilégions celui de res- diverses parties prenantes, notamment nos ponsabilité sociale d’entreprise (RSE) pour fournisseurs et partenaires. évoquer notre engagement en faveur du développement durable. En mettant en Comment cela se traduit-il au niveau œuvre les principes associés à la RSE, de la prise de décision ? nous envisageons un développement de L’un des enjeux, à tous les niveaux, est l’activité qui conjugue le souci de l’hu- d’opérer des choix pour atténuer nos main, de la planète et des affaires. Les impacts négatifs et, surtout, de développer avancées sur ces sujets sont conduites à la nos impacts positifs sachant que le transfois par des exigences externes, notam- port ferroviaire est déjà le mode de déplament réglementaires, et par leur utilisa- cement le plus respectueux de l’environtion au service de l’amélioration de la nement. Chaque collaborateur et collaboperformance de l’entreprise. La Corpo- ratrice doit se sentir appelé(e) rate Sustainability Reporting Directive à se poser les bonnes questions (CSRD), par exemple, impose de rendre en matière d’impact social compte de l’engagement durable d’entre- et environnemental, indiviprises comme la nôtre, au départ de cri- duellement et en équipe. Cela tères très précis. Celle-ci impose une concerne aussi bien les petits transparence environnementale, sociale gestes du quotidien que nos processus opérationnels ou et de gouvernance. même nos choix de développeEn quoi la prise en compte des critères ment ou d’investissement. de durabilité constitue-t-elle un levier Notre directeur général est de performance ? engagé par conviction dans L’intégration de ces dimensions dans la cette démarche. Je me réjouis aussi de gestion de l’entreprise n’est pas unique- constater que la part de collègues qui ment un enjeu de conformité ou une ques- deviennent moteurs de la démarche est tion de réputation ou d’exemplarité. Il croissante. Car si l’impulsion de la direcs’agit véritablement d’un enjeu stratégique tion est indispensable pour avancer, les de performance. Il est important que idées et les contributions concrètes ématoutes les organisations appréhendent la nent des équipes, du terrain. responsabilité sociale et environnementale de cette manière. L’intégration des Quels sont les principaux facteurs critères de durabilité nous aiguille pour d’impacts négatifs et positifs pour créer de la valeur partagée avec nos par- l’environnement et la société liés ties prenantes sur le long terme, anticiper à votre activité ? des risques et des opportunités, et amé- Nous sommes au cœur de la mobilité liorer notre gouvernance pour garantir un durable des citoyens de la Grande Région, développement durable de l’organisation. et plus largement de l’Europe, avec le développement d’interconnexions ferroviaires. À quel niveau les enjeux de RSE Le groupe CFL est aussi un acteur majeur sont-ils appréhendés ? du transport de marchandises, à travers le Les priorités stratégiques de notre entre- développement de son activité de fret. Nous prise sont alignées avec notre démarche avons un rôle à jouer pour permettre aux RSE et inversement. Autour du client, qui citoyens et aux entreprises de repenser leurs est au cœur de notre stratégie, nous travail- habitudes en matière de transport en coulons sur plusieurs priorités : la sécurité, la vrant l’ensemble de la chaîne de mobilité. qualité, l’innovation, l’efficience, avec Au niveau individuel, le transport – à côté notamment le souci d’améliorer notre de l’alimentation –, le logement et les achats empreinte environnementale. La dernière personnels forment ensemble les leviers
« Compétitivité et résilience sont plus que jamais liées.»
