ISABELLE FABER (POST)
« Tout ce que nous faisons doit être rentable et responsable »
LUCIEN
HOFFMANN (LIST)
« La
technologie, levier de réduction de nos impacts »
FRÉDÉRIC VONNER (PWC LUXEMBOURG)
« Les entreprises sont appelées à adopter une approche vertueuse »
GRÉGORY NAIN (DATATHINGS)
« Essayons de passer d’un modèle réactif à un modèle proactif ! »
JUILLET 2024
ESG
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directeur business development Pierre-Alexis Quirin head of markets & business Florence Christmann assistante commerciale
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partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxembourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619
La guerre des chapelles
Le vent a-t-il déjà tourné pour l’investissement durable ? Balayée, l’idée selon laquelle investir dans des produits financiers protecteurs de l’environnement, des droits de l’Homme ou de la bonne gouvernance permettrait d’obtenir des rendements supérieurs au marché ? Ou bien la compétition avec d’autres produits financiers est-elle encore trop déséquilibrée ?
Pour la deuxième fois de l’année, une étude sérieuse, basée sur les données de Barclays relatives aux actions ESG, indique que « les clients ont retiré 40 milliards de dollars nets de fonds d’actions environnementales, sociales et de gouvernance », dont une sortie mensuelle nette record d’environ 14 milliards de dollars en avril. En février, le professeur d’économie à l’Université Erasmus de Rotterdam, Mathijs Van Dijk, s’était déjà attiré les foudres et les sarcasmes de nombreux professionnels de l’investissement après son étude menée sur 16.400 actions dans 48 pays pour la période de 2001 à 2020 et les notations ESG de sept agences de notation.
Que disait-elle ? « Il n’existe aucune corrélation systématique entre les ratings de durabilité et les rendements des actions sur une période de 20 ans. » Le mot clé de cette phrase est, bien sûr, « systématique ». Il enfonce des portes ouvertes, analysent certains gestionnaires d’actifs, soulignant qu’aucun placement n’offre de perspective systématique. Le marketing des professionnels du secteur et des institutionnels qui défendent une nouvelle ère de l’économie mondiale au nom de l’épuisement presque programmé des ressources naturelles et des changements va d’autant plus devoir aller dans davantage de granularité que de grands groupes déploient des trésors de communication pour gagner en « ESG-respectabilité ».
Peut-être qu’on y gagnerait à montrer ce qui marche et ce qui ne marche pas plutôt que de généraliser à tout-va, alors que les chiffres, eux, ne trichent pas…
THIERRY LABRO Rédacteur en chef
Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou
ESG JUILLET 2024 3 Édito #ESG
08 ISABELLE FABER
« Tout ce que nous faisons doit être rentable et responsable »
14 HORIZON 2050
La transition énergétique est en marche
18 GESTION
Le déchet, une ressource qui s’ignore
22 CRADLE-TO-CRADLE
L’économie circulaire mise en pratique
24 LUCIEN HOFFMANN
« La technologie, levier de réduction de nos impacts »
30 FRANKIE THIELEN
« Un déclin inquiétant de la diversité biologique »
32 PROTECTION La biodiversité, l’autre urgence
34 EN PRATIQUE
Diversité et inclusion : les bonnes pratiques
36 ENGAGEMENTS
Pas de bien-être sans raison d’être
40 CLAUDE CARDOSO
« Investir dans l’humain est primordial »
8
Réduction de l’empreinte, transition responsable, inclusion : les trois axes prioritaires de Post
24
Lucien Hoffmann invite à modifier les comportements autant qu’à adopter des technologies responsables.
42 ENTREPRENEURIAT L’impact avant tout
43 SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL Réduire le risque, une épineuse question
44 GRÉGORY NAIN
« Essayons de passer nos économies d’un modèle réactif à un modèle proactif ! »
50 PÉRENNITÉ
La gouvernance, socle fondateur d’une approche durable
54 FRÉDÉRIC VONNER
« Les entreprises sont appelées à adopter une approche vertueuse »
60 STRATÉGIE
Le board, moteur de la stratégie ESG
64 ACTIVISME
Place aux actionnaires militants
65 CONSEILS Sept bonnes pratiques à destination des CA
66 INVESTISSEMENTS
Pas de confiance sans transparence
70 FORECAST
ESG : défi majeur pour les entreprises
Photos Guy Wolff / Eva Krins
Sommaire ESG Juillet 2024
ESG JUILLET 2024 5
Impact investing: real change
To ensure strong financial and ESG performance within its range of global equity and fixed maturity corporate bond expertise, DPAM has taken an impact investing approach with the launch of two new investment strategies. Anahi Machado, Fixed Income Portfolio Manager, explained the thinking behind this decision, and how the asset management teams execute this strategy.
Why are you taking this impact investment approach?
ESG investment has boomed over the past decade, but there is a lack of clarity on the market, with many different products using diverse but similar-sounding terms. The impact approach goes beyond the typical sustainable investment strategies, which mostly focus on companies that perform better on ESG metrics compared to their competitors. While sustainable strategies admittedly may include some impact-oriented companies, these usually make up only a smaller fraction of their portfolios. In contrast, impact strategies exclusively invest in companies driving positive change in their investment focus. We wanted to demonstrate clearly that our approach can make a difference. Impact investing is about ESG
Photo Simon Verjus
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6 ESG JUILLET 2024
Anahi Machado, Fixed Income Portfolio Manager, DPAM.
“intentionality” and “measurability” as part of a desire to be more ambitious than the most common sustainable strategies. Intentionality is about making a positive contribution to environmental and social challenges through investments in companies and projects that offer a direct contribution. Measurability requires more than anecdotal evidence, with concrete data and highly credible estimations needed.
How do you measure ESG impact with bonds and publicly traded equities?
Our approach requires assurances that a business will prioritise social and environmental impact, as well as them supplying services and products that fit ESG characteristics. The EU provides a strong regulatory framework which is used as a starting point for the analysis, when applicable. On top of that, we have set up a clear governance framework, where the Sustainable Impact Themes Operational Committee (SITOC) assesses and ensures that there is a convincing sustainable impact commitment behind each line in the portfolios.
“Our investment is targeted at sectors such as sustainable agriculture, finance, education, manufacturing, cities/living, infrastructure and transport, nutrition (…).”
DPAM HAS:
€47bn assets under management
€20.8bn assets in sustainable investments
57%
corporate AUM in science-based targets or 1.5°C alignment
What KPIs and industry sectors do you target?
Typically, we look for at least 30% of revenue being generated from impactrelated sources, but if this is not the case, we require at least half of capex or R&D spending to target positive impacts. Otherwise, we look for company or sector specific KPIs. We engage in active debates internally, featuring a formal process to ensure both credible likelihood of positive sustainability impact and strong financial returns. We are also mindful of the risk of ESG investment bubbles, and take this into account when assessing the potential financial performance of assets. Our investment is targeted at sectors such as sustainable agriculture, sustainable finance, education, sustainable manufacturing, cities/living, infrastructure and transport, nutrition, healthcare, and energy.
Could you provide some examples of companies included in your impact approach?
The world faces the challenge of addressing decarbonization of the economy and of the energy model to replace it with a more sustainable one. Companies such as Acciona are part of the solution to these challenges.
Acciona is the world’s largest 100% clean energy operator. Acciona Energía produced 24.9TWh electricity in 2023 with its c13.5GW capacity. Assuming an average household (ménage) is consuming c3,000kWh/year, this means that Acciona Energía has produced the electricity consumed by 8.3 million households in 2023 across its numerous geographies (mainly USA, Spain, Mexico, Australia and Chile). Recycling of endoflife products becomes increasingly essential, whereas primary resources are shrinking. Steelmaking, notably, emits around 5% of global emissions. Derichebourg is a leading global provider of waste recycling, mainly metal. Its offering covers the collection, sorting, recycling and recovery of ferrous and nonferrous metals. The company is active in France, Spain and Belgium and has a notable presence in Germany and Italy. Using recycled metals lowers the need for natural resources and reduces energy consumption and CO2 emissions versus production processes using virgin materials. CO2 and energy savings are impressive in these cases.
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299
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Conversation Isabelle Faber
« Tout ce que nous faisons doit être rentable et responsable »
Parmi les plus gros employeurs du pays, Post a intégré les enjeux sociaux et environnementaux au cœur de sa stratégie d’entreprise. Dans son rapport annuel, l’entreprise publique met en œuvre des principes de transparence prônés par la directive CSRD. Défis et opportunités avec Isabelle Faber, directrice des ressources humaines, relations publiques et RSE.
Portrait GUY WOLFF Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
8 ESG JUILLET 2024
Pour s’engager dans une démarche d’amélioration continue, il faut que tout le monde puisse y prendre part, que ces enjeux soient compris et guident des décisions prises à tous les niveaux.
Comment sont abordés les enjeux de développement durable à l’échelle d’un groupe comme Post ?
En tant qu’entreprise publique qui compte parmi les principaux employeurs du pays, et acteur-clé de l’économie, il nous incombe d’agir de manière responsable. Parmi nos missions, nous devons notamment garantir l’accès à un ensemble de services essentiels, comme la connectivité, la distribution du courrier ou les services bancaires élémentaires. Dans le développement de business, dès lors, il nous appartient de prendre en considération l’ensemble des impacts environnementaux et sociétaux induits par nos activités, qu’ils soient positifs ou négatifs. Au travers de notre rapport annuel, désormais, nous rendons compte de ces incidences, en précisant ce qui va bien, mais en étant aussi honnêtes vis-à-vis de ce qui pose un problème.
Un exemple d’impact négatif induit par les activités de Post ?
Pour fonctionner, Post a d’importants besoins en énergie, à savoir près de 2 % de l’électricité consommée au Luxembourg chaque année. Deux tiers sont nécessaires à l’alimentation de nos centres de données. Nous avons aussi une flotte automobile importante, qui génère des émissions de CO2. Évaluer ces impacts, en prendre conscience, nous permet d’explorer les moyens de les atténuer.
Cette énergie, finalement, c’est celle consommée par vos clients. N’est-elle pas nécessaire aux services que vous apportez, dont certains sont essentiels pour la société ?
Oui. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’explorer les possibilités de réduire notre impact. Nous avons un devoir d’exemplarité vis-à-vis de l’ensemble de nos parties prenantes, en particulier envers nos collaborateurs et nos clients. L’ambition, c’est de viser une croissance inclusive et durable. La difficulté, c’est qu’il faut composer avec des injonctions parfois contradictoires. Au niveau de notre métier ICT & Telecom, par exemple, la demande en connectivité ne cesse de croître. En ce qui concerne le courrier, les consommateurs veulent pouvoir disposer de leurs colis toujours plus tôt. La compétitivité, de
« S’inscrire dans une démarche durable doit contribuer à renforcer notre résilience face aux diverses crises. »
manière globale, impose des rythmes soutenus. D’un côté, donc, on vous demande d’être responsable, de réduire votre empreinte environnementale, de veiller au bien-être des collaborateurs. De l’autre, il faut aller plus vite, plus loin…
Est-il possible de concilier les modèles économiques actuels avec ces enjeux de développement durable ?
En ce moment, on se rend compte que c’est compliqué. L’ensemble de la société, de l’économie, doit opérer une transition. Les réglementations, comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), nous poussent dans cette direction. Elle demande à l’ensemble des acteurs concernés d’anticiper les modèles économiques de demain, d’intégrer un ensemble de contraintes. Nous naviguons dans un environnement en transition. S’inscrire dans une démarche durable, à travers une meilleure compréhension des risques émergents, doit contribuer à renforcer notre résilience face aux diverses crises, qu’elles soient environnementales, sociales ou encore économiques.
Dans son plan stratégique 2023-2027, Post affirme ne plus souhaiter opérer des arbitrages entre rentabilité et responsabilité. Qu’est-ce que cela implique ?
Le plan stratégique s’inscrit dans la continuité de ce que nous entreprenons depuis de nombreuses années. Poursuivre notre développement, notamment par la diversification de nos activités. À ce niveau, il n’y a pas de nouveauté. Là où les choses ont évolué, c’est dans la manière d’appréhender nos projets. Désormais, tout ce que nous mettons en œuvre doit répondre aux critères de responsabilité et de rentabilité, sans que nous ayons à opérer des
3 PRIORITÉS RSE
Dans le cadre de l’établissement de la stratégie 2023-2027, Post a mené une réflexion pour définir les domaines sur lesquels l’entreprise souhaite agir de manière prioritaire. Réduire son empreinte sur l’environnement Il s’agit principalement de minimiser la consommation d’énergie et, par la même occasion, les émissions de CO2. Promouvoir une transformation numérique responsable En réduisant l’empreinte environnementale des services proposés, Post entend soutenir la revalorisation des équipements techniques déployés et accompagner ses clients vers des usages responsables. Soutenir l’inclusion Il s’agit de fournir des produits et services accessibles à tous. Mais aussi de proposer des opportunités d’emploi à chacun, qualifié ou non, et de garantir à nos collaborateurs des perspectives d’emploi sur le long terme.
10 ESG JUILLET 2024
Conversation Isabelle Faber
INFRASTRUCTURES DURABLES
Source Rapport annuel Post 2023
Répartition de la consommation d’énergie dans le groupe (2023 versus 2022)
Répartition de la consommation électrique (2023 versus 2022)
Bâtiments postaux
Bâtiments administratifs
arbitrages entre ces deux notions. Dit autrement : tout ce que nous faisons devra être à la fois rentable et responsable.
La rentabilité n’est-elle pas un enjeu-clé de la durabilité ?
Il n’y a pas de raison d’opposer responsabilité et rentabilité. La rentabilité constitue un moyen. Elle garantit la pérennité de l’entreprise. Si on n’est pas rentable, on ne peut pas non plus être durable et contribuer en tant qu’entreprise à la création de valeur pour la société. Maximiser la rentabilité ne fonctionne pas non plus, surtout si cela implique une exploitation irresponsable des ressources naturelles, engendre de la pollution ou se fait aux dépens du bien-être des collaborateurs. S’inscrire dans une telle optique, aujourd’hui, conduit à voir les clients ou les collaborateurs se détourner de l’entreprise. Il faut donc trouver un juste équilibre entre rentabilité et responsabilité. C’est l’engagement que nous avons pris et qui s’inscrit au cœur de notre stratégie.
Comment les dimensions ESG sont-elles intégrées dans la stratégie de l’entreprise ?
À travers une démarche responsable, l’entreprise doit chercher à contribuer aux différents Objectifs de développement durable établis par les Nations unies. Il y en a 17 au total. À l’échelle de notre groupe, nous avons souhaité prendre un ensemble d’engagements vis-à-vis de ceux pour lesquels nous pouvons avoir un impact direct et important. Cela ne veut pas dire que les autres, comme la lutte contre la faim dans le monde ou la préservation des océans, sont moins importants. Simplement, l’impact que nous pouvons avoir vis-à-vis de ces objectifs, plus éloignés du cœur de notre activité, est moindre.
Quelles sont les thématiques que vous avez privilégiées ?
Nous en avons retenu trois principales. La première touche à la réduction de notre empreinte sur l’environnement. Comme nous l’évoquions Une autre thématique-clé, en lien avec notre cœur de métier, vise à promouvoir une transformation numérique responsable, à travers par exemple la revalorisation des équipements technologiques ou une meilleure utilisation des données pour répondre à des enjeux environnemen-
taux ou sociétaux. Enfin, le troisième point, qui me tient énormément à cœur, est celui de l’inclusion.
Quels sont les enjeux liés à cet engagement pour davantage d’inclusion ?
La thématique de l’inclusion revêt plusieurs dimensions. Vis-à-vis de nos clients, des citoyens, il s’agit avant tout de proposer des produits et des services qui soient accessibles à tous. En tant qu’entreprise, à travers nos missions de services publics, cette dynamique d’inclusion est inscrite dans notre ADN. Post Finance, par exemple, assure à chacun de pouvoir disposer d’un compte en banque, pour pouvoir déposer de l’argent, d’avoir des cartes de paiement et de réaliser des paiements. Mais l’inclusion, c’est aussi de pouvoir proposer des opportunités d’emploi à tout le monde, que l’on soit qualifié ou non. C’est aussi renforcer l’employabilité des personnes qui évoluent dans nos équipes, de les accompagner alors que les métiers se transforment, parfois en profondeur. La technologie, entre autres, rend certaines fonctions obsolètes. Des métiers peuvent disparaître. Notre responsabilité,
Divers Locaux et antennes mobiles
0 20 40 60 80
Centraux téléphoniques
Data
centers
131 GWh Électricité -1 % 4 % (=) 6 % (+2 %) 6 % (-3 %) 7 % (=) 61 % (+1 %) 25 GWh
11 GWh Gaz -12 % 16 % (-2 %) ESG JUILLET 2024 11
Fuel (mazout et carburant) -11 %
vis-à-vis des personnes concernées par ces évolutions, est de leur assurer des perspectives de carrière au sein du groupe, en leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences, de bénéficier d’opportunités de mobilité interne. Cela implique d’investir considérablement dans la formation, pour que chacun puisse s’épanouir dans ses fonctions.
Pouvons-nous revenir sur l’enjeu énergétique : quels sont les leviers, les engagements pris pour optimiser votre consommation ?
Le premier levier vise à réduire les besoins énergétiques des bâtiments, en tendant vers le passif. Il y a aussi une opportunité à réutiliser la chaleur, notamment celle produite au niveau de nos installations techniques, pour chauffer d’autres bâtiments ou soutenir d’autres applications. Depuis plusieurs années, par exemple, la chaleur produite au niveau du data center de Kayl alimente en chauffage le bâtiment voisin dans lequel sont hébergées plusieurs de nos filiales. Le bâtiment Helix, en face de la gare, est chauffé grâce à la chaleur émise par le centre technique qui est à côté. Notre nouveau siège dispose également d’un accumulateur de glace comme source de chaleur et de froid efficace. D’autres projets visant à récupérer la chaleur pour divers besoins sont à l’étude. Nos bâtiments, d’autre part, peuvent aussi accueillir des unités de production d’énergie renouvelable, comme des panneaux photovoltaïques. Pour réduire les besoins en énergie, il y a donc un volet important lié à notre stratégie immobilière.
Y a-t-il aussi des leviers opérationnels sur lesquels travailler ? Comment les métiers peuvent-ils agir ?
Un autre chantier important réside dans l’électrification de la flotte de véhicules. Un gros chantier est aussi mené afin d’optimiser les déplacements quotidiens. Actuellement, chaque jour, les équipes de Post parcourent l’équivalent du tour de la Terre. En repensant les circuits logistiques, nous pouvons considérablement réduire les déplacements sans nuire à la qualité de service. Nous avons aussi considérablement réinvesti dans les réseaux télécoms en déployant des technologies moins éner-
givores et en accélérant la mise hors service de réseaux d’ancienne génération.
La directive CSRD entre en application. Qu’est-ce que cela implique pour un groupe comme Post ?
Il faut savoir que Post, en tant qu’établissement public, n’est pas directement concerné par la directive. Seules deux de nos filiales entraient dans le périmètre d’application de cette directive. Cependant, souhaitant agir comme une entreprise responsable, considérant notre devoir d’exemplarité, nous avons souhaité appliquer les exigences fixées par cette réglementation à l’ensemble du groupe. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu cette directive pour engager une approche responsable. Il y a 12 ans, déjà, nous avons publié un rapport extra-financier alors que rien ne nous y contraignait.
Qu’impose concrètement la CSRD ?
La CSRD impose un exercice de transparence et, dès lors, de mettre en place un ensemble d’indicateurs et de faire remonter un ensemble de données non financières avec la même rigueur que celle imposée pour le traitement des données financières. Afin d’être prêts à répondre à ces exigences en 2025, nous avons entamé un travail préparatoire il y a plusieurs années déjà, en nous faisant accompagner par des spécialistes de ces enjeux. Les efforts réalisés sont déjà visibles dans notre rapport annuel.
Qu’est-ce que cette directive va apporter ? Comment cet exercice soutient-il l’adoption d’un modèle durable ?
La démarche va permettre d’identifier précisément les impacts environnementaux ou sociétaux sur des sujets pertinents pour Post et l’écosystème dans lequel nous évoluons. L’analyse de double matérialité, que nous sommes occupés à réaliser, va permettre d’identifier et d’établir des indicateurs-clés, que nous pourrons suivre dans le temps. Cet exercice de transparence doit nous permettre de prendre des engagements et d’évaluer les efforts consentis pour améliorer nos performances sociales, environnementales ou de bonne gouvernance. Il est important de préciser que tous ces indicateurs seront audités.
UNE FLOTTE ÉLECTRIFIÉE
Post Luxembourg transforme sa flotte automobile. L’objectif est d’atteindre une proportion de 90 % de véhicules électriques d’ici 2026. Ces véhicules, approvisionnés en électricité décarbonée, doivent permettre de réduire l’empreinte carbone liée notamment à la distribution du courrier et des colis. En 2023, les véhicules électriques représentaient 30 % de la flotte et ont parcouru 20 % du total des kilomètres.
12 ESG JUILLET 2024
Conversation Isabelle Faber
Dans ce contexte, il devient difficile de faire du greenwashing. Au-delà des déclarations d’intention, il est important que les engagements se traduisent dans des résultats directement appréciables.
Quels sont les principaux défis liés à l’intégration de ces nouvelles exigences ?
Il s’agit d’une transformation complexe, qui implique en premier lieu un important effort de formation. Les membres du conseil d’administration de Post ainsi que ceux du comité de direction de Post, afin de bien appréhender ces enjeux, ont entamé une formation certifiante en matière de durabilité à la Solvay Business School de Bruxelles. Le développement des compétences au sujet de la durabilité ne se limite pas aux fonctions dirigeantes. Il est important qu’à travers toute l’entreprise, chacun puisse prendre la mesure des défis, comprendre la démarche. Nous avons donc acquis des compétences, multiplié les démarches de sensibilisation, en organisant des formations ou des ateliers. Pour s’engager dans une démarche d’amélioration continue, il faut que tout le monde puisse y prendre part, que ces enjeux soient compris et guident des décisions prises à tous les niveaux.
Dans quelle mesure, pour un groupe comme Post, un engagement RSE fort est-il porteur d’opportunités ? Plus que des opportunités, la démarche constitue déjà aujourd’hui un prérequis à la signature de certains contrats importants. La plupart des acteurs sont appelés à s’inscrire dans cette dynamique. Nos grands clients exigent de nous que nous puissions leur démontrer les efforts que nous mettons en œuvre pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux. Cela fait partie des cahiers des charges que nous recevons. Ne pas soutenir cette transition, en s’alignant sur ces grands défis avec l’ensemble des parties prenantes, c’est risquer de se retrouver exclu du marché. Vis-à-vis des collaborateurs, l’entreprise qui ne s’engage pas dans cette voie aura de plus en plus de mal à recruter.
Ces nouvelles contraintes, en outre, peuvent être porteuses de nouvelles opportunités. Comment cela ?
La transformation que nous devons opérer nous oblige à sortir de notre zone de confort, à repenser nos processus, notre offre, notre modèle. La contrainte, en l’occurrence, nourrit la créativité. Avec nos collaborateurs, avec nos partenaires, il nous faut trouver des solutions, des moyens de répondre à nos objectifs autrement. Réaliser des économies d’énergie contribue au défi climatique, mais aussi à réduire les coûts opérationnels. Soutenir la transformation numérique responsable, par ailleurs, implique de repenser nos modèles. Cela se traduit par exemple dans la récupération des équipements électroniques, comme les smartphones ou les décodeurs, afin de les reconditionner ou de leur donner une deuxième vie en les confiant à des associations qui œuvrent pour l’inclusion numérique. Autre exemple, Post est devenu le premier opérateur télécom européen à avoir obtenu d’Apple l’autorisation de réparer les iPhone en interne. Réparer plutôt que remplacer contribue à réduire les déchets. Nos techniciens, qui ont été formés pour servir efficacement nos clients confrontés à des problèmes liés au smartphone, sont particulièrement fiers de s’inscrire dans cette démarche.
Vous êtes aussi un acteur majeur du numérique. Comment la technologie peut soutenir une approche plus durable ?
C’est aussi une autre grande opportunité liée à cette transition. Notre expertise technologique, autour de la collecte et de la valorisation des données ou encore en matière de cybersécurité, nous permet d’innover afin de répondre plus efficacement à nos besoins ainsi qu’à ceux de nos clients. La dynamique d’innovation, dans un contexte de transition, contribue à optimiser l’utilisation de l’énergie. Elle intègre aussi des enjeux éthiques, liés à une utilisation responsable de la donnée ou à la sécurisation des échanges.
SOUTENIR
LA DIVERSITÉE
Post est signataire, depuis 2012, de la Charte de la diversité Lëtzebuerg, texte d’engagement national en faveur de la promotion et de la gestion de la diversité au sein des organisations signataires par des actions concrètes allant au-delà des obligations légales. Pour Post, la diversité est un levier-clé dans l’accomplissement de ses objectifs de développement durable. Elle est source de richesse et contribue à une meilleure compréhension des défis à venir. Bien que des progrès restent à réaliser, notamment en termes de représentation des femmes aux postes à responsabilité, Post cherche à améliorer la diversité et la représentation de toutes les catégories de la population au sein de ses équipes, à tous les niveaux.
