Paperjam plus - Mipim

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Mipim MARS 2024

CARLO THELEN

« Malgré la crise, le Luxembourg a beaucoup de choses à montrer »

SIMON DURKIN

« Soutenues par la demande, les opportunités sont là »

DANIELA DI SANTO

« Ne pas sous-estimer l’importance de la reconversion des friches »


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Mike Koedinger coo

Un Mipim 2024 très singulier

Etienne Velasti Rédaction Téléphone : (+352) 20 70 70 Fax : (+352) 29 66 19 E-mail : press@paperjam.lu Courrier : BP 728, L-2017 Luxembourg directeur de la publication

Mike Koedinger rédacteur en chef

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Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler ! Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxem­ bourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619

Est-ce vraiment le bon moment de se rendre au Mipim, alors que le secteur de la construction est en crise au Luxembourg ? Aura-t-on sincèrement envie de célébrer et de participer aux nombreux cocktails et dîners organisés sur la Croisette, alors que des plans de licenciement peuvent être en discussion dans certaines entreprises et que le gouvernement doit intervenir pour éviter la catastrophe ? Ce Mipim s’annonce singulier à bien des égards et va permettre de voir comment les professionnels de l’immobilier vont réagir face aux turbulences financières que traverse le secteur actuellement. Il ne faut pas perdre de vue non plus les grands enjeux : un tournant radical doit être pris vers un immobilier plus durable, plus respectueux des ressources naturelles et des occupants, à travers une décarbonisation de l’environnement bâti ; un urbanisme où l’humain doit continuer à affirmer sa place, où les espaces verts doivent pouvoir se multiplier et où l’inclusion devrait être un prérequis… Et si cette crise était l’occasion de remettre un peu d’éthique dans notre approche de l’immobilier et de prendre un peu de distance avec la rentabilité financière ? Cette 33e édition du Mipim sera inaugurée avec un sommet baptisé Housing Matters!, dédié au logement. Ce sujet nous préoccupe tout particulièrement à Luxembourg, comme dans de nombreuses villes d’Europe d’ailleurs, et il sera intéressant d’observer ce que disent les experts et de découvrir les solutions innovantes qui y seront exposées. Sanna Marin, l’ancienne première ministre de la Finlande, y tiendra notamment la conférence inaugurale, un discours qui devrait être engagé. À travers ce supplément, les acteurs locaux partagent un avant-goût de ce que sera ce grand rendez-vous annuel qui déplacera nombre de professionnels luxembourgeois vers Cannes entre les 12 et 15 mars prochain. C’est l’occasion aussi d’aborder des questions de fond qui permettent de porter une réflexion à plus long terme, au-delà de l’événement que représente ce salon. CÉLINE COUBRAY Rédactrice en chef Paperjam Architecture + Real Estate

MIPIM MARS 2024

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architect meets innovations Luxexpo The Box 24 & 25 avril 2024 THÈME: HEALTHY MATERIALS CONFÉRENCES En collaboration avec L’OAI, Paperjam + Delano Business Club et LUCA EXPOSITION MATÉRIAUX Healthy Heroes by MATERIA EXPOSITION PHOTOGRAPHIQUE Proposée par l’OAI PROJECT WALL Par world-architects.com Pré-enregistrement obligatoire avec code d’invitation à reprendre : PAPERPM24 MERCREDI 24.04.24 - 17:00 10x6 New European Bauhaus En partenariat avec Paperjam + Delano Business Club - Inscription obligatoire

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Sommaire Mipim Mars 2024

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06 NETWORKING

Le Mipim vu par Muriel Sam 08 CARLO THELEN

Carlo Thelen : « Pour sortir de la crise, il faut gagner en productivité. »

« Malgré la crise, le Luxembourg a beaucoup de choses à montrer » 16 ARCHITECTURE

13 actions concrètes pour un avenir durable 20 POINT DE VUE

Mipim 2024, les enjeux vus par six décideurs

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24 LAURENT OLMEDO

« Si 2024 s’annonce difficile, il faut anticiper la reprise » 28 FINANCEMENT

L’épineux dossier de l’investissement immobilier 30 SIMON DURKIN

« Soutenues par la demande, les opportunités sont là »

Photos

Guy Wolff / Matic Zorman

38 INTÉRIEUR

Aménager ses bureaux de manière durable 42 NORMES

L’immobilier professionnel à la recherche de la bonne stratégie

Daniela Di Santo : « Belval, c’est 120 hectares de friches industrielles à reconvertir. »

46 GREEN

Faire rimer immobilier et ESG 48 PHILIPPE COURTOY

« Le bois au service de la construction bas carbone » 50 DANIELA DI SANTO

56 COLLABORATION

Construire les quartiers de demain avec les citoyens 58 SONJA GENGLER

« Développement urbain : le tram pour épine dorsale »

« Ne pas sous-estimer 60 EXPÉRIENCE Des serres l’importance de la reconversion des friches » sur les toits 54 CITY INFORMATION MODELING

Concevoir la ville de demain

MARS 2024 MIPIM

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Networking

Le Mipim vu par Muriel Sam Du 12 au 15 mars, les acteurs de l’immobilier se retrouveront à Cannes pour la 33e édition du Mipim, le marché international des professionnels de l’immobilier. La managing director d’Immobel au Luxembourg, Muriel Sam, sera au rendez-vous et nous parle de cet événement. Auteur MARIE JACQUEMIN

« Il est nécessaire de reconsidérer énormément de choses à l’échelle du marché immobilier au départ des expériences et des acquis passés. »

MURIEL SAM Managing director Immobel Luxembourg

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MIPIM

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Un rendez-vous incontournable « Ces quelques jours représentent l’occasion de revoir nos partenaires internationaux comme luxembourgeois et d’aller à la rencontre des investisseurs institutionnels intéressés par nos projets, explique la managing director d’Immobel Luxembourg, Muriel Sam. Pendant cette période, à travers une série de rencontres et de rendez-vous, on peut facilement voir l’ensemble des acteurs qui ont un impact sur le marché de l’immobilier. » Généralement, les échanges sont très spontanés et permettent de rencontrer d’autres promoteurs, des partenaires, ou encore de s’inspirer de nouveaux projets venus du monde entier. Ce sont autant d’occasions d’apprendre à connaître les gens et d’identifier de nouvelles opportunités de collaboration.

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Kiem 2050 Au centre des discussions cette année figurera le projet Kiem 2050, dont la commercialisation débutera dans le courant de l’année. « Nous sommes très fiers de cette future réalisation, développe Muriel Sam. Ce projet émane d’un concours initié par le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau de Kirchberg (Fuak), marquant ainsi une première dans la capitale en tant que premier écoquartier bâti selon une approche circulaire. » Ce quartier comportera 148 appartements, dont 135 logements abordables. Les futurs habitants pourront également profiter de 5.000 m² d’espaces verts et de 400 m² d’espaces partagés. « C’est un véritable projet immobilier à impact positif qui répond à de nombreux enjeux actuels, écologiques et sociaux », complète Muriel Sam.


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Son programme L’agenda de Muriel Sam est déjà bien rempli. Entre les réunions de travail, les conférences, les événements et les dîners… les rencontres au Mipim peuvent prendre de nombreuses formes. « L’événement offre un cadre particulier qui nous permet de travailler sur des sujets précis, lors de réunions de travail planifiées. En parallèle, on profite de moments plus spontanés. Des opportunités inattendues se présentent à vous, explique Muriel Sam. C’est à ces occasions que de nouvelles idées émergent, à condition d’être ouvert et à l’écoute. »

Photo

Immobel

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Sa vision du secteur C’est aussi l’occasion de découvrir les grandes tendances du secteur et de les confronter avec sa vision des choses. « On se fait une idée des tendances et des innovations du secteur de l’immobilier à l’international, explique Muriel Sam. Nous sommes dans une période où tout évolue rapidement. Il faut pouvoir se remettre en question en permanence. Il est essentiel pour les acteurs du secteur de prendre la mesure des changements. En l’occurrence, on parle beaucoup de l’impact environnemental de l’immobilier ou encore de la possibilité d’offrir des logements abordables ». Alors que le marché traverse une crise majeure, il est important de regarder vers l’avenir. « Il est nécessaire de reconsidérer énormément de choses à l’échelle du marché immobilier au départ des expériences et des acquis passés. »

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Ses attentes « Je souhaite, bien entendu, découvrir de nouveaux projets et de nouvelles idées. Toutefois, si l’on s’y rend, c’est avant tout pour avoir l’opportunité d’échanger avec des confrères et consœurs venant du monde entier. » Le fait de rassembler en un seul lieu autant d’experts est unique. De ces rencontres peuvent naître de nouvelles collaborations internationales. Par le passé, des contacts établis au Mipim ont, par exemple, permis d’organiser les financements de certains projets. En tant que promoteur, Immobel est régulièrement approché par des architectes internationaux à la recherche d’informations sur le Luxembourg. « Ce sont des rencontres extrêmement inspirantes, qui nous permettent de repartir avec une multitude d’idées et d’informations », complète Muriel Sam.

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Ses bonnes adresses Les incontournables de Muriel Sam sont des restaurants. « À Bobo Bistro, vous êtes assuré de profiter d’une excellente cuisine et de partager un moment en toute convivialité », développe la managing director. Bobo Bistro propose une cuisine à base de produits locaux, suivant le rythme des saisons. « Je vous suggère également Aux bons raviolis, une épicerie-traiteur confidentielle et authentique comme on les apprécie, tant dans un cadre professionnel que personnel », complète Muriel Sam.

300

Les journées au Mipim sont denses. Plus de 300 conférences et événements rythment le congrès. De nombreux thèmes y sont abordés, concernant principalement les enjeux auxquels le secteur de l’immobilier fait face : la durabilité, les nouvelles technologies ou encore les grandes tendances pour les mois à venir.

2.500

Réparties sur 300 stands, plus de 2.500 entreprises viennent présenter leurs projets phares et leurs ambitions. Trois zones distinctes, traitant chacune d’une thématique, sont à découvrir : la décarbonation du secteur, l’innovation et les technologies, ainsi que l’hôtellerie et le tourisme. De quoi répondre aux attentes des visiteurs.

6.500

En 2023, sur les 22.500 visiteurs du salon, 6.500 étaient des investisseurs. 76 des 100 premiers gestionnaires d’actifs mondiaux y étaient représentés. Ensemble, ils gèrent près de 4.000 milliards d’euros. Preuve que l’immobilier représente un enjeu majeur dans l’économie mondiale et que le Mipim est le lieu où de nombreux contrats sont conclus.

MARS 2024 MIPIM

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Conversation Carlo Thelen

« Malgré la crise, le Luxembourg a beaucoup de choses à montrer » Pour la 17e année, la Chambre de commerce emmène une importante délégation d’acteurs luxembourgeois de l’immobilier au Mipim, à Cannes, où sera à nouveau déployé un pavillon national. Son directeur, Carlo Thelen, revient sur l’importance de cette présence dans un contexte de crise du secteur. Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE

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MIPIM MARS 2024

Portrait GUY WOLFF


« Nous sommes confrontés à une triple crise : de l’immobilier, du logement et de la construction. Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. »


Conversation Carlo Thelen

« Le modèle sociétal luxembourgeois que nous valorisons au Mipim suscite toujours un réel intérêt.»

fait part de leur volonté de limiter le nombre de participants au salon en raison de la conjoncture actuelle. La hausse des taux d’intérêt, qui se situent toujours entre 3,5 et 4,5 %, a constitué un coup de frein à l’activité. Les demandes en crédits immobiliers, au Luxembourg, ont reculé de 48,8 %. Les prix, eux, n’ont diminué que modérément, de l’ordre de 7 % entre 2022 et 2023. L’année dernière, les loyers, à l’inverse, ont connu une forte hausse, d’environ 8,5 % en moyenne. Nous sommes confrontés à une triple crise – de l’immobilier, du logement et de la construction. Cependant, en ce qui concerne l’immobilier, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Si beaucoup souffrent considérablement – en témoigne la hausse du nombre de faillites dans le secteur –, certains acteurs continuent de porter des projets et souhaitent pouvoir les montrer à l’occasion du Mipim.

La Chambre de commerce, une nouvelle fois, invite l’écosystème économique luxembourgeois au Mipim, à Cannes. Pouvez-vous nous rappeler les raisons d’une telle présence dans ce salon incontournable de l’immobilier ? Le Mipim est reconnu comme le rendez-vous mondial du secteur de l’immobilier dans sa conception la plus large. On y trouve chaque année des investisseurs, des utilisateurs, des groupes hôteliers, des Nous sommes au cœur de la crise. opérateurs, des développeurs, des services Peut-on cependant nourrir l’espoir commerciaux, des architectes, des avocats, de jours meilleurs ? des banquiers… En somme, tous les Est-ce que 2024 sera l’année d’un retouracteurs qui touchent, de près ou de loin, nement de tendance ? Il y a lieu d’y croire. à l’immobilier. Sur quatre jours de salon, Actuellement, les taux sur les crédits à long avec 2.600 exposants et plus de 23.000 et moyen terme deviennent plus attractifs. participants, le Luxembourg a une oppor- Évidemment, nous ne retrouverons pas le tunité de se présenter comme une écono- niveau d’avant crise, qui était exceptionmie diversifiée et dynamique. C’est la 17e nellement bas, mais une baisse progressive fois que nous prenons part à ce salon en contribuera au dénouement de la situation installant un pavillon national, sur lequel actuelle. La baisse des taux, conjuguées à sont présents une dizaine d’acteurs luxem- la hausse des loyers auxquelles il faut ajoubourgeois. Pour l’ensemble de l’écosys- ter les mesures gouvernementales, rendra tème, le Mipim est une occasion de nouer l’acquisition de biens à nouveau plus des liens, d’établir des contacts qualitatifs attractive. Nous devrions assister, dans les avec un très large écosystème à un niveau mois à venir, à une normalisation de la international. L’année dernière, nous situation. D’autres projets sont en voie de avons emmené avec nous une délégation concrétisation. Du côté d’Esch-sur-Alzette, de 510 participants, avec une dizaine d’ac- on peut évoquer le développement du teurs disposant d’un stand d’exposition au quartier Metzeschmelz avec Agora. De niveau de notre pavillon. nombreux projets sont en train d’être développés à Hollerich, au Kirchberg, à la Cette édition sera certainement un peu Cloche d’Or et à Cessange. D’autres proparticulière… Au Luxembourg comme jets portent également sur le développeailleurs, l’activité inhérente à l’immobiment de zones non résidentielles. lier connaît un fort recul, quand elle n’est pas tout simplement en recul… Quel regard portez-vous sur les enjeux Le Mipim permet, en effet, de prendre le au niveau du non-résidentiel ? pouls de tout un pan de l’économie. Il est Les discussions évoquées au Mipim ne se évident que le secteur de l’immobilier est limitent pas au résidentiel. Au niveau des en souffrance. Beaucoup d’acteurs nous ont bâtiments tertiaires, cependant, le nombre 10

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de transactions conclues en 2023 était particulièrement faible. Cela révèle une position d’attente des investisseurs, qui ne souhaitent pas se positionner en vue des incertitudes sur les taux. Encore une fois, la baisse de ces derniers – qui devrait intervenir dans les mois à venir – devrait contribuer à une normalisation de la situation. La vraie question est de déterminer à quel rythme la Banque centrale européenne va assouplir la politique monétaire actuelle. Toutefois, si l’inflation recule, elle reste toujours élevée en Europe – et plus encore au Luxembourg en raison de l’indexation automatique des salaires. La baisse des taux devrait donc intervenir moins rapidement que prévu, certainement plus tard qu’aux États-Unis. Cet arrêt de plus d’un an du secteur immobilier risque de peser davantage sur un déséquilibre entre l’offre en biens immobiliers et la demande… Le Luxembourg est confronté, depuis plusieurs années, à un déficit d’offres de logements. L’un des problèmes en la matière est que nous ne parvenons pas à libérer suffisamment de foncier pour construire et répondre à la demande. Les acteurs sont face à des procédures administratives rigides et lentes. D’autre part, la dynamique économique du pays, sa croissance, est directement liée à la hausse de la force de travail. Par le passé, ce besoin en maind’œuvre pouvait être comblé par le recourt à des travailleurs frontaliers. Cependant, ce vivier de compétences ne suffit plus pour répondre à nos besoins de croissance. Il faut attirer au-delà de la Grande Région et pouvoir accueillir ces talents ici. L’accroissement de la demande fait pression sur les prix, conduisant à la crise du logement que nous traversons actuellement. Considérant cette équation complexe, nous prônons, depuis plusieurs années, une croissance qualitative qui soit décorrélée des besoins en ressources humaines, matérielles ou énergétiques pour l’alimenter. Il faut gagner en productivité. Tant que l’on n’y parvient pas, la crise du logement risque donc de s’amplifier… Le Luxembourg, en effet, peine à engranger des gains de productivité. Il est impor-

tant d’investir davantage dans la recherche et l’innovation, de soutenir plus encore la digitalisation de l’économie et de la société de manière générale. Nous disposions d’une productivité élevée par rapport à d’autres pays, liée notamment à la présence d’un nombre important d’acteurs financiers. Cependant, cette productivité n’évolue plus au Luxembourg alors qu’elle progresse ailleurs. Le modèle actuel doit évoluer. Tant que l’on ne gagne pas en productivité, notre croissance est liée à l’augmentation de l’utilisation des ressources de production, en l’occurrence la main-d’œuvre. C’est ce qui génère une pression sur les prix de l’immobilier. Je pense que l’ensemble des acteurs, aujourd’hui, s’accordent pour dire qu’il faut construire davantage, plus vite, et plus de manière plus dense.

LES DEMANDES DE CRÉDITS EN RECUL Entre 2022 et 2023, les acteurs financiers ont constaté une baisse de 48,8 % de la demande de crédits immobiliers. En novembre 2023, le montant des nouveaux crédits immobiliers accordés pour une durée supérieure à 10 ans s’élevait à 149 millions d’euros – le niveau le plus faible de l’année. Sur les 11 premiers mois de l’année 2023 (les statistiques de décembre n’étant pas encore disponibles, ndlr), les montants accordés pour ces crédits s’élevaient à 2,3 milliards d’euros. Sur la même période, en 2022, les montants de nouveaux crédits immobiliers accordés d’une durée supérieure à 10 ans s’élevaient à 3,3 milliards d’euros.

