Numéro 99 Mai > Août 2024

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Julie Bruneau et Alejandro Sanchez Bretones, Nocturnes © Olivier Houeix + Yocom
Boléro avec le Choeur des colibris © Olivier Houeix h

Bien connu du public

de l’Opéra de Paris, dont il était un des artistes les plus aimés, Albert Aveline devenu professeur et maître de ballet fut en 1937 le premier artiste chorégraphique masculin à recevoir la Légion d’honneur pour ses « 38 ans de carrière artistique et de services militaires ». En effet, après quatre années sous les drapeaux (1904-1908), le 22 août 1914, aux premiers jours de la « Der des Ders », il avait été blessé « par un éclat d’obus dans la partie supérieure de la cuisse gauche au combat de Rossignol (Belgique) ». Prisonnier en Allemagne et rentré de captivité en juillet 1915, la commission de réforme conclut à un « état général médiocre » et lui attribua une pension d’invalidité. Il sera malgré tout le premier homme à porter le titre d’Étoile à l’Opéra de Paris. Modeste et d’une grande discrétion, quelques lignes servaient jusqu’à présent sa mémoire. Il bénéficie dans ce Numéro d’un grand nombre de pages, car faire revivre l’histoire peut avoir des applications utiles. Ainsi après la bataille de Rossignol, qui se termina par une victoire allemande, Albert Aveline se considéra comme un miraculé, car si la guerre est une épreuve morale et meurtrière, le combat de Rossignol fut un massacre. Côté français sur 11 900 hommes, 7 000 périrent en une seule journée pour rien. À l’arrière, d’autres se frottaient les mains, entendu qu’après la guerre vient toujours « la paie » avec le sang des autres.

Fervent adepte de la danse classique et des danses anciennes, mais surtout « professeur d’un art difficile qu’il pratiquait avec un infaillible goût » (1), il aurait sans doute été interloqué de l’intitulé de la loi visant à « Professionnaliser l’enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques » adoptée à l’Assemblée nationale le 7 mars dernier. Loi faisant suite à celle du 10 juillet 1989 conditionnant l’usage du titre de professeur de danse à l’obtention d’un diplôme d’État, obligatoire pour enseigner les danses classique, contemporaine et jazz au sein des établissements publics ou dans tout type de structures de droit privé.

Après avoir écouté l’examen de cette proposition législative par la Commission des Affaires culturelles et la discussion des articles et des explications de vote en séance, expliquons brièvement à notre tour que la vie offrant parfois l’occasion de donner corps à ses rêves, « ces êtres étranges qu’on appelle des danseurs » (2) dixit Camille Cousset, député de la Creuse sous la IIIème République, font de leur passion une profession nécessitant un apprentissage, et ce, depuis les temps les plus reculés. Il faut naturellement être doué d’une belle imagination créatrice, mais sans autre langue que celle du geste et des mouvements, en concurrence avec les hétaïres, ce métier est sans doute l’un des plus vieux

du monde. Spiritualisant le corps pour en faire un prolongement de l’âme, ce qui différencie la danse du sport, avec lequel elle n’a que la fibre musculaire en commun, sinon les artistes chorégraphiques seraient appointés à la hauteur de leurs performances, son enseignement se perfectionna de maître à l’élève en une chaîne sans fin poussée à un degré d’exigence que seuls les initiés peuvent mesurer. C’est pourquoi, il ne peut s’agir de professionnaliser son enseignement, mais plutôt de mettre à jour sa réglementation en tenant compte de la diversité des pratiques, en l’occurrence les danses urbaines au centre du débat. Mais contrairement à ce qui est avancé, le hip-hop était déjà largement répandu en 1989. La compagnie professionnelle Black Blanc Beur fut, par exemple, fondée sous nos yeux de banlieusards en 1984. Quant aux autres disciplines évoquées à l’instar de la danse basque : en 1660, Jean-Baptiste Lully éblouit, puisa dans ses rangs pour danser dans Xerse de Francesco Cavalli aux noces de Louis XIV à Paris.

Et justement, si l’on veut s’attacher à la réglementation de l’enseignement, il oblige à examiner ce qui se fait ailleurs ou à se souvenir qu’au XVIIème siècle, qui vit l’établissement d’une Académie royale de danse dont on ne parlera pas, même si Louis XIV l’institua en 1661 pour rétablir l’art de la danse dans « sa première perfection », après avoir été admis par un maître, l’apprentissage du métier de danseur réclamait six ans d’études de la danse et de la musique. S’ajoutaient quatre ans pour obtenir à son tour ses lettres ou brevet de maîtrise. Car il était obligé d’être maître pour tenir école de danse ou de musique. Et sous peine d’une amende avec saisie des instruments la première fois, punitions corporelles voire emprisonnement la seconde, aucune personne du royaume de France ou étrangère ne pouvait professer si elle n’avait fait « expérience » devant « le Roi des violons » qui lui délivrait ses lettres. Mais la corporation des maîtres de violon et de danse, dite des Ménestriers ne datait pas de 1659, année où Louis XIV lui donna des statuts tirés d’anciennes ordonnances. Appelée la Ménestrandise de Saint-Julien du nom de l’église qu’elle céda à la Nation en 1789, la corporation des Ménestriers avait été fondée en 1321.

Elle était structurée de la sorte : un directeur général nommé par le Roi de France. Il portait le titre de « Roi de tous les Violons, Maîtres à danser & Joueurs d’instruments, tant haut que bas », ou tout simplement Roi des Ménestriers. L’entourait une assemblée de vingt jurés élus tous les ans, et des lieutenants en chaque ville principale. Tous reçus maîtres à Paris, ils étaient chargés de faire observer les statuts et ordonnances, de recevoir et agréer les maîtres, de percevoir les amendes, les droits d’apprentissage et de maîtrise. Jusqu’en 1773, date où Turgot, contrôleur général des finances, partisan des théories libérales d’outre-Manche et conseillé par le banquier anglo-suisse Isaac Panchaud, supprima l’Office du Roi des Ménestriers. Puis en 1776, proclamant la liberté des arts et de l’industrie, Turgot abrogea « les jurandes et communautés de commerce, arts & métiers ». Dès lors : « Il

ÉDITO

sera libre à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, même à tous étrangers, […] d’exercer dans tout notre royaume, […] telle espèce de commerce et telle profession d’arts » (3) Autrement dit, après cette liquidation des communautés de métiers confirmée en 1791 par le décret d’Allarde et loi Le Chapelier, n’importe qui pouvait enseigner la danse. D’où la création en 1779 de l’École royale de l’Opéra, officialisée en 1784 par un second arrêt de Louis XVI pour au moins réparer « la boulette » à Paris.

Comme il y a en France une foule d’autres endroits où il n’est, pas déshonorant de vivre, s’agissant de la province, rappelons que tout un chacun appelé par sa situation à aller dans le monde devait aussi savoir danser. Pensionnats, collèges, lycées et même couvents avaient un professeur. Mais la maîtrise de la danse sans laquelle nulle ne pouvait tenir son rang n’était pas le privilège de l’aristocratie. Dans la tradition des académies militaires de l’Ancien Régime, étendu aux hommes de troupe après la Révolution, jusqu’à la Grande Guerre l’armée dispensa un enseignement chorégraphique et « de politesse délicate de manières » non obligatoire, mais couronné d’un brevet de prévôt ou de maître permettant au simple soldat d’enseigner. Ces diplômés exerceront une grande influence au Pays basque.

Dans le civil, parmi les essais de réarmement et de défense de la profession citons, par exemple : la Société académique des professeurs de danse de Paris, artistes du Théâtre impérial de l’Opéra, fondée en 1856 et encore active en 1880. Ce qui n’évitera pas de lire en 1865 : « À Paris tout le monde est professeur. Il y a des professeurs de danse, d’escrime, d’écriture et des professeurs pour les chiens » (4). Ou encore en 1920, affiliée à la Confédération des Travailleurs Intellectuels : l’Union des Professeurs de Danse de France. Présidée par Paul Raymond, de l’Opéra, « l’union de tous ceux qui réellement exercent d’une manière honorable » (5) dispensait un diplôme de professeur, et tenant compte de la diversité des pratiques, à l’exemple du foxtrot ou du charleston, « elle aiguillait dans une voie plus calme les danses susceptibles d’excentricité » (6). En clair, tout ce qu’il y avait de plus frénétique en provenance d’outreAtlantique. Par anecdote, outre l’organisation de congrès internationaux, l’Union des Professeurs de Danse de France éditait La Revue de la Danse, dirigée par Marcel Neerman, qui entre 1913 et 1927 enseigna « les danses classiques, anciennes, nouvelles et de caractère » à Biarritz. On lui doit : El Mas Antes, véritable tango argentin (1912), la Vraie Samba (1923) et d’après une danse populaire basque que l’éminent Juan Antonio Urbeltz traduit par « danse du conscrit » : le Zortzico, five-step (1925).

Mais afin de renouer avec une réglementation nationale, il faudra attendre le diplôme d’État de professeur de danse institué par la loi de 1989. Sollicité à l’époque par le ministère de la Culture, précisément par Brigitte Lefèvre,

déléguée à la danse, j’eus parmi d’autres l’occasion de participer aux commissions d’élaboration de cette loi visant notamment à protéger l’intégrité physique des élèves et à valoriser en termes de compétences le métier de professeur de danse, puisqu’un certain nombre d’enseignants ne peuvent justifier d’une carrière d’interprète.

Hormis susciter de vives inquiétudes et diviser les acteurs des danses urbaines en raison d’une formation coûteuse, chronophage et jugée normative ; dans ses aspects positifs la nouvelle réglementation réhausse les équivalences (Bac + 3) au lieu de (Bac + 2) en cas de reprise d’études supérieures ou pour permettre de passer le concours de la fonction publique, etc. Pour le reste, seul un professeur de danse diplômé d’État pourra enseigner au sein des établissements publics, ce qui est déjà le cas. En revanche, un amendement excluant « l’animation » du champ de la loi, on ne saisit pas très bien, si le diplôme attestant d’une formation pédagogique, juridique et sanitaire sera toujours obligatoire dans le privé, ou si le statut d’Animateur Danse, qui touchait jusquelà toutes les formes de danses hors le classique, contemporain et jazz suffira ?

Un passage au Sénat est à présent attendu, mais au fond, tout ceci n’a guère d’importance. Car concernant l’usage du titre de professeur de danse, comme au XVIIème siècle en cas d’infraction, la loi prévoit amendes et sanctions, elle les relève même, cependant il manque toujours des lieutenants en chaque ville principale pour veiller à la qualité de l’enseignement. C’est sans doute pourquoi, à tort ou à raison, un certain nombre de jeunes gens désirant exercer le métier se mettent en tête de poursuivre leur formation en classique à l’étranger et y trouvent un emploi dans les meilleurs cas. C’est ce qu’il m’est permis d’observer, année après année, parmi les candidats sollicitant le soutien de La Fondation Marcel Bleustein-Blanchet de la Vocation pour continuer leur parcours. Mais il y aurait tant à dire, et quoique bien intentionné, ce n’est hélas pas après une « mission flash » et un « après-midi sympathique » que le législateur pourra appréhender les complexités d’un art concourant dans sa pratique amateur ou professionnelle au raffinement de la civilisation. Au point que Louis XIV, ne sachant pas sur quel pied danser, le jugeait « des plus avantageux et utiles […] non seulement en temps de guerre dans nos armées, mais même en temps de paix dans le divertissement de nos ballets » (7)

Loin du Ballet des Plaisirs (8), « cette bonne fortune où tant de monde aspire » (9), l’actualité nous plongeant tête en avant dans une espèce de vide désespérant, à moins d’y nager en petite tenue d’aquaboniste ou de se féliciter de belles avancées sur le modèle de la loi contre la discrimination capillaire adoptée en mars également, chaque mot comptant pour éclairer les ombres, il m’a semblé utile de jeter au vent ces éléments d’histoire. Quant au reste, à défaut d’un numéro vert ou d’être satisfait d’avoir fait le 2 ou de pouvoir taper Étoile afin

de retrouver un minimum de « bon sens » - le Beau, le Vrai et autres transcendantaux initiés par les Anciens étant largement passés de mode - de cadence avec Nelly Guilhemsans, on se réjouira de ceux qui résistent sans équivoque au chaos en semant l’espoir.

Violoniste, professeure d’éducation musicale au Collège Saint-Michel Garicoïts de Camboles-Bains, Nelly Guilhemsans y dirige le Chœur des Colibris : un ensemble magnifique de 200 élèves pratiquant avec leurs ailes nuancées d’or et d’azur des chorégraphies de percussions

Boléro avec le Choeur des colibris © Olivier Houeix i

corporelles. Le 19 mai dernier, à Biarritz, un endroit incontournable si l’on veut être à la « page » face à l’Océan, voltigeant de calice en calice, les Colibris nous accompagnaient dans le Boléro de Maurice Ravel. Un colibri c’est riquiqui, et cela ne pouvait donc couvrir les bruyants oiseaux de malheur, dont les bouches à feu répandent la mort et l’effroi, mais quand c’est le vent de l’Amour qui l’apporte, chaque geste importe.

n Thierry Malandain, mai 2024

(1) Le Matin, 29 avril 1939

(2) Séance du 11 novembre 1891

(3) Article 1er du 2ème Édit de Turgot février 1776

(4) La France médicale : historique, scientifique, littéraire, 4 janvier 1865

(5) La Revue de la Danse, janvier 1920, p.3

(6) L’Avenir de l’Ouest, 10 juillet 1921

(7) Lettres patentes du 30 mars 1662

(8) Dansé au Louvre, le 4 février 1655 dans une chorégraphie de Pierre Beauchamp

(9) Ballet des plaisirs, texte d’Isaac de Bensérade, p.12

Tournées

Le mois de mai a débuté en Allemagne avec l’Oiseau de feu et le Sacre du printempsle 5 au Forum de Leverkusen, les Saisons les 7 et 8 au Theater Bonn, puis Nocturnes accompagné au piano par Michal Bialk et la Pastorale les 10, 11 et 12 au Festspielhaus de Baden Baden. Du 16 au 19, le Ballet a ensuite retrouvé Biarritz pour la 11ème édition de Rendez-vous sur le quai de la Gare avec deux représentations scolaires et deux tout public de Mosaïque à la Gare du Midi.

Du 22 au 26, trois représentations scolaires et trois tout public des Saisons furent données au Teatro Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián avant l’Opéra National de Bordeaux les 29, 30 et 31. Le 7 juin pour une représentation scolaire et une tout public, les 8 et 9 juin en tout public, accompagné par l’Orchestre Philarmonique du Maroc sous la direction de Dina Bensaid, le Ballet présentera Beethoven 6, Boléro et Nocturnes avec Dina Bensaid au piano au théâtre Mohammed V de Rabat au Maroc.

Puis le 12 juillet avec l’Oiseau de feu et les Saisons, il se produira sur la scène du théâtre antique d’Orange dans le cadre des Chorégies et le 19 juillet aux Nuits de la Citadelle de Sisteron avec l’Oiseau de feu et Beethoven 6. Enfin, le Malandain Ballet Biarritz terminera la saison par ses traditionnelles représentations estivales au Pays basque.

Quatre représentations de Mosaïque seront données du 1er au 4 août au Teatro Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián, avant les Saisons à la Gare du Midi de Biarritz les 7, 8 et 9 août.

Biarritz Finale du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet # 4

Dimanche 9 juin à 16h à la Gare du Midi

Organisé par le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et le CCN Malandain Ballet Biarritz dans le cadre du Pôle de Coopération Chorégraphique du Grand Sud-Ouest, avec le CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin, avec cette 4ème édition le Concours de jeunes chorégraphes de Ballet s’affirme comme un des concours de chorégraphies majeurs en Europe. Il bénéficie du soutien du ministère de la Culture, de la Fondation pour la Danse Thierry Malandain - Académie des beauxarts ainsi que du mécénat de la Caisse des dépôts et d’Aline Foriel-Destezet.

Il est doté de différents prix :

• Le Prix du Jury

Les deux premiers lauréats bénéficieront lors de la saison 2024-25 d’une résidence de création, l’un au sein du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et l’autre au CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin. Ces résidences seront suivies de diffusion des œuvres créées et d’un accompagnement dans la durée. Une nouvelle résidence de création et de diffusion au sein du Ballett X à Schwerin (Allemagne) sera également attribuée.

• Le Prix de Biarritz / Caisse des Dépôts

Le jury attribuera aussi au chorégraphe de son choix le Prix de Biarritz / Caisse des dépôts consistant en une bourse de 15.000 €.

• Le Prix des professionnels

Les critiques de danse et directeurs de théâtre présents lors de la finale voteront pour attribuer à un des finalistes le Prix des professionnels doté de 5.000 € abondé par la Fondation pour la Danse - Thierry Malandain - Académie des beaux-arts.

• Le Prix du public

À l’issue des présentations des finalistes, les spectateurs seront invités à voter pour attribuer à un des chorégraphes le Prix du public qui s’élève à 3.000 €.

• Le Prix jeune public

En partenariat avec le Pass Culture, un jury de 11 jeunes de 18-20 ans attribuera ce prix doté de 1.000 €.

Après 56 candidatures de 18 nationalités examinées, les 6 finalistes de la 4ème édition du Concours sont :

• Ana Isabel Casquilho, Portugaise, 30 ans ;

• Benoit Favre, Suisse, 30 ans ;

• Lasse Graubner, Allemand, 23 ans ;

• Lucia Giarratana Italienne, 34 ans ;

• Věra Kvarčáková & Jérémy Galdeano, Tchèque et Français, 35 et 42 ans ;

• Manoela Gonçalves Brésilienne, 32 ans.

Mosaïque et les Saisons aux Estivales

Pour clore la saison, dans le cadre du projet transfrontalier Ballet T et des Estivales, le Malandain Ballet Biarritz présentera Mosaïque du 1er au 4 août à Donostia / San Sebastián et les Saisons à Biarritz du 7 au 9 août.

Mosaïque

Teatro Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián, 1er, 2, 3 et 4 août à 20h

Musique : Vivaldi, Massenet, Mozart, Saint-Saëns, Chopin, Tchaïkovski, Ravel

Chorégraphie : Thierry Malandain

Décor et costumes : Jorge Gallardo

Conception lumière : Christian Grossard

Réalisation costumes : Véronique Murat, Charlotte Margnoux

Maîtres de ballet : Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro, Frederik Deberdt

Sous le titre de Mosaïque, ce spectacle est une composition chorégraphique dont les motifs d’ornementation aussi riches que variés sont puisés dans le répertoire du Malandain Ballet Biarritz. De différentes époques, de formes et de tons changeants, ils entrelacent Mozart, Saint-Saëns, Chopin, Tchaïkovski et ainsi de suite pour mettre en relief des titres « Made in Danse » exprimant par leurs inflexions et leurs divers mouvements tous les sentiments, jusqu’à l’apothéose d’une mosaïque humaine unie dans l’intensité du Boléro de Ravel.

Avec : Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Timothée Mahut, Alessia Peschiulli, Julen Rodríguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Chelsey Van Belle, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Léo Wanner

Billetterie : donostiakultura.eus/sarrerak

Les Saisons

Théâtre de la Gare du Midi de Biarritz, 7, 8 et 9 août à 21h

Sur une idée de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles et de Stefan Plewniak, violoniste et 1er chef d’orchestre de l’Opéra royal de Versailles, cette création réunit les célébrissimes Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi et celles méconnues de son contemporain et compatriote

coproducteur principal Château de Versailles Spectacles - Opéra royal de Versailles, Orchestre de l’Opéra royal de Versailles

coproduction Festival de Danse de Cannes - Côte d’Azur France, Teatro Victoria Eugenia - Ballet T - Ville de Donostia San Sebastián (Espagne), Opéra de Saint-Etienne, Theater Bonn (Allemagne), Teatro la Fenice - Venise (Italie), CCN Malandain Ballet Biarritz

partenaires Teatro de la MaestranzaSéville (Espagne), Teatro Campoamor - Oviedo (Espagne), Festival Internacional de Músicay Danza de Grenada - Alhambra (Espagne), Opéra de Reims, Espace Jéliote d’Oloron Sainte-Marie, Théâtre Olympia d’Arcachon

soutiens Fonds de dotation Thierry Malandain pour la Danse, Association Amis du Malandain Ballet Biarritz, Carré des Mécènes du Malandain Ballet Biarritz

Giovanni Antonio Guido. musique Antonio Vivaldi, Giovanni Guido chorégraphie Thierry Malandain décor et costumes Jorge Gallardo lumières François Menou réalisation costumes Véronique Murat, Charlotte Margnoux réalisation décor Frédéric Vadé réalisation accessoires Annie Onchalo assistants décor et accessoires Nicolas Rochais, Gorka Arpajou, Félix Vermandé, Raphaël Jeanneret, Christof t’Siolle, Txomin Laborde-Peyre, Marouschka Miramon, Karine Prins, Sandrine Mestas Gleizes, Fanny Sudres et Fantine Goulot

Tarifs de 12€ à 37€

Billetterie malandainballet.com

Office de Tourisme de Biarritz

Tél. 05 59 22 44 66 www.tourisme.biarritz.fr

Guichets des offices de tourisme de Bayonne, Anglet et du Pays Basque

Albert Aveline

« Il est aujourd’hui à l’Opéra, le maître du ballet classique, le dessinateur à la française des jardins mouvants et ailés de la grâce et de l’élégance, l’ordonnateur des évolutions harmonieuses du rêve... »

LA DANSE À BIARRITZ

« Il est aujourd’hui à l’Opéra, le maître du ballet classique, le dessinateur à la française des jardins mouvants et ailés de la grâce et de l’élégance, l’ordonnateur des évolutions harmonieuses du rêve ; c’est aussi le professeur d’un art difficile qu’il pratiquait naguère encore avec un infaillible goût et un style si pur que l’on n’en devinait pas toute la magnificence. Car Aveline, premier danseur fut un remarquable artiste. Vingt-huit ans durant il a dansé et il a tout dansé, même les rôles de travestis. Il avait l’inspiration instinctive, le sens de la nuance, l’ardeur du beau. Certaines de ses créations, comme Javotte, Cydalise, la Fête chez Thérèse, les Deux pigeons, resteront difficiles à égaler et l’on ne peut pas, en évoquant ces ballets prestigieux, séparer Aveline de Carlotta Zambelli. Alors c’était vraiment le règne de la grande étoile, et, c’était encore hier ..., hier que nous les applaudissions, dans Taglioni chez Musette et qu’infatigable et charmé le public leur redemandait la fameuse mazurka, hier qu’ils nous ravissaient dans Suite de danses. Ce fut aussi Aveline qui reprit Giselle avec [Olga] Spessivtseva, lui qui créaDaphnis.Lorsqu’il quitta la scène, il n’y avait pas un ouvrage du répertoire qu’il n’eût illustré. Devenu chorégraphe, Aveline s’est adonné à la défense du classicisme. La même ardeur qu’il déployait comme danseur il l’emploie à régler un ballet, et il est aisé d’y retrouver ces qualités de clarté et de charme qui lui ont valu tant de triomphes » (1)

En avril 1939, alors qu’Albert Aveline âgé de 56 ans s’apprêtait à donner un nouvel éclat au Festin de l’araignée, ballet-pantomime de Gilbert de Voisins, musique d’Albert Roussel, créé le 3 avril 1913 au Théâtre des Arts par Léo Staats. C’est en ces termes que Marcel Bonnissol, rédacteur au quotidien Le Matin retraça à grands traits la carrière oubliée du « Maître du ballet classique » que nous allons tenter de restituer.