ESG JUILLET 2024 13
La transition énergétique est en marche
Afin de répondre aux enjeux climatiques, et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, il nous faut changer notre rapport à l’énergie. Investir dans l’efficacité énergétique doit nous permettre de réduire nos besoins. Pour relever ce défi, toutes les parties prenantes, particuliers, entreprises, autorités, doivent être mobilisées.
Le premier et le plus important des défis à relever pour atteindre les objectifs fixés à la suite de l’accord de Paris et inscrire le développement économique dans une approche durable réside dans la transition énergétique qu’il nous faut opérer. « Il est aujourd’hui indispensable de décarboner nos sociétés. À l’heure actuelle, nous sommes encore extrêmement dépendants des énergies fossiles, qu’il s’agisse du gaz ou du pétrole », commente Fenn Faber, directeur du groupement d’intérêt économique Klima-Agence, dont la mission est de soutenir tous les acteurs de la société, les particuliers, les communes comme les entreprises, dans leur engagement pour la protection du climat et la transition énergétique. Et d’ajouter : « Chacun doit prendre part à l’engagement pris par le Luxembourg pour atteindre des objectifs nationaux ambitieux en matière de réduc tion des émissions de gaz à effet de serre, d’énergies renouvelables et d’efficacité éner gétique à l’horizon 2030. »
Ces objectifs sont aujourd’hui repris dans le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat du Luxembourg pour la période 2021-2030 (PNEC). Alignés avec les prescrits de l’Union européenne, ils
« Au regard des échéances, tout ce qui contribue à augmenter le volume de projets et à accélérer la transition doit être vu de manière positive. »
visent, d’ici 2030, à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005 et atteindre de 35 à 37 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale. Il s’agit aussi d’améliorer de 44 % l’efficacité énergétique. « Car, si l’on veut atteindre ces objectifs, le premier enjeu est de réduire nos besoins en énergie. Cela passe principalement par l’amélioration de l’efficience énergétique des bâtiments. À l’échelle des entreprises, notamment celles qui ont des besoins conséquents, il faut aussi explorer tous les leviers qui permettent d’optimiser leur consommation », précise Fenn Faber. Les objectifs définis par le PNEC, à l’horizon 2030, constituent un premier jalon. L’ambition, finalement, est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 au plus tard.
Rénover le parc immobilier
Pour les particuliers, il s’agit en premier lieu de renforcer l’efficience énergétique de son logement, en investissant dans l’isolation. Dans cette optique, le gouvernement a mis en place un régime d’aides, appelé Klimabonus, afin d’inciter les propriétaires ou locataires à mener à bien des projets de rénovation énergétique. « Nous
Horizon 2050
Photo Matic Zorman (archives)
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
14 ESG JUILLET 2024
sommes là pour les conseiller, leur expliquer les opportunités de mener à bien des travaux de rénovation, qu’il s’agisse de renforcer l’isolation ou encore de changer le système de chauffage. Au départ d’une évaluation de la situation de chacun, on peut identifier les possibilités existantes pour améliorer l’efficience énergétique d’un immeuble ou d’une habitation, prioriser les projets et accompagner les bénéficiaires au fil des diverses étapes de la mise en œuvre », poursuit Fenn Faber. Il est important de préciser que l’accès aux aides est conditionné à un ensemble d’exigences, et notamment à des critères de qualité, de façon à garantir la pertinence et l’efficience des investissements réalisés.
Consommer autrement
Les aides proposées par l’État s’étendent aussi à l’installation d’unités de production ou de stockage d’énergie renouvelable (comme des panneaux photovoltaïques ou des batteries) à l’échelle d’une habitation. « De manière générale, pour couvrir les besoins en énergie résiduels, une fois optimisé, l’enjeu est de soutenir la part de renouvelable dans la consommation finale. Les particuliers comme les entreprises, en s’inscrivant dans une logique d’autoconsommation, peuvent réduire leur dépendance à l’approvisionnement énergétique extérieur », explique encore le directeur de Klima-Agence. Au Luxembourg, l’autre grand enjeu de la transition énergétique concerne les déplacements. En la matière, le gouvernement a souhaité inciter les particuliers à privilégier la mobilité douce ou à adopter une voiture électrique. À ce niveau aussi, pour les particuliers, des aides attrayantes sont octroyées par l’État pour l’acquisition d’un vélo, d’un vélo électrique ou encore d’une voiture électrique. Pour les professionnels, un cofinancement au niveau de l’infrastructure de charge ainsi que des camionnettes peut également être sollicité.
Accélérer le changement
Si ces mesures visent avant tout à contribuer au défi climatique, la crise énergétique intervenue après l’invasion de l’Ukraine a agi comme un catalyseur.
« Nous avons en effet constaté une hausse plus importante des demandes en conseil auprès de nos équipes depuis le début de
Une économie encore fortement carbonée
Les produits pétroliers et le gaz naturel sont les deux principales sources d’énergies fossiles consommées en 2022. Les énergies renouvelables (regroupant les déchets, les biogaz, les biocarburants et les produits dérivés du bois) couvrent 5 % des besoins en énergie du pays. La consommation énergétique finale s’élevait à 156 PJ, soit la consommation finale la plus basse de ces 20 dernières années.
Source Statec
Biogaz, biocarburants, déchets, bois 5 %
Charbon 1 %
Produits pétroliers 62%
Gaz naturel 14 %
Chaleur 4 %
Électricité 14 %
l’année 2022. Les profils qui sont venus à notre rencontre sont aujourd’hui plus diversifiés. Ce ne sont plus uniquement des personnes déjà convaincues de l’importance de chercher des leviers d’efficience énergétique. Nous voyons de plus en plus de personnes qui s’informent et s’interrogent sur l’opportunité d’investir dans une installation photovoltaïque ou une pompe à chaleur, par exemple », explique le directeur de Klima-Agence. Entre 2019 et 2022, le nombre de conseils apportés par Klima-Agence à domicile ou à distance a doublé, passant de 6.000 à plus de 12.000. « La crise énergétique, en définitive, soutient l’engagement du pays en faveur de la transition énergétique. Au regard des échéances, tout ce qui contribue à augmenter le volume de projets et à accélérer la transition doit être vu de manière positive », enchaîne Fenn Faber. Afin de soutenir le changement, Klima-Agence veille aussi à faciliter l’accès aux aides, celles proposées par l’État, mais aussi celles mises en place par les communes. Ces
dernières sont elles aussi très engagées dans le soutien à cette transition. Par exemple, sur le site aides.klima-agence.lu, chaque résident peut lancer une simulation relative à son projet et avoir une idée de l’ensemble des aides auxquelles il peut prétendre, qu’elles soient étatiques, communales ou proposées par les fournisseurs d’énergie. Le montant de l’intervention de l’État dépend de la nature du projet réalisé ou encore des revenus du ménage. Cette aide n’est pas négligeable et représente, dans beaucoup de cas, 50 % des coûts effectifs du projet, et parfois plus. Ces diverses initiatives, dès lors, ont rencontré leur public. À l’été 2023, le gouvernement annonçait que, depuis le lancement des aides financières pour l’achat d’un vélo électrique en mai 2020, près de 51.000 demandes avaient été liquidées, ce qui correspond à un montant de 22 millions d’euros. Pour tous ces régimes confondus (rénovation, logement et mobilité), 405.058.658 € de subsides ont été liquidés depuis 2013 (chiffres de juillet 2023).
ESG JUILLET 2024 15
Faciliter le financement du reste à charge
Ces projets d’investissement, bien que les incitants financiers soient relativement généreux, peuvent être considérés comme coûteux par une grande partie de la population. Le reste à charge, en effet, peut exiger de recourir à des solutions de financement traditionnelles, auprès des banques. À ce niveau, un autre mécanisme, mis en œuvre à l’échelle européenne, devrait jouer pleinement son rôle. « En tant qu’entreprises, les acteurs financiers sont appelés à rendre compte de leurs engagements sur les sujets environnementaux et sociaux et à se doter d’un plan de transition, détaille Nicoletta Centofanti, CEO de Luxembourg Sustainable Finance Initiative. À l’échelle d’une banque, cette contribution à la transition passe notamment par l’octroi de financements soutenant prioritairement des projets durables, auxquels on va pouvoir associer des impacts positifs pour l’environnement ou la société. » Dans ce contexte, les projets de transition énergétique, qui répondent aux critères définis au niveau de la taxonomie européenne, bénéficient de conditions d’octroi de financement plus favorables. Cela vaut pour les particuliers comme pour les entreprises, dans la mesure où celles-ci peuvent rendre compte des gains d’énergie réalisés. Pour les particuliers, si l’on considère l’intervention publique, les économies en énergie que permet le projet envisagé, ou encore la possibilité de bénéficier d’une subvention d’intérêts sur le prêt bancaire, l’investissement est, souvent, très rapidement amorti.
Mobiliser les acteurs économiques
Et qu’en est-il au niveau des entreprises ? Au Luxembourg, les industries représentent environ 30 % de la consommation totale d’énergie (selon le bilan énergétique 2015 établi par le Statec). Ces acteurs, grands consommateurs, sont toutefois sensibles à la gestion de leurs paramètres énergétiques. Bien les appréhender relève de la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis des enjeux énergétiques. La transition, par ailleurs, doit aussi rendre les acteurs moins dépendants des fluctuations des prix sur les marchés de l’énergie et constitue un levier d’amélioration de la compétitivité.
À QUOI CARBURE LE LUXEMBOURG ?
Au Luxembourg, précise le Statec dans une note publiée à la fin de l’année 2023, l’électricité couvre 48 % des besoins énergétiques des industries (chiffres 2022). Cette part a augmenté de 9 % en 20 ans. Par contre, l’électricité ne représente que 17 % des besoins des ménages, en croissance de 4 % au cours des 20 dernières années. Dans le secteur tertiaire, l’électricité couvre 35 % de leurs besoins, en recul de 1 % par à rapport à l’année 2002.
Les produits pétroliers sont majoritairement utilisés pour le transport et le chauffage résidentiel. Le gaz naturel est principalement consommé par les industries et les ménages. Le Luxembourg étant dépendant à 88 % de l’étranger pour son approvisionnement énergétique, les hausses des prix sur les marchés internationaux ont conduit les entreprises et les ménages à limiter leur consommation en gaz naturel et en mazout de chauffage. En 2022, dans ce contexte de crise énergétique, les industries et le secteur tertiaire ont réduit respectivement de 29 % et de 26 % leur consommation de gaz naturel. Les ménages ont également diminué leur consommation de gaz naturel de 11 %. Les ménages qui en avaient la possibilité ont aussi changé de sources d’énergie. La consommation de bois de chauffage et de pellets a augmenté de 53 %.
Depuis 1996, la Fedil propose aux entreprises dont la consommation énergétique est importante de participer de leur plein gré à l’« Accord volontaire entre le Gouvernement luxembourgeois, Klima-Agence GIE et la Fedil relatif à l’amélioration de l’efficacité énergétique et la décarbonation dans l’industrie luxembourgeoise ». Actuellement, cet accord enregistre la participation d’environ 50 entreprises grandes consommatrices d’énergie issues des secteurs industriel et tertiaire du Luxembourg. Pour la période 2021-2023, les entreprises adhérant à l’accord volontaire s’étaient engagées à atteindre l’objectif commun qui consiste en l’amélioration de 4,5 % de l’efficacité énergétique globale de l’ensemble des participants. Les initiatives pour soutenir la transition énergétique des entreprises ne s’arrêtent pas là. « Klimapakt fir Betriber, que Klima-Agence met en œuvre avec Luxinnovation, vise à accompagner les entreprises dans leurs efforts de réduction de leur empreinte carbone et de transition vers les énergies renouvelables, commente Fenn Faber. La volonté du gouvernement, à travers ce programme, est de faciliter l’accès à un ensemble de ressources devant permettre à chaque structure, qu’il s’agisse d’une PME ou d’un plus grand compte, de s’engager dans une démarche de transition. » Afin de répondre aux contraintes de nombreuses structures, qui n’ont pas la possibilité de dédier du personnel à ces questions, le SME Packages – Sustainability, porté par le ministère de l’Économie (DG Classes moyennes) et mis en œuvre par les chambres professionnelles, propose aux entreprises de bénéficier d’un accompagnement individuel dans l’identification de solutions concrètes pour réduire leur impact environnemental, leurs déchets et générer des économies via une réduction de leurs consommations d’énergie ou d’eau. Luxinnovation, pour sa part, accompagne les entreprises intéressées via le programme « Fit 4 Sustainability » dans la réalisation d’un bilan de l’impact environnemental de leurs activités. D’abord dans la phase diagnostic par une préanalyse des besoins et une mise en relation avec un consultant approprié, ensuite dans la phase de l’implémentation des recommandations retenues en proposant les programmes de soutien financier adaptés.
Horizon 2050
16 ESG JUILLET 2024
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Le déchet, une ressource qui s’ignore
Dans un monde où les matières premières se font rares (et chères), les déchets deviennent une ressource de plus en plus intéressante à exploiter. Leur gestion et revalorisation est un défi majeur au cœur de la transition vers une économie plus durable.
Les déchets... que faire de ces objets ou matériaux considérés comme n’ayant plus de valeur à nos yeux ? S’en débarrasser ? Encore faut-il trouver comment les évacuer et où les stocker. Les détruire ? À condition d’opter pour un procédé d’élimination qui ne nuise pas à l’environnement ou qui ne représente pas un danger pour la santé humaine. Ces préoccupations ont grandi avec la prise de conscience que, au cœur de cette ère industrielle marquée par une consommation soutenue, c’est finalement l’Homme qui risquait un jour de se retrouver enfoui sous les encombrants si rien n’était fait.
« Jusque dans les années 2000, on avait tendance à déverser l’ensemble des déchets au sein de décharges. Ce n’est qu’à ce tournant que l’on a vu les filières de recyclage se développer en Europe, certains pays étant plus avancés que d’autres en la matière », explique le manager du Cluster Cleantech au sein de Luxinnovation, Charles-Albert Florentin. Il y a, derrière cette problématique de gestion des déchets et de leur recyclage, des défis à la fois techniques, organisationnels et comportementaux qu’il faut pouvoir bien appréhender.
« C’est au travers du développement de filières de recyclage et de réemploi que doit s’opérer la gestion des produits et déchets résiduels »
Minimiser la production de déchets Au Luxembourg, la gestion des déchets est encadrée par un texte législatif adopté en 2012, qui fait actuellement l’objet d’une procédure de mise à jour. Le pays s’est aussi doté d’un plan national de gestion des déchets et des ressources dont les mesures visent « la protection de l’environnement, de biens culturels et de la santé humaine par la prévention et la réduction des effets nocifs dus aux déchets ». Avec cet outil, le gouvernement fixe des objectifs à long terme, notamment en ce qui concerne la conservation des ressources, la protection du climat ainsi que les incidences pour les générations futures. Ce plan, lit-on sur le Portail de l’environnement du Grand-Duché, entend « instaurer la transition vers une économie circulaire, suivant les principes d’une consommation responsable des ressources naturelles » et optimiser la durée du cycle de vie d’une matière par un réemploi, une réutilisation ou un recyclage des déchets ».
CHARLES-ALBERT FLORENTIN Manager du Cluster Cleantech Luxinnovation
Le premier enjeu d’une bonne gestion des déchets vise justement à en minimiser la production. Dans cette optique, il y a lieu de sensibiliser à grande échelle l’ensemble
Gestion
Photo Luxinnovation
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
18 ESG JUILLET 2024
Déchets ménagers
résiduels (kg/personne/ année)
Source Manner offall zu Lëtzebuerg : aktuell zuelen a perspektiven 2023
Chaque résident luxembourgeois a produit 163,2 kg de déchets ménagers résiduels en moyenne en 2021 – environ 30 kg de moins qu’en 2018. Parmi les 103.600 tonnes de déchets ménagers résiduels, on trouve encore et toujours 50 % de ressources valorisables.
des acteurs de la société, du particulier à l’entreprise, à la faveur d’une consommation plus responsable, d’une limitation du gaspillage. Pour chaque besoin, on peut chercher à minimiser la production de déchets. D’importants efforts ont été réalisés afin d’éviter le suremballage ou encore l’utilisation de plastique à usage unique.
Mieux trier pour bien recycler « C’est au travers du développement de filières de recyclage et de réemploi que doit s’opérer la gestion des produits et déchets résiduels, poursuit Charles-Albert Florentin. Soutenir le réemploi ou le recyclage des déchets, toutefois, implique de pouvoir appréhender des produits sur l’ensemble de leur cycle de vie, idéalement dès la conception. »
Aujourd’hui, le recyclage au Luxembourg s’opère essentiellement via des centres spécialisés dans lesquels les déchets sont récupérés, triés et massifiés afin d’être envoyés vers des unités de traitement à l’extérieur du pays. « L’amélioration de la gestion des déchets, à l’avenir, passera par une plus grande sensibilisation au tri en amont et par l’utilisation de nouvelles technologies telles que la reconnaissance automatique des déchets et la robotisation pilotée par l’IA. Ces technologies sont déjà utilisées en Europe notamment pour la gestion de déchets de chantiers », assure le manager du Cluster Cleantech. L’enjeu, finalement, est de
parvenir à maintenir des produits et des matières le plus longtemps possible dans le circuit économique et d’atteindre ainsi un niveau élevé de rendement des ressources naturelles.
Sécuriser les ressources
L’enjeu n’est pas seulement écologique. « Le recyclage et la volonté de s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire, faisant des déchets une ressource, répondent à un besoin de sécuriser l’approvisionnement en matière première. On constate, déjà aujourd’hui, que certaines entreprises intègrent leur propre unité de recyclage au sein de leurs infrastructures. De cette manière, elles peuvent gagner en autonomie vis-à-vis de leur approvisionnement », explique Charles-Albert Florentin.
À l’avenir, considérant par exemple le coût environnemental de l’extraction des minerais ou de la production de plastique. La compétition visant à sécuriser des gisements devrait s’intensifier. « Dans ce contexte, le déchet devrait se positionner comme une ressource de plus en plus attractive. Les acteurs économiques ont tout intérêt à imaginer leur futur dans une approche circulaire, en récupérant les produits qui ne sont plus utilisés pour les recycler et permettre la production de nouveaux produits. »
Faire du déchet une ressource est un enjeu majeur autant qu’une opportunité. En février dernier, lors d’une prise de
position, le Mouvement Écologique a présenté des propositions concrètes pour la mise en œuvre d’une disposition centrale de la nouvelle loi sur les déchets visant à faire des centres de recyclages des centres de ressources. « Ces centres doivent être le pivot d’une nouvelle politique de gestion des déchets. Le grand objectif est de réutiliser au lieu de simplement ‘recycler’ ! », lit-on au cœur de cette prise de position.
Encourager la réparation et la réutilisation
Actuellement, l’État a élaboré un projet de règlement grand-ducal qui doit fixer les règles pour ces centres de ressources. Un projet qui, selon le Mouvement Écologique, présente toutefois des lacunes importantes. « Il manque encore une stratégie globale pour régler les aspects essentiels, précise-t-il. Comment les différents acteurs (syndicats de déchets, communes, économie sociale et solidaire) doivent-ils collaborer ? Quels critères de base les centres doivent-ils remplir si des priorités régionales sont fixées (par exemple, qu’un centre investisse davantage dans la valorisation des meubles, un autre dans les vêtements, etc.) afin que différents centres puissent proposer des offres différentes ? »
Le Mouvement Écologique prône l’instauration de conditions-cadres concrètes pour tous les centres de ressources afin de garantir la qualité des services à l’échelle
0 kg 2013 2018 2021 50 kg 100 kg 150 kg 200 kg 250 kg 163 kg 194 kg 223 kg ESG JUILLET 2024 19
nationale. « Celles-ci devraient encourager la réparation, la réutilisation et le partage, et contenir des directives claires en matière d’organisation, de sensibilisation et de suivi. Il existe, à cet égard, des possibilités de créer des synergies avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire en mettant en place des points de collecte d’objets réutilisés dans les centres. Il est également important de former le personnel et de proposer des formations au public », lit-on encore dans cette prise de position. Réduire la production de déchets passe aussi par la prolongation de la durée de vie des équipements via la réparation, le reconditionnement et le réemploi. Il s’agit, à travers une telle démarche, de favoriser la mise en œuvre de nouvelles dynamiques et d’inviter chaque acteur à appréhender ses déchets / ressources autrement. « Dans certains secteurs, comme celui de la construction, la gestion des déchets est un enjeu important. Autour du réemploi et du recyclage, beaucoup de choses doivent encore être explorées au service d’une meilleure utilisation des ressources, explique Charles-Albert Florentin. On peut évoquer les challenges liés au recyclage du béton, au réemploi des produits et matériaux issus de la déconstruction sélective, ou encore à la réutilisation des eaux grises. Ce sont des sujets qui font l’objet de nombreuses discussions, notamment lorsque l’on évoque la mise en œuvre de projets d’écoquartiers ou de revalorisation des friches comme il y en a dans le sud du pays. »
Nouvelles filières, nouveaux modèles
De nouvelles filières complètes et intégrées, à l’échelle européenne, doivent se créer, pour recycler et revaloriser les déchets et, in fine, créer de nouveaux gisements de ressources. Dans ce contexte, le gouvernement précédent a doté le pays, dès 2021, d’une stratégie pour une économie circulaire. Elle vise à promouvoir et mettre en œuvre une circularité qui soit « créatrice d’effets positifs », « indispensable à l’augmentation de l’efficacité globale et à la réduction de l’empreinte écologique » et qui « soutient nos efforts pour la protection du climat ». « En tant que source d’innovations, l’économie circulaire contribue à diversifier davantage l’économie luxembourgeoise et à créer de nouvelles chaînes de valeur dans la Grande Région »,
RÉDUIRE LES DÉCHETS DE MANIÈRE
DRASTIQUE
Avec sa stratégie Null Offall
Lëtzebuerg, le Luxembourg s’est fixé comme objectif de réduire de manière drastique ses déchets et d’entreprendre une gestion plus responsable et plus durable de ses ressources tout en s’appuyant sur les principes de l’économie circulaire. Le meilleur déchet, en effet, est celui que l’on ne produit pas. Cependant, face à notre modèle économique actuel, la mise en pratique d’une telle approche reste un défi majeur. Null Offall Lëtzebuerg se présente dès lors comme une feuille de route, pierre angulaire dans ce processus dont la prévention des déchets est un des piliers centraux. Elle s’articule autour de quatre thématiques : mieux protéger et utiliser notre sol, nos forêts et nos plans d’eaux ; faire un meilleur usage de nos affaires ; emballer judicieusement nos produits ; et construire et déconstruire correctement nos bâtiments. Une de ces thématiques vise notamment à lutter contre gaspillage alimentaire. Chaque année, des milliers de tonnes d’aliments partent à la poubelle, alors que presque la moitié des pertes pourrait être évitée.
précisent les auteurs de cette stratégie. Des choix importants devront être réalisés à l’avenir en la matière, au niveau national, mais aussi à l’échelle européenne. « Il sera sans doute plus intéressant et plus simple de développer des filières suivant une approche circulaire que de lancer de nouveaux projets d’extraction en Europe afin de répondre aux besoins de nos économies », commente le manager du Cluster Cleantech.
Au-delà de la création et de l’entretien de nouveaux gisements de ressources générés au départ des déchets, il y a aussi lieu de repenser les modèles économiques dans leur ensemble. L’approche linéaire, sur laquelle se fonde la croissance actuelle, atteint ses limites. Comment soutenir la création de valeur au-delà du triptyque « acheter-consommer-jeter » ? « Alors que la tendance est actuellement à la démondialisation, il y a lieu d’envisager l’avenir autrement. Le développement de chaîne de valeur à l’échelle globale visait avant tout à optimiser les coûts. Le mouvement inverse soulève d’autres défis. À l’avenir, les consommateurs seront amenés à payer des biens plus chers, parce que produits en Europe avec en contrepartie, souhaitons-le, une plus grande durabilité », explique Charles-Albert Florentin. Ces transformations devraient mettre fin à l’ère de l’obsolescence programmée, qui visait avant tout à soutenir la croissance. La création de valeur, à l’avenir, s’opérera sous d’autres formes… que les acteurs du marché ne manqueront pas de définir.
Gestion
20 ESG JUILLET 2024
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L’économie circulaire mise en pratique
De nombreuses entreprises et institutions luxembourgeoises se sont engagées dans une démarche d’économie circulaire, comme en témoignent ces quelques exemples.
