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JEANNE DUVOUX

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SHAHRIAR AGAAJANI

SHAHRIAR AGAAJANI

« Nous ne faisons pas que vendre des fonds ! »

Jeanne Duvoux est devenue directrice générale d’Amundi Luxembourg en janvier 2020. Depuis, les crises se succèdent… « Heureusement, nous avons toujours réussi à trouver des solutions et à retomber sur nos pieds », dit-elle. Un atout alors que 2023 s’annonce à nouveau très incertaine.

Pour Jeanne Duvoux, les relais de croissance d’Amundi Luxembourg se trouvent dans les services. Services qu’elle entend développer.

L’année 2022 s’est achevée par une forte chute des cours des grandes sociétés de gestion. Est-ce une situation conjoncturelle ou peut-on y voir l’annonce de mutations structurelles dans votre industrie ? Le cours des sociétés de gestion est très corrélé au marché puisque le modèle d’affaires, c’est de facturer les clients sur la base des actifs. Dès lors que les marchés baissent, comme on l’a vu en 2022, une chute des cours est inévitable. Est-ce que cela remet en cause le modèle ? Non. Chez Amundi, nous pratiquons une gestion rigoureuse de nos coûts. Cela fait partie de notre réputation. Et nous avons la capacité d’absorber ce genre de baisse.

Mais je ne vous cacherai pas qu’on nous a demandé, au moment d’établir nos budgets, de faire très attention à la croissance des coûts. Voire de ne pas les augmenter du tout…

Dans ce contexte, quelle appréciation portez-vous sur les deux tranches indiciaires prévues pour les prochains mois ? Si la motivation politique d’accompagner l’inflation se justifie, cela représente un coût supplémentaire à absorber pour l’entreprise. C’est très compliqué… Ne serait-ce que pour l’expliquer aux actionnaires.

Les tensions sur les cours des sociétés de gestion peuvent-elles enclencher une vague de consolidation au sein du secteur ? La consolidation n’a pas attendu cela pour commencer… Nous sommes dans un secteur où il y a énormément de coûts liés à la réglementation, qui augmentent et qui demandent des efforts en termes d’organisation. Les acteurs doivent avoir une taille minimale que tous n’ont pas, ce qui favorise logiquement les acquisitions. Depuis que je suis dans le groupe, j’ai vécu deux acquisitions majeures : Banco Sabadell et, plus récemment, Lyxor. Nous ne nous interdisons pas de regarder les opportunités qui pourraient se présenter. Il faut cependant que certains critères soient remplis, comme la complémentarité avec nos activités, la rentabilité de l’opération et notre capacité à intégrer. Nous avons d’ailleurs développé une très forte capacité à intégrer rapidement des sociétés. Mais notre priorité reste la croissance organique.

Caceis, filiale de votre actionnaire Crédit Agricole et de Santander, a pris 33 % du capital de Fund Channel, votre plateforme de distribution de fonds. Qu’est-ce que cela implique pour l’activité d’Amundi Luxembourg ? Fund Channel est une filiale à 100 % d’Amundi Luxembourg active dans la distribution des fonds. Activité qui a connu une énorme croissance ces dernières années : la distribution des fonds au travers des plateformes représente désormais quasiment un tiers du marché. Le groupe a pensé qu’il était important que l’on soit présent dans cette activité.

Fund Channel était une joint-venture avec BNP Paribas. Lorsqu’ils se sont retirés, nous avons repris leurs parts pour redevenir actionnaires à 100 %. Notre volonté a toujours été de développer cette activité en rajoutant des services à forte valeur ajoutée, tant à destination des fonds que des distributeurs. Comme des services de reporting, de data ou de market intelligence. Ce qui manquait à Fund Channel, c’était le volet exécution. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes rapprochés de Caceis, qui est spécialisée dans les activités d’asset servicing, comme le custody et l’exécution de parts de fonds, afin de compléter la gamme de services de notre filiale.

C’est un véritable partenariat industriel. De plus, nous sommes persuadés que les clients de Caceis seront intéressés par nos services de distribution, ce qui générera de fortes synergies de revenus.

Quelles sont vos ambitions concrètes pour Amundi Luxembourg ? Fund Channel est un axe de développement très important pour nous. Nous attendons l’accord de la CSSF pour finaliser l’entrée de Caceis dans le capital, autorisation qui devrait intervenir d’ici peu. Et nous comptons investir fortement afin de rajouter des services et des distributeurs sur la plateforme. Parce que plus on a de distributeurs, plus on BIO EXPRESS

De Paris à Milan… Française, Jeanne Duvoux est diplômée de la Neoma Business School. Elle commence sa carrière à Paris, chez Deloitte, en 1989, avant d’intégrer, en 1996, le Groupe Société Générale, pour lequel elle s’installe en 2006 à Milan en tant que directrice générale adjointe de SGSS SpA. Elle en devient administratrice déléguée en 2012.

