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II - Vieux plastiques, nouvelles pratiques

a) Le plastoctoc - Rien n’est éternel, sauf le plastique. Pour savoir si un objet, quel que soit le matériau dont il est fait, est bon ou mauvais pour l’environnement, il faut le prendre en compte de sa conception à son élimination voir sa réutilisation.

Plus de 300 millions de tonnes de déchets plastiques sont produits dans le monde et ce chaque année. Il y en a quelque 11 millions qui finissent dans les océans, selon l’ONU (5). Le reste est déchargé dans les pays les plus pauvres. Sur le continent africain il y a, en plus des déchets plastiques, déjà beaucoup d’autres produits et matériaux dangereux comme les batteries, les composants électroniques. Yves Ikobo, le président de l’ONG congolaise Planète verte RDC, dans une interview pour le monde expose sa crainte de voir tous les déchets des pays industrialisés déversés chez eux. Pour ne pas “être la poubelle du monde”, des pays comme la Chine, les Philippines et la Malaisie ont interdit en 2018 l’importation des déchets plastiques sur leur territoire (6).

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Dans un film documentaire tourné à Jardim Gramacho, la plus grande décharge à ciel ouvert d’Amérique latine, nous pouvons y voir la vie des catadores. Sur près de trois ans, Waste Land suit l’artiste Vik Muniz dans sa découverte de la périphérie de Rio de Janeiro. Les catadores sont une population marginalisée qui à recours à la cueillette de précieux matériaux recyclables dans les ordures jetées par ceux qui, au Brésil, ont plus de chance qu’eux. Ils jouent un rôle crucial et significatif dans la culture moderne de surconsommation et d’élimination négligente. Avec une camaraderie remarquable et sous la direction d’un jeune cueilleur Tião, ils ont créé une coopérative pour mettre en commun leur travail et leurs ressources afin de maximiser leurs revenus. L’œuvre avait pour but de montrer l’entreprise de l’artiste Vik Muniz, de peindre les catadores* à l’aide des ordures qu’ils triaient. Seulement, à la suite de sa rencontre avec les travailleurs de la décharge, il décide de transformer le projet en une œuvre collaborative. Il photographie les cueilleurs individuellement sur leur lieu de travail, puis projette les images qu’il a capturées sur le sol d’un immense entrepôt à proximité. Ensemble, ils rassemblent les objets recyclables de la décharge sur les lignes des photographies afin de donner vie aux portraits. Ainsi le parallèle entre déchets, matière revalorisée mais surtout dignité dans un certain désespoir est posé sur le sol, pendant que les catadores commencent à ré-imaginer leur vie.

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Le film ne se contente pas de parler du pouvoir transformateur de l’art, mais reverse tous les profits des photographies aux catadores. Ils les utiliseront pour améliorer leurs conditions de vie, investir dans la coopérative, aller à l’école, maintenir leurs camions en état de marche et même construire une bibliothèque. Bien entendu les acheteurs sont ceux qui ont les moyens de s’offrir les œuvres. Ce sont les mêmes issus des pays qui déversent leurs déchets là où les décharges ne se voient pas. Le site Jardim Gramacho fut fermé en 2012, à l’approche de Rio+20, le sommet de l’Organisation des Nations Unies sur le développement durable.

Cette décision à laissé des milliers de ramasseurs sans emplois, alors même que les autorités et les entreprises avaient promis des formations en vue de reconversion professionnelle, et la mise en place de fonds destinés à réhabiliter le quartier.

Photographie extraite de l’exposition Objets Blessés au musée du Quai Branly, 2017. Le language de l’objet réparé semble plus familier que celui de l’objet parfait. Il est comme immortel.

(5) Résumé du bilan de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement (2020)

(6) AFP, L.M (2022) Un enjeu pour l’afrique : Ne Pas devenir « la poubelle du Monde « Des déchets plastiques, Le Monde catadores : quelqu’un qui récupère des déchets réutilisables ou recyclables jetés dans le but de les vendre ou pour sa consommation personnelle

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Masques de Romuald Hazoumé plastiscien bélinois, matériaux de récupération, entre 1989 et 2015. En utilisant les déchets éparpillé dans le monde, il dénonce l’hypocrisie et le déni des dirigeants mondiaux alors que l’urgence climatique frappe déjà l’Afrique.

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Après l’usage du plastique, il y a donc son rejet dans les pays “poubelles” qui empoisonne et fait paradoxalement vivre les habitants. Les chercheurs ont constaté qu’en plus de soixante-dix ans, les humains avaient généré 8,3 milliards de tonnes de matières plastiques, sur ces quantités gigantesques, 6,3 milliards de tonnes sont dès à présent devenues des déchets, dont seuls 9 % ont été recyclés, 12 % ont été incinérés et 79 % accumulés dans des décharges ou dans la nature (7).

