Numéro 85 Janvier > Mars 2020

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JANVIER  > MARS 2020

ÉDITO

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ACTIVITÉ

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DANSE À BIARRITZ #80

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SENSIBILISATION

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SAISON

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JOURNAL D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE EN PYRÉNÉES-ATLANTIQUES MALANDAIN BALLET BIARRITZ

SANTÉ

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EN BREF

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CALENDRIER

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La Pastorale © Olivier Houeix


ÉDITO

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Cette série de représentations parisiennes fut aussi l’occasion de célébrer sous la présidence d’Élisabeth Badinter, l’anniversaire des 60 ans de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet

La Pastorale © Olivier Houeix

u  égard à un calendrier chargé de représentations et d’une création, nous sommes en retard pour la publication de ce Numéro, mais difficile de commencer sans vous présenter nos vœux et à travers eux tout ce qui pourra vous être agréable. Si la musique en fait partie, vous n'êtes pas sans avoir entendu que Ludwig van Beethoven aurait eu cette année 250 ans. Le 22 décembre dernier à l’Opéra de Bonn, ville natale du compositeur, c’est avec la Symphonie n°  6, dite Pastorale que nous avons ouvert en Allemagne les festivités du « BTHVN 2020 ». Les règles

aujourd’hui directeur d’un théâtre ouvert aux danses les plus variées depuis son inauguration en 1937. Pour en témoigner ce présent venu du passé offert par Dominique Solane : un programme comportant en particulier la Symphonie pastorale, que sa mère Janine Solane créa au palais de Chaillot en juin 1946 avec 60 danseuses de sa Maîtrise de danse. Prolongeant à sa manière les rêves d’Isadora Duncan après avoir reçu l’enseignement de Léo Staats, maître de ballet à l’Opéra de Paris, Janine Solane lança « la danse classique naturelle ». Emprunte « d’une humaine poésie », on la définira comme « l’union de la danse classique, nécessaire discipline, avec la danse d’expression, dans la musique ».

de la bienséance proscrivant de vanter sa propre gloire, nous n’oserons pas parler de triomphe sans précédent, ni d’excellence française que le monde entier nous envie et s’arrache. Le public manifestant debout son enthousiasme, ce fut un succès. Précisément, une ovation de magnitude 6 sur l’échelle des symphonies beethoveniennes qui laissera le regret profond de ne pas avoir eu l’audace d’affronter la 9ème ! Avec la Pastorale, également honorée de la 6ème place au palmarès des 10 meilleurs spectacles d’opéra et de danse établi par Public Art pour 2019 (1), la Compagnie était auparavant l’invitée de Chaillot Théâtre national de la Danse. Dans le cours d’une carrière, il y a des personnes de cœur, remarquables et de bonne grâce auxquelles on doit des égards tout particuliers. Que ce peu de mots suffise pour exprimer ma reconnaissance à Didier Deschamps, architecte de la création du Centre Chorégraphique National à Biarritz,

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pour la Vocation dont avoir été le lauréat en 1986 fut un sacré coup de pouce à l’époque critique des débuts de la Compagnie Temps Présent. À l’instar de la retransmission en direct par ARTE Concert de la Pastorale, ce fut ce qu’on appellera un privilège, même si des années de révoltes et de luttes meurtrières furent nécessaires pour les abolir et établir le principe d'égalité. Gageure des utopies égalitaires que résuma parfaitement George Orwell dans son roman, la Ferme des animaux, publié en 1945 : « Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres ». En effet, si équitable que puisse être un idéal révolutionnaire, il sera tôt ou tard confisqué par de nouveaux maîtres. Quant à l’universalité, accolée à l’actuelle réforme des retraites, si elle paraît aller de soi, elle se heurte à la réalité des différences et des inégalités entre les hommes. Ainsi, à l’heure où l’on parle, de nombreuses professions ont déjà obtenu des dérogations et le maintien de leurs spécificités. Peut-on dès lors encore parler d'universalité ?


« La misère de la vieille danseuse, mais je ne sais rien de plus dramatique ! Il y a quelque temps, sur un tréteau de la foire de Neuilly, je reconnus sous des oripeaux lamentables une de mes anciennes camarades de l'Opéra qui, vieillie, fatiguée, nous avait quittés. Nous ne l'avions plus revue et nous la croyions tranquille en quelque coin de province. Elle était là, parmi les pitres forains, souriant lamentablement aux badauds. Comme je m'approchais d'elle, je vis des larmes rouler sur son fard et elle me dit « Que veux-tu ! Il fallait bien que je mange ! » Voilà les fastes de notre carrière » (2).

(1)Top 10 Opéra / Danse 2019 par Amaury Jacquet 1- La Traviata, mise en scène Simon Stone 2- Les Six concertos brandebourgeois, chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker 3- Lady Macbeth de Mzensk, mise en scène Krzysztof Warlikowski 4- Madame Butterfly, mise en scène Bob Wilson 5- Don Giovanni, mise en scène Ivo van Hove 6- La Pastorale, chorégraphie Thierry Malandain 7- Lear, mise en scène Calixto Bieito 8- Tree of Codes, chorégraphie Wayne McGregor 9- Body and Soul, chorégraphie Crystal Pite 10- Le Presbytère, chorégraphie Maurice Béjart (2) Le Temps, 29 décembre 1911 (3) Comoedia, 11 mai 1911.

Comme souligné par Georges Cléret, sujet et secrétaire général du Syndicat national de la danse à l'Opéra en 1911, la pension de retraite avait alors été « supprimée par un tour de passe-passe » (3). Mais je vous invite à parcourir dans ce Numéro l’article consacré à Ernest Ricaux, dont le frère Gustave, 1er danseur à une époque où les hommes du palais Garnier étaient disqualifiés artistiquement et socialement, contribua par son enseignement à la restauration de l’art du danseur. Merveilleux pédagogue, il n’obtiendra pas la Légion d’honneur parce que « le Ministère disposait d’un petit nombre de croix ». Nommé 1er danseur avant de partir combattre dans les tranchées et dans les airs, son cadet Ernest, comme la plupart des espoirs de sa génération, quittera l’Opéra pour s’illustrer au musichall, notamment dans Impressions de rugby, sur une musique de Michel Maurice Lévy, dit Bètove en hommage à l’auteur de la Pastorale. En 1957, désirant obtenir sa pension de retraite, Ernest Ricaux se verra répondre par le Secrétariat d’État aux Arts et aux Lettres : « Je ne crois pas qu’il soit possible de répondre à cette demande pour si intéressante qu’elle soit ». Le malheureux avait cotisé durant 14 ans à l’ancienne caisse de l’Opéra liquidée en 1922. « En ce qui concerne la nouvelle caisse, M. Ricaux ne pourrait y être affilié qu’à condition d’être engagé maintenant, soit à l’Opéra, soit à l’Opéra-Comique, ce qui paraît impossible à première vue ». Effectivement, il était âgé de 71 ans. Dans notre beau pays de France, qui trop souvent négligea la Danse, il ne sera pas le seul à finir ses jours dans la peine. Soulignons à ce sujet l’action de la Fondation de la Danse, Danse et Solidarité créé par Yvette BoulandVinay en 1972, pour soutenir avec discrétion les artistes dans le besoin. Et parmi celles qui

étoilèrent le palais Garnier et ne sont plus de ce monde, citons Nina Vyroubova ou encore Yvette Chauviré à laquelle, l’Opéra de Paris rendit hommage, le 22 avril 2017 : « Immense artiste, ambassadrice du style français, etc., etc. », elle aurait eu 100 ans le jour de cette « soirée exceptionnelle ». Au vrai, un gala mondain, indigent et surtaxé, au profit de qui ? L’on s’interroge, puisque le petit monde des amis et des admirateurs d’ « Yvette de France » dut se cotiser pour lui offrir une pierre tombale. Il y aurait long à dire encore, mais pour conclure, on ne blâmera pas les danseurs parisiens de se battre pour « protéger l’excellence de leur modèle ». Fragilité des choses humaines ! Il est clair qu’un danseur dont le métier exige dès l’enfance un long apprentissage, ne peut danser à niveau constant jusqu’à 62 ans. Mais si vraiment « l’Opéra de Paris, c’est un peu la France », on invitera le gouvernement qui se « propose d’élaborer un dispositif de reconversion professionnelle pour les quelques danseurs [de l’Opéra] qui s’arrêteront chaque année », de se pencher sur le sort des autres artistes chorégraphiques de l’hexagone. Car dans une troupe de 22 danseurs telle que la nôtre qui sans compter les voyages aventureux donne plus de 90 représentations par saison, la masse de travail, la fatigue, les blessures sont plus qu’équivalentes. Comme les danseurs permanents de Bordeaux, Toulouse, Mulhouse, Lyon, etc., ou les danseurs intermittents du spectacle d’une polyvalence extrême, le plus souvent, ils tireront leur révérence bien avant la quarantaine pour faire face au défi de la reconversion sans aides spécifiques, automatiques, universelles. Dès lors dans son aspiration à refonder le modèle social français, le gouvernement après la Suède serait inspiré de se référer à la Hollande par exemple et à son programme : Omscholing Dansers Nederland « qui chérit le talent des danseurs ». Créé en 1986 et financé par les compagnies, les artistes et l’État, il permet par des conseils et un soutien financier d’aider à la reconversion des danseurs pouvant justifier de 10 ans de carrière. Ne serait-ce pas une idée à développer après 350 ans d’histoire et de modernité ?

n Thierry Malandain, janvier 2020

ÉDITO

Pendant que nous dansions la Pastorale, nos collègues de l’Opéra de Paris, seuls artistes chorégraphiques en France à bénéficier d'un régime spécial étaient en grève pour le sauvegarder. Lié à l’évidente pénibilité du métier, il leur permet aujourd’hui de partir à la retraite à 42 ans et aurait été mis en place en 1698 par Louis XIV. Avec l’effet de distance on peut le voir ainsi en raccourci, mais la vérité est moins éclatante : « Il ne faut pas juger le monde de la danse d’après la légende » écrivait en 1911, Paul Raymond, sujet à l’Opéra, avant de raconter :


ACTIVITÉ

Création la Pastorale Diffusion Le Ballet commencera l’année 2020 avec pas moins de 13 représentations en janvier : Nocturnes et Estro à Bourges les 7 et 8, à Saint-Quentin-enYvelines les 10 et 11, à Saint-Michelsur-Orge le 12, à Puteaux le 13 avec Boléro en complément de programme. Il rejoindra ensuite l’Allemagne pour la Pastorale à Friedrichshafen le 16, Noé à Aschaffenburg le 20 et à Neuss le 22, et enfin la Belle et la Bête à Coesfeld le 23. Rentré en France, il donnera le 25 Estro et Boléro à SaintQuentin et deux représentations de la Belle et la Bête à Carquefou dont une scolaire le 28. Rentrés à Biarritz, les danseurs repartiront ensuite pour Val-de-Reuil le 4 février avec Cendrillon, puis embarqueront pour les États-Unis où ils retrouveront deux théâtres partenaires nous accueillant pour la seconde fois : le TITAS de Dallas avec Cendrillon les 7 et 8 février et le Des Moines Civic Center dans l’Iowa avec ce même ballet le 13. Dernière date, le 15 avec Nocturnes, Estro et Boléro au Michigan Opera de Detroit. Lors de cette présence sur le sol américain, Giuseppe Chiavaro, maître de ballet animera des ateliers, Mégabarre et autres rencontres avec le public. Quelques jours de repos permettront d’attaquer après coup les 14 représentations de mars : MarieAntoinette à Béziers le 3, Noé à Blagnac pour trois représentations les 6, 7 et 8, la Pastorale à Chartres le 10, Marie-Antoinette à Martigues les 13 et 14, à Fréjus le 17 et à Aix-enProvence les 20 et 21. Petit crochet par l’Italie pour donner la Pastorale à Pordenone le 24, puis retour en France pour terminer à l’Opéra de Saint-Etienne les 26 et 27 avec deux représentations dont une scolaire de Marie-Antoinette.

À l’occasion des 250 ans de la naissance de Ludwig van Beethoven et à l’invitation de l’Opéra de Bonn, ville natale du musicien, Thierry Malandain a créé la Pastorale. Après trois avant-premières en NouvelleAquitaine, une en Occitanie et deux dates en Bretagne, la première française a eu lieu à Chaillot-Théâtre national de la Danse du 13 au 19 décembre, et la première mondiale à Bonn les 22 et 23 décembre. L’opportunité de nombreux articles que nous publions par ordre de parution. LA PRESSE EN PARLE ( première partie )

Un périple magnifique et poignant Entre Arcadie rêvée et réel accablant, Thierry Malandain et ses 22 danseuses et danseurs proposent un périple magnifique et poignant. Que d’émotions et de beauté dans ce nouvel opus de Thierry Malandain ! Superbement inventive, l’écriture traverse une histoire humaine tout en tensions et contrastes qui se déploie entre désir de beauté et douleur de vivre, entre le rêve d’un monde harmonieux et la réalité d’une vie sans horizon. Sobre et efficace, la scénographie enferme d’abord les danseurs dans un dispositif de multiples carrés en tubes de métal, permettant de mettre en jeu des mouvements millimétrés d’une grande force expressive, entre renversements abrupts et élans fugaces. Lorsque le dispositif s’élève et disparaît dans les cintres, c’est tout l’élan joyeux et lumineux du rêve qui apparaît. A l’unisson de la Symphonie Pastorale de Beethoven, qui ressuscite une Arcadie antique sereine et confiante, le chorégraphe fait référence à l’Antiquité grecque comme espace de rêve et d’idéal, où se libèrent des mouvements fluides et affirmés. L’écriture s’articule autour d’une figure centrale, objet de l’attention et sujet du périple, qui s’élance vers le rêve et s’avance vers la mort. Sorte de double du chorégraphe, ce personnage romantique est dansé par Hugo Layer avec une précision et une assurance époustouflantes, qui laissent transparaître en filigrane une sorte de fragilité. Intemporelle, quasi abstraite, la danse exprime ici magnifiquement les poignants paradoxes de l’humain, des duos jusqu’aux mouvements d’ensemble. Les costumes sont superbes. De saisissants contrastes empoignent l’existence, entre la tristesse d’une vie réglée par de stériles automatismes, le corps ployé et le regard figé au sol, et le pur bonheur d’envolées qui emportent et galvanisent, bras tendus. Thierry Malandain et ses 22 danseuses et danseurs évoquent une fois de plus l’humaine condition dans son essence,

et leur partition est pleinement réussie. L’art n’est ici ni l’illustration d’une intention, ni le reflet d’une conviction, ni la traduction d’une narration. Au-delà de la surface des choses, la danse acquiert plutôt une dimension spirituelle qui contre la petitesse et la tristesse du monde. Façonnée avec science et patience, elle révèle une beauté qui serre le cœur et nourrit l’esprit.

n La Terrasse, Agnès Santi, 24 novembre 2019

La Pastorale revue par le Malandain Ballet Biarritz Pour son nouvel opus, Thierry Malandain, le directeur du Ballet Biarritz s’intéresse avec bonheur à la symphonie Pastorale de Beethoven. Présenté à Paris puis à Bonn pour le 250e anniversaire de la mort du compositeur. La ville de Biarritz possède une des meilleures compagnies de danse de France : le Malandain Ballet Biarritz. Il vient à Paris présenter sa Pastorale avant de se rendre à Bonn, en Allemagne, pour participer aux festivités du 250e anniversaire de la mort de Beethoven. Thierry Malandain a l’habitude de s’attaquer aux grands ballets du répertoire pour les réécrire. Cette fois, c’est une œuvre majeure de la musique classique qui l’intéresse: la fameuse Pastorale du compositeur allemand, qu’il couple à des extraits de la Cantate op. 112 intitulée « Mer calme et heureux voyage ». Cette Sixième symphonie, Beethoven l’a composée en même temps que la Cinquième, où il exprimait le tourment de l’homme face à son destin. Ici, il s’agit d’un hymne à la nature  : « Souvenir de la vie rustique, plutôt une émotion exprimée que peinture descriptive », dit l’épigraphe de cette partition. Un propos que traduit très pertinemment le chorégraphe. L’action se déroule au milieu d’un décor de Jorge Gallardo fait de ces fameuses barres que les danseurs utilisent pour leur entraînement. Elles sont ici disposées en forme de damier. Autant d’embûches que les artistes doivent franchir pour accéder aux autres. Puis le décor s’élève dans les airs, libérant tout l’espace... mais aussi la danse. Les ensembles, les duos se succèdent toujours avec cette patte de Thierry Malandain, qui excelle dans cette danse classique modulée pour devenir contemporaine. Il y a un côté hellénique à l’ensemble et même parfois des réminiscences de l’Après-midi d’un faune, de Nijinski. La quête des danseurs semble inexorable et leurs gestes, en dépassant l’académisme, exaltent la force sensuelle du corps. Nous voilà face à une quête de l’impossible où chacun peut adhérer selon son imaginaire. Un très beau ballet qui juxtapose des moments lyriques et d’autres beaucoup plus intimistes.

n Le Figaro magazine, François Delétraz, 7 décembre 2019


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Hugo Layer, La Pastorale © Olivier Houeix


ACTIVITÉ

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Une Pastorale de toute beauté

La Pastorale © Olivier Houeix

Thierry Malandain est l’un des rares (donc précieux) chorégraphes français à assumer, sans revendiquer vulgairement, un vocabulaire néo-classique qui puise autant dans les racines de notre patrimoine que dans le vertige de sa propre imagination foisonnante. Preuve à l’appui, ici, s’il en était besoin, avec sa Pastorale. Non, il ne s’agit pas seulement d’un opus à l’occasion du 250ème anniversaire de Beethoven à Bonn, celui qui a conçu la Sixième Symphonie en jeu dans ce ballet. Il est question d’autre chose, d’autres choses –

métallique jusqu’au paroxysme de la voûte céleste. Certes, il y a « un » danseur, « Lui », le magnétique Hugo Layer, « Eux », les « Numineux » et les « Lumineux », mais sans aucun manichéisme. Le chorégraphe a à cœur de nous entraîner dans un tourbillon vertueux où la Pastorale de Ludwig retrouve ses lettres de noblesse – celles du sublime. Et ces lettres sont ici des pas, des gestes tantôt fluides, tantôt véloces, qui sont autant références obvies à l’Antiquité qu’à un certain Après-midi d’un faune, à travers des lignes de fuite égyptologiques, ou aux danses libres de Loïe Fuller ou Isadora Duncan. Et, autant d’interprètes, autant de solistes. Tous réussissent à nous libérer du carcan contemporain qui peut

celles de la beauté. Ainsi, les vingt danseurs du Malandain Ballet Biarritz s’en donnent à cœur joie, en émoi, pour retranscrire ce que le créateur-poète veut nous dire. Le mot est simple, et pourtant si complexe à faire passer de nos jours : se ressourcer en beauté. Puiser dans la nature malmenée la puissance des éléments qui sont l’essence de notre vie. Et, par-delà son respect, aimer cette vie, à travers la nature. La chérir, malgré tout ce qu’elle peut nous réserver de sombre, d’intraduisible parfois, de révoltant souvent. Se jeter à l’eau ; dans l’air, jusqu’au ciel ; pétrir la terre de nos pas lassés par le chagrin d’un quotidien qui s’éloigne dangereusement du trésor de ses fruits. Mais comment Malandain s’y prend-il pour nous permettre de retrouver, l’espace d’un instant de grâce, cette nature oubliée ? Par une montée orchestrale, savamment menée, qui part de la prison technique d’une cage

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laisser croire que la candeur, la légèreté, l’envol, la naïveté même, sont faiblesse ou debilitas. A contrario de toute bienpensance, la chorégraphie nous ramène à l’ordre en nous rappelant que ces notions, traduites ici en gestes aériens, sont le revers de la pesanteur nocturne, la blessure de la guerre, la prétention omnisciente… Et ceci est précisément puissance. La lecture de la Pastorale qu’effectue Malandain nous offre le luxe suprême de nous reconnaître en tous nos élans, qu’ils soient morbides ou vitaux. Pour mieux nous aimer, les uns les autres. En effet, La Pastorale ne signifie-t-elle pas, in fine, l’acte de foi de Celui qui ramène la brebis égarée vers le Chemin ? Et celui de Malandain est le Beau.