À ce niveau aussi, cela semble difficile à concrétiser… Il faut, effectivement, se donner les moyens de pouvoir le faire. Cela passe par une réforme des procédures et de la législation, pour faciliter cela. Les communes doivent participer à cet effort et font, d’ailleurs, beaucoup en la matière. Cependant, à l’échelle d’une entité, il ne s’agit pas uniquement de délivrer des permis pour permettre le développement de logements. Il faut penser aux infrastructures autour des résidences, pour garantir une mobilité fluide, pouvoir accueillir les enfants dans les écoles, prévoir des lieux de rencontre, de loisirs… Cela implique la mobilisation de moyens que les communes n’ont pas toujours. Enfin, il ne faut pas négliger l’effet Nimby (Not in my Backyard, pour «pas dans mon jardin»). Les résidents d’un quartier ou d’une commune ne voient que rarement d’un bon œil le développement d’un nouveau quartier ou d’une résidence à proximité de chez eux. Au niveau local, ce volet politique peut s’avérer plus sensible qu’à l’échelle nationale. Ce n’est pas un enjeu propre au Luxembourg, mais nous notons ces réticences parmi nos résidents. Compte tenu de l’exiguïté du territoire, le modèle luxembourgeois atteint-il des limites ? Il reste encore du foncier disponible pour la construction. Il faut pouvoir le libérer et MARS 2024 MIPIM

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Conversation Carlo Thelen

accélérer la mise en œuvre des projets. Pour cela, il est nécessaire de travailler sur le volet législatif, administratif, mais aussi sur le volet social. Si l’on regarde l’accord de coalition, je pense que la majorité a compris qu’elle devait agir pour les générations futures, en veillant à garantir la cohésion sociale. Il faut prendre des décisions dans l’intérêt général. Dès à présent, il faut préciser et mettre en œuvre rapidement ce qui a été établi dans l’accord de coalition. Au niveau de l’immobilier, et plus précisément du logement, quelles doivent être les mesures prioritaires à mettre en œuvre ? On pourrait évoquer l’augmentation du taux d’amortissement accéléré pour les logements construits, en vue d’être mis en location, ainsi que la hausse de la durée de la période d’amortissement. En outre, on pourrait citer l’augmentation du Bëllegen Akt – le crédit d’impôt sur les actes notariés –, l’augmentation du montant de la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs pour les propriétaires occupants ou encore la réforme du projet de loi relative au bail à loyer qui avait été vivement critiquée. On peut aussi évoquer le rachat de projet en Vefa par l’État et les communes. À court terme, l’enjeu est en effet de maintenir l’outil de production… Dans le contexte actuel, des promoteurs qui peinent à commercialiser les biens en construction ont tendance à les mettre en pause. C’est pour permettre à ces projets d’aboutir que l’État et les communes ont décidé de racheter des projets en cours. L’enjeu est, dans la mesure du possible, de maintenir les emplois dans ce secteur. Il faut à tout prix éviter des licenciements, de se retrouver dans la situation qu’ont connu des secteurs du voyage ou de l’horeca dans le contexte du Covid. Si les professionnels de la construction perdent leur travail, ils risquent de partir ailleurs, quitter le Luxembourg, trouver un autre job. Au moment où l’activité redémarrera, on aura alors toutes les peines à suivre et même à accélérer la réalisation de projets. Le Premier ministre a d’ailleurs bien précisé préférer investir à travers des mesures fiscales qui soutiennent l’activité que de payer des allocations de chômage. Main12

MIPIM MARS 2024

tenir l’activité, en outre, permet de limiter l’aggravation de l’écart entre l’offre et la demande, qui pourrait entraîner des hausses du prix de l’immobilier. Le prix du logement est déjà un des principaux freins à l’attractivité des talents au Luxembourg… Absolument. Cependant, je ne suis pas fondamentalement pessimiste pour les mois à venir. Si le gouvernement parvient à mettre en œuvre rapidement les mesures annoncées, à les couler dans des textes de loi et à les exécuter efficacement, avec cet effet rétroactif, on aura déjà fait un bon pas pour soutenir la confiance des acteurs. Les investisseurs vont pouvoir reconsidérer l’investissement dans la pierre avec plus d’intérêt, des projets vont repartir en vue de soutenir l’offre. La demande est toujours là, mais ne peut être assouvie en raison de la hausse des taux d’intérêt. Leur baisse sur des crédits à moyen et long terme va aussi permettre à des particuliers de réenvisager leur projet au regard de leur pouvoir d’achat immobilier. Il faut préciser que le pouvoir d’achat n’a pas reculé au Luxembourg. Seule la capacité à investir dans le logement et à rembourser les crédits avait été affectée par la conjoncture. Nous devrions, avec les mesures du gouvernement et la baisse des taux, retrouver davantage de pouvoir d’achat immobilier. Enfin, il ne faut pas négliger une baisse au niveau des prix et des capacités de négociation renforcée à la faveur de l’acquéreur, notamment sur les biens existants. Comment voyez-vous les prix évoluer sur le marché ? Sur les nouveaux projets, la baisse des prix n’est pas évidente. Les promoteurs ont, en effet, acheté les terrains au moment où ils coûtaient le plus cher. La main-d’œuvre est plus onéreuse en raison de l’inflation et de l’indexation des salaires. Les prix de l’énergie et des matériaux se sont envolés, eux aussi. Cependant, beaucoup de logements, en raison de la hausse des taux sur le marché, n’ont pas pu trouver acquéreur. Avant cette crise, 50 candidats intéressés pouvaient se manifester dans les heures qui suivaient la mise sur le marché d’un bien. Désormais, ce n’est plus le cas. Il n’y a pas, ou peu, de potentiels acquéreurs qui

Les exposants du pavillon Le pavillon national du Luxembourg au Mipim accueille 13 exposants. Ensemble, ils mettront en lumière le secteur immobilier luxembourgeois. Qui sont ces exposants ?

Promoteurs

On retrouve notamment les maîtres d’ouvrage de nombreux développements emblématiques au Luxembourg, comme Agora, avec ses projets de reconversion de friches industrielles à Belval ou au niveau du nouveau quartier Metzeschmelz ; Lux-Airport, qui porte un projet d’envergure au niveau de l’aéroport ; Landimmo Real Estate, qui mène le redéploiement du quartier de Hollerich ; et la Ville de Luxembourg. Parmi les promoteurs, on peut encore citer la présence d’ICN.

Concepteurs/constructeurs Les métiers de la conception et de la construction seront aussi représentés à travers l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ou encore via des acteurs vecteurs d’innovation comme Leko Labs ou Drees & Sommer.

Financiers

Le pavillon Luxembourg rassemble aussi une série d’acteurs financiers : la Banque de Luxembourg, la Bil, ING ainsi que Hauck Aufhäuser Lampe Privatbank AG. Les professions juridiques seront, quant à elles, représentées par DSM Avocats à la Cour.


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Conversation Carlo Thelen

se manifestent. Au niveau d’un processus de vente, plus le temps de vente est long, plus la négociation est importante, plus on peut faire pression sur les prix.

« Il faut pouvoir libérer le foncier disponible et accélérer la mise en œuvre des projets. »

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luxembourgeois, redéfinit le processus de construction des immeubles, accélérant et réduisant son impact carbone. Il faut voir ce qu’elle propose, c’est vraiment impressionnant. Enfin, il ne faut pas oublier que Luxembourg est une capitale européenne, avec la présence de nombreux immeubles institutionnels qu’il est aussi intéressant de présenter, et d’autres bâtiments emblématiques. Je pense notamment au nouveau siège d’ArcelorMittal ou des bureaux de certaines banques. Des immeubles développés au Luxembourg – je pense encore au nouveau siège de Post, qui a reçu des distinctions, ou à celui des CFL –, conçus par des bureaux d’architecture locaux comme internationaux, peuvent inspirer d’autres acteurs.

Au-delà des impacts conjoncturels, le Mipim appréhende aussi des évolutions et tendances structurelles liées au secteur. Quels sont les autres grands sujets qui seront abordés lors de cette édition ? Tout ce qui touche à la durabilité, à travers l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, à la réduction de l’empreinte carbone du secteur, constitue une thématique centrale du salon depuis plusieurs années. Au-delà, le Mipim permet d’aborder d’autres sujets, comme les nouveaux modèles de « vivre-en- Si l’on considère le Grand-Duché semble», les nouveaux modes de dans sa globalité, comment est-il travail adoptés suite, notam- perçu au Mipim ? ment, à la crise du Covid. On y Je pense que le modèle sociétal luxembouraborde le développement des geois, que nous cherchons à promouvoir écocités ou encore des villes dans le cadre de notre démarche, suscite intelligentes grâce à l’intégration toujours un réel intérêt. Le Luxembourg des évolutions technologiques. parvient à se distinguer par sa qualité de Pour les acteurs luxembourgeois, vie, son offre de mobilité gratuite, la diverc’est une opportunité de se tenir sité qui prévaut à l’échelle du territoire. Les au courant des évolutions, de acteurs qui nous découvrent sont surpris voir ce qui se fait ailleurs, mais par les multiples dimensions de l’éconoaussi de montrer ce que l’on fait mie, sa place financière, bien sûr, son autour de ces sujets et de se vendre de industrie et d’autres niches en développefaçon moderne. ment autour des technologies de la santé ou encore de l’espace. La dimension interAutour de ces diverses tendances, nationale et accueillante du pays intéresse qu’est-ce que le Luxembourg aussi beaucoup. C’est un aspect important à proposer ? à mettre en avant si l’on souhaite attirer Il y a de nombreux projets qui revêtent une des talents venant d’horizons divers. C’est dimension innovante. Cette année, Lan- un concept global, une dynamique de dimmo présentera au Mipim son projet de développement et d’aménagement posiquartier Nei Hollerich. Le quartier durable, tive, qu’il faut mettre en lumière. innovant et résilient Rout Lens, par Iko Real Estate, est aussi un projet important qui y sera présenté. Agora, qui nous accompagne depuis la création de ce pavillon luxembourgeois, continuera de raconter l’histoire de la reconversion des friches industrielles à Belval, avec une maquette dynamique, et y présentera l’approche mise en œuvre dans le cadre du développement du quartier Metzeschmelz. Le pavillon accueille aussi des acteurs innovants, comme Leko Labs. Cette entreprise, qui a grandi dans l’écosystème start-up


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Architecture

13 actions concrètes pour un avenir durable L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) sera présent au salon Mipim 2024 sur le stand de la Chambre de commerce. Un rendez-vous incontournable, selon la présidente de l’OAI, Michelle Friederici.

Deux moments forts Accompagnée du vice-président de l’OAI, Patrick Nosbusch, et du directeur, Pierre Hurt, Michelle Friederici souhaite profiter de ce salon pour mettre en lumière les plus beaux projets portés par ses membres, notamment au travers du guide Architectour.lu, la référence pour découvrir l’architecture, l’ingénierie et l’urbanisme 16

MIPIM MARS 2024

« Nos professions doivent relever le défi du changement climatique, de la croissance démographique et de l’urbanisation. »

MICHELLE FRIEDERICI Présidente OAI

contemporains au Luxembourg. «Cet outil est bien implanté pour soutenir les acteurs du tourisme, mais également le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Culture – Kultur | lx – ou encore la Chambre de commerce dans la promotion de la destination Luxembourg. Des guides touristiques internationaux s’appuient aussi sur la richesse de cette initiative », souligne la présidente. Dans un deuxième temps, l’OAI présentera la mise à jour de son site www.laix.lu (Luxembourg Architectes Ingénieurs-Conseils Exchange / Export) sur le thème « Design first, build smart, sustainable, inclusive and regional». «L’accent est mis en premier lieu sur les projets traitant de questions contextuelles réalisés dans le monde entier, par des architectes et des ingénieurs-conseils installés au Luxembourg », précise Michelle Friederici. La publication met notamment en avant le savoir-faire des membres de l’OAI en matière de bâtiments écologiques certifiés au Luxembourg. De manière plus générale, le Mipim est l’occasion de découvrir ce qui se fait à l’étranger, d’assister à la présentation de projets internationaux, de s’inspirer des dernières tendances et de se

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Du 12 au 15 mars 2024, Cannes accueillera le Mipim, le marché international des professionnels de l’immobilier. Un rendez-vous incontournable pour connecter et inspirer la communauté immobilière internationale, les investisseurs, les utilisateurs, les acteurs de l’innovation et les autorités publiques. «La présence au Mipim est fondamentale pour l’OAI, car cet événement rassemble toute la chaîne de valeur du secteur immobilier, des banquiers aux constructeurs, incluant les développeurs, les services juridiques et assurantiels, ainsi que les concepteurs indépendants comme les architectes, les ingénieurs-conseils et les urbanistes », constate la présidente de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils, Michelle Friederici.

OAI

Auteur MICHAËL PEIFFER


rencontrer. « Notre stand reçoit chaque année de nombreux visiteurs et nos membres sont heureux de pouvoir répondre à leurs questions. Nous y rencontrons aussi nos confrères des Ordres belges, allemands et français. Cet événement permet également d’interagir avec les autres acteurs luxembourgeois dans un contexte innovant, favorisant des discussions enrichissantes sur des thématiques importantes. » Pour un cadre de vie durable Parmi les sujets à l’agenda des architectes et des ingénieurs-conseils, la construction durable occupe une place de choix. Dans la période actuelle où le logement connaît une crise importante, il devient crucial d’adapter la construction aux nouveaux enjeux économiques et écologiques. Les initiatives se multiplient à travers toute l’Europe, de nombreux acteurs du secteur sont en train de passer à l’action pour décarboner activement la ville et construire des bâtiments neufs à faible impact carbone. Le 22 août dernier, l’OAI a d’ailleurs présenté sa charte pour un cadre de vie durable et un vivre-ensemble de qualité. « Nos professions doivent relever le défi du changement climatique, de la

croissance démographique et de l’urbanisation en proposant des solutions créatives, ingénieuses, techniques et innovantes pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain , explique Michelle Friederici. Désormais, les architectes, ingénieursconseils, urbanistes-aménageurs, architectes d’intérieur, architectes-paysagistes et géomètres réfléchissent à l’ensemble des composantes de l’acte de construire comme fait culturel. Dans le respect de notre ‘Baukultur’, ces activités intellectuelles sont la condition sine qua non à la construction d’espaces, de bâtiments, de logements et d’infrastructures et à un aménagement du territoire et du développement urbain et rural équilibrés, résilients, justes et de qualité. » Les membres de l’OAI s’engagent désormais à traiter leurs projets dans le respect des objectifs du développement durable. Cela implique, par exemple, d’évaluer l’ensemble des projets sous l’angle de la réduction des effets nocifs contribuant au changement climatique et du respect de la biodiversité. « Nous devons considérer les enjeux environnementaux à tous les stades de la conception d’un objet à construire, à entretenir, à rénover, à transformer ou à déconstruire. Ces

14 Il s’agit du nombre d’itinéraires qui permettent de partir à la découverte des joyaux de l’architecture au Luxembourg. 252 réalisations pour un cadre de vie résilient et de qualité sont répertoriées sur le site www.architectour.lu et dans un livre. Chacun des 14 tours est accessible sur geoportail.lu.

GEBÄUDETYP E : CONSTRUIRE DE MANIÈRE PLUS EXPÉRIMENTALE ET PLUS SIMPLE En Allemagne, les architectes travaillent sur une nouvelle catégorie de bâtiments de type E, comme « expérimental » ou « Einfach », qui veut dire « simple » en français. L’OAI observe de près ces recherches qui permettent à nouveau plus de liberté dans la construction. Ce n’est un secret pour personne, la construction devient de plus en plus compliquée, lente et coûteuse, alors qu’elle devrait pourtant être plus simple, plus rapide, moins chère et également plus variée sur le plan architectural. « Mais si l’on veut s’en tenir à toutes les règles, les innovations architecturales sont difficilement réalisables, constate Michelle Friederici. Les normes

et les réglementations déterminent en grande partie la mise en œuvre technique des bâtiments, mais aussi leurs dimensions et leurs normes d’équipement. » En bref, les maîtres d’ouvrage et leurs concepteurs ne déterminent plus que dans un cadre restreint les priorités et les qualités qu’ils souhaitent donner à leur projet. Et ils ne décident que de manière limitée de la façon dont les objectifs sont atteints sur le plan de la construction. REPENSER LES RÈGLES DE LA CONSTRUCTION Pour contrer cette tendance, les architectes allemands ont imaginé le bâtiment de type E.

Un projet « E » implique de travailler avec un ensemble réduit de règles, ce qui permet aux maîtres d’ouvrage et aux concepteurs d’adapter les normes, les matériaux et les détails d’exécution les uns aux autres, de manière à créer des bâtiments durables à des coûts abordables. Un marquage visible des nouveaux types de bâtiments « E » indique aux utilisateurs que ces derniers s’écartent éventuellement des normes courantes, mais sans pour autant négliger les objectifs de protection du Code de la construction. Les écarts peuvent être identifiés et expliqués aux utilisateurs en toute transparence. Les maîtres d’ouvrage obtiennent

à nouveau la liberté de décider de leurs projets s’ils souhaitent s’engager dans de nouvelles voies en matière de construction. Ils ont la possibilité de construire de manière innovante, en réduisant les normes, et donc à moindre coût. De son côté, l’OAI s’intéresse à toute initiative qui redonne de l’espace pour les innovations en matière de durabilité et d’accessibilité financière.

MARS 2024 MIPIM

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Architecture

758 Depuis 1990, le nombre de bureaux a triplé pour les architectes (535 début 2024) et quintuplé pour les ingénieurs-conseils (223 début 2024). Ces bureaux, établis au Luxembourg, emploient près de 6.000 personnes.

réflexions portent aussi sur les interventions en amont, telles que la viabilisation d’un terrain, mais aussi les ultimes travaux, tels que la restitution du terrain en l’état ou sa revalorisation afin de considérer l’ensemble du cycle de vie de l’objet », ajoute la présidente. La charte comprend un total de 13 actions afin de mettre en œuvre et partager les meilleures pratiques en matière de construction durable et d’économie circulaire. Dans ce cadre, les sujets de la déconstruction et de la décarbonation reçoivent une attention toute particulière. Le Conseil national pour la construction durable (CNCD), dont l’OAI est membre fondateur, a notamment organisé, en octobre dernier, une conférence autour de la décarbonation du secteur luxembourgeois de la construction. Alors que le cadre stratégique et réglementaire européen et luxembourgeois s’intensifie, il est désormais important pour tous les acteurs de comprendre les outils de mesure des émissions de CO2, de partager des solutions et bonnes pratiques. « Un sujet passionnant » « Concevoir des bâtiments qui peuvent ensuite être facilement déconstruits est un sujet passionnant pour nos métiers, témoigne encore Michelle Friederici. On peut aujourd’hui imaginer, par exemple, que des éléments démontés puissent être utilisés dans un autre bâtiment. Au Luxembourg, la question du stockage de ces matériaux est un sujet important. Certaines personnes travaillent déjà sur la création d’une base de données, qui ferait le lien entre les éléments en cours de déconstruction pour leur permettre d’être réutilisés immédiatement sur un nouveau chantier… » Toutes ces recherches et évolutions n’ont d’autre but que de faire face au changement climatique. « Nous agissons sur ce thème depuis longtemps, en proposant des formations en partenariat avec les institutions au Luxembourg et à l’étranger. D’un autre côté, nous menons depuis 2020 un projet avec le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire pour la construction circulaire. Dans la première phase, nous avons répertorié tous les facteurs qui empêchent un développement rapide de la construction circulaire, ainsi que tous les projets pilotes et initiatives dans ce domaine. Nous sommes

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MIPIM MARS 2024

maintenant dans la deuxième phase du projet, qui consiste à nous interroger sur la capacité du Luxembourg – et de ses partenaires dans la Grande Région – à fournir des matières premières renouvelables. Il n’y a que de cette manière que nous pourrons améliorer notre qualité de vie et relever les défis concernant la construction durable et l’économie circulaire. » La révolution IA Au-delà de ces enjeux environnementaux, l’OAI poursuit d’autres travaux relatifs à l’évolution de ces métiers, à commencer par l’émergence de l’intelligence artificielle. « Une chose est sûre, le travail dans les bureaux d’études va lui aussi être transformé par l’IA, constate Michelle Friederici. De la production de textes à celle d’images et de vidéos en passant par l’analyse de données, les outils accessibles au public sont déjà utilisés au quotidien. Notre rôle est de porter notre regard sur l’avenir, pas si lointain, de l’IA dans le domaine de la planification et de la construction. Même si je pense que l’humain aura toujours une place centrale dans nos métiers créatifs. Au quotidien, nos membres travaillent sur des projets innovants qui illustrent notre engagement envers des solutions architecturales et urbanistiques avant-gardistes dans le domaine de la construction durable. Il est important de le rappeler dans un salon comme le Mipim. »


Patrick Reuter - Partner Real Estate Funds

Elisabeth Adam - Partner Real Estate Structuring and Taxation

Meet our team at MIPIM 2024 Our Real Estate group covers a large panel of services in the Luxembourg real estate sector, including real estate funds, real estate structuring and taxation, real estate law, urban zoning, construction law, leasing, corporate law, public procurement, environment, real estate financing and litigation. Meet our delegation team at the MIPIM 2024 Conference in Cannes from 12 to 15 March.