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
1
Reconditionner les téléphones mobiles Le coût environnemental d’un smartphone est loin d’être négligeable. La fabrication de ces concentrés de technologie implique notamment de recourir à des matières premières, dont l’extraction est fortement émettrice de gaz à effet de serre. Pour minimiser ces impacts, les principaux enjeux sont de prolonger la vie de ces appareils, de promouvoir le reconditionnement permettant de remettre certains appareils sur le marché ou encore de soutenir le réemploi. Les opérateurs ont bien compris cet enjeu, encourageant notamment la réparation plutôt que le remplacement, et incitant leurs clients à restituer leurs anciens smartphones en vue de les reconditionner ou de leur offrir une seconde vie, entre autres via des associations soutenant l’inclusion numérique.
2Robin et sa peinture circulaire Engagée dans la production de peintures respectueuses de l’environnement, Peintures Robin a développé la gamme Robin Loop. Conçue à un moment où l’entreprise faisant face à une pénurie de matières premières. Elle a alors cherché d’autres sources d’approvisionnement… dans de la peinture inutilisée et récupérée auprès des centres de tri Super–DrecksKëscht. Parmi la quantité de peinture « jetée » (environ 1.000 tonnes par an), un tri est effectué pour identifier la part qui peut être revalorisée : il faut qu’elle soit blanche, sans danger, à l’eau et qu’elle soit, bien sûr, encore applicable. La peinture est ensuite rééquilibrée. Le laboratoire effectue un nouveau contrôle après transformation pour s’assurer qu’elle soit conforme aux critères de qualité d’une peinture Robin pour l’intérieur blanc mat. Puis est mise en pots et vendue.
Cradle-to-cradle
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3
Re:USE, la plateforme de réemploi de la construction
Re:USE permet de visiter virtuellement un bâtiment voué à la déconstruction et d’y réserver des objets – cloisons, menuiseries, meubles… – qui pourront être réutilisés dans un projet ultérieur. Mise en œuvre par BIM-Y, en collaboration avec le List, Schroeder & Associés et le Fonds de compensation. La plateforme permet aussi de gérer la temporalité qui existe entre la déconstruction de l’ancien bâtiment et la construction du futur projet, évitant à l’utilisateur de déplacer l’objet et de le stocker en attendant de pouvoir l’utiliser. Le List propose aussi d’effectuer un calcul de la réduction de l’empreinte carbone réalisée grâce au réemploi. Schroeder & Associés apporte son expertise d’ingénieurs et son statut d’organisme agréé nécessaire à la réalisation de l’inventaire.
5De balles de tennis en revêtement de sol Depuis 2022, la Commune de Mamer participe à l’opération Action Balles de Tennis, lancée par SuperDrecksKëscht en coopération avec la Fédération luxembourgeoise de tennis. Cette action vise à collecter et à recycler les balles de tennis provenant du Tennis Club Capellen. Les balles sont composées à 82 % de caoutchouc. On estime que 11 tonnes sont utilisées chaque année au Luxembourg. Sachant qu’il faut environ 2.500 ans pour qu’une balle de tennis se dégrade et que, une fois usagées, elles se retrouvent parmi les déchets ménagers. L’enjeu est de collecter les balles pour les transformer… en sols sportifs. En 2022, 570 kg de balles de tennis ont ainsi été recyclés sur le site du TC Capellen, ce qui correspond à plus ou moins 12.000 balles. Cette quantité permet de produire 250.000 kg de granulats et de réaliser finalement un terrain de 25 m2
4Recycler les batteries grâce à Circu Li-ion Circu Li-ion s’est engagée à upcycler trois milliards de batteries d’ici 2035, tout en réduisant leur impact environnemental. Cette start-up, qui a levé 8,5 millions d’euros à l’automne dernier, développe une technologie qui s’appuie notamment sur l’IA visant à optimiser le processus de recyclage des batteries. En particulier, il s’agit de parvenir à décomposer les batteries usagées pour en extraire les différents composants et offrir à ces derniers une seconde vie. L’entité est aussi occupée à développer la plus grande bibliothèque de données sur le recyclage des batteries au monde. Elle entend nouer des collaborations avec les fabricants de véhicules électriques et les recycleurs. Jusqu’à 90 % des cellules contenues dans une batterie peuvent être réemployées.
6De la moquette neuve avec du vieux
Composil est un acteur spécialisé dans le conseil d’achat et l’entretien de moquette de bureau. Elle met en œuvre une méthodologie de nettoyage et un programme d’entretien associé qui permettent de doubler la durée de vie du matériau. Cette société s’occupe de l’entretien de plus de 2,5 millions de mètres carrés de moquette en Belgique, au Luxembourg et en France. Elle a aussi lancé la première filière de réemploi et de recyclage de dalles de moquette de bureau. Le groupe a pour cela créé tout un écosystème qui intègre, les fabricants, les poseurs, les recycleurs et les équipes de récupération œuvrant à la récupération des dalles, à la réutilisation de celles qui sont encore en état et à leur recyclage par un fabricant. La production de 1m2 de dalles de moquette consomme 5 kg de pétrole raffiné. La solution permet de rapidement éviter des milliers de tonnes de CO2
BÂTIR UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Quels sont, selon la plateforme LetsGOCircular, les grands principes du modèle circulaire ?
CRÉER, CONSERVER, RÉCUPÉRER LA VALEUR
Pour les entreprises, s’inscrire dans une approche circulaire implique de créer de la valeur et de la conserver, pour ensuite la récupérer. Il s’agit de créer des produits de qualité, conçus pour durer, mais aussi pour être démontés, et dont les matériaux / composants peuvent être renvoyés dans le cycle. 80 % de l’impact environnemental d’un produit est déterminé au stade de sa conception. Il est essentiel de bien faire les choses dès le départ. Une fois le produit en service, il convient de conserver cette valeur par le biais de la réparation et de l’entretien. Il s’agit, enfin, de récupérer la valeur par la réutilisation, le reconditionnement et/ou le recyclage, et ce, idéalement, pour ne jamais la perdre complètement.
DÉVELOPPER DES APPROCHES GLOBALES
Il faut pouvoir adopter une approche globale de la gestion des produits, des composants et des matériaux, du stade de l’idée à celui du résultat final tangible, ce qui inclut un élément humain si l’on considère l’usage qu’il fait du produit.
DE NOUVEAUX MODÈLES COMMERCIAUX
Les acteurs seront amenés à développer de nouveaux modèles commerciaux, qui favorisent notamment le partage plus que la propriété personnelle. Le partage d’un véhicule, en lieu et place de la possession d’une voiture, constitue un exemple classique de produit unique à même de répondre aux besoins de nombreuses personnes.
ESG JUILLET 2024 23
« La technologie, levier de réduction de nos impacts »
Au service de la transition vers une société plus durable, la technologie jouera un rôle essentiel, à condition d’en faire bon usage.
Pour les équipes de recherche du List, comme nous l’explique Lucien Hoffmann, directeur scientifique du centre de recherche, il s’agit d’apporter des solutions concrètes.
Portrait EVA KRINS Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
24 ESG JUILLET 2024 Conversation Lucien Hoffmann
Pour Lucien Hoffmann, la recherche en solutions technologiques doit s’articuler autour de trois thématiquesclés : le recyclage des déchets et la réutilisation des ressources, le traitement des eaux usées et le développement des énergies renouvelables.
Pour un chercheur comme vous, ou pour un centre de recherche technologique comme le List, comment les défis liés à la transition vers une économie ou une société sont-ils pris en compte ?
Ils sont confrontées sont nombreux et impliquent de repenser les modèles de développement, d’aller chercher des gains de performance, pour faire mieux avec moins de ressources. Il est aussi nécessaire d’adapter nos comportements, nos habitudes. L’enjeu est crucial. Pour le monde de la recherche, ces défis constituent des drivers importants. Ils forment un champ d’exploration et d’opportunité, a fortiori au niveau d’un centre de recherche technologique comme le Luxembourg institute of science and technology (List). Nos projets ne relèvent pas de la recherche fondamentale, comme cela peut être le cas à l’Université. Notre mission est de mener des projets de recherche appliquée, d’apporter des solutions à des problématiques concrètes et de concevoir des outils directement déployables. Le résultat de notre travail doit pouvoir être facilement transféré au sein de la société et des entreprises désireuses d’adapter leurs modèles, d’améliorer leur performance, de réduire l’impact environnemental de leurs activités. Dès lors, nos projets de recherche, pour la grande majorité, sont alignés sur ces grands défis sociétaux et environnementaux.
On sait que la transition à mener est complexe. Quel rôle jouera la technologie pour relever ces défis ?
La technologie jouera un rôle important, bien qu’elle ne constitue pas l’unique réponse aux enjeux actuels et à venir. Autrement dit, nous ne résoudrons pas tout avec la technologie. Il est nécessaire d’adapter nos comportements et, pour cela, de considérer l’ensemble des dimensions de la gestion du changement. De nombreuses technologies vertes, qui contribuent à une utilisation plus rationnelle des ressources ou à l’amélioration de l’efficience énergétique de nos processus, sont aujourd’hui disponibles. Cependant, tant qu’elles ne sont pas mises en œuvre, leur impact positif est nul. L’adoption de l’électromobilité illustre bien cet enjeu. Ce n’est pas le tout d’avoir des voitures électriques. Il faut convaincre les utilisateurs de l’intérêt de les utiliser. La
Conversation Lucien Hoffmann
nécessité d’opérer des changements de comportement est cruciale pour l’adoption des nouvelles technologies, mais pas uniquement. Par exemple, nous savons tous que nous devrions manger moins de viande. Or, la consommation d’aliments d’origine animale reste toujours importante.
Cela résonne avec le discours porté par Bertrand Piccard qui, au travers de la Fondation Solar Impulse, cherche à promouvoir l’adoption des technologies vertes aujourd’hui disponibles, fiables et rentables. Pour lui, si l’on s’en tient au changement climatique, l’adoption de la technologie au service de l’efficience doit nous permettre de parcourir la moitié du chemin… C’est une hypothèse que vous partagez ? Oui. D’ailleurs, nous mettons les ressources du List à la disposition de sa fondation, avec laquelle nous collaborons. Dans le cadre de l’appel visant à identifier 1.000 solutions technologiques propres et profitables, nos équipes ont mené des projets d’analyse de l’impact environnemental des solutions soumises à la fondation sur l’ensemble de leur cycle de vie afin de les valider.
À vos yeux, quelles sont les technologies-clés pour soutenir la transition ? Je pense que la recherche en solutions technologiques doit s’articuler autour de trois thématiques-clés : le recyclage des déchets et la réutilisation des ressources, le traitement des eaux usées et, enfin, tout ce qui touche au développement des énergies renouvelables. À travers ces enjeux, on touche à l’enjeu climatique, avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en explorant les moyens de minimiser les sources de pollution et de mieux utiliser les ressources. Un autre sujet prometteur a trait à la production d’hydrogène propre.
On parle effectivement beaucoup des technologies liées au développement de l’hydrogène vert comme des solutions d’avenir, bien que les défis en la matière soient encore importants. Quelles sont, à vos yeux, les applications les plus pertinentes qui pourraient en découler ?
L’hydrogène peut jouer un rôle très important dans la réalisation de l’objectif de
« L’hydrogène aura un rôle à jouer en tant que levier de stockage de l’énergie, facilitant le dévelop–pement du renouvelable.»
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L’EUROPE, À LA POINTE DE L’INNOVATION DURABLE
En matière de développement de technologies propres et durables, l’Union européenne n’a rien à envier au reste du monde. Selon la dernière étude conjointe de la Banque européenne d’investissement et de l’Office européen des brevets, à l’échelle mondiale, « plus de 22 % des technologies propres et durables – aussi appelées ‘cleantech’ en anglais – qui sont mises au point le sont justement sur le Vieux Continent ». Le marché unique de l’UE est un catalyseur essentiel pour le déploiement de technologies propres et durables. L’Union européenne (UE), via son Green Deal, ambitionne de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030. La réalisation de cet objectif dépend de l’adoption rapide d’innovations dans les technologies propres.
neutralité à l’horizon 2050 que nous poursuivons dans l’Union européenne. L’hydrogène aura notamment un rôle à jouer en tant que levier de stockage de l’énergie, facilitant le développement du renouvelable. Dans certains cas d’utilisation, l’hydrogène peut aussi être envisagé comme une source directe d’énergie, à l’instar d’un combustible. C’est principalement dans l’industrie ou le transport, pour alimenter des engins devant déplacer des charges importantes, que son utilisation s’avérera intéressante. Cela ne concerne pas la mobilité individuelle.
L’enjeu, finalement, est de parvenir à mettre la technologie au service d’une meilleure utilisation des ressources au regard de nos besoins et usages… Quelles sont les priorités à ce sujet ?
L’enjeu, c’est de réduire l’impact. C’est ce que l’on peut réaliser à travers les trois piliers-clés que j’ai évoqués. À la poursuite de cet objectif, le champ d’exploration de nouvelles solutions et applications est vaste. L’urgence actuelle réside dans la décarbonation de l’économie. S’il faut optimiser nos besoins en énergie, privilégier le recours à des sources d’énergie propre, il faut aussi considérer d’autres dimensions inhérentes à cet enjeu. Par exemple, on peut envisager les moyens et les solutions qui contribuent à fixer le carbone présent dans l’atmosphère, à le stocker, en vue justement d’amoindrir cet effet de serre. La réduction de l’impact ne concerne pas que le climat, mais aussi la lutte contre la pollution et la préservation de la biodiversité. Cela passe par exemple par le développement de solutions dans le domaine de l’agriculture.
Quels moyens peuvent être mis en œuvre à ce niveau ? Il s’agit de promouvoir une agriculture de précision en s’appuyant sur la technologie, comme l’usage de drones pour l’observation des cultures ou encore l’analyse d’images satellites. On peut alors plus efficacement déceler des pathologies au niveau de la végétation ou encore des carences au niveau de certains nutriments comme l’azote. Ces moyens permettent par exemple d’agir de manière ciblée, afin de limiter l’usage des pesticides ou des fertilisants. On y a alors recours uniquement là où cela est requis et
quand cela est nécessaire. On peut mieux soutenir la culture, prévenir des maladies tout en préservant les sols, la faune et la flore. On peut aussi éviter de contaminer les nappes phréatiques. In fine, cela représente aussi des gains économiques pour l’agriculteur ou le viticulteur.
Comment la technologie peut-elle contribuer à une meilleure gestion des déchets ?
À ce niveau, les enjeux sont nombreux et doivent s’envisager à travers l’ensemble du cycle de vie d’un produit ou d’un matériau. Il s’agit, en considérant les usages et les besoins, de réduire la production de déchets. Ensuite, pour les déchets résiduels, il faut promouvoir leur recyclage par la mise en œuvre de techniques et de technologies qui facilitent la récupération et la revalorisation des matériaux. Il s’agit de réduire notre impact sur l’environnement, mais aussi de trouver des moyens de répondre à nos besoins actuels et à venir dans un monde où les ressources ont tendance à se raréfier.
Considérant l’ensemble de ces enjeux, comment s’articulent les projets menés au List pour y répondre ?
Ces sujets constituent le cœur des préoccupations de nos activités dans le domaine de l’environnement. Mais ils sont aussi abordés dans des projets portés par d’autres domaines, IT ou matériaux. Dans notre approche, à travers ce que nous appelons des lignes d’innovation, nous développons des briques technologiques qui doivent permettre de répondre à ces défis. Dans le domaine de la construction durable, nous travaillons sur un projet visant à améliorer la logistique de chantier. La construction, on le sait, est un émetteur important de gaz à effet de serre. On a pu démontrer que l’optimisation de la logistique de chantiers permettait par exemple de doubler les marges des entreprises, mais aussi de réduire de 40 à 50 % les émissions en travaillant sur une minimisation des allées et venues des camions.
Comment s’opère cette optimisation et comment la technologie y contribue-t-elle ?
Cela peut s’opérer de bien des manières. L’idée principale est qu’un camion qui dépose
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des matériaux ne reparte pas à vide. Notre contribution réside dans le développement d’outils informatiques qui vont soutenir cette optimisation. Nous sommes en train de créer une spin-off à travers laquelle les acteurs du secteur vont pouvoir accéder à la technologie et à l’expertise que nous avons développées en la matière. Dernier point, cette démarche a aussi des effets bénéfiques au niveau social, dans la mesure où l’amélioration de la logistique permet aussi de réduire les manipulations de matériaux par les opérateurs sur le chantier. Nous y introduisons aussi des technologies d’automatisation.
Si l’on reste sur la construction, le List ne travaille-t-il pas aussi beaucoup sur les matériaux ?
Si. D’une part, nous menons des projets de recherche facilitant le recours à des matériaux biosourcés. D’autre part, nous travaillons aussi beaucoup sur les enjeux de déconstruction des bâtiments, pour faciliter le recyclage et la réutilisation des ressources. Ces projets, qui mettent en œuvre les principes de l’économie circulaire, doivent contribuer à l’émergence de nouveaux modèles, et même de nouvelles filières. En la matière, les limites rencontrées sont souvent de nature réglementaire plus que technologique.
Comment cela ?
La réglementation relative à la réutilisation des matériaux récupérés, une fois que ceux-ci sont qualifiés comme déchets, est particulièrement complexe. C’est un des cas pour lesquels le cadre en place constitue un frein. Il est toutefois important de préciser que si la réglementation peut s’avérer contraignante dans certains cas, à de nombreux niveaux, c’est aussi elle qui donne les impulsions nécessaires à la transition. C’est à travers elle que l’on définit de nouveaux standards et de nouvelles exigences. Un autre volet important réside dans la valorisation des biodéchets, dans la transformation de déchets organiques en biogaz ou à d’autres fins, par exemple. On a aussi découvert que le moût de raisin ou encore la pelure des pommes recelaient des molécules bioactives à haute valeur ajoutée. Au lieu d’être considérés comme des déchets, ces produits peuvent
trouver de nouvelles applications dans l’industrie cosmétique ou être valorisés en tant que produits fitness.
Rien ne se perd, tout se transforme. Encore faut-il que cette transformation soit la plus efficiente et pertinente… En effet, il est intéressant de voir que les déchets, de plus en plus, sont considérés comme une ressource. Par le passé, on devait payer pour se débarrasser de certains déchets. Aujourd’hui, certaines entreprises sont prêtes à payer pour obtenir ces déchets et les valoriser.
Si l’on parle de valorisation de matières organiques, on fait régulièrement état de situations aberrantes. Par exemple, lorsque l’on mobilise des terres de culture pour produire du maïs qui est directement destiné à la production d’énergie via des unités de méthanisation… N’est-ce pas un non-sens ?
C’est vrai. Ce sont des situations qui se sont multipliées en Allemagne notamment. La disponibilité d’une technologie ne doit pas nous empêcher de faire preuve de bon sens. Le maïs, en monoculture, n’est pas réputé être le plus eco-friendly. Si le développement des stations de biogaz induit des besoins importants, cela peut conduire à ce genre de situation. Pour chaque usage technologique, il y a lieu de considérer son impact environnemental dans sa globalité. On en revient à l’enjeu principal.
Appréhender cet impact à plus large échelle peut s’avérer complexe. Travaillez-vous aussi sur le développement de modèles et d’approches globales ?
Tout à fait. Nous avons une équipe qui travaille sur l’analyse du cycle de vie des produits, afin de quantifier leur impact environnemental et de chercher à l’optimiser. Ce sont vraiment des sujets intéressants. Cela permet par exemple de mettre en évidence que le recours à un produit biosourcé n’est pas forcément celui qui a le plus faible impact environnemental. En l’occurrence, s’il faut abattre une partie de la forêt amazonienne ou appauvrir des terres de culture pour garantir l’approvisionnement en matière première, on est face à un problème. On l’a vu avec le déve-
UN JUMEAU NUMÉRIQUE POUR CONCEVOIR
DES QUARTIERS DURABLES
Agora, la société en charge du développement des quartiers Belval et Metzeschmelz, s’est rapprochée du List, et de ses capacités de recherche et de ses technologies, pour concrétiser sa stratégie de transformation digitale axée sur l’utilisation de jumeaux numériques. Cette technologie, à travers l’assemblage de données et de variables diverses, permet de simuler un quartier et ses divers usages. C’est un outil-clé qui offre la possibilité de prévoir le futur des quartiers en fonction de plusieurs scénarios qui pourront être articulés, manipulés et testés. À travers eux, la société de développement explore une nouvelle manière de travailler et de construire l’urbanisme de demain. Il permettra notamment d’intégrer plus facilement divers enjeux de développement écoresponsable dans la conception et la gestion du quartier. Mobilité, utilisation de l’air, de l’eau, de la terre, de l’énergie : tous ces éléments peuvent être modélisés dans une perspective de simulation d’économie circulaire. Le jumeau est un outil idéal pour initier la conversation à ce sujet, pour simuler, pour avoir une compréhension égale entre tous les partenaires, voire encourager des actions politiques.
28 ESG JUILLET 2024 Conversation Lucien Hoffmann
loppement du biodiesel au Brésil, par exemple. Il faut pouvoir dépasser certaines idées reçues, les remettre en question.
Comment prendre en compte tous ces aspects ?
Il faut se demander si la technologie que l’on développe, dans sa conception et au niveau de sa mise en œuvre, est vraiment durable. Il s’agit de définir, au regard de la connaissance et des technologies disponibles, les cas d’utilisation et les modèles qui généreront effectivement un impact positif. C’est un des atouts du List : nous développons les technologies et les solutions, mais nous avons aussi la capacité et les compétences pour évaluer l’impact environnemental de leur mise en œuvre. L’un des enjeux, pour l’avenir, est d’intégrer ces concepts de durabilité dès la conception d’un produit.
L’un des défis, nous l’avons évoqué, est d’accélérer l’adoption des technologies soutenant la transition durable. Comment s’assurer de l’adéquation entre les solutions sur lesquelles vous travaillez et les besoins du marché ?
C’est en effet un enjeu majeur. Au-delà d’une compréhension des enjeux et défis sociétaux et environnementaux, nous devons aussi bien comprendre le marché, ses besoins, ses contraintes, afin de nous assurer que les projets que nous menons vont répondre à la préoccupation des acteurs sur le terrain. Nous devons partir des problèmes qu’ils expriment pour leur apporter des solutions. Entre opportunités technologiques et besoins du marché, il y a toujours une équation qu’il faut considérer. On peut toujours développer des solutions. Cependant, si elles sont trop chères, personne n’en voudra.
Comment faciliter le transfert de l’innovation vers le marché ?
Nous travaillons selon deux approches. Dans certains cas, nous développons une technologie que nous avons identifiée comme pertinente, avec la volonté de l’amener sur le marché. À cette fin, nous opérons souvent au travers de la création d’une spinoff, dont la mission sera de commercialiser la technologie et de la faire évoluer. Nous pouvons aussi directement octroyer une
« Il faut se demander si la technologie que l’on développe, est vraiment durable.»
licence d’utilisation de la technologie. Dans d’autres cas, des acteurs nous approchent avec une problématique ou un projet afin qu’on les aide à développer une solution.
La transition climatique implique une action urgente. La recherche, elle, s’inscrit dans le temps long. Cette situation n’est-elle pas source de tiraillement dans le chef du chercheur ?
Parce que nous travaillons dans la recherche appliquée, nous pouvons, dans beaucoup de cas, rapidement générer des impacts positifs. Nous travaillons directement sur la technologie pour la mettre au service de la société. Nous ne partons pas de rien. Nous mettons en œuvre des démonstrateurs, effectuons des études de faisabilité en conditions réelles et amenons directement les solutions sur le marché. C’est le passage du laboratoire – au sein duquel on a une solution fonctionnelle – à son déploiement effectif en production qui prend le plus de temps. Si l’on est dans le monde du software, cela peut s’avérer encore plus rapide. Cela prend plus de temps si l’on parle de technologie hardware, à une échelle industrielle.
MIEUX GÉRER LES CAMIONS
Avec différents travaux menés par le List, Lucien Hoffmann propose déjà des pistes pour la construction, qui est un émetteur important de gaz à effet de serre : « On a pu démontrer que l’optimisation de la logistique de chantiers permettait par exemple de doubler les marges des entreprises, mais aussi de réduire de 40 à 50 % les émissions en travaillant sur une minimisation des allées et venues des camions. »
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Conversation Frankie Thielen
« Un déclin inquiétant de la diversité biologique »
Comme partout dans le monde, la biodiversité est en recul au Luxembourg. Rencontre avec Frankie Thielen, directeur de natur&ëmwelt Fondation Hëllef fir d’Natur, organisme d’utilité publique qui œuvre pour la sauvegarde de la faune et de la flore.
Auteur MICHAËL PEIFFER
« Il est urgent de recréer des situations
En marge du réchauffement climatique, les scientifiques alertent depuis plusieurs années sur un autre phénomène, celui du déclin de la biodiversité. Quelle est la situation au Luxembourg ? Le Luxembourg n’est pas un pays isolé du reste du monde. Quand on parle de biodiversité, nous connaissons la même situation alarmante que dans nos pays voisins, et peut-être de façon encore plus accrue. L’artificialisation du sol au Luxembourg est nettement supérieure à la moyenne européenne, ce qui met beaucoup de pression sur l’environnement, et notamment sur les habitats qui permettent à la faune et la flore de s’épanouir. De manière générale, on constate que le déclin inquiétant de cette diversité biologique est essentiellement lié à l’intensification des pratiques agricoles et à la consommation foncière, qui ont engendré la perte et le morcellement des espaces naturels.