n Ballroom, Bérengère décembre 2019

Alfort,

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ACTIVITÉ hierry Malandain, directeur du CCN-Malandain Ballet Biarritz, saisit l’occasion de la commande de l’Opéra de Bonn pour célébrer les 250 ans de la naissance de Ludwig van Beethoven en créant une des pièces les plus spirituelles de son répertoire. Le chorégraphe, animé par son esprit toujours tourné vers l’humanité et par son langage chorégraphique limpide et pur, nous livre avec La Pastorale un message de beauté et de sérénité. Mais son parcours créatif n’est pas simple. En fait, plutôt que de se limiter à nous présenter un Eden imaginaire, Malandain joue sur le contraste avec notre époque troublée qui semble avoir perdu ses valeurs universelles. Le protagoniste de la Symphonie n.6 de Beethoven, La Pastorale, devient un jeune homme contemporain, perdu, renfermé sur lui-même. Le quadrillage qui constitue le décor de la première partie du ballet, structure métallique composée de carrés assemblés ressemblant à des cages, se révèle un choix réussi pour représenter les sentiments d’inquiétude et la perte d’espoir vers une possible issue. Les danseurs bougent dans des carrés fermés, se heurtent contre des barreaux et, avec des acrobaties, cherchent à s’échapper. Thierry Malandain préfère utiliser dans ce contexte des extraits musicaux des Ruines d’Athènes de Beethoven, le chant accompagnant de manière plus profonde cet état de détresse. Cette partie ne peut que constituer un prologue nécessaire pour nous emmener vers un univers dominé par l’équilibre des formes et la beauté des lignes exprimées par la chorégraphie. En éliminant toute référence à la structure descriptive des cinq mouvements de l’œuvre de Beethoven, Thierry Malandain nous plonge dans une espèce d’Arcadie, un rêve pour le protagoniste (Hugo Layer). Avec la scène épurée, des figures angéliques l’entourent : tuniques blanches, ports de bras qui s’élèvent au ciel, arabesques étirées à l’infini. On pourrait aussi reconnaitre les trois muses de l’Apollon Musagète de George Balanchine, Polymnie, Calliope et Terpsichore, mais dans ce ballet elles n’ont pas le même rôle. En fait, elles sont indépendantes, soutiennent et conduisent le protagoniste, le surprennent à s’élever vers un état de grâce ; il n’est pas le divin Apollon. La chorégraphie est très dynamique, constituée par des entrées et des sorties de groupes de danseurs, évoquant les plus belles images de l’art grec. Harmonieusement, Malandain accorde une préférence à des figures circulaires, à des spirales, pour constituer un univers pacifique où tous sont en communion entre eux. Des escargots, avec leurs coquilles enroulées, traversant la scène, le symbolisent. Les sonorités puissantes du quatrième mouvement de La Pastorale, L’orage, nous rappellent pour quelques instants l’existence de la lutte entre les hommes. Le pas de deux entre Frederick Deberdt et Arnaud Mahouy en est l’exemple. Mais la fonction cathartique

de la partie centrale du ballet a atteint son résultat. Le Paradis s’ouvre avec les notes de la Cantate Op.112 de Beethoven : la danse jubilatoire du Malandain Ballet Biarritz conclut la pièce, un succès incontestable pour son auteur Thierry Malandain, qui a été reconfirmé à la tête du CCN-Malandain Ballet Biarritz jusqu’à la saison 2024-25.

n Chroniques de danse, Antonella Poli, 13 décembre 2019

L’esthétique ballet en clair-Obscur de Malandain Pour célébrer les 250 ans de la naissance de Beethoven, Thierry Malandain invite à une danse plurielle où démons d’hier, anges d’aujourd’hui, donne naissance à l’humanité de demain. S’appuyant sur la fameuse 6e Symphonie du compositeur allemand, dite Symphonie pastorale il livre un spectacle délicat alliant mouvements primitifs rappelant quelques bacchanales grecques et gestuelles néoclassiques. Un moment hors du temps porté par une troupe virtuose. Sur une scène vide, bordée de pendillons noirs, une immense grille, une sorte de cage composée de 25 carrés, délimite l’espace. En son centre, un corps, vêtu d’une robe sombre, est allongé, inerte. Très vite, il est rejoint par d’autres individus portant des tenues identiques. Hommes ou femmes, tous sont habillés de la même façon. Dans ce monde obscur, pas de différence de genre, une égalité totale règne. Bourreaux, démons, habitants d’une dictature, membres d’une obédience sectaire, ils s’approchent de l’être endormi, lui insufflent la vie, éveillent sa conscience et l’entraînent dans une danse sépulcrale, fascinante, hypnotisante. Après l’obscurité, la lumière. Laissant tomber leur noire vêture pour dévoiler des tuniques blanches, virginales, les danseurs du Malandain Ballet Biarritz convient l’androgyne individu vers des cieux plus cléments. La cage s’envole dans les cintres. La liberté est à portée de mains. Farandoles de nymphes, pantomimes rappelant des fresques antiques, les corps s’entremêlent, les gestes se font plus doux. Des idylles platoniques naissent. Des passions spirituelles éclosent. Des anges, des âmes pacifiques peuplent le plateau, l’envahissent. Le monde a changé, la nature se veut harmonieuse, plaisante. Passant d’un univers à l’autre, de la séduisante noirceur à la trop sage pureté, l’humanité toute nue voit le jour. Empruntant un peu à l’un, un peu à l’autre, elle vibre au diapason de cette dichotomie, de cette ambivalence troublante. Suivant la partition de la 6e Symphonie de Beethoven, à laquelle il a mêlé la Cantate op. 112 et quelques motifs des Ruines d’Athènes, dont la composition musicale s’inspire de la

La Pastorale © Olivier Houeix

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nature et de ses sons, Malandain signe une pièce chorégraphique des plus exigeantes tout en allégresse et légèreté. Jouant des ralentis, des accélérés, il déploie avec virtuosité toute la grammaire de la danse classique matinée de contemporain. Pas de deux, danses de groupes, les tableaux, véritables toiles de maître, s’enchaînent puissamment, élégamment. S’attaquant pour la troisième fois à l’œuvre du Compositeur allemand, le chorégraphe, installé à Biarritz donne forme humaine aux notes. Les pulsations des corps, les arabesques dessinés par les bras, les ronds de jambes, emportent le public dans un rêve éveillé où l’être se scinde avec la nature. Empreint de spiritualité, La Pastorale de Malandain joue des esthétiques entre rites antiques, danses tribales sophistiquées et abstractions évanescentes. Porté par une troupe d’excellence qui maitrise à la perfection technique et agilité, le ballet hommage à Beethoven est d’une belle intensité. Parfois l’attention se relâche, mais c’est pour mieux se ressaisir, se captiver à nouveau. Une délicatesse dansée à savourer sans tarder.

n L’œil d’Olivier, Olivier Frégaville-Gratian d’Amore, 14 décembre 2019

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ACTIVITÉ

Thierry Malandain envoûté par « La Pastorale » À Chaillot, le chorégraphe mise sur la magie blanche du ballet. Et célèbre Beethoven. Vous avez visité Delphes? Vous avez la nostalgie du mont Parnasse? Vous regrettez de n’avoir pas pénétré les brouillards laiteux qui s’accrochent à ses flancs pour y surprendre le ballet des muses  ? Courez alors voir La Pastorale de Thierry Malandain. L’œuvre qu’il vient de signer pour ses vingt danseurs du Ballet de Biarritz et que l’on peut encore voir à Chaillot sera donnée en création mondiale dans quelques jours à Bonn. C’est une commande. Elle permettra de lancer les cérémonies du bicentenaire de la naissance

de Beethoven. La beauté peut sauver le monde, pariait Beethoven. Malandain reprend la question à sa charge. Et la relit  : la beauté peut-elle sauver le ballet? Le rideau s’ouvre sur une structure de métal découpée en carrés. À la fois cadres qui sertissent et cages qui enferment. Un homme se tient au centre : l’excellent Hugo Layer, corps androgyne, geste tranchant l’espace au diamant, dont on guettera les apparitions tout au long de ce ballet d’une grosse heure. Malandain a choisi pour débuter des extraits des Ruines d’Athènes. Les danseurs encagés sont vêtus de robes noires. Malandain décline la danse le long des tubes, utilisés comme des barres fixes. Les danseurs se lient les uns aux autres, composent des figures à plusieurs qui se renversent à l’unisson, créatures à six pieds en haut trois têtes en bas. Ils grimpent sur les tubes, se plient pour trotter en dessous, donnent l’image d’une humanité guettée par le péril ambiant et qui le fuit dans des postures grotesques. Ainsi meurent les civilisations. Les danseurs dégrafent leur manteau et naît un être de lumière : l’homme de la pastorale, tout de blanc vêtu dans des tuniques ravissantes

La Pastorale © Olivier Houeix

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signées par Jorge Gallardo. Fin du monde d’aujourd’hui. Retour au monde antique, vers lequel successivement les civilisations se tournent. La musique de cette symphonie évoque une nature idyllique. Malandain s’amuse à y rapporter, avec ce qu’on lui connait d’érudition, les amours des bergers de leurs bergères, les danses des muses, l’irruption des faunes, les bacchanales, et donne à voir tout cela. Sans se départir d’une esthétique néoclassique : les danseurs mettent en mouvement les frises des temples grecs, empruntent aux décalés de Lifar et aux rondes peintes par Matisse pour la Danse. En sort un ballet blanc d’autant plus beau et séduisant qu’il est magnifiquement dansé. L’artiste a rempli une de ses missions : il a créé de la beauté. Reste qu’on est un peu navré qu’elle soit si lisse…

n Le Figaro, Ariane Bavelier, le 15 décembre 2019

Thierry Malandain célèbre Beethoven avec La Pastorale Thierry Malandain livre en cette année 2019 une œuvre de commande. L'Opéra de Bonn a en effet sollicité le chorégraphe pour le 250e anniversaire de la naissance de Ludwig Van Beethoven dont c'est la ville natale. Thierry Malandain a choisi l'un des plus grands chefs-d’œuvre symphoniques du compositeur - et de tous les temps : la Symphonie N°6 dite Pastorale. Cet hymne majuscule à la beauté de la nature et à la mélancolie qu'elle suscite a inspiré au chorégraphe une chorégraphie épurée, lumineuse comme un plaidoyer dansé pour la sauver des pires maux. Parfaitement construite pour vingt danseuses et danseurs dans de magnifiques lumières signées François Menou, La Pastorale est une rêverie dans laquelle il faut se perdre. Le défi n'est pas mince et pour tout dire audacieux. La Sixième Symphonie de Beethoven est une œuvre parfaite qui se suffit en soi et n'a besoin que d'un orchestre pour être interprétée. Thierry Malandain n'est pas le premier à se saisir de ce répertoire symphonique pour chorégraphier. Maurice Béjart et John Neumeier s'y sont eux aussi risqués avec bonheur. Mais la clef de la réussite réside dans le respect absolu de la musique. On ne peut pas jouer au plus malin avec Beethoven mais faire preuve de qualités musicales uniques et d'une oreille hors-pair. Thierry Malandain répond parfaitement à ce portrait et déjoue ainsi les pièges d'une œuvre qui serait par trop grandiloquente ou accentuerait exagérément le romantisme flamboyant qui perce dans la Pastorale. Beethoven la voyait comme un « souvenir de la vie rustique, plutôt émotion exprimée que peinture descriptive ». Autrement dit non pas une illustration des forces


La Pastorale © Olivier Houeix

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de la nature et de ses éléments mais un voyage intérieur dans les émotions qu'elle provoque. C'est cela que nous propose Thierry Malandain : un cheminement vers les sommets de la Symphonie Pastorale qu'il encadre par un extrait des Ruines d'Athènes, œuvre chantée et plus tardive de Beethoven. Ce parti-pris donne une belle profondeur de champ et induit ainsi un prologue saisissant. Au centre d'une structure tubulaire de 25 espaces comme des rectangles surélevés, Hugo Layer désigné comme « Lui » dans le programme se déploie dans ces quadrilatères, s'y pend, tourne et se tord. Comme prisonnier peutêtre ou l'incarnation fugace d'un faune. Lignes superbes, danse expressive dans une chasuble sombre sur les chants des Ruines d'Athènes, entouré de danseuses et danseurs pareillement habillés, quelque chose de tribal émerge dans ce prélude imaginé par Thierry Malandain, une force sombre et menaçante avant l'arrivée attendue de l'explosion de la nature. Vient alors la Symphonie Pastorale proprement dite. Singulière en tout point, Beethoven l'a divisée en cinq et non pas quatre mouvements selon la tradition symphonique, ce qui permet au compositeur d'élargir sa palette. Thierry Malandain propose une danse très épurée, jouant avec la géométrie alternant alignements, rondes, ensembles et pas de

deux. Fidèle à son credo, le chorégraphe utilise à merveille le vocabulaire classique auquel sa compagnie est formée. Il y ajoute un travail original du haut du corps où l'on perçoit des motifs inspirés du statuaire de la Grèce antique. Les cinq mouvements s'enchainent comme un hymne dansé à la beauté et à l'harmonie. Le ballet se referme avec la Cantate op. 112 et un nouveau solo d'Hugo Layer. Après ce tropplein sensoriel de la symphonie Pastorale, il y a comme un retour d'une menace sous-jacente, la vision d'une nature brutalisée. Mais peut-on aujourd'hui évoquer la Nature sans y placer une note pessimiste ? On se lamentera plus tard. Pour le moment, réjouissons-nous de cette beauté. Thierry Malandain, loin de malmener la symphonie de Beethoven, lui offre l'un des plus beaux écrins.

n Danses avec la plume, Jean-Frédéric Saumont, 16 décembre 2019

la chorégraphie sans jamais ignorer la création made in France, bien au contraire. Thierry Malandain fait partie de ce formidable élan, il vient d'ailleurs d'être nommé à l'Académie des BeauxArts, section chorégraphique, aux côtés de Blanca Li et Angelin Preljocaj. En 2017, le ballet Noé avait reçu le prix de la « meilleure compagnie » par l'Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse. A cette époque La Messa di Gloria de Rossini avait guidé l'inspiration du chorégraphe, pour cette fois Beethoven est le grand inspirateur, la Symphonie n°6 en fa majeur, opus 68, dite La Pastorale, composée entre 1805 et 1808, est l'occasion de fêter le 250ème anniversaire de la naissance de l'inventeur du romantisme. Avant son retour à la Gare du Midi de Biarritz, et la création mondiale à l'Opéra de Bonn le 23 décembre, La Pastorale est en avantpremières exceptionnelles à Chaillot. Les

La Pastorale au Théâtre national de Chaillot Quadrillé de barres métalliques, le décor graphique de la scène de Chaillot revendique une nouvelle fois toute sa contemporanéité. Ici, la danse avance, vigilante aux mouvances de l'art de

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vingt-deux danseurs du Ballet de Biarritz se sont frayés un chemin, dans un Paris pollué, vrombissant et klaxonnant, pour montrer toute l'expressivité esthétique de la nature. Collés ou noués, sortes de chrysalides extirpées d'un maillage aux reflets froids, les danseurs de Malandain sont athlétiques, les jambes et les coups de pieds s'enroulent comme des rubans et se tendent comme des arcs pendant que Beethoven couvre Chaillot d'un ciel orageux, sombre et menaçant. Le Ballet de Biarritz se décline en solo, duo, trio et groupes dans un rythme soutenu, aucune hésitation, aucune errance, l'intention du chorégraphe est forte et ses danseurs lui rendent à force égale. Les jeunes interprètes racontent une danse rigoureuse, la discipline de la danse classique ne lâche rien et dessine une chorégraphie d'une grande précision. Une attention toute particulière est donnée par les lumières de François Menou, les tableaux se suivent comme des clichés photographiques. Les costumes signés Jorge Gallardo accentuent cet effet esthétique soigné et sophistiqué. Puis, une transformation s'opère, radicale, les carrés dessinés par les barres d'acier montent dans les cintres, le jour se lève ou les nuages se dissipent, une clarté éblouissante comme un matin de printemps illumine le plateau. Les danseurs abandonnent au sol de lourds costumes aux basques baroques, débarrassés de leurs cocons, ultimes mues, une métamorphose magique et mystique s'opère. Il s'enchaîne une danse qui semble être échappée de la gravure d'un vase étrusque, une joyeuse danse de Ménades et rondes dionysiaques tournoyantes. Il y a une confusion entre les filles et les garçons, fondus dans d'aériennes tuniques de voiles, le ballet célèbre autant la nature que la jeunesse. Ce changement de saison se révèle être une nouvelle naissance, les interprètes apparaissent tout à fait dépouillés en justaucorps de chair. C'est une sculpture ciselée ou un modelage de terre cuite qui s'anime, toujours sur un rythme effréné, épousant la musique et faisant mine de s'abandonner définitivement à la toute puissante nature. Le jeune danseur Hugo

Layer bouleverse par la délicatesse de sa danse, ce sont des mains qui s'élancent comme les ailes graciles d'un papillon qui se déploient pour la première fois ou bien des bras qui s'envolent comme poussés par un vent tourbillonnant. Toute cette fragilité de la vie ressentie et suspendue aux étapes d'une transformation s'oppose aux énergiques Frederik Deberdt et Arnaud Mahouy qui forment un duo fantastique. Évidement Nijinsky veille au grain, le Prélude à l'Après-midi d'un Faune ou Le Sacre du Printemps ne sont pas loin et on retrouve avec gourmandise ces visages qui se tournent de profil, ces déplacements latéraux et ces rythmes marqués. Maurice Béjart aussi n'est pas en reste, en 1964 il avait fait naître, ce qu'il désignait comme un « concert-dansé », un ballet éponyme créé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven. Des inspirations que l'on traduit ici comme des hommages à ceux qui ont été à l'origine de la danse contemporaine d'aujourd'hui et pour laquelle Thierry Malandain inscrit à son tour sa marque. Les 17, 18 et 19 décembre, ce sont les trois prochaines dates à Chaillot pour un ballet qui n'a pas fini de faire parler de lui ; à pieds, à deux ou trois roues, voici un spectacle qui mérite de traverser Paris, une récompense largement à la mesure de vos efforts !

n Ce qui est remarquable, Laurence Caron, 16 décembre 2019 Point de vue de Xavier d’Arthuys, écrivain, scénariste.