Fils aîné de Louis Pierre Aveline, 21 ans employé aux Chemins de fer et de Zoé Binet 25 ans ménagère, Albert Louis Aveline naquit à Paris, le 23 décembre 1883, 3 quai de Valmy, dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine. D’après les recherches généalogiques menées par Anne Londaïtz, ses parents mariés le mois suivant auront six autres enfants dont trois formés à l’Opéra feront carrière dans la danse : Marie Jeanne née le 5 avril 1886, dite Jane, danseuse décédée en 1980 ; Louise Albertine née le 27 août 1888, décédée à trois mois ; Louis Albert né le 12 juillet 1890, danseur et chorégraphe décédé en 1921 ; Georgette Albertine née le 6 avril 1895, danseuse décédée en 1963 ; Georges Louis né le 10 mars 1893,

mécanicien dans l’aviation et inventeur mort en 1972 ; Pierre Jules né le 21 juillet 1900, mécanicien mort en 1966. En premier lieu, ainsi qu’il le confia au journal Ève en 1924, « le charmant et élégant Aveline qui vaut tous les bondisseurs de la terre » (2) débuta la danse sous l’influence d’un ami de sa famille, 1er danseur à l’Opéra : Miguel Vasquez, également 2ème maître de ballet, professeur de perfectionnement des sujets femmes en 1893 et directeur de l’École en 1894 :

« On s’imagine, en général, que tous les artistes sont des prédestinés et que des signes mystérieux les marquent par avance pour l’avenir. Eh bien, ce ne fut pas mon cas. Je suis devenu danseur, le plus simplement du monde. M. Vasquez, maître de ballet à l’Opéra, était un ami de ma famille ; naturellement, à cause de cela, tout gosse, j’allais voir danser, et comme tous les gosses, ce spectacle m’émerveillait. Un jour, M.Vasquez me dit : – Veux-tu danser à l’Opéra ? Je répondis : – Oui. Mes parents ne dirent pas non. À quelque temps de là j’entrai dans la classe de notre ami, et voilà ! Je fus le collégien qui apprend à danser à l’Opéra. Cela me posait naturellement parmi mes camarades, et j’en tirais quelque vanité. Aussi malgré les rigueurs de mon double emploi du temps,faisais-jedemonmieuxpourêtre à la hauteur ! Il paraît que j’étais doué pour les mouvements chorégraphiques. Je veux bien le croire. En tous cas, j’aimais cela et je m’y adonnais de tout mon cœur et très sérieusement, en cherchant à faire mieux que bien. J’avais l’orgueil de réaliser les espoirs que formulaient pour moi mes professeurs. Toujours est-il qu’après un bon début dans les ensembles, je me trouvai promu premier danseur. J’ai travaillé avec Carlotta Zambelli sous la direction de Mme Rosita Mauri, et j’ai débuté avec elle dans Javotte ; je n’avais point d’émotion véritable ce soir-là, sauf l’ardent désir de me surpasser. J’y ai réussi sans doute, puisque nous eûmes un grand succès » (3)

Pour ce qu’il nous est permis de savoir, Albert entra à l’École de danse en 1894. La même année, enlevée à la Scala de

Milan, Zambelli, élève de Cesare Coppini débutait au palais Garnier. Albert avait 11 ans, Carlotta 17 ans et sous le directorat d’Eugène Bertrand et de Pedro Gailhard, le bruxellois Joseph Hansen œuvrait comme maître de ballet d’un théâtre privilégiant l’art lyrique comme partout en France. Un « établissement poussiéreux » (4) dira Serge Lifar dans les Mémoires d’Icare avant que la danse devenue un élément de succès n’y retrouve sa place. Ainsi en 20 ans, de 1887 à 1907, secondé par une série de « sous-maîtres de ballet » parmi lesquels Pierre Ladam, Gustave Vanara, Vasquez, Amédée Régnier, Hansen ne créa que six ballets, quelques pièces de circonstances, et introduits dans les opéras pour la délectation des actionnaires et des Abonnés qui fournissaient la plus grosse subvention, une trentaine de divertissements parfois dansés isolément. Accompagnant ses leçons au violon, tout en figurant en scène, Gaspard Stilb tenait la classe des garçons et des hommes sous l’œil de Vasquez, directeur de l’École. Parmi les camarades d’Albert citons dès à présent : Gustave Ricaux et Ernest Even, qui deviendra son beau-frère. Outre les leçons du matin et les répétitions des spectacles auxquels les élèves participaient, peutêtre Albert prenait-il aussi les cours « si appréciés et si suivis par les familles et les artistes » (5) que Stilb donna dès janvier 1898 au 49, rue de la Chaussée-d’Antin ou bien ceux de Vasquez. En tout cas, à l’examen de juillet 1898, comme Gustave, il se distingua dans la classe de Stilb et fut engagé 2ème quadrille dans le corps de ballet. Si l’on compte bien, âgé de 15 ans, il dansait depuis quatre ans. Gustave 14 ans entré en 1896, depuis deux. C’était peu, mais pour les rares amateurs éclairés de chorégraphie, la troupe manquait cruellement d’éléments masculins. Le moment de redire que par la faute des élites parisiennes et de l’Opéra même, depuis plus d’un demi-siècle les danseurs étaient en France socialement disqualifié, et l’abus du travesti, « une des tares du

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ballet d’opéra français » (6) dixit le critique russe André Levinson décourageait les vocations : « La classe de Stilb, [est] bien peu intéressante en ce sens qu’elle ne comprend que des garçons — pouah ! » (7) lira-t-on dans le Gil Blas après l’examen de 1894. Même si les préjugés seront loin d’être abolis, il faudra attendre la vogue des Ballets russes de Serge Diaghilev pour noter une amélioration sensible. En

attendant, les danseurs que la passion dévorait, travaillaient avec acharnement. À preuve, jusque-là employés à la figuration, après l’examen de juillet 1901, au prix d’abondantes sueurs, Albert et Gustave passèrent directement sujets sans avoir été coryphées. Jane, la sœur d’Albert qui étudiait depuis 1896 avec Berthe Bernay fut reçue dans la 2ème section des quadrilles. Ce n’est toutefois que le 6 avril 1902 qu’ils firent parler d’eux … à l’ouverture

Gaspard Stilb, photo Wilhelm Benque j Aveline, par Serge Ivanoff, 1935 h Pedro Gailhard f

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de la saison sportive des cyclistes des Compagnies de chemins de fer. Car on ne l’a pas précisé, le père d’Albert était chauffeur de locomotive, celui de Gustave travaillait à la Compagnie du chemin de fer du Nord tout en se faisant un nom dans la musique. Par ailleurs, Stilb était un fervent cycliste, ce qui explique sans doute leur présence à cette course sur 11 km dans la campagne d’Aulnay-lès-Bondy. Le journal Le Vélo, ne dit pas s’ils coururent ce jourlà, mais raconte qu’une fête célébrant les vainqueurs fut organisée et qu’à la fin du repas, l’on dansa au son d’un orchestre formé d’un Aveline non prénommé, toutefois Albert et Louis jouaient de plusieurs instruments, de Gustave et de son frère Ernest, clarinettiste et cycliste émérite auquel nous avons déjà consacré un article. Quadrille, Ernest participera en 1906 à 16 ans au Tour de France dans l’équipe de Robert Peugeot. Pour l’heure, le 28 juin 1902, les frères Ricaux, Louis Aveline entré à l’Opéra et Jane charmeront le public lors d’un « brillant concert artistique » à l’Université populaire de Saint-Denis (8)

Le 26 novembre 1902, en soldat ou en bacchant, Albert et les Ricaux participèrent à la création d’une nouveauté : Bacchus, ballet en 3 actes de Georges Hartmann, musique d’Alphonse Duvernoy. Ce qui n’était pas arrivé depuis l’Étoile, ballet en 2 actes d’André Wormser, le 31 mai 1897. Un ballet étant le plus souvent couplé à un opéra, Pedro Gailhard qui entre ses séjours de conseiller municipal à Biarritz dirigeait désormais seul « la grande boutique », associa Bacchus aux Barbares de SaintSaëns. Zambelli s’illustra dans Érigone, Emma Sandrini dans la grande prêtresse Yadma, tandis que « le beau Bacchus » avait les traits de Louise Mante. Au reste, le 28 avril de l’année suivante, lorsque Hansen remonta au Cercle de l’Union artistique : Giselle, ou les Wilis (1841) ballet en 2 actes d’Adolphe Adam réglé par Jean Coralli et Jules Perrot, « qui eut autrefois à l’Opéra un si vif succès » (9) ; c’est encore Mante qui « joua avec son charme unique » le rôle d’Albert de Silésie, créé et tenu ailleurs par un homme. Deux ans plus tôt, en novembre 1901, Zambelli la Giselle du jour en avait fait l’expérience avec Nicolas Legat à St-Pétersbourg. Autrement, Sandrini était la reine des Wilis et pendant qu’Albert et les autres faisaient du vélo, au 1er acte les plus grandes du corps de ballet étaient des vignerons, les petites des vigneronnes. Chanceux, même s’il n’avait rien à faire, Félix Auguste Portalier, dit Paul Raymond, sujet-mime de 32 ans était le prince de Courlande, tandis qu’à 61 ans Hansen interprète de Silène dans Bacchus s’était réservé le rôle du garde-chasse Hilarion.

Selon la presse, le 2 novembre 1903 Albert et Gustave parurent dans la Maladetta (1893), ballet en 2 actes de Gailhard et

Hansen, musique de Paul Vidal qu’ils reprirent le 25 juillet 1904. Entre, ils incorporèrent le 22ème régiment d’artillerie caserné à Versailles. D’après le numéro tiré au sort, la durée du service était d’un an ou trois, Gustave en fit trois, du 31 octobre 1904 au 12 juillet 1907. Albert, on ignore pourquoi, « engagé volontaire pour quatre ans » servit du 2 mars 1904 au 24 juillet 1908, mais l’on sait à présent qu’il mesurait 1,62m. Sans autorisation particulière, ils parurent en 1904 et 1905 dans la Bacchanale de Tannhäuser de Wagner montée en 1895 par Virginia Zucchi et dans les hommes du peuple et les démons d’Armide de Gluck dont Hansen régla les danses le 12 avril 1905. Enfin dans les vendangeurs de la Ronde des saisons, ballet en 3 actes de Charles Lomon, musique d’Henri Büsser qu’Hansen créa le 22 décembre. En tête d’affiche, Zambelli y faisait couple avec Mante : « bon et gros garçon, joufflu, bien râblé » (10). En 1906, Albert et Gustave quittèrent près de vingt fois la caserne pour Tannhäuser, les Huguenots de Meyerbeer et la Ronde des saisons. En 1907, pour quelques Maladetta entre septembre et novembre. Seul Louis parut en sorcière le 25 novembre dans le Lac des Aulnes, ballet en 2 actes, livret et musique d’Henri Maréchal qu’acheva Gustave Vanara. Car débuté en juin, le 27 juillet Hansen expira à 65 ans. Sa retraite était déjà prévue et c’était aussi le dernier ballet de Gailhard, dont le privilège ne fut pas renouvelé malgré le bon état financier du théâtre. Nommés en janvier 1907, le musicien André Messager et Leimistin Broussan, qui dirigera les spectacles du Casino Municipal de Biarritz, lui succédèrent en janvier 1908. Avant, les co-directeurs congédièrent Vanara et nommèrent Léo Staats, 1er danseur et maître de ballet. Enfant de l’Opéra, âgé

Zambelli, Mante, la Ronde des saisons, photo Mathias Gerschel, 1905 g
Paul Raymond, photo R. Ener h

de 31 ans, élève de Stilb et déjà remarqué dans Bacchus, on l’affichait depuis 1905 dans les rôles de Mante avec Zambelli. Personnifiant le travail et connaissant à fond un art aimé passionnément, sans avoir fait ses preuves, sa nomination fit espérer Comœdia : « Grâce à lui, la danse retrouvera sa splendeur d’antan » (11). Sujet et professeur de la classe des garçons et des hommes, Félix Girodier devint 2ème maître de ballet.

Encore sous les drapeaux, en croisant les sources dont celles offertes par Karine Boulanger dans l’Éditioncritiquedujournal derégie de Paul Stuart (12), régisseur général de l’Opéra, on apprend qu’en 1908, Albert répéta du 3 au 10 janvier, Faust de Gounod joué le 25 en ouverture du nouveau directorat. À cette occasion, Staats refit la chorégraphie d’Henri Justamant datant de 1869. Toujours en janvier, le 29 Albert parut dans le Pas des mariés de Guillaume Tell de Rossini, puis le 11 mars dans les ensembles de Coppélia (1870), ballet en 3 actes de Charles Nuitter, musique de Léo Delibes et ce qui restait de la chorégraphie d’Arthur Saint-Léon. Zambelli y faisait couple avec Mathilde Salle ou Léa Piron en travesti. Enfin dans les Huguenots et Tannhäuser jusqu’au 30 mars, date où Staats repris un titre de Lucien Petipa : Namouna (1882), ballet en 2 actes de Nuitter, musique d’Édouard Lalo. Pour la première fois Albert pu lire son nom dans une chronique : « Interprétation chorégraphique puissamment réglée par M. Staats, lequel mime et danse lui-même le rôle d’Ottavio, avec une élégance, une vigueur et une jeunesse tout entraînante, solidement secondé par MM. Girodier, [Eugène] Férouelle, Aveline, [Georges] Cléret, [Jules] Javon, Ricaux, [Marcel] Milhet » (13). Libéré en juillet avec un certificat de bonne conduite et le rang de Brigadier brancardier, le 26 août Albert tint son premier rôle : le Marié dans l’Étoile, mais c’est après l’examen du 5 novembre qu’Albert Blavinhac nota : « Chez les

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hommes, M. Aveline et M. Ricaux furent étourdissant de virtuosité, ce qui n’étonne personne » (14). Plus tard, entouré de Gustave et de Georges Cléret, bientôt maître de danse à l’École militaire de Joinville et Secrétaire général à l’Opéra du Syndicat national de la Danse, Albert parut dans les Trois jeunes gens de Javotte, ballet en 3 tableaux de Jean-Louis Croze et SaintSaëns que signa Staats le 5 février 1909. Ce n’était pas une nouveauté, sous la baguette de Saint-Saëns, ce ballet champêtre avait été créé à Lyon, le 3 décembre 1896 par Jean Soyer de Tondeur et à Bruxelles, le 18 décembre 1896 par Camille Laffont. Et sans parler de Giorgio Gaetano Saracco à Milan et d’Ugo Perfetti à Barcelone, Mariquita l’avait monté à Favart le 23 octobre 1899 avec Edea Santori et Jeanne Chasles dans le rôle de Jean, alors qu’un homme l’interprétait jusque-là. Ce que Staats fit à l’Opéra. Mariquita confiera toutefois en 1911 : « Pour moi, le travesti est une anomalie ; il est ridicule et il faut le dire, indécent. L’exemple des Ballets russes a dû nous servir de leçon, et si on m’y autorise, j’ai la ferme intention de former cet hiver quelques danseurs qui complèteront heureusement la troupe de l’Opéra-Comique » (15)

Pour retrouver Stuart, le 9 février 1909, le lyonnais nota : « Staats, qui s’est blessé hier à Armide, ne pourra pas danser samedi. Aveline le remplacera ». En effet, les 13 et 20 février, mais aussi en mars, Albert dansa Javotte avec Zambelli. La direction ne convoqua pas la presse, mais en considérant que Staats s’était blessé en répétant Armide, le Gil Blas publia : « Léo Staats, maître de ballet de l’Opéra, s’est fait, l’autre jour, une déchirure au pied, en dansant Javotte : massages et bains le guériront en huit jours. En attendant, son rôle est tenu par M. Aveline » (16) Parallèlement, on répétait les parties dansées de Bacchus de Massenet qui vit jour le 5 mai. Le lendemain Anna Johnsson, Henriette de Moreira, Gustave et Albert firent assaut d’entrain au Trocadéro dans Danses hongroises de Staats sur des airs de Messager, Brahms et Charles-Marie Widor. Et glissons que le 13 juin lors de la Fête de Comœdia, Louis, Ernest Even, Robert Quinault et d’autres participèrent à des courses en sac ou à pied. Sinon, le 31 juillet Stuart nota : « Messager va à Biarritz ». Le 1er août, dansant sur le théâtre du parc de Pont-aux-Dames au profit de la maison de retraite des comédiens, Fernande Cochin, Henriette Laugier, Gustave et Albert obtinrent un succès mérité dans Danses hongroises avant de retrouver Coppélia, Guillaume Tell, les Huguenots à l’Opéra, Stuart notant le 24 août : « VuM.Messager. Je lui rends compte [de la] représentation [des] Huguenots. Il m’annonce le départ [de] Staats ». Au vrai, l’information avait déjà fuité, car le lendemain Comœdia publia : « Il est vaguement question du départdel’undesmaîtresdeballetactuels.

André Messager et Leimistin Broussan, 1907 j Léo Staats, la Maladetta, Atelier Nadar h

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Il serait remplacé par une artiste qui exerce les fonctions de maîtresse de ballet dans l’un de nos plus grands théâtres et qui fit partie jadis, de la troupe des danseuses de l’Opéra » (17)

Le 1er octobre 1909, Luigia Manzini, dite Louise Stichel fut présentée à la troupe. 1ère danseuse à la Gaîté en 1884 après avoir quitté l’Opéra où elle n’avançait pas, la milanaise « travailleuse acharnée et énergique » (18) était parvenue à « atteindre à la renommée, sans jamais se faire de réclame » (19). Liée au Châtelet depuis 1903, dès le lendemain de sa réception, cette « femme remarquable dont les idées sont toujours heureuses » (20) fit répéter Tannhäuser : « Il y a du changement ! » nota Stuart, avant d’écrire le 16 octobre à propos de Faust : « Le ballet, réglé à nouveauparStichelfaitbeaucoupd’effet ». Ce que confirma Comœdia : « En quinze jours à peine, [Mme Stichel] a formé un ballet de Faust nouveau dont la splendeur et la grâce laissent très loin derrière lui ses devanciers » (21) Le Petit Journal d’ajouter plus tard : « Enfin, la danse a un chef, cela se reconnaît aux moindres détails » (22). On oubliera l’affaire du Concours international de danse auquel Albert et Gustave désirèrent sans doute prendre part. Suivant Comœdia, « pour ne point faire de jaloux » (23) Stichel avait assuré que la liste entière des effectifs serait transmise, ce qu’elle ne fit pas provoquant l’ire des non-inscrits. Organisé au Châtelet par l’Association des Artistes dramatiques et fixé au 22 février 1910, ce concours fut de toute façon annulé en raison des inondations provoquées fin janvier par la crue de la Seine : « On court après des pompes et de la lumière » s’alarma Stuart. Néanmoins, le 16 février, « d’une richesse, d’une variété, d’une originalité qui sont une véritable révolution dans la chorégraphie » (24) Stichel créa la Fête chez Thérèse, ballet en 2 actes d’Abraham Catulle Mendès, musique de Reynaldo Hahn, dans lequel un grand nombre d’interprètes pu révéler son talent. « Malicieux et léger », avec Johnsson en Arlequine, Albert tenait le rôle de Gilles, et Georges Boyer, qui ne devait avoir d’yeux que pour les danseuses levant la jambe, d’écrire : « Nous avons vu parmi les hommes un nouveau : Albert Aveline appelé à un brillant avenir » (25) « Tournoyant Arlequin », Gustave fut distingué par Robert Brussel : « les dix tours de M. Ricaux qui finit sur un double tour de pirouette sur la jambe opposée » (26) avant de lire : « MM. Aveline et Ricaux contribuèrent à l’éclat de cette belle soirée » (27). Enfin, résumant une opinion partagée, Jean Drault dit au sujet de la troupe : « Ils m’ont semblé surpasser, dans leur ensemble, les danseurs russes, dont on a tant parlé l’an dernier » (28). En mai 1909, à raison pour une fois, le Tout-Paris s’était fait un devoir d’applaudir au Châtelet les prodiges des Ballets russes ; en juin 1910 ils investirent le palais Garnier avec

entre autres, Tamara Karsavina et Vaslav Nijinski dans Giselle. Alors, l’illustrateur Gustave Blanchot, dit Gus Bofa lança : « […] Quant aux danseurs, fournissez à Ricaux ou bien à Aveline, pensionnaires de l’Opéra, l’occasion de se produire dans les ouvrages où Nijinski, Fokine, Legat, Lapoukoff trouvent des rôles appropriés et vous verrez de merveilleux exécutants de pas difficiles sur notre première scène chorégraphique » (29). Entre, le 30 mars 1910, on reprit Javotte qu’Albert dansa avec Aïda Boni : liée à la Monnaie de Bruxelles, élève à Milan de Marguerite Wuthier, elle avait été recrutée comme 1ère danseuse. À ses côtés, Albert parut ensuite dans un succès de l’Espagnole Rosita Mauri, la Korrigane (1880), ballet en 2 actes, de François Copiée et Louis

Mérante, musique de Widor réaffiché le 29 juillet. Époque où Louis se blessa avant d’être renvoyé de l’Opéra.

Autorisé par la direction à la condition que son service de quadrille n’en souffre pas, depuis le 26 novembre 1909, Louis « magnifique athlète » avait été engagé par les frères Émile et Vincent Isola pour danser à la Gaîté-Lyrique aux côtés de Natacha Trouhanowa et Robert Quinault dans Quo vadis ? de Jean Nouguès, dont Jeanne Chasles avait signé la chorégraphie avec « le corps de ballet si bien discipliné par l’excellent [Félix] Sicard » (30). En juillet 1910, Louis se blessa, mais rétablit, le 2 octobre « alerte et plaisant » il fit la réouverture de la Gaîté avec la 91ème représentation de Quo Vadis ? Et Stuart de noter le 5 octobre : « L. Aveline malade avec certificat de médecin soi-disant danse à la Gaieté [sic] ». Prétextant qu’il dansait sans

Aïda Boni, Carmen, photo Georges Dupont-Eméra g
Louise Stichel, Sporting & Dramatic News, 1893 h Gustave Ricaux, Giselle, photo Fred Boissonnas, 1927 i

autorisation, le 17 novembre, Messager et Broussan le congédièrent. « Encore un... de perdu » (31) lâcha Le Ruy Blas. Mais son renvoi n’ayant pas été exécuté dans les règles, les directeurs furent condamnés à lui verser un dédit de 1.800 frs en 1911, avant d’avoir gain de cause en 1912.

Pour sa défense, avant de s’embarquer en avril 1911 pour l’Amérique, il avait déclaré n’avoir reçu aucun avis de venir à l’Opéra depuis sa guérison. Mais sans doute la direction n’attendait-elle qu’un faux pas pour le licencier, car Louis militait semble-t-il au Syndicat des artistes chorégraphiques créé en 1904 par la maîtresse de ballet, Mathilde Coschel et réactivé en août 1909. En tout cas, alors que leur sœur Georgette était entrée dans le 2ème quadrille après l’examen du 30 novembre 1909, le 28 décembre Louis et Jane furent cités parmi les délégués reçus par Messager et Broussan. En abrégé, la veille avant Coppélia, les danseurs avaient déclaré se refuser d’entrer en scène, si la direction qui n’avait pas voulu recevoir une délégation de leur syndicat, ne revenait pas sur sa décision. Quelques jours plus tôt, d’après le journal L’Autorité, « les directeurs avaient répondu qu’ils ne voyaient pas l’utilité d’une entrevue avec une délégation syndicale ; ils jugeaient préférable de recevoir individuellement ceux des danseurs qui pouvaient avoir à présenter des revendications, ceuxci étant non des employés mais des artistes ayant chacun des conditions de travail différentes » (32). Des pourparlers s’engagèrent, et la direction promettant d’étudier les doléances dès le lendemain, le spectacle eut lieu avec un quart d’heure de retard, si on fait la moyenne des échotiers qui titrèrent : « Unincidentassezgraves’est produit hier soir à l’Opéra », « L’Agitation syndicaliste à l’Opéra », « Des danseurs agités », etc. Parmi leurs desiderata : le relèvement des salaires, la suppression des divisions dans les quadrilles et l’unification des appointements à 1.800 frs par an. Étrangement, ils obtinrent à la fois une augmentation et la diminution de leur temps de travail : « Le temps des répétitions ne devra pas dépasser désormais un total quotidien de deux heures et demie de travail » (33). La presse des possédants moqua cette « grève des mollets », mais aussi Le Radical, l’organe du parti radical-socialiste qui sous la plume de Louis Latapie, futur président du Syndicat des journalistes parla sans rire de « la contamination du syndicalisme » et déclara radicalement : « Les danseurs, eux, sont certainement les êtres les plus inutiles dans la société » (34)

Laissé en 1910, sans avoir dit qu’il dansa le 10 juillet à Pont-aux-Dames le Tambourin de Stichel entouré de quatre camarades dont Antonine Meunier connue à Biarritz. À l’Opéra, Albert enchaîna jusqu’en octobre la Korrigane, remis en répétition

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par Rosita Mauri, la Fête chez Thérèse et Monna Vanna, drame lyrique d’Henry Février mis en scène par Stuart sans écho chorégraphique. Puis, le 28 octobre, parmi quatre délégués élus par le Ballet, auprès de Messager, Broussan, Stuart, Stichel et Henri Domengie, régisseur de la danse, Albert siégea pour la première fois au jury de l’examen d’avancement avec Zambelli, Gustave et André Maurial, danseur représentant du Syndicat. C’était une des

revendications des « gréviculteurs » et une « vraie corvée » pour Stuart, ancien ténor : « Il y a un examen de danse auquel je suis obligé d’assister comme membre du jury. C’est une vraie corvée. Ça nous fait rester à l’Opéra jusqu’à 6h20 ». Sinon, les 19 et 26 novembre avec de Moreira et Théodore Bourdel, plus tard chorégraphe de danses sur glace, Albert parut au Théâtre du Gymnase dans le Devin du village de JeanJacques Rousseau, joué par Yvette Guilbert Aveline, Johnson, la Fête chez Thérèse, Atelier Nadar h

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et réglé par Stichel. Laquelle avait débuté le 19 octobre les répétitions d’un drame lyrique de Georges Hue, le Miracle, dans lequel faisant abstraction de la hiérarchie, elle avait multiplié les rôles : « Une manière de révolution » (35) dit Robert Brussel. Elle eut lieu le 30 décembre, mais avant le 3 décembre Stuart nota : « Les auteurs du Miracle me prient de m’occuper du final du ballet et je trouve une chose qui leur convient. Mais Mme Stichel, qui devait venir me voir, n’est pas venue, elle ne s’occupe guère de son affaire ». Il fallait être du métier pour la comprendre et Stichel s’occupait justement de ses affaires, puisque s’estimant victime d’attaques de Comœdia aux origines de son renvoi du Châtelet, et à l’heure où l’on parle du nonrenouvellement de son contrat à l’Opéra, elle venait de perdre son procès contre le journal. Par ailleurs, ayant assigné Mme veuve Catulle Mendès et Reynaldo Hahn devant la 3ème chambre. Le 11 janvier 1911, elle allait demander au Tribunal civil de la Seine d’ordonner que son nom soit imprimé sur le livret et les affiches de la Fête chez Thèrèse à côté de celui de Hahn et de Mme Catulle Mendès, héritière des droits de son mari. Elle prétendait, en outre, avoir droit à un tiers des droits d’auteur : « Votre rôle est celui d’un simple metteur en scène. Donc, pas de droits ! » dit l’héritière. Ce à quoi Stichel répondit : « Sans moi, que serait votre œuvre ? Rien du tout. Le livret qu’imagine l’auteur n’est qu’un pâle canevas, et ne vit que par les figures que je combine et la féerie de mon esprit. Le musicien et moi sommes tout ; vous n’êtes pas grand-chose ! » (36) Tout en ricanant la presse trouva qu’elle soulevait un point de droit intéressant. En attendant, le 10 février 1911 le Tribunal lui donna raison, mais Jeanne Mette, dite Jane Catulle Mendès n’écrivait pas que des poèmes, car selon Hélène Marquié : « le 5 juillet 1919, la cour d’appel de Paris infirma le jugement de 1911 » (37)