En quoi le morcellement des surfaces constitue-t-il un problème ?
La construction de zones artificielles conduit à isoler des parties du territoire les unes des autres, avec pour effet d’entraver la libre circulation de la faune sauvage et de réduire les échanges génétiques entre individus et populations. Elle est aujourd’hui considérée comme une des causes principales de la dégradation de la biodiversité et des écosystèmes. Autrefois, les haies, les ruisseaux, les bandes fleuries, les bordures de champs ou des rangées d’arbres structuraient ainsi nos paysages et offraient de l’habitat, de la nourriture et des corridors écologiques à une multitude d’insectes, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de mammifères. Outre ces fonctions profitant à la biodiversité, ces structures fournissaient également d’importants services écosystémiques, dont la protection contre les inondations et l’érosion en retenant les grands flux d’eau et les mouvements du sol. Ce que l’on oublie, c’est que ces éléments paysagers sont bénéfiques non seulement pour l’environnement et la biodiversité, mais aussi pour le bon
‘win-win’. »
Photo natur&ëmwelt
fonctionnement de l’agriculture elle-même. Il est donc urgent de recréer des situations « win-win », à la fois pour la biodiversité et pour l’agriculture, en rétablissant une certaine hétérogénéité au niveau de la composition et de l’exploitation de nos paysages.
Quel est le constat le plus alarmant aujourd’hui ?
Le déclin des insectes pollinisateurs doit nous alerter. Ils sont une composante essentielle des écosystèmes terrestres et contribuent à la pollinisation de 78 % des plantes à fleurs en Europe.
Les secteurs économiques de l’agriculture et de l’alimentation en dépendent fortement, car 84 % des cultures européennes, notamment les fruitiers, les cultures de légumes et les plantes oléagineuses, soit environ un tiers du tonnage de la consommation des humains, profitent au moins en partie de la pollinisation par les insectes. La valeur annuelle du service écosystémique « pollinisation » est estimée à plusieurs dizaines de milliards d’euros en Europe. De nombreux inventaires sont menés régulièrement et le déclin de nombreuses espèces pollinisatrices est une réalité, chez nous aussi.
Les oiseaux sont directement impactés, étant donné qu’ils ont besoin d’habitats divers avec des sites de nidification appropriés et suffisamment de nourriture, notamment des insectes…
Qu’en est-il de nos forêts, nos rivières, nos sols ?
Là encore, le constat n’est pas réjouissant. Alors qu’il s’agit de ressources de premier ordre, en 2020, les masses d’eau de surface « naturelles » affichaient un état écologique moyen pour 43 %, médiocre pour 20 % et mauvais pour les 37 % restants… Du côté des sols, dont la biodiversité reste très peu connue, une forte dégradation est également constatée. Ils sont pourtant le réservoir de 25 % de la biodiversité terrestre. Les phénomènes d’érosion sont également de plus en plus importants et cette terre fertile est une ressource non renouvelable. Une fois qu’elle est partie dans les rivières, elle ne revient pas.
Enfin, selon l’inventaire phytosanitaire de nos forêts du Luxembourg, toutes essences confondues, on constate que
durant l’été 2022, 61,70 % des arbres étaient nettement et/ou fortement endommagés ou tout simplement morts… Toutes ces données sont publiques et disponibles sur le site du ministère de l’Environnement.
Quelles sont justement les mesures prises par le gouvernement pour préserver et restaurer la biodiversité au Luxembourg ?
Le nouveau Plan national concernant la protection de la nature a été adopté en janvier 2023. Selon les objectifs de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, au moins 30 % des territoires nationaux devront être protégés juridiquement. Actuellement, 27,8 % du territoire du Luxembourg sont classés en tant que zones protégées d’intérêt communautaire (Natura 2000) ou zones protégées d’intérêt national (ZPIN). D’ici 2030, un tiers de ces zones protégées, soit 10 % du territoire, devront également être placées en protection stricte. Or, à ce jour, seulement 4,2 % du territoire national est strictement protégé sous forme de ZPIN.
Les travaux sont en cours. Le ministère de l’Environnement, l’Administration de la nature et des forêts, l’Administration de la gestion de l’eau, les stations biologiques, les parcs naturels et des fondations comme la nôtre travaillent ensemble pour essayer d’améliorer la situation.
Comment agir ?
Les entreprises peuvent agir directement en faveur de la biodiversité en menant des actions ciblées, par exemple en mettant en place une gestion extensive des espaces verts autour des bâtiments et des sites naturels ou semi-naturels qui leur appartiennent, ainsi que par la revalorisation de sites industriels. Elles peuvent aussi fédérer et sensibiliser leurs salariés, clients, fournisseurs et partenaires pour favoriser une prise de conscience des dangers qui pèsent sur la biodiversité et partager des priorités claires, tout en favoriser les chaînes de production et consommation locales. La biodiversité est une problématique qui concerne tout le monde et chacun peut contribuer à sa préservation.
PROTÉGER
LA NATURE
natur&ëmwelt est une organisation environnementale luxembourgeoise qui œuvre principalement pour la sauvegarde de la nature et de la biodiversité locale. Elle se compose d’une fondation et d’une asbl aux rôles distincts, mais liés et complémentaires. D’un côté, il y a natur&ëmwelt Fondation Hëllef fir d’Natur, un organisme d’utilité publique, dont les principaux domaines d’activité sont l’acquisition et la gestion de réserves naturelles, et la mise en œuvre de plans d’action pour la sauvegarde de la biodiversité dans le cadre du plan national pour la protection de la nature. De l’autre, il y a natur&ëmwelt asbl qui, avec ses 11.000 membres, réalise des campagnes de sensibilisation et d’éducation liées à l’environnement. Mais également des actions pratiques, scientifiques et politiques au niveau local, national et européen sur les problématiques environnementales.
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La biodiversité, l’autre urgence
La protection de la nature est aujourd’hui un impératif pour de nombreux acteurs, privés et publics, qui œuvrent à l’échelle locale pour restaurer la vie dans nos campagnes et aux abords des villes. D’ici 2030, 30 % du territoire devront être protégés.
1.800
hectares
À ce jour, natur&ëmwelt Fondation
Hëllef fir d’Natur est propriétaire de 1.800 hectares de terres comme des prés humides, des roselières, des pelouses sèches, des mares et plans d’eau, des taillis de chênes et futaies de hêtres, haies, vergers, vignobles en terrasses, friches et fonds de vallées ardennaises.
Si la protection de l’environnement passe par la réduction de nos émissions carbone, elle ne peut se résumer à ce seul sujet. Depuis plusieurs années, la question de la biodiversité, et de son importance pour le maintien de la vie sur Terre, a fait son entrée sur la scène internationale. Timidement au début et avec plus de vigueur depuis 2019. Cette année-là, l’IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, a publié son rapport sur l’évaluation mondiale des écosystèmes, mettant en exergue une information choc : un million d’espèces de plantes et d’animaux sont menacées d’extinction sur un total estimé de huit millions. Un déclin sans précédent, qui s’alourdit chaque année lors du recensement de la biodiversité par l’Union internationale pour la conservation de la nature et la sortie de sa liste rouge des espèces en voie de disparition.
L’avenir des futures générations et la construction d’une société durable dépendent intrinsèquement de la préservation du patrimoine naturel mondial. Néanmoins, l’IPBES constate que l’état actuel des écosystèmes et les scénarios qui se profilent compromettent les progrès
vers la réalisation de 80 % des cibles évaluées des Objectifs de développement durable de l’Onu. En termes économiques, cela se traduit par de lourdes pertes.
Un plan national pour protéger la nature En 2021, le World Economic Forum classait la perte de biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles parmi les cinq plus grands risques pour l’humanité. La Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), organisée à Montréal en 2022, s’est terminée par un accord historique destiné à guider l’action mondiale en faveur de la nature jusqu’en 2030. Au Luxembourg, le troisième Plan national concernant la protection de la nature (PNPN3) a pour objectif de travailler au rétablissement de la biodiversité d’ici 2030. À l’instar de la stratégie européenne en la matière, il s’engage à assurer la protection juridique, en tant que zones protégées, de 30 % de la superficie du territoire national et à instaurer une protection stricte sur 10 % de la surface du pays. En parallèle, le gouvernement à enrayer toute détérioration afin de rétablir ou améliorer l’état de conservation favorable d’au moins 30 % des habitats et des espèces. Il est également prévu de planter 1,7 million d’arbres d’ici à 2030.
Protection
Auteur MICHAËL PEIFFER
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Initiatives locales en faveur de la biodiversité
« L’un des principaux domaines d’activité de notre fondation est l’acquisition et la gestion de réserves naturelles , témoigne Frankie Thielen, le directeur de natur&ëmwelt Fondation Hëllef fir d’Natur. À ce jour, nous sommes propriétaires de 1.800 hectares de terres comme des prés humides, des roselières, des pelouses sèches, des mares et plans d’eau, des taillis de chênes et futaies de hêtres, haies, vergers, vignobles en terrasses, friches et fonds de vallées ardennaises. Tous ces milieux sont riches en biodiversité. L’entretien et la gestion de ces habitats se font en collaboration avec des agriculteurs, des bénévoles ou des équipes d’institution sociale. »
Pour financer ses projets, la fondation compte sur les dons de personnes privées et le parrainage d’entreprises. « Nous travaillons avec plusieurs entreprises qui nous aident à financer la replantation d’arbres et à élargir notre positionnement auprès d’un large public , poursuit Frankie Thielen. L’un de nos axes de travail est de transformer les anciennes monocultures d’épicéas en forêts mixtes résilientes. Cela passe par l’intégration de plusieurs espèces différentes sur une même surface et de voir, avec le temps, celles qui seront les plus aptes à s’adapter au changement climatique en cours. De manière plus générale, on voit que de plus en plus d’acteurs privés cherchent à impliquer leurs collaborateurs dans des actions conformes aux principes ESG. » La fondation s’illustre aussi par son projet de préservation des moules d’eau douce menacées par l’activité humaine, en collaboration avec la Belgique et l’Allemagne.
Plusieurs stations biologiques, constituées sous forme de syndicats intercommunaux, ainsi que les parcs naturels jouent également un grand rôle dans la préservation de la nature à l’échelle nationale. « Comme d’autres acteurs, nous menons également des projets avec des agriculteurs avec qui nous concluons des contrats de biodiversité, en collaboration avec le ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Environnement », précise Frankie Thielen, qui souligne l’importance de ce sujet, qui ne s’arrête pas aux frontières du pays.
LE CADRE MONDIAL DE LA BIODIVERSITÉ
Le Cadre mondial de la biodiversité comporte quatre objectifs globaux de protection de la nature : mettre un terme à l’extinction des espèces menacées due à l’Homme et diviser par dix le taux d’extinction de toutes les espèces d’ici à 2050 ; utiliser et gérer durablement la biodiversité pour faire en sorte que les contributions de la nature à l’humanité soient appréciées, maintenues et renforcées ; partager équitablement les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et de l’information sur les séquences numériques des ressources génétiques ; et faire en sorte que des moyens adéquats de mise en œuvre soient accessibles à toutes les parties, en particulier aux pays les moins avancés et aux petits États insulaires en développement.
« On voit que de plus en plus d’acteurs privés cherchent à impliquer leurs collaborateurs dans des actions conformes aux principes ESG. »
FRANKIE THIELEN Directeur natur&ëmwelt
Le Cadre mondial de la biodiversité comporte également 23 objectifs à atteindre d’ici 2030, comme :
• la conservation et la gestion efficaces d’au moins 30 % des terres, des zones côtières et des océans de la planète. Actuellement, 17 % des terres et 8 % des zones marines sont sous protection ;
• la restauration de 30 % d’écosystèmes terrestres et marins ;
• la réduction de moitié du gaspillage alimentaire mondial ;
• la suppression progressive ou la réforme des subventions qui nuisent à la biodiversité à hauteur d’au moins 500 milliards de dollars par an, tout en renforçant les mesures d’incitation positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité.
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Diversité et inclusion : les bonnes pratiques
De nombreuses organisations mettent en place une véritable politique afin de gérer les questions de diversité, d’équité et d’inclusion. Mode d’emploi et bonnes pratiques autour des six articles de la Charte de la diversité Lëtzebuerg, avec Priscilia Talbot, project manager au sein d’IMS Luxembourg.
« Si, dans les entreprises et la société luxembourgeoise en général, la diversité est un fait, l’inclusion reste un choix. »
PRISCILIA TALBOT
Project manager Charte de la diversité Lëtzebuerg
Sensibiliser l’ensemble du personnel
« Ferrero Luxembourg a mis en place une formation obligatoire d’une journée en présence de l’ensemble de son personnel, à tous les niveaux, avec un apprentissage en ligne au préalable. Les objectifs d’une telle formation sont d’assurer la compréhension de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion, de sensibiliser aux préjugés inconscients et à la manière dont ils peuvent être atténués au quotidien, de se familiariser avec les réglementations locales en matière de discrimination et de harcèlement, ou encore de comprendre comment signaler un comportement répréhensible… Cet exemple illustre l’article 1 de la Charte qui invite les organisations à sensibiliser, former et impliquer l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices aux enjeux de la diversité en tant que sources d’enrichissement, d’innovation, de progrès et de cohésion sociale. »
Une stratégie dédiée à la diversité et à l’inclusion
« Au sein d’IMS Luxembourg, malgré notre statut associatif et notre petite équipe de désormais 23 salariés, il était important pour nous de mettre en œuvre notre propre stratégie autour de la diversité et de l’inclusion. Notre souhait a été de cocréer cette stratégie avec nos équipes, d’identifier nos besoins et les thématiques principales à aborder, de veiller à disposer des bonnes données chiffrées également, pour ensuite évaluer l’impact de nos actions. Il s’agit d’un processus assez long. D’ailleurs, la création du plan d’action diversité et inclusion est la première pratique préconisée auprès de nos signataires. Ces derniers ont accès à un module e-learning complet, afin de les aider à définir leur politique de diversité et à mettre en œuvre des pratiques et plans d’action qui intègrent consciemment la gestion des différences individuelles des personnes. »
En pratique Photo IMS Luxembourg 34
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Auteur MICHAËL PEIFFER
Repenser ses modes de gestion
« L’Article 3 de la Charte invite les organisations à décliner les principes d’égalité des chances et de promotion de la diversité tant dans les processus de décision et de gestion de l’entreprise que dans la gestion de ses ressources humaines. Dans cet esprit, Sodexo a mis en place une procédure de modification des conditions de travail : tout salarié peut demander à modifier ses conditions de travail, c’est-à-dire changer ses horaires, changer d’activité ou encore changer de site. Cette procédure est disponible pour tout le monde et sans que la personne ait besoin de se justifier. Cela peut être un double stress, de devoir en parler et en plus de devoir expliquer. »
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Communiquer
les résultats concrets
« Avec la Charte, nous incitons les entreprises à communiquer les engagements pris et les résultats concrets des actions menées. C’est d’autant plus important que les enjeux de diversité et d’inclusion constituent des sujets qui attirent les jeunes talents, en quête de sens. Chez Delhaize Luxembourg, par exemple, dans le but de communiquer de manière inclusive, l’entreprise a multiplié les canaux afin de toucher l’ensemble du personnel. Pour le personnel en caisse, qui ne dispose pas d’adresse électronique professionnelle pour recevoir une newsletter, un affichage est prévu dans les salles de pause et les informations les plus importantes sont partagées lors des séances de briefing en équipe. »
Évaluer régulièrement
« Lorsque les organisations ont mis en place des mesures, il faut ensuite les évaluer, se poser la question de ce qui peut encore être amélioré, sur base d’une analyse des données disponibles, par rapport à l’objectif fixé. Dans cette optique, nous avons notamment lancé Handi-Diag : un outil pour interroger les processus-clés au travers du prisme de l’inclusion des personnes en situation de handicap. Malgré les progrès constatés, les environnements et procédés professionnels non adaptés mettent les personnes en situation de handicap en difficulté. Grâce à l’outil, les organisations peuvent se rendre compte qu’elles agissent déjà, parfois sans le savoir, et quelles sont leurs possibilités d’amélioration. Handi-Diag est accessible à tous les employeurs. »
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Promouvoir la diversité à l’extérieur
« L’Article 6 de la Charte encourage l’ensemble des partenaires à œuvrer en faveur de la non-discrimination et de la promotion de la diversité. Toute entreprise quelle que soit sa taille, et même une personne indépendante peut, chaque jour, montrer son engagement dans ses relations avec des partenaires, des fournisseurs ou des clients. Dans chacune de ses actions, il est possible de s’interroger sur l’origine de tel matériel, sur les pratiques déjà en place et les sujets à améliorer ensemble pour construire une société plus inclusive, dans tous les domaines. »
UNE CHARTE NATIONALE
La Charte de la diversité Lëtzebuerg est un texte d’engagement national proposé à la signature de toute organisation souhaitant s’engager à agir en faveur de la promotion et de la gestion de la diversité par des actions concrètes, au-delà des obligations légales en vigueur.
La Charte est soutenue par sept partenaires privilégiés, privés et publics (le ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité, Caceis Investor Services Bank, Deutsche Bank, HSBC Luxembourg, Linklaters, PwC, Sodexo) ainsi qu’IMS – Inspiring More Sustainability – Luxembourg, porteur du projet. Articulée autour de 6 articles, elle guide les organisations dans la mise en place de pratiques favorisant la cohésion et l’équité sociale par le biais de projets dédiés, et d’événements phares (Diversity Day, Diversity Awards, conférences, networks...), en y associant l’ensemble de ses partenaires, collaborateurs et collaboratrices.
Forte de son succès, la Charte de la diversité Lëtzebuerg compte à ce jour plus de 330 signataires, représentant environ 22 % de la masse salariale au Luxembourg.
Plus d’informations ici :
ESG JUILLET 2024 35
Pas de bien-être sans raison d’être
Pour assurer le bien-être de leurs employés, les entreprises ne peuvent plus faire l’économie d’un véritable travail de fond sur leur raison d’être. Elles se doivent aussi d’assumer des engagements sociaux et environnementaux forts, afin d’entrer en résonance avec les attentes de leur personnel.
Le bien-être au travail, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, ou la simple question de l’épanouissement personnel ne sont pas de nouveaux sujets pour les entreprises, et les responsables des ressources humaines en particulier. Ces questions prennent une nouvelle dimension dans une période où la plupart des travailleurs cherchent à redonner du sens à leur emploi et où les entreprises doivent tracer leur voie dans un monde en pleine mutation.
« Nous vivons dans une société complexe. Les tensions géopolitiques, la problématique de plus en plus sensible du changement climatique, l’exigence accrue de justice sociale et le contexte économique global sont des éléments qui font naître une forme d’incertitude dans le chef des dirigeants comme des employés. Les évolutions technologiques très rapides auxquelles nous sommes confrontés, et qui modifient notre façon de travailler, viennent renforcer ce phénomène , constate Gabriela Nguyen-Groza, managing partner d’Amrop Luxembourg, cabinet international présent dans 55 pays et actif dans le recrutement de cadres et le conseil en leadership. Le premier réflexe de toute personne confrontée à de l’incertitude est de ne pas prendre de décisions. Or, il est
au contraire très important d’agir. Toute crise s’accompagne d’opportunités et de responsabilités. L’environnement difficile auquel nous sommes confrontés aujourd’hui nécessite un autre type de leadership, dans lequel on attend des dirigeants qu’ils ne se contentent pas de générer des profits, mais qu’ils inspirent ceux qui les entourent, afin de s’efforcer d’atteindre tous ensemble un objectif plus grand. »
Une réflexion à mener sur son engagement Durant la crise du Covid, la plupart des travailleurs ont eu le temps de s’interroger sur leur carrière, la qualité de leur vie en général, le sens qu’ils veulent donner à leur travail. Les réflexions se poursuivent aujourd’hui. « Ce n’est qu’en essayant d’aligner les objectifs propres à chaque collaborateur avec ceux de l’entreprise que l’on pourra créer les conditions pour atteindre ce véritable bien-être au travail dont il est souvent question », souligne Gabriela Nguyen-Groza. Il faut donc intégrer les employés dans la discussion, être attentif à leurs motivations. « Les entreprises doivent absolument définir ou redéfinir leur raison d’être, leurs objectifs, le ‘pourquoi’ de leur existence, pour ensuite développer une
Engagements
36 ESG JUILLET 2024
Auteur MICHAËL PEIFFER
Ma plus grande satisfaction dans la vie provient du travail plutôt que de ma vie privée.
Les choses les plus importantes se passent plutôt au travail que dans ma vie privée.
Globalement, le travail est plus important pour moi que ma vie privée.
vision à long terme capable de fédérer l’ensemble des équipes. Et plus cette raison d’être sera proche de celle de chaque membre du personnel, plus la qualité de vie au travail sera élevée. »
Ce dont l’économie a besoin, ce sont également des dirigeants qui comprennent l’importance de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, qui minimisent leur impact sur la planète, qui donnent la priorité au bien-être de leur équipe et qui peuvent voir au-delà des épreuves quotidiennes de la gestion d’une entreprise afin de créer un impact social durable. « Les déclarations d’intention ne suffisent pas. Il faut des engagements, des réalisations et des dirigeants qui ne prennent pas des décisions axées sur le profit à court terme, mais bien sur la performance à long terme, tout en tenant compte de l’impact sur les clients, les employés et l’ensemble des parties prenantes », ajoute Gabriela Nguyen-Groza.
Chez Schroeder & Associés, bureau d’études d’ingénieurs-conseil, on a bien compris toute l’importance de définir une stratégie où la durabilité occupe une place centrale, avec la volonté d’y inclure chaque collaborateur. « Le futur doit être durable et il faut bâtir ce futur dès aujourd’hui, partage l’administrateur-délégué de la société,
Thierry Flies. C’est le pilier principal de notre stratégie 2030, qui inscrit notre engagement d’entreprise dans un secteur important au Luxembourg, la construction et, plus généralement, l’aménagement du territoire luxembourgeois. Nous faisons face à de grands défis. Nous travaillons pour beaucoup de clients et nous pouvons avoir un rôle d’initiateur et d’incitateur auprès de chacun d’eux. Nous pouvons les sensibiliser et même les convaincre, notamment sur les questions d’investissement, de s’engager avec nous dans cette voie. »
Cette volonté d’inscrire l’entreprise dans un futur résilient se traduit en premier lieu dans le bâtiment qu’occupe Schroeder & Associés sur la zone d’activité ParcLuxite à Kockelscheuer. « Depuis 2020, toutes les équipes sont réunies dans cet immeuble qui se veut une vitrine de nos savoir-faire, en matière de technologie, de durabilité, avec l’économie circulaire comme principe de base. On y trouve des bureaux lumineux, de grands espaces ouverts, sans portes, qui incitent au dialogue, à la participation, aux échanges d’idées, sans oublier notre restaurant d’entreprise, un lieu très apprécié doté d’une bel espace extérieur », explique Véronique, coordinatrice QSE/RSE chez Schroeder
Affirmations sur l’importance du travail et de la vie privée
En pourcentage
Dans une très forte mesure
Dans une forte mesure
Dans une moyenne mesure
Dans une faible mesure
Dans une très faible mesure
et Associés. « Dès la conception du bâtiment, la volonté a aussi été de prendre en compte les avis de nos collaborateurs, de les intégrer au projet, en mode participatif. Dans chacune de nos missions, on retrouve cette volonté de fédérer les équipes, et la communication joue un rôle très important en la matière », ajoute Thierry Flies.