La Pastorale de Beethoven : 1808 Ici le blanc s’oppose violemment au noir. Là les mêmes couleurs cruelles avec une « nappe rouge » sur le tas de corps et le sang répandu. Ici c’est la charge des mamelouks, mercenaires égyptiens à la solde de l’armée française massacrant les patriotes espagnols combattant l’occupation insane de l’Empereur et de son frère Joseph. Là encore, les soldats français fusillent sauvagement les prisonniers espagnols, en représailles à l’action qu’ils avaient tentés la veille. Ici comme là, deux toiles de Francisco de Goya parmi les plus connues, les plus violentes, les plus belles et les plus modernes de l’auteur de l’Ogre. C’est la porte ouverte à l’invasion de l’Espagne par Napoléon qui fait monter sur le trône son frère Joseph au mois de juin 1808. Bientôt en août 1808, l’Italie devra recevoir dans le sang et les larmes le Maréchal d’Empire Murat qui devient par la grâce de son beau-frère, l’Empereur, Roi de Naples. Ici comme là, les faits ont eu lieu en 1808. Et l’orage éclate dans le ciel si serein de la Pastorale de Beethoven. Année ? : 1808. On entend souvent dire que la Pastorale est un chant à la paix, une ode à la nature. Sans doute, peut-être mais dans quel

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environnement ? Celui de la déchirure, « de crainte et tremblement », des cris et des hommes rampant déchirés à se libérer des chaînes et des cages mais toujours surveillés, menacés par les Parques… Sur ces corps se rapprochant, se fondant avec peine, contorsions et détermination avec la nature dans l’admirable ballet de Thierry Malandain, les Parques veillent. Trois sœurs, peut être belles, peut être laides, Nona, Decima et Morta, filles de Nécessité et de Destin puisque leurs ascendants sont inconnus. Ce sont des fileuses habiles et rapides qui, à l’heure du premier coup de tonnerre, tranchent. Certes la musique des « Ruines d’Athènes » commence sur un ton enjoué, certes la Cantate Opus 112 commence par des voix qui semblent poursuivre les fils ténus et si blancs des nuages d’un temps serein, mais n’est pas une illusion ? Ou plutôt, sait-on à quel instant le fil ténu sera coupé ? La langue de Goethe n’est pas sereine, elle est souffrance, peur du destin, illusions tranchées, suicide. La Pastorale est présentée comme un éveil « d’impressions joyeuses ». Dont acte mais l’éveil suit le sommeil et à quoi ressemblait il ce sommeil ? A une sieste des anges reposés ou à un cauchemar de leurs frères déchus ? Peut-être Beethoven n’a t’il pas suivi ces événements de l’Année de la Pastorale mais ils sont là et donnent un tout autre écho à cet hymne à une nature violée, à des corps torturés ou comme la baigneuse d’Ingres (1808) qui n’est pas nue, encore moins lascive, et tourne le dos au monde. Et qui nous fera croire encore que la Grèce Antique était un paradis sur terre. Pierre sur pierre, ambassadrice des vengeances célestes, Première Apocalypse d’un monde qui se prétend nouveau… Même la musique enjouée, élancée, du début des « Ruines d’Athènes », nous fait entendre le pas d’un homme pressé, pressé de sortir d’un univers dangereux, hostile et mal fréquenté. Le Ballet de Thierry Malandain met en scène tout cela et nous permet une méditation « d’impression joyeuse » mais n’est-ce pas seulement « impression » ? C’est ici principalement que réside l’intelligence magnifique du chorégraphe qui a accompagné avec Noé le salut du monde mais qui, avec la Pastorale, lui rappelle que le Destin est sauvage.

n Xavier d’Arthuys, décembre 2019


La Pastorale © Olivier Houeix

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LA DANSE À BIARRITZ # 80

Ernest Ricaux

Ernest Ricaux Anna Johnsson

« Danseur de marque » appelé « l'homme protée » pour son aptitude à tous les exercices du corps, Ernest Ricaux est aujourd’hui oublié. On se souvient mieux de son frère Gustave, qui lors de « concerts de danses » donnés les 2 et 3 avril 1921 au Casino municipal de Biarritz fit preuve « d’une virtuosité à faire pâlir l’étoile des fameux danseurs russes et d’une aisance de style de la meilleure école française » (1). Dans les Deux pigeons, d’André Messager, le Spectre de la rose, de Carl Maria von Weber et le ballet de Patrie, d’Émile Paladilhe, le 1er danseur de l’Opéra de Paris avait pour partenaires Sonia Pavloff, de l’Opéra-Comique et sa camarade Anna Johnsson. Venant d’être démobilisé, il était reparu à ses côtés au palais Garnier, le 21 mai 1919 dans le ballet de Salammbô d'Ernest Reyer « modernisé » par Léo Staats. Entendre par là que l’un et l’autre dansaient sans « le classique maillot », c’est-à-dire les jambes nues, et par la voix critique de Paul Souday, qui signala « l’innovation fâcheuse », « certains abonnés ne goutèrent pas le réalisme Pourtant « la de cette exhibition » (2). guerre à l'horrible maillot couleur chair », le maître de ballet Ivan Clustine l’avait déclaré en 1912. Gaston de Pawlowski, rédacteur en chef de Comœdia, avait alors tranché : « Si la danse n’est pas la réalité des lignes humaines en mouvement, je ne vois, pas très bien comment on peut la rendre visible sur une scène sans déchoir ! » (3). Dans ce bel exemple de tartufferie, la nomination le 1er avril 1919 de Gustave Ricaux comme professeur de la classe des garçons n’eut aucun écho. Mais à une époque où la situation faite aux danseurs français n'était pas des plus enviables, il s’affirmera comme l’un des plus grands maîtres de la danse masculine. Rien ne lui causait plus de joie que le succès de ses élèves, et les noms d’Yves Brieux, Serge Peretti, Raymond Franchetti, Roland Petit, Michel Renault, Jean Babilée, Pierre Lacotte, Gilbert Mayer, pour ne citer qu’eux, sont la preuve de son excellence. Ernest, son frère « l’un de ces gaillards que la nature a doué de façon supérieure » (4) s’illustra également dans l’enseignement, - dès décembre 1913, il donnera « cours d’ensemble et leçons particulières » - mais aussi sur scène et dans le sport comme nous allons le voir.

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Fils de Jules Ricaux, né à Roisel (Somme) musicien et employé à la Compagnie du chemin de fer du Nord et de la parisienne Victoire Moutz, couturière, Ernest Ricaux vit le jour à Paris le 31 octobre 1886. Les recherches généalogiques accomplies par Anne Londaïtz, précisent qu’il était le benjamin d’une famille de cinq garçons dont le premier naquit sans vie en 1875. Suivront, Jules en 1877, musicien, dit instituteur lors de son mariage en 1895 avec Julie Vergain, polisseuse, elle redonnait de l’éclat aux bijoux et pièces d’orfèvrerie  ; Edouard né en 1881 mourût

sans doute avant 1896, car il n’apparaît pas lors du recensement opéré cette année-là à St-Ouen, où la famille s’était fixée, et enfin l’éminent Gustave. Né à Paris le 20 août 1884, il épousa le 12 juillet 1921, une artiste « d'une rare virtuosité » connue sous le nom de Fernande Cochin. Mais « la délicate ballerine, pareille à un joli Sèvres », ayant dansé avec Ernest sans laisser de traces dans les livres, notons que cette élève de l’espagnole Rosita Mauri avait vu le jour à Paris, le 7 mars 1887. Sujet à l’Opéra en 1908, démissionnaire en 1911, avec « un succès fou », elle effectua d’importantes tournées à l’étranger. Ainsi, le 19 avril 1911, elle s’embarqua à Cherbourg pour neuf mois en Amérique. À bord du SS Kronprinzessin Cecilie se trouvait Gustave son futur époux et d’autres transfuges de l’Opéra, Yvonne André, Pierre Thomas et Louis Aveline. En 1916, rentrée d’Angleterre, Fernande devint l'étoile et la maîtresse de ballet du Nouveau-Cirque, où après une Idylle à Tokyo et la Libellule, elle régla et dansa, le 12 octobre 1917, Viva Italia, « sketch chorégraphique » de Rodolphe Darzens, musique de Ruggero Leoncavallo. Malgré les circonstances de la guerre avait-elle loué le Théâtre des Arts, dans lequel Jacques Rouché, devenu directeur de l’Opéra, avait mis sur pied un programme inventif entre 1910 et 1913 ? Probablement, car « désireuse de se consacrer à ses créations chorégraphiques » on lira fin 1917 : « À la demande de Mlle Cochin, notre confrère Rodolphe Darzens prend la direction de la coquette salle du bd des Batignolles […] Il compte […] en faire […] le temple de la danse avec Mlle Cochin pour étoile et maîtresse de ballet » (5). Outre les Sylphides, ballet de Michel Fokine repris du 2 au 28 février 1918 avec Gustave permissionnaire dans le rôle du poète, Fernande réglera plusieurs ballets à « la Maison de la Danse et de la Mime ». Des ballets inspirés par la Rythmique d’Émile Jaques-Dalcroze puisqu’on parla de « l'Eurythmique Fernande Cochin ». En rappelant que la


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méthode dalcrozienne était enseignée à l’Opéra à l’initiative de Rouché, citons le 21 décembre 1917 : le Ballet invisible de Darzens et André Colomb pour la musique. Après d’autres titres, c’est à l’Olympia au bras d’Ernest qu’on la retrouve en 1918, puis au Théâtre municipal de Strasbourg en 1919-20 et au Grand-Théâtre de Nantes en 1920-21 sous Francine Aubert, maîtresse de ballet et 1er travesti avec laquelle Fernande dansa le Spectre de la rose, le 28 octobre 1920. Après ses adieux nantais le 3 avril 1921, « l’artiste vraiment accomplie et exquise », retourna-t-elle en Amérique ? Rien ne le confirme, mais après sa rentrée à l’Opéra, le 13 août 1921 dans Thaïs de Jules Massenet - son mari profitant d’une permission y avait repris sa place en novembre 1916 dans Roméo et Juliette de Charles Gounod - Le Figaro publia : « Mlle Cochin, dont nous avons annoncé l'engagement comme étoile à l'Académie nationale de musique et de danse, a fait ses débuts dans le ballet de Thaïs. La délicieuse prima donna, qui […] a fait une longue tournée aux États-Unis avec les danseurs du Théâtre Impérial de SaintPétersbourg, a été très applaudie et bissée dans sa variation, où sa virtuosité se double d'une fougue vraiment originale » (6). En 1925, succédant à Georgette Couat, « avec une autorité et une bonté qui rendent son effort efficace » elle aura en charge la classe des enfants à l'École de danse de l'Opéra. À la suite de son frère admis en 1896, Ernest y avait fait ses classes dès 1898 sous le regard de l’espagnol Miguel Vázquez avant d’intégrer le corps de ballet à 15 ans en 1901. Depuis 1884, en association, puis seul, Pedro Gailhard, ex-artiste lyrique présidait aux destinées du palais Garnier. Candidat de l’Alliance républicaine à Biarritz, élu conseiller municipal le 21 avril 1895, « sa situation le mettant en rapports avec ministres, hauts fonctionnaires et autorités de tout ordre, il sera heureux de mettre ces relations, au service des intérêts biarrots » (7). En parcourant son programme on considérera que ses vues électorales servaient autant l’intérêt public

que le sien, puisque allant à Biarritz par le chemin de fer ou au volant de son automobile, il promit d’obtenir un service plus avantageux dans la marche des trains de la Compagnie du Midi et de hâter l’accomplissement de travaux de voirie. À ce titre, il obtint que l’État prenne à sa charge la part primitivement imposée à la Ville des frais de réfection de la RN 10 entre le parc du Helder et le British-Club. Sans quoi, son père qu’il présenta durant sa campagne comme un républicain déporté au pénitencier de Lambessa (Algérie) était à Toulouse un cordonnier réputé. On a d’ailleurs conté que Jean Gailhard avait chaussé l’impératrice Eugénie, lorsqu’elle n’était que Mlle de Montijo, et dès 1843, il occupa une échoppe rue de la Pomme. Le jeune Pedro y naquit en 1848, avant d’être soit disant placé en apprentissage chez Louis-Catherine Vestrepain, savetier et poète. Révélant « une superbe voix », il deviendra chanteur. Mais était-il sincère, quand il confia : « ce qui m'a surtout servi dans ma carrière, ce sont les leçons de maintien que me donna mon père, 2ème danseur à Bordeaux. Je lui en garde une profonde reconnaissance, car elles m'ont beaucoup aidé dans toutes mes créations » (8). On ne peut l'affirmer, mais sans contredit Gailhard fut bien l’élève de son père le plus mal chaussé, puisque sous son règne de 20 ans et plus, 11 ballets à peine furent créés à Garnier. Ses successeurs, André Messager et Lémistin Broussan, plus tard directeur à Biarritz du Casino municipal ne s'attacheront pas davantage à la danse, ni aux danseuses à l'inverse de « Pedrillito » en couple avec l’Étoile Emma Sandrini, et encore moins aux danseurs disqualifiés socialement : « ce n'est point de leur côté que se dirige la foule » (9). Il n’en demeure pas moins que des directeurs que connus Ernest, il fut le seul à s'en tirer sans perte. On rappellera que le théâtre était alors exploité sous le régime de la concession. Nommé par l'État et bénéficiant de subsides en contrepartie d’un cahier des charges, la direction l’exploitait à ses risques et périls, son profit résultant de bénéfices éventuels. Ainsi, en 20 ans, Gailhard réalisa « un bénéfice de 97 frs 50, soit 5 frs par an, non compris, bien entendu, ses appointements fixes » (10) et Claude Marsey d’ajouter que Rouché qui fit prospérer l’Opéra sur son propre argent avait envisagé en 1921 « d'organiser dans le monument de Garnier des séances de cinéma ». Sous Gailhard, le 1er maître de ballet, bruxellois d’origine s’appelait Joseph Hansen. Le 26 novembre 1902, il créa Bacchus, ballet de Georges Hartmann, musique d’Alphonse Duvernoy, dans lequel Gustave, sujet depuis août 1901 paru en soldat. 2ème quadrille et employé à la figuration, Ernest brillait surtout dans le sport. Ainsi, le dimanche 30 novembre qui suivit la première de Bacchus, sur le ciment du Parc des Princes, « le sympathique

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Gustave Ricaux, dans Giselle

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Fernande Cochin

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Pedro Gailhard

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garçon » participa à la course cycliste des Tout-Petits, réservée à ceux qui n’avait jamais concouru en public. Au vrai, portant le numéro 328, il avait pris part le 12 avril 1911 à la course sur route des Tout-Petits de Montgeron. Sans quoi, ayant plus d’une corde à son arc, le 12 octobre 1912, au Rocher Suisse, rue Lamarck, avec Gustave au piano, il s’était fait entendre au violon lors de la fête annuelle de l'Union des Sociétés d'instruction militaire de France. Jules, l’ainé jouait de la clarinette, et sous la baguette de leur père, les frères Ricaux feront parfois danser jusqu’au petit matin. « Félicitations à M. Ricaux, chef d'orchestre, qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour contenter tout le monde. […] À 6 heures, tous nos danseurs abandonnent à leur grand regret, la salle du bal » (11) lira-t‑on dans la presse militaire à la suite d’un bal donné le 15 novembre 1902 par la Société Garde à Vous ! « Compositeur de musique à St-Ouen », à l’instar de l'Amour voyage et autres J’ai rêvé de vous, Ricaux, père avait composé dès 1896 des romances sur des paroles de Paul Gontier, et peut-être Jules arrangeat-il Io ! Chiquito ! Piquita ! de Gabriel Rimbaut-Demont en 1930. En 1903, succédant à Vázquez mort le 6 janvier, Félix Girodier, sujet de 42 ans, né à Paris le 30 novembre 1861, passa professeur des garçons et des hommes. Ressuscitant l'antique « pochette », il conduisait ses classes au violon. Soldat dans Bacchus, il paraîtra jusqu’à son décès, le 25 octobre 1915, dans les rôles mimes et certains ensembles aux côtés d’Ernest à l’exemple de Coppélia (1870) de Léo Delibes et Arthur Saint-Léon en 1913. Cette année-là, le 7 mars, un accident mortel arrivé à l’Opéra revint devant la Cour d'appel du tribunal de la Seine et dans la presse. En résumé : le 13 avril 1910, six jeunes élèves de Girodier arrivés en retard à la classe, furent mis à la porte par leur professeur. Ils gagnèrent Tour de France, 1907

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la salle de patinage à roulettes, d’où ils franchirent un mur pour se livrer au « jeu des excursions ». L’un d’entre eux s'étant engagé sur la verrière qui domine le grand escalier passa au travers et tombant d'une hauteur de 25 mètres se tua sur le coup. Il s’appelait Jean-Willy Voigt, et bien qu'il n'ait que 10 ans, il avait déjà un nom d’artiste : Roméo Rabe. À la suite de ces faits, Girodier et Alexandre Blanchet, surveillant général furent condamnés pour homicide par imprudence. Mais selon Comœdia, pareille mésaventure faillit arriver à un autre élève : Paul Péricat « qui ne devra la vie qu’à la poigne vigoureuse de son camarade Gustave Ricaux. Lequel le retint, au-dessus du vide, par le fond de sa culotte » (12). Ce tragique accident marqua certainement Gustave, puisqu’à son tour professeur, il n’exclura pas les retardataires. Ainsi, Pierre Lacotte, danseur et chorégraphe raconte : « Si par mégarde nous étions en retard, il nous interdisait de nous joindre à ceux qui étaient déjà à la barre et de prendre le cours : " Mets-toi là sur ce banc ! En regardant les erreurs des autres tu comprendras mieux les tiennes. Tu verras aussi mieux les progrès de ceux qui travaillent vraiment !" » (13).

Pour continuer, membres de l’Union Cycliste de St-Mandé, le 27 septembre 1903, Ernest et Gustave disputèrent le Paris-Troyes. Sur 131 concurrents, Ernest arriva 28ème derrière son frère 27ème, mais le 22 décembre, Ernest pris sa revanche en remportant les séries éliminatoires d’un championnat de billard organisé par l’Union Cycliste St-Mandéenne, tout en courant le 24 janvier 1904, le CrossCountry Inter-Catégories de St-Cloud. À l’Opéra, en ce début de saison, Gustave parut dans trois opéras du répertoire : les Huguenots, Tannhäuser, Othello et un ballet, la Maladetta (1893) de Gailhard, Paul Vidal et Hansen. Ernest y figurait peut-être, mais c’est le 18 avril 1904 en arrivant 16ème au Paris-Amiens qu’il s’illustra clairement. La veille, le Fils de l’étoile, drame musical de Camille Erlanger avait vu le jour avec Gustave dans les danses au camp romain. Ernest, trouvait ailleurs d’autres combats. Ainsi le 7 août, il arriva 15ème au Paris-Montargis et 9ème le 28

août au Challenge Thibaudin couru sur 100 km autour de Neuilly-sur-Marne. Passé l’été, le 25 septembre, inscrit au VéloceClub de Montmartre, il finit 1er sur le circuit de Ferrières-en-Brie, et grâce au journal l’Auto-vélo, on pourrait indéfiniment suivre ses résultats, comme le 9 octobre où il termina 2ème au Championnat de la Seine au Vélodrome Buffalo à Neuilly-surSeine. Dans le même temps, s’épuisant en vains efforts aux classes de Girodier, à 18 ans, il aurait pu faire sien les propos de la napolitaine Emilia Laus, de l’Opéra : « Voyez-vous, à Paris pendant des années et des années, les mêmes rôles éternellement tenus par les mêmes artistes. Comment ne voulez-vous pas que cela ne tue point toute émulation ? Vous avez, parmi vos jeunes élèves, quelques sujets bien doués qui rempliraient à merveille tel ou tel rôle, mais qui ne peuvent en prendre possession » (14). En attendant de faire valoir ses talents, de novembre 1904 à février 1905, il enchaîna les épreuves au Vélodrome d’Hiver, puis avec les beaux jours, les courses sur route, tel le Villierssur-Marne-Meaux, du 28 mai où il finit 2ème, ou encore le Paris-Valenciennes, du 25 juin qu’il acheva à la 4ème place. Pendant ce temps, sous les drapeaux à Versailles du 31 octobre 1904 au 12 juillet 1907, Gustave dit soldat musicien, au 22ème régiment d'artillerie se produisait parfois à l’Opéra sans autorisation particulière. Ceci à l’inverse de son ami Robert Quinault, qui en 1913 continua d’exercer son art à Favart par « décision ministérielle ». Ainsi, verra-t-on Gustave dans les Huguenots, Tannhäuser et Armide, tragédie lyrique de Gluck reprise le 12 avril 1905 et donnée jusqu’en août. Le 22 de ce mois, Ernest prit part à sa première course de tandems avec Eugène Libeaud et obtint la 5ème place au Vélodrome Buffalo. Suivront le 28 août une 5ème place au Paris-Amiens, et d’autres épreuves jusqu’au Paris-St-Quentin du 18 septembre 1905, où le « coureur de valeur » passa « au professionnalisme » en arrivant 2ème en 3h 55'. « Un amateur parmi les professionnels » dira-t-il plus tard : « Jamais je ne pus réellement inscrire mon nom en tête d'une belle épreuve. Manque de chance ? Non pas, manque d'entraînement, surtout. Car je ne m'entraînais pour ainsi dire jamais. Songez que j'étais à ce moment danseur à l'Opéra. Je cumulais les deux métiers et c'est plutôt par plaisir que je faisais du cyclisme » (15). N’étant pas cité, on ignore s’il participa avec son frère, le 22 décembre 1905 à la création de la Ronde des saisons, ballet d’Henri Büsser et Hansen d’après un récit de Charles Lomon. Mais après des éliminatoires internationales, il figura parmi les 25 coureurs qualifiés pour disputer le Grand-Prix Municipal au Vélodrome d’Hiver. Ainsi, le 4 février 1906 en tandem avec Libeaud, il arriva 2ème et 1er « sur sa fine bicyclette de piste » le 11 février aux courses de primes. Malgré ces bons résultats, « ce chasseur de primes