Frédéric Clasen - Partner Corporate Law and Real Estate Financing

Jeffrey Kolbet - Partner Real Estate Funds

Stéphanie Pautot - Partner Real Estate Structuring and Law

Caroline Bocklandt - Partner Corporate Law and Real Estate Financing

Since 1964 LUXEMBOURG l HONG KONG l PARIS Elvinger Hoss Prussen www.elvingerhoss.lu

NEW YORK Elvinger Sàrl PLLC www.elvinger.us

ELVINGER HOSS PRUSSEN, société anonyme | Registered with the Luxembourg Bar | RCS Luxembourg B 209469 | VAT LU28861577 ELVINGER SARL | Registered with the Luxembourg Bar | RCS Luxembourg B 218214 | Acting as a PLLC through its New York branch

Elodie Leopold - Senior Associate Real Estate and Corporate Law


Point de vue

Mipim 2024, les enjeux vus par six décideurs « Construire et innover demeurent nos priorités » La crise du logement n’est évidemment pas sans répercussions sur une grande partie de notre société. Pour garantir la croissance nécessaire à notre pays pour le bon fonctionnement de nos modèles sociaux, il est nécessaire de créer des emplois, ce qui implique la construction d’un grand nombre de logements pour accueillir les nouveaux talents. Or, le marché immobilier est actuellement à l’arrêt… Depuis plusieurs mois, nous multiplions les signaux de détresse au gouvernement. Après avoir placé notre secteur en état d’urgence en janvier dernier, ce dernier a annoncé, début février, une série de mesures pour soutenir l’accès à la propriété, développer l’offre et encourager l’investissement immobilier. Nous saluons bien entendu ces mesures et espérons qu’elles redynamiseront le marché. Elles ne doivent cependant pas être la seule réponse, et nous attendons une véritable politique incitative pour lever davantage de freins sur la fiscalité, l’investissement, les taxes d’enregistrement et les procédures administratives. DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS Chez Félix Giorgetti, nous avons opté depuis toujours pour une stratégie de diversification de nos activités. Nous nous sommes spécialisés dans la construction de tous types de bâtiments, dans le développement résidentiels, et investi dans la technologie de pointe pour les travaux de génie civil. Notre objectif pour 2024 est donc simple : construire ! Construire pour préserver nos activités et nos emplois. Le Mipim est, pour nous, un rendez-vous incontournable car c’est un lieu de rencontres et d’échanges où nous pouvons faire découvrir nos projets au-delà de nos frontières. Car, malgré cette période tourmentée, notre passion pour la construction reste immuable ! MARC GIORGETTI Managing partner, Félix Giorgetti

« Regarder davantage à l’international » Au niveau de la profession d’architecte, ces derniers mois, la plupart des bureaux ont dû faire face à une hausse conséquente de leurs coûts fixes, de l’ordre de 20 %. Alors que les frais augmentent, l’activité a connu un sensible ralentissement. Considérant l’augmentation des prix des matières premières, en raison de la croissance des taux d’intérêt, les clients ont marqué une pause. Les promoteursdéveloppeurs se contentent de mettre en œuvre les projets pour lesquels ils ont obtenu un permis, dans la perspective de pouvoir louer ces biens. Cependant, peu initient de nouveaux projets. Or, le marché a besoin de nouvelles surfaces. Bien que la situation devrait s’améliorer, avec le retour, ces derniers mois, de projets résidentiels individuels et de nouvelles sollicitations en vue de réaliser des études de faisabilité, la situation demeure compliquée. DES APPROCHES INNOVANTES Elle nous conduit, nous, les bureaux d’architecture au Luxembourg, à prendre des mesures visant à réduire nos coûts et à faire preuve de plus de créativité pour soutenir l’activité. L’un des enjeux, pour nous, e st de regarder davantage à l’international, en prenant part à des concours d’architecture à travers l’Europe. Nous travaillons aussi auprès de nos clients sur des approches innovantes. C’est quelque chose qui me tient à cœur. Dans cet esprit, je me rendrai au Mipim, même si cette année, nous n’y occuperons plus de stand dans le pavillon luxembourgeois. Cet événement est important pour nous, afin de nous rendre visibles des acteurs, nouer des contacts internationaux ou encore partir à la découverte de nouveaux concepts et idées. TÜRKAN DAGLI

Managing director, owner dagli atelier d’architecture

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MIPIM MARS 2024


Des personnalités du monde politique, de l’immobilier, de l’architecture et du droit présentent leurs enjeux en vue du salon Mipim 2024 teinté par une crise immobilière qui touche de plus en plus de pays. Propos recueillis par SÉBASTIEN LAMBOTTE

Photos

Romain Gamba (archives), Eva Krins, Guy Wolff (archives) et Maison Moderne (archives)

« Maintenir l’entreprise en vie » Notre préoccupation majeure, en tant que promoteur-constructeur, est de maintenir l’entreprise en vie. Notre structure se distingue des acteurs dont l’activité se limite à la promotion. Au sein de Soludec, nous sommes 400 salariés. L’activité d’entreprise de construction représente 70 % de notre CA, et l’activité de promoteur 30 % du CA. Le premier enjeu est de maintenir l’emploi et de garantir un certain CA et, pour cela, d’obtenir des marchés. L’ESPOIR DU SECOND SEMESTRE Les acteurs du secteur cherchent, dès lors, tous à se positionner sur les soumissions publiques, abandonnant leurs marges, rognant sur les frais généraux. Si les pouvoirs publics ont annoncé accélérer les investissements, on constate qu’il n’en a rien été en 2023, année électorale, et que les procédures conduisant à la commande de nouveaux projets et au lancement concret des travaux demeurent encore beaucoup trop longues. Il ne suffit pas de remporter une soumission publique, encore faut-il avoir une commande officielle, ce qui peut prendre des mois, alors que les ouvriers sont en sous-occupation. Dans ce contexte, nous avons été contraints de réduire nos frais. Notre carnet de commandes réduit, doit nous permettre de tenir jusqu’aux congés collectifs. L’espoir est que la situation s’améliore au deuxième semestre. Une baisse des taux, combinée à des mesures fiscales ainsi qu’à l’accélération des soumissions et des commandes publiques, devrait nous offrir de meilleures perspectives. Finalement, nous comptons aussi sur le courage et le soutien des banques, sans lequels les investissements seront impossibles. JACQUES BRAUCH

Directeur général Soludec

« La valeur des biens au Luxembourg se maintient mieux qu’ailleurs» Si l’intérêt des investisseurs pour la brique est toujours présent, la situation actuelle, avec des taux d’intérêt particulièrement élevés, constitue un frein majeur à la conclusion de nouvelles transactions sur le marché. On constate un écart entre les attentes des vendeurs et celles des acquéreurs qui reste difficile à combler. Les banques demeurent particulièrement frileuses face à cette situation. Les loans to value proposés s’avèrent peu attractifs. Dans ce contexte, les acteurs financiers institutionnels se trouvent dans une position délicate, avec des volumes considérables d’actifs financiers à investir sans parvenir à trouver des biens. La demande est pourtant là. Les gestionnaires doivent, tôt ou tard, procéder à des investissements s’ils veulent satisfaire aux attentes des investisseurs. UN MARCHÉ STABLE ET SOLIDE Au Luxembourg, l’offre est cependant faible. Dans le contexte actuel, peu de gestionnaires souhaitent céder les actifs qu’ils détiennent. Peu de véhicules se trouvent en fin de cycle de vie, cherchant à liquider les biens en portefeuille. Tous ces éléments justifient le faible niveau d’activité sur le marché de l’investissement. La baisse des taux, attendue, devrait nous ramener à une situation normalisée. D’ici là, on peut toutefois se satisfaire que les biens qui restent en portefeuille n’ont pas subi de dévaluation conséquente. Comme en 2008, cela montre que le marché luxembourgeois demeure stable et solide. C’est notamment cela que nous devons promouvoir au Mipim. ROMAIN MULLER

Managing Director Firce Capital Fund

MARS 2024 MIPIM

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Point de vue

PARTIE DE L’ÉCOSYSTÈME En tant qu’étude d’avocats spécialisée en droit immobilier, nous faisons partie de l’écosystème du secteur immobilier luxembourgeois. C’est dans ce cadre que nous participons tous les ans en tant que sponsor et coexposant du pavillon luxembourgeois du Mipim. Ce salon international réunit plus de 20.000 participants et offre une plateforme privilégiée pour rencontrer clients, partenaires et prospects. Notre présence à Cannes nous permet d’être à l’écoute de nos clients et du marché national et international. C’est aussi un moment important, nous permettant de saisir les tendances du marché et consolider notre image en tant que partenaire de premier ordre dans le secteur immobilier luxembourgeois. MARIO DI STEFANO

Managing partner Avocat à la Cour, DSM Avocats à la Cour

L’accès au logement représente un défi national qui nous concerne tous. Pour les revenus plus modestes et moyens, il devient de plus en plus difficile de se loger dignement et à des prix abordables. Le secteur de la construction s’essouffle, et de nombreux salariés risquent leur emploi. L’objectif du gouvernement en matière de logement est de stimuler l’offre – en construisant plus et plus rapidement, tout en augmentant significativement la disponibilité de logements abordables. Il est impératif que nous travaillions tous ensemble, le secteur privé et comme le public. PREMIÈRES ENVELOPPES DÉBLOQUÉES Mon objectif premier est de développer l’offre publique de logements abordables. Le secteur public doit devenir un acteur de poids du secteur immobilier. Pour les années 2024-2026, plus de 900 millions d’euros seront investis dans la création de logements abordables. Pour soutenir les ménages, plusieurs aides financières individuelles (pour la location et l’accès à la propriété) seront adaptées à la hausse. Pour la subvention de loyers, les enfants seront davantage considérés dans les montants alloués. L’augmentation du plafond de revenus pour l’éligibilité à une prime d’accession élargit le cercle des bénéficiaires potentiels de 59 %. La subvention d’intérêts pour les prêts en cours et les nouveaux prêts est augmentée de 2,45 % à 3,5 %. Pour relancer le secteur de la construction, le gouvernement a décidé la prolongation et le renforcement du programme de rachat de projets en VEFA avec une enveloppe budgétaire supplémentaire pluriannuelle de 480 millions d’euros (20242027), en plus des 110 millions d’euros déjà engagés. En tant que ministre du Logement et de l’Aménagement du territoire, je ne peux ni prédire ni influer sur l’évolution des taux d’intérêt. Par contre, les mesures adoptées par le gouvernement auront à court, moyen et long terme un impact direct sur l’accès au logement. CLAUDE MEISCH

Ministre du logement et de l’Aménagement du territoire

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MIPIM MARS 2024

Maison Moderne (archives) et Guy Wolff (archives)

Les derniers mois ont été marqués par des difficultés pour le secteur, avec une activité inhabituellement faible pour nombre d’acteurs. Malgré la contraction actuelle, le marché luxembourgeois, soutenu par des mesures gouvernementales à venir et une baisse des taux d’intérêt, devrait amorcer une relance progressive à partir du second semestre 2024, même s’il peut paraître improbable que nous revenions rapidement à la dynamique d’avant-crise. Comme tous les acteurs du secteur, nous devons tenir compte des conditions de marché changeantes et des défis pour nos clients. Grâce aux compétences transversales de notre étude d’avocats, couvrant notamment l’ensemble du cycle de vie des projets immobiliers, nous sommes en mesure de réagir à ces évolutions et d’assister nos clients dans les adaptations et restructurations.

« Privé et public doivent travailler ensemble pour stimuler l’offre »

Photos

« Aider les acteurs à s’adapter à un contexte changeant »


The International Tech Pulse June 26th - 27th, 2024

Luxembourg City

Official opening in the presence of H.R.H. the Crown Prince

+5.000 attendees +1.200 guests at the closing seated dinner +200 speakers • + 70 exhibitors • +200 start-up exhibitors 11.000 m2 • 3 Villages, 4 stages

In collaboration with

Global Partners


Participation

« Si 2024 s’annonce difficile, il faut anticiper la reprise » S’ils avaient l’habitude de se rendre au Mipim, certains acteurs ont renoncé à participer à l’événement cette année en raison de la crise. Pour le CEO de CreaHaus, Laurent Olmedo, l’enjeu principal est de trouver les moyens, localement, de maintenir l’activité autant que possible.

Faire le dos rond CreaHaus étant principalement actif dans le développement de biens résidentiels, à 24

MIPIM MARS 2024

« Si les prix baissent sur le neuf, c’est parce que les coûts de construction diminuent. »

LAURENT OLMEDO CEO CreaHaus

l’exception de quelques immeubles de bureaux, ce n’est pas forcément au Mipim que se trouve son cœur de cible. De plus, tant que les taux d’intérêt demeurent hauts, les rendements recherchés par les investisseurs institutionnels croissent aussi. Les développeurs, considérant les montants investis dans l’acquisition d’un terrain et dans la construction, peinent à se mettre d’accord avec de potentiels acquéreurs. « Pour le moment, nous faisons le dos rond et attendons que les choses se tassent », explique Laurent Olmedo. Combien de temps faudra-t-il pour revenir à une situation dans laquelle promoteur et investisseur sont à même de trouver un terrain d’entente ? « 2024 restera une année compliquée pour l’immobilier résidentiel. Je pense que nous arriverons à vendre des biens qui sont presque achevés ou déjà commencés. Cependant, il n’en reste que très peu. Ensuite, peu d’acteurs se lancent dans la vente de biens sur plan. Sur le neuf, je ne vois pas les prix baisser fortement, les promoteurs n’ayant que rarement la possibilité de le faire », précise le CEO de CreaHaus.

Photo

Laurent Olmedo a choisi de ne pas aller au Mipim, cette année. Il avait pourtant pris l’habitude de se rendre à Cannes depuis plusieurs années. Alors que le secteur traverse une crise profonde, il ne lui est pas paru opportun de rejoindre l’édition de 2024. « Dans le contexte actuel, ce déplacement représente un coût qui n’est pas négligeable alors que le marché, lui, est à l’arrêt, explique le CEO de CreaHaus. L’une des raisons pour lesquelles nous nous rendions au Mipim résidait dans l’opportunité offerte par l’événement de faire du networking. Pendant 48 heures, nous pouvions rencontrer tous les acteurs – luxembourgeois et internationaux – du secteur dans un environnement propice à l’échange et la recherche d’opportunités. Devant faire face à la crise actuelle, cependant, les discussions entre acteurs luxembourgeois ont déjà été intenses ces derniers mois. Dès lors, la perspective de se retrouver au Mipim perd de l’intérêt. »

Guy Wolff

Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE


Ce qui peut conduire à des diminutions de prix sur le neuf est principalement la baisse des coûts de construction. « Du côté des constructeurs, les carnets de commandes sont vides. Pour maintenir l’emploi, les acteurs n’ont pas d’autre choix que de rogner leurs marges. Les prix pratiqués se rapprochent du coût de revient. D’autre part, les prix des matériaux évoluent aussi à la baisse. C’est ce qui nous permet de diminuer les prix », poursuit le dirigeant, évoquant une diminution des coûts du gros œuvre d’environ 20 %. Ces baisses permettent de réduire le budget global d’un projet de maison d’environ 10 % par rapport aux prix pratiqués avant le début de la crise, il y a deux ans. Si le prix final du neuf ne baisse pas aussi vite que sur l’existant, c’est en raison du poids du foncier dans les projets. Celui-ci représente 50 % du projet. Avec l’augmentation des taux d’intérêt, les charges financières des promoteurs ont aussi évolué à la hausse. Lancer des projets « à vide » Dans ce contexte, CreaHaus a adapté sa stratégie, prenant le risque de construire sans avoir préalablement commercialisé les biens. « Le principal enjeu est de sécuriser les prix, de s’assurer que les marges pourront être tenues afin de parvenir à

mettre des biens sur le marché dans la perspective d’une baisse des taux d’intérêt au deuxième semestre », commente Laurent Olmedo. Pour les acteurs qui en ont les moyens, il s’agit d’anticiper l’après-crise. « Considérant le temps qu’il faut pour monter un projet, nous ne souhaitons pas attendre que les taux baissent effectivement pour lancer de nouvelles constructions, poursuit le CEO de CreaHaus. Nous risquerions de perdre plusieurs mois. » Construire au Luxembourg sans avoir sécurisé la vente au préalable est quelque chose d’inédit au Grand-Duché. Pour le dirigeant, cependant, le risque est maîtrisé. « On crée de la valeur. Nous avons, par exemple, construit 80 appartements. À défaut de pouvoir les vendre, nous les gardons en patrimoine, les mettons en location, cherchons à les vendre une fois loués dans l’optique de pouvoir engager d’autres projets. Le marché locatif, dans le contexte actuel, se porte très bien», précise le dirigeant. Pour le promoteur, le maintien de l’activité grâce à cette stratégie permet de préserver les compétences en interne sans devoir trop profondément puiser dans les fonds propres, et d’entretenir les partenariats stratégiques. « Nous n’avons pas d’autre choix que d’essayer de faire tourner la machine autant que possible», conclut-il.