Créer de la valeur pour toutes les parties prenantes
Depuis son installation dans son nouveau siège, l’entreprise a travaillé sur une nouvelle stratégie de manière à définir les grands axes de son développement et les partager avec toutes ses parties prenantes. « Nous avons mené, avec l’ensemble des membres de la direction, un travail de fond afin de réfléchir à notre ‘why’, à notre véritable raison d’être, confie Thierry Flies. Cela nous a permis d’aboutir à la définition de notre stratégie intégrée 2030. Premier élément, notre stratégie RSE est aujourd’hui indissociable de notre stratégie globale. Nous pensons que le fruit de notre travail ne peut être réellement rentable que lorsqu’il permet de contribuer à un monde meilleur. Notre volonté est donc de créer de la valeur pour l’ensemble de nos parties prenantes, c’est-à-dire de générer des impacts
Source Quality of Work Luxembourg 2023
0 20 40 60 80 100
35,8 31,8 24,9 7,0 0,5 38,5 35,9 18,6 5,2 1,9 1,4 3 14,2 31,5 49,9 ESG JUILLET 2024 37
positifs pour la société, les collaborateurs, l’environnement et les actionnaires. »
Pour trouver sa place dans un monde du travail en pleine évolution, le travailleur doit aujourd’hui faire preuve d’une plus grande adaptabilité que par le passé. « On parle souvent du ‘future of work’, comme s’il n’existait qu’une seule voie. Or, une multitude de possibilités s’offrent à nous , explique la managing partner d’Amrop Luxembourg. Il faut aujourd’hui travailler sur l’agilité des employés. Les préparer à ce futur pour le moins incertain pour que, quoi qu’il arrive, ils puissent rebondir et s’en sortir. Comme l’arrivée de l’ordinateur nous a rendus plus efficaces et plus productifs voici plusieurs décennies déjà, l’intelligence artificielle doit être vue comme un nouvel outil. La véritable intelligence, toutefois, reste l’apanage de l’humain, qui est justement en mesure de se remettre en question, de s’améliorer et d’apprendre. C’est pourquoi il faut investir dans la formation. C’est plus que jamais le moment d’investir dans les talents, de montrer qu’on se préoccupe de leur avenir, de leur épanouissement. »
Dans le secteur du conseil, l’expertise constitue la base sur laquelle repose la capacité à offrir aux clients un service d’une qualité irréprochable. « Il est donc primordial de maintenir une formation continue pour nos équipes et de promouvoir le partage des connaissances », ajoute Véronique Faber. Nous accordons une grande importance à la formation régulière de nos collaborateurs, et à cet effet, nous avons mis en place un processus efficace pour suivre et faciliter leur développement professionnel. En 2022, notre objectif QSE était d’atteindre au moins 8 heures de formation par employé chaque année. En 2023, on a atteint 14,7 heures de formation par collaborateur. »
Entretenir et récompenser le savoir-faire
Au sein de l’entreprise, un comité formation a notamment pour mission d’identifier les formations pertinentes à proposer aux nouveaux arrivants, mais aussi aux membres du personnel déjà en place. Ce comité, composé de membres de la direction, mais aussi de personnes de terrain, est occupé à mettre en place une matrice des compétences. « Il s’agit de faire un état des
NOMBREUX
AVANTAGES
EXTRA-LÉGAUX
Afin de garantir une meilleure qualité de vie à ses collaborateurs, Schroeder & Associés a également mis en place de nombreux avantages extra-salariaux, à commencer par un horaire de travail très flexible, le personnel pouvant accéder au bâtiment entre 5h et 22h, avec une plage obligatoire de 10 à 15h. « Chaque employé dispose de 29 jours de congé annuel, soit trois de plus que le nombre légal, avec la possibilité de convertir son 13e mois en congés supplémentaires. 49 personnes ont pris leur congé parental en 2023, dont 34 hommes, et les temps partiels concernaient 94 personnes l’an dernier », détaille Véronique Faber, coordinatrice QSE/RSE. L’entreprise compte aujourd’hui 463 personnes et prévoit de grandir encore à l’avenir. « Il est impossible de résumer toutes les mesures en place. Nous favorisons également l’engagement des seniors et menons des actions en faveur de la diversité et de l’inclusion afin que chacun trouve sa place. »
lieux des compétences nécessaires à nos missions, d’identifier les rôles existants ou manquants. L’élaboration progressive de plans de formation est prévue, notamment en recueillant les suggestions et besoins dans les différentes unités et auprès des employés. À terme, l’objectif est d’imaginer des parcours de formation individuels permettant à chacun de suivre sa trajectoire professionnelle et d’évoluer dans sa carrière », continue la coordinatrice QSE/RSE.
Très actif auprès des étudiants – une centaine de stagiaires sont accueillis chaque année – et des jeunes ingénieurs, le bureau favorise aussi la mobilité interne. « Nous souhaitons récompenser le savoirfaire et l’investissement de nos employés. Pour des postes de chef d’unité ou de cadre, nous privilégions la promotion en interne. Nous valorisons l’expertise acquise au sein de l’entreprise. C’est une logique qu’on retrouve dans notre conseil d’administration où tous nos associés sont issus des rangs internes », témoigne Thierry Flies. Par ailleurs, dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, au-delà des initiatives habituelles en lien avec l’analyse et la prévention des risques, un référent QVT (qualité de vie au travail) a récemment été nommé. « Comme nous l’avons déjà souligné, le bien-être est directement intégré à notre stratégie RSE et on le retrouve dans l’ensemble de nos projets, en interne comme en externe, centrés sur l’humain et la qualité de vie à l’échelle du pays », termine l’administrateur-délégué de Schroeder & Associés. Le bien-être au travail se nourrit d’une multitude de petites initiatives (voir encadré) et de mesures plus stratégiques qui contribuent, chacune à leur façon, à valoriser chaque collaborateur et lui permettre de s’épanouir au quotidien.
Engagements
38 ESG JUILLET 2024
ESG Impact on Private Equity Transactions
Environmental, Social and Governance (ESG) factors have become a major concern at the European and international levels. Tackling sustainability is now a business imperative, but how exactly can ESG create value?
As authorities are requiring companies to disclose ESG related information and stakeholders are growingly seeking to invest in companies with strong ESG standards, managers are asking: how can ESG factors also increment my company’s value?
Here are five powerful ways ESG can boost cash flows and company value:
1) Market Growth: ESG compliance can increase a competitive edge when trying to enter into new markets or develop in existing ones;
2) Cost Efficiency: Implementing sustainable practices can reduce operational expenses, such as the cost of raw materials, driving efficiency;
3) Risk Mitigation: Proactively managing ESG risks can protect companies from fines, legal issues and reputational damage
4) Employee Productivity: Employees who find purpose and social value in their work are more satisfied and productive;
5) Smart Investment: Avoiding investments that might
not succeed in a longer term and focusing on promising, long term sustainable opportunities can optimize capital allocation.
The private equity sector, in its twofold relationship with investors (fundraising) and target companies (sourcing), is particularly sensitive to the benefits of investment optimization brought by ESG factors. Investors’ attention to sustainability matters seems to be stronger than ever, hence private equity firms should make sure that they offer investment opportunities that align with the market’s expectations. This is vital since private equity investments often span 5 to 10 years, a period during which poor ESG practices can significantly impact the business’s attractiveness for prospective buyers. This involves a shift from a negative screening approach, based on the exclusion of companies operating in certain sectors (e.g. weapons, alcohol, tobacco), to a positive screening method, which is more focused on identifying specific ESG attributes, which is achieved through the use of checklist questionnaires and opinions by ad hoc ESG advisors.
Both investors and private equity companies are actively seeking new opportunities for ESG-friendlier investments. In this context, Luxembourg is continuously expanding its toolbox of ESG-friendly projects and initiatives, including initiatives by the EIB Climate Finance Platform, the Luxembourg Sustainable Finance Initiative and by the Luxembourg Green Exchange, with the aim of promoting a more sustainable global economy and supporting responsible investment funds.
ELVINGER HOSS PRUSSEN
Caroline Bocklandt
carolinebocklandt@elvingerhoss.lu
Tel. +352 44 66 44 0
Caroline Bocklandt, Partner and Giovanni Marenco, Associate at Elvinger Hoss Prussen
PARTNER CONTENT
Conversation Claude Cardoso
« Investir dans l’humain est primordial »
L’un des principaux défis des entreprises réside dans l’évolution des besoins en compétences. Explications avec le conseiller de direction à la CSL, en charge de l’offre de formation continue du LLLC, Claude Cardoso.
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
Photo EVA KRINS
Pourquoi est-ce aujourd’hui de plus en plus important de former les collaborateurs tout au long de leur carrière ?
La formation continue est un enjeu essentiel. Ces dernières années, nous avons assisté à une accélération des transitions. On peut évoquer l’évolution technologique, avec l’émergence de la robotisation et de l’IA, qui ont un impact non négligeable sur de nombreux aspects de notre vie personnelle comme professionnelle. Mais on peut aussi mentionner de nombreuses évolutions réglementaires ou encore liées à la préservation de l’environnement. Dans ce contexte, nous devons régulièrement mettre à jour nos compétences, renforcer notre capacité à nous adapter aux changements. Pour suivre ces évolutions, il nous faut avant tout apprendre à apprendre, être réactifs.
En quoi la formation continue constitue-t-elle un enjeu de développement durable ?
Les entreprises sont confrontées à de nombreux défis. Le manque de main-d’œuvre qualifiée est aujourd’hui l’une de leurs
principales préoccupations. À ce niveau, la formation est non seulement un réel levier de fidélisation, mais permet aussi à l’entreprise de valoriser l’investissement de ses salariés tout en les intégrant dans sa vision de développement à long terme. Effectivement, la formation continue offre la possibilité d’anticiper les défis de demain en se préparant collectivement.
Investir dans la formation renforce le collaborateur, son employabilité autant que son adaptabilité, et contribue durablement à l’amélioration des performances de l’entreprise.
Aujourd’hui, est-ce à l’entreprise de soutenir le développement des compétences ?
C’est l’État qui organise et finance la formation initiale. Le problème est qu’une fois que l’on entre dans la vie active, ce qui a été acquis au lycée ou à l’université devient de plus en plus rapidement obsolète. Le fait de devoir mettre à jour en permanence ses compétences n’est plus une option : se former tout au long de la vie, c’est désormais inévitable. Mais c’est aussi
et surtout un choix qui relève de la responsabilité tant de l’entreprise que du salarié.
Les entreprises sont-elles suffisamment conscientes de cette responsabilité ?
Pour certaines, oui. Pour d’autres, c’est loin d’être évident. Force est de constater que les salariés ne sont pas tous logés à la même enseigne. À ce niveau, les entreprises développent souvent des approches à court terme. On constate qu’elles n’investissent que trop rarement dans des formations qualifiantes ou certifiantes, permettant aux salariés de sécuriser leur parcours professionnel à long terme, aussi bien dans l’entreprise que sur le marché du travail. L’effort de formation se cantonne à l’upskilling « court-termiste », en lien avec les besoins directs de l’entreprise, et encore trop peu – et quasiment pas – sur le reskilling, qui demande des efforts plus importants. Or, nous savons qu’à l’avenir, nous aurons par exemple de plus en plus besoin de compétences digitales. Et nous ne pourrons y répondre que si de nombreuses personnes actives s’engagent dans des formations. Il en va de même pour les métiers dits « verts » et bien d’autres.
Quels sont les freins évoqués par les entreprises à ce niveau ?
Les organisations sont conscientes des besoins. Toutefois, elles ne sont pas assez nombreuses à faire l’effort pour y répondre. Elles évoquent le plus souvent des problèmes de temps, de disponibilité du personnel et de coûts. Il faut opérer un changement de paradigme à ce niveau. On constate que les grands groupes sont mieux outillés et plus matures vis-à-vis de ces enjeux. Dans de plus petites structures, il est en effet plus compliqué de permettre à un collaborateur de s’absenter. Sur le long terme, cependant, ces structures seront confrontées à des difficultés de plus en plus importantes pour garantir un « capital compétences » suffisant ou pour trouver les bonnes personnes et veiller à l’épanouissement de leurs équipes. Idéalement, pour soutenir durablement le développement des salariés, il faudrait mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle de l’organisation.
« Donner les moyens
financiers
et le temps à chacun de pouvoir se former correctement.»
L’effort de formation continue est-il suffisamment soutenu par l’État ?
À notre avis, il ne l’est pas assez. Sans entrer dans les détails, les entreprises peuvent bénéficier d’un cofinancement qui correspond à 15 % des investissements réalisés dans leurs plans de formation. On peut cependant regretter qu’à ce niveau, la qualité de la démarche ne soit pas évaluée. Mais là où c’est le plus problématique, à nos yeux, c’est qu’au niveau individuel, il n’y a quasiment pas de soutien. Une personne qui, en dehors de l’entreprise, décide de se réorienter ou d’acquérir des compétences n’est pas, ou pas assez, accompagnée dans son effort. Le congé individuel de formation – qui permet de prendre 80 jours pour se former sur une carrière, dont maximum 20 sur une période de deux ans – est loin d’être suffisant. Si l’individu peut bénéficier d’un crédit d’impôt, il doit démontrer que la formation a un lien direct avec la profession qu’il occupe. En réalité, il n’existe aucune réelle aide financière directe pour les individus.
Que préconisez-vous à ce niveau ?
Que peut-on attendre des dirigeants ?
L’enjeu, est de donner les moyens financiers et le temps à chacun de pouvoir se former correctement afin de répondre aux enjeux du marché du travail. Acquérir de nouvelles compétences correspondant aux besoins futurs des entreprises, s’engager dans des formations qualifiantes ou certifiantes, implique un réel engagement, tant financier qu’en termes de temps. Il est crucial d’avancer sur ces sujets.
Les compétences liées aux enjeux de développement durable vont aussi gagner en importance. On parle de plus en plus de green skills. Ces compétences s’intègrent de manière transversale à nos parcours de formation.
SE FORMER AUX MÉTIERS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
L’offre de formations liées aux enjeux de développement durable ne cesse de s’étoffer. Par exemple, en septembre, le Luxembourg Lifelong Learning Centre, en collaboration avec l’IUT Henri Poincaré de l’Université de Lorraine, lance un nouveau bachelor universitaire de technologie – métiers de la transition et de l’efficacité énergétiques. Celui-ci vise à former des techniciens supérieurs thermiciens-énergéticiens, futurs cadres intermédiaires, pour les secteurs du bâtiment et de l’industrie. La formation promeut l’efficacité et la sobriété énergétiques, ainsi que la valorisation des énergies renouvelables et fatales. Réel acteur de la transition énergétique, le thermicien-énergéticien met sa technicité au service de son entreprise ou de ses clients dans le choix de solutions plus économes en énergie, à faible impact environnemental.
ESG JUILLET 2024 41
L’impact avant tout
C’est notamment par le biais de la société d’impact sociétal (SIS), une structure juridique unique et inédite en Europe destinée aux acteurs désireux de lancer des activités socialement innovantes, que l’entrepreneuriat social et solidaire se développe au Luxembourg.
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
Afin de promouvoir l’économie sociale et solidaire, le Luxembourg a adopté il y a plusieurs années un statut juridique spécial. La loi du 12 décembre 2016, portant création des sociétés d’impact sociétal (SIS), a largement contribué, non seulement à la reconnaissance nationale de l’économie sociale et solidaire, mais aussi à créer les bases légales nécessaires au développement de l’entrepreneuriat social.
L’agrément gouvernemental vise à reconnaître ces acteurs particuliers, en leur conférant un cadre juridique clair et précis, en leur proposant un cadre fiscal adapté et en leur donnant accès à des marchés publics nationaux ou européens. Ce statut a été pensé pour répondre aux attentes des entrepreneurs sociaux, désireux de lancer des activités innovantes, et notamment de créer une activité génératrice d’impact sociétal. Il est accordé à des
sociétés commerciales (SA, sàrl, sàrl-s ou SC) dont l’objet social, clairement défini dans les statuts, vise à apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité et / ou contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et les inégalités, à la parité hommes-femmes ou encore à la protection de l’environnement.
Plus de 15.000 emplois
Les SIS doivent appliquer un principe de lucrativité limitée. Au niveau de ces structures, la moitié des bénéfices réalisés sont réinvestis dans le maintien et le développement de l’activité de l’entreprise. À travers ce genre de structures, le profit constitue avant tout un moyen, non une fin en soi. Ce qui oriente le développement de l’activité, c’est la maximisation de l’impact.
La SIS n’est pas la seule structure à s’inscrire dans une démarche sociale et solidaire. Selon les derniers chiffres, en 2022, le pays comptait 2.135 entités se réclamant du secteur, la majorité étant des asbl (1.627 associations). On dénombrait à l’époque 25 SIS, 7 coopératives, 32 fondations ou encore 40 associations agricoles. L’économie sociale et solidaire emploie 15.064 personnes au Luxembourg. Cela correspond à 4 % de l’emploi national.
Un incubateur dédié
La part de l’économie sociale et solidaire dans l’emploi national.
Parmi les autres initiatives prises par l’État pour soutenir les sociétés à impact
locales, on peut encore évoquer la création d’un incubateur dédié. Le Social Business Incubator (SBI) accompagne les porteurs de projet à vocation sociale. À travers son offre, la structure les aide à définir leur profil entrepreneurial, à identifier l’impact social du projet, à analyser les opportunités et à élaborer leur business plan social. Elle soutient les acteurs dans leur démarche en vue de pérenniser leur activité en tant que société d’impact sociétal. Plusieurs SIS ont pu bénéficier de l’aide du SBI, comme Sensbox, un cabinet de conseil en matière de développement durable, Une Saison sàrl-s SIS, qui vise l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, ou encore Survcoin, dont la monnaie virtuelle a pour objectif de stimuler et d’accélérer les efforts que nous entreprenons pour réduire notre empreinte carbone.
D’autres structures, comme Lumi ou Dalza, contribuent à l’amélioration de l’accès à l’apprentissage des enfants vulnérables. Krow intervient pour sa part dans l’amélioration de la relation de collaboration entre employeurs et employés dans le secteur privé, public et institutionnel et dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Autre exemple, Ecofluent est active dans la promotion de la consommation et de la production responsable en encourageant la réduction et la réutilisation des produits et des emballages.
Entrepreneuriat
4 % 42 ESG JUILLET 2024
Réduire le risque, une épineuse question
Toujours plus encadrée, la question de la sécurité et de la santé au travail reste épineuse. Comment réduire les accidents et garantir de saines conditions de travail ? État des lieux et initiatives.
Auteur MICHAËL PEIFFER
Des accidents toujours trop nombreux
17.163 accidents professionnels ont été reconnus en 2022, dont 11 mortels. Parmi les cas reconnus, on comptait 13.868 accidents du travail, 3.095 accidents de trajet et 200 maladies professionnelles. L’Association d’assurance accident (AAA) a reçu en moyenne 120 déclarations par jour et le coût moyen d’un accident en 2022 s’élevait à 4.503 euros. Ces accidents ont surtout lieu dans les secteurs de la santé (21,8 %), de la construction (19,79 %), du commerce (16,67 %) et dans l’industrie (12,9 %).
Stratégie nationale Vision Zéro
Depuis 2016, Vision Zéro porte sur une stratégie de prévention des accidents du travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles. Cette stratégie traduit la volonté solidaire des partenaires nationaux à redynamiser la sécurité et la santé au travail et à mobiliser toutes les parties prenantes. Une nouvelle phase a été lancée pour la période 2023-2030. L’objectif est de réduire de 20 % le taux de fréquence national, tous secteurs confondus, des accidents du travail par rapport à 2019 (3,73 %).
Un label de qualité
L’AAA a créé en 2011 un label de qualité en matière de sécuritésanté au travail, dénommé « Sécher A Gesond mat System (SGS) ». Le label offre aux entreprises une image de qualité en matière de sécurité-santé au travail et leur permet de bénéficier d’un conseil personnalisé et d’un accompagnement par les agents du service Prévention de l’AAA. Fin 2022, 51 entreprises disposaient de ce label.
Prise en compte de la santé mentale
La prise en compte de la santé mentale des salariés est une tendance forte depuis quelques années. Dans le dernier Quality of Work Index publié par la Chambre des salariés (CSL),
les auteurs soulignent que « la part des salarié(e)s du Luxembourg se sentant en 2023 exposés ‘souvent’ ou ‘presque toujours’ à une charge mentale a proportionnellement augmenté, et représente au total 65 % des personnes interrogées ».
Impact des nouvelles technologies
Les nouvelles technologies vont-elles permettre de réduire drastiquement les risques d’accident ? De nos jours, des drones peuvent inspecter des zones dangereuses, tandis que les robots peuvent effectuer des tâches périlleuses autrefois réalisées par des personnes, réduisant ainsi le risque d’accidents. Ces nouvelles technologies présentent indéniablement des avantages, mais elles introduisent aussi de nouveaux risques, qui doivent être pris en compte.
Place à la réalité virtuelle
La réalité virtuelle (VR) permet d’offrir aux salariés une formation immersive dans des situations à risque sans danger réel. Cette année, l’IFSB (Institut de formation sectoriel du bâtiment) a notamment été récompensé pour son outil virtuel « VR tranchées » développé à la suite de différents accidents du travail survenus lors de travaux dans les tranchées. L’outil est lié à un casque de réalité virtuelle à travers lequel l’apprenant se déplace sur un chantier, essayant de repérer les risques présents et surtout les mesures de prévention à adopter.
Un apprentissage permanent
Récompensée lors du dernier Forum sécurité-santé au travail, l’entreprise internationale Wallenborn Transports a créé Wallenborn Academy, une plateforme en ligne conçue pour former les employés indépendamment de leur emploi du temps ou de la langue. Le formateur virtuel (généré par l’IA) s’adapte à tous les horaires et fournit un support de formation complet et interactif.
Sécurité et santé au travail
ESG JUILLET 2024 43
« Essayons de passer d’un modèle actif à un modèle proactif ! »
Fondateur et directeur technique de DataThings, créée en 2017, Grégory Nain sait que le projet des quatre ex-SnT arrive à un tournant : leurs deux produits peuvent revisiter la manière dont les industriels gèrent production, ressources, énergie.
Portrait GUY WOLFF Journaliste THIERRY LABRO
44 ESG JUILLET 2024 Conversation Grégory Nain
Avec deux produits phares, Grégory Nain et DataThings peuvent s’attaquer à un marché mondial où ils n’ont pas de concurrents, avec leur projet né et développé au Luxembourg.
Pourriez-vous nous rappeler ce que vous avez fait depuis quatre ou cinq ans ?
En 2017, nous avons lancé à deux cette spin-off du SnT. Nous avons passé les quatre premières années à faire des projets de référence, pour montrer que la technologie avait de la valeur pour différentes industries. Fin 2020, nous avons reçu l’investissement d’Enovos et de Paul Wurth, pour nous aider à faire des produits. Nous étions très orientés services de développement spécifiques, avec raison, mais nous nous sommes dit que nous voulions fabriquer des produits pour aller vers de la récurrence et de la licence. Au moment de l’investissement, nous étions huit. Il s’agissait de 1,3 million d’euros et nous avons aussi obtenu la subvention de jeune entreprise innovante du ministère de l’Économie, ce qui nous amène à aujourd’hui : nous avons des produits prêts, que nous mettons sur le marché.
Alva est le digital twin des grilles de distribution d’électricité, avec un partenariat que nous avions conclu avec une entreprise slovène, Iskraemeco, et qui fabrique des smart meters. Eux vendent des smart meters et vont fournir les données nécessaires. Alva se chargera de traiter ces données et contribuera à la création d’un jumeau numérique afin d’optimiser les opérations de distribution de l’électricité. Actuellement, pour septembre, nous préparons un lancement similaire pour Greycat, notre technologie maison, développée à 100 % au Luxembourg, sans aucune dépendance à aucun autre logiciel – ce qui permet aussi d’adresser des problématiques de souveraineté… Pour vendre cela à des intégrateurs logiciels, des développeurs... L’idée est de dire que parmi toutes les technologies qui existent pour faire du data processing et du data storage, nous en proposons une autre pour fabriquer des jumeaux numériques, qui peuvent être augmentés avec du machine learning pour créer des intelligences artificielles ou pour faire du reporting et avoir des KPI.
On se concentre aujourd’hui sur le déploiement commercial, au-delà du Luxembourg. Pour Greycat, on va se concentrer sur les voisins et l’Europe ; pour Alva, c’est directement un marché mondial.
Faisons un pas en arrière. Alva, Greycat : expliquez-nous simplement ce que ces technologies peuvent faire. Alva s’intéresse à des problématiques de distribution de l’électricité. Les clients sont les distributeurs d’électricité. Au Luxembourg, c’est Creos pour une grande partie du territoire. Creos nécessite de plus en plus de soutien pour gérer le réseau, en raison de l’augmentation de l’injection d’énergie par les panneaux solaires et les éoliennes, ainsi que de la consommation croissante des véhicules électriques et des pompes à chaleur, conséquence de la transition énergétique. De cela découlent deux problématiques principales : la taille de la grille – le dimensionnement des câbles –, ce qui nécessite de savoir où et combien investir pour assurer une distribution optimale, et le pilotage. Il y a eu un exemple, il n’y a pas très longtemps : quelques maisons ont été déconnectées dans le Nord parce que c’était un jour couvert avec du vent et les éoliennes produisaient énormément. La grille était stable et à un moment donné, il y a eu un trou dans les nuages. C’est passé au-dessus d’un champ, les panneaux solaires se sont mis à injecter et il n’y avait pas assez de consommation. Et la grille a déconnecté par sécurité. Typiquement, c’est sur des aspects comme ceux-là qu’avoir un digital twin, du machine learning et de l’IA va permettre de prendre en compte ces aspects météorologiques plus finement, plus précisément, pour aider à garantir la distribution d’électricité et anticiper ces événements-là.
Est-ce que cela permet de dire si le réseau est bien dimensionné ou non ? Pour les clients industriels, Creos déploie déjà des solutions bien spécifiques en fonction des besoins. Le Luxembourg produit peu. Avec le projet 380 kw, ils anticipent presque à 50 ans.