Jusqu’au Luxembourg et chez Amundi Elle rejoint le Luxembourg en 2015 en tant que responsable des activités de banque privée au Luxembourg et membre du comité exécutif de SG Luxembourg. En janvier 2020, elle est nommée administratrice déléguée d’Amundi Luxembourg et de sa filiale Fund Channel. Elle est également, depuis cette date, membre du conseil d’administration de l’Alfi.

Real Estate Awards

CATEGORIES

BUILDING FUNDS PEOPLE

Best Residential Building Cette catégorie comprend les bâtiments résidentiels dont la part de logements est d’au moins 80 %. Les projets résidentiels abordables développés par un promoteur privé ou par le secteur public peuvent être présentés dans cette catégorie. Best Offices Building Cette catégorie présente les immeubles et surfaces de bureaux. Elle n’est valable que pour des blocs de bâtiments complets. La surface des bureaux doit représenter au moins 80 % du bâtiment.

Best Retail Building Cette catégorie comprend toutes les tailles et tous les types de projets de commerces de détail (alimentation, mode, style de vie, horeca....) et récompense le meilleur concept de magasin. Les centres commerciaux ne sont pas inclus dans cette catégorie (ils doivent être présentés dans la catégorie Best Special Projects & Other Usages Building). Best Mixed Use Building Cette catégorie comprend tous les bâtiments à usage mixte avec au moins trois utilisations / fonctions différentes qui sont physiquement et fonctionnellement intégrées. Un usage ne peut pas dépasser 50 % de l’ensemble du bâtiment.

Best Sustainable Building Cette catégorie présente les projets ou bâtiments incorporant un minimum de 25 % de ressources renouvelables et recyclées, présentant une efficacité énergétique élevée, utilisant des matériaux écologiques et certifiés verts, etc. Best Special Projects & Other Usages Building Cette catégorie est ouverte aux projets /bâtiments qui n’entrent pas dans une autre catégorie. Par exemple, un hôtel et un appartement de service, un hôpital, un aéroport, une gare, une université, une école, un centre commercial, etc. Innovative strategy Cette catégorie s’adresse aux fonds real estate et à leur gestionnaire domicilié au Luxembourg. Le fonds doit avoir été lancé entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022, et doit proposer une réelle innovation dans sa stratégie et / ou sa structure (classes d’actifs et géographie ciblées, format et structure, modèle d’allocation, performance et risques…). ESG Strategy Ce prix vise à reconnaître et récompenser un gestionnaire qui a lancé, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022, un fonds immobilier qui est domicilié au Luxembourg avec une stratégie ESG forte sur les aspects environnementaux ou sociaux. Il doit démontrer son excellence sur le sujet et ses bonnes pratiques (définition d’objectifs, reporting, mesure…).

Pour être éligible dans cette catégorie, la date d’achèvement du bâtiment doit être comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022. Best Personal Contribution LuxReal Personality of the Year Award Ce prix honore la personne de l’année 2022 en termes de contribution remarquable à l’industrie immobilière luxembourgeoise. Les supporting members de LuxReal seront invités à soumettre un nom. Bien que le nombre de votes reçus soit un élément-clé (et un facteur déterminant), le droit de désigner la Personnalité de l’année 2022 appartient au conseil d’administration de LuxReal, agissant à sa propre discrétion.

Un jury indépendant, composé de personnalités représentatives du milieu, déterminera les lauréats (sauf pour la catégorie Best Personal Contribution).

Les dossiers de candidature peuvent être déposés du 1er décembre 2022 au 10 février 2023 sur le site www.luxreal.lu.

intéresse les asset managers. Pour la ManCo, nous avons achevé l’intégration des activités de Lyxor. Et nous lançons une activité nouvelle de « sub-advisory », ou sélection de fonds, une plateforme de gérants externes sur laquelle on trouve 25 fonds agréés que nous mettons à la disposition de nos clients. L’objectif stratégique est de s’intermédier dans l’architecture ouverte de nos clients. C’est ce que l’on fait aussi avec Fund Channel.

Nous développons également toute une gamme de services pour notre clientèle. Nous ne faisons pas que vendre des fonds. Nous voulons également instaurer avec nos clients un partenariat dans la durée. Ce qui passe par le développement d’une gamme de services de conseil ou de fourniture de portefeuilles modèles afin d’accompagner nos clients dans leurs activités de gestion.