Durant ce temps, outre les opéras, Albert reprit la Maladetta et le Devin du village le 31 janvier au Théâtre des Variétés. Ce fut ensuite Javotte, puis le 3 mai sur des pièces d’Emmanuel Chabrier, España, ballet en 1 acte que fustigèrent nombre de critiques, sauf ceux liés à la direction, tel Hahn. Ainsi le Gil Blas nota par exemple : « On a assassiné un musicien, Chabrier a péri, vers minuit sous les efforts combinés de Mme Catulle Mendès et des maîtres de ballet que cette librettiste audacieuse avait cru devoir s’adjoindre. Les rythmes chauds […] profondément évocateurs de l’Espagne, présentés dans un décor à la française – un village de Bresse ! – parmi des costumes Directoire – ce sont là fautes graves, véritable attentat contre la compréhension de l’art dont Mme Catulle Mendès portera la lourde charge » (38). On oubliera la chronique de Judith Gautier, épouse malheureuse d’Abraham Catulle Mendès, car on l’a compris Jane Catulle

Mendès était l’auteur du livret : « On vous a imposée à moi Madame. Sans la direction de l’Opéra, j’aurais amené ici, pour Espana le maître de ballet de mon choix » dit-elle à Stichel. « Qu’à cela ne tienne. Je vais essayer de vous faire donner satisfaction, car moi je ne demande pas mieux » (39) Dès lors, on appela Staats qu’assista Rosita Mauri. Sans écho, Albert tint le rôle de Sylvain, tandis qu’atteint de russomanie aiguë, le maestro Francis Casadesus plaida pour « la rutilance rythmique d’un maître de ballet russe » (40). Cela tombait à pic, car avec l’éternelle ambition de faire renaître l’Art chorégraphique, le 15 septembre 1911, la direction présenta Ivan Clustine au personnel. Le 25 août Stuart avait noté : « M. Broussan m’avait confié sous le sceau du secret la nouvelle du renvoi de Mme Stichel et de son remplacement par M. Clustine, maître de ballet russe. Tous les journaux en parlent. En voilà un secret ! ». S’affichant comme progressiste : « Il est de notre devoir de sortir des traditions de la hiérarchie, des banalités remâchées pour traceruncheminnouveau» (41), le moscovite arrivait de Monte-Carlo où depuis 1905, 1er danseur de Saracco, il réglait parfois les ballets au Palais des Beaux-Arts. Là où Stichel n’eut droit qu’au minimum, on fit valoir à pleines colonnes sa notoriété parfois semée de mensonges que corrigea Saracco et ses réformes qui donnaient raison à ses devanciers : « D’abord la suppression des travestis au bénéfice des hommes qui tiendront désormais, dans les divertissements, les rôles de leur sexe, puis l’allongement du tutu que j’estime disgracieux, même ridicule. […] Quant à l’ordre, à la discipline, à l’exactitude aux leçons comme aux répétitions, je les exigerai sévèrement, certain de les obtenir. Je ne doute de la bonne volonté de personne, je connais, d’autre part, le talent des artistes du ballet de l’Opéra » (42) Notons qu’il voulut rétablir le 3ème acte

Ivan Clustine k
Jane Catulle Mendès, photo François Chéri-Rousseau h

de Coppélia supprimé en 1872. Mais vu que la Fille aux yeux d’émail était presque toujours diminuée d’une bonne moitié, pour ne pas dire éborgnée. Ce n’était pas gagné ! Il souhaita aussi que l’on consacrât comme en Russie ou à Monte-Carlo des soirées entières au ballet. Ce n’était pas gagné non plus !

Entre la Maladetta, Roméo et Juliette de Gounod et le Cid de Massenet, Clustine débuta le 20 septembre par la Roussalka, ballet en 2 actes d’Hugues Le Roux et Georges de Dubor, musique de Lucien Lambert entamé par Stichel le 5 juin. « Il n’est pas exagéré de dire que Mlle Zambelli et M. Aveline égalent les plus brillants virtuoses de la danse qui, naguère, furent portés aux nues par la presse parisienne » (43) publia Comœdia pour

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entretenir le moral des deux artistes en attendant la première du 6 décembre : « À l’exception de M. Aveline, qui se trouve être le jeune et séduisant seigneur, les danseurs sont un peu sacrifiés. Nous n’en sommes pas encore à l’authentique ballet russe » (44) s’impatienta le Gil Blas. Quant au Figaro invoquant des « conceptions modernes de la danse », il livra quelques exemples tel un pas de deux dansé au 1er acte par Albert et Zambelli : « Sur le thème d’amour de la chorégraphie russe, c’està-dire empruntant aux bras et aux mains de nombreux gestes de coquetterie », ou encore exécutées au 2ème acte par Zambelli, Johnsson et Marthe Urban des : « Variations qui sont dans le caractère des variations et des groupes célèbres de Giselle et de la Chopiniana, si goûtée à Paris sous le titre des Sylphides » (45). C’était

en effet le dernier cri du modernisme ! Plus sérieusement, combinant la réalité au surnaturel, la Roussalka tirée d’un drame de Pouchkine n’était pas sans rappeler la Maladetta, la Ronde des saisons, le Lac des Aulnes, ce dont Clustine qui allongea les jupes de tulle à cette occasion n’était pas responsable. Et Arthur Pougin de conclure : « Voilà un ballet qui ne révolutionnera certainement ni l’art de la danse, ni l’art musical. Rarement, et sous quelque rapport qu’on l’envisage, avonsnous vu spectacle plus indifférent et plus complètement dépourvu d’originalité » (46) Sinon, depuis les années 1880 et les recherches de Laure Fonta, de l’Opéra des danses plus anciennes étaient à la page, ainsi le 7 décembre Albert et Georgette Couat dansèrent la Matelotte d’Hippolyte et Aricie de Rameau au Théâtre SarahBernhardt. Autrement, on relèvera le gala à la Gloire de l’aviation française donné le 19 décembre à l’Opéra. On y créa Icare, épopée lyrique composée par Henry Deutsch, dit Deutsch de la Meurthe, amis des arts et de l’aéronautique, mais aussi magnat du pétrole, qui dirigeait avec son frère Émile d’importants établissements industriels fondés par leur père. Réglé par Clustine, Albert dansa alors avec Zambelli le ballet des nations de Patrie, succès lyrique d’Émile Paladilhe, tandis que Nijinski et Karsavina parurent dans le Spectre de la rose de Michel Fokine, musique de Carl Maria von Weber. La troupe de Diaghilev occupant les lieux, ils le redansèrent le 28 décembre avec Carnaval, les Sylphides, Shéhérazade. Ce jour-là Albert siégea à nouveau à l’examen avant de se fouler le pied.

Le 5 janvier 1912, Cléret le remplaça dans le Cid, le lendemain Clustine le suppléa dans la Roussalka. À 52 ans, il devançait son début prévu le 24 janvier dans le Cobzar, drame lyrique roumain de Gabrielle Ferrari dont il avait déjà dansé ou réglé les pas à Monaco en 1909. L’ouvrage ne fut donné que le 30 mars, car le 15 janvier, Stuart nota : « Nous ne jouons pas le ballet [la Roussalka], les danseuses et les danseurs ayant trouvé bon de se mettre en grève au dernier moment sous un de ces prétextes comme seuls ils savent en inventer ». Après l’examen, le Syndicat avait écrit à la direction pour demander le relèvement des appointements des

Aveline, Hugues Le Roux, Zambelli, la Roussalka, 1911 f

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sujets femmes et le renvoi de Marietta Ricotti et Marceline Rouvier réintégrées dans la troupe sans concours. Glissons que la saison précédente, le 12 juin 1911 les artistes syndiqués s’étaient mis en grève avant Coppélia, le public avait alors crié de « foutre à la porte » les grévistes. Cette fois, sauf Zambelli et Boni, mais la presse n’est pas d’accord, les 104 membres de la troupe furent licenciés. Ceux de l’Opéra-

Comique n’étant pas disponibles, on fit appel à des figurants dans les opéras jusqu’au 22 janvier, date où Stuart nota : « La Danse a capitulé sur toute la ligne et s’est inclinée devant les conditions des directeurs ». Le 25 « avec des mises à pied plus ou moins longues » pour les meneurs, parmi lesquels le danseur Alfred Baron auteur de Les Petites coulisses de l’Opéra (1913) on fit signer de nouveaux contrats,

et Excelsior d’écrire : « D’aucuns sont venus avec leurs familles, dont tous les membres contractent des engagements. C’est que, dans le corps de ballet, les parentés sont nombreuses. […] Parmi les danseurs, M. Aveline, danseur étoile est le mari de Mme Even, le frère de Mlle Aveline et le beau-frère de M. Even » (47). En effet, le 2 février 1907, Albert avait épousé Marie Eugénie Even, née à Paris le 18 avril 1885, fille de Jacques Even décédé et d’Ernestine Avenel. Âgée de 22 ans Marie vivait alors chez sa mère qui travaillait comme culottière, et parmi les témoins du mariage se trouvaient son frère Ernest et Léonard Staats, puisqu’il se prénommait ainsi. Mais point de Gustave, ce qui permet de dire qu’il avait quitté l’Opéra en 1911.

Le 20 mars Stuart nota : « Bonne représentation de la Damnation de Faust, mais ça ne fait décidemment pas d’argent, malgré l’adjonction d’un ballet ». Albert n’y participait pas, sous le bâton de Clustine, il répétait les Deux pigeons (1886) ballet en 2 actes de Mérante, soidisant « réclamé à maintes reprises par les abonnés et les habitués de l’Opéra » (48) Vu que Messager en était le compositeur, c’était aussi joindre l’utile à l’agréable. En tout cas avec les mots d’Albert Renaud, le 30 mars : « On [fit] un succès enthousiaste à cette ravissante partition ! » (49). On bissa même les pas de Zambelli (Gourouli) et de Boni (Djali) et comme au bon vieux temps, on fit fête à Meunier (Pépio) en travesti. « Fougueux et nerveux », Albert était un Tzigane, « qui fait songer tour à tour à Vestris, le voltigeur, ou à Paul, l’aérien » (50) Le rédacteur du Gil Blas connaissait ses classiques ou était sans âge. Le même soir, Clustine débuta dans le Cobzar : « Il s’y montr[a] une telle ardeur qu’il [fut] sur le point d’en perdre plusieurs fois sa haute coiffure » (51). Le lendemain, Broussan parti se reposer à Saint-Jean-de-Luz. Plus tard, le 15 juin dansant toujours les Deux pigeons et la Roussalka, Albert parut avec Boni dans un extrait du Cobzar au Five o’clock du Figaro, puis le soir avec Johnsson à l’Apollo dans le Rêve du Pêcheur « un délicieux ballet » dont on ne sait rien. En revanche, Pas de cinq en 1850 dansé le 29 juin chez le marquis de Pomereu, avec Meunier, Laugier, Annetta Pelucchi et Chasles était de cette dernière. Sur une musique d’André Pradels, Chasles avait reconstitué une série de danses applaudies entre 1840 et 1850, et pour tout dire, elle en avait donné la primeur le 14 juillet 1910 dans son école du boulevard Malesherbes avec Paul Raymond.

Le 27 septembre, rentré de congés, Albert reprit la Fête chez Thérèse : « Reynaldo Hahn, que j’ai vu tantôt, ne m’a pas paru enthousiasmé de la façon dont la Fête chez Thérèse est remontée » nota Stuart et Alfred Baron d’ajouter : « Ne l’oublions pas : Mlle Stichel n’était plus là » avant d’expliquer : « M. Clustine a

Jacques Rouché, photo Louis Meurisse, 1920 k Aveline, Philotis, photo Auguste Bert, 1914 g
Johnsson, Castor et Pollux, photo Auguste Bert, 1918 h

l’éminente qualité de ne pas démanteler les chorégraphies de ses prédécesseurs. Respectueux des ballets inconnus de lui, il abandonne à son subalterne [Félix Girodier] pour un instant, le commandement. […] Hachée, bafouillée, assassinée, la Fête chez Thérèse fut remisée le 9 octobre » (52). Mais le 31 octobre, d’après Euripide vint les Bacchantes, ballet en 2 actes de Félix Naquet, musique d’Alfred Bruneau que Clustine régla « avec un art et une intelligence rares » (53) tout en tenant le rôle de Penthée. Mêlant « à ses pas anciens des poses de profils et des bondissements inspirés par les bas-reliefs (54) Zambelli (Myrrhine) enchanta tout le monde. Six mois plus tôt au Châtelet, Nijinski avait aussi cherché à restituer la beauté de la fresque et de la statuaire antiques dans l’Après-midi d’un faune, ce qui n’avait sans doute pas échappé à Clustine. Mais ce dernier ayant attribué à Mariquita « la première place comme propagatrice de l’évolution de l’art de la danse en France » (55), notons qu’elle avait en 1904 mis en scène à Favart : « un faune tordu par le désir » et réglé « des danses d’un curieux archaïsme » donnant « l’exacte sensation de bas-reliefs antiques » dans Alceste de Gluck. Quant à Albert (Bacchus) selon Paul Abram, le « danseur expérimenté » s’était contenté « d’un rôle de mime » (56), mais Comœdia écrivit tout de même : « J’admire le délicieux Aveline qui [danse] les jambes nues – et quelles jambes ! – et qui semble un soleil ambulant tant son costume à de paillettes d’or » (57) Les Bacchantes firent toutefois l’unanimité pour le luxe des costumes et des « trois décors neufs ».

Tandis que Louis faisait « montre d’une virtuosité chorégraphique rare » (58) au Théâtre des Arts de Jacques Rouché. Citons seulement Ma mère l’Oye de Ravel réglé par Jane Hugard, le 28 janvier 1912. Albert enchaîna les Bacchantes, les Deux pigeons et le Cid avec Boni. Zambelli prenant selon Stuart « des congés à tirelarigot ». Le 29 janvier 1913 monté par Clustine « avec un très grand soin et une fantaisie du meilleur goût » (59) en couple avec Boni, ce fut Namouna : « M. Aveline bondit, tournoie avec une souple et sûre virtuosité » (60) nota Bruneau, le musicien des Bacchantes, mais Pierre Lalo, le trouva aussi « plein de fougue et d’adresse » (61)

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Quant à Louis venant de paraître avec Ariane Hugon dans Pygmalion, acte de ballet de Rameau et Staats au Théâtre des Arts ; le 19 avril il dansa la Péri de Paul Dukas avec Trouhanowa aux ChampsÉlysées. Puis « de retour d’une grande et fructueuse tournée en Amérique », le 2 décembre au Casino de Monte-Carlo. La presse ne le citant pas, Clustine avait créé la Péri le 22 avril 1912 au Châtelet pour Trouhanowa et Alfred Bekefi dans le rôle d’Iskender. Mais preuve qu’elle était parfois mal informée, alors que Louis n’était plus à l’Opéra, Serge Basset nota dans Le Figaro : « C’est grâce à l’amabilité et à l’extrême obligeance de MM. Messager et Broussan que le délicieux danseur a pu, depuis le début de la saison, triompher au théâtre des Arts » (62)

Tout en dansant Javotte, depuis le 7 avril, Albert répétait avec Clustine : Suite de danses créée le 23 juin sur des pages de Chopin, orchestrées par Messager et Vidal : « La Suite de danses de Chopin obtiennent [sic] un très gros succès. C’est vraiment fort joli et admirablement réglé. Je crois que ce sera un succès » nota Stuart. Costumé par Joseph Pinchon et promettant « un décor délicieux » alors qu’il recyclait le parc dessiné par René Rochette et Marcel Landrin pour le 2ème acte de la Fête chez Thérèse, « ce ballet sous-Directoire d’après du sous-Watteau transporté dans un cadre Louis XIV » (63) dont Clustine avait imaginé le « scénario » et « l’ingéniosité des figures » obtint en effet un franc succès. Il faut toutefois associer les échos de Charles Tenroc et d’Albert Blavinhac pour se faire une idée de ce « divertissement d’une durée d’un peu plus d’une demiheure ». Ainsi selon Blavinhac : « Clustine constatant l’accueil des plus favorables fait, chaque année, à l’un des ballets représentés par la compagnie de M. de Diaghileff, les Sylphides » (64), mêla à « la mièvrerie somptueuse et mignarde des passe-pieds et des rigodons » (65) « en robes vaguement Directoire par les petits sujets », des « variations pour les étoiles et les grands sujets – variations exécutées par les artistes femmes dans le costume classique de la danseuse, mais avec la jupe demi-longue de l’époque de Chopin ». C’est pourquoi, neuf ans plus tard, Levinson dira : « la Suite de danses est ostensiblement une réplique des Sylphides russes » (66). Mais y pour voir comme de nos jours « un hommage à l’école française teinté des influences russes des Sylphides de Fokine », il faudra attendre 1937 et la version « entièrement reconstituée […] par M. Albert Aveline dans des décors et costumes neufs » (67). Pour l’heure, tel Louis Saront assurant : « Hier soir, […] M. Aveline a égalé M. Nijinski » (68) , plusieurs comparèrent Albert au danseur russe. Tenroc ajoutant : « Notons le succès de M. Aveline, bissé cruellement dans un pas difficile » (69). Tandis que certainement mal placé, Adolphe Jullien ne vit pas

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Albert, mais : « M. Louis Aveline, autour de Mlle Zambelli, toujours très gracieuse » (70) Et fertile en imagination, il suggéra deux autres titres : « Mais pourquoi donc s’être contenté d’un titre aussi peu précis que celui de Suite de danses, alors que d’autres semblaient s’imposer : la Chopinette, par exemple, ou bien encore À la manière des Russes ? »

Se faisant souvent du mauvais sang, les 17 et 24 septembre 1913 Stuart nota tour à tour : « Maurice Reclus [chef de cabinet du sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts] me dit de ne pas croire à tous les racontars de la presse ou d’ailleurs. Il pense que nos directeurs resteront. En tous cas, il est persuadé que M. Messager restera ». Puis : « Comœdia annonce, par sous-entendus, dans un entrefilet publié en 1ère page, que les nouveaux directeurs de l’Opéra seraient [Marius] Gabion et Rouché ». Animé d’un esprit novateur dont il avait preuve au Théâtre des Arts, marié à l’héritière des parfums L.T. Pivert et jouissant à ce titre d’une fortune lui permettant d’assurer le bon fonctionnement de l’Opéra : « En sorte que c’est M. Rouché qui subventionne l’État, pour avoir l’honneur de diriger l’Opéra » (71) dira en 1924 le député radical

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Antoine Borrel ; Rouché qui injecta dit-on 22 millions de francs or dans les caisses fut nommé le 31 octobre 1913 pour entrer en fonction le 1er septembre 1914. Entre, Messager et Broussan démissionnèrent le 10 juillet 1914 pour faillite. Avant, le 18 février 1914 Clustine régla pour Zambelli, Philotis, danseuse de Corinthe, ballet en

2 actes de Gabriel Bernard, musique de Philippe Gaubert. « En constant progrès », Albert tenait le rôle du joueur de luth, Lycas, et Edmond Stoullig d’écrire : « M. Aveline, l’amoureux, imite Nijinsky avec habileté et bondit presque aussi haut que son illustre modèle » (72). Puis, le 22 juin ce fut Hansli le bossu, ballet en 2 actes d’Henri Cain et Édouard Adenis, musique

de Jean et Noël Gallon. Donnant « une légèreté extrême aux bonds joyeux de Hansli » (73) Albert tenait le rôle-titre.

Six jours après, le 28 juin, l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo entraînait l’Europe dans la guerre. Se penchant sur les artistes mobilisables, Comœdia avait écrit le 1er août, veille de la Mobilisation générale : « N’oublions pas le corps de ballet qui est tout désigné pour le corpsdeschasseursàpied.Àleurtête,nous verrons partir d’un pied léger, M. Aveline. Espérons qu’il mènera une danse victorieuse pour la France » (74). Habitant Asnières, Albert fut d’abord affecté comme infirmier brancardier au 42ème régiment d’artillerie à Laon et passa ensuite au 19ème escadron du train, au 2ème régiment d’artillerie coloniale et enfin à la section des infirmiers coloniaux avant d’être blessé le 22 août « par un éclat d’obus dans la partie supérieure de la cuisse gauche au combat de Rossignol (Belgique) ». En novembre Le Gaulois publia : « Des deux frères Aveline, les danseurs si appréciés, l’un, aux dernières nouvelles, était blessé et prisonnier ; l’autre n’a pas reçu moins de trois blessures, au bras, au ventre et à la cuisse : sa naturelle vaillance ne s’en est pas trouvée altérée » (75). Alors que le combat avait fait 7.000 morts côté français, Albert fut soigné à Schönebeck (Elbe) avant d’être interné en décembre au camp d’Altengrabow (Saxe). Chaque camp ayant son théâtre : « On jouait des revues de Joë Bridge [parolier américain] dont l’une, la Conférence de la paix, où Aveline figurait le dieu de la discorde, obtint un succès immense » (76). Selon sa fiche matricule, Albert rentra de captivité le 16 juillet 1915 avant de reprendre sa place à l’Opéra en septembre. En raison du conflit et de travaux de rénovation, alors que les artistes n’étaient plus payés depuis le début des hostilités, l’activité avait repris entre février et avril 1915 au Trocadéro avec quatre matinées à caractère patriotique, et ce n’est qu’en décembre, malgré des équipes incomplètes que Rouché rouvrit les jeudis et dimanches à Garnier avec des matinées valorisant le patrimoine. Avant, le 27 novembre « le glorieux blessé » dansa avec Zambelli à la Comédie-Française dans Gretna Green (1873), ballet en 1 acte de Nuitter et Mérante, musique d’Ernest Guiraud réglé par Staats engagé par Rouché à la place de Clustine. Puis le 9 décembre, il retrouva l’Opéra. Captivée par « le bataillon rose des danseuses », la presse ne livra pas le programme des « jambes d’Aveline », le 12 décembre il parut toutefois dans le Cid, le 19 dans un tableau de Javotte, le 9 janvier 1916 dans l’Orfeo de Luigi Rossi, etc. jusqu’au 5 février où l’on put applaudir les pas les plus fameux « des grands ballets français » : Sylvia, Javotte, l’Étoile, le Cid, les Deux pigeons, la Korrigane, la Fête chez Thérèse. En l’absence de Staats, mobilisé, Rosita Mauri avait « serti » avec

Aveline, Hansli le bossu, photo Auguste Bert, 1914 h

Albert « ces joyaux de notre patrimoine » dansés sans écho. En revanche, les retours de congés de Zambelli faisant évènement, l’on sait qu’Albert manifesta « son élégante virtuosité » dans Suite de danses le 2 mars. Notons que sa sœur Georgette se produisait alors au Palais de Glace. On ignore tout de Jane, quant à Louis servant au 2ème Groupe d’Aviation, caporal, puis sergent, le 27 avril 1916 au Centre d’aviation militaire d’Ambérieu (Ain), il joua dans À tired’ailes, revue dont les interprètes jusqu’aux spectateurs étaient pilotes. Il sera décoré de la Croix de guerre. Avant le conflit, avec sa partenaire du moment, Yvonne André, à l’instar de Jack Jackson, maître de ballet anglais, « L. Aveline, le célèbre danseur de l’Opéra » (77) avait été engagé comme interprète et chorégraphe à l’Olympia par Jacques-Charles pour la Revue légère de Charles Quinel et Henry Moreau. Avec Mistinguett en vedette, la revue débuta le 9 janvier 1914. L’on parla alors du « Mariage de Nijinsky » par « Aveline et Yvonne André de l’Opéra dans leurs danses classiques » et avec Alice Delysia en prêtresse d’amour de « Kama Soutra » : « C’est le tableau le plus voluptueux que l’onaitjamaismisàlascène.Ilafaitcélèbre du jour au lendemain, Louis Aveline, de l’Opéra, qui l’a réglé ; Allez à l’Olympia ! tel est le cri du jour... » (78) écrivit Le Frou Frou. Ce qu’approuva Comœdia : « La chorégraphie réglée par MM. Jackson et Aveline atteint à une rare perfection » (79). À noter que Staats avait réglé le 17 décembre 1913, les Fanfreluches de l’amour dans la revue précédente.

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Pour retourner à l’Opéra, le 25 mai 1916 sur un argument d’Henri Prunières célébrant le salon musical M. et Mme de La Pouplinière au XVIIIème siècle, Albert dansa dans Une fête chez La Pouplinière Chargé temporairement des fonctions de maître de ballet, François Ambrosiny, chef de la danse à la Monnaie de Bruxelles, alors fermée, régla les parties dansées sur des airs de Rameau, Philidor, Gluck et d’autres arrangées par Alfred Bachelet. Maître de ballet à Bayonne en 1897-98, l’on ignore si Ambrosiny régla les danses napolitaines de Messager et Vidal qu’Albert exécuta avec Zambelli le 7 juin au Gymnase avant que ce dernier ne prête son concours à d’autres galas de patriotisme ou de charité avec Boni ou Meunier.