Où sont les difficultés ?
Les difficultés viennent des quantités de données. Il y a 50 milliards de points de données par an au Luxembourg et le Luxembourg n’a que 350.000 smart meters. Strasbourg en a 600.000. La France, 35 millions. Tout est connecté, et si l’on veut avoir une très fine granularité du système, nous sommes obligés de faire des analyses pour
DANS L’OMBRE D’ISPACE
Ce jour-là, le Grand-Duc Henri est en visite avec le ministre de l’Économie, Lex Delles, pour près d’une heure et demie. Chez iSpace, l’antenne européenne de la start-up japonaise de l’espace et en amont de la visite d’État, emmenée par le Grand-Duc Héritier Guillaume. Occasion de rappeler que l’incubateur de Paul Wurth où se développe DataThings accueille aussi Kreins Technologies (ingénierie mécanique), Datapunk (marketing), Moovee (mobilité), Amsol (impression 3D) et Evvos (capteurs).
46 ESG JUILLET 2024 Conversation
Grégory Nain
« Les gens n’ont pas forcément besoin d’IA, il y a plein d’industries qui ne sont qu’en phase de digitalisation, qui se demandent comment collecter et stocker les données, comment les analyser. »
chaque point de distribution. On apprend de chaque point de consommation et de chaque point de distribution. Nous venons factoriser des éléments environnementaux et les aspects de maintenance – de temps en temps, des équipements sont mis hors ligne parce qu’il faut les maintenir – et tout cela devient compliqué à gérer manuellement. Ces jumeaux digitaux permettent de prendre tout cela en considération et de fournir une vision pour les opérateurs pour qu’ils puissent prendre des décisions soit d’investissement, soit d’opération.
Le fait que la météo change, ça ne rend pas vos modèles obsolètes ?
Les choses changent et le machine learning ne peut reproduire que ce qu’il a vu dans le passé. Nous préconisons de reprendre cette base du passé – parce que c’est ce que nous connaissons –, de qualifier ces données et de faire des prédictions, mais n’oublions pas de réentraîner, de mettre à jour et de factoriser à une certaine fréquence les nouvelles données qui arrivent tous les mois, toutes les trois semaines, peu importe. Il faut rentrer les nouvelles données au fur et à mesure.
Il n’y a pas de concurrent ?
Nous en avons trouvé deux. Soit ils n’arrivent pas à gérer aussi finement le même volume de données que nous gérons au Luxembourg – passés les 30.000 smart
meters, c’est compliqué pour eux –, soit des grosses entreprises mettent cela au catalogue mais ils n’ont rien de tangible. Nous sommes en avance, grâce à la vision de Creos d’il y a dix ans.
Où en êtes-vous de vos développements sur le plan financier ?
Nous sommes autour de 800.000 euros par an. Nous arrivons sur le marché avec une technologie qui fait peur, les gens ne la connaissent pas. Ça rassure d’avoir de la concurrence. Chez certains clients, ce que nous faisons, ce sont quatre systèmes différents.
Comment adresse-t-on ce marché mondial ?
Beaucoup d’événementiel, le réseau de Paul Wurth, le bouche-à-oreille. Dès que nous aurons déployé notre solution chez un ou deux clients, cela va s’accélérer. La phase pilote dure trois à quatre mois. Nous prenons la solution, nous essayons de la brancher aux leurs. En six mois, elle sera déployée. C’est une licence annuelle aujourd’hui dépendante du nombre de smart meters, c’est ce qui va conditionner la performance.
Un projet d’envergure mondiale comme le vôtre, c’est quoi son but ultime ?
Nous avons surtout envie de créer des choses pérennes. Nous ne sommes pas
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dans le côté « start-up », où l’on brûle du cash assez rapidement. En sept ans, nous n’avons fait qu’un seul tour. Nous réfléchissons à un autre tour pour soutenir le développement commercial. Nous avons envie de montrer ces technologies et leur potentiel. Probablement que cela intéressera un gros éditeur de logiciels, oui. Nous nous donnons encore cinq à sept ans... Les cycles de vente pour Alva sont aussi assez longs parce que ce sont des infrastructures qui vont être nationales, des appels d’offres, il faut les intéresser...
Par rapport à l’accélération de l’intelligence artificielle aujourd’hui, estce que vous ne risquez pas de vous faire rattraper ?
Peut-être. Je ne crois pas que cela soit un risque. Il faut avoir accès aux données. Nous apprenons à partir des données. Nous voyons arriver en Europe toutes les régulations – Act, AI Act, Data Act, etc. Notre gros avantage concurrentiel est Greycat, qui nous permet de simplifier énormément les développements. Il n’y a pas de concurrent sur le marché pour une solution aussi intégrée. Sans l’intégration, les performances ne seront pas au rendez-vous. Des industriels qui mettent nos solutions en production ne vont pas les débrancher demain...
Vous êtes combien aujourd’hui ?
Nous sommes 22. Un tiers de PhD, un autre tiers de masters et un tiers de bachelors, dont un quart sur le business development. Les quatre fondateurs (Grégory Nain, directeur opérationnel ; Assaad Moawad, head of machine learning ; Thomas Hartmann, head of R&I ; François Fouquet, head of software engineering, ndlr) sont toujours là ! Depuis sept ans ! Plus cinq ans à l’université auparavant. Nous avons toujours eu la même vision. Nous voulions avoir une technologie efficace pour les digital twins . Nous en voyons d’autres, par exemple avec Cebi, dans l’industrie 4.0, avec un digital twin des lignes de production ; dans le domaine bancaire, sur la préparation de données... Nous commençons à toucher notre vision. Greycat trouve une utilité partout où l’on veut faire des analyses d’états. Des états des systèmes. La problématique, ce n’est pas d’analyser les
données, mais l’état d’une production à un instant T, l’état de la production il y a une heure et l’état de la production dans six heures. Ces états sont toujours des éléments connectés les uns aux autres, des données relationnelles. Greycat permet de se placer à un instant T et de regarder ces états afin de faire de l’apprentissage du passé pour réaliser de la prédiction du futur. Essayons de passer nos économies d’un modèle réactif à un modèle proactif !
Ou pour acheter plus de matière si on n’en a plus ou programmer de la maintenance ?
Pour adapter tout de suite votre business et atteindre un objectif dans une semaine.
C’est novateur dans l’industrie ?
Ça devient possible avec les technologies que nous avons. ArcelorMittal a surtout de la détection d’anomalies on spot. Ça les aide énormément : s’ils voient que le produit dévie, ils arrêtent tout de suite et ils rectifient. C’est presque un contrôle qualité immédiat. Nous travaillons avec Urbasense depuis plusieurs années. Ils fabriquent des systèmes d’arrosage avec des sondes qu’ils mettent dans le sol et des électrovannes commandables. Nous nous occupons du back-end : ils collectent les données des arbres dans une ville pour qu’ils survivent. Avec cela, nous avons des modèles qui surveillent le système racinaire pour éviter que l’arbre tombe avec le vent et qui va mesurer combien d’eau il faut apporter à l’arbre pour qu’il survive, qu’il limite les effets d’îlot de chaleur en été et qu’il n’ait pas trop d’eau et ne développe pas ses racines.
Et dans un groupe qui a plusieurs usines un peu partout, l’industriel vatil pouvoir avoir des métriques comparables ?
Il y a ça, mais il y a aussi... Il y a un groupe avec lequel on travaille, Cebi International, qui a une usine à Luxembourg et dix autres dans le monde. La volonté est de déployer un digital twin dans chacune des usines et d’avoir à un moment donné un dashboard consolidé des usines à jour en permanence. Avec un objectif de chiffre d’affaires, par exemple, on peut avoir une IA qui va permettre de planifier sa production, qui va
LES TROIS NIVEAUX D’IA
Il y a la data science, qui va être très statistique. Il y a le machine learning, qui va faire l’apprentissage, créer le modèle mathématique. Et il y a une IA qui va pouvoir utiliser un ou plusieurs modèles de machine learning, et qui va avoir une certaine autonomie. Tant qu’elle n’a pas un certain niveau d’autonomie, on ne peut pas appeler cela une IA. Il y a des IA dans des véhicules. Là, elles prennent en toute autonomie des décisions sur la conduite, basées sur différents modèles qui reconnaissent les panneaux, le terrain, etc. « Nous nous sommes distancés des appellations marketing sur l’IA », assure M. Nain.
48 ESG JUILLET 2024 Conversation Grégory Nain
« Si on allait en France ou en Allemagne, on pourrait réduire les coûts de presque un tiers tout en ayant les bonnes compétences. »
dire « planifiez cette production avant celle-ci pour réduire le temps de changement et celle-là a plus de valeur ». Un cerveau humain ne va pas nécessairement penser à tout. Mais les gens n’ont pas forcément besoin d’IA, il y a plein d’industries qui ne sont qu’en phase de digitalisation, qui se demandent comment collecter et stocker les données, comment les analyser... Mais ce doit être un support à la prise de décision. Si vous décidez de le brancher en automatique, mettez des garde-fous.
Avec le développement commercial à l’échelle mondiale, on peut imaginer que vous bougiez de l’incubateur de Paul Wurth ?
Nous allons surtout réfléchir à ouvrir des bureaux en France, en Allemagne, peutêtre en Belgique, plutôt commerciaux, pour nous déployer. Peut-être des bureaux technologiques aussi, parce qu’au Luxembourg, nous avons de plus en plus de mal à recruter. Nous ne sommes pas encore break-even, mais pour recruter de bons profils, c’est plus dur. Il y a beaucoup de profils de data scientists que j’appelle les « data scientists de YouTube », qui ont passé trois semaines à écouter des trucs... DataThings reste une société très technologique. Nous avons refait notre langage de programmation, nous avons notre système de gestion de base de données, nous avons des réseaux de neurones sur des GPU. La plupart de ceux qui arrivent jusqu’à nous sont des
intégrateurs de technologie. Aller chercher le profil dont nous avons besoin reste très compliqué. Sur le marché luxembourgeois, c’est encore plus compliqué pour des raisons économiques. Si on allait en France ou en Allemagne, on pourrait réduire les coûts de presque un tiers tout en ayant les bonnes compétences. On les recrute au Portugal, en Italie ou ailleurs, parce qu’ils acceptent de démarrer avec des salaires plus raisonnables.
Plus de dix ans autour de ce projet, c’est long, non ?
C’est un vrai marathon. Un jour, ça va. Le lendemain, il y a un truc à régler, puis trois ou quatre dans la foulée... Il y a des réussites et des échecs, mais on avance toujours. L’entreprise grandit, peut-être pas très rapidement, mais solidement. Les gens sont soudés et s’entendent bien. Nos outils de production, ce sont les gens. On voudrait les récompenser, mais pas tout de suite. Bientôt. On espère. Les fondateurs sont toujours là. Et quelques-uns de nos employés qui y croient depuis le début. Les produits sont bien dessinés, on voit les marchés, on voit les chiffres. Typiquement, si on vend Alva deux fois, on devient bénéficiaires. Un deuxième tour nous permettrait d’accélérer le développement commercial. Nous allons par exemple faire un Greycat Tour en France pour le présenter au côté académique et au côté industriel.
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La gouvernance, socle fondateur d’une approche durable
Afin de s’engager dans une approche durable, au service d’un développement pérenne, les entreprises sont appelées à formaliser un ensemble de pratiques de bonne gouvernance. Elle contribue à une meilleure appréhension des risques et des opportunités, à davantage de transparence, à un suivi rigoureux des engagements pris. Cerise sur le gâteau : bonne gouvernance rime souvent avec amélioration des performances.
Lorsque l’on parle de responsabilité sociétale des entreprises, c’est souvent autour des enjeux sociaux et environnementaux que se concentrent les discussions. Les enjeux liés à la bonne gouvernance de l’entreprise viennent souvent au second plan. Ils correspondent pourtant à l’une des trois dimensions du développement durable des entreprises, reprises sous l’acronyme ESG, pour environnement, social et bonne gouvernance. « La gouvernance devrait d’ailleurs être considérée comme la clé de voûte du bon fonctionnement et du développement pérenne d’une entreprise , commente Laurence Graff, directrice adjointe de l’Institut national pour le développement durable et la RSE (INDR). Le concept reprend les bonnes pratiques de gestion, les enjeux de conformité réglementaire, de gestion des risques ainsi que, entre autres choses, des considérations éthiques propres à chaque entreprise. »
Chaque entreprise applique, qu’elle les ait formalisées ou non, diverses pratiques de bonne gouvernance. Celles-ci peuvent
relever du bon sens, de la gestion « en bon père de famille » ou, pour des acteurs plus matures, soutenir des engagements forts en matière de développement et de gestion. « Beaucoup d’entreprises mettent en application des principes de bonne gouvernance sans forcément le savoir, reconnaît Laurence Graff. De manière très générale, on peut considérer qu’il s’agit de l’ensemble des éléments qui contribuent à une prise de décision éclairée, en tenant compte de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise. D’une société à l’autre, le niveau de formalisation de ces mesures peut considérablement varier, tout comme les outils mis en place pour soutenir cette bonne gouvernance. »
Soutenir une gestion durable
Dans un contexte de transition écologique et solidaire, pour soutenir les objectifs de développement durable définis par les Nations unies ou encore dans le cadre des accords de Paris, les enjeux liés à la bonne gouvernance revêtent cependant une dimension de plus en plus importante. « Si
l’entreprise poursuit des objectifs environnementaux et sociaux, c’est au niveau de sa gouvernance que se situe le socle, la fondation de son engagement », explique Christian Dohmen, general counsel de la Bourse de Luxembourg, institution luxembourgeoise particulièrement engagée en faveur d’un développement durable. Jusqu’à présent, en dehors d’environnements particulièrement régulés, comme la finance, la gouvernance ne s’imposait pas forcément comme une thématique proéminente. « C’est pourtant à travers elle que l’entreprise définit un ensemble de règles, de procédures de contrôle, qui doivent garantir l’application de bonnes pratiques de gestion ou encore d’appréhension des risques, poursuit Christian Dohmen. Aujourd’hui, avec le développement d’un cadre réglementaire inhérent aux enjeux environnementaux ou sociaux, les aspects de gouvernance revêtent une dimension plus importante. »
Les réglementations, à l’instar de la CSRD, de la SFDR (pour les gestionnaires d’actifs) ou encore de la CSDDD,
Pérennité
Photo Guy Wolff
50 ESG JUILLET 2024
Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
contraignent en effet un certain nombre d’acteurs à adopter des bonnes pratiques de gestion et à intégrer des enjeux de durabilité au cœur de leur fonctionnement. « Quand on parle de bonne gouvernance, divers aspects peuvent être évoqués, comme la composition des organes de décision, les processus de nomination à des fonctions exécutives ou encore les mécanismes de contrôle mis en place, commente Christian Dohmen. Cela couvre aussi les éléments soutenant des engagements en matière de diversité, d’inclusion ou d’égalité, ou encore les mécanismes de gestion des risques au sein de l’entreprise. On peut aussi y inclure les enjeux de formation et d’éducation. »
Fixer le cadre, garantir la transparence
La gouvernance ne s’attache pas directement à évaluer la performance environnementale ou sociale de l’entreprise. Elle fixe un cadre, autrement dit un ensemble de mesures garantissant le suivi et le respect d’engagements pris à l’échelle de l’entreprise. « C’est à ce niveau que les responsabilités de l’entreprise, et par la même occasion de chacun en son sein, vont pouvoir être définies. La gouvernance vise aussi à renforcer la transparence à l’égard des diverses parties prenantes, en établissant des processus de décision clairs et documentés, qui soient bien compris de tous », poursuit Laurence Graff. Il appartient à l’entreprise de faire évoluer le cadre et les règles qu’elle s’impose. Les réglementations durables établissent un ensemble de normes, auxquelles de plus en plus de structures doivent doit se conformer. Elles obligent les acteurs économiques à faire preuve de plus de transparence, cela en rendant public un ensemble d’indicateurs relatifs à leurs principaux impacts sociaux et environnementaux ou encore en veillant à identifier les risques émanant de l’écosystème dans lequel ils évoluent (cela à la suite d’une analyse de matérialité). Ce reporting, imposé par la directive CSRD, doit s’opérer suivant des normes bien précises et les acteurs seront audités par rapport à ce qu’ils renseignent. La transparence, vis-àvis de ces enjeux, est donc aujourd’hui imposée par la réglementation. « Cependant, ces enjeux ne doivent pas être appréhendés suivant une logique ‘tick the box’,
10 PRINCIPES DE GOUVERNANCE
1 L’entreprise déploie une politique de développement durable appropriée. Elle expose les mesures prises pour sa mise en œuvre et en rend compte de manière transparente et suffisamment détaillée.
2 Le conseil d’administration est responsable de la gestion de la société. En tant qu’organe collectif, il agit dans l’intérêt de l’entreprise et sert tous les actionnaires en assurant le succès à long terme de l’entreprise.
3 Le conseil d’administration est composé de personnes compétentes, honorables et qualifiées. Le choix de ces personnes tient compte des spécificités de la société.
4 La société établit une procédure formelle pour la nomination des membres du conseil d’administration.
5 Les administrateurs doivent faire preuve d’intégrité et d’engagement.
6 Le conseil d’administration met en place un organe chargé de la gestion exécutive efficace de ses activités. Il définit clairement les missions et les tâches du management exécutif et lui délègue les pouvoirs nécessaires à leur bonne exécution.
7 La société établit une politique de rémunération équitable pour ses administrateurs et les membres de sa direction générale, qui est cohérente avec les objectifs de la stratégie commerciale et de gestion des risques de la société, y compris les objectifs liés au développement durable…
8 Le conseil d’administration établit des règles strictes pour protéger les intérêts de l’entreprise dans les domaines de la communication d’informations financières et sur le développement durable, du contrôle interne et de la gestion des risques.
9 L’entreprise déploie une politique appropriée en matière de développement durable. Elle expose les mesures prises pour sa mise en œuvre et rend compte de manière transparente et suffisamment détaillée.
10 La société respecte les droits de ses actionnaires et veille à ce qu’ils bénéficient d’un traitement égal.
LAURENCE GRAFF directrice adjointe INDR
Nous
sommes tous confrontés
à d’importants défis, sociaux ou environnementaux. Au-delà des effets d’annonce, il faut pouvoir s’assurer que l’on fait bien ce que l’on dit. »
ESG JUILLET 2024 51
sous le seul angle de la conformité réglementaire. La gouvernance doit soutenir la culture d’entreprise, ses valeurs, mais aussi ses relations avec l’ensemble des parties prenantes, le tout suivant une approche éthique propre à chaque structure », assure Christian Dohmen.
Vis-à-vis des objectifs de développement durable, au-delà des contraintes imposées à certains acteurs, chaque entreprise agit de manière plus ou moins volontariste. Une structure comme la Bourse de Luxembourg, bien que n’entrant pas directement dans le champ d’application de la CSRD, entend se montrer exemplaire vis-à-vis de ces enjeux sociaux, environnementaux, faisant la promotion d’une approche responsable de la finance. « À notre niveau, cela se traduit par l’adhésion de notre institution à des chartes ou via la signature de mémorandum d’entente. Au-delà de tout engagement volontaire, cependant, il est essentiel de définir de manière formelle comment on y répond et on en rend compte. Nous sommes tous confrontés à d’importants défis, sociaux ou environnementaux. Au-delà des effets d’annonce, il faut pouvoir s’assurer que l’on fait bien ce que l’on dit. C’est au niveau de la gouvernance que l’on va s’assurer de ce suivi. L’enjeu est de soutenir effectivement cette transition vers un développement durable. Il en va de notre crédibilité. »
La gouvernance, levier de performance Si la démarche peut paraître contraignante, à travers les procédures, les règles et les limites qu’elle fixe, elle constitue aussi un levier-clé de l’amélioration de la gestion de l’entreprise et de ses performances. « En améliorant sa gouvernance, l’entreprise va pouvoir envisager son développement sur le long terme, à travers une meilleure appréhension des risques auxquels elle est exposée ou encore à ceux qui émergent, explique Laurence Graff. L’enjeu est de garantir la pérennité de l’entreprise en garantissant des revenus pour ses dirigeants, ses salariés, ses actionnaires. Le but premier, à cette fin, est de veiller à la performance économique de l’activité. Elle est au fondement de l’entreprise. Cela dit, si on peut la garantir en tenant compte des externalités, en cherchant à réduire à la fois ses impacts et son exposition à divers risques, sociaux ou environne-
FACILITER
L’ANALYSE DE MATÉRIALITÉ
Aligner la stratégie de son entreprise et sa stratégie RSE est un défi majeur auquel les entreprises font face à l’heure actuelle. L’exercice de l’analyse de la matérialité, qui vise à définir les thématiques ESG importantes pour son entreprise et les prioriser, est la clé d’une stratégie RSE réussie, efficace et réellement impactante pour la société, son activité et ses parties prenantes. Elle est au fondement de la gouvernance de l’entreprise. Afin de soutenir les acteurs dans cette démarche, l’INDR a récemment mis en place un nouvel outil. Il permet aux entreprises d’accéder, en fonction de leur secteur d’activité, à l’ensemble des thématiques ESG ayant un impact potentiel sur la société, l’environnement et leur activité ; d’évaluer le degré d’importance de ces thématiques pour leurs parties prenantes externes et leur activité ; de visualiser les résultats sous forme d’une matrice permettant la priorisation de ces thématiques.
mentaux par exemple, c’est bénéfique pour tout le monde. »
Renforcer sa gouvernance, assurer le suivi de ses engagements et une plus grande transparence vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes contribuent à l’amélioration de l’image de marque de l’entreprise. Alors que l’un des plus grands challenges des organisations est d’attirer et de fidéliser des talents, une gouvernance robuste peut faciliter les choses. « Si les règles et les objectifs poursuivis sont compris de tous, que les règles sont claires, les collaborateurs se sentent impliqués et davantage concernés par le développement de l’activité », poursuit la responsable de l’INDR.
L’amélioration de la gouvernance soutient les performances de l’entreprise à bien d’autres égards. « Il est aujourd’hui démontré que le renforcement de la diversité au sein d’un comité de direction est vecteur de création de valeur. Elle permet d’aborder les projets en considérant différentes perspectives. Ce qui est salutaire pour l’avenir de l’entreprise , commente encore Christian Dohmen. On peut aussi évoquer le rôle de la gouvernance au niveau des relations avec les contreparties, qu’il s’agisse des fournisseurs ou des clients. L’entreprise, par exemple, peut décider de n’établir des relations contractuelles qu’avec des acteurs qui partagent le même niveau d’exigence qu’elle vis-à-vis des enjeux sociaux, environnementaux ou encore de transparence. On s’assure de cette manière de n’établir des relations qu’avec des acteurs sérieux, pour avancer ensemble vers un monde meilleur. »
Pérennité 52 ESG JUILLET 2024
Comment faire face à la crise mondiale de l’eau ?
L’augmentation de la population mondiale et l’intensification du changement climatique ont accentué le stress hydrique. Avis aux investisseurs : la thématique de l’eau pourrait présenter des opportunités prometteuses !
71 % de la surface de la Terre est recouverte d’eau, et pourtant, 3,1 milliards d’individus vivent dans des zones à risque de stress hydrique « élevé » ou « extrêmement élevé ». Croissance démographique, urbanisation, industrialisation, agriculture intensive et dérèglement climatique ont contribué à la croissance de la consommation d’eau mondiale. Par ailleurs, notre utilisation de l’eau est parfois inefficace, par exemple dans certaines pratiques agricoles, ou à cause des gaspillages dans les infrastructures de distribution d’eau vieillissantes. La qualité de l’eau se dégrade également en raison de la pollution. L’équilibre entre l’offre et la demande d’eau est fragilisé au point de menacer notre santé et notre sécurité alimentaire ! Nous devons revenir à une gestion de l’eau plus durable.
Changer notre alimentation ne suffira pas L’agriculture représente plus de 70 % des prélèvements d’eau douce dans le monde. Nous pouvons à titre individuel modifier nos régimes alimentaires (produire
1 kg de viande requiert dix fois plus d’eau que 1 kg de céréales), mais cela ne suffira pas. Nous devons passer à une agriculture plus durable, qui associe des pratiques économes en eau à des technologies intelligentes telles que l’irrigation de précision.
L’industrie doit elle aussi évoluer. La production d’électricité – très consommatrice en eau –, le textile, la chimie et l’exploitation minière contribuent largement à l’utilisation et à la pollution d’eau douce. Généralisation des systèmes de circulation en circuit fermé, traitement des eaux usées, intensification du recyclage : des solutions existent !
Des opportunités pour les investisseurs
En tant qu’investisseur responsable, Candriam analyse de près les problématiques liées à la crise de l’eau, du côté risques, mais aussi opportunités. Notre stratégie d’investissement sur l’eau vise à capturer les rendements potentiels générés par des entreprises dans des segments de marché porteurs liés à ce thème : ces sociétés offrent des solutions de traitement, transport, distribution et protection de l’eau, ou sont leaders dans l’utilisation rationnelle de l’eau. Une thématique de long terme au vu des enjeux liés à cette ressource précieuse !
Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les principaux risques associés à la stratégie sont : risque de perte en capital, risque lié aux actions, risque de change, risque d’investissement ESG. Les risques énumérés ne sont pas exhaustifs et de plus amples détails sur les risques sont disponibles dans les documents réglementaires. Ce document est une communication publicitaire. Veuillez vous référer au prospectus des fonds et au document d’informations-clés avant de prendre toute décision finale d’investissement. Cette communication publicitaire ne constitue pas une offre d’achat ou de vente d’instruments financiers, ni un conseil en investissement et ne confirme aucune transaction, sauf convention contraire expresse.
CANDRIAM
Alain Deflandre, Head of Sales Luxembourg & Nordics alain.deflandre@candriam.com
Tél : +352 27 97 51 29 https://www.candriam.com
Bassins de décantation.
Crédit Candriam PARTNER CONTENT
« Les entreprises sont appelées à adopter une approche vertueuse »
Avec la mise en œuvre de la Corporate Sustainability Reporting Directive, les entreprises européennes doivent rendre compte des impacts, risques et opportunités en matière de durabilité liés à leur activité.
Présentation par le sustainability leader de PwC Luxembourg, Frédéric Vonner.
Portrait GUY WOLFF Auteur SÉBASTIEN LAMBOTTE
54 ESG JUILLET 2024 Conversation Frédéric Vonner
Pour Frédéric Vonner, les entrepreneurs vont pouvoir identifier de nouvelles opportunités.
Comment, au travers de la réglementation, les autorités européennes poussent-elles les acteurs économiques à s’engager dans une transition vers une économie plus durable ?
En dehors du champ de la finance, pour lequel plusieurs réglementations spécifiques soutiennent le développement d’une approche plus durable, les entreprises vont être concernées par deux textes principaux : la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD). La première réglementation, qui est la plus mature et qui s’applique dès l’exercice 2024 pour un certain nombre d’entreprises, s’inscrit dans la continuité de la directive sur le reporting non financier (NFRD). Elle demande que les entreprises européennes publient annuellement un ensemble d’informations et d’indicateurs en lien avec leurs impacts sociaux et environnementaux et d’autres à propos de leur gouvernance.
Il s’agit donc avant tout d’un exercice de transparence ?
Oui, mais, pour le mener à bien, il implique que les acteurs effectuent préalablement un exercice de réflexion qui conduise à une meilleure compréhension des impacts ESG de l’entreprise. La directive exige par exemple d’effectuer une analyse de double matérialité. En la matière, il s’agit avant tout d’identifier l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, les éléments qui constituent son environnement, au sens de son écosystème, afin de déterminer l’impact de l’activité à leur égard. D’autre part, il s’agit aussi de considérer l’impact de cet écosystème sur son activité. Cette première analyse constitue un premier défi pour les acteurs, qui doivent appréhender des aspects souvent ignorés en lien avec leurs activités. Par exemple, pour les parties prenantes, il faut aller au-delà des acteurs auxquels on pense directement, à savoir les collaborateurs, les clients et les fournisseurs. Il faut creuser plus en profondeur, en considérant les diverses catégories d’employés, comme les travailleurs temporaires, ou encore des associations professionnelles. L’exercice peut amener l’entreprise à aller vers ses clients, afin de les interroger.
MINIMISER L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL
Selon le Global Entrepreneurship Monitor (GEM), relayé par le Statec, les entreprises luxembourgeoises sont de plus en plus nombreuses à rendre compte de leurs pratiques en matière de développement durable. Le pourcentage d’entreprises déclarant leurs pratiques de durabilité en ligne est passé de 14,7 % en 2014 à 21,4 % en 2022.
En quoi cet exercice d’analyse est-il important ?
Cette analyse est nécessaire pour mener à bien ce que la réglementation appelle une analyse des impacts, des risques et des opportunités (IRO). En résumé, il s’agit d’identifier les impacts significatifs que l’entreprise et sa chaîne de valeur ont sur l’environnement et la société, les risques de durabilité qui pourraient compromettre la viabilité de l’entreprise, mais aussi d’appréhender les opportunités qui peuvent découler de l’adoption de pratiques plus responsables et durables. À un niveau purement réglementaire, cet exercice est aussi nécessaire pour déterminer quels sont les standards – European Sustainability Reporting Standards (ESRS) – à appliquer autour des enjeux environnementaux, sociétaux et de bonne gouvernance. Selon les impacts, les risques et les opportunités, les exigences techniques s’adaptent.
Source Global Entrepreneurship Monitor Luxembourg Report 2023/2024, En pourcentage de l’AET.
2022 2023 0% 20% 40% 60% 80% 56 ESG JUILLET 2024
52 52 73 66 Luxembourg Luxembourg
UE
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Conversation Frédéric Vonner
Moyenne
Moyenne
Au-delà des aspects techniques de la réglementation, quel est l’enjeu ? Il faut replacer cette réglementation dans un contexte plus large, qui est celui des objectifs de développement durable fixés par les Nations Unies ou encore ceux déterminés au niveau de l’accord de Paris sur le climat. Avec la réglementation, les autorités espèrent induire une approche vertueuse à l’échelle des organisations et de leur écosystème. Il s’agit de les amener à entamer une réflexion autour de leurs impacts, de leur responsabilité d’entreprise vis-à-vis de l’ensemble de leurs parties prenantes, afin qu’elles puissent plus facilement s’engager dans une approche plus durable. Au-delà de la charge de cette réflexion, il ne faut pas négliger le volet « opportunités » lié à la démarche. Par le biais de cet exercice d’une meilleure compréhension des liens entre leurs activités et leur écosystème, les entreprises vont pouvoir identifier des leviers d’efficience ou même déceler de nouvelles sources d’activité.
Comment pourrions-nous illustrer cela ? Investir en vue de réduire ses émissions de CO2 permet, le plus souvent, de réaliser des économies en matière énergétique. Prenons comme exemple le secteur de la construction. En discutant avec ses parties prenantes, une entreprise peut mieux comprendre les défis des divers acteurs du marché. Si, jusqu’à présent, on a beaucoup privilégié le béton, un échange avec un promoteur immobilier autour des enjeux de transition énergétique va peut-être amener à envisager avec plus d’intérêt la construction bois. L’entreprise va pouvoir se rendre compte qu’elle peut, de bien des manières, réduire l’empreinte carbone liée à l’activité en privilégiant des matières premières écoresponsables, issues de filières locales, tout en répondant mieux aux attentes et préoccupations du marché.
Cette réglementation ne doit-elle pas amener à générer une forme de compétition vertueuse entre entreprises sur des enjeux environnementaux ou sociétaux ?
La réglementation peut induire un effet d’imitation. Si un acteur développe une stratégie durable, prend des initiatives dans une direction ou développe un nouveau marché, des concurrents pourraient
être incités à le suivre. D’autre part, l’engagement responsable d’une entreprise constitue un critère de choix aujourd’hui de plus en plus important pour des clients ou encore des candidats que l’on souhaite recruter. Ces éléments font que les entreprises, au départ de l’analyse des impacts, des opportunités et des risques de durabilité, sont amenées à se positionner, à adopter et à mettre en œuvre une stratégie en la matière.
Combien d’entreprises sont concernées par la CSRD au Luxembourg ?
Il n’y a pas de recensement officiel à ce jour au niveau national. À l’échelle européenne, on évoque environ 50.000 entreprises, une fois le processus de mise en œuvre finalisé, celui-ci s’étalant sur plusieurs années. Au Luxembourg, certaines estimations évaluent à environ un millier le nombre de sociétés concernées par ces nouvelles exigences.
Dans quelle mesure les entreprises qui n’entrent pas dans le périmètre de la CSRD doivent-elles se sentir concernées par ces évolutions ?
Chaque société directement concernée par la CSRD va être amenée à engager une réflexion sur son activité au sein d’un écosystème plus vaste. En explorant les leviers d’amélioration de ses performances sociétales ou encore environnementales, elle peut être amenée à faire évoluer ses relations commerciales, à privilégier des partenaires qui partagent les mêmes ambitions en matière de durabilité. C’est en cela que la réglementation est vertueuse.
L’un des grands défis, réside dans la mesure des impacts et la collecte des données permettant d’établir des indicateurs sociaux ou environnementaux… Oui. Et la CSRD, en fixant un cadre clair et des spécifications techniques par rapport à ce qui est attendu en matière de reporting, va contribuer à combler cette lacune. Les entreprises, et c’est pour elles un défi majeur, vont devoir aller chercher ces données utiles à la production des rapports et, si elles ne sont pas disponibles, trouver les moyens pour les collecter. Certaines données, en l’occurrence, sont plus difficiles à appréhender que d’autres.
QUI EST CONCERNÉ
PAR LA CSRD ?
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) concerne de nombreuses entreprises. Son entrée en application sera cependant progressive. Les organisations d’intérêt public de plus de 500 employés devront déjà remettre un rapport conforme pour leur exercice fiscal 2024. La deuxième vague est celle des entreprises réunissant 2 des 3 critères suivants : avoir plus de 250 employés, générer plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou avoir un bilan supérieur à 20 millions d’euros d’actifs. Celles-ci devront rapporter sur les enjeux de durabilité sur l’exercice fiscal 2025. Une troisième vague concernera les PME cotées en bourse dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ainsi que certaines microentreprises et les autres grandes entreprises européennes et non européennes.
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Rendre compte de sa consommation d’énergie, et, par la même occasion, de ses émissions de CO2 est beaucoup plus simple que d’évaluer la dégradation de la biodiversité en raison d’une activité. Si des normes et des standards existent ou voient le jour, d’importants efforts doivent encore être réalisés pour les parfaire et les adopter à l’échelle des organisations.
On parle aujourd’hui beaucoup d’impact environnemental. La CSRD, cependant, touche aussi à d’autres dimensions de la durabilité, et notamment aux enjeux sociaux, sociétaux et à l’intégration des bonnes pratiques de gouvernance. Comment les choses doivent-elles être appréhendées à ce niveau ?
Sur l’aspect social, les enjeux résident, par exemple, autour de la satisfaction et du bien-être des collaborateurs au travail, de l’accompagnement du développement des compétences. Pour l’entreprise, il s’agit de développer le capital humain, de l’entretenir. Un employé bien formé, qui se sent bien dans sa fonction, sera plus engagé, moins souvent absent. Il y a des effets bénéfiques pour l’employé comme pour l’employeur à aller chercher. Les entreprises travaillent aussi sur les enjeux sociétaux, leur contribution à la communauté, au fonctionnement de la société. À ce niveau, cependant, il y a lieu d’être vigilant en raison des risques de greenwashing. L’amélioration des pratiques de gouvernance, au travers d’une juste représentativité du personnel dans les organes de décision, par exemple, ou la promotion de la diversité, de l’éthique et de la conformité contribuent aussi à une meilleure maîtrise des risques et au renforcement de la durabilité de l’entreprise.
Quels sont les principaux défis auxquels font face les entreprises en matière de mise en œuvre d’une telle réglementation et, implicitement, d’une stratégie ESG efficiente ?
Le principal défi est de comprendre les tenants et aboutissants d’une telle réglementation et de se doter des capacités pour y répondre. Au-delà, il faut pouvoir trouver la donnée disponible, produire ou collecter celle qui ne l’est pas. Pour cela, il faut établir de nouvelles procédures, établir des
Conversation Frédéric Vonner
« La réglementation peut induire un effet d’imitation. »
responsabilités, mettre en place des processus qui vont toucher à l’ensemble des composantes de l’entreprise. Au-delà des indicateurs quantitatifs dont il faut rendre compte, une partie importante du rapport à établir est qualitative. L’entreprise doit pouvoir expliquer ses engagements en matière de durabilité, les enjeux et les problématiques rencontrées. Elle doit préciser comment elle entend les prendre en compte et, au fil des années, préciser ce qui a été mis en œuvre. Pour arriver à cela, un effort important de développement des compétences, à tous les niveaux, doit être consenti. Il faut sensibiliser l’ensemble des parties prenantes à ces enjeux. Cela touche aux collaborateurs, aux clients, aux fournisseurs, aux produits et aux services proposés, à la stratégie d’entreprise.
Cela ne se limite donc pas à l’établissement d’une forme de comptabilité « durable » ?
Non. C’est pour cela que, comme je le précisais, la phase d’analyse et de réflexion est importante. Il ne s’agit pas simplement de reprendre des indicateurs. La stratégie ESG contribue à l’histoire de l’entreprise, à ce qu’elle entend accomplir à travers ses engagements, en cohérence avec ses valeurs et les attentes de son environnement. Dans cette phase de mise en conformité, il peut donc y avoir des tensions, parce qu’il s’agit de s’aligner sur de nouvelles ambitions transversales à l’organisation.
Si la réglementation entend induire un mouvement vertueux, elle ne fixe pas d’objectif. Une entreprise ne pourrait-elle pas s’engager a minima ?
Quelles sont les contraintes ?
La CSRD ne les contraint pas à atteindre des objectifs déterminés. Cette réglementation contraint les acteurs à établir, annuellement, une photo de l’activité, de ses impacts, dans une optique d’amélioration. Les objectifs, eux, sont fixés à d’autres niveaux, à l’échelle nationale avec le Plan
TRANSITION
SUR PAUSE
Mais que risque l’entreprise qui, en matière de durabilité, ne s’engage à rien ? Frédéric Vonner précise : « Pour cet acteur, la principale sanction viendra du marché. Alors que d’autres acteurs se seront engagés dans une transition durable, leur conférant des gains d’efficience et de productivité, celui qui n’investit pas dans cette direction aura de plus en plus de mal à recruter, à convaincre de nouveaux clients, à accéder à des appels d’offres. Autour de ces enjeux, la compétition va progressivement se renforcer. La réglementation, pour sa part, facilitera la distinction entre les acteurs au départ d’indicateurs comparables. »
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national énergie-climat par exemple, ou sectorielle comme cela a été fait au sein de la Fedil. Les sanctions prévues dans le cadre de la CSRD sont semblables à celles qui prévalent au niveau du reporting financier et s’appliquent, le cas échéant, en cas de défaut de publication ou si le reporting « durable » ne reflète pas fidèlement la réalité de l’entreprise, cela avec l’implication des auditeurs externes. Cela dit, la CSRD constitue aussi un outil de contrôle et de vérification indispensable pour les autorités étatiques qui souhaiteraient imposer des objectifs « durables » aux acteurs du marché.
Vous évoquiez un autre texte : la Corporate Sustainabiliy Due Diligence Directive (CSDDD). Celle-ci a été adoptée par le Parlement européen en avril et validée par le Conseil européen courant mai. Quelles sont les ambitions de cette réglementation ?
Cela fait plusieurs années que ce texte est discuté. La maturité des acteurs vis-à-vis de ce texte n’est pas encore au niveau de celle qui prévaut pour la CSRD. La CSDDD veut amener les acteurs à prendre en compte les dimensions de durabilité à une échelle beaucoup plus large, à travers l’ensemble de la chaîne de valeur. L’enjeu, autrement dit, est de pouvoir opérer une due diligence de l’ensemble des fournisseurs pour évaluer comment ceux-ci appréhendent les enjeux ESG.
Dans le cadre de la CSRD, lorsque l’on cherche à évaluer l’empreinte carbone d’un produit et d’un service (sur les trois périmètres), ne considère-t-on pas déjà le coût carbone sur l’ensemble de la chaîne de valeur ?
Au niveau de la CSRD, cela ne vaut que pour cette dimension « carbone ». La directive CSDDD implique de considérer d’autres dimensions, comme celles relatives au respect des droits humains, au bien-être au travail ou à d’autres considérations éthiques.
Si l’on grossit le trait, afin de bien comprendre, cette réglementation devrait rendre plus difficile la commercialisation par une enseigne européenne de vêtements produits par Shein, par exemple ?
C’est l’enjeu. Une entreprise européenne devra mener une analyse et une réflexion sur l’ensemble de sa chaîne de valeur, en amont et en aval de son activité, pour s’assurer que ses partenaires, les matières qu’elle importe, les services qu’elle intègre sont alignés avec les enjeux ESG qu’elle promeut.
Pour quelle raison l’adoption de ce texte, a-t-elle été aussi laborieuse ?
Les idées défendues au travers de ce texte ont donné lieu à de nombreuses discussions et controverses. Beaucoup ont pointé un risque de perte en compétitivité pour les entreprises européennes à l’échelle globale en raison de sa mise en application. Les acteurs européens étant soumis à des contraintes plus importantes, il pourrait s’avérer difficile, pour beaucoup, de rivaliser avec des concurrents non européens sur d’autres marchés. Le débat en lien avec l’adoption de la CSDDD a aussi beaucoup porté sur les capacités des acteurs à répondre à ces exigences, notamment au travers de chaînes de valeur étendues. Si la CSRD amène les acteurs européens à rendre compte de ces enjeux ESG, ce n’est pas le cas pour des fournisseurs situés aux quatre coins du globe. Pour toutes ces raisons, notamment, le périmètre d’application de ces mesures a été considérablement réduit. Ces exigences s’appliqueront uniquement à des entreprises de plus de 1.000 employés qui réaliseront un chiffre d’affaires de plus de 450 millions d’euros. En Europe, environ 5.300 sociétés répondent à ces critères. C’est beaucoup moins que les 50.000 concernées par la CSRD. La CSDDD va sans doute amener les acteurs à reconsidérer un nombre de partenariats, à réévaluer les critères de choix de leurs fournisseurs au regard des enjeux de durabilité. Cela pourrait aussi faciliter le développement de partenariats à des échelles plus locales, cela dans une économie qui a tendance à se démondialiser. Mais, comme je le disais, les acteurs doivent encore gagner en maturité.
QUAND LA CSDDD ENTRERA-T-ELLE EN VIGUEUR ?
Finalement adoptée fin mai par le Conseil européen, à la suite de son approbation par le Parlement européen (374 voix pour, 235 contre et 19 abstentions), la CSDDD pourra entrer en application après un très long parcours législatif.
Cette directive exige des entreprises et de leurs partenaires en amont et en aval de prévenir, de stopper ou d’atténuer leur impact négatif sur les droits humains et l’environnement, y compris au niveau de l’approvisionnement, de la production et de la distribution. Cela inclut l’esclavage, le travail des enfants, l’exploitation par le travail, l’érosion de la biodiversité, la pollution ou la destruction du patrimoine naturel.
Les États membres ont désormais deux ans pour mettre en œuvre les réglementations. La directive s’appliquera en fonction de la taille des entreprises selon le calendrier suivant :
• 3 ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive pour les entreprises ayant plus de 5.000 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 1.500 millions d’euros ;
• 4 ans à compter de l’entrée en vigueur pour les entreprises ayant plus de 3.000 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 900 millions d’euros ;
• 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive pour les entreprises ayant plus de 1.000 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros.
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Le board, moteur de la stratégie ESG
Chargé de définir une vision et une stratégie de l’entreprise pour en assurer la pérennité à long terme, le conseil d’administration doit y intégrer les questions environnementales, sociales et de bonne gouvernance. Un impératif, mais aussi une source d’opportunités.
Les conseils d’administration des entreprises sont confrontés à de nouvelles obligations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), dictées par des évolutions législatives et sociétales. Ces obligations peuvent être appréhendées positivement ou négativement. Dans le cadre d’une approche « négative », elles sont perçues comme des contraintes imposées. Les entreprises se contentent alors de se conformer aux normes pour éviter les sanctions, sans en tirer de bénéfices additionnels. À l’inverse, une approche « positive » permet de fédérer des équipes autour d’un but commun, créateur de valeurs « sociétales » et financières. En intégrant ces nouvelles exigences dans leur stratégie, les entreprises peuvent non seulement répondre aux attentes de la société, mais aussi générer des bénéfices directs et indirects.
Pression sociale et réglementaire
Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit désormais associer les thématiques ESG à sa réflexion stratégique, et ce pour plusieurs raisons. La première vient d’une prise de conscience générale de la société
qui, pour une part non négligeable, s’interroge sur la qualité et la durabilité des produits et services qu’elle consomme. « De manière beaucoup plus concrète, les appels d’offres issus du secteur public ou de grandes entreprises, qui disposent d’une stratégie ESG bien définie, intègrent de plus en plus souvent des critères de sélection qui touchent aux différentes dimensions de la RSE , souligne Mike van Kauvenbergh, administrateur de Deveco, cabinet de conseils stratégiques et opérationnels en développement durable et en responsabilité sociale d’entreprise fondé en 2017. Si l’on prend l’exemple des transports publics, au niveau du RGTR ou de la Ville de Luxembourg, ces thématiques ESG représentaient 20 % du cahier des charges, réparties aux deux tiers pour l’environnement et un tiers pour le social. Toute entreprise qui veut participer à de tels appels d’offres est dans l’obligation de prouver son engagement par des faits avérés, et non de simples promesses, sur la base d’une stratégie solide et d’indicateurs fiables qui peuvent être vérifiés. »
Le principal incitant des dirigeants à se saisir des questions ESG vient aujourd’hui
Stratégie
Photo Deveco
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Auteur MICHAËL PEIFFER
de la législation. L’entrée en vigueur de la directive européenne CSRD relative à la publication des données extra-financières des plus grandes entreprises oblige dès à présent les conseils d’administration à intégrer ces questions à leurs réflexions en vue de se conformer à leurs nouvelles obligations. « Dans cette directive, le rôle du conseil d’administration est d’ailleurs clairement défini et doit être documenté lors des phases de reporting, confie Mike van Kauvenbergh. Au-delà, cette directive va avoir des impacts sur l’ensemble de l’économie. Les grandes entreprises, obligées de produire des rapports extra-financiers, vont avoir besoin d’une multitude de données issues de leur chaîne de valeur, notamment dans la chaîne d’approvisionnement et de distribution. L’ensemble des fournisseurs,
« Toute entreprise qui veut participer à de tels appels d’offres est dans l’obligation de prouver son engagement par des faits avérés »
Administrateur Deveco
les entreprises de logistique et de transport vont devoir fournir des données, parfois très techniques, sur leurs engagements ESG ainsi que sur les biens qu’elles vendent ou encore les services qu’elles prestent. »
Des effets en cascade pour toutes les entreprises
La directive CSRD oblige les entreprises, au-delà de la simple récolte de données métriques, à se donner des objectifs d’amélioration clairs, en lien avec les accords de Paris. « Mais pour s’engager dans cette voie, il faut que mes fournisseurs me communiquent les données dont j’ai besoin. À terme, on peut donc imaginer qu’une grande entreprise sélectionne ses partenaires en fonction des actions prises par rapport à ces enjeux ESG et également à leur capacité à fournir les informations nécessaires pour répondre aux besoins de reporting extra-financier. » Même si elle ne s’applique aujourd’hui qu’à environ 50.000 entreprises en Europe, cette directive aura des effets en cascade sur l’ensemble du tissu économique, même pour les plus petites structures.
Dès lors, il revient à l’ensemble des dirigeants, et à leur conseil d’administration, de s’intéresser dès maintenant à ce sujet complexe et de s’en donner les moyens. Les entreprises doivent investir pour mettre en place des structures et processus, pour former les équipes et créer les postes nécessaires. Là encore, il incombe au conseil d’administration de s’engager, avec un appui externe dans la phase initiale, si besoin. Ensuite, il faut s’assurer de la bonne marche des opérations. Dans de nombreux cas, le CA devra lui-même se former à ces nouveaux enjeux, pour en comprendre toutes les dimensions et pouvoir en assurer la supervision. « Le danger est de mettre en place des mesures pour répondre aux exigences réglementaires, afin d’atteindre une conformité a minima, dans une certaine urgence , alerte Mike van Kauvenbergh. Or, tout l’intérêt de la CSRD et, plus largement de l’engagement RSE, doit être de créer une nouvelle valeur entrepreneuriale, de s’engager sur de nouvelles voies plus durables et résilientes. Et c’est là que le conseil d’administration peut faire la différence, en jouant son rôle de visionnaire et de stratège, au bénéfice de toute la société. »
LE PRINCIPE DE DOUBLE MATÉRIALITÉ
Fondement de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) entrée en vigueur le 1er janvier 2024, le principe de double matérialité peut inquiéter. L’analyse repose sur l’étude de deux perspectives distinctes, mais complémentaires, à savoir la matérialité financière (la manière dont les questions de durabilité créent des opportunités et des menaces pour la performance financière de l’entreprise) et la matérialité d’impact (la manière dont les activités de l’entreprise impactent positivement ou négativement son environnement économique, social et naturel). Le but de l’analyse de double matérialité est d’identifier les enjeux auxquels une organisation fait face, mais aussi de les prioriser en fonction de leur niveau d’importance.