« ON A CASSÉ L’OUTIL DE PRODUCTION » L’une des préoccupations majeures, pour les mois à venir, réside dans la préservation de la capacité de production du pays. La crise a déjà mis de nombreux acteurs en situation de défaut de paiement. La multiplication des faillites pourrait avoir des effets délétères à très long terme. « On a cassé la machine, commente Laurent Olmedo. Avant la crise, on arrivait à construire chaque année environ 3.800 logements par an, sans pour autant arriver à répondre à la demande. Aujourd’hui, tous les intérimaires sont partis. On va donc se retrouver dans la même situation que le secteur de l’hôtellerie et de

la restauration après le Covid, avec toutes les difficultés à trouver la main-d’œuvre nécessaire pour répondre à la demande. Les gens qui, n’ayant plus de travail, se sont reconvertis ou sont repartis dans leur pays d’origine ne reviendront plus au Luxembourg. » DE MULTIPLES CRISES La crise de la construction pourrait amplifier davantage la crise du logement, qui s’est installée au Luxembourg bien avant l’invasion russe en Ukraine, la crise de l’énergie, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. « L’enjeu, avant que l’activité

ne soit gelée, était de parvenir à produire 5.000 logements par an. Ces deux dernières années, nous n’en avons mis sur le marché que très peu. 2024 ne sera pas une meilleure année. À plus long terme, au regard des répercussions de la crise sur l’emploi, on aura du mal à retrouver le rythme de croisière, et pourtant encore insuffisant, qui prévalait encore en 2021 », commente le CEO de CreaHaus. L’IMMOBILIER DE BUREAUX AUSSI TOUCHÉ Si le résidentiel se porte mal, le secteur tertiaire est aussi à la peine. L’immobilier de bureaux aurait pu

compenser le ralentissement de l’activité résidentielle et occuper cette main-d’œuvre en demande de travail. Force est de constater que c’est loin d’être le cas. Alors que les taux d’intérêt sont élevés, difficiles d’assouvir l’appétit des investisseurs en termes de rendement. « Il y a toujours une demande pour les bureaux. Toutefois, il est difficile de trouver des preneurs en appliquant des loyers permettant de répondre aux aspirations des investisseurs, assure Laurent Olmedo. Dans ce contexte, les promoteurs ont aussi levé le pied. Le nombre de projets engagés est moindre. »

MARS 2024 MIPIM

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Radiographie

Comment évolue les fonds immobiliers Sur la Place financière, le volume d’actifs gérés à travers des fonds d’investissement immobiliers a bien évolué. Une récente enquête de l’Association of the Luxembourg fund industry (Alfi) permet de dépeindre la santé de ce segment. Auteur MARIE JACQUEMIN

Qui sont les investisseurs ?

L’évolution des types de fonds

En 2023

Au cours de ces dernières années, on constate que les promoteurs de fonds immobiliers ont tendance à délaisser les SIF au profit des fonds d’investissement alternatifs réservés ou de véhicules non régulés.

3,3 %

81,4 %

6,5 %

0,8

2021 1 2019 0%

15,2

30,4

40 2

17

6

54 2 20 %

40 %

60 %

Part II (loi de 2010) SIF (loi de 2007) Gestionnaire réglementé AIF Raif Non-AIF Joint venture

Moyen-Orient et Afrique Amérique Nord/Sud Asie/Pacifique Europe Très diversifié

22 26

12

14 18

80 %

71 100%

Sicar Non réglementé

Les domaines d’investissement

Le type d’investissement

En 2023

En 2019, plus de la moitié des investisseurs optaient pour des stratégies privilégiant des biens core. Au fil du temps, les approches se diversifient, avec une volonté d’aller chercher des rendements plus importants.

12 %

51 %

5% 5% 5% 8%

12 % 2%

Bureau Retail Industrie Résidentiel Hospitalité Autre secteur spécialisé unique Multisectoriel Tous les secteurs 26

MIPIM MARS 2024

2023

33

2021

31

24 18

2019 0%

56 20 %

40 %

23

20

32

19

7% 60 %

25 80 %

Core (immeubles premium, loués, sans travaux) Core + (premium avec un rendement moins sécurisé) Value-added (à rénover pour créer de la valeur) Opportuniste

12 100%

CSSF/Alfi – Reif survey 2023

8%

30,2

Source

2023 1,4

0,8 %


PARTNER CONTENT

Construction et logement en crise : le gouvernement se retrousse les manches Dans sa déclaration gouvernementale du 22 novembre 2023 à la Chambre des députés, le Premier ministre nouvellement élu, Luc Frieden, mettait l’accent sur la volonté du gouvernement d’initier une campagne de logements à prix abordables, avec une attention particulière pour les primoacquéreurs.

Julien Lecler, avocat en droit immobilier (Partner) et Tom Hamen, avocat-fiscaliste (Senior Associate)

Le 1er février 2024, le gouvernement luxembourgeois déclarait sans détour le secteur de la construction au Luxembourg en état de crise. Ces annonces font suite à plusieurs mois de récession économique qui ont dominé le secteur de la construction ainsi que le marché immobilier. Afin d’éviter qu’une demande en augmentation constante de logements abordables ne vienne se heurter à une paralysie totale de l’offre, le gouvernement luxembourgeois a récemment présenté un certain nombre de mesures fiscales dans l’espoir que celles-ci insufflent un nouveau dynamisme à ce secteur qui en a si désespérément besoin. Le gouvernement a donc annoncé, au travers d’un projet de loi du 9 février 2024, un certain nombre de mesures afin de d’augmenter les investissements immobiliers privés et faciliter l’accès au logement : • le crédit d'impôt sur les mutations immobilières, existant pour les particuliers acquérant un bien immobilier afin d’en faire leur résidence principale, sera porté de 30.000 à 40.000 euros par personne. De

plus, un nouveau crédit d'impôt à hauteur de 20.000 euros par personne sera mis en place pour l'acquisition effectuée par vente en état futur d’achèvement d’un immeuble destiné à servir d’habitation à un locataire ; • le taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques applicable aux plus-values réalisées sur des biens immobiliers luxembourgeois détenu pendant une période supérieure à 2 ans sera temporairement réduit au quart du taux marginal ; • le taux forfaitaire d'amortissement accéléré applicable aux immeuble destiné à servir d’habitation à un locataire construits par vente en état futur d’achèvement entre le 1 janvier 2024 et le 31 décembre 2024 sera porté à 6 % pendant six ans, dans la limite d'un avantage fiscal total de 250.000 euros ; • le plafond de déductibilité applicable aux paiements d'intérêts sur les prêts hypothécaires sera progressivement augmenté (à 4.000, 3.000 ou 2.000 euros en fonction de la durée d’occupation du logement occupé par leur propriétaire). En outre, le projet de loi sur le bail à loyer sera entièrement revu. Le 22 février 2024 s’est tenu la table ronde nationale sur l’immobilier. Cette initiative, très attendue, a pour but d’établir un ensemble de mesures supplémentaires permettant de stimuler davantage et de relancer le marché immobilier luxembourgeois. A l’heure d’écrire ces lignes, le compte-rendu de cette table ronde ne nous était pas encore connu.

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Financement

L’épineux dossier de l’investissement immobilier Quelle que soit la taille du projet immobilier, petits et grands investisseurs éprouvent de plus en plus de difficultés à se financer. Des solutions alternatives existent, encore faut-il que le cadre réglementaire s’adapte en conséquence. Auteur MICHAËL PEIFFER

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JEAN-PAUL SCHEUREN Président Chambre immobilière

Faire preuve d’inventivité Pour la Chambre immobilière, des solutions existent, mais il faut se montrer inventif. « La promotion pure, qui veut qu’un développeur achète un terrain vague pour construire un lotissement, atteint ses limites. Pour ce type de projets, votre banquier vous accorde aujourd’hui un crédit sur cinq ans. Or, dès le départ, on sait que l’opération va prendre plus de temps. Le crédit va devenir critique et le développeur devra libérer de nouveaux fonds

Guy Wolff (archives)

« En tant que développeur privé, il est très difficile de proposer un système de bail emphytéotique à de futurs acquéreurs. »

Les volumes de vente des appartements, des maisons et des terrains chutent alors que le prix moyen se stabilise, selon les chiffres de l’Observatoire de l’habitat. «En parallèle, le marché de la construction est à l’arrêt. Or, si le Luxembourg veut répondre à la demande, il faudrait construire 6.000 logements neufs chaque année, dont du logement abordable, poursuit Jean-Paul Scheuren. Je vous dis cela alors que nous n’avons jamais construit plus de 4.444 logements neufs au cours d’une même année. C’était en 2008... Il est donc urgent de trouver des solutions pour construire plus rapidement et moins cher. » Tout en facilitant l’accès à la propriété…

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Le Luxembourg enregistre la plus forte baisse des transactions de logements sur un an (environ -40 % au troisième trimestre) parmi les 12 pays dont les données sont publiées par Eurostat. « Le nombre de transactions immobilières reste plus ou moins stable depuis le début de 2023, mais à un niveau tellement faible qu’il est difficile d’en tirer une analyse digne de ce nom », commente Jean-Paul Scheuren, le président de la Chambre immobilière. Ce sont surtout les transactions d’appartements en construction (Vefa) qui se sont effondrées, leur nombre en 2023 ne représentant plus qu’un cinquième de celui de 2019. Pour les particuliers, obtenir un crédit hypothécaire est aujourd’hui de plus en plus compliqué. Alors que les taux d’intérêt ont bondi sous l’effet de l’inflation, les banques prennent de plus en plus de précautions avant d’octroyer un prêt. Il en résulte que le volume des crédits immobiliers accordés aux particuliers continue de diminuer. 1,17 milliard d’euros de crédits immobiliers ont été consentis aux ménages résidents au deuxième trimestre 2023, soit une baisse de 15,7 % par rapport au trimestre précédent, 48,8 % sur un an et 60 % par rapport à son niveau record du premier trimestre 2021.


propres… Il faut donc désormais se tourner vers des banques d’investissement ou d’autres solutions alternatives », souligne Jean-Paul Scheuren. Le recours plus fréquent au bail emphytéotique ou à d’autres modes d’accès à la propriété qui s’en rapprochent est une piste à explorer. « Mais là encore, en tant que développeur privé, il est très difficile de proposer un système de bail emphytéotique à de futurs acquéreurs, tout simplement parce que la banque ne va pas financer un achat de terrain à très longue échéance. On pourrait pourtant imaginer un système où il serait possible d’acquérir une construction à une échéance de 30 ans par exemple avec, ensuite, une option pour acheter le terrain en pleine propriété. Mais cela implique d’obtenir un crédit pour une période 50, 60 ou 80 ans, imagine Jean-Paul Scheuren. Il faudrait donc instaurer de nouvelles règles pour les banques afin d’encadrer ce type de financement, et l’accompagner d’incitants fiscaux pour en assurer la promotion. » Pour le président de la Chambre immobilière, ce système permettrait aussi d’aller à la rencontre des propriétaires fonciers qui ne souhaitent pas vendre leur terrain. « Il serait par exemple possible de réaliser un projet sur ce terrain, sur le

principe du bail emphytéotique ou sur la base d’un droit en superficie, et de l’exploiter pendant 30 ou 40 ans. Au terme de cette période, le propriétaire rachète le bâtiment ou le reçoit pour louer les surfaces. Dans une autre optique, on peut même imaginer que le terrain soit ensuite libéré de toute construction. » La tokénisation de la propriété Plus disruptif, l’achat d’un bien immobilier au travers de la blockchain est aujourd’hui à la portée des personnes qui souhaitent accéder à la propriété, au rythme qu’elles souhaitent. « À l’image de ce que propose BlocHome au Luxembourg, que j’ai fondé, vous pouvez devenir propriétaire d’une partie ou de l’ensemble d’un bien en seulement quelques clics via des tokens qui représentent des parts de la société qui détient un bâtiment donné, au sein d’un portefeuille immobilier plus large », termine Jean-Paul Scheuren. Au travers de BlocHome, la vision à long terme consiste à créer une communauté immobilière mondiale dans laquelle les membres seront en mesure d’adapter leur propriété et l’utilisation de celle-ci en fonction de leurs besoins personnels. Pour un immobilier du futur en mode « housing as a service ».

UNE REPRÉSENTATION ACCRUE POUR LES DÉVELOPPEURS La Chambre immobilière a annoncé, à la fin de l’année dernière, la création de sa nouvelle section Développeurs, marquant une étape significative dans la consolidation et l’avancement du secteur immobilier luxembourgeois. Ce groupe vient d’être formé avec l’objectif de renforcer la collaboration entre les acteurs-clés du secteur et d’approfondir les discussions sur des sujets cruciaux tels que l’innovation dans la construction, la durabilité, ainsi que les réglementations et les défis du marché immobilier au Luxembourg. La section Développeurs est dédieé à l’amélioration du dialogue et de l’échange d’expériences entre

ses membres et avec les instances publiques, en mettant l’accent sur des thématiques essentielles au secteur. LE LOGEMENT ABORDABLE, SUJET DE SOCIÉTÉ Dans le cadre de ses activités, le groupe se concentrera sur plusieurs domaines-clés. Il cherchera à promouvoir un urbanisme de qualité et un logement abordable pour tous, reconnaissant l’importance de ces éléments dans la création de communautés durables et inclusives. « Le logement abordable est un véritable sujet de société qui nous concerne au premier plan. Tous

les développeurs en Europe ont la volonté d’y contribuer de manière active. Pour cela, il faut créer un cadre sécurisé dans lequel le développeur privé peut avancer, avec dynamisme et créativité », souligne Jean-Paul Scheuren, porte-parole de la section des développeurs. PRIORITÉ À LA FORMATION ET À LA SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE La formation continue dans le domaine immobilier est également une priorité, assurant un haut niveau de compétences et d’expertise parmi les professionnels du secteur.

Le groupe encouragera la digitalisation et l’industrialisation dans la construction immobilière, afin de moderniser les processus et d’améliorer l’efficacité opérationnelle. Par ailleurs, le groupe s’engagera dans la simplification des procédures et des règles urbanistiques, dans le but d’améliorer l’efficacité et la transparence de la gouvernance immobilière. Il explorera des solutions innovantes en matière de financement immobilier pour faciliter l’accès à la propriété et mettra un accent particulier sur la satisfaction du client, reconnaissant son importance cruciale pour la prospérité du secteur immobilier.

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Conversation Simon Durkin

« Soutenues par la demande, les opportunités sont là » Après deux années difficiles, l’investissement dans l’immobilier devrait reprendre des couleurs. Selon Simon Durkin, global head of real estate research and analytics au sein de BlackRock, les opportunités sont là. Le marché, cependant, a évolué. Bien l’appréhender exige de tenir compte de forces majeures qui affectent notamment les attentes des occupants et des investisseurs. Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE

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MIPIM MARS 2024

Portrait JÉRÉMIE SOUTEYRAT


« L’enjeu n’est plus de lutter contre l’inflation à tout prix. »


Conversation Simon Durkin

« Les biens présentant une performance environnementale moindre vont perdre en attractivité et voir leur valeur être affectée. » L’activité immobilière a été particulièrement perturbée au cours des deux dernières années. Quel est l’impact de la hausse des taux d’intérêt et du ralentissement des transactions sur l’activité d’investissement dans ce secteur ? Quel regard portez-vous sur les deux dernières années ? Il est intéressant de comparer le cycle actuel avec le précédent, qui a débuté avec la crise financière mondiale. Au cours de celui-ci, l’immobilier a été dopé par un environnement aux taux d’intérêt très bas, contribuant à soutenir l’investissement dans toutes les classes d’actifs. Cette politique monétaire a constitué la norme pendant plus d’une dizaine d’années, jusqu’à la pandémie. Nous avions conscience que cette situation ne serait pas éternelle, qu’elle devrait prendre fin tôt ou tard. C’est la crise sanitaire qui a agi comme catalyseur du changement, mettant en lumière les vulnérabilités d’une économie globalisée. Avec la levée des mesures sanitaires, nous avons dû affronter des difficultés tout au long des chaînes d’approvisionnement, entraînant la hausse des prix sur les biens convoités par les consommateurs. À cela se sont ajoutés divers événements géopolitiques, au premier rang desquels l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Nous avons alors été confrontés aux limites d’une économie globalisée. L’inflation – qui, avec le recul dont on dispose aujourd’hui, n’est en rien surprenante – a grimpé en flèche et les gouvernements ont dû réagir à cette hausse. Quelles ont été les répercussions de ces phénomènes sur le marché de l’immobilier ? 32

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Face à l’inflation, les banques centrales ont procédé à d’importantes hausses de taux. Nous avons vu ceux-ci augmenter beaucoup plus rapidement que ce que les marchés avaient prévu au départ, au moment où de nombreux investisseurs pensaient que cette inflation ne serait que transitoire, qu’elle serait sous contrôle en six mois. Elle s’est avérée bien plus tenace. Au niveau de l’immobilier, les transactions ont considérablement diminué sur presque tous les marchés. L’investissement immobilier s’appuie fortement sur l’endettement. Un marché sain a donc besoin d’un environnement de financement sain et fonctionnel. Avec l’augmentation des taux d’intérêt, de nombreux plans d’affaires qui apparaissaient comme robustes avant la pandémie ont dû être reconsidérés. Aux États-Unis comme en Europe, les volumes de transactions ont baissé d’environ 50 % en 2023. Du fait de cet assèchement de la liquidité du marché, une grande partie du capital déjà levé est resté en retrait et attend d’être investi. Peut-on expliquer pourquoi cette inflation s’est avérée plus tenace que prévu ? On peut évoquer deux éléments. Premièrement, si les politiques monétaires n’ont pas eu un effet aussi rapide qu’escompté, c’est parce que l’inflation était principalement provoquée par l’offre, qui faisait défaut, plus que par une hausse soudaine de la demande. Deuxièmement, la pénurie de main-d’œuvre sur la plupart des marchés du travail a contribué à maintenir l’inflation à un niveau élevé. Comment voyez-vous la situation évoluer à présent ? Si l’on regarde l’évolution récente de la situation, nous constatons que l’inflation est en train de se résorber et d’être maîtrisée. Les taux d’intérêt ont atteint un pic dans la plupart des pays et sont restés stables au cours de ces trois à quatre derniers mois. L’enjeu actuel n’est plus de lutter contre l’inflation à tout prix. Désormais, il apparaît tout aussi essentiel de soutenir l’activité économique, de stimuler à nouveau la croissance, mais de manière maîtrisée. Avec la baisse des taux qui se profile, le marché de l’investissement immobilier devrait renouer avec un certain dynamisme. Comme je le disais, beaucoup de capital


attend de pouvoir être investi pourvu que les opportunités se présentent. L’immobilier est ce que nous appelons une classe d’actifs procyclique, fortement liée à la performance économique d’un territoire.

notamment une importante pénurie d’immeubles durables de haute qualité, répondant à des normes environnementales élevées, en phase avec les aspirations actuelles. La pandémie a contribué à une modification profonde du travail, avec un renforcement structurel de la flexibilité, une généralisation du télétravail. Tout cela a eu un impact sur les villes. Les entreprises, les occupants d’immeubles de bureaux, se repositionnent en considérant ces enjeux, en tenant compte de leurs objectifs en matière de durabilité et de leurs nouveaux besoins pour assurer leur développement. L’impact à long terme de ces évolutions est toutefois bien plus marqué aux États-Unis qu’en Europe. Outre-Atlantique, pendant la pandémie, un grand nombre de personnes se sont déplacées sur de plus grandes distances. Le désir des collaborateurs de revenir au bureau y est moindre.