Garnier ayant fermé ses portes le 28 mai avec Thaïs, il rouvrit le 4 novembre avec Albert et Zambelli dans la Korrigane Débutant dans le rôle du cornemuseux Lilez, La France nota : « M. Aveline a beaucoup de charme en ses mines d’amant boudeur et de virtuosité en ses danses » (80) Et le fruit de l’avelinier ressemblant à une grosse noisette, d’accord avec son nom, une spectatrice déclara qu’il était à croquer ! Après plusieurs Korrigane, le 7 décembre Albert parut dans le ballet de Patrie avec Jeanne Dumas, une élève de Rosita Mauri sur laquelle Rouché fondait les plus sérieuses espérances. Mais celle-ci se blessant, Johnsson la remplaça jusqu’au 28 décembre où on lira : « D’une grâce charmante et d’une virtuosité incomparable, la nouvelle étoile, avec l’exquis danseur Aveline comme partenaire, a soulevé, à plusieurs reprises, les applaudissements de toute la salle » (81). Le 10 janvier 1917, « les figures géométriques » créées par Staats en permission sur le Scherzo fantastique de Stravinski pour les Abeilles, n’employait que des dames en longues jupes, de la Reine (Zambelli) au Bourdon (Jeanne Schwarz). Mais dans sa correspondance avec Maurice Maeterlinck, l’auteur de la Vie des abeilles, Stravinski évoquant « un simple ballet blanc […] d’un art tout classique […] sans aucune intrigue » (82) , au regard de Soir de fêtes que Staats régla en 1925, on devinera l’influence de ce dernier sur George Balanchine. Le même soir, Albert dansa le Ça ira et la Carmagnole avec Urban dans la Victoire en chantant, évocation des temps révolutionnaires de Frantz Funck-Brentano. Après cette pièce de circonstance, le 8 avril sur les Valses nobles et sentimentales de Ravel, ce fut Adélaïde, ou le langage des fleurs réglé « avec beaucoup d’ingéniosité, de minutie même » (83) par Ambrosiny. À l’instar de la Péri, ce ballet avait été créé en 1912 par Clustine pour Trouhanowa et Bekefi lors d’un Concert de danse organisé par Rouché au Châtelet. « Merveilleux de souplesse » Albert reprit le rôle de Lorédan auprès de Boni avant de débuter dans la Favorite de Donizetti. C’était le 21 avril, succédant à

Stuart, Émile Merle-Forest régisseur enlevé à la Monnaie de Bruxelles signa la mise en scène, mais l’on ne cita pas le chorégraphe. En revanche, le 14 mai dans le Marchand de Venise de Shakespeare joué à la GaîtéLyrique au profit du « Colis du prisonnier de guerre », Albert et Zambelli parurent dans un divertissement de Firmin Gémier, avant de reprendre le 18 mai Une fête chez La Pouplinière dont on avait ôté les parties chantées. On les revit le 20 juin, non pas sur la scène de l’Opéra, mais « dans la grande salle du Buffet qui fait suite au Fumoir », exécutant « un pas de ballet inédit » à la réunion annuelle de la Société des Artistes et Amis de l’Opéra. Fondée en 1904 par le comte Isaac de Camondo, elle était présidée par Henry Deutsch, et ce jour-là « l’on [vit] reparaître de vieux abonnés évocateurs de gloires anciennes et d’étoiles éteintes » (84) précise La France, ajoutant : « On offre du thé et du chocolat ; on fait circuler des corbeilles de fruits, des assiettes de fraises. Mais depuis la guerre, il n’y a plus de vin de Champagne pour le bon exemple ».

Société des Artistes et Amis de l’Opéra h Louis Aveline et Yvonne André, 1914 f

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Sans mention du programme le 28 juillet, Albert et Zambelli dansèrent à Aix-lesBains, avant de lire en septembre dans Le Ruy Blas et ailleurs : « On va remonter Sylvia, avec l’aide et le concours de M. Aveline » (85). Créé en 1876, Sylvia, ou la Nymphe de Diane, ballet en 3 actes et 5 tableaux de Jules Barbier et du banquier Jacques de Reinach, musique de Delibes, n’avait pas été monté depuis 1892. Les ciseaux étant d’un usage ordinaire à l’Opéra, Hansen l’avait d’ailleurs réduite en 2 actes et 4 tableaux. Car bien que le temps de ballets composant entièrement le spectacle soit révolu, en 1876 Sylvia avait été jouée seule avant d’être raccourcie en 1877 pour des problèmes de machineries justifia la direction. De vrai à l’instar de Pierre Véron écrivant : « Le ballet est une sucrerie artistique. Qu’on le glisse comme intermède dans un opéra, c’est parfait. Mais qu’on prétende en faire le régal de toute une soirée... non ! ça me tourne dessus le cœur » (86) , Sylvia était trop de bonbonnerie ! Selon Le Petit Bleu de Paris, Albert ne se sentant pas l’autorité nécessaire pour prendre en mains une telle entreprise, il refusa tout net. Ambrosiny était en Amérique. Le choix de Staats ayant été : « rendu impossible par ces demoiselles du corps de ballet qui lui [avait] fait la vie intenable » (87). Ce qui est peut-être vrai, mais d’après sa fiche matricule, affecté au régiment d’Infanterie de Fontainebleau avec un sursis au titre du Théâtre national de l’Opéra, dont il ne bénéficia pas. En 1916 il était passé devant deux commissions de réforme pour hypertrophie cardiaque. Malgré tout, incorporé en février 1917 au 84e régiment d’artillerie lourde, à l’heure où l’on parle, il appartenait au 2ème escadron de train. Glissons qu’il avait un frère Alexandre, dit chorégraphe et décédé en 1920. Sinon, bien que trop « music-hall » la direction songea à Alfredo Curti, à Stichel qui avait réglé Sylvia à Monte-Carlo en 1892, enfin à Saracco qui l’avait monté à Bruxelles en 1888, mais engagé en Italie, il ne pouvait se rendre libre. Bref, si tout cela est exact, en septembre l’Opéra cherchait un maître de ballet et en novembre alors que Rouché promettait toujours « le délicieux ballet de Delibes », à la faveur de l’ouverture de saison et de Jeanne d’Arc, drame lyrique de Raymond Rôze, chanté en anglais le 8 novembre au profit des Croix-Rouge franco-britanniques, on découvrit qu’il s’appelait : Nicola Guerra.

Napolitain âgé de 52 ans, après la Scala de Milan, il s’était illustré comme 1er danseur à St-Pétersbourg, à Paris à l’Eden-Théâtre, à Londres, New-York et dans l’Empire austro-hongrois. D’abord à Vienne au Hofoper où il chorégraphia et enseigna de 1896 à 1901, puis à l’Opéra de Budapest jusqu’en 1915 où la guerre le surprit : « On me proposa alors de demeurer en Autriche et de me faire naturaliser. Je refusai et revins en Italie, je me trouvai alors complètement

ruiné. J’étais à Gênes lorsque M. Rouché m’engagea pour l’Opéra » (88) confiera-t-il plus tard. Pédagogue hors pair, adepte fervent de la danse classique, auteur de romans et d’un traité en 1899, dans un article consacré à Léda Ginelly a déjà été évoqué son hostilité à l’égard de la section spéciale de danse rythmique et plastique instituée à l’Opéra par Rouché en août 1917. Pour autant, à l’instar des rythmiciennes et autres duncaniennes, à Budapest il avait puisé son inspiration chez Mozart, Schubert, Schumann, Chopin et Beethoven. Bref, Guerra profitait d’une expérience remarquable, mais alors que Clustine avait été nommé en fanfare, même si Comœdia ne publiait plus, il débuta à l’Opéra sans réclame.

Jeanne d’Arc permit néanmoins de lire : « Mlle Zambelli, en compagnie de l’excellentAveline,dansaavecsaperfection coutumière, un divertissement bohémien fort réussi » (89). Puis comme à chaque nouvelle direction de la danse : « l’Opéra est devenu comme une manière de temple du travail et du recueillement » (90). Enfin Guerra se révélant exigeant, Gabriel Davin de Champclos donna le ton : « Le nouveau maître de ballet connaît admirablement son métier, mais le long séjour qu’il a fait jadis au pays de la schlague […] lui a donné des manières cassantes et autoritaires, qui le font redouter des danseuses » (91) Réglée avec « un nouvel attrait », le 22 décembre en couple avec Boni, Albert reprit la Favorite, qu’il alterna dès janvier avec Samson et Dalila de Saint-Saëns, jusqu’au 21 mars 1918 date où Rouché recréa « superbement » Castor et Pollux. La tragédie lyrique de Rameau comptait cinq entrées de ballet dont celle des Démons et des Furies interprétée par les « danseuses modernes » de la section rythmique auditionnées en décembre. Réglée sans

Staats par Serge Ivanoff, 1935 g
Nicola Guerra, photo Attilio Badodi, 1927 h

écho par Jane Erb, « la maîtresse de danse rythmique », Guerra signa les quatre autres tels les Astres, menés par Albert sous le costume éblouissant du Soleil. Selon Henri Hirchmann : « d’aucuns s’étonnèrent de l’importance trop grande à leur idée des divertissements » (92), François Rémondet figurait parmi eux, il cita néanmoins les interprètes de la troupe classique : « Plusieurs ballets parsèment l’action et la ralentissent ; mais ils sont d’un goût délicieux, montés de façon somptueuse, sous la direction de M. Guerra, et dansés à ravir par Mlles Boni, Johnsson, Dumas et par M. Aveline » (93). Plus tard, le 18 avril, Albert reprit le ballet de Patrie, puis le 4 mai « prompt et subit comme le vif argent de son costume de satin » (94) ce fut Suite de danses à la Comédie-Française et à Garnier, jusqu’au 16 juin où pour le centenaire de Gounod, il régla le ballet de Faust au Grand-Théâtre de Dijon avec Dumas, Marie Even son épouse et d’autres de l’Opéra.

Avec la promesse renouvelée de Sylvia : « Guerra, maître de ballet de l’Opéra, me confie qu’il fait répéter Sylvia pour la rentrée de Zambelli » (95). Garnier rouvrit le 3 novembre 1918. Albert ne parut que le 21 dans Roméo et Juliette de Gounod avec Dumas promue Étoile « dans l’éblouissante aurore de son sourire et de sa vingtième année » (96). Entre, après plus de 18,6 millions de morts, d’invalides et de mutilés, alors que les magasins de drapeaux avaient été dévalisés pour célébrer l’Armistice, le 13 les Bouffes Parisiens créaient Phi-Phi, opérette d’Henri Christiné pour laquelle : « M. Aveline de l’Opéra a réglé deux exquis divertissements » (97). Non prénommé sur le programme et dans la presse, on ignore s’il s’agissait d’Albert ou de Louis, seule certitude, démobilisé le 15 août 1919, Louis ne reparaîtra qu’en avril 1919. En attendant, le 12 décembre 1918 « sauvant, par son grand-art, un rôle qui pourrait être facilement ridicule » (98) Albert reprit Castor et Pollux jusqu’à cet écho du 24 décembre : « M. Albert Aveline venant d’être atteint par un deuil de famille, le ballet de Patrie sera remplacé ce soir par Coppélia » (99). Sa belle-mère, Ernestine Even était morte la veille à Asnières, on notera surtout qu’il n’avait de doublure pour Patrie et qu’on changea l’affiche.

De retour le 29 dans Castor et Pollux, on lira : « Ne quittons pas l’Opéra sans annoncer le prochain départ d’Il signor Guerra que Staats, le maître de ballet titulaire, actuellement démobilisé, va venir remplacer. En attendant, c’est Aveline qui fait répéter le Salomé de Florent Schmitt, où Ida Rubinstein va reprendre le rôle créé par Trouhanowa » (100). Sur le papier, Staats fut démobilisé le 20 février 1919 et Albert maintenu au service-auxiliaire jusqu’au 30 mai. Le 6 février, il était passé devant une commission de réforme qui conclut à un « état général médiocre » et proposa une

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pension d’invalidité à 15% acceptée en 1924. Pour l’heure, il ne dansa rien de neuf jusqu’au 28 janvier 1919, date où Rouché réafficha Mademoiselle de Nantes, divertissement XVIIème siècle sur des airs de Lully, Charpentier et Marco-Antonio Cesti que Staats avait créé le 9 décembre 1915. Albert était alors en captivité, il le dansa cette fois avec Boni jusqu’à la Damnation de Faust le 11 février devant Woodrow Wilson, le président US. Le 14 son « élégance hardie » s’exprima auprès de Boni et Dumas dans Henry VIII de SaintSaëns dont Staats avait réglé le ballet. Ce qu’on apprendra le 2 mars, lorsque l’Opéra joua Henry VIII au Grand-Théâtre de Bordeaux. « Le spectacle avait commencé par des Danses anciennes où se déploya toute la souplesse élégante de Mlle Johnsson et de M. Aveline, interprètes hautement qualifiés de cet art charmant de Lulli » (101). Plus tard, le 1er avril lors du gala du Syndicat de la presse parisienne, Rouché afficha la Tragédie de Salomé de Robert d’Humières, musique de Schmitt. Avec Loïe Fuller et ses danses lumineuses, ce drame muet en 2 actes avait été créé en 1907 au Théâtre des Arts et reprit en 1912 au Châtelet par Clustine pour Trouhanowa. À l’Opéra, Guerra le régla pour Ida Rubinstein. Marie Even, l’épouse d’Albert dansait l’Émeraude, Ernest Even, son beau-frère réformé en 1917 pour Maladie de Duchenne et diminution de la vision était un bourreau, Georgette également de retour figurait parmi les bijoux. Quant à Albert, profitant de la présence de Zambelli, sur des airs chantés et dansés orchestrés par Antoine Banès, il parut en Chicard dans Intermède 1830-1840 dont le journaliste Adrien Vely avait conçu le livret. Ses collègues ne citèrent pas Gustave et Ernest Ricaux également rentrés, ni le chorégraphe, mais hésitèrent entre une Redowa, une Mazurka ou une « sorte de Cancan » que bissèrent Albert et Zambelli. Le 8 avril associé à Eugène Besseiches, dit Stilson, spécialiste des enlacements argentins, Louis ouvrit un cours de danse à la galerie Montaigne du Théâtre des Champs-Élysées. Parallèlement, engagé à La Cigale par Raphaël Flateau « le prestigieux danseur » passa dans la revue la Cigale rechante. De son côté, Albert enchaîna Castor et Pollux, Henry VIII, Suite de danses et la Korrigane et Danses 1840 en gala avec Zambelli. Ceci jusqu’au 14 juillet où après Henry VIII avec Dumas, il retrouva Zambelli le soir aux Arènes de Lutèce pour le ballet du Cid de Massenet donné avec le Cid de Corneille par la Comédie-Française. Puis fraîchement renouvelé par Staats, le 6 août ce fut celui de Patrie à l’Opéra. Enfin annoncé le 23 août aux Chorégies d’Orange dans Suite de danses avec « la grande étoile Jeanne Dumas », Gustave Ricaux le remplaça.

Le 24 septembre 1919, Albert et Zambelli firent leur rentrée dans le Cid tout en lisant ici et là : « On presse les répétitions

Castor et Pollux, Jacques Drésa, 1918 h

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de Sylvia que la direction voudrait faire passer dans le courant d’octobre ». Mais le 27 octobre Albert retrouva Henry VIII avec Boni avant la générale de Sylvia fixée au 16 décembre. Après deux ans de réclame, cette fois c’était la bonne. Réglé par Staats dansant le rôle du chasseur Orion, auprès de Zambelli (Sylvia) et d’Albert (le berger Aminta), Sylvia premier ballet créé à Garnier aurait pu composer à lui seul le programme, mais non, Rouché amateur de contrastes conclu avec Goyescas d’Enrique Granados. Ceux qui n’avaient pas lu la presse depuis 1917 apprirent que Maxime Dethomas, collaborateur de Rouché étaient l’auteur des costumes et décors, les anciens ayant disparu dans l’incendie du magasin des décors en 1894. Sinon, véritable soirée de gala, puisque la Reine d’Espagne, les maréchaux Foch et Pétain, etc. assistaient à la générale, Camille Chevillard était au pupitre et le compositeur Gustave Samazeuilh parlant à propos de Delibes de « musique sans prétention » (102), on rappellera le modeste avis de Tchaïkovski à Vienne en 1877 : « J’ai écouté le ballet Sylvia de Léo Delibes. En fait, je l’ai effectivement écouté, car c’est le premier ballet, où la musique constitue non seulement l’intérêt principal, mais le seul. Quel charme, quelle élégance, quelle richesse de mélodie, de rythme, d’harmonie. J’avais honte. Si j’avais connu cette musique très tôt, je n’aurais évidemment pas écrit le Lac des cygnes » (103) Sylvia souleva les ovations, Staats « maître de ballet au talent si puissant » (104) partageant les bravos avec Zambelli et Albert : « aussi agile qu’expressif dans le rôle trop court d’Aminta » (105). Mais alors que sortaient les critiques, titrants : « Trafic de stupéfiants », « Danseur acquitté », etc., les rubriques judiciaires mirent Louis en avant :

« M. Aveline, ancien maître de ballet à l’Opéra, était poursuivi pour trafic et usage, de stupéfiants. On avait trouvé, chez lui, une bouteille de cocaïne. La juste défense de M. Aveline a été telle, hier [18 décembre] à la 11ème chambre : " Pour augmenter mes appointements, j’avais accepté de placer des fourrures. Or, d’après le contrat, je devais également placer des stupéfiants. Dans mon esprit, je n’avais nullement l’intention de remplir cette dernière clause. Si on a trouvé chez moi une bouteille entamée, c’est que par ordonnance du médecin, j’ai dû user de la cocaïne " M. Aveline, qui a été au front, qui a la croix de guerre. Hier, après un très modéré réquisitoire de M. BarathonduMousseauetuneplaidoirie de Mlle [Jeanne] Rospars [avocate à la cour de Paris] a été acquitté » (106)

L’Humanité apporta d’autres éléments : « Il fut soldat et héros : quatre citations. Aveline, aviateur, fut aussi beau qu’Aveline danseur. Mais depuis, les vaches maigres

sont venues. MM. Prévost, père et fils et qui importaient d’Allemagne les stupéfiants chers à nos décadents, lui proposèrent un honnête bénéfice à vendre des fourrures à condition qu’il plaçât de la morphine. Aveline consomma lui-même et nie avoir trafiqué » (107). Aussitôt, Albert fit publier cette mise au point : « M. Albert Aveline, premier danseur et second maître de ballet au théâtre national de l’Opéra, nous prie de vouloir bien insérer qu’il n’a rien de commun avec M. Louis Aveline qui a passé hier devant la 11ème chambre correctionnelle pour trafic de stupéfiants et qui n’a jamais été ni premier danseur à l’Opéra, ni maître de ballet » (108). C’était un peu enfantin, car tout le monde savait ou pouvait savoir qu’ils étaient frères. Mais passons, nous savons à présent qu’il était 2ème maître de ballet et que le chanteur, Robert Aveline avait une voix de baryton, puisqu’il priera aussi de dire qu’il n’avait aucun lien de parenté avec Louis Aveline. Claude Aveline, éditeur d’art et poète ne se manifesta pas.

Alors que les Ballets russes se produisaient à l’Opéra depuis le 24 décembre, le 1er janvier 1920, on s’interrogea : « Danserat-on le ballet d’Henri VIII vendredi ? Ces demoiselles du corps de ballet, les plus atteintes par la vie chère, sont décidées à la grève des jambes croisées si elles n’ont, pas satisfaction dans les quarante-huit heures » (109). Un accord signé le 7 octobre au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts promettait une hausse des salaires et le paiement d’arriérés. De son côté, Rouché qui s’engageait déjà personnellement et ne pouvait aller audelà, attendait des crédits supplémentaires de l’État. Inscrits au budget, la Chambre ne les vota pas. Selon une autre version, le budget n’avait pas encore été déposé et les députés étaient en congés. En tout cas, le 30 décembre, choristes, musiciens, danseurs, contrôleurs et petit personnel votèrent la grève pour le 2 janvier. Elle compromettait les spectacles de Diaghilev. À une réunion à la Bourse du Travail, Marguerite Dupré, épouse de Robert Quinault, 1er danseur à Favart régla la question en disant que « les artistes russes n’étaient pas à plaindre comme on l’avait prétendu ; ils avaient parcouru pendant cinq ans l’Europe pendant que les nôtres se faisaient tuer » (110). Il y eut d’autres réactions de ce type, mais notons que son mari victime à Verdun des gaz asphyxiants était resté 18 jours aveugle. Autrement, après l’échec de plusieurs solutions dont celle d’un repli à la Gaîté-Lyrique, ce n’est que le 20 janvier que la troupe de Diaghilev reprit le cours de ses succès à Garnier. Car le 17, le personnel acceptant d’effectuer un spectacle supplémentaire par semaine en l’échange des appointements demandés, la Paix fut signée. Notons que Rouché licencia alors une vingtaine de membres de la troupe. En attendant, pour tromper l’attente et alimenter la caisse de grève,

dès le 6 janvier le Comité Intersyndical organisa des représentations à la Maison des syndicats, 33, rue de la Grange-auxBelles. Sur une simple tribune d’orateur, sans date précise, Albert et Zambelli prêtèrent leur concours à cette « saison cégétiste de l’Opéra », tout comme « Mlle Meunier et Mme Sauvageot, qui interprétèrent de délicieuses danses Louis XV et furent bissées avec enthousiasme, et Mme Quinault-Dupré, qui dut, sous les acclamations du public en délire, dansa deux fois de suite Espana de Chabrier » (111) On évoque aussi le ballet de Faust, mais sur l’estrade, on peine à le croire.

Albert et Zambelli reprirent le 28 janvier avec Sylvia, puis le 16 février ils partirent pour Cannes. Engagés par Eugène Cornuché, pour trois représentations au Casino Municipal, sous la baguette de Hahn, entre le 24 et 28, ils dansèrent Suite de danses ou une suite de danses, la presse n’est pas très sure, et parurent dans Thaïs de Massenet. La maîtresse de ballet se nommait Amélie Sberna, mais on ignore si la troupe les entourait. On apprendra toutefois que Jane avait formé les Doll’s Duo avec une certaine Mlle Nono de l’Alhambra. Sinon, bloqués sur la Côte d’Azur par une grève des chemins de fer qui prit fin le 3 mars, le 1er mars Gustave et Jeanne Schwarz, 1ère danseuse depuis 1917, les remplacèrent dans Sylvia. Rouché ne convoqua pas la presse, et quand en avril 1928 Schwarz quitta l’Opéra, son frère Jean renvoyé en 1908 par Messager et Broussan nota : « Lorsqu’une artiste au théâtre remplace au pied-levé une camarade, on lui donne toujours le moyen de se produire une seconde fois dans le rôle après l’avoir étudié. Eh bien ! Jeanne Schwarz n’a jamais eu sa seconde représentation de Sylvia et, à l’heure où elle quitte la maison, c’est avec amertume qu’elle se souvient de cette désillusion que bien des artistes ont éprouvée dans leur vie » (112). Professeur, conférencier, directeur de la revue Le Chorégraphe, dès 1924 Jean Schwarz avait donné durant deux ans des leçons de danses sur Radio-Paris.

Ayant remporté « à Cannes les plus brillants succès », Albert et sa partenaire retrouvèrent Sylvia le 15 mars. Dans le même temps on annonça : « l’apparition d’une nouvelle danse, le Camel-trot, ou danse du chameau, destinée à détrôner le fox-trot, déjà vieux jeu. On dit même que cette nouvelle danse sera créée par le danseur Aveline, de l’Opéra » (113). Selon d’autres, « le pensionnaire de Rouché » l’avait conçu en captivité « pour se distraire des journées grises ». On l’oublia aussi vite, pour faire part des débuts de Louis, le 11 avril, au Casino de Paris avec Mistinguett et Maurice Chevalier, lequel avait été interné avec Albert en Allemagne. On annonça aussi le ballet du Cid dansé le 15 avril avec Zambelli à l’Apollo de Bordeaux, dont Joseph Belloni dirigeait

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la troupe : « Mlle Zambelli et M. Aveline, de l’Opéra, ont été prodigieux de grâce et d’envol. L’aisance classique des pas, la vitesse précise, la beauté des gestes et des attitudes de Mlle Zambelli, la souplesse nerveuse et la virtuosité tournoyante de M. Aveline ont déchaîné la frénésie des applaudissements » (114). De retour « les deux étoiles » s’illustrèrent dans Sylvia jusqu’à la soirée donnée le 4 mai au profit des « Russes malheureux réfugiés en France ». Entre lesSylphides et Shéhérazade par les artistes de Diaghilev, devant le ToutParis en tenue de gala, Albert et Zambelli créèrent Taglioni chez Musette, ballet en 1 acte de Funck-Brentano, réglé par Staats, sur des airs d’Auber, Boieldieu, Meyerbeer, Adrien Talexy, Jean-Baptiste Weckerlin arrangés par Antoine Banès et Henri Büsser. Évoquant les grâces de l’époque romantique, avec Zambelli dans le rôle de Marie Taglioni, ce fut un grand succès partagé avec Dethomas pour le décor et les costumes. Les Ballets russes étant dans la Maison, le 3 juin lors d’une soirée au profit de l’École centrale, on revit Shéhérazade, puis Zambelli et Albert dans Suite de danses et enfin sur des airs de Rameau, Mozart, Beethoven et Brahms réglés par Rachel Pasmanik : « la première production en public de danses plastiques exécutées par la classe rythmique de l’Opéra ».