LA DANSE À BIARRITZ # 80 apprécié des habitués du Vél' d'Hiv' » ne sera pas choisi pour représenter l’Union Vélocipédique de France aux Jeux Olympiques de 1906 à Athènes. En revanche, « s’échappant au premier tour et doublant ses adversaires », le 1er avril, en tandem avec Libeaud, il décrocha la 1ère place au Vélodrome du Parc à Bordeaux. Faute d’échos chorégraphiques suivront d’autres faits sportifs, comme le ParisRoubaix du 15 avril où il finit 11ème ou encore le Tour de France auquel il participa du 4 au 29 juillet 1906. Dans la team Peugeot-Wolber, le numéro 38, ne parvint pas à se classer, mais « coureur d’avenir », il sera au départ de l’édition 1907. Avant cela, alors que Gustave était à l’affiche de Tannhäuser, dont la bacchanale avait été réglée par Virginia Zucchi en 1895, le 24 septembre, Ernest prit part au ParisTourcoing, mais victime d’une chute, il abandonna à Senlis, avant d’arriver 5ème au Paris-Tours du 30 septembre. Le 16 décembre, « le jeune athlète » joua-t‑il avec son père au Bal du Moulin de la Galette ? On y entendit « la danse à succès : le Casse-Noisette, de Jules Ricaux ». Passée la saison hivernale, et plusieurs courses, le 9 mai 1907, il arriva 9ème au Championnat de France des 100 km sur route, et « après une belle lutte » 3ème au Paris-Dieppe du 19 mai. Enfin sur « un parcours des plus durs agrémenté de pavés formidables dans le Nord et en Belgique », 13ème le 9 juin au Paris-Bruxelles. Du côté de l’Opéra, où trois ballets seront donnés en 1906-07, rien à signaler, si ce n’est que dans la Catalane, opéra de Fernand Le Borne créé le 24 mai, à 65 ans Hansen était le partenaire de Carlotta Zambelli. En juin, il débuta le Lac des Aulnes, ballet d’Henri Maréchal, mais décédant le 27 juillet, c’est Gustave Vanara qui acheva l’ultime ouvrage de la direction Gailhard. Depuis le 8 juillet, dans l’équipe de Robert Peugeot, Ernest courait le Tour de France. 7ème le 18 juillet de Grenoble à Nice, le 26 de Bayonne à Bordeaux « traversant Mont-de-Marsan avec 10’ d’avance sur un peloton perturbé par une chute collective » il finit 5ème. Mais abandonnant à Nantes, il ne franchit pas la ligne d’arrivée le 4 août à Paris. Le 2 septembre 1907, sous la nouvelle direction de Messager et Broussan, avec Léo Staats, comme 1er maître de ballet et Girodier en 2ème, Gustave fit sa rentrée dans la Maladetta. Ernest, le 15 septembre au Parc des Princes en arrivant 2ème du Rouen-Paris en tandem avec Eischen, avant de s’inscrire pour le Paris-Tours qu’il ne courut pas. Car le 8 octobre, il incorpora à Lunéville le 2ème bataillon de chasseurs à pied, puis le 1er bataillon à Troyes, enfin le 8 janvier 1908, le 23ème régiment d'infanterie coloniale en garnison à Paris. Sur sa fiche militaire, la mention « artiste chorégraphique » est rayée au profit de musicien, il sera clairon avant d’être libéré en 1910. Durant ces trois ans de service, à l’inverse de son frère, il ne parut pas à

l’Opéra. En revanche, membre « d’une équipe redoutable », sous la direction de Léopold Alibert, directeur sportif de Peugeot, il figura parmi « les dix champions chargés de défendre dans les grandes courses sur route les couleurs de la marque pendant la saison 1908 » (16). L’année d’après, du 5 juillet au 1er août 1909, c’est dans l’équipe Nil Supra qu’il disputa son 3ème Tour de France, sans vraiment se distinguer, puisque son meilleur résultat fut la 21ème place de Roubaix à Metz le 7 juillet. Mais avant, « sans avoir jamais pris de leçon », le 15 février 1908, « le coureur cycliste bien connu » prit part au Championnat des novices de boxe anglaise au Wonderland. Vainqueur au premier round de Paul Hennaux, il pourra lire le lendemain : « Ricaux, à son entrée dans le ring, est très acclamé par les populaires, qui savent pour l'avoir vu à l'œuvre dans le dernier Tour de France, le courage de cet homme. Il justifie cette confiance, car, d’autorité, il touche Hennaux d'un bon direct à l'estomac. Ensuite il met son adversaire à terre par un swing à la mâchoire » (17). Ayant « séduit les habitués des spectacles pugilistiques par sa vitesse de jambes, son jeu élégant et sûr et une science innée qui ne fera que s'accroitre par la suite, avec un peu de pratique » (18), le 9 mars Ernest affronta Géo Aspa à la Salle Wagram, mais tomba sous ses coups, donnant lieu à des contestations bruyantes : « lorsque Aspa a été déclaré vainqueur de Ricaux, des protestations se sont élevées de toutes parts » (19). Mais « les partisans du noble sport ne désespérant pas de le voir devenir un jour ou l'autre champion de France de sa catégorie » (20), il « dégringola plus d’un bonhomme » à l’instar de son triomphe face à Veyssier, le 6 mars 1910 au 1er Critérium des poids lourds français. Vainqueur ensuite de Taffoureau et de Fontaine, Ernest devint professionnel. Mais rendu à la vie civile le 1er octobre 1910, le 25 septembre selon Comœdia, il retrouva l’Opéra dans Roméo et Juliette. Sauf erreur, ce soir-là, le ballet était conduit par son frère et Marthe Urban, et il ne figure pas parmi les quatre autres hommes distribués. Ce qui n’est pas important, pour la première fois un journal culturel lui ouvrait ses colonnes. « Hier, a été libéré du service militaire un jeune danseur de l'Opéra, M. Ernest Ricaux. Le soir même, il faisait sa rentrée à l’Opéra, dans le ballet de Roméo et Juliette. Le matin, il avait désiré prendre part à la course Paris-Tours, mais il était tombé de bicyclette, il y a quelques jours, et il avait été obligé de renoncer à ce projet. Car M. Ricaux, qui, comme on l'a constaté, ne perd pas son temps, n'est pas que danseur : c'est un homme de sport de premier ordre. Se rappelant probablement que la danse et le sport ne formaient qu'un art dans l'antiquité, il s'est également passionné pour celui-ci et pour celle-là. Au mois de mars dernier, il fut le vainqueur

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André Messager et Lémistin Broussan, 1907

au Critérium des poids lourds pour la boxe anglaise. C'est là un titre que bien des professionnels ambitionneraient. M. Ricaux avait pris part au Tour de France, il y a trois ans. Il se classait parmi les premiers, lorsqu'un accident l’empêcha de continuer la course, après la 11ème étape. Tous ces titres contribuent on en conviendra, à donner à M. Ricaux une personnalité originale parmi les danseurs. Le jeune artiste ne terrorise pas ses camarades, comme il lui serait facile de le faire. Grand, fortement découplé, le biceps saillant, M. Ricaux a l’âme douce et pacifique. Il n'est pas d'hommes plus enclins à la fraternité et plus naturellement affables que ceux qui sembleraient désignés, par une grâce du destin, à assujettir leurs semblables et à fomenter la discorde. Et M. Ricaux, bénévole et robuste, ne combat pas l'ordinaire acception.

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Mitty & Tillio, photo Waléry, 1925

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Hier soir je fis visite à M. Ricaux dans sa loge, à l'Opéra. Il était préparé à descendre sur le plateau, quand j’entr'ouvris l'huis avec un sourire craintif et amène. Bien que boxeur, bien que champion, M.  Ricaux ne se crut pas obligé de broyer ma main frêle dans sa paume puissante. Son accueil me réconforta. Devant moi, n'avait point surgi l'athlète imposant que j'imaginais. M. Ricaux se présenta, coiffé de la toque à plume recourbée, svelte et élégant page qui aurait fait des armes avec son maître. Le visage frais et rosé, entre les boucles d'une perruque blonde, il ressuscitait, par un charmant miracle, un jeune seigneur de la cour de Vérone. M. Ricaux me parla, la voix bien timbrée, le geste énergique :

"  C'est tout à fait par hasard, je vous l'assure, que je suis sorti vainqueur, au mois de mars, du Critérium. Je n'étais nullement entraîné. Chose plus cocasse encore, je n'avais jamais pris de leçons de boxe. J'en avais fait un peu avec l'un de mes camarades de l'Opéra. Les jeunes gens, vous le savez, aiment bien à se prouver l'un à l'autre leur force et faire étalage d'une science qu'ils veulent faire croire qu'ils ont longuement apprise. Avant de faire mon service militaire, j'avais déjà pris part à plusieurs courses cyclistes, car j'ai un égal penchant pour la boxe et pour la bicyclette. Peut-être même cette dernière me plairait-elle davantage. Mais je ne négligerai pas la danse pour cela. Mon frère, Gustave Ricaux, est le 1er danseur du corps de l'Opéra, et je voudrais suivre son exemple. D'ailleurs, Mme Stichel, qui veut bien s'intéresser à moi, m'encourage avec beaucoup de bienveillance" » (21). Élevée au rang d'étoile par Mariquita à la Gaîté en 1885 après avoir quitté l’Opéra, la milanaise, Luigia Manzini, dite Louise Stichel était parvenue « sans bruit, sans réclame  » à se hisser au premier rang des chorégraphes. Maîtresse de ballet au Châtelet depuis 1903, « d’une timidité légendaire   », elle avait été présentée à la troupe le 1er octobre 1909 en remplacement de Léo Staats. Dès le lendemain, cette « femme remarquable dont les idées sont toujours heureuses » (22), fit répéter Tannhäuser : « Il y a du changement ! » note le lyonnais Paul Stuart, régisseur général de l'Opéra dans son journal (23), avant d’écrire le 16 octobre à propos du ballet de Faust de Gounod : « Le ballet, réglé à nouveau par Stichel fait beaucoup d’effet ». Méritant « de grands éloges » : « Enfin, la danse a un chef, cela se reconnaît aux moindres détails » (24), le 16 février 1910, elle créa la Fête chez Thérèse, ballet d’Abraham Catulle Mendès et Reynaldo Hahn, dans lequel salué pour « ses dix tours finis sur un double tour de pirouette sur la jambe opposée » Gustave dansait Arlequin. « Parmi les hommes un nouveau : Albert Aveline appelé à un brillant avenir » se fera autant remarqué. Au reste, comme le souligne Hélène Marquié dans Enquête en cours sur Madame Stichel (25) le mensuel Musica relèvera « que, cette fois-ci, la plupart des rôles d’hommes sont tenus par des hommes, et que le travesti a été fort réduit » (26). Décourageant les vocations masculines depuis plus d’un demi-siècle, le travesti « une des tares du ballet d’opéra français » (27) au dire du critique russe André Levinson était d’ordinaire confié aux danseuses de grande taille. On ne prive cependant pas la société bourgeoise et son élite intellectuelle d’un plaisir en un jour. Ainsi dans la Fête chez Thérèse, Léa Piron était « un abbé galant », et dans le Miracle, drame lyrique de Georges

Hue, créé le 30 décembre 1910, Stichel emploiera huit travestis. Autrement, attachée à mettre en avant le talent de ses interprètes, le livret l’autorisant, Stichel avait dans la Fête multiplié les rôles et fait abstraction de la hiérarchie, « une manière de révolution » (28) dira Robert Brussel. Dès lors, les encouragements qu’elle prodigua à Ernest ne pouvait manquer de favoriser son émulation et ses progrès. Pour autant, s’il renonça à la boxe, il reprit le cyclisme, et plus spécialement les épreuves sur pistes, se distinguant dans les courses de primes et le sprint. Quant à « la torturante épreuve » de l’examen, entre la Fête, Coppélia et la Korrigane (1884) de Charles-Marie Widor et Louis Mérante pour ne citer que les ballets, il s’y présenta le 28 octobre 1910. Pour la première fois quatre délégués dont son frère avaient été élus pour compléter le jury. Le lendemain, les résultats firent connaître qu’il était passé du 2ème au 1er quadrille avec Charles Friant et Marcel Bergé. Mais le classement donnant lieu à des changements, tous trois montèrent ensuite coryphées. Ce qui vaudra à Ernest et Bergé, de paraître dans le Miracle dont l’action se passait en Bourgogne, à la fin du XVème siècle. Si « le public fit la fête » à Aïda Boni et Léa Piron, l’Égyptienne et la Montreuse d'ours, il aurait tenu du miracle que la critique distingue Ernest parmi les truands et qu’elle s’attarde sur un ballet « exquisément dansé » selon le musicien Xavier Leroux, « russe » pour Henry Gauthier-Villars, de Comœdia, journal hostile à la direction. Cet imposteur littéraire, qui s’était attribué la paternité des premiers romans de sa femme, Colette, avait été éblouis en 1909 par les danseurs de Serge Diaghilev : « Jamais, de mémoire […] on ne vît pareils sauteurs ! » (29). Dans l'euphorie de la « russomanie » avec laquelle Ernest et ses camarades devront composer, sans autre motif que celui de faire de l’esprit, Gauthier-Villars dira du ballet du Miracle : « Les costumes du ballet en ce Moyen Âge assombri sont russes, mais russes implacablement […] Russes aussi sont les pas des ballerines réglés par Mme Stichelskï, délicieusement dansés par Aida Boniska et Léa Pironoff, celle-ci menant un ours évidemment russe lui aussi » (30). Pour changer de sujet, le matin de la générale, le 27 décembre, de Paris à Poissy, Ernest avait disputé le Christmas des coureurs : un parcours de 63 km réservé aux professionnels qu’il termina 8ème en 2 h 23’. Sinon, dès janvier 1911, entre le Miracle et la Maladetta, les abonnés du Vél' d'Hiv' pourront de nouveau l’applaudir, tandis que ceux de l’Opéra apprendront en février le départ de Gustave. Notons qu’un an plus tôt, Robert Quinault, perdu dans le corps de ballet avait fait de même avant d’accomplir une brillante carrière : « On conçoit l'impatience qui fait que les sujets, l'un après l'autre désertent la maison de Garnier. Sans doute, la situation


LA DANSE À BIARRITZ # 80 qu'on y fait à un jeune n'est pas, des plus enviables. Ses services sont faiblement rétribués, les occasions de se distinguer sont rares » (31) écrira Levinson à propos d’Yves Brieux, élève de Gustave, qui lâcha l'Opéra en 1924 pour rayonner sur des scènes moins officielles. Ce qui sera aussi le cas d’Ernest, pour dire que la désertion des espoirs masculins, mais aussi des talents féminins quand ils manquaient de volupté, de relations ou avaient le défaut d’être français était alors et depuis longtemps l’ordinaire. Gustave venait d’arriver à New-York, quand le 30 avril 1911, date de la générale, Ernest paru dans les espagnols d’España. Ballet de la poétesse Jane Catulle Mendès, veuve depuis 1909 du librettiste de la Fête, sur des morceaux pris dans l’œuvre d’Emmanuel Chabrier. À savoir España et des pièces pour piano orchestrées par Albert Wolf, chef à l’Opéra-Comique. « On a assassiné un musicien, écrira Ludovic de Vaux. Chabrier a péri, vers minuit sous les efforts combinés de Mme Catulle Mendès et des maîtres de ballet que cette librettiste audacieuse avait cru devoir s'adjoindre. Les rythmes chauds […] profondément évocateurs de l'Espagne, présentés dans un décor à la française - un village de Bresse ! - parmi des costumes Directoire — ce sont là fautes graves, véritable attentat contre la compréhension de l'art dont Mme Catulle Mendès portera la lourde charge » (32). « Ce non-sens musical et chorégraphique de près d'une heure » était donné après Guendoline du même Chabrier, et sauf les critiques liés ou soumis à la direction, comme les musiciens Xavier Leroux ou Reynaldo Hahn, qui ne pouvaient froisser leurs commanditaires, d’autres à l’instar de Judith Gautier se demanderont « pourquoi ce ballet, qui a pour titre España, est dansé en pays bressan » (33). Pour l’anecdote, dans une autre vie, la fille de Théophile Gautier avait été l’épouse malheureuse d’Abraham Catulle Mendès. Après la première du 3 mai, Georges Pioch sera plus direct encore : « Est-ce le rôle de l'Opéra d'encourager ainsi le méfait de tant d'essayistes obstinés à dénaturer la signification des musiques de quelques grands morts, à les exploiter théâtralement, et pour leur seul profit ? Cette complaisance participe-t-elle du droit de MM. Messager et Broussan ? Si oui, il serait peut-être décent de soulager l'Opéra de sa réputation d'Académie nationale de Musique et de Chorégraphie. Si non, un avertissement du ministre qui assume l'autorité de surveiller l'Opéra, ne doit-il pas intervenir ? ». Indirectement, dans les espagnols, Ernest on prendra aussi pour son grade : « En vérité, on a pu croire, un moment, que c'étaient les choristes de l'Opéra qui dansaient. Et ces Espagnols ? Jamais, sans doute, ballet espagnol n'a avoué aussi pitoyablement et, même, impitoyablement, Batignolles, Clichy ou l'Odéon. Espagne, que d'impostures on commet en ton nom ? » (34).

Pour tout dire, Jane Catulle Mendès qui venait de perdre le procès intenté par Stichel à l’occasion « des folles ovations » de la Fête chez Thérèse, avait déclaré vouloir se passer de ses services. C’est pourquoi, assisté de Rosita Mauri, Léo Staats revint en extra chorégraphier España, « réalisant ce tour de force de régler un ballet où on ne danse pas » (35) selon Paul Abraham. Sinon, au procès la question posée aux juges était la suivante : « Une maîtresse de ballet est‑elle une collaboratrice du musicien et du librettiste dans un ballet. En conséquence, a-t-elle droit à voir figurer son nom sur les affiches et à toucher des droits d'auteur ? » (36). Le 10 février 1911, le tribunal décida que le nom de Stichel devrait figurer sur les affiches, les partitions et le livret à côté des noms du musicien et du librettiste, et qu'elle toucherait le tiers des droits d'auteur. « Personnellement, j’applaudis à la revendication de notre ex‑maîtresse de ballet ; et pour cause ! » écrira Alfred Baron dans un ouvrage critique à l’égard de la direction « Broussager », mais précieux tant il est rare qu’un danseur s'exprime au grand jour. « D’ordinaire, dit-il, rien de plus vide que le thème d’un ballet apporté. Le thème ? Mais c’est le monsieur influent, à relations, connaissant un compositeur, et qui, ayant découpé un vulgaire fait‑divers, l’apporte audit maître de croches en l’attendant de l’apporter à un maître de ballet. À lire la prose qui souligne les dites croches ? C’est la plupart du temps, à en hausser les épaules, parce que toujours impossible à rendre par geste » (37). À cette période, face au jury présidé par le compositeur Émile Pessard, Ricaux père obtenait son brevet de directeur de société musicale, tandis qu’Ernest « dans une forme merveilleuse » s’entraînait entre les spectacles parmi les « cracks ». Ainsi, le 28 mai 1911, il arriva en finale du Championnat de France au Parc des Princes. Mais le 4 juin, après avoir mené durant 7 heures les 24 heures cycliste de Buffalo, il lâcha avant de prendre part le 12 juin à la grève lancée avant Coppélia. En synthèse, la direction qui se débattait dans les affres du déficit, pensant s’épargner « une levée de tutus », avait nommé régisseur de la danse, Georges Cléret, sujet et secrétaire général du Syndicat national de la danse à l'Opéra. Or Henri Domengie occupait déjà cette fonction et les danseurs syndiqués qui n’avaient pas de sympathie pour Cléret ne lui avaient pas donné de mandat pour briguer ce poste. Alors que le public criait de « foutre à la porte les grévistes », Stichel ou Stuart, c’est selon, eurent l’idée de ne jouer que le 2ème acte de Coppélia qui n’employait pas de syndiqués. Selon Stuart, le lendemain, les danseurs dirent que Domengie les avaient trompés, tandis que la direction s’empressa de destituer Cléret de sa « royauté éphémère ». « Accusé à tort ou à raison, d'asservir le syndicat à son ambition personnelle » (38), Cléret,

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Louise Stichel, photo Gustave Echtler

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« fort beau danseur s’il ne se tracassait pas les méninges » dixit Alfred Baron, et professeur à l'École normale militaire de Joinville était pourtant monté au créneau en février pour revendiquer dans la presse le rétablissement d'une pension de retraite « supprimée par un tour de passe-passe » et la création d’un comité artistique pour rénover le ballet. « Pour ce qui est de la création du comité artistique du ballet, écrit-il, l'avis unanime de tous les professionnels de l'art de la danse est que, si l'on ne veut pas voir s'écrouler le ballet de l'Opéra, il est urgent de le sauver, et seul un comité artistique peut rénover le ballet de l’Opéra. L'Académie nationale de Musique et de

Danse, subventionnée par l'État pour tenir l'art français à la hauteur de notre dignité nationale est devenue le petit parc aux cerfs de quelques capitalistes commanditaires qui commandent nos directeurs, imposent leurs volontés et surtout leurs maîtresses qui à leur tour, elles aussi, deviennent de petites sultanes, des favorites qui font ce qu'elles veulent, envoient promener leurs chefs, même leurs directeurs et marchent sans façon, sur leurs camarades non favorites avec une désinvolture et un toupet digne des courtisanes du parc aux cerfs royal, tenant les places et les rôles d'une telle façon que l'art est perdu pour toujours si l'on n'y met ordre » (39).