Si je vous entends, les investisseurs doivent être à l’affût des opportunités. C’est le bon moment pour investir à nouveau… Tout à fait. On constate notamment que les valorisations ont chuté de l’ordre de 20 % à 25 %. Il est difficile d’être précis sur le recul des valeurs, le niveau de transactions étant actuellement faible. La reprise d’une activité transactionnelle permettra de rendre compte de la baisse des valorisations de manière plus précise. Mais les opportunités sont là. D’autre part, le fait que l’environnement macro est beaucoup moins incertain (ou beaucoup plus certain, selon le point de vue) qu’il ne l’était à la même époque l’année dernière me conforte dans la conviction que nous entrons effectivement dans un cycle positif. Qu’est-ce qui vous fait dire que le marché est prêt à repartir ? La situation actuelle est bien différente de celle qui a suivi la crise financière globale de 2008. À l’époque, nous avons traversé une tempête parfaite. Nous nous sommes retrouvés en un laps de temps très court avec une offre d’actifs immobiliers excédentaire sur les marchés. Les investisseurs étaient contraints de garder en portefeuille des biens immobiliers vides, qui ne produisaient aucun revenu. Tout le monde est resté sur la touche. Dans le cas présent, si les volumes d’investissements ont connu une baisse significative, la demande est toujours là. Les utilisateurs sont présents, cherchent à se repositionner sur le marché. Cette dynamique de l’offre et de la demande a contribué à soutenir les loyers sur la plupart des marchés. Si les occupants sont toujours là, leurs attentes, à la suite de la pandémie notamment, n’ont-elles pas considérablement évolué ? Certainement. On constate que les entreprises font preuve de plus d’exigences dans le choix des biens qu’elles souhaitent occuper. Elles sont plus sélectives. On constate

BIO EXPRESS Simon Durkin a plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de la stratégie et de la recherche liées au marché immobilier. Il a rejoint BlackRock après un bref passage chez Seaforth Land, avant quoi il était responsable de la recherche pour BNP Paribas Real Estate, à la tête d’une équipe d’économistes et de prévisionnistes. Simon a étudié l’investissement immobilier et la finance à la Cass Business School de la City University, à Londres, et a obtenu un MBA à la Warwick Business School. Il est membre de l’Investment Property Forum et de la Society of Property Researchers, membre de la London First Urban Transformation Commission, et a été publié dans The Journal of Property Investment & Finance et dans une série de publications industrielles européennes.

En quoi est-ce différent en Europe ? Au Royaume-Uni, en Europe, les villes ne constituent pas uniquement des centres dédiés au travail. Ce sont aussi des pôles touristiques et culturels attractifs. Ce sont des lieux où les gens veulent se rendre, pour profiter de loisirs, d’une sortie au restaurant, etc. C’est très différent des États-Unis, où la plupart des gens conduisent uniquement pour aller travailler au bureau. Les infrastructures de la ville sont mieux développées en Europe, contribuant à des déplacements plus fluides dans et autour des métropoles. On constate qu’il est plus facile de ramener les gens au bureau, pour peu que celui-ci soit situé dans un endroit dynamique, attractif et bien connecté. Cela ne veut toutefois pas dire que nous reviendrons au niveau d’occupation des bureaux d’avant la pandémie. Absolument pas. La tendance générale réside dans une organisation avec un ou deux jours par semaine de travail à distance et le reste du temps étant passé au bureau. Il ne faut pas sous-estimer l’envie des gens d’être au bureau, de développer des relations sociales, d’être connectés avec le reste de leur équipe. Peut-on en conclure que le marché des bureaux est plus robuste en Europe qu’aux États-Unis ? La situation est différente et il est difficile de tirer des conclusions, car l’environneMARS 2024 MIPIM

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Conversation Simon Durkin

ment diffère d’une ville à l’autre. En matière d’investissement immobilier, il ne faut pas oublier que l’emplacement, la micro-localisation d’un bien, est un facteur critique. La reprise qui s’annonce devrait être révélatrice de nouvelles attentes, en termes de localisation et de nouvelles tendances. Il sera intéressant d’analyser quels sont les éléments déterminants aux yeux des occupants dans le choix de leurs immeubles.

entreposés… afin de pouvoir être livrés à l’utilisateur final ou être acheminés dans une grande surface ou dans les terminaux logistiques urbains. Nous avons donc constaté une augmentation significative de la demande en matière de logistique au cours des deux dernières années. Si l’on constate une tendance à la démondialisation, les sites de production se rapprochent des consommateurs. Cette transformation devrait soutenir les investissements liés à la logistique. D’autant plus que la progression du commerce électronique continue de nous surprendre et soutient les besoins en installations logistiques, notamment ceux liés au « dernier kilomètre ».

Bien qu’il soit petit, comment un acteur comme BlackRock considère-t-il le marché luxembourgeois ? Le Luxembourg est un marché intéressant. Bien que relativement petit, il n’a pas été complètement immunisé contre les bouleversements vécus ces derniers mois. Il a Et si l’on s’attarde connu les mêmes niveaux de ralentissement sur l’immobilier résidentiel ? que le reste de l’Europe. Au Luxembourg, le C’est un autre segment intéressant. Cepensegment des bureaux, la classe d’actifs la dant, le résidentiel est une classe d’actifs plus importante pour les investisseurs sur très complexe dans son ensemble. Il existe ce marché, se distingue toutefois par un une multitude d’actifs différents, du logetaux de vacance qui demeure très faible. ment étudiant à la résidence pour perL’économie luxembourgeoise est par ailleurs sonnes âgées en passant par la colocation, saine. Si les rendements liés à l’immobilier et des stratégies diverses, entre le marché demeurent relativement faibles, c’est prin- de la vente et celui de la location. Il y a là cipalement parce que le marché est assez un mélange très, très complexe de solutions. restreint. Il devrait profiter de la reprise Selon nous, bien aborder cette classe d’acéconomique dans les mois à venir. À tifs nécessite avant tout une prise en l’échelle du marché, dans une démarche compte de la démographie d’un marché et d’investissement, il est toutefois important de la manière dont celle-ci va évoluer. de ne pas sous-estimer la localisation (micro-localisation) des biens. Celle-ci peut À la fin de l’année dernière, BlackRock avoir une grande influence sur la perfor- partageait en effet sa vision sur les persmance des actifs. Le Luxembourg présente pectives 2024 sous le prisme de cinq par ailleurs beaucoup d’atouts, liés notam- « méga-forces », parmi lesquelles l’évolument à la diversification du marché, et nous tion démographique. Pouvez-vous nous continuons à le surveiller attentivement, décrire les impacts de ces tendances ? On appelle «méga-forces» les grands chandepuis Paris notamment. gements structurels qui affectent les invesÀ côté des bureaux, comment tissements, quelle que soit leur nature, dès évoluent les autres segments à présent et sur une perspective à long du marché, comme le résidentiel, terme. Ce sont des forces qui opèrent au le commerce ou la logistique ? niveau macro-économique et qui modifient L’évolution du segment « logistique » est les perspectives de croissance à long terme, très intéressante. Avec la pandémie, les ont une influence sur l’inflation et affectent dépenses des consommateurs se sont la rentabilité à travers les économies et les davantage portées sur les produits que sur secteurs. Il est dès lors important de consiles services. Or, les biens que nous ache- dérer les investissements à l’aune de ces tentons, pour arriver jusqu’à nous, doivent dances, parce qu’ils sont vecteurs remonter une chaîne d’approvisionnement. d’opportunités comme de risques. Notre Beaucoup des produits consommés sont attention se porte notamment sur cinq éléfabriqués dans d’autres parties du monde ments clés: l’évolution démographique, la et doivent être conditionnés, transportés, transformation numérique et l’IA, la frag34

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CINQ « MÉGA-FORCES » BlackRock considère les opportunités d’investissement à l’aune de cinq « méga-forces », ou tendances qui affectent l’économie de manière structurelle.

Divergence démographique

Le vieillissement des populations dans les grandes économies est sur le point de limiter la production et la croissance des pays. En revanche, certaines économies de marché émergentes peuvent bénéficier de populations plus jeunes et de classes moyennes en expansion.

La disruption numérique et l’intelligence artificielle (IA) L’IA doit contribuer à automatiser des tâches laborieuses, faciliter l’analyse de données et soutenir l’émergence d’idées nouvelles.

La fragmentation géopolitique et la concurrence économique

En rupture avec la période de mondialisation croissante de l’après-guerre froide, les pays privilégient la sécurité nationale et la résilience à l’efficacité économique. Dans cette optique, les chaînes d’approvisionnement sont repensées.

L’avenir de la finance

L’architecture financière évolue rapidement et modifie la manière dont les ménages et les entreprises utilisent les liquidités, empruntent, effectuent des transactions et recherchent des rendements.

Transition bas carbone

La transition vers une économie à faibles émissions de carbone devrait entraîner une réaffectation massive des capitaux.


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Intéressé(e)?


Conversation Simon Durkin

mentation du monde, le futur de la finance et la transition bas carbone. Si l’on considère l’immobilier, l’évolution démographique et la transition bas carbone seront des vecteurs de changements clés dans le nouveau régime macro-financier que nous connaissons depuis la fin de la pandémie.

semble des parties prenantes de l’économie et de la société, élevant les normes environnementales associées aux immeubles. Pour satisfaire aux exigences environnementales, les occupants doivent évoluer. Dans cette optique, ils vont notamment chercher à se positionner sur des biens dont la performance carbone est optimale. Cela se traduit déjà au niveau des marchés, avec de grands acteurs corporate à la recherche de bureaux très performants, dont l’offre est actuellement restreinte. Les investisseurs, d’autre part, exigent que leurs gestionnaires rendent compte des performances ESG des portefeuilles qu’ils gèrent en termes de durabilité. Les plus sophistiqués vont au-delà des notations ESG, intégrant par exemple les émissions de carbone et leur impact sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment. Les organismes de crédit, eux aussi contraints à des objectifs ESG, vont conditionner l’octroi de prêts à des exigences environnementales.

Au regard de l’évolution démographique, comment bien aborder l’investissement immobilier ? Cela va dépendre des marchés, des tendances démographiques à l’œuvre au niveau de chacun. Dans les sociétés occidentales, en Europe notamment, on assiste à un vieillissement de la population. Les besoins résidentiels ne sont pas les mêmes que dans d’autres régions du monde, où la population est plus jeune. Ces tendances sont importantes si l’on veut s’assurer d’investir dans le développement d’une offre qui correspond aux attentes. Un couple âgé, qui n’a plus d’enfants, n’a par exemple plus besoin d’une maison familiale. Beaucoup vont chercher à occuper des espaces plus Quels pourraient être petits, proches des services essentiels à leur les impacts sur la valeur des confort de vie. Dans certaines régions, on biens et sur les performances privilégiera des logements multifamiliaux, des investissements ? qui permettent aux enfants de continuer à Au regard de cette transition, les prendre soin de leurs parents par exemple. biens présentant une performance Dans d’autres, une telle démarche sera environnementale moindre vont moins établie. Plus globalement, le vieillis- perdre en attractivité et voir leur sement de la population a d’autres impacts valeur être affectée. C’est un enjeusur les besoins immobiliers, avec des oppor- clé qu’il faut considérer. À l’heure tunités liées au développement d’établisse- actuelle, je ne pense pas que les ments de soins de santé, de résidences évaluateurs aient pris la pleine seniors, d’équipements loisirs orientés cor- mesure du risque associé à ce respondant aux besoins de ces clients. changement, qu’ils aient suffisamment intégré ces impacts. Cela La transition « bas carbone » est un pourrait conduire, à terme, à cerautre enjeu majeur pour l’immobilier. taines corrections douloureuses. Comment agit-elle ? Au niveau de BlackRock, nous traIl s’agit là d’un changement structurel vaillons très dur pour comprendre comment majeur, soutenu par l’évolution des normes quantifier l’impact de cette transition au et des réglementations, obligeant les regard des divers facteurs entrant en ligne acteurs immobiliers à s’inscrire dans une de compte. L’enjeu est d’appréhender au trajectoire «net zero». L’impact de la décar- mieux ces transformations au niveau des bonation de l’économie sur l’investissement stratégies et des approches mises en œuvre. immobilier doit, selon nous, être considéré Comme je le disais, l’offre en biens perforen tenant compte des réglementations à mants est encore restreinte sur le marché. venir, de l’évolution des attentes des occu- Il y a donc des opportunités, pour les invespants, des nouvelles exigences d’investis- tisseurs, d’acquérir des immeubles anciens, seurs en la matière, des modifications des aux performances moindres, à un prix avanconditions d’accès au crédit. Si l’on consi- tageux, en vue de les remettre aux normes, dère la réglementation, elle agit sur l’en- de les rendre à nouveau attractifs.

« Aux États-Unis, le désir des collaborateurs de revenir au bureau est moindre. »

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Intérieur

Aménager ses bureaux de manière durable Si la durabilité des bâtiments est souvent évoquée, celle des aménagements intérieurs n’est pas à négliger. Garantir un lieu de travail agréable et respectueux de la nature est aujourd’hui un enjeu de premier ordre. Rencontre avec la managing director Belux de Tétris Design & Build, filiale du groupe JLL, Amandine Chizelle. Auteur MARIE JACQUEMIN

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Déjà détentrice du label Ecovadis Platinum, Tétris Design & Build a vu ce dernier renouvelé cette année. Elle fait partie des 1 % des 125.000 entreprises à détenir ce niveau de label, démontrant son expertise dans le domaine de la durabilité. Ecovadis est un organisme de notation de l’engagement ESG des entreprises.

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De plus en plus de sociétés souhaitent disposer de bureaux aménagés de manière plus responsable afin de réduire leur impact environnemental et d’améliorer l’incidence sociétale. Sur le terrain, les experts en design et en aménagement d’intérieur de Tétris Design & Build sont impliqués dans cette démarche de durabilité. « Nous avons des convictions fortes sur ce sujet. Il s’agit, au travers de notre manière de travailler, notamment avec la circularité, de réduire l’impact de nos projets sur l’environnement et la société qui nous entourent. Nous avons cette ambition d’accompagner nos clients sur ces enjeux, en proposant des espaces de travail de qualité, explique la managing director de Tétris Design & Build pour la Belgique et le Luxembourg, Amandine Chizelle. Depuis 2012 déjà, nous avons une équipe d’experts ‘sustainability’, afin d’atteindre nos propres objectifs pour une transition vers le net zéro carbone. Cette expertise interne nous permet d’accompagner nos clients afin qu’ils atteignent leurs objectifs RSE, que ce soit pour l’obtention d’une labellisation ou simplement parce qu’ils souhaitent s’engager dans une démarche plus responsable. » L’expertise de l’entreprise grandit au fil du temps et des projets. « Nos clients nous challengent et nous poussent à régulièrement développer de nouvelles solutions, explique la responsable. En gardant en

tête que les secteurs de la construction et de l’immobilier sont d’importants producteurs de déchets, nous avons ce devoir d’avoir un impact positif sur chaque mètre carré qui passe entre les mains de nos équipes. » Le développement d’outils sur mesure Engagée dans cette démarche de durabilité en interne et auprès de ses clients, Tétris Design & Build a développé son expertise et une série d’outils. «Nous avons développé le Tétris Sustainability Code, un outil technologique innovant et unique sur le marché, développe la managing director. Nous utilisons cette ressource pour accompagner la conception et la réalisation de chacun de nos projets, que le client soit dans une démarche de certification ou non. Cet outil nous permet, au départ d’une dizaine de cibles telles que les matériaux ou encore la qualité de l’air, de réaliser un diagnostic stratégique au début du projet. À partir de là, en collaboration avec le client, nous définissons les thèmes à prioriser. À la fin, nous réalisons un bilan final de la performance et de la progression réalisées pour générer une carte de résultat reprenant un avant / après de la durabilité de son projet. » Un tel outil permet de visualiser les points qui ont été améliorés de manière factuelle. Pour les designers, le Tétris Sustainability Code représente un véritable outil d’aide à la conception. « De cette manière, ils peuvent


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Tétris

proposer des solutions qui correspondent à la situation et la volonté du client, complète Amandine Chizelle. Ce code évolue au fil du temps et est enrichi par nos équipes spécialisées dans la durabilité. L’ensemble de ce travail nous permet d’inspirer nos designers, d’apporter une plus grande valeur ajoutée à nos projets et de nous inscrire dans un processus d’amélioration continue. Nous nous appuyons aussi sur un réseau de fournisseurs et partenaires locaux qui nous permettent de privilégier les circuits courts et la circularité. Ils sont également une source importante d’innovation. » S’adapter à la demande et au marché Un projet n’est pas l’autre. C’est pour cela que les équipes de Tétris Design & Build prennent le temps et prêtent une oreille attentive à leurs clients. « Cela semble évident. Toutefois, chaque situation est différente et notre volonté est de réellement répondre aux attentes de nos clients. En commençant par un cadrage stratégique des besoins et des ambitions de notre client, nous pouvons l’accompagner dans la définition de la bonne empreinte immobilière pour son projet, développe Amandine Chizelle. Il ne s’agit pas de réduire la surface, mais plutôt d’intensifier les usages et de démultiplier les expériences. Par exemple, nous ne proposerons pas une cafétéria qui ne servira que deux heures par jour, nous soumettrons des aménagements qui permettent de multiplier les usages et d’offrir des expériences multiples.» Travailler de la sorte permet surtout de s’adapter au marché. «Actuellement, une des difficultés que nous observons régulièrement concerne le fait que l’offre du parc immobilier existant ne correspond pas aux critères de sélection en matière de durabilité de nos clients », développe la managing director. De manière générale, de plus en plus de sociétés souhaitent s’installer dans des bâtiments qui répondent à différents standards en termes de durabilité. « Nous voyons de plus en plus de sociétés s’engager dans cette démarche, en raison de la taxonomie, notamment, constate Amandine Chizelle. Aussi, nous accompagnons nos collègues de JLL dans leurs missions de repositionnement et de revalorisation des actifs de nos clients investisseurs en réhabilitant les bâtiments pour en faire des lieux de vie répondant aux enjeux de durabilité. À l’avenir, les attentes

du marché, la raréfaction du foncier et les contraintes réglementaires pousseront l’ensemble de l’industrie de l’immobilier à revoir les performances durables des bâtiments.» Dans ce contexte, s’il est important pour une entreprise d’occuper un bâtiment le plus décarboné possible, il est aussi de la responsabilité des locataires de l’occuper de manière responsable et durable. L’évolution des attentes « En tant qu’entreprise engagée, nous avons ce devoir de sensibiliser nos clients à ces thématiques, de les conseiller pour qu’ils puissent également s’engager dans une telle démarche, commence à expliquer l’experte. C’est à nous de leur expliquer les solutions et, éventuellement, de les alerter sur certains enjeux.» Si certaines entreprises ont été des précurseurs dans le domaine, pour d’autres, il a fallu prendre le temps de les convaincre. De manière générale, la notion de durabilité a elle aussi évolué au fur et à mesure des années. « Au départ, le fait d’encourager le tri des déchets ou encore d’opter pour un éclairage LED gradable à détection de présence représentait déjà un premier engagement, développe Amandine Chizelle. Ces petits gestes sont aujourd’hui devenus MARS 2024 MIPIM

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Intérieur

espaces de véritables démonstrateurs de leur engagement ESG.En janvier, les 60 personnes travaillant pour le cabinet d’avocats Stibbe ont pris possession de leurs nouveaux bureaux, dans le quartier de la Cloche d’Or. « Ils se sont établis dans le bâtiment Emerald, sur une surface de 2.200 m2, développe Amandine Chizelle. Ce projet était particulier, en raison de l’activité de notre client. Dès le départ, la demande était de pouvoir bénéficier d’espaces garantissant la confidentialité lors des rendez-vous et de lieux de travail propices à la concentration.» Le défi a été relevé. Les collaborateurs du cabinet d’avocats bénéficient de nombreux bureaux individuels et de zones de rencontre, favorisant l’échange et la collaboration.

