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I - Ce fantastique désastre

c) L’écoplastique - L’idylle entre l’humain et le plastique n’aura pas duré éternellement. Les failles et les contreparties commencent à se faire voir. C’est la dérive écologiquement désastreuse du plastique.

Comme un amour qui se fane, la relation humain-plastique a ses limites. Même si seule une faible quantité de pétrole, 4% de la consommation mondiale annuelle, est nécessaire à la production de plastiques, les scientifiques estiment qu’au rythme des années 2000, cette part atteindra 20 % en 2050. Les descriptions citées plus haut pourraient faire croire que les plastiques sont les champions du développement durable. Après tout, il permettent d’alléger bon nombre d’objets qui consomment bien plus d’énergie que la production même de plastique. Il faut par ailleurs plus de la moitié de l’extraction du pétrole mondiale pour nous chauffer. Malgré les nombreux avantages du plastique, il engendre une pollution depuis sa production en masse dans les années 50.

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Nous nous retrouvons au milieu du 20ème siècle et au vu de l’ampleur qu’il a pris il devient difficile à traiter. La pollution plastique est omniprésente dans le monde. On le trouve dans tous les océans, dans les lacs et les rivières, dans l’atmosphère, dans les êtres vivants, dans les sols et les sédiments. Cette prolifération a été entraînée par la croissance rapide de la production et de l’utilisation du plastique combinée à des modèles économiques qui ignorent les externalités des déchets. Une forte augmentation de la consommation de plastique à usage unique et une culture du « jetable » ont augmenté le problème. Les systèmes de gestion des déchets ne procurent pas une capacité suffisante pour éliminer ou recycler tous les déchets plastiques. Cela entraîne donc une inévitable pollution plastique dans l’environnement. Des études ont estimé qu’environ 8 millions de tonnes de macroplastiques* et 1,5 million de tonnes de microplastiques* pénètrent dans l’océan chaque année. Les amas de déchets plastique ont même engendré à eux seuls une nouvelle terre que l’on appelle le 7ème continent. Ce sont des zones d’accumulation de plastique, et si l’on fait référence à un continent cela est dû à l’étendue de ces zones. Ces déchets plastiques sont en dérive. Sous l’effet des gyres océaniques*, de gigantesque tourbillons se forme de manière inverse dans l’hémisphère Nord et dans l’hémisphère Sud. Les déchets plastiques se retrouvent alors emprisonnés dans l’Atlantique Nord et Sud, le Pacifique Nord et Sud et l’océan indien. On y retrouve surtout des micro-plastiques et du polyéthylène en surface, utilisés dans le secteur de l’emballage. Le plastique résistant mal au rayonnement ultraviolet et à l’abrasion des vagues, tous ces objets plus ou moins grands finissent par se fragmenter et devenir des microplastiques (4).

Série Totems, Totem # 5 © Alain Delorme. Shangai une ville polluée, dont les dechets sont ramassés pour être recyclé par « de petites mains ». Technique de photomontage pour accentuer la charge tirée.

(4) Atlas du Plastique - Heinrich Böll stiftung, bureau Paris, 2020 macroplastiques : Objet ou fragment de plastique dont la dimension externe est d’au moins 5 mm microplastiques :des plastiques inférieurs à 5 mm gyres océaniques : courants marins dû à la rotation de la Terre

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De plus, ce polymère est dangereux pour la santé. Il empoisonne les océans avec des effets destructeurs sur la faune et la flore sous-marine, mais pas que. Nous savons que près de 700 espèces marines ont ingéré ou se sont empêtrées dans du plastique et il est dorénavant avéré que le polymère se retrouve dans de nombreux organismes terrestres, y compris humains (4) . Nous mangeons l’équivalent d’une carte de crédit par semaine, davantage pour les plus carnivores d’entre nous. Certains plastiques sont reconnus pour être des perturbateurs endocriniens. Nous retrouvons ces perturbateurs dans des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle. Elles sont étrangères à l’organisme d’un être vivant et peuvent donc interférer et induire des effets délétères sur le fonctionnement d’un individu ou sur celui de ses descendants. Les sources d’exposition sont principalement l’eau et l’alimentation mais aussi l’air, or nous avons constaté que l’on peut retrouver des microplastiques dans ces trois endroits. Pour exemple, l’emballage plastique d’un aliment peut migrer, sous l’effet de la chaleur. L’environnement peut aussi être une cause de certaines contaminations face auxquelles l’emballage plastique est perméable.

Les déchets plastiques sont tout autant problématiques lorsqu’ils sont incinérés. Cette valorisation énergétique consiste à brûler les déchets pour produire de l’énergie. Toutefois, cette technique génère de la pollution atmosphérique lorsqu’on les incinère à ciel ouvert ou en incinérateur.

Il contribue aussi à l’anthropocène, cette nouvelle couche géologique créée par l’homme en un temps record et qui prouve son fort impact dans l’écosystème. Nous sommes rentrés dans une nouvelle ère, l’âge plastique qui surpasse les forces géophysiques.

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L’Île aux fleurs, un court métrage de 1989, donne à voir les inégalités socioéconomiques du Brésil. A l’époque c’est le pays le plus inégalitaire au monde. Le film dénonce une dimension racial par le biais du chemin que parcourt une tomate plantée puis achetée et mise dans un sac plastique, elle est finalement jetée dans une décharge ouverte de l’île aux fleurs; proposé aux porcs puis laissée aux familles pauvres de la ville. Les emballages plastique sont présents dans le documentaire, je me permets donc d’en faire un parallèle avec les déchets plastiques. Il critique plus largement l’organisation de nos sociétés, bien que nous soyons tous humains, certains d’entre nous ne semblent pas avoir les mêmes droits que d’autres. L’Île aux fleurs, c’est le chaos d’un monde filmé et classé de données objectives sur un fond d’ironie. Tout cela aboutit à la décharge publique : les plus pauvres fouillent les ordures, vivent de ces déchets jetés par les plus riches. Le goût amère de ce visionnage est d’autant plus fort qu’il s’inscrit dans la logique, la vérité, le cours de ce monde qui est le nôtre, le chemin des déchets, du plastique jetable. Mais cette “normalité” n’est pas fataliste, alors même que les plastiques, nous l’avons vu, nous mènent la vie durement facile. Pouvons-nous déjouer et réparer ce malheureux destin d’une matière si révolutionnaire pour nos modes de vie ?

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Échantillon T22U.RFU

Cet échantillon nous vient tout droit de notre futur, sans autre information que sa simple présence : un avertissement.

Slow Architecture & Mobiterre

Oeuvre collaborative d’Olivia Frapolli, Sébastien Soulez-Larivière, Rachid Mizrahi, Miki Nectoux, matériaux : pisé léger et béton ©photoarchitecture

En forme de carotte géologique ce « totem » érige les couches avant l’humain, pendant et après l’humain.

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