Peu après, le 6 juin devant quelques privilégiés et des parents angoissés ce fut l’examen d’avancement. Sur scène passèrent d’abord les garçons et preuve d’évolution, Asté d’Esparbès nota dans Comœdia : « Ces enfants, de 11 à 14 ans, sont déjà d’excellents danseurs, leur professeur, M. Ricaux, 1er danseur de l’Opéra, n’a pas perdu sa peine. Ils possèdent mieux que de la technique, ils ont le sens de leur art » (115). Afin de faire un point d’étape, tout en enseignant aux garçons et aux hommes, Gustave 1er danseur de 36 ans et représentant du personnel dansait surtout dans les opéras. Mauri ayant pris sa retraite, Zambelli étoile de 43 ans avait la classe des grands sujets. Enfin, outre son emploi de « danseur étoile », titre mentionné sur son contrat du 1er novembre 1917 selon Florence Poudru dans Serge Lifar la Danse pour patrie (116), Albert 37 ans cumulait les fonctions de 2ème maître de ballet et de professeur des petits sujets. On s’incline respectueusement, mais cela faisait un peu beaucoup tout ça ! Maintenant, à l’instar de Staats, qui ne dansait plus guère, mais dirigeait le Conservatoire de chorégraphie, 16, rue Saulnier en plus de ses obligations de 1er maître de ballet, on ignore si Albert donnait déjà des cours en ville. En tout cas, élu avec Zambelli membre du jury par le personnel, comme sa partenaire il se retira pour présenter sa classe. Mais on le sentait venir de loin, la proclamation des résultats se finit en « meeting » à la Bourse du travail. Pour les protestataires, un quart du ballet, Staats et Albert avaient fait preuve de

Maison des syndicats, photo Agence Roll h Amélie Sberna, photo Benjamin J. Falk i

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••• pas avant plusieurs semaines. L’on s’en doutait un peu ! Après des communiqués invitant à la patience, Maïmouna sera créé le 20 avril 1921 avec Boni (Maïmouna) et Ricaux (le Musicien). Mais Rouché était-il au courant qu’Ambrosiny avait créé pour Boni à Bruxelles, le 20 janvier 1906 : Maïmouna, ballet en 1 acte sur une musique d’Alexandre Béon et un livret de son épouse, Tiny Béon, claveciniste et organiste ? Ici, le librettiste s’appelait : André Gérard, âgé de 30 ans, Maître de forges comme son père, Albert Gérard, sénateur des Ardennes, le 19 décembre 1921, en l’église Saint-François de Sales, il épousa dans la plus stricte intimité, Jeanne Dumas. « Digne et vivant éloge de Rosita Mauri », elle quitta la scène après ce bon mariage.

partialité durant les délibérations, car parmi les candidates assidues à leurs cours, cinq étaient passées grands sujets en sautant une ou deux classes. Le 14 juin un second examen eut lieu au foyer de la danse, mais à la suite de l’affichage du résultat, le conflit grandit et occupa la presse jusqu’en juillet. Une commission de conciliation fut formée par le gouvernement, mais on s’arrêtera là. Durant ce temps, Sylvia remplissait la caisse et puisqu’il s’agissait de promouvoir la jeunesse, le 19 juillet Paul Raymond, 49 ans succéda à Staats dans le rôle d’Orion pour la dernière Sylvia de la saison. Quittant sa loge décorée d’un dessin de Jacques Drésa, de portraits par gravure d’Ernest Clair-Guyot et de clichés le montrant avec Zambelli, Albert retrouva sa partenaire au Casino de Deauville, dirigé par la même équipe qu’à Cannes. Ainsi Sberna réglait les ballets, mais sur le papier, ils ne furent fêtés qu’une fois, le 28 août dans Danses 1840. Ayant déjà dansé les 11 et 13, le 15 août Ricaux s’était lancé dans le Spectre de la rose avec Alice Vronska, de l’Opéra-Comique.

Devant reprendre le 18 septembre avec Sylvia, Albert se trouvait en villégiature près de Nantes, lorsqu’il fut pris d’une crise d’appendicite. Opéré d’urgence dans une clinique nantaise, son état de santé fut suivi de près par la presse. Car le 14 septembre, sous la direction de Staats, l’on avait débuté Maïmouna, ballet en 1 acte de Paulin André Gérard, musique de Gabriel Grovlez. Le ballet devant paraître dans la première quinzaine d’octobre, l’on espérait qu’il serait rétabli pour le créer avec Zambelli. Fin septembre, les nouvelles d’Albert étaient excellentes, mais l’on fit part qu’il ne reprendrait

Rétabli, Albert rentra le 5 décembre 1920 avec Suite de danses avant de reprendre le 24 Castor et Pollux qu’il avait remis au point. De son côté, Louis dansait

à l’Eldorado dans Laisse-toi faire ! : « nerveux et bondissant comme un jeune faune en liberté » (117) nota Pierre Varenne qui ne pouvait mieux dire. Car condamné le 17 mars 1920 à huit mois de prison et 2.000 frs d’amende pour infraction à la loi des stupéfiants, il sortait de prison. Cette fois, Albert garda le silence, mais pour enchaîner sous l’influence des évènements, il dût être fier de son frère Georges dont on expérimentait au Bourget : « le stabilisateur à mercure Aveline ». Il permettait de contrôler la marche de l’avion dans le vol horizontal, ainsi que dans la montée ou la descente. Établi en Angleterre et aviateur lui-même, Georges l’avait créé en 1918 avec le concours financier d’une société anglaise. Autorisant huit heures de vol sans que le pilote ait à s’occuper de diriger l’avion, Maurice Mazade le perfectionnera, mais c’est une autre histoire. Le 17 janvier 1921, Taglioni chez Musette revint à l’affiche, et comme toujours, la mazurka d’Albert et Zambelli eu les honneurs du bis.

Le 7 février aux Champs-Élysées ce fut le gala des Petits Lits Blancs avec notamment Mistinguett, Maurice Chevalier et connus à Biarritz et Bidart, le danseur newyorkais Harry Pilcer, bientôt directeur du Pavillon Royal. On citera encore le 12 février au Cercle de l’Union artistique un divertissement de Donizetti réglé par on ne sait qui, mais « délicieusement dansé » par Albert, Zambelli, Henriette Dauwe et les grands sujets à l’origine de la polémique au concours : Rousseau, Roselly, Damazio, Georgette Debry et Suzanne Lorcia. Alors que Rouché réclamait des subventions dont les députés ne voulaient pas entendre parler, en mars Albert et Zambelli retrouvèrent le Casino de Cannes. Ils parurent le 18 dans Thaïs et le lendemain dans « un intermède de danse ». On n’ira pas plus loin. En 1920, ils étaient restés bloqués par les grèves, là si l’on suit les échos, dansant à Cannes et à Paris le même soir, leur ubiquité était souveraine. En avril, le 22 au Châtelet ils participèrent à la Revue de Vingt Scènes 1921, puis le 24 au Trocadéro ils reprirent la mazurka de Taglioni chez Musette dans le Baiser de la Gloire, pièce de Raymond Genty. Entre, le 15 Louis était passé devant la 10ème chambre correctionnelle : « Le danseur Louis Aveline et son amie Émilie Bauce, qui, s’étaient procurés de la morphine au moyen de fausses ordonnances ont été condamnés à six mois de prison » (118). Le 8 juillet 1915, Louis avait épousé la danseuse belge Henriette Barbiaux et l’on ignore qui était Émilie Bauce ou Bance, c’est selon.

Ne dansant rien de neuf à l’Opéra, entre divers galas, l’on suppose qu’Albert assista les 27 et 28 mai à la finale du Championnat du Monde de Danses Modernes. Avec Staats, Anna Pavlova et d’autres dans le jury, elle se disputa aux Champs-Élysées. Le Prix d’honneur revint à Georges Clemenceau, mais ce n’était pas le Tigre, tout comme Maurice et Andrée Aveline, n’était pas liés à Albert, qui offrit tout de même un « Prix d’ensemble de technique et de rythme » de 200 frs. Ensuite, le 2 juin au profit de l’Association d’aide aux veuves de la guerre présidée par la maréchale Foch, avec Zambelli, Boni, Johnsson, Gustave et plus, Albert parut sur le théâtre de verdure de l’Union Interalliée dans le Retour de la paix, ou les Fêtes françaises

Sur une idée de deux hommes de lettres, Lucien Corpechot et Louis Laloy, il fallait bien ça, des danses de Louis XIII à LouisPhilippe que régla Staats sur une musique de Grovlez, chef à l’Opéra. Et devinez quoi ? : « Zambelli et Aveline bissèrent une mazurka échevelée empruntée à Taglioni chez Musette ». Plus tard, le 14 juin par un train spécial emmenant une foule d’invités, ils se rendirent au Havre pour le lancement du « Paris ». Un concert fut donné dans le salon du transatlantique et c’est une « gigue et un menuet 1830 » qu’ils exécutèrent. La gigue était d’André Grétry, quant au « menuet 1830 » l’on s’interroge.

Fokine, Daphnis, photo Saul Bransburg, 1914 k

Sinon, toujours active, le 23 juin, la Société des Artistes et Amis de l’Opéra, présidée par André Bénac offrit son rendez-vous annuel. Le Tout-Paris ‘mondain s’y trouvait et « avec un esprit helléno-parisien des plus bouffons » Staats régla une fresque d’après l’Antique, où défilaient celles et ceux que nous connaissons. Sans doute, un clin d’œil à Daphnis et Chloé (1912) de Ravel que Fokine dont le nom évoquait le triomphe des Ballets russes venait de monter à la demande de Rouché. Par parenthèse, dans sa voie de rénovation, après la création de la section rythmique, Rouché avait en vain tenté de s’attacher la collaboration de Nijinski. Pour l’heure, interrogé par André Rigaud de Comœdia, Fokine confia avec intérêt : « On me considère comme un révolutionnaire, […] alors que je suis à peine un réformateur. J’ai fait toutes mes études au Théâtre Impérial de Petrograd. On y conserve la tradition du ballet français, sous une forme encore plus rigoureuse peut-être qu’en France : C’est là ma grammaire et si je cherche du nouveau, mon art s’appuie cependant sur des bases solides et classiques » (119)

Auprès de sa femme Vera Fokina, le chorégraphe s’était d’abord montré le 11 mai dans une « soirée de danses » donnée à la suite de Rebecca de César Franck. Notons que Fokina dansa le Cygne et qu’ils offrirent le Rêve de la marquise, ballet créé à Stockholm pour trois personnages : une marquise, un faune et un négrillon sur les Petits riens (1778) de Mozart et Noverre qui en comptait davantage. Mariquita l’avait montré à l’Opéra-Comique en 1912. Âgé de 11 ans et portant la traîne de la marquise, le négrillon s’appelait Solange Schwarz. Autrement, remonté à la hâte dans la production de Léon Bakst, Daphnis et Chloé fut joué le 20 juin avec Fokine et Fokina, Camille Bos (Lycéion), Jean Ryaux (Dorcon), Paul Raymond (Bryaxis) et le corps de ballet. La Péri de Clustine avec Pavlova et Hubert Stowitts et deux actes de Castor et Pollux complétaient la soirée. D’après Le Gaulois : « [Fokine fit] le plus grand éloge des artistes français qu’il faisait travailler pour la première fois, en les proclamant supérieurs encore à leur réputation » (120). On croit savoir que ce fut l’exact contraire, mais qu’importe les Fokine firent leurs adieux le 27 juin, avant de partir en Amérique.

En laissant de côté, les fêtes chez la duchesse d’Uzès ou chez Robert Le Lubez, le 9 juillet lors d’une soirée aux ChampsÉlysées organisée par Comœdia, Albert et Zambelli parurent pour la première fois à l’écran dans le pas de deux de la Favorite C’était dans Asmodée à Paris, féerie cinémato-lyrique de Georges Rip que les Films Erka présenteront officiellement le 22 mars 1922 au Madeleine-Cinéma. « Je fus ravie, je me voyais danser pour la première fois » (121) dira Zambelli. Passée cette « innovation saisissante », le 13 juillet après

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Rigoletto, les deux artistes débutèrent dans Daphnis et Chloé. La presse ayant pris ses quartiers d’été, seul Samazeuilh nota : « Comme il était aisé de le prévoir. Mlle ZambelliaétéuneChloéinimitabledegrâce légère, de pureté de lignes, de souplesse expressive et de virtuosité accomplie. On a justement acclamé cette étoile si vraiment de chez nous, et que peuvent nous envier, à l’heure actuelle, tant de compagnies cosmopolites auxquelles nous accordons un crédit, illimité. À ses côtés, M. Aveline déploie ses dons remarquables de danseur, tout en étant peut-être moins bien servi ici que son prédécesseur par ses

moyens physiques » (122). Nous étions le 13 juillet, après un spectacle non renseigné à Deauville, ils revinrent le 29 pour Sylvia, mais c’est dans la Rose de la Malmaison, un des tableaux de la revue de l’Olympia qu’on lira : « Mlle Jane Aveline, de l’Opéra, danse avec une grâce exquise » (123). Vers le 15 août, ils dansèrent deux fois au Kursaal d’Ostende avant de rentrer le 28 septembre pour Daphnis. Le 3 septembre, sans écho parisien, Louis s’était éteint à Berck-sur-Mer. Le Journal de Berck et des environs titra froidement : « Mort subite d’un morphinomane » :

Zambelli, Aveline, photo Louis Roosen h

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« Samedi, dans le courant de l’aprèsmidi, le sieur Aveline Louis, 31 ans, était trouvé mort dans la chambre qu’il occupait à l’hôtel Legarçon-Serruau, près de la gare de Berck-Plage. M. le Dr Richez, mandé d’urgence, conclut à une mort naturelle due à un abus de la morphine. M. le commissaire de police procéda aux constatations. Les parents prévenus par dépêche, vinrent reconnaître le corps de leur fils. Ce malheureux avait quitté sa famille depuis l’âge de 18 ans, il avait voyagé en Amérique et exerçait la profession de danseur. Pendant la guerre, il fut aviateur. Il était venu à Berck dans le dénuement le plus complet pour retrouver une marraine de guerre. Celle-ci était partie. Épuisé, Aveline avait eu une première syncope sur la plage et on avait dû le ramener à l’hôtel où il était descendu » (124)

« Étoile de première grandeur » (125), Louis aurait mérité ici plus de place, mais celui qui s’était illustré dans la Délivrance de Renaud (1617) reconstituée par Staat au Théâtre des Arts était enfin libéré de ses tourments. Sans transition, le 15 octobre Albert retrouva Taglioni chez Musette tout en répétant avec Staats le ballet d’Ascanio, opéra de Saint-Saëns reprit le 9 novembre. La veille, il avait remporté son succès habituel dans Sylvia. Le 9 décembre ce fut la Fête chez Thérèse : « chorégraphie et mise en scène de Mme Stichel » précisat-on. Pour autant, ce ne fut sans doute pas la fête chez Stichel, car revenant aux sources, Rigaud avait publié la veille dans Comœdia : « C’est Mlle Stichel qui en avait réglé la chorégraphie. Comme on ne possède point de documents sur les chorégraphies de ballets qui n’ont pas été repris depuis quelques années, on doit faire appel à la mémoire des artistes qui ont créé ces œuvres. On a reconstitué ainsi une partie de l’ancienne chorégraphie, mais l’ensemble de l’ouvrage a été refait par M. Staats, c’est presque une chorégraphie nouvelle que nous verrons demain soir » (126). « La chorégraphe si moderne » (127) travaillait alors à la GaîtéLyrique et à l’Opéra-Comique, il suffisait de la joindre !

L’année s’achevant sans autre événement, le 22 janvier 1922, Albert et Zambelli se montrèrent dans un rigaudon et un menuet au musée du Louvre, puis ils reprirent leur répertoire à l’Opéra avant de lire en mars : « À notre époque de ballets russes ou suédois, Il est agréable de noter l’effort qu’a fait l’Opéra pour monter des représentations de ballets français. […] Les amateurs de spectacles de danses sont nombreux à Paris. Ils apprécient M. Jean Börlin et M. Diaghilev ; mais ils aiment aussi les pas légers de Mlle Zambelli et de M. Aveline » (128). Ce sujet ayant déjà été évoqué dans un article consacré à Jane Lysana, rappelons que la danseuse

qui aspirait à créer une troupe appelée les Ballets français avait confié un an plus tôt au Figaro :

« Je donnerai les 2, 3, 4 juin [1921] au Théâtre Femina un spectacle d’essai qui tentera de montrer que nous pouvons en France - si l’on nous fait confiance — sur de la bonne musique de notre pays, avec des artistes de chez nous, monter des ballets modernes, d’où se dégagera un peu de notre verve et de notre sensibilité nationale. Mes huit petits balletsetlesdanses,quilesséparentont été bâtis sur des rythmes de Debussy, Fauré, César Franck, André Gailhard, Camille Erlanger, René Lenormand... avec le souci constant, non pas de se servir d’une musique pour faire valoir l’habileté physique du danseur, mais de contraindre la chorégraphie à mettre en valeur l’émotion du compositeur » (129)

La presse s’en moqua : « Une danseuse audacieuse organise une saison de ballets français, c’est une folle ! » (130). Il en fut tout autre lorsque Rouché afficha le 24 mars une soirée dédiée à la danse et à la musique française. Outre Petite Suite de Debussy réglée par Rachel Pasmanik et Jessmin Howarth pour les danseuses rythmiques et « présentée pour la première fois » ; elle réunit Staats et la rythmicienne Juliette Bourgat dans la Péri, la rythmicienne Yvonne Daunt, le mime Georges Wague et Christine Kerf dans la Tragédie de Salomé, enfin Albert et Zambelli dans Taglioni chez Musette. Alors, on apprendra, en cherchant un peu tout même, que la mazurka mettant « en valeur la spirituelle et vertigineuse virtuosité de Mlle Zambelli et l’art gracieux et précis des pirouettes de M. Aveline » (131) était une Polka-Mazurka d’Adrien Talexy. Intitulée Musidora et supposée relever de « l’imagerie sonore de 1830 », elle avait été éditée en 1853. Mais avant de continuer, en ouvrant Le Figaro on s’amusera des propos d’André Messager :

Partition Musidora - 1853 g
Ricaux par Serge Ivanoff, 1935 h

« Les soirées de ballets sont en faveur sur un certain nombre de scènes d’opéra à l’étranger, notamment sur celles de Milan, Vienne et Petrograd. Dans des temps déjà lointains, notre Opéra représentait aussi de grands ballets, tels que Gisèle [sic], le Corsaire, la Sylphide et autres, qui tenaient tout ou la plus grande partie de la soirée. C’est, cette tradition que la direction de l’Opéra voudrait renouer, dans le but surtout, je pense, de soulager un peu les opéras du répertoire, dont un certain nombre commencent à se lézarder, à s’effriter et menacent de tomber en ruines quand on essaye de les remettre debout. L’idée, à mon avis, est excellente ; il ne s’agit que de savoir si le public entrera dans la voie qui lui est ouverte, et c’est ce que l’avenir nous apprendra » (132)

L’avenir nous enseigne que Rouché renouvela l’expérience le 5 avril, mais sans enfoncer le clou, puisqu’après la Tragédie deSaloméréglée par Guerra - après un court séjour à l’Opéra-Comique, Guerra était retourné à Vienne – Rouché casa l’Heure espagnole de Ravel pour ceux qui étaient restés sans voix. Vint ensuite la Péri : « avec la nouvelle et si intéressante chorégraphie de M. Staats ». Ce qu’on avait omis de dire le 24 mars. Enfin, Daphnis, où reparurent « les incomparables artistes Mlle Zambelli et M. Aveline ». En revanche, le 28 avril, les deux étoiles restèrent en coulisses pour regarder Georgette dans Artémis troublée, ballet de Bakst, musique de Paul Paray, chorégraphie de Guerra. Idem le 1er mai pour Frivolant, ballet de Pierre Hortola, musique de Jean Poueigh, réglé par Staats, qui s’offrit le rôle du Vent au milieu des tutus vaporeux de Raoul Duffy. Mais, parmi d’autres soirées, le 13 juin à l’Union Interalliée, « avec toutes les étoiles, tous les sujets, tous les mimes, et toutes celles qui font du corps de ballet de l’Opéra, la première compagnie du monde » (133) , ils participèrent au gala des Étoiles de la danse. Promettant « les principaux chefs-

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d’œuvre de la chorégraphie française », on citera : Zambelli dans la Korrigane et Ascanio, Boni pour ses adieux dans Castor et Pollux et Albert et Daunt dans Suite de danses. Celui-ci retrouvera sa partenaire le 30 juin au Théâtre Édouard VII pour « des danses roumaines » recyclant le Cobzar. Puis, profitant d’un repos accordé aux choristes du 10 au 28 juillet Rouché proposa une saison de ballets français. Alors, Lysana déjà citée fit un mot au Figaro : « Mlle Lysana nous demande de rappeler qu’elle a donné sur la scène du Théâtre Femina, des représentations de " ballets français ". La charmante artiste revendique la priorité du titre » (134). On en resta-là, sauf que le 5 juillet, Albert tomba malade et ne put participer « à cette manifestation chorégraphique française », qui permit de revoir la Maladetta et à Diaghilev de se manifester : « Souhaitant le plus grand succès à la saison de mon excellent ami M. Jacques Rouché et de ses brillants collaborateurs, je crois tout de même opportun de rappeler que les nouvelles œuvres du répertoire de l’Opéra, citées dans l’article de Comœdia : Daphnis et Chloé, (qui m’est dédié) fut commandé par moi en 1910 » (135) et Diaghilev d’ajouter qu’il était aussi à l’origine de la Péri et de la Tragédie de Salomé. S’agissant d’Albert, le 23 juillet, on informa : « L’état de santé de M. Aveline est des plus satisfaisants. Les médecins l’ont autorisé à se lever et lui ont permis de faire, hier, sa première sortie. Cependant, ce n’est pas avant quelque temps que l’excellent danseur pourra reprendre sa place dans le ballet de l’Opéra » (136)

Rétabli et rentré d’Aix-les-Bains fin septembre, Albert reparut le 8 novembre dans Castor et Pollux, qu’il avait remis au point, pendant que Staats réglait les ensembles d’un ballet de Gabriel Pierné dans les cartons depuis 1913 : Cydalise et le Chèvre-pied. Ensuite, il remonta les Deux Pigeons et Rigaud de commenter: « ce qui n’est pas une petite affaire, les documents n’étant pas des plus explicites. M. Staats réglera à nouveau les parties de ce ballet dont on n’aura pu retrouver les anciens enchaînements » (137). Avant, le 26 novembre, à l’occasion du centenaire de César Franck, une partie de la troupe dansa au Théâtre royal de Liège. En la circonstance, Staats avait réglé le ballet de Hulda, opéra du maître liégeois et Albert retrouva Zambelli dans Suite de danses : « Chaque morceau ne fut peut-être pas, il faut en convenir, d’une égale mise au point oud’uneégaleréussite,maistoutcelaestsi frais, si pimpant, si joyeux, qu’on pardonne aisément des imperfections si excusables en un pareil moment. C’est qu’aussi l’entrée de Mlle Zambelli et de M. Aveline retenait l’attention » (138) nota l’envoyé de Comœdia. De notre côté, en oubliant que Taglioni chez Musette fut allongé d’airs chantés par Gabrielle Ritter-Ciampi le 24 décembre, on retiendra qu’Albert et

Aveline, Daphnis, photo Jules Sabourin j Albert Aveline h

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Zambelli se montèrent le 14 janvier 1923 dans l’AssembléeauConcert, pièce de Léon Guillot de Saix jouée dans les salons de l’hôtel Charpentier. Incarnant « les grâces légendaires » de la Guimard et de Vestris, ils « dansèrent, à la plus grande gloire de Terpsichore, le Menuet de Lully, l’Armide de Gluck et le Rigodon de Rameau » (139) écrit Levinson, qui collaborait depuis peu à Comœdia. Cécile Sorel ressuscitant pour sa part Marie-Antoinette, glissons que Lully et Rameau n’étaient plus d’actualité

au temps de Trianon. Le lendemain, Albert et Zambelli se transportèrent justement à Versailles dans les décors et costumes de Dethomas. Ainsi, le 15 janvier parut CydaliseetleChèvre-pied, ballet en 2 actes de Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers, lequel « tendre Robert » dixit Marcel Proust, dira au Figaro : « Aveline, réhabilite par son art souple et vigoureux l’être assez étrange qu’est toujours un homme qui danse » (140). Près de Zambelli (la ballerine Cydalise), Albert « d’une fantaisie

stylisée et d’une souplesse étonnante qui évoque le souvenir des meilleurs danseurs russes » (141) tenait le rôle du chèvre-pied Styrax, et tous deux furent l’objet de nombreux rappels. Les soirées de danse ayant été bien accueillies, les 2 et 7 mars, Rouché afficha la Péri, Suite de danses et Sylvia. Mais Levinson, appelé volontiers « le prince de la critique chorégraphique » était entré en scène, et secouant la torpeur, il nota à propos de Sylvia :