LE RÔLE DU CA DANS
LE CADRE DE LA CSRD
Le conseil d’administration (CA) est chargé de superviser la gestion d’une société par la prise de décisions stratégiques, la surveillance des performances, la sélection et la supervision des dirigeants, la garantie de la conformité réglementaire. Il représente les actionnaires et vise à maximiser la valeur à long terme de l’entreprise. Il joue un rôle essentiel dans la prise en compte des dimensions ESG de l’entreprise. Il doit donner l’impulsion, veiller à ce que des politiques soient établies, superviser les risques et les opportunités liés à l’ESG et intégrer ces considérations dans la stratégie globale. L’assistance d’un expert externe en matière d’ESG, indépendant quant aux obligations d’audit financier et d’audit extra-financier, s’avère souvent pertinente.
MIKE VAN KAUVENBERGH
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Le temps où la RSE et l’approche ESG étaient des sujets « accessoires », laissés aux mains des équipes marketing ou RH, est révolu dans les grandes sociétés. « Toute entreprise qui veut agir avec sérieux doit désormais ancrer l’ensemble de ces thématiques dans sa stratégie globale. Il est vrai qu’en 2017 encore, lorsque nous avons lancé notre activité, la prise en compte de la RSE, dans toutes ses dimensions, se faisait de manière volontaire, parfois à la marge. Elle était le fait de quelques précurseurs, de personnes visionnaires qui voyaient déjà les avantages concurrentiels qu’il pouvait y avoir à intégrer ces aspects dans leurs réflexions », constate l’administrateur de Deveco. Au fil du temps, cette prise de conscience est devenue plus large.
De nombreux bénéfices à en tirer Le conseil d’administration doit aujourd’hui développer une vision stratégique intégrée, qui prend en compte les risques et les opportunités que constituent les différentes thématiques ESG, tout simplement parce qu’elles sont en lien direct avec la pérennité de l’entreprise. « Ces thématiques touchent à la santé, à la sécurité, au bien-être des employés, à la formation, qui sont des matières RH, mais aussi à d’autres aspects liés aux infrastructures, à la consommation d’énergie, aux processus de production, à la logistique… Rapidement, les dirigeants comprennent que toutes ces questions environnementales ou sociales s’imposent à leurs activités. Il est donc primordial que les conseils d’administration, qui ont pour vocation de définir une stratégie et une vision à long terme, jouent un rôle décisif pour rendre leurs entreprises et notre monde plus durables », ajoute Mike van Kauvenbergh. Dans de nombreux cas de figure, une entreprise qui intègre les thématiques ESG à sa stratégie globale peut en tirer des bénéfices. « Les valeurs que l’on peut créer sont multiples, et notamment qualitatives. Elles touchent à l’image de marque, à la réputation de l’employeur, à l’amélioration de l’analyse des risques… L’approche ESG a un impact extrêmement fort sur la culture d’entreprise. On se rend compte qu’il est possible de fédérer les équipes autour d’une idée. Les collaborateurs contribuent ensemble à un projet qui fait
COMMENT
S’ENGAGER ?
Une fois que le CA a compris l’importance (ou l’obligation) d’intégrer les problématiques ESG à sa stratégie globale, tout commence par un état des lieux. « La première phase doit permettre d’analyser tous les impacts que l’on peut trouver sur la chaîne de valeur de l’entreprise. L’idée est de rencontrer les responsables et les différentes équipes pour identifier les risques, les potentielles améliorations, explique Mike van Kauvenbergh, administrateur de Deveco. L’objectif est aussi de relever toutes les actions qui ont déjà été mises en place, souvent de manière disparate, à différents niveaux de l’entreprise. Même si elle n’a pas encore de stratégie ESG bien définie, toute entreprise a intuitivement mis en place des actions positives pour réduire sa consommation d’énergie, veiller à la formation de son personnel. Cet inventaire initial va nous mener à l’analyse de matérialité, qui décrit l’impact de l’entreprise sur son environnement et ses parties prenantes. »
sens. Au-delà de leurs tâches quotidiennes, ils participent à un idéal plus grand. Mais, et c’est très important, ces valeurs ESG s’accompagnent généralement de retombées économiques palpables – en termes de chiffre d’affaires, de réduction de coûts et de productivité », précise notre interlocuteur. Parce qu’il ne s’agit pas de faire de la philanthropie, mais de gérer des thématiques pertinentes pour l’entreprise.
En outre, en effectuant une revue de ses activités au regard des thématiques ESG, l’entreprise s’ouvre à de nouvelles opportunités. « Nous assistons des sociétés qui ont vraiment développé des produits et des services qui prennent en compte les nouvelles attentes de leurs clients, résolvent des problèmes environnementaux et sociaux tout en créant de la valeur en termes de chiffre d’affaires. », conlut-il. À d’autres niveaux, l’analyse des processus de production peut conduire à des réductions de coûts liés à une réduction de la consommation d’énergie ou de ressources. Et l’investissement dans la formation du personnel, l’engagement sur des thématiques durables et responsables ont pour effet d’améliorer le bien-être des collaborateurs, de retenir les talents et les savoir-faire, ce qui représente une véritable valeur pour l’entreprise et son développement.
Stratégie
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S’installer dans un autre pays peut constituer un réel défi. En acceptant un nouvel emploi au Luxembourg, ces dix expat rockstars ont décidé de sortir de leur zone de confort, de rencontrer des gens qu’ils n’auraient jamais croisés autrement et de nouer des liens qui ont complètement changé leur vie. De belles réussites professionnelles à partager !
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Place aux actionnaires militants
Le « shareholder activism » n’est pas un phénomène nouveau. Mais ces dernières années, on a de plus en plus entendu parler de l’activisme actionnarial offensif, qui vise à modifier le comportement des entreprises dans les domaines de l’ESG.
Auteur MICHAËL PEIFFER
L’engagement des actionnaires est un moyen, pour les actionnaires, d’influencer le comportement d’une société en exerçant leurs droits en tant que propriétaires partiels. Les changements voulus par ces derniers peuvent couvrir un large éventail, allant des préoccupations environnementales à la gouvernance, en passant par le modèle d’entreprise d’une société.
Actionnaires vs conseil d’administration : une relation parfois antagoniste Bien que les actionnaires minoritaires de sociétés cotées ne gèrent pas les opérations quotidiennes, ils disposent de plusieurs moyens pour influencer les actions du conseil d’administration et de la direction générale d’une entreprise. « Ces méthodes peuvent aller du dialogue avec les dirigeants à des propositions formelles, qui sont soumises au vote de tous les actionnaires lors de l’assemblée annuelle de l’entreprise , observe le CEO de l’Institut luxembourgeois des administrateurs, Philipp von Restorff. Les actionnaires activistes emploient parfois également d’autres tactiques offensives pour imposer des changements. Par exemple, ils peuvent faire un usage stratégique des médias afin de faire connaître leurs demandes et d’inciter les autres actionnaires à exercer une pression plus forte. Ils peuvent également menacer les entreprises de poursuites judiciaires s’ils ne sont pas autorisés à s’exprimer. »
Des actionnaires de plus en plus engagés en matière d’ESG
Ces dernières années, cette forme d’activisme s’est fortement développée. « Un cas qui prend des dimensions épiques peut être suivi actuellement dans différents médias. Deux des investisseurs d’ExxonMobil, le conseiller en investissement américain Arjuna Capital et le groupe d’actionnaires néerlandais Follow This, ont déposé des résolutions d’actionnaires pour l’assemblée générale. La résolution aurait permis aux actionnaires de voter sur l’accélération de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ExxonMobil. En janvier, cette dernière a alors assigné les deux actionnaires en justice », relate Philippe von Restorff. « Cette action en justice a à son tour suscité la révolte de certains actionnaires, dont Calpers, le plus grand fonds de pension public des États-Unis, ainsi que le fonds norvégien NBIM, le plus grand propriétaire individuel de marchés boursiers mondiaux. Tous les deux estiment que l’action en justice d’ExxonMobil était ‘une remise en cause des droits des actionnaires’. Ils ont annoncé vouloir voter contre la réélection de certains membres du CA d’ExxonMobil pour protester contre leur action en justice ‘imprudente’ visant à ‘faire taire’ les voix des actionnaires. Lors de l’AG, fin mai, le conseil d’administration a été réélu avec une majorité écrasante de voix. » Affaire et évolutions à suivre…
« Ce qui me paraît certain, c’est que les actionnaires activistes sont là pour rester, conclut Philippe von Restorff. Car malgré les critiques, les données empiriques suggèrent que, souvent, le cours des actions et les résultats d’exploitation des entreprises cibles s’améliorent après l’intervention d’activistes. Warren Buffett l’a un jour résumé en ces termes : ‘Si toutes les entreprises étaient bien gérées, les activistes n’auraient aucune raison d’exister.’ »
« Les actionnaires activistes emploient parfois des tactiques offensives. »
Activisme
Photo Matic Zorman (archives)
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PHILIPP VON RESTORFF Ila
Sept bonnes pratiques à destination des CA
L’intégration des critères ESG est devenue un enjeu prépondérant pour les membres des conseils d’administration qui doivent veiller à ce que les organisations agissent de manière responsable, restent pertinentes et compétitives. Exemples de bonnes pratiques avec le CEO de l’Institut luxembourgeois des administrateurs, Philipp von Restorff.
Auteur MICHAËL PEIFFER
Évaluation systématique du conseil
d’administration et des administrateurs
Il est de plus en plus courant d’évaluer le niveau de connaissances et de compétences des administrateurs et du conseil d’administration dans son ensemble, y compris sur les questions ESG et la stratégie durable de l’entreprise. Cette évaluation permet, entre autres, d’identifier les profils supplémentaires qui peuvent être utiles.
Diversité dans la composition
du conseil d’administration
Un conseil d’administration efficace est un collectif qui présente souvent une diversité en termes de genre, de formations, de compétences, d’expériences et de cultures. Un expert ESG est de plus en plus demandé pour siéger au conseil d’administration.
Un comité « ESG »
Comme les tâches d’un conseil d’administration sont multiples, il est courant que des comités du conseil d’administration soient créés. Les plus classiques sont, par exemple, le comité d’audit ou le comité de rémunération et de nomination. Les décisions à prendre dans le domaine ESG pouvant être complexes et très techniques, on voit de plus en plus la création d’un comité « ESG ».
La formation continue pour tous les administrateurs
Dans un monde qui évolue rapidement et où les exigences légales sont en constante évolution, les membres du conseil d’administration sont amenés à se former en permanence.
L’intégration des questions environnementales
Une entreprise doit de plus en plus tenir compte de son impact sur l’environnement. Les conseils d’administration doivent avoir les compétences nécessaires pour évaluer les risques et les opportunités potentiels auxquels ils sont exposés en raison des questions environnementales telles que le changement climatique et les mesures de protection des ressources naturelles.
Les bonnes pratiques sociales
Le conseil d’administration doit élaborer un cadre stratégique d’entreprise qui tienne compte des différentes parties prenantes de l’entreprise, souvent au-delà des frontières – employés, fournisseurs, clients ou membres de la communauté.
Mettre en place le bon cadre pour attirer la main-d’œuvre
De nombreuses entreprises ont de plus en plus de mal à attirer les talents. Un nombre croissant d’employés veulent connaître le but et l’objectif de leur travail. Les entreprises attractives pour ces personnes parviennent à développer une feuille de route et à donner de manière transparente des réponses aux questions suivantes : où en sommes-nous ? Où voulons-nous aller ?
Ce sont là deux questions clés auxquelles le conseil d’administration doit trouver une réponse.
Conseils
JUILLET 2024 ESG 65
Pas de confiance sans transparence
Afin de renforcer sa crédibilité, le marché des fonds d’investissement durables doit veiller à garantir la plus grande transparence aux investisseurs. En éradiquant le greenwashing, ce secteur pourra d’autant plus contribuer à la transition vers un monde plus durable.
En forte croissance ces dernières années, les produits d’investissement durables sont aussi de plus en plus réglementés afin, notamment, de permettre aux investisseurs de bien orienter leur choix, et de s’assurer qu’ils ont, au travers de leurs placements, un réel impact sur l’environnement, les problématiques sociales ou la bonne gouvernance (ESG). Dans ce contexte, encore faut-il s’assurer que les promesses faites par les promoteurs des fonds correspondent à la réalité du terrain. En d’autres termes, qu’on ne se retrouve pas face à du greenwashing. « Cette thématique du greenwashing répond directement à une croissance des investissements durables et à une focalisation du secteur financier sur les sujets en relation avec l’ESG », confie Julie Pelcé, senior associate et ESG specialist au sein du cabinet CMS Luxembourg.
Le greenwashing, ou écoblanchiment, correspond à des pratiques qui consistent à présenter un produit de consommation ou, dans le cas qui nous occupe, un produit financier comme étant plus durable que ce qu’il n’est réellement. « La première conséquence du greenwashing est évidemment la tromperie que cela implique et qui se fait au détriment du consommateur. Mais il s’agit également d’une pratique
anticoncurrentielle et déloyale qui va jusqu’à impacter les autres entreprises du secteur financier, celles qui font un réel effort pour contribuer à la durabilité », analyse Julie Pelcé. De manière plus globale, le greenwashing a pour conséquence de réduire la confiance des consommateurs et des investisseurs. Il faut donc à tout prix éviter ces pratiques trompeuses. « Le secteur financier a véritablement son rôle à jouer dans la transition environnementale et sociétale en cours aujourd’hui. Il peut avoir un réel impact s’il fait preuve de la plus grande transparence, gage de sa fiabilité », souligne notre interlocutrice.
Des pratiques trompeuses avérées
Les pratiques de greenwashing sont actuellement bien présentes dans l’industrie des fonds d’investissement. « Selon un article de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma ou European Securities and Markets Authority), paru à la fin de l’année dernière, le secteur financier serait le deuxième secteur dans lequel on enregistre le plus d’allégations de greenwashing, juste après celui des énergies fossiles que sont le pétrole et le gaz », souligne Julie Pelcé. Alors que les acteurs européens sont en pleine réflexion sur la refonte de la réglementation SFDR, et
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Photo CMS Luxembourg
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Auteur MICHAËL PEIFFER
que beaucoup réclament une clarification des normes liées à la finance durable, les récents rapports de l’Autorité européenne viennent souligner le manque de transparence du secteur financier en matière de durabilité.
« D’après les recherches menées par l’Autorité, les fonds se réclamant des Objectifs de développement durable (ODD) et laissant entendre qu’ils contribuent à l’amélioration de ces différents objectifs ne seraient en réalité pas plus performants que les autres en matière d’impact », analyse Novethic, acteur désireux de faire progresser les pratiques durables dans la finance et les entreprises. L’Esma a analysé la composition des portefeuilles de près de 200 « fonds ODD » opérant en
« La première conséquence du greenwashing est évidemment la tromperie que cela implique et qui se fait au détriment du consommateur. »
Europe, c’est-à-dire des fonds affichant des allégations de contribution aux Objectifs de développement durable. Cette analyse révèle que la composition et la gestion de ces fonds sont similaires à celles des autres fonds d’investissement, et que le marketing des fonds autour des ODD est trompeur.
Des noms de fonds réglementés
Sur ce sujet, l’Esma a rendu public le 14 mai dernier son rapport final sur les critères à respecter par les acteurs financiers lorsqu’ils utilisent des termes liés à la durabilité dans la dénomination de leurs fonds. L’institution fixe un ensemble de lignes directrices dont l’objectif est de définir les circonstances dans lesquelles les noms de fonds utilisant des termes liés à l’ESG ou au développement durable sont injustes, peu clairs ou trompeurs. Les gestionnaires de fonds d’investissement vont devoir s’y conformer. « Cette nouvelle réglementation est appréciable. Elle doit permettre de s’assurer à l’avenir que les portefeuilles sont en adéquation avec les termes utilisés dans leur dénomination. Autre point à souligner, ce texte prend en compte le cas des fonds de transition, en veillant à ne pas mettre en place des règles trop limitatives qui pourraient freiner la croissance de ce type de fonds, qui ont un rôle important à jouer dans la transition », détaille Julie Pelcé.
LUXEMBOURG, EN POLE POSITION
La place financière se positionne comme le premier marché européen des fonds dits durables. « 50 % des fonds qui se créent aujourd’hui entrent dans cette catégorie », analyse Julie Pelcé. Les tendances du marché montrent qu’il ne s’agit pas d’un effet de mode : la transition vers des activités durables du point de vue de l’environnement et l’intégration de valeurs d’investissement ESG de manière plus générale devraient se poursuivre et s’intensifier, sous l’effet d’un changement de génération et de la demande des clients institutionnels.
UN LABEL DE QUALITÉ
JULIE PELCÉ Senior associate et ESG specialist
CMS Luxembourg
Alors que le marché des fonds dits durables ne cesse d’augmenter, cela rappelle l’importance d’établir un cadre normatif plus clair, permettant de mieux s’y retrouver dans la jungle des terminologies du secteur. « Il n’existe aujourd’hui pas de cadre légal pour sanctionner le greenwashing en tant que tel sur les marchés finan, soulève Julie Pelcé. Toutefois, les régulateurs, dans leur rôle de protection des consommateurs et des investisseurs, peuvent toute de même intervenir pour lutter contre le greenwashing. Les réglementations applicables sur l’interdiction des informations trompeuses et quelques autres textes sur l’obligation de transparence autour des critères de durabilité des produits financiers sont là pour les y aider. »
Le label LuxFlag est un outil unique à la disposition des gestionnaires d’actifs et autres fournisseurs financiers. Il peut être utilisé pour mettre en évidence des références en matière de durabilité, ESG et impact de leurs produits d’investissement. Les investisseurs utilisent un label LuxFlag pour identifier les produits d’investissement durables, car cela leur offre la possibilité de distinguer le bon grain de l’ivraie. Le label LuxFlag est une validation indépendante et internationalement reconnue qui reflète les meilleures pratiques réglementaires sur le marché.
DES PERFORMANCES
FINANCIÈRES ACCRUES
Plusieurs études ont montré que les entreprises ayant des stratégies ESG claires avaient été plus résilientes lors de la crise du Covid. Les entreprises qui s’engagent à atteindre les objectifs ESG affichent par ailleurs de meilleures performances financières. La clarté de la vision et de la gouvernance qui soustend une telle stratégie ESG s’avère sans doute payante, comme dans le cas des entreprises présentant une plus grande diversité.
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Prévenir plutôt que guérir
Pour éviter les dérives, il faut avant tout travailler sur la prévention des risques liés à l’écoblanchiment. « Tous les acteurs du marché devraient prendre ce problème à bras-le-corps. Il revient notamment aux pouvoirs publics de définir des normes plus strictes, d’édicter des consignes et les bonnes pratiques à mettre en œuvre. Il appartient également aux associations de consommateurs de sensibiliser et dénoncer les pratiques trompeuses dont ils ont connaissance, conseille la senior associate du cabinet CMS Luxembourg. Enfin, pour les sociétés de gestion, il est indispensable de s’assurer de mettre en place les bons outils pour veiller au respect de toutes les nouvelles exigences en matière de durabilité, de manière transparente et proportionnée. »
Au-delà de la mise en place de ces outils, les entreprises concernées doivent aussi instaurer une gouvernance forte sur ces questions d’ESG, pour en faire de véritables atouts. « Lors de nos échanges avec nos clients, nous insistons beaucoup sur l’importance de former l’ensemble des équipes, au regard de toutes les exigences qui s’appliquent aux acteurs du marché dans la prise en compte de ces nouveaux risques de durabilité. En interne, il faut s’assurer que tous les processus sont adaptés à cette nouvelle dimension, et répondre aux attentes du marché et des régulateurs, notamment par la mise en place d’une gouvernance robuste. Il faut aussi que tous les intervenants, au niveau de l’entreprise, soient conscients des enjeux liés à la durabilité, et ce jusqu’au conseil d’administration. Pour terminer, il est recommandé qu’un membre de la direction se spécialise dans ces matières ou, à défaut, qu’un comité dédié soit créé pour adresser spécifiquement les questions d’investissement durable. »
Une communication proportionnée Pour éviter le greenwashing, l’important est de garder à l’esprit que la communication doit être proportionnée. « Il faut dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit, résume Julie Pelcé. Il s’agit également d’éviter le ‘cherry picking’, qui revient à présenter des faits ou des données qui donnent une bonne image d’un produit en passant sous silence ce qui peut venir l’entacher. Une autre bonne pratique est de renforcer la confiance des
UN CADRE RÉGLEMENTAIRE PLUS STRICT
Plus question, pour les fonds d’investissement européens, de s’improviser « durables » sans l’être véritablement. L’Autorité européenne des marchés financiers, l’Esma (European Securities and Markets Authority) a publié au mois de mai 2024 ses lignes directrices définitives pour encadrer les dénominations des fonds qui se disent vertueux. Son objectif : lutter contre le greenwashing. Plusieurs indicateurs seront élaborés progressivement. Un premier indicateur concerne les controverses ESG liées à des incidents de communication trompeuse. D’autres outils technologiques devraient également être utilisés, notamment le traitement automatique du langage naturel (NLP), pour analyser rapidement de nombreux documents réglementaires et de marketing. Une analyse récente a permis de constater que les fonds prétendant contribuer aux Objectifs de développement durable des Nations unies ne se distinguaient pas significativement de leurs concurrents…
investisseurs en faisant labelliser ses fonds par des organismes indépendants. »
L’un des défis prioritaires en matière d’intégration de la durabilité dans les produits financiers tient à la disponibilité des données et leur pertinence. « La réglementation, de plus en plus fournie, est là pour aider les acteurs à disposer des bonnes informations. Tous les niveaux de la chaîne de valeur commencent à être réglementés et doivent faire preuve de plus de transparence, ce qui devrait faciliter l’accès à des données fiables. Il faut toutefois accepter que cette transition vers un marché plus vert prenne du temps », ajoute Julie Pelcé. À ses débuts, la SFDR a notamment été vue par certains comme un outil de marketing. Ensuite, après un temps de réglage, avec l’appui des régulateurs qui ont publié leurs guidelines et attiré l’attention sur les pratiques à éviter, le marché a mieux compris ce qu’on attendait de lui. Il s’est adapté. Des fonds ont été déclassifiés, notamment en janvier 2023, parce qu’ils ne répondaient pas aux exigences en matière de durabilité. Mais le marché s’est régulé de luimême, conscient qu’il ne sert à rien de prendre des risques.
Investissements
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ESG : un défi majeur pour les entreprises
Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises désireuses ou contraintes de s’inscrire dans une approche durable ?
GEORGES BOCK
Founder & CEO
Moniflo
Le principal défi réside dans l’intégration de ces questions à un niveau stratégique. Qu’entend-on par là ? La position qu’adopte une entreprise en la matière peut considérablement varier. Certains dirigeants répondront à leurs obligations, se contentant de faire le « minimum syndical », quand d’autres saisiront l’opportunité qui leur est offerte pour se remettre en question et chercher à optimiser le processus. Si l’on s’inscrit dans une approche positive et innovante, le top management doit se positionner activement sur le sujet. L’approche plus minimaliste implique, elle, de se conformer – techniquement – aux requêtes réglementaires, à travers la mise en place d’un reporting robuste. Quelle que soit l’attitude adoptée, chaque entreprise devra rendre compte – fidèlement –de ses impacts, cela pour éviter les accusations de greenwashing.
JULIE CASTIAUX
Partner, Sustainability Lead KPMG Luxembourg
Après plusieurs décennies de standardisation des rapports financiers, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) élargit les obligations de publication aux données extra-financières. Au-delà de l’exercice de mise en conformité, les entreprises – et en particulier les holdings – devront analyser l’impact que la CSRD aura sur elles, autant sur la portée d’application que sur les règles de consolidation à adopter. L’autre défi majeur de la CSRD est la capacité des entreprises à recueillir les informations nécessaires pour présenter leurs impacts, risques et opportunités (IRO) et démontrer les actions entreprises pour atteindre leurs objectifs en matière de durabilité et favoriser l’accès à de nouveaux financements. Un enjeu important tout autant que nécessaire dans la stratégie européenne de transition vers une société bas carbone.
NASIR ZUBAIRI CEO
The Lhoft Foundation
La qualité et la disponibilité des données font partie des défis majeurs au niveau du secteur financier et au-delà, comme le souligne notre rapport 2023 Fintech for Sustainable Finance, réalisé en collaboration avec Deloitte. Les entreprises doivent développer des efforts intenses pour collecter, normaliser et vérifier les données ESG afin d’obtenir des rapports précis et répondre aux exigences réglementaires. Le deuxième défi a trait à la complexité de la réglementation et à la multitude de normes. Pour les entreprises, cela relève du casse-tête et implique de se doter de ressources et d’une expertise substantielles. Troisièmement, la réglementation SFDR laisse entrevoir la création d’un marché de capitaux à deux vitesses. Pour accélérer la transition et favoriser un écosystème financier plus durable, la seule solution pour appréhender les données ESG passe par l’innovation fintech.
Forecast
Photos Matic Zorman (archives), Guy Wolff (archives)
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Propos recueillis par SÉBASTIEN LAMBOTTE
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