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majeurs d’action en matière de réduction de CO2 pour les habitants du Luxembourg. Décarboner la mobilité est l’un des axes majeurs de réduction de CO2 pour le pays. Or, le train forme la colonne vertébrale du transport public à l’échelle nationale. Comment agissez-vous dans cette perspective ? D’abord, il me semble important de souligner que les moyens entrepris au niveau national dans ce domaine sont conséquents. Nous mettons en œuvre ces investissements destinés à moderniser et étendre le réseau ferroviaire, à redessiner la mobilité. Par le développement de l’infrastructure et l’amélioration continue de nos services. Au-delà des investissements majeurs consentis à ce niveau, c’est au cœur de nos métiers que les améliorations s’opèrent. En l’occurrence, on peut évoquer une multitude de projets, allant du développement de la solution de carsharing Flex jusqu’au développement de nos connexions intermodales, en passant par la promotion du tourisme durable. Sans oublier les efforts tournés vers nos collaborateurs et la société civile.
Source
CFL
Au-delà des enjeux environnementaux, comment se traduit votre action au niveau social ? L’engagement du groupe CFL autour des questions de sécurité et de santé est une priorité absolue. Les initiatives « sociales » couvrent de nombreux autres domaines, de la promotion de l’égalité femmeshommes à la formation et à l’apprentissage, en passant par des initiatives sociales ou culturelles en gare. Nous pouvons avoir un effet de levier dans de nombreux domaines, nous devons ainsi réfléchir à la manière d’impliquer activement nos clients, nos collaborateurs et nos fournisseurs dans nos démarches de développement durable. Qu’en est-il des impacts négatifs ? Le groupe CFL n’est-il pas l’un des plus grands consommateurs d’énergie du pays ? Depuis plusieurs années, l’électricité que nous achetons est 100 % d’origine verte. Il est important de mettre en perspective la quantité d’énergie effectivement consommée avec l’usage qui en est fait, en l’occurrence l’acheminement de marchandises ou
de personnes par le moyen de transport le plus respectueux de l’environnement : le train. Cela ne nous empêche pas de poursuivre l’optimisation de notre consommation énergétique à tous les niveaux : bâtiments, flotte de véhicules routiers, ainsi que via notre politique d’achats.
AU CENTRE DE TRI DES CFL, RIEN NE SE PERD, TOUT SE COLLECTE Les CFL disposent depuis 2020 de leur centre de tri dédié aux activités de l’Atelier Central et du service d’autobus, en collaboration avec plusieurs partenaires, dont la SDK fir Betriber. Au total, 298.225 tonnes de déchets avaient transité par le centre de tri en 2021. 54 types de déchets y sont produits et traités, selon la classification établie par la Commission européenne dans le catalogue européen des déchets. LE TOP CINQ DES PRODUITS ENTRANT AU CENTRE DE TRI PAR AN (2021), POIDS EXPRIMÉ EN TONNES.
186,26 t Métaux en mélange 36,04 t Déchets ménagers résiduaires 25,68 t Bois contaminés 10,52 t Papier et carton 6,9 t Déchets de construction
Pouvez-vous nous donner un exemple ? La technologie peut être utilisée pour optimiser la vitesse des trains sur l’ensemble d’un parcours. Une meilleure intégration des données et des technologies prédictives nous permet d’éviter, par exemple, d’accélérer inutilement alors que la signalisation exigera de freiner un peu plus tard. Nous travaillons aussi sur des logiques de circularité et de préservation de la biodiversité. En la matière, si les enjeux liés aux émissions sont mieux maîtrisés, des sujets comme la préservation de la biodiversité sont beaucoup plus complexes à aborder. L’objectif, en matière de développement durable, exige de continuer à développer notre expertise et notre portefeuille d’initiatives. Quels sont, aujourd’hui, les principaux challenges à relever pour faire avancer les thématiques propres au développement durable ? De mon point de vue, le premier challenge a trait à la nécessité de faire comprendre à chacun l’urgence d’agir. Il faut un sursaut au niveau de