Que pèse aujourd’hui ce volet dédié aux services dans votre activité ? L’activité au Luxembourg reste marginale. Mais c’est clairement un relais de croissance. En plus des services autour des activités de gestion, nous vendons également nos systèmes. Comme ALTO* Investment, notre système de gestion de portefeuille modulaire couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la gestion d’actifs et fournissant une analyse de portefeuille pour toutes les classes d’actifs.

L’un des faits marquants de 2022 est l’évolution à la baisse des actifs nets des OPC. Sur la Place, ils ont chuté de 10 % en 2022, et au niveau européen, la tendance est la même. Est-ce le signe que l’industrie des fonds d’investissement est arrivée à son apogée ? Non. Ce recul est avant tout dû aux effets de marché et pas à une décollecte. Souvent, en cas de crise, il n’y a pas forcément de sorties de fonds, notamment parce que les investisseurs commencent par attendre. Et, de plus, il n’y avait pas en 2022 d’endroits évidents où se réfugier.

Pour nous, il existe encore beaucoup de relais de croissance pour l’industrie : l’énorme épargne en cash constituée durant la pandémie, les retraites, ou encore l’émergence de marchés, notamment en Asie, où les capacités d’épargne sont sous-exploitées. Autant de nombreux nouveaux marchés à défricher pour les gestionnaires d’actifs. Charge à eux de développer les thématiques qui intéresseront ces nouveaux investisseurs.

Parmi ces thématiques, il y a l’ESG. Comment abordez-vous ce thème dans le fonctionnement de votre entreprise et votre offre aux clients ? L’ESG a toujours été un thème central pour Amundi, qui veut en être un des leaders. Dans notre dernier plan de développement, nous réaffirmons le fait que tous nos produits, nos fonds ouverts, vont intégrer des critères ESG. Par exemple, 40 % de notre gamme ETF sera ESG.

Ce discours est-il suffisant face aux attentes des clients et aux évolutions réglementaires rapides ? L’évolution réglementaire peut se révéler frustrante pour un groupe comme le nôtre,

UNE CROISSANCE DYNAMIQUE

Évolution des actifs sous gestion du groupe Amundi Évolution des encours sous gestion d’Amundi Luxembourg En milliards d’euros

2.500

2.000 2.064

1.500

1.000

500

0 985

155 214

Amundi Source

qui était plutôt en avance sur ces thèmes de développement et d’investissement durables. Quelquefois, cela nous amène à revoir la façon dont nous faisons les choses, puisque la réglementation le voit différemment. Comme avec la SFDR. Ce qui est compliqué, c’est que les règles doivent encore être affinées. Nous devons appliquer une réglementation dont les contours doivent être clarifiés. On l’a vu pour le nucléaire et le gaz. Mais si la réglementation évolue, notre philosophie et notre objectif demeurent.

L’ESG n’est-il pas en train de devenir, pour une entreprise comme la vôtre, une source de risque réputationnel ? Oui, le risque de réputation est devenu important. C’est un risque si le marché comprend mal un produit ou a des attentes qui ne correspondent pas à ce qui est vendu. La CSSF parle de « misselling » pour qualifier les situations où des investisseurs pensent acheter un produit, mais qu’ils ne trouvent pas dans le produit ce qu’ils pensent avoir acheté.

Je crois que, pour les professionnels, face aux interrogations légitimes des investisseurs qui peuvent ne pas se retrouver dans les dédales de la réglementation, il faut être transparent, expliquer ce qu’il y a dans le fonds et comment on remplit les objectifs ESG. Si l’on fait cela de manière rigoureuse, il n’y a pas de raison de s’inquiéter.

Un autre élément fort de votre offre concerne les ETF. Comment voyez-vous évoluer ce marché ? C’est un marché en croissance qui va continuer à grossir. L’avantage des ETF, justement, est qu’il s’agit de produits financiers simples à comprendre et peu onéreux. Cela permet à un investisseur qui souhaite suivre un indice de le faire facilement avec des coûts moins élevés qu’avec de la gestion active. Maintenant, dans un marché qui va moins bien, on peut penser aussi que la gestion active a plus d’intérêt.

Pour moi, ces deux modes de gestion remplissent des objectifs différents et il est pertinent de les combiner dans un

« On nous a demandé de faire très attention à la croissance des coûts. »

portefeuille. Chez Amundi, nous avons toujours expliqué à nos clients que la diversification est importante.

Quelles sont les perspectives, dans les prochains mois, pour votre établissement et pour la Place ? Pour l’instant, nous restons prudents. Ce qui se reflète dans notre budget. La remontée actuelle des marchés est une bonne surprise, mais les risques de récession demeurent. Beaucoup de choses vont dépendre de l’évolution de la guerre en Ukraine, de l’évolution des politiques monétaires et de la nouvelle politique sanitaire chinoise.

Matic Zorman Photo

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