« […] l’on ne saurait restaurer en un tournemain une tradition méconnue, piétinéeparledilettantismetriomphant. La Sylvia de Mérante aura été un chefd’œuvre de lyrisme élégant. La partition reste étonnamment vivante. Quant à la présentation actuelle du ballet de Delibes, elle apparaît assez blafarde ; nous la soupçonnons appauvrie, étriquée, erronée. La mise en scène, décors et costumes, semble revêtir d’un linceul poudreux cette chose pimpante et facile ; la couleur morne et exsangue est celle d’un dessinateur ; le faux rococo exquis de 1870 est remplacé par un pensum latin dicté par un maître d’école. Le style des danses est hybride ; le classique y est amoindri ; le moderne timide ; en style culinaire, c’est un chaud-froid. […] Parlerai-je encore une fois de Mlle Zambelli ? Rare et précieuse nature s’exprimant complètement, parfaitement dans un beau langage classique. M. Aveline est très à son aise dans le rôle du berger dans cette mythologie galante. C’est un parfait cavalier du XVIII ème, Lauzun ou Faublas, qui jette sa perruque et saisit une houlette à la grille du petit Trianon » (142)

Le 24 mars, Albert et Zambelli prêtèrent leur concours à une conférence sur la Musique et la Danse animée par Louis Schneider pour l’Université des Annales. Puis le 2 avril invités aux Fêtes galantes organisées par Paul Poiret à Cannes, dans les jardins de sa villa Isola Bella, ils enchaînèrent Pierrot et Colombine sur une musique de Hahn, une danse de Castor et Pollux et leur mazurka Musidora À Paris, en raison de leur absence, on changea Cydalise pour Suite de danses, mais on ignore s’ils sollicitèrent un autre congé le 23 avril pour siéger au jury du Championnat du Monde de Danses Modernes ? Le 11 mai, le ballet des Deux Pigeons revint à l’affiche, « paré encore de touteslesgrâcesd’unejeunessequisemble définitive » nota Émile Vuillermoz ajoutant : « Il faut dire que la chorégraphie nouvelle réalisée par M. Aveline et qui remplace la dernière en date – de M. Clustine – est tout à fait charmante, spirituelle, véritablement originaleetesthétiqueauplushautpointon y rencontre de véritables trouvailles » (143) Ainsi, à l’inverse de ce qu’avait dit Rigaud six mois plus tôt, Staats n’avait pas réglé les parties oubliées du ballet et Albert signa

Aveline, les Deux pigeons, photo Fred Boissonnas, 1927 h

là son premier titre à l’Opéra. Levinson se prononça : « Je ne puis procéder à aucune critique comparée de son travail, n’ayant pas assisté aux précédentes reprises des Pigeons. Je ne sais qu’elles sont dans ce qu’il a réalisé la part de la reconstitution et celle de la création. […] Mais, à lui seul, [le ballet] classe M. Aveline comme un maître pour qui la tradition classique n’est pas un épouvantail ou une férule, mais une source d’inspiration jamais épuisée » (144). Albert reprenant le Tzigane, Suzanne Lorcia était Djali et « la chinoiserie du travesti étant maintenue à l’Opéra », Zambelli (Gourouli) aimait d’amour tendre : Marthe Lequien (Pépio). « J’espère être soutenu dans la petite guerre d’usure que j’ai entreprise contre ce poncif inepte » (145) avait écrit Levinson. Mais confiné dans les usages, osons dire qu’Albert était sans audace. À ce titre, le 17 juin, lors des Fêtes de Versailles, l’Opéra reprit au bosquet des Colonnades, Mademoiselle de Nantes, qui faisait revivre le siècle de Lully. Albert et Zambelli dansèrent le Menuet du Bourgeois gentilhomme, la Chacone de Psyché, pendant que des « fox-trotters » sacrifiaient au modernisme dans le bosquet des Rocailles au son d’un jazzband. La veille, dans les salons du ministre de l’Intérieur, ils avaient créé « avec une grâce incomparable » Divertissement Watteau réglé par Staats sur une musique d’Henry Büsser. Ils le redonnèrent le 29 juin à l’ambassade d’Italie, avant de danser leur répertoire lors d’une seconde saison de ballets français du 25 juillet au 6 août. Une nouvelle fois au moment le moins favorable de l’année : « L’idée de donner une saison de ballets français quand il n’y a plus personne pour comparer, frise la plaisanterie. Quels sont les sentiments qui déterminent cette attitude étrange des dirigeants de l’Académie Nationale ? Modestie ou indifférence ? » (146) lâcha Levinson, dont il faudrait citer chacun des retours, mais l’on retiendra seulement ceci à propos de Taglioni chez Musette : « J’ai beaucoup aimé aussi la variation de M. Aveline, vêtu de l’uniforme romantique inauguré par Nijinsky [dans les Sylphides] mais dépourvu de la légendaire élévation du Russe – et surtout ses séries de tours en l’air, enchaînés par huit et quatre, et dont il dédouble le dernier, dans la mazurka Musidora. Cette danse, que Mlle Zambelli et son cavalier ont dû bisser, n’appartient pas à Taglioni » (147)

Après dix soirées de ballets et des congés, de retour le 18 septembre pour leurs leçons à l’Opéra, l’on revit Albert et Zambelli le 30 septembre au Trocadéro dans Divertissement Watteau, tout en apprenant qu’ils avaient tourné un film sur la danse avec le photographe Charles Gerschell. Le 8 octobre, ils rentrèrent dans les Deux pigeons dansés jusqu’au 3 novembre, date où ils siégèrent au jury d’un concours de danse aux côtés de Boni, Trouhanowa, Stasia Napierkovska, Jeanne

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Ronsay ou encore la bayonnaise Agnès Souret, première Miss France, élue en 1920. Puis le 16 novembre, ils ouvrirent une série d’entretiens menés par Levinson à la Comédie des Champs-Élysées : « Deux grands artistes m’ont fait l’honneur inappréciable de m’appuyer dans ma périlleuse tentative de tout le prestige de leur talent, en exécutant au cours de cet entretien plusieurs adages et variations. Ce sont Mlle Zambelli, dont l’éloge n’est plus à faire, et M. Aveline, dont on n’ignore ni le talent de danseur, ni l’autorité de professeur, mais dont les grandes qualités de maître de ballet restent, du fait de sa modestie, dans l’ombre » (148). De fait, donné avec Divertissement Watteau, l’on ignore si « le Vestris de nos jours » régla les Petits rats de l’Opéra, divertissement dansé par une douzaine d’élèves aux Variétés le 29 novembre au gala de la Société des Auteurs ? Mais l’on apprendra le 1er décembre au cinéma Marivaux, que le court-métrage dont ils étaient les vedettes s’intitulait : la Danse. Tourné à l’Opéra, il montrait « la vie de la débutante depuis sa toute prime jeunesse jusqu’au jour où elle est devenue étoile », et c’est avec un appareil spécial, le ciné-pupitre Delacommune qu’avait été reproduit à l’écran les scènes de ballet avec leur musique et la mesure appropriée. Sinon, selon une information révélée par Claire Paolacci dans Le renouveau chorégraphique de l’Opéra sous l’ère Jacques Rouché, le 5 décembre, Diaghilev souhaitant reprendre Daphnis écrivit à Rouché (149) afin de solliciter le concours d’Albert pour remonter le ballet à MonteCarlo. On n’ignore si Albert obtint le congé nécessaire. Représenté, d’après Fokine, le 1er janvier 1924 avec Anton Dolin et Lydia Sokolova en ouverture d’un Festival Français, il est dit que « la perfection des ensembles était due à la Nijinska » (150) alors maîtresse de ballet. Mais absent de l’affiche parisienne en décembre, il est possible qu’Albert se rendit sur la Riviera. Il reparut le 16 janvier dans Taglioni chez Musette auquel fut ajouté un intermède avec le danseur espagnol Bonifacio. Albert et Zambelli ne figurant pas dans SiangSin, ballet en 2 actes créé par Staats le 19 mars sur une musique de Georges Hüe, entre galas et répertoire à l’Opéra, le 27 mai 1924, au Cirque d’Amiens, ils offrirent « deux danses 1840 » et des fragments des Deux pigeons et de Sylvia Puis le 5 juin à l’Union Interalliée lors d’une fête en l’honneur de la reine Marie de Roumanie, sur une musique d’André Fijan ce fut la Rose d’Ilie, sketch-ballet adapté par le marquis de Montferrier d’un conte de la même reine de Roumanie : la Rose de Conou. Le 17 juin au Cercle de la Renaissance ce furent des danses sur des airs de Rameau et de Boccherini et une mazurka qu’on imagine être Musidora. En revanche, ils ne firent qu’assister à la Fête de l’Amicale de l’Opéra ; fondée en 1921 par Eléonore de Rudnicka, elle poursuivait

Nijinska, photo Gordon Anthony,1937 h

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à peu près le même but de secours mutuel que la Société des Artistes et Amis de l’Opéra toujours active. Le 9 juillet au profit de l’Union des Arts, ils parurent en matinée à l’Empire dans « la Parade des étoiles », Zambelli en danseuse de corde, Albert en Gilles, et le soir à Garnier dans les Deux pigeons. Le lendemain, lors d’un gala en l’honneur du Comité des Jeux Olympiques, ils reprirent le 3ème acte de Sylvia, et sans parler des galas extérieurs, ils partirent en congés le 30 juillet après Taglioni chez Musette

En septembre, le journal Ève publia l’interview cité plus haut, mais Albert confia encore : « Quand Zambelli remplaça Rosita Mauri, je continuai à être son partenaire. Ensemble nous étudiâmes et composâmes des valses, des variations, des adages où les arabesques se dessinent avec majesté, et où les tours et les enlevées s’harmonisent comme des poèmes. La danse est d’ailleurs toute de poésie, elle résume tout ce qui, dans la nature, est la grâce et le charme.

Dans ma collaboration avec Mlle Zambelli nous nous efforçons d’extérioriser l’âme même de la danse et de mêler à nos cours d’étude la fantaisie passionnée de la vie, des attitudes et des gestes » (151) Justement, à propos des « cours d’étude », Comœdia informa : « M. Aveline, maître de ballet à l’Opéra, ouvre ses cours de danses classiques et caractères le 1er octobre, 7, rue Chaptal » (152). À l’adresse de ce qui fut l’Académie Chaptal, enseignaient Paul Péricat, de l’Opéra, Zambelli et les sœurs Annette et Marinette Leibowitz, qui vivaient au rez-de-chaussée avec leur mère et ne s’entendaient guère avec Zambelli. Sinon, glissons que Jane, donnée « étoile de l’Opéra » faisait toujours carrière au music-hall, tandis que Georgette tenait les emplois de petit sujet à Garnier où Albert fit sa rentrée le 17 octobre dans Suite de danses. Mais « d’après les traditions qui se sont conservées dans les théâtres de Russie où cette œuvre était demeurée au répertoire » (153), il répétait Giselle sous la direction de Nicolas Sergueïev : Régisseur de la danse au Mariinski, élève de Vladimir Stepanov, inventeur d’un système de notation, Sergueïev avait quitté la Russie en 1918 avec les notes des chorégraphies de Marius Petipa, dont celles de Giselle que Petipa avait monté à St-Pétersbourg en 1884. Rappelons que le ballet avait été conçu en 1841 par Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges pour l’Italienne Carlotta Grisi et Lucien Petipa, frère de Marius Petipa. Lequel Marius avait dansé une fois Giselle au Grand-Théâtre de Bordeaux avec Élisa Bellon en 1843. Deux ans plus tôt, en 1841 Eugène Coralli, fils de Jean Coralli était venu en Gironde remonter l’ouvrage pour Bellon et JeanAdrien Daumont. Ensuite, « admirable d’expression et de légèreté » Bellon avait été la première française à succéder à Grisi à l’Opéra en 1842. Mais avant que Giselle ne quitte l’affiche parisienne en 1868, des ballerines russes, Marfa Mourarieva en 1863 et Adèle Grantzow en 1866 avait favorisé les reprises. Cette fois « comme un lys étincelant » ce fut Olga Spessivtseva. Ajoutons que le ballet n’était pas tombé dans l’oubli. En 1903, Hansen l’avait mis au point pour Zambelli et Louise Mante, et parmi les exemples tardifs, outre le projet de reprise à l’Opéra-Comique sous Mariquita en 1901, Michel-Ange d’Alessandri l’avait monté à Aix-les-Bains en 1899 avec Ester Zanini et Oreste Faraboni. Autrement dit, en respectant le code civil et pour retourner à Paris, entre 1881 et 1884, alors que le ballet était encore joué à Toulouse et Bruxelles, dans la classe de pantomime de Lucien Petipa, l’on pouvait présenter « la scène de la folie » aux examens. Mais pour les Parisiens, Giselle « le célèbre et insipide ballet d’Adam » (154) avait écrit Hahn était liée aux représentations des Ballets russes dont Albert avait été témoin en 1910. Il reprit le flambeau le 26 novembre 1924 dans une production d’Alexandre Benois

et un arrangement musical de Büsser, mais comme on est à l’Opéra, Giselle fit spectacle avec l’Heure espagnole de Ravel et « par un inconcevable malentendu » on attribua la chorégraphie à Sergueïev. Josette de Craponne était la Reine des Wilis, Paul Raymond, Hilarion et s’agissant d’Albert, Levinson nota : « Beau ténébreux traînant le manteau noir d’Hamlet dans la forêt des Wilis. Il forme avec GiselleSpessivtzeva un couple assez mal assorti. Il s’agissait d’accorder son jeu serré avec l’ample envolée de l’étoile : il a fallu toute l’expérience et tout le tact du danseur pour se tirer de ce pas difficile ; constatons qu’il s’en tira et recueillit, avec sa variation, un succès personnel ». En revanche, le corps de ballet en pris plein son grade : « Quant au gros bataillon, le conseil de révision aura fermé les yeux sur bien des infirmités. On aurait pu faire mieux en s’adressant non pas aux dépôts, mais aux cadres » (155). C’est pourquoi, la troupe préféra lire Raoul Brunel : « Tout le corps de ballet s’est montré à la hauteur de cette petite solennité » (156)

Restée en coulisses, Zambelli reparut avec Albert le 12 décembre à la Gaîté-Lyrique dans Manon, comédie de Fernand Nozière, incluant Divertissement Watteau. Mais on ignore pourquoi elle ne dansa pas Giselle, d’autant qu’on apprendra le 30 décembre lors de la projection de la Danse aux Variétés, que « la valse de Giselle » comptait parmi les scènes du film que Gerschel avait détaillé ainsi : « L’Opéra–Lalogedel’Étoile – Son enfance – Les petites danseuses à l’École – La petite danseuse grandit – La valse de Giselle – Mazurka – Menuet – La Poupée – Pas de deux – Mademoiselle c’est à vous – Ballet 1830 – Valse – Adagio – Schezetto – Variation et finale ». Dans le même temps, pour le 50ème anniversaire du monument Garnier se préparait « une fête comme seul, en 1925, Paris peut l’offrir au monde » (157) nota Albert de Gobart. Elle eut lieu le 6 janvier, Albert et Zambelli reprirent le 3ème de Sylvia, ce qui allait de

Spessivtseva, Giselle, photo Boris Lipnitzki g
Aveline, cours de danse rue Chaptal h

soi, et au prétexte que Lully avait fondé l’Académie royale de musique, réglé par Staats comme Guerra avait composé les ballets de Castor et Pollux, c’est-à-dire sans se plonger dans « le grimoire des notations chorégraphiques du temps » (158) dixit Levinson dont l’érudition épate, le clou fut le Triomphe de l’Amour créé à St Germain en Laye en 1681. La veille, le 5 janvier, à la fois déçu par les spectacles de Giselle et le niveau des danseuses lors de l’examen qui avait eu lieu le 19 décembre sous les yeux d’Albert et Zambelli toujours juges et parties, avec une expertise renversante, Levinson pointa les mauvaises conditions de l’enseignement. Comme Rigaud, il épargna les hommes en progrès avec Ricaux :

« La pompeuse façade de Garnier ne peut que cacher provisoirement ce qui s’effrite ou s’écroule à l’intérieur ; pour quelamaisondure,ilfautunearmature. Cette armature, c’est l’école. […] L’enseignement professionnel se réduit à [une] heure d’exercices quotidiens, toujours les mêmes. Il est complété pour les grands sujets par la répétition des variations prévues pour elles par le programme de la semaine de l’Opéra. […] Est-ce un entraînement suffisant ?

Toutes les danseuses qui ont la moindre ambition, le moindre espoir de parvenir cherchent à le compléter extra-muros. Tous les succès à l’examen, tous les engagements et avancement mérités sont dus à ce travail supplémentaire, quelquefois sous les mêmes maîtres, plus souvent sous d’autres. Il y a, peut-être, des exceptions, mais secret de Polichinelle, les progrès relatifs que l’on constate aux examens ou à la scène sont dus aux conseils donnés dans le privé par Mlle Zambelli, Mme [Blanche] d’Alessandri - Valdine [épouse de Michel - Ange d’Alessandri] MM. Staats, Clustine, Aveline et d’autres professeurs encore » (159)

Levinson légitimait ainsi les plaintes d’une partie de la troupe en 1920, d’autant que les conseils donnés dans le privé n’étaient pas gratuits. Titrant : « La débâcle de l’enseignement », il publia un second article plus rude que le premier : « Quelque connaisseur étranger qui se serait introduit à l’improviste au récent examen eût indubitablement conclu à l’infériorité constitutionnelle de la danseuse française ». Il serait long de reproduire ses réflexions sur la technique, la pantomime, le style et l’absence de classe d’adage : « La future étoile n’est jamais mise en présence de son cavalier. Elle ne le rencontre qu’aux répétitions si, par exception, quelques mesures d’un pas de deux se trouvent attribuées à un sujet. Mais répéter n’est pas étudier. […] L’enseignement de l’Opéra n’aura en rien facilité la tâche du couple. On le jette à l’eau. S’il surnage, le mérite lui revient ». Mais puisqu’il ménagea Albert

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et Zambelli, les citant même en exemple, terminons en concorde : « Que l’on songe au pas de deux de Sylvia, poème de danse, dialogue chorégraphique, dont hier encore Zambelli et Aveline faisaient l’apogée du cinquantenaire Ce résultat prestigieux est dû à de longues années de travail en commun, d’une collaboration de tous les jours » (160)

Le 18 janvier, ils reprirent Taglioni chez Musette, puis formant « un ensemble unique au monde » (161) les Deux pigeons avec Olga Engelstein, dite Soutzo « délicieuseentravesti». Rentrés de Roubaix où ils avaient illustré deux conférences, le 21 février on les vit aux Champs- Élysées dans des danses anciennes au gala des Restaurateurs & Limonadiers. « En technicien consommé » Albert réglait alors à l’Apollo les divertissements de la Veuve joyeuse, opérette de Franz Lehar représentée le 17 avril avant de « longs bravos » au gala de l’Union à l’Empire avec Zambelli dans Musidora le 22 avril. Notons que le « charmant danseur » circulait presque toujours en automobile et qu’il était comparu le 3 avril devant le Tribunal pour « stationnement sans nécessité ». Aucun Aveline ne se manifesta dans la presse, laquelle avait annoncé Giselle pour le 22 mars, ce fut Cydalise le 31 mai. Entre pour une élève de sa classe, Rosita Cèrès, qui deviendra 1ère danseuse en 1931, Albert avait réglé deux danses : une Étude de Chopin et le Golliwogg’s Cakewalk de Debussy qu’elle créa le 8 mai salle Erard lors d’un récital de la pianiste Carmen Guilbert. Albert se produira avec elle le 4 avril à la mairie du 10ème au profit l’Union des combattants et mutilés corses. Mais l’évènement fut le départ de la troupe pour la Fête des Narcisses de Montreux. Les 6 et 7 juin, en plein air et sans décor, Albert et Zambelli dansèrent en matinée Taglioni chez Musette, le 3ème acte de Sylvia et rentrèrent heureux de leur succès. Puis de galas en mondanités, on retiendra le 19 juin à l’Opéra-Comique, une Nuit d’Espagne, « un madrigal » de Guillot de Saix et d’Ernesta Stern, veuve du banquier Louis Stern, dite Maria Star, l’occasion de paraître dans un menuet de Hahn. Le 24 juin au profit des Comédiens combattants ce fut à l’Opéra, l’Arlésienne, drame d’Alphonse Daudet, musique de Georges Bizet, avec sa farandole, ses danses provençales réglées par on ne sait qui, mais où l’on vit Zambelli, Soutzo, Albert et André Denisart. Suivirent les Deux pigeons le 26 juin à l’Hôtel de Ville pour le lord-maire de Londres et Watteau le 2 juillet au Cercle Interallié, puis un Taglioni chez Musette le 5 août à l’Opéra avant des spectacles non renseignés au Kursaal d’Ostende.

Albert dansa-t-il ensuite sur la côte basque ? Pour une « une féerie solennelle et inoubliable, au profit des Croix-Rouge françaises et espagnoles » devant se

Soutzo, les Deux pigeons, photo Fred Boissonnas, 1927 h

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dérouler au Pavillon Royal, la Gazette de Biarritz avait annoncé le 24 juillet : « Le ballet de l’Opéra dansera Le Triomphe de l’Amour de Lulli. On sait de quelle façon M. Rouché a monté cette œuvre charmante et quel accueil le public parisien lui a fait. Au Pavillon Royal, elle bénéficiera encore du cadre merveilleux et surtout de cette reconstitution exceptionnelle qui la situera à sa véritable époque, c’est M. Staats lui-même, qui dirigera ce royal divertissement. Mlle Spessisvetza. Mlle Jane Schwartz et M. Aveline, trois étoiles de l’Opéra dont il est inutile de vanter le talent, le danseront entourés de trentesept danseuses et danseurs du corps de ballet de notre Académie nationale de Musique et de Danse ». Cette grande fête Louis XIV dont on parlait depuis plusieurs semaines eut lieu le 8 septembre. Après une scène mimée reconstituant le mariage de Louis XIV et de l’Infante d’Espagne à Saint-Jean-de-Luz, les jeunes époux assistaient au Triomphe de l’Amour donné en leur honneur. Préoccupée de décrire les toilettes des unes et de citer les autres, la Gazette de Biarritz est imprécise. On lira toutefois : « Le ballet de l’Opéra nous rendit toutes les grâces du vieux temps. Mlle Camille Bos, une des plus jolies étoiles de notre Académie Nationale de Musique et de Danse, était l’adorable Orithie, aimée de Borée, interprété avec une science et un art remarquables par M. Gustave Ricaux, premier danseur de l’Opéra. […] La musique de Lulli n’est certes pas une musique de plein air et dans cette immensité elle paraissait vraiment un peu grêle. Et puis tous ces personnages historiques,leballetmêmenenousontpas paru non plus tout à fait à leur place. Nous savons bien qu’un accident fâcheux, dont nous parlons plus loin, a pu nuire un peu à l’ensemble, mais, sans vouloir diminuer la valeur du spectacle ni le grand talent des artistes, nous croyons cependant que le public préfère des divertissements d’un caractère plus moderne et ne dissimule pas ses préférences pour l’art des Pavlova, des Loïe Fuller, des Dolly Sisters ou des Harry Pilcer ». S’agissant de l’imprévu, durant le dîner d’avant spectacle, le bruit s’était répandu qu’un accident était survenu à l’autocar qui transportait, de Biarritz au Pavillon Royal, les danseuses de l’Opéra, et qu’il y avait des blessées. « Le fait était exact, mais heureusement n’était pas aussi grave qu’on pouvait tout d’abord le croire » (162). On ne saura rien de la nature de l’accident, ni si Albert était dans le car.