l’ensemble de la société. Mon rôle est de m’assurer que chaque collègue des CFL soit conscient des enjeux, se pose les bonnes questions et arrête de faire l’autruche. C’est un exercice de sensibilisation nécessaire. Nous avons ainsi commencé il y a deux ans un large exercice de formation et de sensibilisation aux aspects climatiques par le biais de l’atelier appelé « la fresque du climat»: un atelier de référence de trois heures pour comprendre le changement climatique de manière ludique et interactive sur la base des réalités scientifiques. Et je suis heureux qu’aujourd’hui, chaque collaborateur CFL, quel que soit son niveau de responsabilité, puisse s’inscrire à cet atelier. Le développement durable, comme nous l’avons évoqué, ne se limite pas au climat… Tout à fait. C’est pourquoi, pour les responsables et experts opérationnels, nous NOVEMBRE 2023 ESG
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avons développé des approches similaires sur les thèmes de l’économie circulaire, de la biodiversité et, depuis cette année, du numérique. Le challenge, au départ d’une bonne compréhension, est de parvenir à la transformer en action. Il doit y avoir pour chaque sujet une prise de conscience sur les opportunités concrètes pour l’entreprise, ou à l’inverse sur les risques engendrés par l’inaction. Tout cela prend du temps. N’est-ce pas frustrant pour celui qui a pris conscience de l’urgence ? Un tel changement ne peut s’opérer que progressivement, et surtout collectivement. Entre la prise de conscience, la compréhension du chemin à prendre, le début de l’action, puis la structuration d’une démarche, quelques années peuvent parfois se dérouler. Aujourd’hui, comment parvient-on à un juste équilibre entre création de valeur économique et création de valeur sociétale et environnementale ? Comment les modèles de gestion doivent-ils évoluer ? La réponse au juste équilibre varie souvent en fonction de la perspective temporelle, entre le court terme et le long terme. Les deux ne sont pas contradictoires. L’important est de mettre en place une approche rigoureuse dans l’analyse du rapport coûts / bénéfices, qui doit tenir compte de toutes ces dimensions. Il est nécessaire, à ce titre, de considérer les bénéfices que l’on peut tirer d’une collaboration accrue avec les parties prenantes, d’une meilleure gestion des risques, de l’innovation, ou simplement, sans tomber dans le greenwashing, d’une meilleure réputation ou légitimité. Entre réglementation et volonté d’agir de manière responsable, qu’est-ce qui drive aujourd’hui l’intégration des enjeux ESG ? À titre personnel, je me réjouis des évolutions réglementaires et des engagements pris au niveau de l’Union européenne. Cela traduit une vraie volonté de faire bouger les lignes et fait avancer la responsabilité sociale des entreprises. Si on combine cela à une volonté d’agir de manière responsable, cela devient une opportunité. Mais 68
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cette prise de conscience n’est pas immédiate. Les exigences sont variées et certaines représentent dans un premier temps un investissement humain. Il faut avoir une certaine maturité dans sa démarche pour ne pas s’arrêter aux purs aspects de mise en conformité. Une entreprise comme les CFL s’adaptera pour en tirer avantage, mais je peux m’imaginer que pour certaines PME, les nouvelles réglementations à venir posent un réel souci de mise en place et, à court terme, de compétitivité. Quels sont les enjeux pour l’avenir ? Les prochaines années amèneront probablement leur lot de nouveaux standards réglementaires, de taxes et d’aides ciblées, de changements en ce qui concerne l’approvisionnement en matières premières, ou encore d’aléas climatiques. Ce qui me paraît clair, c’est que compétitivité et résilience seront intimement liées et que la capacité des entreprises à s’adapter sera mise à l’épreuve. La CSRD, par le biais d’un certain nombre d’exigences, a le mérite de pousser justement les entreprises vers plus de résilience.
« Dans une approche RSE, certains coûts deviennent des investissements.»