Pour ces 9%, je vous propose de nous attarder sur le processus de recyclage. Précédemment nous avons introduit la notion de recyclabilité du plastique. Tous ne sont pas recyclables, du fait de leur composition qui diffère et de la manière dont ils ont été créés. De plus, le plastique n’est pas recyclable à l’infini, comme certains voudraient nous le faire croire. Au fur et à mesure que la matière chauffe, car elle à besoin d’être refondue pour être recyclée, elle perd ses propriétés mécaniques. Le recyclage entier ne permet pas non plus de garantir l’hygiène de ce nouveau plastique. Il n’est donc plus utilisable pour un usage alimentaire, à part si l’on ajoute une part importante de polymère neuf. Comme tout matériau, le plastique se recycle donc par type, c’est-à- dire par famille, le PET (1) avec le PET (1), le PEHD (2) avec le PEHD (2) etc. Et pour rappel il y a des milliers de formes différentes de plastique, dans des milliers d’applications. Il y a parfois même dans un seul objet en plastique plusieurs types de plastique. Pour exemple, une bouteille d’eau contient jusqu’à trois types de polymère différent, le corps de la bouteille en PET (1), le bouchon en PEHD (2) ou en PP (5) et l’étiquette en PEBD (4). Il faut trier tout ceci, les récolter, détacher les pièces plastiques, en refaire une matière première, donc parfois les broyer. Tout un processus long et coûteux, c’est pour cela que le bilan est aussi peu conséquent, 9% du plastique produit mondialement depuis 1950 a été recyclé.

Le mouvement Precious Plastic est né aux Pays-Bas suite au projet de fin d’études de Dave Hakkens. Celui-ci a développé des machines de recyclage de plastique et a créé une communauté qui s’étend aujourd’hui mondialement. De nombreux designers, ingénieurs, artistes et bénévoles reprennent l’idée grâce aux données d’informations « open source ». Ainsi, le projet Precious Plastic s’est développé et Dave Hakkens a pu créer des versions améliorées des machines. Celles-ci ont une multitude de variantes, certaines plus low tech que d’autres. La communauté s’est approprié le projet et le recyclage de plastique tend alors à devenir une pratique plus artisanale et accessible. En effet la ligne directrice du projet est de réduire des processus industriels à échelle plus humaine et pédagogique. Ceci permet aux grands publics de se faire une meilleure idée de ce qu’est la matière plastique, sa dangerosité, sa complexité et sa flexibilité. En 2018, Miki Nectoux, un designer du sud de la France, dépose Precious Plastic Provence. Il met en place une remorque qui permet au projet d’être itinérant et ainsi d’aller au contact des écoles, des collectivités, des entreprises et de tous les curieux qui souhaitent apprendre et découvrir l’ambition de Precious Plastic. Il construit et achète au total sept machines permettant le recyclage de plastique : une scie à ruban, deux broyeuses (petite et grande version), un four (anciennement à pizza), une presse, une extrudeuse et une presse à injection manuelle. Les principales démarches employées par le projet sont la médiation, la création de matière première recyclée (copeaux de plastique), l’expertise et le développement de produit durable et issu d’un recyclage sourcé local. Une démarche appréciée mais qui a ses limites car le recyclage n’est pas chose facile, elle entraîne de nombreux coûts, énergétique, budgétaire, humain, et écologique. Il ne doit pas être un prétexte de production, toujours plus intensive de cette matière.

Avant même de réfléchir au recyclage, certains designers ré-emploient les déchets plastiques. Pour rester en provence, Stéphanie Dick, designer produit réutilise, sans transformer l’objet, les tuyaux d’arrosage agricole usagés. Par un moyen de tressage, elle réalise des cabas. Dans une approche d’économie circulaire le produit reste finalement à l’état de déchets. En effet, les kilomètres de tuyaux d’irrigation laissés pour compte par les agriculteurs sont simplement récupérés, lavés puis tissés.

La source de déchets plastique est si impressionnante qu’elle pourrait en décourager certains. Plusieurs choix s’offrent à nous, certains valorisent, recyclent, réutilisent quand cela est possible, d’autres enfouissent sous terre ou incinèrent. Beaucoup tentent de récupérer les déchets partis à la dérive dans nos océans, mais la tâche est longue et fastidieuse. On ne manque ni d’accords ni d’initiatives pour gérer la crise du plastique, mais toutes les mesures ou presque concernent uniquement l’élimination des déchets. D’autres essayent de trouver des alternatives à la source. Le but étant d’essayer de régler le problème à la source. Ainsi nous pourrions remplacer le plastique produit traditionnellement par de nouveaux plastiques, les bioplastiques. Entre mythe et réalité, est-ce que leur préfixe est un gage de propriété plus respectueuses de l’environnement ?

Mobilier de scénographie du stand Creno, au salon SIRHA, 2023, matériaux plastique, PP (5), recyclé. Une création de l’association Milvi en collaboration avec Precious Plastic Provence.

Le design événementiel étant l’un des secteurs les plus polluants du design, il semble intéressant de proposer des solutions plus durables. Le mobilier une fois utilisé fera office de bar dans les bâtiments du groupe Creno.

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