Le 14 octobre, « l’un des plus beaux danseurs de notre temps » (163) reparut à l’Opéra dans Sylvia, puis dans les Deux pigeons. Notons que « sa » Veuve joyeuse débutée le 17 avril quitta l’Apollo le 4 octobre et qu’à l’Opéra Rouché ferma la section rythmique. Au Grand-Palais, dans le cadre de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes se préparait pour le 27 octobre au profit

de l’hôpital franco-italien : Venise, un roi passe… : reconstitution de la réception faite à Henri III par la république de Venise en 1574. Conçue par Tito Ricordi et Léonetto Capiello, dans un décor d’Émile Bertin, 500 personnes en scène et des défilés fastueux réglés par Arsène Durec. Cependant, après « Les Madrigalistes » venus de Varese chanter Monteverdi, il dû être déconcertant d’entendre la Favorite, le Barbier de Séville, la Bohème en costumes du XVIème siècle. Cité, le corps de ballet de l’Opéra ne fit pas écho, celui de la Gaîté-Lyrique mené par Stichel offrit la Danse des heures de la Gioconda de Ponchielli. Quant à Albert et Zambelli, « ils interprétèrent avec leur éblouissante et coutumière technique une tarentelle brillamment accompagnée par la voix et le tambour de basque de Mme RitterCiampi » (164). Il s’agissait de la Tarantella napoletana de Rossini et inutile de dire qu’ils retrouvèrent ensuite Sylvia et les Deux pigeons, jusqu’au 3 décembre, date d’un gala : La Danse à travers les âges, pour lequel Albert régla avec les hommes la danse des guerriers de Sigurd d’Ernest Reyer. Jeanne Ronsay, Joséphine Baker et les danseuses de la Revue nègre, Nijinska et les danses polovtsiennes du Prince Igor par les artistes de Diaghilev et d’autres encore participèrent à la soirée. Vint ensuite Taglioni chez Musette, puis Cydalise le 8 janvier 1926, Levinson trouvant qu’Albert avait beaucoup maigri. Puis le 21 janvier ce dernier siégea au jury du concours annuel. À la table se trouvaient entre autres, Spessivtseva qui ne dansait qu’avec Ricaux et Nijinska que Rouché tentait de s’attacher comme maîtresse de ballet. Levinson analysa chaque classe, mais l’on retiendra : « C’est sur M. Ricaux que repose la responsabilité pour l’ensemble des classes masculines. Il lui faut lutter contre des difficultés quasi insurmontables, véritable travail de Sisyphe. Dès qu’il arrive à former des cadres solides, les

Programme la Danse à travers les âges, 1925 g
Paul Raymond, photo Fred Boissonnas, 1927 h

départs, les absences, l’attrait du musichall tentaculaire, émiettent son personnel. La situation faite aux danseurs de l’Opéra serait-elle insuffisante ? Quoi qu’il en soit, le problème est assez grave » (165)

Le quotidien reprenant son cours, le 11 février Albert participa au déjeuner fêtant la nomination de Zambelli au grade de chevalier de la Légion d’honneur, la première donnée à une danseuse, avant de lire dans Excelsior : « Plusieurs avocats sont devenus acteurs ; l’un d’eux, même, M. Aveline, quitta la robe pour entrer au corps de ballet de l’Opéra » (166). Erreur, docteur en droit, c’est Paul Raymond qui était passé en 1895 du barreau à la barre, du palais de justice au palais Garnier. On revit Albert et Zambelli le 12 mars dans Watteau au ministère de l’Intérieur, tandis que Suite de danses et les Abeilles refaisaient affiche. Mais pour Albert et sa partenaire, l’ordinaire se résumait à quatre titres. Au reste, mi-avril avec une partie de la troupe, ils se rendirent en Hollande pour quatre soirs à La Haye et Rotterdam, où ils dansèrent Sylvia et les Deux pigeons qu’ils redonnèrent le 28 avril à l’Opéra pour la 100ème depuis 1886, avant d’enchaîner Cydalise le 5 mai et Taglioni chez Musette le 1er juin pour un gala au profit de la caisse de retraite et de l’Amicale de l’Opéra. Ce soir-là, avec les enfants, les mimes et le corps de ballet, « les incomparables artistes » défilèrent pour la première fois sur la Marche triomphale de Tannhäuser accompagnés par les chœurs. Parti du fond de la scène, le cortège s’était formé comme aujourd’hui dans le foyer de la danse et Rigaud d’ajouter : « Dans l’après-midi, on avait répété, sur le plateau agrandi. […] M. [Pierre] Chéreau [régisseur directeur de scène] commandait la manœuvre, M. Aveline et M. [Marcel] Tisserand, le dérogé régisseur de la danse faisaient office de serre-files. On eût dit une véritable école de section, sauf que les commandements étaient plus doux » (167). On attribue ce défilé à Staats, l’idée peut-être ? Car le 26 mai, Staats s’était embarqué au Havre sur « Le France » pour New-York. Habitué aux manœuvres de figurants dans les opéras, c’est à coup sûr Chéreau qui le régla. Même chose pour Orphée, mimodrame lyrique de Roger Ducasse créé le 11 juin avec Ida Rubinstein. Officiellement, Staats en fit la chorégraphie avant son départ, mais le journal Bonsoir nota : « La chorégraphie, réglée par M. Staats et M. Aveline, renferme […] de délicates attitudes empruntées à une sûre érudition archéologique » (168). Après une dernière des Deux pigeons le 2 juillet, Albert reparu le 16 dans les jardins du Quai-d’Orsay, où devant le Sultan du Maroc venu inaugurer la Mosquée de Paris, on donna Taglioni chez Musette. S.M. Moulay Youssef, Aristide Briant et Gaston Doumergue « prirent ensuite le thé à part sous une tente de pourpre et d’or ». Mais Sa Majesté voulant connaître, durant son séjour en

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France, la vie de nos stations thermales, le 28 juillet au Grand Cercle d’Aix-les-Bains, il revit Taglioni chez Musette avec Albert, Zambelli et Suzanne Mimar avant de faire un tour à la salle de baccara. Maître de ballet à l’Opéra de Nice, Charles Cefail dirigeait la troupe. Le lendemain Albert et Zambelli quittèrent « leurs inoubliables camarades chaleureusement applaudis » pour un Taglioni chez Musette à l’Opéra le 5 août.

Ils rentrèrent le 13 octobre dans le même titre sans rien d’autre de particulier jusqu’au 3 décembre, où lors d’un spectacle de la Comédie-Française à Dunkerque, ils offrirent Watteau et « une sélection » des Deux pigeons au 2ème acte d’une comédie de Pierre Wolf : les Marionnettes. Le 5 décembre, au Cercle Interallié, ce fut le même Watteau alors qu’il se murmurait que Guerra allait remplacer Staats. La nouvelle tomba le 17 janvier 1927 et l’on ignore si Albert visait la place. L’on sait seulement que Rouché comptait inviter d’autres chorégraphes pour régler « certains ouvrages spéciaux », tel sera le cas pour Impressions de Music-Hall, ballet de Gabriel Pierné confié à Nijinska. Pour l’heure, succédant à Staats et Johnsson dans les rôles de Paganini et de la Fée, le 4 janvier, Albert et Zambelli débutèrent dans la Nuit ensorcelée, ballet en 2 actes de Bakst, musique de Chopin orchestrée par Louis Aubert et réglée par Staats en 1923. Puis le 15 janvier, ils reprirent la Maladetta, dont Albert avait mené les répétitions. Découvrant la chorégraphie de Hansen « reconstituée et renouvelée » par Staats en 1922, Levinson avait admis « avoir passé une soirée heureuse et instructive. Il est si rare, aujourd’hui, de voir danser dans un ballet ! » (169). Cette fois, il éprouva « une sensation forte et pure de beauté vivante » devant les ensembles du 2 èmeacte. Albert malade en 1922, débutait dans le gitano Trigueno créé par Vasquez en 1893 et Levinson nota à l’endroit de sa variation : « En exécutant sa variation à l’espagnole qui culmine en un manège

Zambelli, à gauche Suzanne Lorcia, photo Albert Harlingue, 1926 hh

Partition la Nuit ensorcelée h

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de grands jetés en tournant enlevés sur les reins, M. Aveline a voulu forcer sa nature et outrepasser son emploi. Il est allé jusqu’au bout avec un beau courage, mais ses moyens ont tourné court » (170) Le 28 janvier Albert reprit Cydalise, puis la Nuit ensorcelée et la Maladetta jusqu’à la création d’Impressions de Music-Hall, le 8 avril. En vingt minutes « ironiques et piquantes », quatre tableaux : les Chorus Girls, l’Excentrique, les Espagnols et les Clowns musicaux, le tout pour quelques artistes de la troupe et deux solistes : Albert (l’Excentrique) « grimé à la Fratellini et chaussé à la Little Tich » et Zambelli en poupée rose que l’on sortait d’un carton à chapeau : « Le ragoût était vif de voir nos étoiles de l’Académie de danse assouplir leur savoir classique aux plaisanteries de music-hall, et y réussir pleinement, Mlle Zambelli n’y a point perdu sa noblesse et y a complété sa grâce. M. Aveline a été un clown d’une extrême drôlerie, en restant un savant danseur » (171) écrivit Jane Catulle-Mendès. En vérité, le ballet provoqua des réactions diverses. Ainsi, Jean Prudhomme nota par exemple : « Qu’il est pénible de voir faire des pointes à cette virtuose de la saltation, Mlle Zambelli, tandis que M. Aveline se livre à de lourdes pitreries. Quelle haine porte donc l’Opéra au music-hall pour risquer de le déconsidérer à ce point ? » (172). Quant aux impressions de Levinson, en voici un extrait : « Le joli succès de surprise

remporté par Impressions de Music-Hall, sketch chorégraphique ou " boutade", commel’ondisaitdutempsdesPrécieuses, ne nous fera pas froncer un ombrageux sourcil. Comme c’est son habitude, l’Opéra suit, avec quelque six ou sept ans de retard, l’exemple des Ballets russes. Après Parade [1917 de Léonide Massine] Cocteau, Satie et Picasso, le piquant d’une pareille audace et tant soit peu amorti. […] Il reste à savoir à quel point ce plaisant et funambulesque opuscule est à sa place sur le plateau de l’Académie nationale ». « Pour conclure, dit Dominique Sordet de l’Action française, il est évident que les Impressions de Music-Hall eussent été interprétées avec plus d’accent par les artistes du Casino de Paris. Mais le Casino de Paris aurait-il joué la musique de M. Pierné ? » (173). Sinon, Nijinska avait aussi réglé les danses de Naïla, conte oriental lyrique de Philippe Gaubert créé en ouverture. En revanche, le 16 mai, « selon les meilleurs styles d’Orient » ou encore « avec beaucoup de grâce et de charme » Albert signa celles du Coq d’or de Rimski-Korsakov. L’après-midi avec Zambelli, il avait exécuté des danses XVIIIème lors d’une conférence d’Albert Flamant à l’Université des Annales. Mais sous l’œil de Guerra, dans le rôle du petit homme noir, Albert répétait surtout le Diable dans le beffroi de Désiré Émile Inghelbrecht créé le 3 juin. Bos, Henriette Valsi, Ricaux et Denizart étaient les autres protagonistes de cette diablerie tirée d’un conte d’Edgar Poe. D’un « satanisme plaisantetpittoresque » (174) selon Levinson, Albert fit l’unanimité dans le rôle principal. Ainsi Louis Laloy nota par exemple : « M. Aveline, toujours en progrès et qui, cette fois, se dépasse lui-même, ajout[e] à sa virtuosité impeccable la fantaisie la plus entraînante, intelligente, aérienne et sûre. C’est un esprit qui danse, enlevant par ses bondslafoulequil’entoure» (175). Le 21 juin, en Vestris et Guimard, Albert et Zambelli parurent à Garnier dans l’Impromptu de l’Union des Arts, pièce de Guillot de Saix mise en scène par Chéreau. Lily Laskine, La Argentina et d’autres participaient à ce gala, qui enchaîna le 23 avec « le Five o’clock » des Amis de l’Opéra, où dans la Rotonde, ils obtinrent leur habituel succès dans le menuet du Bourgeois gentilhomme et leur gigue de Grétry avant d’offrir le soir un extrait de la Nuit ensorcelée dans les jardins de l’Union Interalliée. Puis, sous l’égide de l’Association française d’expansion et d’échanges artistiques dirigée par Robert Brussel, avec une partie de la troupe ils se rendirent en Allemagne pour danser dans le cadre de l’Exposition internationale de Francfort : Daphnis et les Deux pigeons le 27 juin et le Diable dans le beffroi et Impressions de Music-Hall le 28. On les revit à l’Opéra le 7 juillet dans Impressions de Music-Hall, puis le 9 au Touquet à un banquet entre aviateurs et artistes, le 17 à Aix-les-Bains dans Watteau Ensuite, Zambelli se rendit à Milan pour les vacances, Albert revint à Paris, faire répéter

les ballets du répertoire avant de partir en Bretagne. On ignore, s’il lut la presse, mais faisant le bilan de la saison, Levinson nota tout d’abord à propos de l’Opéra :

« Créations et reprises s’échelonnent d’une façon fortuite, sans continuité apparente. Le départ de M. Staats, chorégraphe responsable, aggrava l’incertitude d’une troupe privée de direction. La rentrée à l’Opéra de M. Guerra, nommé à sa place, et qui régla naguère Castor et Pollux dans un style remarquable, n’a pas encore produit d’influence appréciable sur la tenue du corps de ballet, décimé par de regrettables départs. Ce vétéran voudra-t-il et saura-t-il redresser une tradition qui s’en va à vau-l’eau ? […] Un répertoire semblait être en train de se constituer ; or, nous n’avons plus revu ni Sylvia, ni Giselle. Et nous ne saurions dire où en est, au juste, l’enseignement officiel de la danse, puisque le concours annuel de classement se trouve indéfiniment ajourné ». Puis revenant sur Impressions de Music-Hall et le Diable dans le beffroi : « M. Aveline montrait dans son intermède " à la manière de" Little Tich une incontestable vis comica et un entrain plein de tact. […] C’est encore ce même danseur, peu apte, malgré un honorable labeur, aux grands élans et aux suprêmes attitudes de la danse noble, mais excellent dans le genre dit de « demi-caractère », qui mène le jeu dans le Diable dans le beffroi » (176)

Rentré en septembre pour ses leçons, Albert reparut le 5 octobre avec Johnsson dans la Nuit ensorcelée, le 16 avec Zambelli dans Impressions de Music-Hall, le 29 dans le Diable dans le beffroi, le 5 novembre dans Daphnis, et ainsi de suite, jusqu’à l’examen de danse du 15 décembre que l’on passera en notant que celui des élèves se déroula à huis-clos. Autre « petite révolution », comme au temps de « l’Académie morale de musique » et du vicomte Sosthènes de La Rochefoucauld, directeur des beaux-arts en 1823, qui avait interdit aux Abonnés l’accès au foyer de la danse, lieu de rendez-vous galant rétablit en 1831 sous le directorat de Louis-Désiré Véron. Mi-décembre, Rouché prit « l’énergique décision d’interdire aux Abonnés l’accès de la scène et des foyers d’artistes » (177) Mais face aux protestations des Amis de l’Opéra qui menacèrent de porter l’affaire devant les tribunaux, en février 1928, Rouché banni uniquement l’accès aux coulisses en passant par le plateau, et institua un nouvel accès conduisant par un passage latéral et un escalier au foyer de la danse et aux loges d’artistes. On ignore si Louis Tissier, sénateur radical-socialiste du Vaucluse était abonné, de mèche avec eux ou tout simplement désireux de se faire remarquer. Mais le 20 décembre, lors du vote du budget de l’Opéra au Sénat, outre

Carlotta Zambelli i

proposer une réduction de 1.000 frs de la subvention, somme ridicule, il se plaignit de l’insuffisance des résultats obtenu par Rouché, et déclara : « On a introduit sur la scène de l’Opéra, des pièces qui seraient plutôt à leur place sur celle d’un music-hall. Le public en été parfois choqué et il lui est arrivé de manifester son mécontentement par des sifflets discrets. Le niveau artistique de l’Opéra n’est pas supérieur à celui du Grand-Théâtre de Lyon (rires) ». Du même bord, Édouard Herriot, ministre des beaux-arts lui répondit : « [M. Rouché] a donné bien des preuves de son désintéressement et de son attachement à la maison qu’il dirige. Le dernier rapport de l’inspection des finances établissait que, de par les sacrifices consentis pendant la guerre, M. Rouché avait déjà dû débourser 7 millions. Des réformes peuvent être étudiées, mais M. Rouché a donné à l’Opéra une allure et une tenue qui lui font largement honneur ». (178). Tissier n’insista pas et le budget fut voté. Glissons que les Ballets russes se produiront peu après à l’Opéra, ainsi le 29 décembre, Serge Lifar « jeune athlète » de 22 ans dansa pour la première fois l’Après-midi d’un faune

Toujours en décembre 1927, le 21, Giselle revint à l’affiche avec Spessivtseva et Ricaux, Paul Raymond, 56 ans, président de l’Union des professeurs de danse de France s’accrochait à Hilarion, Serge Peretti, 1er danseur depuis juillet était Wilfride, l’écuyer. Quant à Albert et Zambelli disons pour faire plaisir aux organisateurs du Bal de l’Union des femmes de France, si ravis de les accueillir, qu’ils dansèrent le 11 février salle Mauduit à Nantes. Et pour avancer, sur des musiques de Hahn réglées par Sberna, le 1er mars, ils parurent à Cannes dans la Nuit du prince Pâle, conte féerique de Georges Loiseau. De retour, le 12 mars, ce fut les Deux pigeons et le 27 « d’une précision et ensemble d’un désinvolte exquis » (179) Watteau, Salle Pleyel avec le Sextuor de harpes de Lina Cantelon. Le 30 avril « les deux grandes vedettes » triomphèrent dans leur mazurka à la PorteSaint-Martin. Deux jours plus tôt, Staats rentrant du pays des Girls, Albert était allé l’accueillir à la gare Saint-Lazare. Il salua Ravel et Fédor Chaliapine qui avait fait le même voyage. Puis, le 14 mai à Asnières, où il demeurait, 2 rue Franklin, avec sa femme, Marie Even qui n’appartenait plus à l’Opéra « l’éminent maître de ballet et 1er danseur de l’Opéra » maria sa fille Yvonne : née le 31 octobre 1907 à Saint-Ouen, sans profession, elle épousait Georges Sçhnitzler, 28 ans, marchand de chaussures à Asnières et bientôt gérant de la société de ses parents : les Chaussures Schnitzler-Duval. Le jour d’après, Albert reparut avec Zambelli dans Impressions de Music-Hall, puis tour à tour dans les Deux pigeons, la Nuit ensorcelée, mais aussi dans Suite de danses le 20 juin à l’Hôtel de Ville devant des parlementaires et Taglioni chez Musette le 26 au profit de la caisse

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de retraite et de l’Amicale de l’Opéra. Le lendemain, pour les Amis de l’Opéra, ce fut Bécassine et le soldat, divertissement non renseignée. Glissons qu’Ernest Even dansait toujours, que Jane engagée par la Tournée Robert Serval, danseur fantaisiste, allait s’illustrer dans T’es à la page ?, revue de Guillot de Saix et Armand Foucher, musique de Charles Chobillon. Mariée en 1926 à Paul Ribière, baryton de l’Opéra mort en 1928, Jane laissera la scène en 1930. Quant à Georgette, mariée en 1927 à Jean Oliva, elle avait semble-t-il quitté l’Opéra en décembre 1924. Le 23 juillet 1928, Albert termina la saison avec Impressions de Music-Hall, entre Rouché avait repris le Coq d’or joué jusqu’au 3 août. On retrouvera Albert et Zambelli le 27 septembre au Casino municipal de Biarritz. Rappelons que « la grande étoile » l’avait inauguré le 17 août 1901 dans la Muse de Biarritz, ballet de Pierre-Barthélemy Gheusi, mis en scène par Gailhard, réglé par Hansen sur une musique de Vidal. Cette fois à l’invitation de Broussan, leur ancien directeur, ce fut Taglioni chez Musette, « mise en scène de M. Aveline, ensembles réglés par M. Janssens, maître de ballet ». En clair, Édouard Janssens, du Théâtre royal d’Anvers et par déduction, car La Gazette de Biarritz informait du minimum. Le corps de ballet avait à sa tête, Angela Ratteri, 1ère danseuse de l’Opéra Monte-Carlo et Germaine Brana, de l’Opéra, 1er travesti à l’Opéra de Lille. Également, Thérèse Ivory Janssens et Mlle J. Trappeniers qui sera plus tard maîtresse de ballet à Angoulême et Roubaix. « Quant au ballet de Taglioni chez Musette, » nota Jean Dargène, officier de marine en retraite et littérateur, « ce fut un délice. Quelle merveilleuse artiste que Carlotta Zambelli ! grande maîtresse de la difficulté des pas, dans l’élégance. La danse noble, aux belles attitudes, la danse légère, avec ses sauts et pirouettes, ses

Sextuor de harpes de Lina Cantelon, 1928 i

Édouard Janssens, photo Georges Halleux-Mertens, 1909 l

ronds et ses moulinets, n’ont aucun secret pour elle. Comme elle « bat » l’entrechat, les 6 et les 8 ! Oh ! ses jetés, ses pliés, et ses tombés ! Et ses alertes battus, ses jetés-battus et ses assemblés ! Zambelli est toujours la reine incontestée du ballet en France. Son partenaire, M. Aveline, a aussi un bien beau talent ! Son pas de gavotte, si léger, fait songer à Vestris, le dieu du genre. M. Aveline a une remarquable élévation. Il faut encore chaudement complimenter Mlles Trappenier et Yvori [sic] fort applaudies dans leur Boléro, et, aussi, les deux quadrilles de la danse du Casino tout à fait charmants » (180) Le Jongleur de Notre-Dame de Massenet chanté par Charles Friant ouvrit la soirée. De 1901 à 1906, le célèbre ténor avait été élève à l’Opéra, tout comme son frère Albert, ex-sujet et camarade d’Aveline. Ayant aussi une jolie voix, Albert Friant chantait alors l’opérette tout en dansant. Sinon, le 29 août, Dargène avait annoncé pour le 2 septembre un gala de danse promettant : « Suite de danses de Chopin, avec neuf numéros, et une suite de

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danses humoristiques, en costumes, de 1850 jusqu’à nos jours. […] Mme Ratteri, danseuse étoile et les dames du ballet se feront applaudir dans ce beau spectacle, populaire à la fois et distingué, en la compagnie de trois danseuses du Ballet de l’Opéra et d’un danseur de l’Opéra » (181) Ce gala eut lieu, mais Dargène, qui toujours piochait dans L’Aide-Mémoire du Parfait Danseur pour combler le vide de ses chroniques ne vint pas.

Dans la presse, il faudra attendre le 4 novembre, pour revoir Albert et Zambelli à Garnier dans la Nuit ensorcelée, puis le 6 « à la tête de 25 danseuses de l’Opéra » dans Taglioni chez Musette au Cirque d’Amiens, enfin le 19 dans Impressions de MusicHall. Le 18 décembre, jour d’examen, après la classe de Ricaux : « une dizaine de jeunes gens en maillot noir et chemise de soie blanche », vint « un nuage blanc » (182) Autrement dit, les quadrilles et coryphées de Charlotte Van Gœthem, les grands sujets de Zambelli et pour clore le programme : « la classe des petits sujets, si parfaitement préparés par Aveline » (183). L’année 1929 s’ouvrit avec Impressions de Music-Hall, jusqu’au retour des Deux pigeons le 9 février, et tour à tour jusqu’en mai. Entre, tout en réglant une revue au Casino de Paris, Staats, avait repris ses cours où selon « les méthodes américaines », il mêlait « l’enseignement de la danse classique et le développement des besoins acrobatiques imposés par les goûts actuel » (184) : « Les Américains, confia-t-il à Comœdia, veulent des spectacles brillants, rapides, reposants pour l’esprit, amusants pour les yeux, qui se renouvellent constamment et qui n’obligent pas le spectateur à faire un effort de réflexion » (185). On ignore, si Rouché à l’image du facteur de Jacques Tati, dans Jour de Fête voulu « faire comme en Amérique », mais le 15 mai, pour Bos et André Maëlli, Staats créa l’Écran des jeunes filles, ballet en 2 actes de Jacques Drésa, musique de Roland Manuel. On le redonna le 23 mai au Gran Teatre del Liceu dans le cadre de l’Exposition internationale de Barcelone avec les Deux pigeons. La veille Albert et Zambelli avaient dansé Impressions de music-hall. De retour, leur agenda fut marqué le 18 juin par le 25ème anniversaire des Amis de l’Opéra, fondés l’on s’en souvient par le banquier Isaac de Camondo. Amateur de musique, il avait composé le Clown (1906), un opéra dont Albert et Zambelli exécutèrent la polka dans la Rotonde. Puis le 29 juin, « sur le thème des fêtes offertes à l’Empereur Napoléon

1er et à l’Impératrice Marie-Louise au retour de leur voyage de noces, fêtes qui se déroulèrent dans le parc du château de Neuilly, résidence de la princesse Pauline Borghèse » (186) la princesse Murat, Georges Loiseau et Staats, conçurent : l’Impromptu de Neuilly, ou une fête chez la princesse Pauline Borghèse pour le Bal du GrandPrix. Toutefois, on ne saisit pas trop, car l’Impromptu de Neuilly, divertissement en 1 acte, d’Alissan de Chazet, musique de Spontini, donné en 1807 à la Malmaison, célébrait l’Impératrice Joséphine et non pas l’Impératrice Marie-Louise. Mais sans doute, cette « fastueuse reconstitution » était-t-elle un peu à l’Américaine. En tout cas, sa trame permettait toutes les fantaisies : « Au cours de la représentation, Napoléon s’endort. La cour s’anime et des attractions de tous genres viennent symboliserlerêveimpérial, […] del’Empire à un avenir... lointain ». Ce qui explique « l’apparition colorée » des danseuses de Loïe Fuller, un peu moins celle d’Albert et Zambelli dans les Petits riens de Mozart dont le chorégraphe n’est pas cité. L’on sait seulement que Staats composa les ballets des victoires de l’Empereur. Plus tard, le 9 juillet au Ritz, à l’occasion de l’Independence Day, Albert et Zambelli parurent dans le Triomphe des roses, évocation de la Cour de Joséphine au château de Malmaison, par Guillot de Saix et prirent congés fin juillet. On apprendra alors, qu’Albert se trouvait l’été précédent sur « une plage à la mode » où séjournait de jeunes séminaristes. Les observant dans leurs exercices d’assouplissements, il leur donna des conseils tout en faisant connaître sa qualité d’artiste de l’Académie nationale : « Les prêtres n’en furent pas effarouchés, ils prièrent l’artiste de continuer ses précieuses leçons et, jusqu’à la fin de la saison, on put le voir sur un coin de la plage faire manœuvrer en mouvements harmonieux et mesurés son bataillon de 60 jeunes séminaristes » (187)