L’Etoile-Palace

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Les propos de Cléret qu’il faudrait citer en entier furent diversement appréciés. Quoi qu’il en soit, Ernest présenté par Baron comme « boxeur, entraîneur, coureur, mais d’une douceur qui en rappelle l’agnelet » oublia cet épisode en courant le Paris‑Bruxelles, puis le Tour de France du 2 au 30 juillet. Membre de l’équipe Automoto - Persan, il finit 26ème au classement général, malgré une chute entre Belfort et Chamonix : « Ricaux, après avoir hurlé de douleur à terre, se redresse avec le sourire et avec sa bécane » (40). Sitôt

arrivé à Paris, le 3 août, il enchaîna le Prix des Géants qu’il finit 3ème à Buffalo avant de danser le 28 dans Tannhäuser. Le 25, Stuart avait noté dans son journal : « M. Broussan m’avait confié sous le sceau du secret la nouvelle du renvoi de Mme Stichel, de son remplacement par M. Clustine, maître de ballet russe. Tous les journaux en parlent. En voilà un secret ! ». En effet, le bruit courait que Stichel quitterait l’Opéra en janvier à la fin de son contrat : « C'est la première nouvelle ! » avait-elle lâché, la direction assurant de son côté qu’elle était satisfaite « des services de l'excellente maîtresse de ballet » (41). Seulement, en juin, à renfort de réclame, les Ballets russes avaient fait salle comble au Châtelet, et Broussan et Messager observant qu’ils « étaient dirigés par des maîtres qui avaient conservé, plus que les nôtres, les belles traditions de la danse du XVIIIème siècle; et qu'ils avaient su éviter de tomber dans cette froide routine qui est arrivée à faire de nos divertissements des spectacles d'une monotonie désespérante » (42). Bref, jugeant qu'il fallait infuser une sève nouvelle au ballet de l’Opéra, plutôt que revoir leur politique désastreuse - mais pour cela, il aurait aussi fallu « que notre État démocratique se montre moins chiche de deniers qu'ailleurs il prodigue » (43) dixit Jean Marnold - en août, ils firent appel à Ivan Clustine. « Drôles de gens que ces gens-là ! » avait écrit Stuart en d’autres circonstances. On rappellera en effet que les maîtres qui avaient exporté ces « belles traditions » en Russie ou ailleurs étaient les citoyens d’un pays dont les gouvernements méprisaient comme eux la danse et les danseurs. Alors que Stichel s’était efforcée de réorganiser la troupe malgré les résistances et une campagne de dénigrement de Comœdia, sans parler d’un article diffamatoire titré Les dessous d'un tutu paru dans L’Œuvre en juin, Le Siècle en saluant le choix de Clustine nota : « Le passage de Mlle Stichel à l'Opéra n'est déjà plus qu'un souvenir banal et sans intérêt » (44). Pour avoir « servi l’art français de la danse et contribué à ses progrès, avec des appointements modiques », précise son dossier de naturalisation retrouvé par Hélène Marquié, Stichel décédée à Paris le 6 novembre 1942 fut naturalisée en 1927. Bien avant, le 13 septembre 1912 l’Étoile-Palace donna : « Les Roses, ballet, composé et réglé par Mme Stichel et M. Ricaux de l’Opéra ». À notre connaissance, il s’agissait d’Ernest. Le 15 septembre 1911, Messager présenta Clustine au personnel. Homme de métier et de progrès : « Il est de notre devoir de sortir des traditions de la hiérarchie des banalités remâchées pour tracer un chemin nouveau » (45), le moscovite, client de l’hôtel de l’Europe à Biarritz, venait de Monte-Carlo où depuis 1905, 1er danseur de Giorgio Gaetano Saracco, il réglait parfois les ballets au Palais des Beaux-Arts. Là où Stichel n’avait eu droit


LA DANSE À BIARRITZ # 80 qu’à des entrefilets, à pleines colonnes on fit valoir ses qualités, sa notoriété fabriquées de mensonges que corrigera Saracco, et ses réformes qui donnaient raison à ses devanciers : « D'abord la suppression des travestis au bénéfice des hommes qui tiendront désormais, dans les divertissements, les rôles de leur sexe, puis l'allongement du tutu que j'estime disgracieux, même ridicule ». Était-ce la fin du tutu ? Non, répondra Clustine. Mais en agitant en vain les esprits, la question masqua l’essentiel : « Quant à l'ordre, à la discipline, à l’exactitude aux leçons comme aux répétitions, je les exigerai sévèrement, certain de les obtenir. Je ne doute de la bonne volonté de personne je connais, d'autre part, le talent des artistes du ballet de l'Opéra » (46). Entre Coppélia et la Maladetta, Clustine débuta le 20 septembre par la Roussalka : d’après Pouchkine, ballet d’Hugues Le Roux, Georges de Dubor et Lucien Lambert qu’avait entamé Stichel le 5 juin. Dans le même temps, sous sa direction Ernest répétera le Cid, Hamlet et Dejanire, qui fit écrire à Stuart : « Saint-Saëns est très mécontent des dames des chœurs, parmi lesquelles règne la plus abominable indiscipline ». Ceci pour souligner que la Roussalka, permit de constater « dans la tenue de la troupe, une discipline que tout le monde réclamait » (47). En attendant, le 5 octobre, réglé par Girodier sur les airs de Jean-Baptiste Lully, Ernest parut à l’Odéon dans le Bourgeois gentilhomme de Molière. Puis le 8 décembre, à une place ignorée, dans la Roussalka qu’embellirent Zambelli (Alena) et Aveline (Serge). Après la Roussalka (1856) opéra d’Alexandre Dargomyjski joué au Théâtre Sarah Bernhardt en février et à Monaco en avril, l’Opéra voulait aussi « son petit morceau de saison russe », et d’aucuns se demandèrent s’il était utile de se mettre ainsi en rivalité. Par ailleurs, le sujet du ballet qui combinait la réalité au surnaturel, n'était pas sans rappeler la Maladetta, la Ronde des saisons, le Lac des Aulnes et Giselle, qu’Hansen avait fait revivre avec Zambelli (Giselle) et Louise Mante (Albert) au Cercle de l’Union Artistique en 1903. La critique ne manquera pas non plus de comparer les danses lunaires de Clustine aux Sylphides de Fokine. En conclusion, Arthur Pougin écrira : « Voilà un ballet qui ne révolutionnera certainement ni l'art de la danse, ni l'art musical. Rarement, et sous quelque rapport qu'on l'envisage, avons‑nous vu spectacle plus indifférent et plus complètement dépourvu d'originalité » (48). Mais « ce délicat pastiche », fut aussi encensé, notamment par Reynaldo Hahn, qui tout en louant « la couleur russe » des airs de Lambert, reprochera aux ballets de Tchaïkowski, « leur musique trop souvent banale et vulgaire » (49). Sur le thème de l'arroseur arrosé, on rappellera ce que Jean Drault avait écrit dans La Libre Parole à propos de

la Fête : « La partition a beaucoup plu. Elle est signée M. Hahn, mais elle est un peu de tout le monde sauf de lui » (50). À l’examen du 28 décembre, Ernest passa sujet. Le 5 janvier 1912, Aveline s’étant foulé le pied, Cléret le remplaça dans le Cid, tandis que le lendemain Clustine, 49 ans tint le rôle de Serge dans la Roussalka. Il devançait, comme danseur, ses débuts qu’il comptait faire le 24 janvier dans le Cobzar, drame lyrique de Gabrielle Ferrari dont il avait dansé ou réglé les pas à sa création à Monaco en février 1909. Mais l’œuvre de la musicienne ne serait jouée que le 30 mars. Car le 15 janvier, Stuart écrivit : « Nous ne jouons pas le ballet (la Roussalka), les danseuses et les danseurs ayant trouvé bon de se mettre en grève au dernier moment sous un de ces prétextes comme seuls ils savent en inventer ». Quelques jours auparavant, après les examens, le syndicat des « gréviculteurs » avait écrit à la direction pour lui demander d'augmenter les appointements des sujets-femmes et le renvoi de Marietta Ricotti et Marceline Rouvier réintégrées dans la troupe sans concours. Hormis Zambelli et Boni, et les 1ères danseuses, Couat, Johnsson et Urban, avec stupeur tous furent licenciés. L’Opéra-Comique ne pouvant prêter son corps de ballet, Clustine fit avec des figurants jusqu’au 22 janvier, date où la grève s’acheva par la revalorisation des salaires uniquement. Le 25 janvier après un examen général, Ernest fut réengagé sujet. Plus tard, répondant à cette question : « Y a-t-il quelque, raison cachée à cette grève ? ». Broussan expliqua « que la crainte d'un des meneurs de se voir reléguer au second plan, par le retour de M. Ricaux, actuellement en Amérique et qui a manifesté le désir de reprendre sa place dans le corps de ballet était pour beaucoup dans la grève » (51). Passé le Prix du Printemps où sur bicyclette Automato, pneus Continental, Ernest arriva 2ème de sa série, le 30 mars distingué pour sa « bonne volonté dans les ensembles », il dansa dans les Deux pigeons (1886), ballet de Messager et Louis Mérante, revu par Clustine et régulièrement affiché par Messager pour remplir sa tirelire de droits d’auteurs. Sans quoi, après « un méritoire succès » le 2 juin à Buffalo en tandem avec Seigneur, le 28 juillet « le coureur Ricaux » prit part au Parc des Princes aux épreuves encadrant l’arrivée du Tour de France sans pouvoir triompher de Polledri-Jacquard. Le 31 juillet à l’Opéra, c’est aussi en seconde position qu’il termina Coppélia derrière Zambelli (Swanilda) et Berthe Sirède (Frantz). Puis tout en s’entraînant en vue du Bol d’Or, il inscrivit son nom au comité directeur des Cycles Clément. Le 13 septembre, les Roses, ballet réglé avec Stichel vit le jour à l’Étoile-Palace. Ensuite on lira dans l’Auto-vélo : « les deux coureurs Ricaux et Wirth sont partis se

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Ivan Clustine

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La Roussalka, Aveline, Le Roux, Zambelli

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promener en Suisse. […] Ils nous ont envoyé une carte postale pour nous faire dire : " qu'ils se remplissent les poumons d'air des montagnes afin d'être plus légers au retour "» (52). Le 27 septembre, c’est en pleine forme qu’Ernest dansa dans la Fête : « Reynaldo Hahn, ne m’a pas paru enthousiasmé de la façon dont la Fête chez Thérèse est remontée » note Stuart. « Ne l’oublions pas : Mlle Stichel n’était plus là » écrit de son côté Alfred Baron avant d’expliquer : « M. Clustine a l’éminente qualité de ne pas démanteler les chorégraphies de ses prédécesseurs. Respectueux des ballets inconnus de lui, il

Les Fanfreluches de l’Amour Ricaux et Saphir, La Rampe, 21 décembre 1919

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abandonne à son subalterne [Girodier] pour un instant, le commandement. […] Hachée, bafouillée, assassinée, la Fête fut remisée le 9 octobre » (53). Au vrai, avec Gustave et Johnsson, Rouché l’affichera le 26 juillet 1923 lors de la Saison des ballets français. En attendant, le 3 octobre réglé par Girodier sur les airs de Marc-Antoine Charpentier, restaurés par Saint-Saëns, Ernest avait dansé à l’Odéon dans le Malade imaginaire de Molière. Le 30 octobre, ce fut d’après Euripide, les Bacchantes,ballet de Félix Naquet et Alfred Bruneau créé « avec goût » par Clustine. « J’entends beaucoup reprocher à cet ouvrage d’être plus un mimodrame qu’un ballet » annote Stuart. En effet, face à Clustine (Penthée), Aveline (Bacchus) n’avait qu’un rôle mime, et seule Aïda Boni et les prêtresses de Bacchus avaient l’honneur des variations. Dès lors, nulle ne distingua Ernest parmi les faunes, quant au corps de ballet pour les uns, il donna, « avec les habituels flottements dont on ne se défera pas en un jour », pour les autres, Clustine y avait « ramené le sentiment de l'ordre et de la discipline ». Les Bacchantes firent toutefois l’unanimité pour le luxe de ses décors et costumes neufs. Plus loin, le 1er février 1913, on reprit Namouna (1882)

ballet d’Édouard Lalo et Lucien Petipa, dont Staats avait refait la chorégraphie en 1908 et qu’avec l’aide des danseurs Clustine « remis en scène avec un très grand soin et une fantaisie du meilleur goût ». On ignore ce que dansa Ernest, et si Staats en activité auprès de Rouché au Théâtre des Arts mit la touche finale. À cette époque, les 7 et 8 mars, Gustave « souple et léger » donnait des récitals de danse au Palais des Beaux-arts de Monte‑Carlo avec « l’incomparable » Yetta Rianza. Puis, le 28 mars avec Fernande son épouse, sous la direction de Stichel, il débuta à l’Étoile-Palace dans le Camp des bohémiens, ballet non renseigné avant d’enchaîner le 25 avril Une fête à Delhi sur une musique de Jean-Jacques Debillemont. Après le Paris-Tours du 7 avril et sa victoire du 13 avril à Buffalo, le 23 juin Ernest dansa de son côté Suite de danses. Selon Le Gaulois, « ce divertissement dont M. Clustine inventa la chorégraphie fort pittoresque, très neuve et très intéressante, sur de la musique de Chopin orchestrée par MM. Messager et Vidal obtint le plus franc succès » (54). Regardé aujourd’hui comme « un hommage à l'école française teinté des influences russes des Sylphides de Fokine », il montre surtout que son auteur une fois parti, un ballet n'est parfois plus qu'un orphelin à la merci des changements. Car « ce ballet sousDirectoire d'après du sous-Watteau transporté dans un cadre Louis XIV » (55) qui par économie recyclait le parc du 2ème acte de la Fête chez Thérèse était à l’origine dansé « dans des jupes demi-longues de l’époque de Chopin, se mélangeant avec des ensembles exécutés en robes vaguement Directoire » (56). Sans quoi, le 29 juin au Grand Prix Cycliste de la Ville de Paris, Ernest termina 3ème dans sa série, avant de courir le Grand Prix de Neuilly et d’autres épreuves, entre Suite de danses, Coppélia, Faust, Tannhäuser et le Miracle reprit le 5 novembre. Le 22 au bras d’Annetta Pelucchi, sur une musique d’Isidore de Lara, Gustave créait Idylle de Stichel au Théâtre Sarah-Bernhardt, puis le 17 décembre avec Yetta Rianza, les Fanfreluches de l'Amour, ballet de Vova Berky et Jane Vieu réglé par Staats à l’Olympia. Dans le même temps, les deux frères ouvrirent un cours de danse au 35 rue de Trévise. Alors que s’annonçait pour Gustave, Jeux et Ris printaniers, ballet de Théophile Puget et Stichel sur des musiques de Pierre Valette, Jane Vieu et d’autres, à la Gaîté le 30 janvier 1914. C’est dans les amis de Philotis, danseuse de Corinthe, ballet de Gabriel Bernard et Philippe Gaubert réglé par Clustine qu’Ernest parut le 18 février à Garnier. Sur la musique de Lully arrangée par Julien Tiersot, le 2 avril à l'Odéon, suivirent les danses de Psyché, tragédie-ballet de Molière, Corneille et Philippe Quinault, réglées par Staats. Tandis que du 22 avril au 2 mai, succédant au danseur belge Robert Roberty, Gustave dansa au Moulin


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Rouge, Orgie à Babylone, opérette d'Edouard Adenis, dont Léon Bucourt, de l’Opéra avait conçu les ballets sur la musique de Rodolphe Berger. Ce spectacle à succès continuera sa carrière à l’Olympia avec Louis Aveline dès le 19 juin. La veille, en compagnie d’Albert Aveline, frère du précédent, de Quinault, Trouhanowa, Zambelli, Boni et des élèves de Loïe Fuller, Ernest avait pris part à une Fête de la danse offerte par George Kessler, « le roi du champagne » dans le parc de son hôtel. Le 22 juin, ce fut Hansli le bossu : ballet de Clustine placé en Alsace par Henri Cain et Édouard Adenis, sur une musique de Jean et Noël Gallon. Comme un signe avantcoureur, Ernest figurait parmi les conscrits. En attendant, le 17 juillet il parut dans les Huguenots dont Clustine avait refait le ballet, jusqu’au 3 août où la représentation de l’opéra de Meyerbeer, n’eut pas eu lieu en raison de la mobilisation générale. Gustave fut affecté à Laon au 29ème régiment d’artillerie, tandis qu’Ernest fraîchement nommé 1er danseur rejoignit le 23ème d’infanterie coloniale, qui quitta Paris le 7 août pour Revigny-sur-Ornain où il participa aux premières phases des combats. Ayant fait son temps de tranchées, il passa ensuite à l’État-Major de la 20ème brigade d'infanterie coloniale, et pour avoir lors des attaques de Champagne des 25 et 30 septembre 1915, « porté des ordres à diverses reprises sous un tir de barrage violent sans la moindre hésitation ni le moindre retard », « le cycliste du général Marchand » fut cité à l’ordre le 17 novembre et reçut la Croix de guerre. Le caporal Ernest Ricaux fera aussi l’actualité du front comme arbitre de matchs de football. Profitant d’une permission, Gustave avait repris sa place à l’Opéra le 6 novembre 1916 ; Ernest retrouvera la sienne le 29 avril 1917 lors d’une fête de charité au Trocadéro, dans la fête du Pardon de la Korrigane (1888) remontée par le marseillais François Ambrosiny, chargé par Rouché, directeur depuis 1913, des fonctions de maître de ballet. Le mois d’après, le 19 mai 1917, ayant obtenu son brevet de pilote, Ernest incorpora le 2ème groupe d’ouvriers aéronautiques et rejoignit dans la Marne

l’aérodrome de Villeneuve-les-Vertus. Sa fiche militaire étant peu renseignée, l’on sait par d’autres sources qu’il fera partie des « As » de l’Escadrille FB 110 dont la particularité était de voler de nuit. Ainsi, le 27 mai 1918 il sera cité à l’ordre de l’Escadre en ces termes : « Très bon pilote plein d’allant et de courage vient d’exécuter six bombardements en cinq nuits, blessé à l’atterrissage au retour d’un bombardement ». Auparavant, le 8 avril pour ne citer que cette date, il avait remporté dans sa série la 1ère place au Prix du Printemps couru au Vél' d'Hiv'. « Envoyé en congé illimité » le 23 mars 1919, bien avant la fin des combats, il parut le 30 août 1918, à l’Olympia avec Fernande, dans une Idylle dans les blés, ballet de Louis Lemarchand et F. Rouget, peut-être réglé par sa belle-sœur, auquel succéda le 29 septembre, une Idylle normande aussi mal informée par la presse qui avait annoncé Ernest et Julien Ricaux, alors qu’il s’agissait des deux prénoms du danseur. Puis à la réouverture de l'Apollo, du 8 novembre au 30 mars 1919, ce fut la Reine Joyeuse, opérette d’André Barde et Charles Cuvillier, où dans la Nuit persane costumée par Léon Bakst, Ernest avait pour partenaires Stasia Napierkowska et Luce Saphir, modèle à ses heures chez Jeanne Paquin. Entre les courses cyclistes, le 1er avril 1919, il reparu à Garnier au gala du Syndicat de la presse parisienne dans un Intermède 1830-1840 non renseigné, dans lequel il dansait un débardeur auprès de son frère. Mais l'attrait du music-hall, la tendance pour les récitals, l’exemple de ceux qui l'un après l'autre avaient déserté l’Opéra fit qu’il entra au Palace-Théâtre. Datée du 20 juin 1957, une lettre de Jacques Trombert, chef de cabinet du Secrétaire d’État aux Arts et aux Lettres, laisse toutefois entendre qu’ayant été « grièvement blessé, il ne put reprendre à l’Opéra son travail de 1er danseur ». Édifié rue de Mogador par Alfred Butt pour sa maîtresse Régine Flory, le Palace-Théâtre était la copie du Palladium que l’impresario britannique possédait à Londres. Il ouvrit le 21 avril 1919 avec Hullo-Paris ! revue de P.-L. Flers, Lucien Boyer et Henri Bataille dont Flory qui passait sans effort de la chanson à la danse était la vedette. En attendant que le décor d’Hercule aux pieds d'Omphale, ballet d’Albert Chantrier soit prêt, l’espagnol, Jean Castener, alias Juan-Antonio Castener y Bossa, « danseur athlétique et discret » donnait la réplique à Flory dans celui de Pom-Pom. Si discret soit-il, frappé d’un mandat d’arrêt, il sera écroué pour vol et escroquerie à Bayonne le 17 janvier 1921, avant d’être arrêté à Paris en 1930 pour le meurtre du danseur, Casimir Micheletti. « Traité à la manière des ballets russes », avec Ernest dans le rôletitre, Hercule aux pieds d'Omphale réglé par le mime Georges Wague passa le 2 mai : « La souple et fine Flory et l'excellent Ricaux miment à merveille ce tableau » (57)