élémentaires. Nous avons commencé doucement et nous nous sommes professionnalisés, en développant nos outils nous-mêmes, en étant challengés par nos clients. Récemment, sur l’un de nos projets, nous avons par exemple travaillé avec un atelier de menuiserie local qui nous a permis de générer plus de 5.800 heures d’insertion professionnelle auprès de populations éloignées de l’emploi. Nous avons transformé 1.400 palettes en postes de travail avec une démarche de design et de recyclage innovante. Nous sommes très fiers de ce type de projets à impacts positifs multiples. » Si, au départ, les clients de Tétris Design & Build ne s’engageaient pas spontanément dans ces démarches, cela est devenu une évidence. «Les employeurs recherchent le bienêtre de leurs collaborateurs. Cela passe par l’acoustique, l’ergonomie ou encore la qualité de l’air et le fait d’encourager le mouvement, par exemple, rappelle la directrice. Les entreprises ont compris qu’il s’agit d’un levier, tant pour les collaborateurs que pour les clients, mais aussi pour attirer de nouveaux talents. » En effet, l’aménagement des bureaux est l’opportunité pour bon nombre de clients de rendre concrète leur démarche durable et de faire de leurs 40

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JLL / TÉTRIS SUSTAINABILITY PASS Si l’entreprise sensibilise ses clients, les collaborateurs sont également formés aux nombreux enjeux. Parce qu’ils sont tous ambassadeurs de la société, tous les salariés doivent suivre cinq ateliers : le JLL Sustainability Pass. De cette manière, chacun est formé pour accompagner les clients de la marque et les sensibiliser aux enjeux de développement durable. Cette démarche est déjà appliquée en France. Les autres pays suivront prochainement. « L’objectif est que chaque mètre carré passant entre les mains des collaborateurs ait réduit son impact et créé de la valeur sociale », explique Amandine Chizelle.

Connexion avec la nature En plus de l’aménagement des espaces, tout a été pensé de manière à rendre les lieux durables. «Au départ du projet, le client avait des ambitions clairement définies et le bienêtre des collaborateurs en faisait partie, tout comme la durabilité, explique la managing director. Nous avons ainsi accompagné le client, en le conseillant. Le résultat final est la combinaison d’un ensemble de solutions, offrant un cadre de travail de qualité et durable tout en maîtrisant les consommations futures.» En effet, grâce au travail des équipes de Tétris Design & Build, les collaborateurs disposent de nombreux éléments, plus ou moins visibles, afin de travailler dans un environnement sain et durable. « Nous avons réfléchi de manière à intégrer au mieux les principes de design durable. Tout d’abord, du mobilier de leurs bureaux précédents a été récupéré, afin de limiter l’impact carbone du projet», explique Amandine Chizelle. De manière générale, nos experts en mobilier s’attachent à préconiser des solutions intemporelles qui pourront être conservées dans de futurs bureaux. « Un accent a été mis sur la connexion avec la nature, avec le développement d’un design biophilique favorisant l’utilisation de matériaux naturels comme le bois, ainsi que l’intégration du végétal, précise la managing director. L’apport de lumière naturelle est également un point-clé.» Désormais, un projet d’aménagement de bureaux doit être pensé dans toutes ses dimensions, sur l’ensemble de son cycle de vie.


Nasir Zubairi, Lhoft


Normes

L’immobilier professionnel à la recherche de la bonne stratégie Locataires ou propriétaires se retrouvent aujourd’hui autour d’une volonté commune de disposer d’espaces commerciaux ou de bureaux moins énergivores et capables de contribuer à la décarbonation de leurs activités. Mais comment véritablement concilier les intérêts des uns et des autres ? Auteur MICHAËL PEIFFER

Au Luxembourg, la demande pour les espaces conformes aux normes ESG ne cesse d’augmenter. Les locataires, désireux de répondre aux mieux à leurs différentes obligations réglementaires, mais aussi à leurs engagements en faveur d’un monde plus durable, sont en plein questionnement sur la bonne stratégie à adopter. Est-ce le bon moment pour déménager ? Comment inciter le propriétaire à faire des travaux ? Faut-il renégocier son bail ? En parallèle, l’inflation récente des prix de la construction et un taux de vacance très limité maintiennent une pression à la hausse sur les loyers, alors que l’offre en immeubles « environnementalement responsables » reste limitée… « Du point de vue des occupants, nous assistons à un phénomène nouveau qui veut que, même si la plupart des grandes entreprises sont plutôt satisfaites de leur implantation et ne ressentent pas le besoin de bouger, les maisons mères envoient des 42

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signaux inverses et poussent leurs filiales à envisager un prochain déménagement lorsque l’immeuble qu’elles occupent ne dispose pas d’une certification environnementale », constate Michael Taelman, city leader du bureau de Luxembourg et head of advisory & transaction services pour CBRE Belux. D’autres acteurs de plus petite taille sont également à la recherche d’un espace de travail plus durable, en cohérence avec leur stratégie ESG. Ce phénomène de fond est toutefois contre– balancé par l’augmentation des loyers et, surtout, des coûts d’aménagement qui ont fortement augmenté ces dernières années. « D’autant que la baisse du nombre de mètres carrés occupés qui était annoncée au lendemain de la crise Covid n’a été que très relative, ajoute Michael Taelman. Si les gens sont un peu moins présents sur site, on voit aujourd’hui que les entreprises s’orientent vers une densification des espaces de support. Ceux-ci occupent désormais autant de


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Maison Moderne (archives)

place que les espaces de bureaux, avec des salles de réunion, des cafétérias, des zones de rencontre informelle… La multiplication des échanges en visioconférence implique aussi des adaptations et des investissements dans les environnements audio et vidéo. Au final, même si les mètres carrés occupés diminuent un peu, on assiste à une recherche de qualité supérieure, tant du côté environnemental que technique. » En route vers la décarbonation Aujourd’hui, la multiplication des réglementations comme la taxonomie européenne ou la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui oblige les plus grandes entreprises à communiquer annuellement leurs informations extrafinancières, contraignent les sociétés à revoir leur façon de consommer l’immobilier. « Il est intéressant de voir que les objectifs à atteindre en matière de durabilité sont de plus en plus clairs. Toutes les parties prenantes commencent à parler le même langage, constate Benoît Cruysmans, ESG et sustainability director Belux chez CBRE. Nous savons que les bâtiments doivent être décarbonés. La réduction de la consommation énergétique, dans un contexte de hausse des coûts, est une évidence, mais nous savons aussi que se focaliser uniquement sur les économies d’énergie peut avoir des effets pervers sur d’autres aspects. La manière dont on aborde désormais la due diligence sur les bâtiments s’appuie sur une vision élargie qui prend en compte les critères ESG, la taxonomie européenne et d’autres aspects très techniques. Nous avons de plus en plus de moyens à notre disposition pour obtenir une vue précise afin, ensuite, d’effectuer les bons choix sur base des objectifs et des besoins de chacun. Avec la CSRD notamment, les 50.000 premières entreprises concernées en Europe ont défini leurs objectifs et sont en train de mesurer leur impact en vue du premier exercice de reporting prévu en 2025. » Maintenant que les objectifs à atteindre sont fixés, l’étape suivante consiste à mettre en correspondance les attentes des propriétaires et des locataires. « Notre rôle est de conseiller les uns et les autres. Du côté des occupants, nous avons régulièrement des questions en lien avec le stay or leave. Des

entreprises, qui ont déjà mené des actions au niveau de la mobilité – premier poste sur lequel elles peuvent agir pour réduire leur empreinte carbone –, veulent désormais passer à l’étape suivante qui est de rejoindre un bâtiment best in class en matière ESG. Mais, au préalable, nous devons définir avec eux leurs objectifs prioritaires, en cohérence avec le business, parce qu’il est impossible de mener tous les combats à la fois », confie Benoît Cruysmans.

MICHAEL TAELMAN City leader du bureau de Luxembourg et head of advisory & transaction services CBRE Belux

« On voit aujourd’hui que les entreprises s’orientent vers une densification des espaces de support. »

Une stratégie « grey to green » La demande en immeubles certifiés ou, a minima, plus responsables, va aller en grandissant dans les années à venir. « Par rapport à d’autres Places européennes où les locataires disposent d’une offre plus large, les propriétaires restent en position de force au sein du marché immobilier luxembourgeois. La ‘révolution verte’ s’y produit donc à un rythme plus lent qu’ailleurs, partage Jérôme Coppée, director Capital markets au sein de CBRE. On sent malgré tout que les propriétaires et promoteurs prennent conscience des enjeux et ne peuvent ignorer les attentes des locataires. Pour une série d’immeubles de bureaux récemment achetés en vue de les repositionner sur le marché, les propriétaires sont clairement dans une stratégie grey to green, avec l’objectif de rendre le bâtiment plus vert, sur base d’un business plan très clair. » D’autres acteurs, confrontés à du vide locatif, prennent également conscience du changement à opérer. Le constat est clair. En Europe, 85 % des bâtiments déjà occupés sur le marché aujourd’hui le seront encore en 2050, le neuf ne représentant que 15 % du parc. « Pour nous, l’enjeu principal est de travailler sur les bâtiments qui affichent des niveaux de performance énergétique B ou C. L’objectif est d’augmenter leur durée de vie. Dans un premier temps, il faut pouvoir obtenir les données relatives à leur fonctionnement. Ensuite, il s’agit de poser un diagnostic en mettant en relation les performances actuelles et le niveau à atteindre dans le cadre de la taxonomie, qui sera un jour traduite dans une réglementation locale. Sur cette base, nous pouvons définir une stratégie d’investissement durable à partir d’objectifs de décarbonation et de performance énergétique à atteindre », explique Jérôme Coppée. MARS 2024 MIPIM

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JÉRÔME COPPÉE Director Capital markets CBRE

« Les propriétaires sont clairement dans une stratégie grey to green, avec l’objectif de rendre le bâtiment plus vert, sur base d’un business plan très clair. »

LE « BAIL VERT », UN OUTIL POUR GARANTIR LA DURABILITÉ DANS LE TEMPS Alors que les occupants se tournent vers des espaces de bureaux de meilleure qualité et plus durables, les promoteurs et les propriétaires s’efforcent également de mettre sur le marché des immeubles certifiés. Afin d’aligner les intérêts des uns et des autres, des baux verts commencent à faire leur apparition. Un bail vert est un concept plutôt qu’un document standard. Il peut s’agir d’une clause, d’une annexe ou d’un document entièrement distinct. Il permet notamment d’ajouter des clauses en matière de performance énergétique, d’élimination des

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déchets, d’entretien de l’immeuble, d’emploi de matériaux « durables » pour l’aménagement des locaux… « Le bail vert nous vient de pays anglo-saxons, commente Michael Taelman. Pour bien comprendre le concept, il faut savoir qu’un immeuble qui dispose d’une certification n’est pas certifié à vie. Celle-ci n’est valable que pour un temps donné. Par la suite, une série de nouveaux contrôles doit être menée pour vérifier que l’immeuble remplit toujours ses objectifs environnementaux. Cet aspect repose essentiellement sur la façon

dont le locataire occupe les lieux. Nous avons déjà vu des immeubles disposant d’un très haut ranking, mais dont un plateau de 800 m2 n’était occupé que par quatre personnes et une secrétaire. Ce qui pose évidemment question. De la même manière, si toutes les normes possibles ont été remplies lors de la construction, mais que la qualité des aménagements intérieurs n’est pas à la hauteur, le propriétaire pourrait perdre sa certification. Dans la pratique, la forme que peut prendre ce green lease est très variée. On voit des propriétaires qui

proposent d’emblée des réductions de loyer si l’occupant accepte de remplir certains objectifs, d’autres prévoient des augmentations de loyer si le locataire ne respecte pas certaines attentes… En Angleterre, nous avons pu voir des baux beaucoup plus contraignants, dans lesquels il est clairement stipulé que si le propriétaire perd sa certification en raison d’une mauvaise utilisation de l’immeuble, le locataire est redevable d’une lourde pénalité ou doit quitter les lieux. »

Maison Moderne (archives)

bureaux commence à se développer. Au Kirchberg, par exemple, où certains bâtiments sont vieillissants, du vide locatif pourrait se créer si les occupants n’y trouvent plus leur compte, ce qui créerait une certaine tension sur le marché. « Un autre incitant qui va conduire les propriétaires à améliorer le bâti existant vient du monde bancaire. De plus en plus souvent, les institutions financières conditionnent l’octroi de nouveaux crédits à des conditions strictes, notamment en matière ESG. Et c’est au propriétaire ou au développeur de démontrer son engagement durable grâce à des certifications ou, du moins, des investissements responsables », conclut Benoît Cruysmans..

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Des investissements à consentir Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir jusqu’où aller dans la rénovation et l’amélioration de l’immeuble. « De nombreuses réflexions sont menées par les équipes d’asset management. Des aménagements sont envisagés pour améliorer le bilan carbone et la consommation énergétique, mais peu de propriétaires vont jusqu’au bout de l’exercice, qui voudrait que le bâtiment soit totalement décarboné. Le coût relatif à de tels travaux est trop élevé. Des arbitrages sont à faire, mais il est inutile de détruire l’existant si cela ne se justifie pas d’un point de vue économique, analyse Jérôme Coppée. Avec notre département Property management, nous veillons toutefois à aider les propriétaires à faire des investissements malins, qui ont un impact direct sur la performance énergétique du bâtiment. » Pour y parvenir, il faut mettre en place des outils pour mesurer la performance du bâtiment dans la durée, s’appuyer sur un building management system, placer des compteurs et des sous-compteurs, s’assurer du bon fonctionnement et de l’optimisation des installations techniques grâce à une bonne exploitation des données disponibles… Sur le marché luxembourgeois, une activité de repositionnement d’espaces de


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10×6 New European Bauhaus

La Commission européenne a lancé l’initiative New European Bauhaus, à laquelle le Luxembourg participe. L’ambition de cette action est de créer des lieux, des produits et des modes de vie esthétiques, durables et inclusifs. La dimension culturelle et créative doit venir soutenir ces volontés liées à l’innovation, la technologie et l’économie durable. Ce 10×6 est l’occasion de découvrir plus en détail cette initiative et les projets qui sont développés dans ce cadre. En collaboration avec l’OAI, cette soirée a lieu dans le cadre du lancement du salon Architect@Work qui se déroule à Luxexpo The Box les 24 et 25 avril 2024. Elle marque également le lancement du hors-série Paperjam Architecture + Real Estate.

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Green

Faire rimer immobilier et ESG Les critères ESG sont de plus en plus pris en compte lors du développement de projets immobiliers. La real estate developer chez Eaglestone Luxembourg, Julie Sacré, nous donne les clés pour allier ces deux sujets. Auteur MARIE JACQUEMIN

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Définir un cadre Les critères ESG sont évoqués depuis plusieurs années, sans pour autant avoir été clairement définis. « Il y a un manque de clarté sur ce qu’est réellement l’ESG, explique Julie Sacré. À l’heure actuelle, il n’y a pas de réglementation à proprement parler. Toutefois, le cadre se structure avec la systématisation de certifications ou encore l’entrée en vigueur de directives telles que la taxonomie européenne ou la CSRD. » Certaines entreprises ont l’obligation de rédiger un rapport extra-financier, regroupant les initiatives tournées vers l’ESG.

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L’intégration des critères « La CSRD définit un cadre homogénéisé à ce rapport extra-financier et impose de réaliser une analyse de double matérialité, déclare Julie Sacré. La matérialité d’impact permet d’identifier et d’évaluer les répercussions réelles et potentielles les plus significatives sur l’économie, l’environnement et la société, alors que la matérialité financière met en évidence les enjeux qui génèrent des risques ou des opportunités pour l’entreprise »

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La rigueur et la patience Mener à bien un projet tout en intégrant des critères ESG demande un travail minutieux et, parfois, chronophage. « Disposer de la bonne donnée au bon moment est un enjeu-clé, commente Julie Sacré. Au fur et à mesure du projet, le donneur d’ordre doit s’assurer que les critères définis au début du chantier sont respectés sur l’ensemble de la chaîne de valeur. » Le tout doit être documenté et des preuves sont exigées, que ce soit lors de la demande de certifications, ou dans le cadre du reporting extra-financier, sur l’alignement à la taxonomie et à la CSRD.

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L’importance de la compréhension Les directives en vigueur et à venir sont denses et parfois complexes. Il est donc essentiel d’assimiler ce qui est demandé afin de répondre aux exigences. « La compréhension est un élément essentiel lorsqu’il s’agit d’intégrer les critères ESG dans sa démarche, explique la real estate developer. Chacun des critères doit être pris en compte par les développeurs de manière à définir un objectif final précis. Ce dernier permettra de prendre les bonnes décisions au fur et à mesure du projet pour, à la fin, pouvoir assurer que le projet répond aux critères ESG. »

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Un véritable travail d’équipe L’intégration des critères ESG est prise en compte à travers l’ensemble du projet. « Les banques et les investisseurs imposent un cadre que les promoteurs imposeront à leur tour aux entreprises de construction, explique Julie Sacré. De plus en plus de conseillers spécialisés dans la taxonomie et la CSRD apparaissent sur le marché. Je ne peux que conseiller de faire appel à ces experts. Parfois, on peut dépenser beaucoup d’énergie dans un projet sans pour autant atteindre ses objectifs. »


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Conversation Philippe Courtoy

« Le bois au service de la construction bas carbone » Au Luxembourg, le projet Wooden, né d’une collaboration entre IKO et BPI Real Estate, est emblématique de la tendance de la construction bois. Philippe Courtoy, spécialiste du bois au sein de la société Wood Shapers, en évoque l’attrait croissant. Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE

Quelles sont les raisons qui poussent les promoteurs et développeurs à envisager avec un intérêt croissant la construction bois ? La construction bois est actuellement ce qui se fait de mieux en termes d’écoconception. Elle permet de réduire considérablement l’empreinte environnementale des bâtiments, à l’heure où la décarbonation de la construction devient une nécessité. Cet attrait s’explique également par la volonté croissante de verdir les portefeuilles d’investissement. Les acteurs financiers intègrent les critères ESG au cœur de leur démarche. Les performances environnementales d’un immeuble, les émissions de carbone associées à sa construction et à son utilisation, comptent de plus en plus. Progressivement, ces facteurs sont aussi pris en considération lorsqu’il s’agit de délivrer des permis. En France ou encore aux Pays-Bas, le permis n’est accordé que s’il présente une empreinte carbone réduite. Ces règles devraient, à terme, être généralisées à l’échelle de l’Union européenne. Les promoteurs et développeurs, dans l’optique de 48

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proposer des biens immobiliers bas carbone, se tournent donc de plus en plus vers la construction bois.