Aujourd’hui, en quoi une politique RSE forte est-elle importante aux yeux des collaborateurs ? Un nombre croissant de personnes, dont des collaborateurs des CFL, s’engagent en faveur du développement durable dans leur vie quotidienne, chez elles. Elles veillent à limiter leur impact. Ces personnes, dès lors, ne comprendraient tout simplement pas que l’entreprise dans laquelle elles travaillent ne prenne pas ses responsabilités. Aujourd’hui, cette politique RSE est au cœur de notre stratégie, de la culture de notre groupe, et vient renforcer nos valeurs que sont la coopération, l’ouverture, le respect, l’exemplarité et l’excellence. Notre engagement, en outre, est de nature à donner du souffle, du sens à ce que nous faisons ensemble en travaillant au sein de notre groupe. Cet engagement permet d’ancrer plus encore notre contribution à la société. Les personnes savent pourquoi elles nous rejoignent.
PAR RAPPORT À L’ACTIVITÉ DE FRET •
84.033 envois routiers reportés sur le rail.
•
99.215 t éq. CO2 économisées par CFL intermodal.
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Forecast
L’engagement ESG des entreprises Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la transition de notre société vers plus de durabilité. Découvrons leurs engagements. Propos recueillis par MARIE JACQUEMIN
REYNALD DEBARGUE Directeur Assurance qualité Groupe Steffen
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La démarche ESG est inscrite dans la stratégie de Foyer comme un pilier transverse à toutes nos lignes d’activité. L’ambition de ce pilier est d’agir et d’innover aux côtés de nos clients, partenaires et parties prenantes pour contribuer à un monde meilleur. Un exemple est la mise en accessibilité des plateformes numériques. Le but est simple : rendre les services accessibles, cohérents et simples pour tous, que l’on soit en situation de handicap ou non. De même, le bien-être, la santé et la sécurité au travail nous animent au quotidien. Outre la salle de sport, Foyer a lancé « la minute sécurité » pour aborder la prévention sous forme de vidéos. Une part belle est laissée aux initiatives des employés, qui soutiennent des actions solidaires, humanitaires, sportives, écologiques ou de santé. Une foire RSE met à l’honneur ce travail formidable.
Cocottes, Romain Gamba et Groupe Foyer
Depuis la création de Cocottes en 2014, les valeurs environnementales et sociétales font partie de notre ADN. Nous travaillons à tous les niveaux sur l’amélioration continue. Il s’agit d’inscrire l’activité économique de l’entreprise de manière durable. Grâce au programme Fit4Sustainability de Luxinnovation, nous avons réalisé le bilan carbone de l’entreprise et avons défini 13 axes d’amélioration, dont le zéro déchet, les emballages, les déplacements domicile-travail et la livraison. L’engagement fort des collaborateurs sur ce sujet s’est traduit par la création d’une « green team » pour développer et superviser la mise en place de ces axes et recueillir des idées novatrices sur le terrain. Sur le plan sociétal, nous travaillons actuellement avec le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre du programme Actions Positives.
SANDRINE CHABRERIE Responsable RSE Groupe Foyer
Photos
CLÉMENTINE VENCK Directrice générale Cocottes
Dès la création de l’entreprise, en 1989, des valeurs fortes ont été instaurées par Frank Steffen. Indirectement, la société était déjà engagée dans une démarche RSE. En 2017, nous avons introduit une demande pour recevoir le label délivré par l’INDR, pour faire reconnaître notre engagement. Nous avons ainsi posé par écrit les valeurs qui animent la société depuis toujours. Elles sont au nombre de quatre. Tout d’abord, le respect de l’autre, qui s’applique à toutes les parties prenantes de l’entreprise. Nous avons aussi la qualité gustative et sanitaire qui relève d’une priorité dans notre secteur. Vient ensuite l’engagement écologique et alimentaire, avec, notamment, la gestion responsable des déchets et leur revalorisation, grâce à de nombreux partenaires. La dernière est l’engagement sociétal par lequel nous souhaitons que le plus grand nombre puisse avoir accès à des produits de qualité.
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© SNCI / Photo Patrick Muller / rosedeclaire
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