dira La France « d’un clou sensationnel » joué jusqu’au 17 juillet. Engagé par Paul Derval aux Folies-Bergère, Ernest parut ensuite dans Paris-Vertige ! revue de Louis Lemarchand et Jean de Granier de Cassagnac, dit Saint-Granier jouée du 22 novembre au 6 avril 1920. L’occasion pour « l'éminent maître chorégraphe E. Ricaux, de l'Opéra » de s’illustrer dans Un drame au fond de la mer et de faire la Une du journal La Rampe avec Luce Saphir. Parallèlement mimant « des scènes troublantes et voluptueuses avec la danseuse Alexianne », il parut du 3 février au 30 avril à Marigny, dans le Marché d'amour, opérette de Léo Pouget, avant de retrouver Saphir en juin au Nouveau Casino de Vichy pour Phi-Phi, l’opérette d’Henri Christiné : « Notons comme un régal l'intermède, où l'excellent danseur Ricaux, nous fait admirer son talent et jongle aisément et gracieusement avec le charmant poids lourd qu'est Luce Saphir » (58) écrira La Rampe. Soulignons que joint à la danse pure, l’adage acrobatique, lancé par Robert Quinault, « le maître incontesté des enlèvements » allait devenir presque obligatoire dans un récital de danse ou au music-hall. « Il fut une spécialité ; il devient un lieu commun » (59) observe Levinson, qui explique que face à la coalition des directeurs, les danseurs classiques récalcitrants se voyaient exclus des programmes. En attendant, au Gymnase Reiss où se côtoyaient danseurs et haltérophiles, Charles Reiss maître-acrobate élaborera les plus fameux numéros, tout comme Armand Saulnier, le professeur de Mistinguett au Gymnase Pons. Et l’on citera seulement deux étoiles de « l’adage vertical » révélées à l’Eldorado en 1919 dans Prenez-en de la grève ! : Germaine Mitty et Tillio. Ami d’Ernest, Tillio comptait parmi les champions de la « Montmartroise » pour les poids et haltères et avait à son actif de belles performances dans le cyclisme. « Pétris du plus pur classicisme », il s’appelait à l’Opéra, Eugène Fraisse, « Papillote » pour les intimes selon Alfred Baron. En juillet 1920, alors que l’Harmonie de St-Ouen venait de donner « un concert très réussi sous la direction de son vaillant chef, M. Ricaux », et que Gustave « un des meilleurs danseurs de notre temps » avait été élu à l’Opéra délégué du ballet ; avec la « jolie Saphir » « le souple danseur Ricaux » toujours à Vichy parut dans Son petit frère, l'opérette de Charles Cuvillier, avant de disparaître jusqu’au 23 mars 1921. Date à laquelle il signa avec Saphir au Théâtre Marjal pour On n’en sortira pas, revue

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Eugène Férouelle, sujet mime et pianisteaccompagnateur de 57 ans. Parallèlement, on rechercha un sportif émérite pour tenir le rôle de l’Athlète. Nulle ne sait si Ernest postula, mais Rouché réengagea en extra Marcel Bergé, démissionnaire et présenté comme champion du monde de boxe française et lauréat du Concours de l'athlète complet en 1913, ce dont la presse sportive ne se souvient pas. Le 3 juillet 1921, le rideau se leva une dernière fois sur Avec le sourire et Ernest disparut à nouveau pour sans doute se produire à l’étranger ou en province, sachant que rarement prénommé, il n’est pas toujours aisé de le distinguer de son frère. Ce n’est donc que le 19 octobre 1922, qu’il nous apparait à la Gaîté-Rochechouart dans Paris qui monte, revue de Saint-Granier et Paul Briquet. Le 16 septembre, « menant la course à belle allure », il avait gagné celle des Artistes disputée sur la piste routière de Longchamp. Et peut-être en tournée avec l’impresario Charles Baret avait-il auparavant « triomphé dans de nombreux numéros » auprès de Natacha Trouhanowa ? En tous cas, dans Paris qui monte, « danseur robuste et précis », il sera « le digne partenaire » de la danseuse Marthe Baldini dans Sortie de bal, avant de finir l’année à Strasbourg dans un ballet gymnique dansé par les moniteurs de sport du 101ème Régiment d’infanterie.

Ricaux, gagnant, le 16 septembre 1922 à Longchamp, Agence Rol, Gallica.BnF

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En Douce, Mistinguett et Jan  Oy-Ra

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de Fernand Nozière et Édouard Wilned, avant de préférer le Casino de Paris, où il débuta le 22 avril dans Avec le sourire de Jacques Charles, Albert Willemetz et Maurice Yvain. Cette revue produite par Léon Volterra dont Maurice Chevalier était la vedette fut reçue par des acclamations, mais le couple ne suscitera que cet écho de Max Viterbo, qui plus tard emploiera Ernest : « Deux danseurs dont j'ai oublié les noms ont, de façon cavalière, quitté le théâtre Marjal où ils avaient du succès pour venir danser quelques instants avec un succès moindre dans la revue du Casino de Paris où ils jouent les Mitty et Tillio » (60). Sinon, pour l’anecdote, le 20 avril, l’Opéra avait créé Maïmouna, ballet d’André Gérard et Gabriel Grovlez, réglé par Staats avec Aïda Boni, Camille Bos et Marthe Lequien changée en jeune émir. Du côté des hommes parurent Gustave, Paul Portalier, dit Raymond, sujet mime et docteur en droit de 50 ans et

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Alors que Levinson souhaitait à Gustave « de poursuivre avec la même intelligence courageuse son dessein de récréer la danse masculine à l'Opéra » (61), le 17 mars 1923, engagé par Léon Volterra, Ernest retrouva le Casino de Paris pour En douce ! de Jacques Charles, Albert Willemetz, SaintGranier, Paul Briquet et Maurice Yvain avec Mistinguett en vedette. Son partenaire et amant Earl Leslie et Jan Oy-Ra avaient réglés les ballets dont il ressort seulement qu’Ernest dansait comme un lutin. Entre temps, selon un nouveau procédé de l’ingénieur français César Parolini, le 4 avril, des danses exécutées avec Marthe Baldini furent projetées en relief au Colisée. Stéphane Passet, photographe, directeur et metteur en scène des films en relief édités par la Société Azur, en tournera d’autres avec le concours d’Ernest Van Duren et des sœurs Edmonde et Marie Guy, mais aussi avec Ernest et « la toute charmante » Lily Deslys du Casino de Paris. De son vrai nom Liliane Carré, on raconte que la bordelaise doublait Mistinguett au Casino de Paris lorsqu’elle était fatiguée ou même en matinée. Sans quoi, fin avril, Mistinguett fit partie du jury du Championnat du monde de danses modernes organisé par Comœdia au Coliseum. Il s’acheva les 3 et 4 mai par les 24 heures de danse gagnés par César Leone, déjà champion en 1921. L’occasion pour Gustave de commenter : « Parlez-moi de la danse, telle qu'on la pratique à l'Opéra. Cela, c'est à la fois de l'art et du sport. Je défie quiconque d'exécuter une variation qui durera plus

de deux minutes et trente secondes. Au bout de cet exercice, qui fait jouer tous les muscles, on est claqué. Le reste ? Peuh ! Une petite preuve d'endurance et de patience » (62). Autre anecdote, avec Stichel et Clustine, Gustave venait de régler à la Gaîté, les danses de Quo Vadis  ?, opéra de Jean Nouguès qui révéleront le réunionnais Joseph Alex dit Joe Alex, bientôt partenaire de Joséphine Baker dans la Revue nègre. Passés ces évènements, selon la presse, le 27 mai avec Mistinguett et Earl Leslie, Ernest s’embarqua à Cherbourg pour l’Argentine. En fait, comme elle, il prit le train pour Lisbonne, puis voyageant sur l’Avon qui au départ de Cherbourg faisait escale à Bordeaux, Lisbonne, Dakar, Olinda, Rio et Montevideo, il arriva à Buenos Aires, le 16 juin. À bord se trouvait Mme Rasimi, directrice de Ba-Ta-Clan avec laquelle, lâchant la revue En douce ! en plein succès, le trio avait signé. Née Bénédicte Bouteille, le 2 mars 1870 à Chazelles-sur-Lyon, la petite modiste était devenue une créatrice de premier ordre dans le domaine du costume de théâtre, tout en faisant travailler les peintres les plus renommés dans ses revues et ses ateliers. Épouse d’Edouard Rasimi, agent lyrique et directeur du Casino de Lyon, elle avait été la première en 1922 à oser mobiliser au-delà des mers une troupe de revue avec armes et bagages. Louant une cinquantaine de théâtres et réservant des milliers de chambres d'hôtel, elle récidiva en 1923, en embarquant, le 14 avril à Bordeaux sur le Massilia, 110 artistes dont le dompteur Georges Mark et ses lions, 3000 costumes, 500 mètres cubes de décors, en tout 30 tonnes de matériel. Le journalisme étant l’expression de toutes les opinions, ces chiffres varieront d’un journal à l’autre, tout comme le titre des revues jouées en Argentine, en Uruguay et au Brésil. Ernest rejoignit cette expédition le 16 juin et peut-être rentra-t-il le 10 octobre dans l’ombre de Mistinguett et d’Earl Leslie. L’autre solution étant qu’il poursuivit la tournée à la Havane,


LA DANSE À BIARRITZ # 80 au Mexique, aux États-Unis, avant de revenir par le Portugal. Mais il est certain que le 1er décembre, le Ciné Max Linder présenta « d'intéressants films en relief : Arlequin et Colombine, exécuté par Baldini et Ricaux, artistes de talent, et Danse tzigane avec Albertina Rasch et [François] Malkowsky » (63). On parlera ailleurs, d’une danse avec Renée Fagan, « fort agréable danseuse ». L’attention des rédactions se focalisant sur les succès de son frère, Ernest réapparu du 17 au 28 février 1924 au Canari, cabaret du Fbg Montmartre avec Callitza Nasidica, Natacha Nattova et Jean Delteil, dit Myrio. Né au Buisson-de-Cadouin en Dordogne, Myrio rejoindra en 1927 Michel Fokine aux États-Unis où il épousera la danseuse Deša Podgoršek, dite Dhésa. Auteur de Couple de danse (1939), il ouvrira avec sa femme en 1949 un cours à Bergerac où ils reposent. Disparaissant à nouveau, Ernest ne resurgit que le 17 juin au Paris-Rouen des artistes de Caf'Conc’ qu’il finit 2ème, mais peut-être avait-il assisté au baptême de Liliane Ricaux, fille de Fernande et Gustave. Née à Bois-Colombes, le 20 mai 1924, on la retrouvera danseuse à Monte-Carlo. En tous cas, le 19 août, la présence d’Ernest fut remarquée aux obsèques d’Henri Robert, chef de la rubrique cycliste au journal La Liberté. Il était le seul coureur français et enfilant à nouveau les cale-pieds, le 20 septembre, en lever de rideau du Critérium des As, il remporta la Course des Caf'Conc' à Longchamp. « Elle se disputait par handicap, Ricaux ayant à remonter tout le lot de ses camarades ». Alors que son frère transférait son cours 7, rue Nouvelle, à l'ancien studio de Rosita Mauri, « le sympathique vainqueur » fut ensuite engagé à la Cigale pour Tu perds la boule ! de Max Viterbo et Max Eddy, revue qui débuta le 4 octobre avec Pearl White, star du cinéma américain et Régine Flory dans les premiers rôles. Selon Le Gaulois, « le danseur Ricaux, et d'expertes danseuses contribueront à la bonne impression que

donne la soirée » (64). Parmi elles : Isabel d’Etchessarry, née à Boulogne d’un père bayonnais, formée en Argentine, créatrice de la polyrythmique ou danse sans musique et femme de lettres ; Marcelle Maury, dite 1ère danseuse de l’Opéra de Lyon, elle partagera ensuite ses succès avec Ernest, voire plus, mais les recherches sont restées stériles ; Maud Burgane et Vera Leonidoff non renseignées également, et pour ses débuts de danseur Georges Pomiès, dont la sœur Carmen, championne de javelot était aussi footballeuse. Alors que « Mme Cochin, la femme d’un des plus beaux danseurs de l'école française » venait d’être nommée professeur à l'Opéra, le 13 décembre parmi « les grands champions » Ernest participa au dîner et à l'assemblée générale des Amis des Sports. Le 2 janvier 1925, Tu perds la boule s’arrêta net, pour faire place le 9 janvier à Ça chante ! revue de Claude Dolbert et José de Bérys avec « le merveilleux danseur E. Ricaux, de l'Opéra » dans À la Conquête de la Toison d'or. Rien ne sortira dans la presse sur ce ballet mythologique dont Henri Morrisson composa la musique. Quant à la chorégraphie, c’était le dernier souci des courriéristes, qui annoncèrent «   l’athlète Hainnaux et sa danseuse Leonidoff ». Boxeur, devenu artiste de music-hall, Georges Hainnaux, dit Jo-Jo la Terreur sera étroitement mêlé à l'affaire Stavisky en 1934. Mais en attendant ce scandale politico-financier survenu après le détournement de 240 millions au détriment du Crédit municipal de Bayonne, le 18 janvier 1925, alors que la Cigale allait accueillir Femmes et Fleurs d’Espagne avec les artistes espagnols de la troupe de José Viñas et Casimiro Giralt, Hainnaux et Leonidoff, Camille Bos, de l’Opéra en représentation, Ernest, Marcelle Maury, bref « les 100 artistes » « du music-hall des étoiles » partirent pour Barcelone. Emmenée par Max Viterbo, « la grandiosa compañía de revistas del teatro La Cigale de Paris » donna Tu perds la boule au Teatro Novedades du 20 janvier au 10 février, puis avec Pearl White remise d’une opération chirurgicale au Teatro Apolo Palace du 14 au 23 février. Par le biais de tableaux titrés : les Poupées, Une nuit en Inde, la Jungle enchantée, dansés par Ernest et Camille Bos, on apprendra que le maître de ballet de la Cigale s’appelait Stilson. Eugène Besseiches de son vrai nom, il mourra le 23 juillet 1926 d'une embolie à 45 ans. Réglant les danses pour le music-hall, le théâtre et les soirées mondaines, on raconte qu’il avait introduit le tango en France. Il l’enseignait rue d’Enghien c’est certain, et lorsque Léon Amette, cardinal et archevêque de Paris voulut interdire la danse du jour, Stilson lui fit un procès qu'il gagna en janvier 1914. À Barcelone, Stilson signa fin février au Teatro Tivoli, El tango trágico reprit à l’Apolo de Madrid du 3 au 8 mars avec Pearl White et « el genial bailarín Ricaux » et « d’autres éléments de valeurs »

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Earl Leslie Avec le sourire

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LA DANSE À BIARRITZ # 80

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qui ensuite retrouvèrent la Cigale, où du 14 au 30 mars Ernest parut dans Paris qui chante. Sans lui suivra, Mets-y tous les gaz, avec Hainnaux et Leonidoff, Marcelle Maury, la Still’s formée par Stilson et dans leurs danses acrobatiques Geneviève Ione et Yves Brieux, « un des meilleurs élèves » de Gustave. Lequel en couple avec Olga Spessivtseva s’apprêtait à créer Soir de Fête, ballet de Staats à propos duquel Henry Malherbe nota : « M. Ricaux, dont le succès personnel a été très vif, a magistralement dressé les danseurs dont il est entouré et qui sont vêtus, je ne sais pourquoi, comme M. Nijinsky dans les Sylphides » (65). Pour couvrir leurs attributs, les danseurs portaient en effet le même type de pourpoint, mais qu’auraient écrit les critiques, si sous le maillot, les représentants du « sexe horrible » pour citer Alfred Baron, avaient exhibés leurs « cigares à moustaches » ? Quant à Ernest, faute d’éléments, l’on sait seulement, qu’il dansa à Londres du 2 septembre au 31 octobre avec Pearl White dans la London Revue produite par Norman Lee au Lyceum. Ensuite selon Comœdia, « le réputé danseur » fit une tournée dans les capitales d'Europe avec Vala Shmelevska. Élève de Blanche d'Alessandri et Édouard Espinosa, elle s’était produite en mai au Théâtre Femina. Le 3 décembre, Ernest sera son cavalier lors d’un banquet de la presse à l'hôtel Continental.

Myrio et Desha

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Camille Bos, photo Comœdia

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Jan Oy-Ra

Le 14 février 1926, Ernest et Pearl White partirent en Égypte pour « interpréter un sketch et un mimodrame ». On lira ailleurs, qu’ils n’étaient pas seuls « au pays des Pyramides, du vieux Nil et des crocodiles », puisque sous la direction de Viterbo, Camille Bos et l’actrice Janine Merrey les accompagnaient pour une tournée de trois mois en Orient. On parle de Beyrouth, mais aussi de Rome, où en avril, la troupe offrit au Teatro Adriano des « scénarios de la Cigale, du Moulin-Rouge et des Ambassadeurs ». Le 27 mai, « venant du Levant », ils arrivèrent « à Marseille, par le paquebot Lamartine ». « Très applaudi dans tous les pays », Ernest enchaîna avec la saison lyrique du Grand Casino de Vichy. Pour ne pas bousculer les ultra élégants de la station, la troupe de Jean Soyer de Tondeur, avait son 1er travesti, Blanche Will, mais depuis l’année précédente, les 27 danseuses se partageaient quatre partenaires. Ernest retrouvera ainsi Paul Durozoi, Henri Parent et Pierre Thomas de l’Opéra. Reprenant le rôle créé par Robert Quinault à l’Opéra-Comique, il fut remarqué en juillet dans Mârouf, savetier du Caire, opéra d’Henri Rabaud, et aux côtés de Louise Baldi, dans Taglioni chez Musette (1920), ballet de Staats sur des musiques transcrites par Henri Büsser. En revanche, parmi les ballets donnés en août, le Festin de l'Araignée d’Albert Roussel nouveau à Vichy le 28 n’aura pas d’échos dans la presse nationale.