LA DURABILITÉ DU BOIS À la question: lorsqu’on pense au bois, on évoque aussi souvent des craintes liées à sa disponibilité? Philippe Courtoy explique : « Il est important de veiller à une gestion durable de la forêt. En la matière, je ne pense pas que la construction bois constitue une menace particulière. Aujourd’hui, la forêt européenne est en croissance. Actuellement, on ne prélève que 75 % de la biomasse générée annuellement. La construction d’éléments structurels dédiés à l’immobilier ne représente qu’une toute petite part de cette exploitation forestière. La fabrication de papier et de panneaux ou encore la filière bois-énergie sont de bien plus gros consommateurs. Comme je le disais, en outre, le recours au bois dans la construction présente l’avantage de stocker pendant de très longues périodes le CO2 capté au fil de la croissance des arbres. »

Dans cette optique, quels sont les atouts du bois ? Le recours aux matériaux biosourcés, comme le bois, permet de réaliser des constructions avec une empreinte carbone ultra réduite. Non seulement sa production génère peu de CO2, mais surtout, le bois présente l’avantage de stocker le dioxyde de carbone que l’arbre a capté durant sa phase de croissance, et ce durant toute la durée de vie du bâtiment et même au-delà. Comment cela ? Un bâtiment érigé avec une structure en bois préserve l’atmosphère de tout le carbone qu’il contient. Une fois l’immeuble en fin de vie, suite à sa déconstruction, le bois pourra être revalorisé à travers d’autres usages. On peut le compacter pour en faire des panneaux, à nouveau utilisables dans la construction. Ce n’est qu’une fois qu’ils ne pourront plus être utilisés que


les éléments en bois pourront être brûlés, afin de produire de l’énergie, par exemple. C’est seulement à ce moment-là, plusieurs dizaines d’années après la coupe de l’arbre, que le carbone qu’il contient sera libéré dans l’atmosphère, afin d’être réabsorbé par des arbres en croissance.

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Wood Shapers

Considérant tous ces atouts, pourquoi ne voit-on pas davantage de projets recourant à ce matériau ? D’abord, parce qu’il s’agit d’une approche relativement récente. Il y a 10 ou 15 ans, les acteurs n’avaient pas forcément confiance dans ce matériau. Il a d’abord fallu convaincre. Ensuite, si le recours au bois présente de nombreux avantages, il faut aussi considérer certaines contraintes. D’abord, le coût de construction d’immeubles à ossature bois est plus élevé. C’est sans doute l’élément le plus pénalisant. Les performances mécaniques ou encore acoustiques du bois sont inférieures à celles du béton ou de l’acier. Ces développements impliquent de recourir à des volumes de matière première plus importants, mais aussi de mettre en œuvre des techniques différentes, afin de contrebalancer certains désavantages. La gestion de l’humidité doit par exemple être appréhendée de manière spécifique. Si l’on sait aujourd’hui comment y parvenir, à travers toute une série de précautions à prendre lorsqu’on met en œuvre de tels projets, cela représente un coût supplémentaire. Pouvoir anticiper ces projets suffisamment en amont permet de limiter ces coûts. Notre rôle, chez Wood Shapers, est de renforcer l’expertise autour de ces enjeux pour accompagner les promoteurs ou encore les architectes dans la conception d’immeubles qui peuvent tirer avantage des matériaux biosourcés. À l’échelle d’un bâtiment comme Wooden à Leudelange, dont vous avez accompagné la construction, quelle place occupe le bois ? Wooden est un immeuble mixte. Il faut avoir conscience que le bois ne peut pas être utilisé partout. Il ne peut pas être mis en œuvre au niveau des éléments enterrés. Concernant les trois niveaux de sous-sol, on a dû recourir au béton. Le bois est utilisé au niveau de l’ossature

hors-sol. D’autres matériaux entrent en ligne de compte, comme le verre ou encore l’acier. In fine, le bois doit constituer 30 % de la structure. La quantité de CO2 liée à la mise en œuvre d’un tel bâtiment est loin d’être neutre ? Cela varie d’un bâtiment à l’autre. En l’occurrence, le recours au bois doit être considéré comme un levier, parmi d’autres, permettant de minimiser le coût carbone d’un bâtiment. Ces enjeux doivent être considérés suivant une approche à long terme. Les normes, les législations évoluent. Considérer l’ensemble des éléments contribuant à améliorer la performance environnementale des bâtiments, pouvoir les mettre en œuvre de manière cohérente, doit contribuer à la préservation de la valeur des immeubles dans le temps. Un immeuble dont la performance énergétique est optimisée ou dont le niveau carbone est faible s’appréciera mieux dans le temps.

« La construction bois est actuellement ce qui se fait de mieux en termes d’éco-conception.»

On devrait donc voir ce type d’immeubles se multiplier… Oui. Aujourd’hui, des promoteurs s’engagent dans cette voie pour des enjeux de valorisation. À l’avenir, la législation devrait soutenir cette tendance. Il faut toutefois avoir conscience qu’il s’agit d’une approche nouvelle. On part de zéro. Il ne faut pas s’attendre à ce que 50 % des bâtiments sortant de terre aient recours au bois. Le matériau présente un intérêt au niveau de l’immobilier tertiaire, pour justement réduire le coût carbone des bâtiments. Il est souvent employé au niveau de bâtiments publics, comme des écoles ou des halls sportifs. Si l’on considère le multirésidentiel, les contraintes ne sont pas les mêmes. Il est donc encore plus important de préparer le projet en amont et de s’appuyer sur l’expertise de spécialistes tels que nous pour parvenir à limiter les surcoûts. Car on sait que les acquéreurs, au niveau résidentiel, sont moins enclins à dépenser plus parce que c’est du bois.


Conversation Daniela Di Santo

« Ne pas sousestimer l’importance de la reconversion des friches » Le projet Belval, lancé au début des années 2000, a permis le développement d’un réel savoir-faire luxembourgeois en matière de reconversion des friches industrielles, comme nous l’explique Daniela Di Santo, directrice du Fonds Belval. Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE

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Portrait MATIC ZORMAN


Pour Daniela Di Santo, Belval a été une occasion unique de mener un projet d’envergure.


Conversation Daniela Di Santo

« La mise en œuvre de Belval a permis d’acquérir un savoir unique en la matière. »

L’EXEMPLE BELVAL Si l’expertise liée à la revalorisation des friches acquise à travers le projet Belval peut servir à d’autres projets du même type sur le territoire, Daniela Di Santo précise: « La mise en œuvre de Belval a permis d’acquérir un savoir unique en la matière. D’autres projets de revalorisation ou de reconversion de surfaces, ailleurs dans le pays, en profitent. Ces chantiers sont, de fait, plus faciles à aborder qu’il y a 20 ans, lorsqu’il fallait trouver comment bien faire. Des structures se sont développées et ont grandi avec le projet Belval et peuvent dorénavant proposer leurs services sur d’autres projets de revalorisation. Cependant, chaque développement est différent. L’objectif n’est pas de reproduire des quartiers similaires à Belval ailleurs. Il s’agit de mobiliser l’expertise, ainsi que les bons concepts, à travers des projets originaux, qui tiennent compte du lieu, des enjeux socio-économiques, des besoins de la population. »

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Belval est l’un des premiers pro- et de la réaffectation des vestiges industriels. jets de revalorisation de friches La volonté était aussi d’explorer de nouindustrielles d’envergure au velles approches, de créer un nouveau quarLuxembourg. Pouvez-vous nous tier intégrant de nouvelles fonctions tout rappeler dans quel contexte en préservant des éléments patrimoniaux, celui-ci a été envisagé ? témoins de l’époque sidérurgique qui a Entre 1900 et le milieu des contribué à la prospérité du Luxembourg. années 1990, l’activité industrielle Dans cette optique, l’État et ArcelorMittal, a considérablement évolué au propriétaires des terrains, ont mis leurs niveau du sud du pays. À Belval, forces en commun en créant Agora, struclorsque la fermeture des hauts ture chargée de développer et de viabiliser fourneaux a été envisagée, la ques- le site et de gérer les investissements privés tion de l’affectation de ces espaces en son sein. De son côté, l’État a aussi créé s’est posée, cela en considérant le Fonds Belval, lui confiant la mission de divers enjeux nationaux et, notam- réaliser les infrastructures publiques, de ment, la nécessité de mener à bien une préserver les éléments présentant un intéreconversion de l’économie et rééquilibrer rêt patrimonial et de les intégrer dans le l’aménagement territorial du pays. En rai- niveau tissu urbain. son de son déclin, la sidérurgie n’était plus le catalyseur de l’économie. 1.200 hectares Reconvertir des friches lourdement polde terrains sont alors tombés en friche dans luées constituait un réel défi à l’époque, le sud du Grand-Duché suite aux restructu- avec des coûts bien plus conséquents rations de la sidérurgie. La première friche que ne l’aurait été un nouveau dévelopindustrielle à être réhabilitée est celle de pement envisagé sur un terrain vierge. Belval qui, avec ses 120 hectares situés entre Pourquoi avoir privilégié cette voie ? deux agglomérations, offre un potentiel La taille du Grand-Duché est relativement remarquable. À l’époque, les dirigeants ont limitée. Si, il y a 20-30 ans, les enjeux relatenu compte de l’opportunité d’opérer un tifs à l’artificialisation des terres n’étaient mouvement de décentralisation des activi- pas autant au cœur des préoccupations, tés à l’échelle du territoire et de développer pour le Luxembourg, il ne fallait pas des initiatives dans des secteurs innovants sous-estimer l’importance de récupérer ces dans l’optique de relancer la prospérité éco- terrains. L’État, avec ArcelorMittal, s’est nomique et de redresser l’image de toute donc donné les moyens de ses ambitions, une région. Le pari de l’État luxembourgeois mettant en œuvre une approche globale consistait à créer les conditions d’une unique. Un tel projet implique de considérenaissance de cette région grâce à la mise rer les dimensions sociétales, économiques, en œuvre de ce vaste projet de revalorisa- patrimoniales, environnementales… Cela tion des friches de Belval. Il a donc lancé un implique, dès lors, de mobiliser une multiimportant programme de construction tude d’acteurs. Au-delà d’Agora et du Fonds ayant comme pilier fondateur la construc- Belval, les communes d’Esch-sur-Alzette et tion de la Cité des sciences pour lui per- de Sanem ainsi que de nombreux ministères mettre de grandir en soutenant le – Mobilité et Transports publics, Aménagedéveloppement d’une activité orientée vers ment du territoire, Enseignement supérieur et Recherche, Culture, Logement, Environla recherche et l’innovation. nement… – étaient directement concernés Quels étaient les enjeux inhérents par ce projet audacieux. Le premier défi a au développement de ce nouveau été de définir une vision commune, intéquartier au regard de cette ambition ? grant les aspirations des uns et des autres. Belval, c’est au total 120 hectares de friches Celle-ci a été traduite dans le premier masindustrielles à reconvertir. C’était à l’époque terplan de Belval dès 2002. Celui-ci était un chantier d’envergure, pour lequel il était déjà très avant-gardiste, conçu pour évoluer nécessaire d’appréhender de nouveaux et s’adapter dans le temps, en fonction des concepts, ne fût-ce qu’en matière de dépol- thématiques émergentes et de la planificalution des sols et de restauration du patri- tion urbanistique. Le développement de la moine industriel, voire de la reconversion Terrasse des Hauts Fourneaux par le Fonds


Belval met par exemple en œuvre le concept confrontées à des défis de développement de «ville du quart d’heure». Celui-ci prend urbain ou de revalorisation de friches, qui en considération le maillage de la vie sociale, souhaitent voir comment nous avons avec ses rencontres et échanges, au départ appréhendé ces enjeux. d’une planification urbaine basée sur les concepts de développement durable et éco- Quelles ont été les clés logiques, de mobilité, avec une nouvelle de la réussite d’un tel projet ? vision des transports publics. Un tel projet ne peut se concrétiser sans une volonté politique forte, garantissant Aujourd’hui, une bonne partie de la mobilisation des moyens nécessaires à ce masterplan a été mis en œuvre… son financement. Il faut un engagement Si le projet est bien avancé, il reste encore fort, garantissant le respect de la vision, beaucoup à faire au niveau de Belval. De et ce malgré les nombreux enjeux à nombreux projets, doivent encore être réa- prendre en considération et les aléas. Sans lisés. Sur les 120 hectares du quartier Bel- cet appui politique, il n’aurait pas été posval, 27 sont directement exploités par l’État sible d’agir en tant que pionnier, de déveà travers le Fonds Belval. Jusqu’à présent, lopper ces synergies qui s’expriment à nous en avons développé une quinzaine. Il travers chaque programme du quartier. À en reste encore une douzaine à concrétiser Belval, chaque espace agrège une diveravec, notamment, le développement d’un sité de fonctions ou d’acteurs. Par centre sportif, des archives nationales, des exemple, les bâtiments de l’Université bâtiments administratifs et d’autres dédiés n’ont pas été exclusivement pensés pour à des logements abordables. La reconver- elle. Ils ont été conçus pour accueillir sion de la Halle des Soufflantes (qui repré- d’autres acteurs, d’autres fonctions. À trasente un hectare de la surface) n’a pas vers un tel projet, il est nécessaire de trouencore été déterminée. Une école euro- ver les meilleures façons de partager péenne devrait encore être positionnée au l’espace et de générer des synergies. niveau du quartier, ainsi qu’un campus Un tel projet, avec de tels moyens, dédié à la recherche spatiale. avec la possibilité offerte de partir d’une page blanche et de mettre Quelles leçons tirez-vous du chemin en œuvre de nouvelles approches, ne parcouru jusqu’ici ? L’aventure a été particulièrement riche. constitue-t-il pas aussi un pari exaltant ? Comme je le disais, nous sommes partis C’est une opportunité unique de pouvoir de rien, avec la nécessité d’explorer les mener un projet de cette envergure, à la possibilités, d’appréhender de nouveaux poursuite de telles ambitions. Belval peut concepts pour voir comment les mettre en aussi être considéré comme un laboratoire œuvre sur le terrain. Il a été nécessaire de vivant, permettant d’expérimenter de nounous entourer d’experts et de spécialistes veaux concepts, en matière de durabilité, dans divers domaines afin de trouver des d’architecture et d’aménagement urbain, de solutions, de développer de nou- solutions et d’outils de conception et de gesvelles approches méthodologiques. tion des bâtiments, comme le building inforCette démarche a été riche de mation modeling. Il y a une volonté d’être à nombreux apprentissages relatifs la pointe, de montrer une direction à l’enà la fois aux enjeux de revalorisa- semble du marché. En la matière, il appartion des friches polluées, princi- tient au secteur public de montrer l’exemple. palement portés par Agora, et au Si tous les développements sont envisagés développement de nouveaux amé- avec une grande ouverture d’esprit, ils sont nagements et concepts urbains. La aussi considérés avec un regard critique. préservation des vestiges indus- Cela nous permet de nous remettre en questriels, si l’on évoque un aspect qui tion, d’adapter les lieux aux nouveaux nous concerne directement, a besoins, de tirer des leçons de ce qui a été aussi soulevé de nombreux défis. entrepris. La vision évolue dans le temps, Régulièrement, nous accueillons intégrant sans cesse de nouvelles approches, des délégations étrangères, de nouveaux concepts.

« Définir une vision commune, intégrant les aspirations des uns et des autres. »

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City information modeling

Concevoir la ville de demain Le concept de city information modeling (Cim) permet de créer une version numérique d’un territoire. Véritable miroir de la ville, ce jumeau numérique offre de nouvelles perspectives de réflexion pour l’aménagement des espaces urbains. Auteur MICHAËL PEIFFER

Actuellement, les villes connaissent une transformation rapide en raison de la croissance démographique et des avancées technologiques. Pour relever ces défis et tirer parti des possibilités offertes, un outil puissant connu sous le nom de city information modeling (Cim), ou « modélisation de l’information urbaine » en français, est apparu avec l’ambition de révolutionner la manière dont le développement urbain est conçu, planifié et géré. Le Cim est une approche intégrée de la planification et de la gestion urbaine qui utilise des modèles numériques tridimensionnels pour représenter et simuler les différents aspects d’une ville. Tout comme le building information modeling (Bim) est utilisé pour concevoir et construire des bâtiments, le Cim se concentre sur l’infrastructure urbaine et son environnement. Le Cim combine, entre autres, des informations géospatiales, des données démographiques, économiques, environnementales et de transport au sein d’une plateforme centralisée. Cette dernière permet aux décideurs de comprendre et visualiser le fonctionnement et les interactions des différentes composantes d’une ville. Cela facilite la prise de décision basée sur les données, la collaboration entre les différents acteurs et la mise en œuvre de solutions innovantes. Le Cim permet aux urbanistes de concevoir les villes de manière plus intelligente, en optimisant la distribution des 54

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ressources, des infrastructures et des services. En simulant différents scénarios, les décideurs peuvent évaluer l’impact de leurs décisions avant de mettre en œuvre les changements dans la réalité. Grâce à la modélisation, il est, par exemple, possible d’identifier les possibilités d’améliorer l’efficacité énergétique, de réduire

PLACE AUX JUMEAUX NUMÉRIQUES L’utilisation d’un jumeau numérique est l’un des principaux avantages de la modélisation de l’information urbaine (Cim). En fournissant une représentation visuelle détaillée et précise de la ville en temps réel, le jumeau numérique permet aux planificateurs et aux décideurs de mieux comprendre la structure, les systèmes et les interactions en place. La visualisation réaliste facilite l’identification des problèmes potentiels et l’exploration de différents scénarios de planification. Avec un jumeau numérique, les urbanistes peuvent tester différents scénarios de planification, tels que des changements dans les infrastructures, les transports ou les services, et évaluer leur impact avant leur mise en œuvre.

l’empreinte carbone et d’optimiser les transports publics. Ce concept facilite également la gestion intégrée des actifs urbains, tels que les bâtiments, les rues, les réseaux d’approvisionnement en eau et en énergie ainsi que les systèmes de transport. Enfin, la modélisation encourage la participation des citoyens en leur permettant d’interagir avec des modèles numériques de leur ville. Cela favorise la transparence dans la prise de décision et donne aux habitants la possibilité de contribuer activement au développement de leur environnement urbain. Au fur et à mesure que la technologie évolue, la modélisation 3D est appelée à jouer un rôle essentiel dans la planification et la gestion des villes. L’intégration de l’intelligence artificielle, de l’internet des objets et de l’analyse des données dans les modèles numériques permettra une prise de décision plus précise et en temps réel. En ce sens, le Cim joue un rôle essentiel en fournissant une représentation numérique précise et complète de la ville. Le Cim permet l’intégration et l’analyse de données multidisciplinaires, allant des informations géospatiales aux données démographiques, énergétiques et de mobilité, entre autres caractéristiques d’un environnement urbain. Ceci est possible grâce à la gestion et à l’extraction de données géométriques et non géométriques, qualitatives et quantitatives, à partir d’un modèle 3D détaillé que l’on appelle aujourd’hui le jumeau numérique.