Le 12 septembre, avant le championnat cycliste des dames, Ernest courut le Grand Prix du président de la République à la fête des Caf'-Conc'. Il finit 2ème, mais « on acclama les trois danseurs MM. Pasco, Ricaux et Ryaux (de l'Opéra) ». Envié par tous pour l'accolade qu'il reçut de Joséphine Baker, Pasco dont on écorcha le nom, s’appelait Roger Pacaud. « Militant du muscle », il s’exerçait à Garnier avec Colette Salomon, championne automobile à Montlhéry en 1927, et quittera l’Opéra pour faire couple au music-hall avec Germaine Myrtill. Tout comme J.  Ryaux avec Diane Belli. Quant à Ernest, après avoir « présenté à l'étranger un numéro avec Marcelle Maury », le 28 mars 1927 on le retrouva à Paris avec elle dansant au Bar américain de l’Alhambra. Changement d’ambiance, deux jours plus tard, en présence du président de la République et de tout ce que Paris comptait de célébrités, il participa au Théâtre Sarah Bernhardt à un gala au profit de la caisse de retraite de la presse parlementaire. Avec Alice Nikitina et Alice Engelstein, dite Olga Soutzo à l’Opéra, il s’agira de « l'ancien quadrille des chicards » au 4ème acte de la Dame aux camélias de Dumas, fils joué par Ida Rubinstein. Le 7 avril 1927, Ernest et Maury firent leur ultime apparition à l’Alhambra. Sans information, et dans le doute de le confondre avec son frère, voire avec d’autres comme en avril 1928 où le Moulin-Rouge annonça : « Diane Belli et Ricaux », alors qu’il s’agissait de Ryaux, ce n’est qu’en octobre 1928 qu’il reparut au Casino de Paris dans Tout Paris, revue d’Albert Willemetz, Saint-Granier et Jean Le Seyeux. Parmi les 45 tableaux, on citera « un ballet romantique réglé par M. Léo Staats, de l'Opéra, sur la musique du maître André Messager, comprenant 24 danseuses classiques en tête desquelles : Mlles Anita Labarta et Maud Burgane ».


LA DANSE À BIARRITZ # 80 d'être français, voilà en vérité des qualités qui nous semblent exceptionnelles » (67). C’est bien dans la presse sportive, accoutumée aux reportages que l’on pourra revivre l’émotion ressentie. Ainsi L’Auto-vélo écrivit :

Intitulé les Trois pigeons, il faisait aussi appel « aux admirables » Mitty et Tillio, et au danseur-chorégraphe Pierre Sergeol. De son vrai nom Serge Preger, il tournera en 1950 Ballerina de Ludwig Berger avec Violette Verdy. Autrement, sur une musique de Michel Maurice Lévy, dit Bétove, Léon Volterra afficha Impressions de rugby avec Mitty et Tillio, « assistés d'un digne partenaire, l'habile danseur Ricaux ». N’étant pas rentré à l’Opéra après la guerre, Tillio, alias Eugène Fraisse avait été engagé comme acteur par Firmin Gémier. Entre temps, il s'entraînait, fréquentait les gymnases, jusqu’au jour où on le présenta à une élève de Stichel, Germaine Belay, dite Mitty, qui cherchait un partenaire. Basque selon Le Pittsburgh Daily Post, « l’ardente sportswoman » mariée au chef d’orchestre Laurent Halet était en réalité née à Caudéran (Bordeaux). Ce qui ne l’empêchera pas de remporter « un succès éclatant » avec Tillio au Royal-CinémaThéâtre à Biarritz le 29 octobre 1923. Pour l’heure, de retour des États-Unis, le 19 octobre 1928, « les rois de la danse acrobatique » créèrent donc avec Ernest, Impressions de rugby que Tillio « voulait réaliser depuis plus de cinq ans ». Donnant raison à sa perspicacité, le même soir, à la tête de l'Orchestre Symphonique de Paris, Ernest Ansermet créait Rugby d’Arthur Honegger, tandis qu’en décembre, la Grande Passion, hymne au rugby d’André Hugon, sortit sur les écrans. Dans « un décor allégorique » de Paul Colin, ce ballet inspiré par l’ovale n’était pas la première transposition du sport au théâtre, il rappelait un peu la Balle que Mitty et Tillio avait créé à Marigny en 1927, mais écrira René Bizet : « Tillio et Ricaux ont réalisé un chef d’œuvre de précision, de rythme et d’aisance sportive. Cela c’est mieux qu’un tableau neuf, c’est une inspiration nouvelle, un style que nous n’avions pas vu et une indication pour l’avenir » (66). Toutefois après le journal Match qui conclut son papier par : « Réjouissons-nous, de voir des artistes français innover. Au music-hall plus qu'ailleurs peut-être, il est difficile de lutter contre la concurrence étrangère. Rugby a réussi ce miracle d'être nouveau et

« Les Impressions de Rugby voient le rideau se lever sur un délicieux décor de Paul Colin qui représente une mêlée. Sur la scène, simplement un ballon ovale. Puis, les acteurs apparaissent. Voici les fameuses Tiller Girls [Lawrence Tiller Stars] qui, après une de ces danses d'ensemble dans lesquelles elles sont inimitables, forment une mêlée absolument ravissante, tandis qu'interviennent Tillio et Ricaux, qui personnifient un joueur de chaque camp et qui, en tenue de rugbymen et protège-oreille sur la tête, se disputent le ballon, tandis que la mêlée se disloque et s'égaille. Et c'est alors sur le style d'une danse classique, dans une belle harmonie de mouvements, que nous sont offertes les Impressions de rugby, avec toute la gamme et la succession habituelle des gestes de l'ovale : feintes, plaquages, courses et sauts, tour à tour puissants, gracieux, harmonieux. Et l'on se fera une belle idée de cette danse lorsque nous aurons dit que la fine danseuse Mitty s'est naturellement substituée au ballon et que, légère et aérienne, c'est elle qui vole de-ci, de-là, entre les mains de ses danseurs. Cette scène de Tillio, magistralement interprétée, sera un des « clous » de la revue. Elle intéressera non pas spécialement les sportifs, mais aussi les amateurs de danses classiques. Et elle vaudra, sans aucun doute, à ses interprètes, et en particulier à Tillio qui la conçut le succès qu'elle mérite » (68). Afin de prolonger l’enchantement de Tout Paris, « Mitty et Tillio, en duo, ou épaulés d’Ernest, lui aussi superbe danseur », exécutèrent ensuite d’autres numéros, mais Rugby, « le plus parfait dans le neuf » triompha jusqu’au 19 mai 1929. Pour Ernest, ces sept mois avaient été coupés, de galas comme la Nuit des Ailes au Claridge, ou bien la Mille et deuxième nuit qui eut lieu le 29 juin à l'hôtel Salomon de Rothschild avec Marcelle Maury dans « d’impressionnantes danses acrobatiques ». Mais aux derniers rayons de l’été, c’est à Biarritz, le 13 septembre, que « l'un des danseurs les plus remarquables et les plus en vogue de notre époque » (69) retrouva Mittv et Tillio, « avec leurs douze girls ». Pour ce gala intitulé, Sous la Feuillée, René d’Auchy acteur, réalisateur et directeur des fêtes du Casino Bellevue, avait également convié Vera Nemchinova. Parmi les étoiles les plus aimées de Diaghilev, elle venait de fonder sa propre troupe, mais alors qu’Anton Dolin était son partenaire, elle dansa avec son mari Anatole Oboukhoff. Sans spécifier

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Pearl White, Pathé Cinéma

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Ballerina, Violette Verdy et Serge Preger, 1950

Bétove, photo Waléry

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leur programme, Jean Dargène écrira : « Ce fut le régal des danses classiques de Nemchinova, avec son danseur Oboukhoff, très goûtés, très fêtés par le vaste auditoire, et enfin, l’extraordinaire Rugby de Tillio et Ricaux, lesquels font de la gracieuse Mitty, le « ballon » de leurs jeux, se la lançant avec des audaces précises mais téméraires, la maniant dans ses évolutions aériennes, ses émouvantes voltiges, ses élans de toutes pièces, comme une poupée légère et avec une aisance soulevant l'enthousiasme général » (70).

Geneviève Ione et Yves Brieux

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Jany et Maury

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Impressions de rugby

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En juin, Robert Quinault, avait confié son projet de monter un numéro réunissant Mitty et Tillio, Ricaux et Maury, et sa partenaire Rita Sanghetti, alias Jane Schifner. Mais Ernest et Maury ne feront pas partie de la bande engagée en Suède par Ernst Rolf, le pionnier des revues scandinaves. Car sous contrat avec Manuel Sugrañes, ils rejoignirent à Barcelone le Teatro Cómico, où le 26 octobre débuta Cleopatra, un « monumental espectáculo » de Vicente Pardo, sur une musique d’Isidro Roselló. Tout en dansant, Ernest réglera les évolutions des 150 danseuses costumées par Max Weldy, qui de son bureau parisien « commandait trois étages d'ateliers fournissant le monde entier de revues, de ballets, d'opérettes ». Après plus de 200 représentations de Cleopatra, Ernest enchaîna du 18 mars au 24 mai 1930 par Venus Genitrix, revue des mêmes Pardo et Roselló, et ne réapparu en France que le 17 décembre au Coliseum avec Mitty et Tillio. Entre temps, le 27 août, il avait repris avec Maury « los fastuosos amores de Cleopatra y Julio César » au Teatro de la Comedia à Madrid. N’ayant été que brièvement l’attraction du Coliseum, « les plus célèbres danseurs du monde » passèrent ensuite à l’Empire du 20 février au 5 mars 1931 avec Rugby que Jacques Patin, sans doute spécialiste de la glisse au Figaro présenta comme « une partie de football légère et bondissante ». Tandis que Gustave faisait merveille dans Padmavati d’Albert Roussel, tout en préparant sa classe aux examens de juin, Ernest ne fit parler de lui qu’à la traditionnelle fête des Caf’ Conc', qui vit son triomphe dans le championnat cycliste des vétérans à Buffalo le 21 septembre. Ensuite, à partir du 2 octobre, il passa à la Scala avec Mitty et Tillio, plus tard, le 30 janvier 1932 aux Ambassadeurs de Cannes avec Maury « dans leur danse tzigane », puis le 27 février à la Comédie française, lors d’un gala au profit de la Maison de retraite des comédiens de Pont-aux-Dames. Le lendemain, souvent rencontré « sur la pelouse de nos vélodromes, ainsi qu'au quartier des coureurs, qu'il aime hanter à ses moments de loisir », il termina 3ème à la Course de la Médaille au Vél’ d'Hiv’. Sur la carte de ce parcours en pointillé, alors qu’en août le ballet du Sporting Club d'Été de Monte-Carlo reprenait Rugby à Antibes avec Pacaud et Myrthill, Ernest et Maury prirent la route de l’Afrique

du Nord. « Les danseurs acrobatiques » seront à l’affiche du Casino La Corniche à Alger du 14 au 20 septembre, avant de s’associer le 6 novembre au gala organisé à Paris par l'Association fraternelle des anciens combattants au gymnase Jean Jaurès. Conduit par André Denizart, de l’Opéra, le ballet du Moulin-Rouge était présent, cycliste à ses heures, cet ami d’Ernest, déclarera bientôt : « On doit tout faire pour éviter la guerre. J'ai combattu de 1914 à 1918 et j'en ai connu les misères. Il est insensé de penser que l'on pourrait recommencer une nouvelle tuerie » (71). En attendant le désastre, les grands cinémas offrant des intermèdes en première partie, en mars 1933 au Rex, sous la baguette de Gustave Charpentier, dirigeant ses Impressions d'Italie : Ernest et Maury mimèrent « une ingénieuse fantasmagorie » intitulée Jardin d'amour. Puis le 1er juin au gala pour la Société de secours des artistes de la danse de l'Opéra, ils partageront la scène du Théâtre des Champs-Elysées, avec par exemple, Serge Lifar et Camille Bos dans le Spectre de la rose. À noter que Lifar cumulait depuis 1930 les fonctions de 1er danseur et de maître de ballet à Garnier. Le 26 janvier 1934, épaulés de Maud Burgane, Ernest et Maury débutèrent à l’Alcazar dans Soirée de Terpsichore, dont on ne saura rien, tout comme le numéro qui promettait d’être sensationnel en février à Romilly. En revanche, le Grand Prix des Artistes et Gens de Lettres disputé le 18 septembre de St-Germain-en-Laye à Vernon fut parfaitement commenté par L’Auto-vélo : Tillio eut des ennuis mécaniques, et bien que longtemps dans le groupe de tête, Ernest ne décrocha pas la victoire. Avec Maury, il reparaîtra à Lyon, le 22 octobre dans Tout pour l’Amour au Théâtre des Célestins : « Les grandes vedettes, Ricaux et Maury, l’un tout en force et sa partenaire tout en souplesse, émeuvent par l’acrobatie charmante de leurs mouvements » (72). Dans la foulée, le 1er décembre « ils donneront le meilleur d'euxmêmes dans leurs danses » à Villeurbanne. Passées deux années, Ernest âgé de 50 ans, ne fera plus que des apparitions sporadiques dans la presse. Ainsi, le 15 avril 1936, donnant la réplique à Diane Belli, il parut dans la Folie d’amour au GaumontPalace, puis « constituant un trio de danses acrobatiques d'un genre nouveau » (73), le 1er mai au Rex avec Mitty et Maury. Le 6 novembre 1936 retrouvant Maury, qui entre temps se produisait seule ou avec d’autres partenaires, il débuta au Trianon. Le couple ne ressortit du silence que le 28 juillet 1938 à la Salle Wagram : « les remarquables danseurs Maury et Ricaux se font applaudir dans leurs danses où la grâce rivalise avec l'acrobatie » (74) lira‑ton avant une ultime représentation le 27 janvier 1939 au Moulin de la Galette dans « leurs danses classiques acrobatiques ». Le mois d’après, le 11 février, parmi la liste des candidats admis à l'école de Royan en


LA DANSE À BIARRITZ # 80 « les Beaux-Arts semblent un peu nous oublier. Car depuis la nomination de M. Aveline qui date au moins de 15 ans je ne vois personne dans la Danse à qui l’on fait cet honneur ». Avec Fernande son épouse, Gustave avait alors quitté Montigny-lès-Cormeilles pour Aubagne (villa Le Verger) où l’administrateur de l’Opéra lui répondit que sa demande était en cours, mais que « le Ministère disposait d’un petit nombre de croix ». Sans ruban à la boutonnière, autant que l’on sache, il mourra le 24 octobre 1961 à Aubagne, suivit le 4 décembre 1962 par Fernande, tandis que la mort prendra leur fille Liliane, le 31 mai 2009 à St Laurent du Var.

qualité d'élève mécanicien de l'armée de l'air, le nom de « Ricaux (Ernest), soldat » parut au Journal officiel. Mais on ignore, s’il s’agissait du nôtre, puisqu’il avait quitté l’armée avec le grade de caporal. Sans quoi, le 3 septembre, vint la guerre, puis les années noires de l’Occupation qui ne livreront aucun écho sur Ernest. L’occasion de retrouver Gustave, lequel avait écrit le 17 décembre 1930 à Rouché : « Je suis très surpris de ne pas être distribué dans Soir de fête ballet que j’ai créé… ». C’est toutefois dans ce titre qu’il fit ses Adieux, le 27 septembre 1931 semble-t-il, avant de solliciter le 2 décembre 1941 sa retraite de professeur à la fin de l’année scolaire. Elle prit effet le 1er octobre 1942, Gustave avait alors quitté Paris pour enseigner aux Nouveaux Ballets de Monte-Carlo, où sous la direction de Nicolas Zwereff et Tony Grogory, sa fille Liliane dansait parmi Marie‑Louise Didion, Geneviève Lespagnol, Boris Traïline, Alexandre Kalioujny et d’autres. À son retour à Paris en 1948, il retrouva son studio du 5 cité Pigalle, tout en reprenant du service à l’Opéra où à l’examen de 1949 sa classe des grands sujets fut « proprement éblouissante ». Selon son élève Gilbert Mayer, il donnera ensuite cours au 94 rue d’Amsterdam, à l’étage du Monseigneur un cabaret chargé d’histoire. Obtint-il réparation pour sa villa Paul Henri à Berck-Plage qui avait subi les dommages de la guerre ? On l’ignore. Sans quoi, pour « sa grande valeur, sa haute probité professionnelle, le fait enfin, qu’il ait consacré 23 années de son existence à former des danseurs, pour leur bien et celui de la danse », le 29 juillet 1948, Yves Brieux sollicita Georges Hirsch, administrateur de l’Opéra afin que celui qui avait contribué à la restauration de l’art du danseur obtienne la Légion d’honneur. Signée par Lifar, Roger Ritz, Max Bozzoni, Michel Renault et Madeleine Lafon, la lettre resta sans suite. Dès lors, en novembre 1953, Gustave pria Maurice Lehmann de faire « le nécessaire pour armer sa boutonnière » :

À sa façon, Ernest ne fut pas mieux loti. Perdu de vue depuis 1939, il reparut en 1957 pour obtenir sa pension de retraite de l’Opéra : « Je ne crois pas qu’il soit possible de répondre à cette demande pour si intéressante qu’elle soit » écrira à l’auteur ignoré de sa requête, Jacques Trombert, du Secrétariat d’État aux Arts et aux Lettres. En fait, Ernest avait cotisé à l’ancienne caisse de l’Opéra liquidée en 1922. Et Trombert de poursuivre : « Les droits que M. Ricaux pouvait faire valoir dans le cadre de cette liquidation sont depuis longtemps prescrits. En ce qui concerne la nouvelle caisse créée en 1922, M. Ricaux ne pourrait y être affilié qu’à condition d’être engagé maintenant, soit à l’Opéra, soit à l’Opéra-Comique, ce qui paraît impossible à première vue ». Ernest était alors âgé de 71 ans. Ce qui ne l’empêchera pas d’épouser à Paris, le 25 février 1959, Madeleine Alexandrine Védie. Née le 11 avril 1914, divorcée, la parisienne avait 43 ans, et s’éteindra à Trélissac en Dordogne le 2 décembre 1985. Ernest l’avait quitté le 11 août 1972 à Clichy-la-Garenne à 86 ans.

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Remerciements à Anne Londaïtz, Hélène Marquié, Romain Feist, Gilbert Mayer et Pierre Lacotte.

La Gazette de Biarritz, 5 avril 1921 Le Temps, 23 mai 1919 (3) Comœdia, 9 janvier 1912 (4) L'Auto-vélo, 17 mars 1910 (5) La Presse, 16 janvier 1918 (6) Le Figaro, 17 août 1921 (7) La Gazette de Biarritz, 18 avril 1895 (8) Revue illustrée, 15 juin 1893 (9) La Liberté, 28 mars 1909 (10) Floréal, 29 octobre 1921 (11) La Jeunesse militaire, janvier 1902 (12) Comœdia, 7 octobre 1920 (13) Société Auguste Vestris, 14 novembre 2010 (14) Gil Blas, 23 février 1907 (15) L’Auto-vélo, 31 octobre 1928 (16) La Presse, 16 mars 1908 (17) L'Auto-vélo, 16 février 1908 (18) L'Auto-vélo, 17 mars 1910, (19) Le Petit journal, 10 mars 1918 (20) L'Auto-vélo, 17 mars 1910 (21) Comœdia, 26 septembre 1910 (22) Le Gaulois, 23 juin 1910 (23) Edition du journal de régie, Karine Boulanger, 2015 (24) Le Petit Journal, 17 février 1910 (25) Recherches en danse [En ligne], 19 janvier 2015 (26) Musica, février 1910 (27) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées, 1924 (28) Le Figaro, 14 février 1910 (29) Comœdia, 20 mai 1909 (30) Comœdia, 31 décembre 1910 (31) Candide, 25 octobre 1928 (32) Gil Blas, 1er mai 1911 (33) Excelsior, 4 mai 1911 (34) Gil Blas, 4 mai 1911 (35) La Petite République, 4 mai 1911 (36) Excelsior, 10 février 1911 (37) Les petites coulisses de l’Opéra, p.54 (38) Comœdia, 14 juin 1911 (39) Comœdia, 11 mai 1911 (40) L’Auto-vélo, 9 juillet 1911 (41) Le Radical, 26 février 1911 (42) Comœdia, 24 août 1911 (43) Mercure de France, 1er juillet 1911 (44) Le Siècle, 20 septembre 1911 (45) Comœdia, septembre 1911 (46) Le Matin, 16 septembre 1911 (47) Le Courrier musical, 15 décembre 1911 (48) Le Ménestrel 16 décembre 1911 (49) Le Journal, 14 décembre 1911 (50) La Libre Parole, 17 février 1910 (51) Comœdia, 26 janvier 1912 (52) l’Auto-vélo, 18 septembre 1912 (53) Les petites coulisses de l’Opéra, p.59 (54) Le Gaulois, 24 juin 1913 (55) Gil Blas, 6 juillet 1913 (56) La République française, 26 juin 1913 (57) La France, 14 juin 1919 (58) La Rampe, 27 juin 1920 (59) Comœdia, 20 avril 1925 (60) Comœdia, 28 mars 1921 (61) Comœdia, 1er janvier 1923 (62) Le Petit journal, 10 avril 1923 (63) Comœdia, 7 décembre 1923 (64) Le Gaulois, 15 octobre 1924 (65) Le Temps, 8 juillet 1925 (66) L’Intransigeant, 2 novembre 1928 (67) Match, le 23 octobre 1928 (68) L’Auto-vélo, 20 octobre 1928 (69) L’Auto-vélo, 31 octobre 1928 (70) La Gazette de Biarritz, 14 septembre 1929 (71) Le Petit journal, 22 octobre 1935 (72) Lyon républicain, 24 octobre 1934 (73) Le Matin, 7 mai 1936 (74) Le Populaire, 29 juillet 1938 (1) (2)


SENSIBILISATION Sensibilisation et médiation en tournée © Olivier Houeix

Entre des répétitions publiques à Bourges, Carquefou, Blagnac et bord de scène à Chartres. Val-de-Reuil À l’occasion de la représentation de Cendrillon du 4 février au Théâtre de l’Arsenal, Dominique Cordemans animera le 1er une Mégabarre et des master class / ateliers de répertoire le 3 pour les conservatoires et écoles de danse de Val-de-Reuil et de ses environs.