Shaping

the future

of a progressive Luxembourg

Maison Moderne recrute Rédacteur en Chef Paperjam Suppléments (m/f)

Journaliste & Spécialiste IA (m/f)

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Collaboration

Construire les quartiers de demain avec les citoyens Le projet de reconversion des friches industrielles de la Metzeschmelz met en œuvre une approche de participation citoyenne inédite. La volonté est de façonner un quartier innovant et durable, avec tous les acteurs concernés. Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE

Après Belval, un autre projet majeur de reconversion de friches industrielles s’engage au Luxembourg. Le site Metzeschmelz, sur lequel se trouve l’ancienne usine Arbed d’Esch-Schifflange, s’apprête à être transformé en un quartier principalement résidentiel. Sur près de 63 hectares, sous la houlette d’Agora, vont émerger des ensembles résidentiels, d’activités économiques et scolaires ainsi que des offres de loisirs qui contribuent au développement urbain et promeuvent à la fois l’intégration sociale et la diversité culturelle. Ce nouveau quartier devrait accueillir, une fois développé, 10.000 résidents. Si Agora peut capitaliser sur l’expérience acquise à travers la reconversion des friches de Belval, l’entreprise en charge de ce développement entend poursuivre sa dynamique d’expérimentation. Co-construire avec les premiers concernés À travers ce projet, la volonté est d’explorer de nouveaux concepts, d’agir en tant que pionnier pour concevoir un quartier durable répondant aux enjeux actuels et futurs. En particulier, il a été décidé de solliciter l’avis des citoyens pour mener à bien 56

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les phases de conception, de planification et de mise en œuvre de ce quartier. « La volonté de s’appuyer sur une dynamique de participation citoyenne est inscrite au cœur même de l’accord entre le gouvernement et ArcelorMittal, visant la revalorisation de ce site de production de fer et d’acier, commente François Dorland, directeur général d’Agora. Cela a commencé dès 2019, avec la mise en place d’un atelier de conception urbaine citoyen dans le cadre de l’étude de faisabilité pour la revitalisation du site d’Esch-Schifflange. Un événement mobilisant l’ensemble des parties prenantes au projet – dont les citoyens –, à travers des échanges autour de thématiques-clés, a permis de dégager les lignes directrices du master plan (ou plan directeur) d’aménagement urbain et paysager. » L’intérêt d’impliquer les citoyens est multiple. « Afin de réhabiliter une friche en un terrain urbain attractif et durable, il nous paraît nécessaire de co-construire avec tous les acteurs concernés. Nous sommes convaincus que cette approche doit permettre de façonner un quartier qui réponde véritablement aux défis d’aujourd’hui, d’envisager un quartier qui correspond aux attentes de chacun, de garantir la cohésion


sociale », poursuit le directeur d’Agora. Il s’agit donc de collecter des idées, des propositions citoyennes qui seront soumises au comité politique, dont la mission est de déterminer les diverses orientations du projet en fonction des contraintes. La volonté est aussi d’informer sur les développements de manière transparente et continue. À travers la démarche, les parties prenantes au projet souhaitent redonner vie au site en s’appuyant sur les associations locales, permettre l’émergence de nouvelles initiatives émanant directement des citoyens. In fine, l’enjeu est de permettre à ces derniers de prendre pleinement possession de leur futur lieu de vie, de contribuer aux nouveaux usages et modes de vie que le quartier à venir mettra en œuvre.

Photo

Agora

« Afin de réhabiliter une friche en un terrain urbain attractif et durable, il nous paraît nécessaire de co-construire avec tous les acteurs concernés. »

FRANÇOIS DORLAND Directeur général Agora

Aborder tous les sujets Dans cette optique, au-delà de l’événement visant à définir les lignes directrices du projet, plusieurs dispositifs ont été mis en place en vue d’impliquer les citoyens (voir encadré). « La volonté est de les impliquer tout au long du projet, sur des sujets divers, qui vont de la mobilité à la gestion de l’énergie en passant par l’utilisation de l’eau, l’affectation des espaces ou encore la préservation des vestiges patrimoniaux… Ils seront mobilisés sur presque tous les aspects de la vie urbaine et de l’aménagement du territoire, cela en vue d’envisager et de favoriser avec eux de nouveaux modes de vie », poursuit le directeur d’Agora. Si l’un des enjeux est de densifier les zones résidentielles pour lutter contre l’artificialisation des sols, la participation citoyenne doit également permettre de mieux appréhender ce qui est acceptable aux yeux de ceux appelés à vivre dans le quartier. Si la volonté est de mettre en œuvre un quartier (où la voiture n’a pas la priorité) pauvre en voiture, il est important de bien cerner les besoins de résidents pour voir comment y répondre. « Il y a, par exemple, lieu de se demander comment je peux ramener mes courses si je ne peux plus garer ma voiture devant chez moi. Cela peut conduire à de nouvelles réflexions urbanistiques, au développement de nouveaux services ou à la mise en œuvre de solutions innovantes », commente François Dorland. Accompagner et former Si l’ambition d’impliquer les citoyens tout au long du projet est louable, n’est en rien évidente. Cela implique un effort conséquent d’information et de formation. « Il faut accompagner les citoyens impliqués dans le processus, leur permettre d’appréhender les concepts de développement urbain, sans quoi leur apport se limite à des réponses triviales », poursuit le directeur. Afin de pouvoir contribuer pleinement au projet, chacun doit prendre conscience de l’ensemble des enjeux entrant en ligne de compte pour construire des espaces de vie inspirants et durables.

UNE PARTICIPATION CITOYENNE Le développement de la Metzeschmelz s’appuiera sur la participation citoyenne à travers trois principaux dispositifs. Le Zukunftsrot Metzeschmelz (le « conseil du futur ») a vocation à accompagner le développement de la Metzeschmelz dans la durée. Il est composé d’environ 35 citoyennes et citoyens engagés et représentatifs de la population. La mission du Zukunftsrot est de conseiller les planificateurs sur les questions essentielles du développement. Pour ce faire, les membres ont la possibilité de se pencher intensivement sur les thèmes d’avenir, notamment en échangeant avec des experts. Les thèmes seront différents selon la phase de développement. Dans cette optique, le conseil est réuni fréquemment, à un rythme mensuel. À côté de cela, le Forum Metzeschmelz est une réunion d’information et de participation qui s’adresse au grand public et qui a lieu deux fois par an. Les forums ont pour objectif d’attirer l’attention du public sur le projet, de l’informer, de donner des impulsions, de discuter et de recueillir un feed-back général. Les objectifs, la méthodologie et les groupes cibles des différents forums varient en fonction de l’état d’avancement de la planification et du résultat de la participation. Enfin, les « pionniers de la Metzeschmelz » est un réseau ouvert d’associations et initiatives locales. Il permet aux structures intéressées, mais aussi à des groupes et initiatives actifs au niveau de la Metzeschmelz, de se rencontrer afin d’envisager les opportunités d’investir le lieu pendant la période de développement. Agora, la ville d’Esch-sur-Alzette et la commune de Schifflange souhaitent aider les associations dans leurs activités au niveau de la Metzeschmelz, contribuant ainsi dès à présent à revitaliser les anciennes structures. Ces dispositifs contribuent, à leur niveau, au développement de ce nouveau quartier. « La démarche de participation, toutefois, ne doit rien enlever à la capacité des élus locaux de leur capacité à représenter l’ensemble des citoyens, tient à préciser François Dorland. La démarche globale se veut avant tout inclusive. Elle vise à prendre en considération la diversité de points de vue ainsi que les contraintes en vue de donner à ce projet les bonnes orientations. »

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Conversation Sonja Gengler

« Développement urbain: le tram pour épine dorsale » La Ville de Luxembourg continue de se développer à un rythme soutenu. Rencontre avec Sonja Gengler, architecte-directeur à la Direction de l’architecte de la Ville de Luxembourg. Interview MICHAËL PEIFFER

Photo GUY WOLFF

Quels sont les grands projets de développement en cours à Luxembourg-ville ? Nous avons de nombreux projets de développement au sein de la ville, chacun à des stades d’avancement différents. Nous pourrions les classer en trois catégories. Pour les premiers, le plan d’aménagement particulier (PAP) est approuvé et nous sommes occupés à préparer les documents (projet d’exécution, conventions de remembrement entre propriétaires…) afin de lancer la construction dans un délai de deux à trois ans. Pour les seconds, nous sommes en pleine procédure d’adoption du PAP, ce qui peut donner lieu à des recours, réclamations ou modifications. Enfin, pour la troisième partie, nous en sommes au début de la réflexion et tout reste à faire… Les premières études sont lancées, mais nous savons qu’il faudra plusieurs années avant d’aboutir à un projet concret. Les projets qui nous intéressent en particulier sont ceux dans lesquels la Ville est propriétaire d’une partie ou de la totalité du terrain. C’est notamment le cas pour la Porte de Hollerich ou encore le site de Villeroy & Boch. De même au Wunnquartier Stade, où se situe actuellement le stade Josy Barthel route d’Arlon, la Ville détient 85 % de la

surface des terrains. Il est prévu d’y construire un nouveau quartier durable et innovant sur une surface totale de 10 hectares, à proximité immédiate du centreville et de la place de l’Étoile. Ce quartier urbain pourra accueillir 1.500 à 2.500 habitants avec des formes et des typologies de logements mixtes. On y trouvera aussi des commerces et des services de proximité, des équipements et des espaces publics attractifs. L’ambition est d’en faire un quartier durable et flexible, d’un haut standard écologique et énergétique. Quelles sont les lignes directrices appliquées dans le cadre de l’aménagement de ces quartiers ? Les transports en commun, et notamment le tram, qui est aujourd’hui l’épine dorsale du développement urbain de la ville de Luxembourg. Les plus grands quartiers en cours de développement se situent donc tous à proximité des actuels et futurs tracés du tram. Si l’on commence par le Nord, à l’extrémité du Kirchberg et à proximité du siège de RTL, le projet Kuebebierg occupera une surface de 33 ha. Ce quartier devrait accueillir 7.000 habitants. Y sont prévus une certaine mixité avec du com-


merce de proximité, un peu de tertiaire et de nombreux équipements publics comme des écoles, un lycée technique, un centre culturel, une maison des associations, une piscine en plein air ou encore une ferme urbaine. L’idée n’est pas nouvelle, mais le modèle de la ville du quart d’heure où tous les services essentiels sont à une distance d’un quart d’heure à pied ou à vélo guide nos développements depuis de nombreuses années déjà. Ce quartier du Kuebebierg en est un bel exemple. Mais il y en a d’autres. À proximité directe, le PAP Laangfur prévoit là encore un nouveau quartier sur une surface de 24 ha, avec quelque 3.800 unités de logement pour un total de 10.000 habitants. Et, là aussi, des commerces, des bureaux, des écoles, etc. Un autre grand principe veut que nous développions la ville de l’intérieur vers l’extérieur. Nous préférons toujours convertir des terrains en friche présents en ville plutôt que de construire sur un terrain vierge, sachant que cette option est souvent plus compliquée vu des antécédents de pollution ou de patrimoine historique. Même un terrain qui n’est pas idéalement situé dans un quartier urbain, notamment parce qu’il n’est pas bien connecté au réseau de transports publics, reste toujours plus intéressant à nos yeux qu’un autre terrain qui se trouve en milieu rural. Enfin, nous essayons de maintenir et de prévoir une densité d’habitations correcte, même si la volonté actuelle est de densifier davantage les quartiers. Quelles sont les autres grandes zones en cours de développement ? Le quartier Nei Hollerich (21 ha), à proximité immédiate de la gare et de l’actuelle rue de Hollerich, et le quartier Porte de Hollerich (35 ha), dans le même axe en direction de l’autoroute, constituent un autre bel exemple de développement futur pour la ville. On peut encore citer le site Villeroy & Boch, les Arquebusiers à Belair, entre la route d’Arlon et le val Sainte-Croix, et le site dit Itzigerknupp à Bonnevoie… Quels sont les grands défis rencontrés actuellement en matière d’urbanisme et d’aménagement ? Le premier défi a trait à la mobilité, et notamment à la place qu’occupe la voiture

dans nos villes. S’il est important que nos quartiers soient bien raccordés à l’offre de transport public, les habitants ont toujours des voitures et il faut pouvoir en tenir compte tout en privilégiant des espaces publics conviviaux. Un autre grand sujet touche à l’énergie. Maintenant qu’il est clair que l’on veut s’éloigner des énergies fossiles, il faut trouver des modes de chauffage et de refroidissement alternatifs. La géothermie est une solution lorsque le terrain s’y prête… Il n’existe que très peu d’études sérieuses qui nous disent quels sont les systèmes ou techniques qui fonctionnent bien à grande échelle et durant un temps long. La transition énergétique est en cours, mais l’agenda est serré alors que les procédures à respecter sont souvent très longues. Le coliving est face aux besoins des ménages, non ? Plus de la moitié des ménages en ville sont aujourd’hui composés d’une ou deux personnes, et les grandes entreprises sont demandeuses de plus de solutions de logement pour accueillir leurs jeunes recrues. Nous voulons toutefois essayer de trouver un équilibre pour que des familles puissent encore s’acheter une maison dans un quartier résidentiel et y vivre. Le défi est aujourd’hui de disposer d’une offre de logements qui correspond à la multiplicité des attentes, entre les personnes qui restent quelques années et celles qui s’installent durablement. Les quartiers doivent être des lieux de cohésion, qui permettent à chacun de trouver sa place et de s’intégrer. À quoi ressemblera la ville de Luxembourg en 2050 ? Nous n’imaginons pas de grandes révolutions concernant l’organisation générale de la ville. Nous travaillons toujours sur le schéma de la ville classique, selon un système qui a fait ses preuves, avec des rues, des îlots, des places, des espaces verts, des endroits de convivialité. Toutefois, il faut y incorporer encore davantage les réponses aux défis de changement climatique en prévoyant des îlots de verdure, des zones d’ombre ou des plans d’eau. La cohésion sociale est également un énorme chalenge qui peut être favorisé par un urbanisme de qualité.

LE TRAM POURSUIT SA VOIE Le 1er février 2024, la Chambre des députés a donné son feu vert au projet de loi sur la construction des extensions de la ligne de tramway à Luxembourg, entre les stations Rout Bréck-Pafendall et Laangfur au Kirchberg, et entre les stations Gare centrale et Hollerich, qui englobent les travaux nécessaires à la construction des infrastructures des lignes proprement dites, les mesures de compensation environnementale et les études afférentes. Ces extensions s’alignent avec le Plan national de la mobilité 2035, qui définit l’organisation et le déploiement des infrastructures dans l’objectif est d’augmenter la capacité des transports de 40 % par rapport à celle établie en 2017. La vision à long terme du réseau de tramway de Luxembourg propose une structure axée sur l’intermodalité, en collaboration avec les autres acteurs de la mobilité du pays. Il s’agit d’un maillage réfléchi, conçu pour accroître les points de correspondance et optimiser les déplacements.

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Expérience

Des serres sur les toits Réduire les émissions de gaz à effet de serre est une urgence. Différents projets expérimentaux ont vu le jour, à l’image du programme Groof – Greenhouses to reduce CO2 on roofs – qui s’est terminé en 2023. Auteur MARIE JACQUEMIN

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Construire sur les constructions L’objectif du projet Groof, soutenu par le programme Interreg NWE, est d’exploiter les surfaces disponibles sur les toits afin d’y construire des serres. L’idée est de réduire les émissions de CO2 du secteur de l’agriculture et de la construction. L’air évacué, issu du bâtiment, permet de chauffer les serres et de créer un cadre propice à la culture. Au Luxembourg, c’est sur le toit du restaurant de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB) que l’un des projets pilotes est implanté depuis 2019.

Un projet à impact L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est atteint. À titre d’exemple, pour la serre de l’IFSB, ce sont 45 tonnes de CO2 qui sont évitées par an. Cela représente 5 % de l’empreinte totale du bâtiment. Ce constat a été fait rapidement et a permis d’encourager le développement d’une documentation et de guidelines. L’effet se ressent également au niveau de la sensibilisation des citoyens à une alimentation plus durable.

Le développement d’une boîte à outils Afin d’encourager d’autres structures à faire de même, l’IFSB a développé une boîte à outils. L’objectif est de partager les bonnes pratiques et de permettre aux structures qui le souhaitent de s’engager plus facilement dans cette démarche. En effet, le projet Groof a aussi pour vocation d’encourager tout un chacun à développer sa propre serre. Proposer une boîte à outils permet de rendre cette action plus accessible.

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Un intérêt marqué Au lancement de l’initiative, quatre projets pilotes ont été désignés au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne et en France. En travaillant à une telle échelle, les partenaires ont pu réaliser des recherches sur les coûts d’installation et recueillir les premiers résultats concernant la réduction des émissions de CO2. Deux appels à projets ont été lancés par la suite. Au total, 18 projets de plus ont été coachés jusqu’en mars 2022.

Un investissement pour la nature Un tel projet ne s’improvise pas et nécessite un investissement conséquent. Toutefois, plusieurs solutions sont possibles, telles que des demandes de financement auprès de structures publiques. À long terme, cet investissement engendre un impact sur l’environnement en raison de la réduction des émissions de carbone qu’il entraîne. Par exemple, au Luxembourg, 95 % des fruits et légumes sont importés de l’étranger. Développer de tels projets pourra réduire drastiquement ces importations et les émissions inhérentes.

Le développement d’une boîte à outils Si l’objectif est la réduction des émissions à effet de serre, l’aspect social est également à prendre en compte. Qu’il s’agisse du développement de la structure ou de son exploitation afin d’avoir un rendement optimal, il est recommandé de faire appel à un expert dans le domaine. Dès lors, il est crucial d’établir des collaborations entre les personnes au départ du projet et des experts dans le domaine de l’agriculture.


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Les mesures à prendre pour le logement Dans un contexte de crise du logement, nous avons demandé aux acteurs de l’immobilier de partager leur regard sur les mesures prises (ou à prendre) par le gouvernement. Propos recueillis par MARIE JACQUEMIN

SANDRA HUBER Group chief development officer Iko Real Estate

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Dans le contexte de crise immobilière, nous sommes satisfaits que le gouvernement ait pris conscience de l’urgence à agir et des premières mesures annoncées. En complément, nous avons plusieurs propositions. Tout d’abord, que le montant de la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs des primo-accédants devienne un subside en intérêt, de manière à faciliter l’octroi de crédit. Deuxièmement, que le plafond de 357.142 euros soumis à la TVA à 3 % octroyé aux occupants sur les Vefa soit augmenté. Ensuite, nous proposons qu’il y ait un taux intermédiaire de TVA à 8 % applicable aux investisseurs sur les Vefa. Notre dernière proposition est que les droits d’enregistrement sur construction existante soient supprimés, car c’est une double taxation qui n’incite pas les développeurs à lancer des projets à risque.

Inowai, Iko, BPI Real Estate

La première bonne initiative du gouvernement est de ne pas poursuivre la réforme limitant le loyer à 3,5% du capital investi, évitant d’accentuer la réticence des investisseurs. Maintenant que les taux semblent se stabiliser, je m’efforce d’être optimiste et tiens à souligner la réactivité de nos dirigeants. Selon moi, une des mesures qui se distingue concerne le nouvel amortissement accéléré pour les logements locatifs. Le locatif est une réponse structurelle à la crise du logement. Or, sans investisseurs, pas de marché locatif. Cependant, des mesures plus franches, notamment sur le régime TVA et les droits d’enregistrement, avec un impact direct sur les prix de vente, pourraient stimuler davantage le marché. Il est crucial de ne pas limiter certaines mesures dans le temps pour assurer un impact durable et structurel.

ARNAUD REGOUT Administrateur délégué BPI Real Estate

Photos

TEHDI BABIGEON Partner, COO & head of capital markets Inowai

Les mesures annoncées répondent aux besoins des particuliers tout en soutenant les investisseurs. Ces incitations fiscales ciblées étaient essentielles pour faire face à la pression croissante sur le marché et préserver l’écosystème de production. Dans ce contexte, la voix et l’expérience des professionnels du secteur sont cruciales. À moyen terme, la simplification administrative et la coordination des procédures sont aussi essentielles pour accélérer les processus de développement et améliorer l’efficacité opérationnelle tout en maintenant des normes de qualité élevées. Plutôt que d’opposer les secteurs public et privé, les mesures annoncées doivent permettre une collaboration constructive pour trouver des solutions et œuvrer collectivement dans l’intérêt général.


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