Martigues À l’occasion des représentations de Marie-Antoinette des 13 et 14 mars au Théâtre des Salins, une vingtaine d’élèves de l’Option Art-danse du Lycée Lurçat participeront à un atelier chorégraphique, tandis que des lycéens en filière professionnelle (esthétique, coiffure et couture) rencontreront notre habilleuse pour une découverte des costumes du spectacle.

Paris Du 13 au 19 décembre à Chaillot – Théâtre national de la Danse, malgré les difficultés de transport dues aux grèves, une cinquantaine de personnes ont assisté aux quatre Mégabarres animées par Dominique Cordemans ou Richard Coudray. Oloron-Sainte-Marie Le 8 novembre à l’Espace Jéliote, 70 personnes venues des écoles de danse, Arabesque danse, Terpsichore, Art Danse Studio, Ainsi Danse, etc. ont participé à la Mégabarre et assisté à la classe et la répétition des danseurs.

Périgueux Le 23 novembre à l’Odyssée, 80 personnes venues du Conservatoire de Périgueux et d’autres écoles de danse ont participé à la Mégabarre et à la master class / atelier de répertoire. Biarritz Les 28 et 29 décembre à la Gare du Midi, 32 adultes ont participé aux Ateliers Voulezvous danser avec nous ? et 80 élèves aux master class / ateliers de répertoire menés par Dominique Cordemans. Vannes Les 19 et 20 novembre au Palais des Arts, 180 personnes issues des Associations Emmaüs, ATD Quart Monde, Vannes Horizon, CCAS, Habitat et Humanisme ainsi que du Conservatoire de Pontivy et de l’Option Art-danse du Lycée Notre Dame Le Ménimur ont assisté aux classes et répétitions des danseurs.

Lanester À l’occasion de la représentation du 6 décembre au Théâtre Quai 9, 25 élèves de 14 à 18 ans des conservatoires de Lanester, Lorient, Quimperlé, Pontivy ont participé aux quatre master class / ateliers de répertoire des 7 et 8 décembre menés par Dominique Cordemans. Ce stage s’est terminé par une démonstration du travail réalisé durant ces deux jours. Projet Sirènes Dans le cadre du projet Sirènes soutenu par l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine – Euskadi – Navarre, de septembre à novembre 2019, en partenariat avec la Fondation Cristina Enea et la ville de Pampelune, Ione Miren Aguirre, artiste chorégraphique au Malandain Ballet Biarritz a animé 30 ateliers à Donostia / San Sebastián (écoles Zubiri Manteo, Larramendi, Santa Teresa, La Anunciata, Eskibel, Maria Reina, Jesuitinas, Axular) et 27 ateliers à Pampelune (écoles Iturrama, Iparralde, Jesuitinas dont une classe avec des élèves atteints de déficiences cognitives). q

© Olivier Houeix

Bayonne Dans le cadre d’un projet porté par la Cie Illicite – Bayonne, réunissant des jeunes danseurs pré-professionnels du Conservatoire National du Portugal, d’Horizon Danse Sandra Marty et de B&M2 Compagnie, Dominique Cordemans transmettra des extraits du répertoire les 25, 26 et 27 février au Studio Oldeak à Bayonne.

Actions réalisées q

Reims Lors d’un stage qui se déroulera du 17 au 21 février au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims, en collaboration avec l’Opéra de Reims, la Ville de Reims et le Département, Dominique Cordemans animera des master classes / ateliers de répertoire aux côtés de Mariolina Giaretta (classique), Lucas Viallefond (Contemporain) et Wayne Barbaste (jazz). De même, le 20 février, à l’Auditorium du Conservatoire, elle proposera une vidéo-conférence autour de la Pastorale, présentée à l’Opéra de Reims les 30 et 31 mai. Les stagiaires pourront alors assister à la classe, à la répétition des danseurs ainsi qu’au spectacle. Renseignements et inscriptions : Catherine Leblanc, coordinatrice danse du CRR Tél. 06 71 87 07 18 – 03 26 35 61 25


SAISON

Regards Croisés / Miradas Cruzadas / Begirada Gurutzatuak 2020 La 9ème édition de Regards Croisés continue d’accompagner la création contemporaine basque en donnant l’opportunité à des artistes de présenter leur travail à Biarritz, à Bilbao et Errenteria, mais aussi à Vila Nova de Gaia au Portugal. Un évènement organisé par le Malandain Ballet Biarritz, la Fundición de Bilbao, la Ville d'Errenteria - Centre Culturel Niessen, Dantzagunea Gipuzkoa et la Cie Kale de Vila Nova de Gaia avec le soutien de la Communauté d'Agglomération Pays basque et la Diputación Foral de Gipuzkoa. Programme

Tarifs : 8€ à 14€ Billetterie : www.malandainballet.com, Office de tourisme de Biarritz Tél. 05 59 22 44 66 www.tourisme.biarritz.fr Guichets des offices de tourisme de Bayonne et Anglet Jeunesses croisées 28 mars de 10h à 18h Conservatoire Maurice Ravel Pays basque En partenariat avec l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) Toulouse, le Conservatoire Maurice Ravel Pays basque et le programme Atalak de Dantzaz, une journée de rencontres et d'échanges autour de classes, ateliers et présentations publiques sera proposée aux jeunes danseurs amateurs, préprofessionnels et professionnels du Pays basque.

© Stephane Bellocq

Renseignements : Tel. 05 59 24 67 19

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Kale companhia de dança 26 mars à 21h – Colisée Terras

Compagnie portugaise de jeunes danseurs, Kale companhia proposera une soirée associant des créations de Matxalen Bilbao (Espagne), de São Castro et António Cabrita (Portugal) et de Sonia Garcia, Séverine Lefèvre, Charles Pietri (Cie La Tierce – France).

Accueil-studio / répétitions publiques Afin de sensibiliser le public au processus créatif des compagnies reçues par le CCN dans le cadre de l’Accueil studio, plusieurs répétitions publiques sont proposées ce trimestre à la Gare du Midi. 31 janvier à 19h - Studio Gamaritz Compagnie Illicite / Fábio Lopez Eden

© Nagore Legarreta

27 février à 19h - Grand studio Malandain Ballet Biarritz La Pastorale

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Cie Myriam Perez Cazabon 27 mars à 21h – Colisée Mutu

Établie à Irun, Myriam Perez Cazabon, proposera Mutu qui met en scène trois épisodes ou espaces de communication où le silence se substitue à la parole et où l’échange émotionnel et la compréhension

Compagnies en itinérance Soirée partagée Le Malandain Ballet Biarritz, dans le cadre de l’accueil-studio et d’un projet de coopération territoriale en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Pays basque et la Diputación Foral de Gipuzkoa, poursuit son initiative de circulation interrégionale de compagnies lors de soirées partagées. Dans ce cadre avec la compagnie EliralE de Pantxika Telleria, en collaboration avec # Arth Maël Ploërmel Communauté et la compagnie Gilschamber de Bretagne, le CCN propose une nouvelle démarche de soutien favorisant les échanges entre compagnies et partenaires. Accueillant Dantzaz, cette soirée partagée sera organisée en partenariat avec la Compagnie EliralE de Pantxika Telleria avec le soutien de la Communauté d'Agglomération Pays basque.

Hombre Masa © Janpol

entre les personnes prend corps à l’aide de gestes plus petits. À l’image de la société actuelle où les relations personnelles sont exagérées autant que les relations humaines sont en déclin.

Dantzaz

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Saison Danse Biarritz

15 février à 20h – Espace culturel Larreko Venus de Russie, de Slovénie et du Pays basque, trois chorégraphes partagent la scène de l’Espace culturel Larreko de SaintPée-sur-Nivelle et proposent au public de découvrir leurs univers chorégraphiques et les danseurs de Dantzaz dans un programme en première mondiale. Thirty, Sade Mamedova (Russie), prix Dantzaz au Concours international pour chorégraphes de Hanovre (Allemagne) Hombre Masa, Vita Osojnik (Slovénie), en partenariat avec le Plesni Teater de Ljubljana

25 mars à 19h - Studio Gamaritz Compagnies Kale et Myriam Perez Cazabon (dans le cadre de Regards Croisés) Terras et Mutu

Walls, Martin Harriague (Bayonne), artiste associé au Malandain Ballet Biarritz. Produit dans le cadre du programme transfrontalier ATALAK.

26 mars à 19h - Studio Gamaritz Proyecto Colectivo HQPC, Maylis Arrabit, Xabier Madina, Ebi Soria (dans le cadre de Regards Croisés)

Tarifs : 8€ à 14€ Billetterie www.malandainballet.com Office de tourisme de Biarritz Tél. 05 59 22 44 66 www.tourisme.biarritz.fr Guichets des offices de tourisme de Bayonne et Anglet

Entrée libre sur réservation : Tél. +33 (0)5 59 24 67 19 ccn@malandainballet.com

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SANTÉ Forum Danse et Santé à Biarritz En marge du festival le Temps d’Aimer, un Forum Danse Santé a eu lieu à Biarritz les 9 et 10 septembre. Son objectif était de réunir différents acteurs (médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes,...) et d’organiser des groupes de réflexions autour de quatre thématiques choisies pour cette première édition. Des tables rondes ont permis de mutualiser les connaissances et expériences de chacun. L’ambition étant de mettre en place des protocoles de préventions et de soins accessibles à tous pour pérenniser la carrière du danseur. Cette idée de groupe de travail est née à Helsinki en 2018 lors de la réunion de l’IADMS (International Association for Dance Medicine & Science). Le Malandain Ballet Biarritz avait tenu à faire participer son équipe médical à cette rencontre pour améliorer la prise en charge médicale et la prévention de ses danseurs. Confronté aux

pratiques d’autres pays, il était temps que l’on s’organise en France. Des représentants de l’Opéra national de Paris, du Centre National de la Danse, de l’IADMS, des danseurs en activité ou en reconversion, des médecins, des kinésithérapeutes, des ostéopathes,... constituent à présent ce groupe de travail baptisé « French Task Force » (FTF). Une première réunion a eu lieu à l’Opéra national de Paris en juillet. Elle a servi à mieux cerner les problématiques et à définir des axes de travail concrets. Quatre groupes ont travaillé sur la prévention des blessures, l’approche psychologique du danseur, le développement des qualités athlétiques du danseur, la cohérence du rythme de vie du danseur. Le travail a été rythmé par les répétitions publiques et les spectacles du Temps d’Aimer, mais également par des temps d’échanges informels qui ont aussi mieux soudé le groupe. La FTF peut se féliciter d’avoir d’ores et déjà su répondre à son objectif de dépasser le cap des échanges théoriques, par

exemple les conseils pratiques sur les usages à adopter dans le cadre de la prévention des blessures. Ces conseils seront développés sous forme de rapports pratiques et diffusés à tous les professionnels de santé concernés, les danseurs, les compagnies,... S’agissant des applications directes aux danseurs du Malandain Ballet Biarritz, la dimension psychologique sera mieux prise en compte cette année, grâce notamment au recours à la PNL. La mission préventive de l’équipe médicale a été affinée, spécialement en ce qui concerne l’aspect cardio-respiratoire. Des topos sur les rythmes de travail seront proposés aux danseurs pour leur apprendre à mieux potentialiser les tournées. Pour conclure, cette méthode innovante d’échanges a été très appréciée par les professionnels de la danse, milieu où on a tendance à se sentir isolé. On notera qu’en plus de ces moments riches de partages, ce forum a débouché sur des applications concrètes applicables immédiatement, présentées par la suite à la réunion des Ballets français.

EN BREF La Pastorale sur ARTE Concert

© Olivier Houeix

Captée par Patrick Lauze - Les Films Figures Libres, la Pastorale a été diffusée en direct le 18 décembre sur ARTE Concert, lors de l'avant-dernière représentation du Ballet à Chaillot-Théâtre national de la Danse. Cette captation est disponible sur le site d’ARTE Concert jusqu’au 17 juin.

Forum Entreprendre dans la culture Nouvelle-Aquitaine Association des Amis du Malandain Ballet Biarritz Le 28 décembre à l’issue de la représentation de la Pastorale à la Gare du Midi, Colette Rousserie, présidente et fondatrice, de l'Association des Amis du Ballet que nous remercions pour son dévouement et sa générosité, a remis à Thierry Malandain son traditionnel chèque de soutien, cette année d’un montant de 28 000 euros.

60ème anniversaire de la Fondation Bleustein-Blanchet Le 11 décembre, à Chaillot-Théâtre national de la Danse, la Compagnie a présenté un extrait de la Pastorale lors de la 60ème cérémonie de remise des Prix de la Fondation Bleustein-Blanchet pour la Vocation dont Thierry Malandain fut lauréat en 1986.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général au Ballet, a participé à une table ronde sur la transformation numérique le 22 novembre au Théâtre de Gascogne à Mont-deMarsan. Cette journée était organisée par L’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine dans le cadre du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine.

Soutien au Centre de soins CSAPA Broquedis Le CSAPA Broquedis de l’Association Caminante est un Centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie situé à Saint-André-deSeignanx dans les Landes. Le Malandain Ballet Biarritz est partenaire de cet établissement depuis plus de 2 ans, avec Nuria López Cortés, artiste chorégraphique et marraine de l’association. Dans ce cadre, le Ballet a participé à la rénovation de l’espace d’accueil des enfants présents dans le

Centre en reversant une partie des recettes de la représentation du 29 décembre au CSAPA. www.asso-caminante.fr

Mécénat Le Malandain Ballet Biarritz remercie chaleureusement l’agence immobilière Barnes Côte Basque qui rejoint le Carré des Mécènes pour soutenir la création et la diffusion des œuvres chorégraphiques. Remerciement également à l’association Féminin Pluriel Côte Basque pour son soutien. A noter la très belle progression en 2019 du Cercle Malandain animé par sa fondatrice, Stéphanie Leclair De Marco. Pour rappel, le Cercle Malandain réunit des passionnés de chorégraphie, d’esthétisme, d’excellence autour des valeurs qui animent Thierry Malandain  : humanité, fidélité, honnêteté. Infos : stephanieleclair@free.fr

Parution Biarritz noms d’un renom Dans le cadre de la sortie du livre Biarritz noms d’un renom, ouvrage de Paul Azoulay recensant tous ceux qui ont contribué à faire Biarritz et à lui donner son prestige, Ione Miren Aguirre, artiste chorégraphique a présenté la partie de Loïe Fuller du ballet Les Créatures de Thierry Malandain le 15 décembre dernier au Casino Bellevue de Biarritz.


centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques Gare du Midi 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz tél. +33 5 59 24 67 19 • fax +33 5 59 24 75 40 ccn@malandainballet.com président Michel Laborde vice-président Pierre Moutarde trésorière Solange Dondi secrétaire Richard Flahaut président d’honneur Pierre Durand Direction directeur / chorégraphe Thierry Malandain directeur délégué Yves Kordian Artistique / Création maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro artistes chorégraphiques Ione Miren Aguirre, Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Michaël Garcia, Irma Hoffren, Cristiano La Bozzetta, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria López Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel professeurs invités Angélito Lozano, Bruno Cauhapé, Sophie Sarrote pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean- François Pailler

Production / Technique directeur technique Paul Heitzmann régisseuse générale Chloé Bréneur régie plateau Jean Gardera, Gilles Muller régie lumière Christian Grossard, Mikel Perez, Frédéric Bears régie son Nicolas Rochais, Jacques Vicassiau techniciens plateau Bertrand Tocoua, Maxime Truccolo régie costumes Karine Prins, Annie Onchalo construction décors et accessoires Frédéric Vadé techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Vincent Ustarroz agent d’entretien Ghita Balouck Sensibilisation / Relations avec les publics responsable sensibilisation / transmission du répertoire aux pré-professionnels Dominique Cordemans Diffusion chargée de diffusion Lise Philippon attachée de production Laura Delprat agents Le Trait d’union / Thierry Duclos, Klemark Performing Arts et Music / Creatio 300, Norddeutsche Konzertdirektion / Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music / Roberta Righi

Michaël Conte, La Pastorale © Olivier Houeix

Transmission du répertoire maître de ballet Giuseppe Chiavaro

Communication responsable image Frédéric Néry  /  Yocom responsable communication Sabine Cascino attachée à la communication Elena Eyherabide attaché de presse Yves Mousset  /  MY Communications photographe Olivier Houeix Mission Euro région / Projets transversaux administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta Secrétariat général / Mécénat secrétaire général Georges Tran du Phuoc Ressources humaines, finances et juridique responsable administrative et financière Séverine Etchenique comptable principale Arantxa Lagnet aide comptable Marina Souveste secrétaire administrative Nora Baudouin Menin Suivi et prévention médicale des danseurs Romuald Bouschbacher, Jean-Baptiste Colombié, Aurélie Juret Biarritz - Donostia / San Sebastián Malandain Ballet Biarritz co-présidence du projet Thierry Malandain co-directeur du projet Yves Kordian chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta communication Sabine Cascino Victoria Eugenia Antzokia co-présidence du projet Jaime Otamendi co-directeur du projet Norka Chiapusso chef de projet Koldo Domán administration María José Irisari communication María Huegun Numéro direction de la publication Thierry Malandain conception et design graphique Yocom.fr impression Graphic System (Pessac) ISSN 1293-6693 - juillet 2002

30 31


JANVIER > MARS 2020

La Pastorale © Olivier Houeix

CALENDRIER

Représentations en France 07/01

Bourges

Nocturnes / Estro

08/01

Bourges

Nocturnes / Estro

10/01

St Quentin-en-Yvelines

Nocturnes / Estro

11/01

St Quentin-en-Yvelines

Nocturnes / Estro

12/01

St Michel-sur-Orge

Estro / Nocturnes / Boléro

14/01

Puteaux

Estro / Nocturnes / Boléro

25/01

St Quentin dans l’Aisnes

Estro / Boléro

28/01

Carquefou

La Belle et la Bête (scolaire + tout public)

04/02

Val-de-Reuil

Cendrillon

03/03

Béziers

Marie-Antoinette

06/03

Blagnac

Noé

07/03

Blagnac

Noé

08/03

Blagnac

Noé

10/03

Chartres

La Pastorale

13/03

Martigues

Marie-Antoinette

14/03

Martigues

Marie-Antoinette

17/03

Fréjus

Marie-Antoinette

20/03

Aix-en-Provence

Marie-Antoinette

21/03

Aix-en-Provence

Marie-Antoinette

26/03

Saint-Etienne

Marie-Antoinette

27/03

Saint-Etienne

Marie-Antoinette (représentation scolaire)

Friedrichshaffen (Allemagne)

La Pastorale

20/01

Aschaffenburg (Allemagne)

Noé

22/01

Neuss (Allemagne)

Noé

23/01

Coesfeld (Allemagne)

La Belle et la Bête

07/02

Dallas (Etats-Unis)

Cendrillon

08/02

Dallas (Etats-Unis)

Cendrillon

13/02

Des Moines (Etats-Unis)

Cendrillon

15/02

Detroit (Etats-Unis)

Estro / Nocturnes / Boléro

24/03

Pordenone (Italie)

La Pastorale

www.malandainballet.com

16/01

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Représentations à l’International


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