Sur le papier, Albert et Zambelli rentrèrent le 23 octobre dans Sylvia, tout en lisant : « Le ballet de Beethoven, Prométhée, sera créé sur le scénario reconstitué par M. Jean Chantavoine et M. Maurice Léna ; la chorégraphie sera réglée par M. Balanchine et l’interprétation réunira M. Lifar, Mlle Spessivtseva, M. Peretti, Mlle Lorcia » (188) L’on parle ici des Créatures de Prométhée, ballet créé par Salvatore Viganò, le 28 mars 1801 au Burg-Theater de Vienne sur une partition de Beethoven. Sinon, durant l’été, le 19 août, Diaghilev s’était éteint à Venise, et profitant de la dissolution des Ballets russes, Rouché approcha Lifar, lequel raconte dans Les Mémoires d’Icare : « Jacques Rouché désirait un spectacle en l’honneur du centenaire de Beethoven qui avait eu lieu deux ans auparavant. Il voulut m’engager à la fois comme chorégraphe et interprète des Créatures de Prométhée. Je refusai car je n’étais pas sûr de moi. Je voulais un chorégraphe. Rouché semblait

déçu. Il me soumit le nom de Staats, son maître de ballet, que je n’acceptai pas, puis celui de Mme Nijinska. Je réfléchis et répondis : " Je voudrais George Balanchine, pouvez-vous l’inviter ? " […] Quand Balanchine arriva à l’Opéra de Paris, ce fut moi qui le présentai au corps de ballet, mettant en relief le talent de l’auteur d’Appolon Musagète et du Fils prodigue. Lelendemain,ilcommençaàréglerleballet par un numéro de divertissement, Bergers et Bergères. Puis après deux répétitions, il tomba malade. Une semaine d’absence. Deux semaines. C’était plus grave qu’on ne le croyait. Il avait les poumons atteints. Il dut renoncer, car sa guérison serait longue et il quitta Paris pour la montagne. Rouché m’appela et me dit : " C’est le destin ! Je sentais bien que vous deviez faire ce ballet." Un peu terrorisé, j’acceptai et, le 30 décembre, ce sera le triomphe des Créatures de Prométhée » (189)

Glissons qu’en faisant appel à Guerra, qui avait monté le ballet à Budapest en 1913, Rouché aurait pu rendre justice à Beethoven en 1927. Mais pour le salut de l’institution, il eut raison de patienter ou le destin de l’empêcher. Car animé par l’ambition de devenir un astre, Lifar d’abord désespéré comme Prométhée du sort de ses « créatures » : « Je connaissais le Ballet de l’Opéra et tous ses défauts ! Je souffrais surtout de ce que les traditions mondaines (ou demimondaines) du XIX ème siècle fussent encore en vigueur » (190) toucha de la flamme de ses audaces une troupe affichant une supériorité mal fondée. Justamant en son temps, Stichel, voire Staats auraient peutêtre pu réaliser les espoirs de renouveau formulés par chaque direction. Cependant, soumis au pouvoir des Abonnés, à l’incurie des gouvernements, les directeurs en minorant la place de la danse faisaient aussi partie du problème. À preuve, réalisant en mai 1929 une enquête auprès des Abonnés, Rouché cité par Mathias Auclair et Aurélien Poidevin (191) écrira : « J’hésite à tenter la soirée entière de ballets réclamée par certains amateurs : un tel spectacle ne satisferait pas tous les Abonnés et ne serait pas apprécié par le public » (192). Par sa nature titanesque et ses éclats médiatiques, auréolé du prestige des Ballets russes, ce à quoi Rouché rêvait jour et nuit, le caractère allégorique du ballet de Beethoven fonctionnant à merveille, Lifar fut l’étincelle ranimant « les créatures ». Henry Malherbe le perçut aussitôt : « Un principe-neuf, sinon supérieur, a été introduit hier dans le corps de ballet de l’Opéra » (193)

On ne reviendra pas sur l’action de Lifar, ni sur sa façon de toujours tirer la couverture à lui, disons seulement que Balanchine aura une autre version de ce que nous venons d’évoquer. Ayant signé un engagement à Londres, Lifar ne devint 1er danseur, maître de ballet et chorégraphe de l’Opéra que

le 1er novembre 1930. Fataliste de nature, Balanchine se dira alors : « Il se présentera toujours quelque chose » (194). Sans quoi, Lifar raconte encore : « Avant la première [de Prométhée], Rouché avait convoqué dans son bureau, en ma présence Mlle Zambelli, MM. Staats, Aveline, Ricaux et Peretti. Il leur avait demandé d’assister aux répétitions afin qu’ils connussent le ballet pour pouvoir continuer à le faire représenter après mon départ, Mlle Zambelli remplaçant Olga Spessivtseva et M. Ricaux reprenant mon rôle. Ayant déjà vu des passages en salle de répétition, ils crièrent au scandale et refusèrent tout net de donner leurs soins à " cette chose horrible et abominable " » (195) Franchement, on peine à le croire, car en juillet 1932 au 1er Concours International de danses artistiques organisé aux Champs-Élysées par Rolf de Maré, sous la présidence de Zambelli, le jury au sein duquel siégeait Albert saura couronner à l’unanimité : « une œuvre unique, forte, neuve et personnelle » (196) : la Table verte, du chorégraphe expressionniste allemand, Kurt Jooss. Néanmoins, on admet volontiers, que Lifar affronta deux mondes : « celui installé dans un passé de charme et de grâce, et celui qui voulait voir unartréelreprendresesdroits,enprouvant sa vie, son actualité, sa vérité » (197)

Malgré cela, secondant Lifar, comme l’imposait sa fonction de maître de ballet, avant la première de Prométhée, Albert dansa Sylvia le 17 décembre, puis le 21 pour l’ouverture de « La Montagne à Paris », une école de ski ouverte au 148, rue de l’Université, il régla le ballet du Prophète de Meyerbeer. Depuis le chorégraphe Auguste Mabille en 1849 et Louis Legrand, inventeur d’un modèle de patins à quatre roues, dont il avait enseigné la pratique à l’Opéra, le ballet dit des Patineurs se dansait en patin à roulettes. À l’École, Albert avait d’ailleurs bien connu la salle de patinage. « La Montagne à Paris » n’accoucha d’aucun bruit, l’on sait seulement qu’Albert dansa ensuite Impressions de music-hall de janvier à mars 1930. Le 12 février ayant été marqué par l’examen, Myr Chaouat nota : « [Le] style bien connu de [M. Aveline] se traduit en un enseignement de premier ordre » (198). Il est par ailleurs signalé, qu’il assurait la direction du Ballet depuis quatre mois, dont une trentaine de membres partit pour Monte-Carlo le 8 avril. À l’invitation de René Blum, sur la scène où avaient triomphé les Ballets russes, ils donnèrent quatre représentations entre le 10 et 17. Parmi les six ballets, dont Alphonse Visconti, chef décorateur de l’Opéra de Monte-Carlo brossa les décors, Albert dansa la Nuit ensorcelée avec Bos, les Deux pigeons et Impressions de musichall avec Zambelli. De retour, alors qu’il réglait le ballet de Faust pour le 23 mai à l’Hôtel de Ville, Albert se montra avec Zambelli dans divers Cercles à l’exemple

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du 4 juin où accompagné par la musique de la Garde républicaine jouant Lully, Gluck, Rameau, ils parurent à la Caserne des Célestins. Ou encore le 24 juin au Théâtre Pigalle où « sur une sensationnelle reconstitution du Jardin de Paris » de Toulouse-Lautrec représentant Jane Avril dansant le cancan, ils exécutèrent « une mazurka en costumes 1890 ». Adeptes du recyclage, il s’agissait sans doute de Musidora. Entre, jusqu’à fin juillet, ils livrèrent leurs Impressions de music-hall à Garnier.

« Les plus célèbres artistes de l’Opéra » revinrent en septembre pour se produire au Grand-Théâtre de Genève devant les délégués de la Société des Nations. Le 25 septembre le programme compta quatre ballets dont Impressions de music-hall Le 26 remis à la scène par Chéreau et Albert, les Chœurs et le Ballet s’unirent dans Castor et Pollux : « Que Zambelli est belle dans la sureté de son équilibre ! » (199) s’écria Le Journal de Genève. Au retour, Lifar, les Créatures de Prométhée, photo Teddy Piaz h

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on attendit le 1er novembre pour que Lifar débute l’Orchestre en liberté, farce chorégraphique de Paul Franz et Paul Gsell, musique d’Henry Sauveplane, le soir même Albert et Zambelli refirent part de leurs Impressions de music-hall, renouvelées le 30 novembre. Puis le 17 décembre, « charmant tout le monde », ils dansèrent à l’Empire au profit du dispensaire Maurice Chevalier. À l’Opéra, Albert achevait les divertissements de Virginie, comédie lyrique en 3 actes d’Henri Duvernois, musique d’Alfred Bruneau et donna un entretien à Didier Daix de L’Intransigeant, qui l’appela Robert Aveline sur deux colonnes :

« C’est dans un tout petit bureau très simple et qui semble vide de toute idée, que, M. Robert Aveline, danseur et maître de ballet, travaille. Le visage ouvert, M. Robert Aveline passe dans

la vie, l’œil-vif, en souriant. Ses gestes conservent à la ville comme une arrièregrâce de la scène lorsque le maître de ballet devient exécutant. Il fait éclore des danses sur la scène de l’Opéra. Parmi ceux qu’il règle actuellement pour Virginie, il est un ballet de fleurs et de papillon. Il semble que ce soit là le plus beau, sujet qui puisse, séduire son talent » (200)

Mettant en scène Virginie Déjazet, célébrité du théâtre parisien du XIXème siècle, Virginie vit le jour le 6 janvier 1931 avec Peretti le papillon, Bos, une marguerite, Lorcia, une fleur rare, Mauricette Cébron, la rosée et le corps de ballet. Pierre-Octave Ferroud nota dans France-Soir : « La chorégraphie du divertissement du 2 ème acte et du quadrille du 3 ème, qui a été réglée par M. Aveline, est l’élément le plus réussi du spectacle » (201). À son habitude Levinson fut moins tendre : « M. Aveline a réglé

des pas bien enchaînés, des groupes bien dessinés, mais dénués de toute originalité. […] Ce maître de ballet a beaucoup d’expérience, une mémoire bien garnie de phrases et de tournures propres au langage de danse classique, peu d’imagination, moins encore d’idées générales. Grammairien correct et même élégant des pas d’école, il n’en est pas le poète ; aussi ne nous donna-t-il pas cette fantaisie sur des thèmes d’autrefois que musique et sujet semblaient promettre, mais un honorable spécimen de chorégraphie scolaire » (202). De son côté, Lifar qui avait fini l’Orchestre en liberté, débutait Prélude Dominical, musique de Guy Ropartz, les deux ballets seront créés le 16 février sans Albert et Zambelli. Mais « avec un succès éblouissant », ils s’illustraient partout ailleurs dans « leurs danses réputées », en clair Musidora. Cependant, le 30 mai à l’Odéon, la Camargo fit dit-on « la joie des yeux », mais on ne sait rien plus, sinon que Paul Raymond et Mona Païva dansaient avec eux. Sans parler de la tentative d’assassinat sur la personne d’un jeune musicien dénommé : « Albert Zambelli », le 18 juin salle Poissonnière et pour la première fois en public, Albert participa au jury du Concours du Conservatoire dont Jeanne Chasles tenait la classe de danse. En ces temps qui n’en finissaient pas d’être à la remorque du bon sens, avec Robert Quinault ils étaient les deux seuls « techniciens ». Les autres musiciens ou directeurs de théâtre s’appelaient : Rabaud, Bruneau, Gheusi, Hue, Büsser, Chantavoine et Rouché. À la demande de ce dernier, Albert avait réglé la danse des Scythes d’Iphigénie en Tauride de Gluck, donnée le 27 juin, avant divers galas de danses et d’élégance avec Zambelli jusqu’en juillet. Entouré de danseuses de l’Opéra, l’on reverra Albert le 23 août au Concours international de Musique de Nevers : « Marches allègres, refrains entraînants », au vrai un concours de fanfares et une fête de nuit. Mais la foule était si dense, qu’on ne vit pas grandchose, l’on note seulement qu’Albert était à table au banquet du midi.

En septembre 1931, alors que sa sœur Jane réglait à présent les ballets de la Tournée Serval, Albert reprit le chemin de l’Opéra où le 25 octobre lors d’un gala organisé dans le cadre de l’Exposition Coloniale, l’on vit « d’exquises choses, comme ces fragmentsde Taglioni chez Musette, dansés par Mlle Zambelli et M. Aveline » (203) Dans le même temps, Albert répétait les danses d’Esclarmonde de Massenet, « délicieusement réglées » dira-t-on le 16 novembre. Plus tard, secondé par Zambelli, sur une passerelle circulaire suspendue audessus des fauteuils d’orchestre, il composa « un spectacle d’une poésie aérienne » sur le Beau Danube bleu applaudit le 2 février 1932 au Bal des Petits Lits Blancs. Puis pour Spessivtseva, engagée à la représentation et Lifar, il remonta Giselle

Bal des Petits Lits Blancs, photo Intran h

Ce que contredit ce dernier : « Dans la version de Giselle que j’ai montée en 1932 […] j’ai eu l’audace de transformer théâtralement l’importance du prince en m’inspirant de Shakespeare et de son bouleversant Hamlet qui m’obsédait » (204) On veut bien le croire, mais le 5 février, l’Opéra annonça clairement : « chorégraphie de M. Sergueef », et déjà en 1924, Albert traînait « le manteau noir d’Hamlet dans la forêt des Wilis » dixit Levinson qui, sauf erreur, ne commenta pas la soirée, ni les suivantes. Au reste, cette reprise de Giselle ne rencontra que peu d’échos, et Lifar ajoutant : « Le public m’obligea à trisser ma variation », nulle ne souligne un tel exploit. Avec « un double quadrille du corps du ballet de l’Opéra », le 28 mars Albert et Zambelli parurent au Concours international de Musique de Tunis « dans des danses diverses et des danses de 1840 ». Il s’agissait encore d’un concours d’harmonies, ce qui laisse penser qu’Albert avait gardé des liens avec le milieu musical de son enfance. De retour pour les dernières répétitions, le 4 avril on reprit Coppélia, sans bouleverser les usages, puisque Bos fit couple avec Soutzo en travesti. Sourires et larmes, le 24 juin vint l’examen et pour faire court, Levinson ne manqua « pas d’être frappé par les immenses progrès nouvellement réalisés par le corps de ballet national » (205). Puis du 2 au 4 juillet, présidé par Zambelli ce fut aux Champs-Élysées, le Concours international de danse déjà évoqué, avant des congés fin juillet et la rentrée en septembre.

« Dans un ballet où M. Aveline danse comme à l’Opéra », elle fut marquée le 16 octobre par la sortie au Gaumont-Palace de Monsieur de Pourceaugnac, film réalisé par Tony Lekain et Gaston Ravel d’après la comédie-ballet de Molière. Sur des airs de Lully, entouré de sujets de l’Opéra, Albert régla le ballet des noces, chez Oronte. Puis tourné par Henri Diamant-Berger aux studios Éclair d’Épinay-sur-Seine, ce fut « le bal des Échevins à l’Hôtel de Ville » dans les Trois mousquetaires. Film sorti sur les écrans en deux parties le 9 décembre et le 17 février 1933. « Le coup d’œil était magnifique : devant une foule de seigneurs et de dames en costumes d’apparat, le roi, la reine et le cardinal assistaient à un divertissement somptueux, le ballet de la Merlaison, réglée par Mme Zambelli, assistée de M. Aveline » (206). Dans ce ballet relatant une chasse au merle, dont Louis XIII aurait été le chorégraphe et le musicien, Colette Salomon, transfuge de l’Opéra, incarnait le Merle. Albert et Zambelli dansaient « une pavane très XVIIème siècle ». Auparavant, le 3 décembre, ils avaient donné un extrait de Castor et Pollux à la ComédieFrançaise, et reparaîtront à Garnier le 21 février lors de la Grande nuit du Cinéma dans « le ballet des Échevins » des Trois mousquetaires. Puis le 3 avril, après s’être

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confié à L’Intransigeant, « le plus modeste des hommes » recréa le ballet de la Juive d’Halévy : « Le personnel étant très occupé, […] nous avons travaillé dans des conditions assez défavorables, répétant à des heures impossibles, les étoiles, et les grands sujets, d’un côté, les coryphées de l’autre. Pourtant, en quelques jours, tout fut prêt... » (207). « Voilà qui nous console du Borysthène et autres charlestonneries de M. Lifar, écrivit Léandre Vaillat. Ici le ballet revient à sa véritable tradition, qui, selon nous, est plus proche du génie nervalien que du jazz : rêverie, la délivrance de la pesanteur et de la marche, souplesse des évolutions, sourire, grâce vaporeuse, tels en sont les principaux caractères » (208). Ce qui n’empêcha pas Albert d’assister avec Zambelli au spectacle des Ballets Jooss donné à Pleyel le 28 avril ou de régler « avec une connaissance parfaite des effets » l’Opéra au Cirque pour le gala des Courses du 6 mai au Cirque d’Hiver. Car on ne l’a pas dit, dans les écuries de l’Aga Khan, Nijinski, Clustine et Aveline étaient de bons vainqueurs. Sans nul doute, l’Opéra au Cirque recyclait l’intermède créé pour le Bal des Petits Lits Blancs, puisque l’on nous parle de danseuses « en tutu blanc jouant avec de gros ballons blancs, sur la valse du Beau Danube ». Ce « ballet des ballons » sera reprit le 20 juin dans le parc de Bagatelle pour l’Exposition des Roses. Le matin même Albert siégeait au jury du Conservatoire avec Quinault et Lifar. On le reverra le 30 juillet à Salignac en Dordogne pour l’inauguration de la Cité-sanitaire de Clairvivre. Sur un radeau construit sur le lac de Born, « les ballets de l’Opéra sous la direction de M. Aveline » donneront le ballet de Faust, des extraits de Coppélia et les Ballons

À l’offensive sur le front des répétitions et des leçons, Albert reparu à l’affiche de Garnier le 16 novembre comme chorégraphe d’Arlequin s’est mis en quatre, divertissement de Guillot de Saix, puis le 11 décembre pour les ballets d’Hamlet d’Ambroise Thomas, enfin pour la Korrigane reconstituée avec Zambelli le 15 décembre. Passé l’examen du 22 décembre, alors que Lifar instaurait chaque lundi matin, une classe d’adage pour les sujets, Albert assista Staats pour les danses basques et gitanes de Perkain le Basque, drame-lyrique de Gheusi, musique de Jean Poueigh. Créé le 16 janvier 1931 au Grand-Théâtre de Bordeaux par le baryton Martial Singher, originaire de Biarritz, Joseph Belloni en avait réglé la chorégraphie avec le concours de danseurs basques, aux côtés de Vincente Escudero et de Carmita Garcia, « délicieuse et authentique Gitane ». Le 25 janvier 1934, Rouché fit appel à Singher, à Nita Morales, « une authentique Madrilène » et à Ramiro Arrue pour les décors et costumes. Selon la presse, guidé par le célèbre peintre de l’Euskal Herria, Staats avait poussé « la conscience professionnelle » jusqu’à faire

Zambelli, photo Manuel frères h

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un voyage au Pays basque, où « paysans et gitanes avaient dansé pour lui ». Parallèlement, Albert remontait Daphnis repris le 18 février avec Lorcia et Lifar, tandis que sur un scénario de Pierre Sicard, le réalisateur Claude Lambert, secondé par l’opérateur Maurice Forster tournait depuis début février : l’Opéra de Paris pour les Films Jean Monti et Jean Margueritte. Un documentaire restituant « l’atmosphère de l’Opéra dans son ambiance totale », dans

lequel Albert « collaborateur précieux des cinéastes » (209) tenait son rôle de maître de ballet. Monté en avril, « cet excellent film de propagande » dont l’enregistrement sonore avait été confié à la Western Electric sera présenté en privé le 24 mai au Théâtre Édouard VII. Entre, le 5 mai, Albert signa un second ballet pour le gala des Courses au Cirque d’Hiver : Quatre groupes de danseuses, vêtues de rose, tenues rênes en mains par des jockeys. Avec Zambelli,

il les emmena le 20 mai au Concours national de Musique de La Rochelle où accompagnées par l’Harmonie de La Roche-sur-Yon, elles donnèrent « un beau spectacle artistique ». Au retour, le 25 mai, il composa les danses de Rolande et le mauvais garçon, opéra d’Henri Rabaud. Puis avec Zambelli, qui « consenti exceptionnellement à paraître » dans Castor et Pollux, le 26 juin, lors d’une soirée à Neuilly-sur-Seine dans le jardin de la Villa Vénitienne d’Adrien et Valentine Fauchier-Magnan, grands mécènes du temps, après Lifar dans l’Après-midi d’un faune et d’autres titres, « le corps de ballet, vêtu de crinolines blanches, dansa sur l’eau le Beau Danube ». Le 1er juillet, sans mention du programme, vingt danseuses de l’Opéra sous la direction d’Albert se montrèrent dans leurs « danses classiques » à la Nuit de Longchamp, puis le 5 août au Concours international de Musique d’Auxerre, « avec la présence de Mlle Zambelli » précise-t-on. L’affiche citant : les Deux pigeons, la Korrigane, les Ballons, les Danses de 1840, le tout accompagné par l’Harmonie des Usines Renault, on en déduira qu’à 51 et 58 ans, Albert et Zambelli dansaient encore.

Sans lien, s’entretenant en septembre avec Michelle Deroyer de la revue Pour vous à propos du tournage de l’Opéra de Paris, Lorcia leva peut-être le voile d’un mystère. En effet, un court métrage américain accessible sur le Net, permet aujourd’hui de voir un passage de Suite de danses que Lorcia interprète avec Peretti dans le décor de la Fête chez Thérèse. Cet extrait est tiré du documentaire produit par Monti et Margueritte dont la firme « de production, vente et location de films » fut déclarée en faillite en novembre 1936. Selon certaines sources, l’Opéra de Paris était sorti en octobre aux USA. Mais le générique de début du courtmétrage américain citant entre autres : « Official », distributeur de films fondé en 1939 par Leslie Winik. Considérant que Winik avait racheté en 1940 des bobines de compilation de films musicaux à Soundies Distributing Corporation of America, le court-métrage américain date des années 40, mais reprend des images tournées en 1934. Images que les Parisiens découvrirent à l’Ermitage Club des Ursulines dès le 2 octobre 1934 :

« La brune et mince Suzanne Lorcia, danseuse étoile à l’Opéra, qui me parle de sa première entrevue avec la caméra. C’était récemment, lorsqu’on préparait ce film qu’on ne verra qu’à la rentrée, film qui a été tourné sur l’Opéra de Paris. " Je savais aussi, continue Lorcia, que les opérateurs étaient pressés par le temps, et pressés par l’argent. On ne pouvait, comme dans un studio, reprendre plusieurs fois les mêmes scènes. Il fallait, du premier coup, essayer de réaliser son rôle, sans

pécher... Qu’avez-vous dansé ? – Des fragments de " Suite de danses ". J’apparais seule au début, puis on me voit avec Serge Peretti. Habillée comment ? – Des jupons longs en tulle blanc » (210)

Autrement, rentré de congés, « souple, dans sa veste de velours noir, au col largement échancré », Albert s’activa justement à remonter Suite de danses pour Bos et Paul Goubé le 15 septembre, tout en réglant les deux ballets de Sigurd de Reyer pour le 17 octobre : « M. Aveline, qui a pleinement réussi à mettre debout une chorégraphie nouvelle, nous a régalé avec le ballet guerrier » (211) nota Jean Pagès. De vrai, après Mérante, Albert s’était déjà attaqué à cette danse barbare en 1925. Ensuite, pour le 31 octobre, il remonta la Nuit ensorcelée et Rayon de Lune, ballet que la danseuse-chorégraphe suédoise Carina Ari avait créé à l’Opéra en 1928 sur une musique de Fauré. Le 23 novembre, ce fut Daphnis, « dont la chorégraphie a été réglé par M. Aveline » publia-t-on. Nous ne savons ce qu’il a de vrai en cela, mais ce qui est sûr, c’est que le 27 novembre, au profit de l’Amicale de l’Opéra, Albert et Zambelli « consentirent à sortir d’une retraite assurément prématurée » (212) afin de faire revivre la mazurka de Taglioni de chez Musette. Le 31 décembre, pour la 2000ème de Faust, non pas à l’Opéra, puisque l’ouvrage créé au Théâtre Lyrique en 1859 était entré au répertoire de l’Opéra en 1869, Albert refit le ballet sans écho notable : « Le ballet surtout, remonté par Aveline, suivant les meilleurs principes de l’école française, est un ravissant spectacle » (213) dit simplement Le Jour Puis cosigner avec Zambelli pour le 25ème anniversaire de la Société des chirurgiens de Paris au Centre Marcelin-Berthelot, le 24 janvier 1935 avec Huguette Hughetti, Geneviève Kergrist et le corps de ballet, ce fut Faunes et Nymphes sur une musique d’Offenbach. Ensuite, dans la perspective du 18 février, Albert remit à la scène la Korrigane et Impressions de Music-Hall que reprirent Jacqueline Simoni et Nicolas Efimoff, le 11 mars. Les Créatures de Prométhée, le Spectre de la rose et Salade de Darius Milhaud que Lifar venait de régler d’après Léonide Massine complétaient la soirée. Car avec un mépris du danger sans égal, 12 ans après ultime saison estivale de ballets français, autour de Lifar devenu « le prince de l’Opéra », Rouché afficha non pas « un spectacle de ballets », il était encore prématuré de le dire, mais « un spectacle de musique dansée » qui attira « un public nombreux et élégant ».

Ensuite, pour le 1er avril, Albert rafraîchit Castor et Pollux, avant d’accompagner la production au Mai Musical Florentin. Elle fut jouée au Théâtre communal les 27 et 30 mai. Entre, le 29 l’on donna une représentation de ballets, citons seulement Namouna, dans une chorégraphie nouvelle

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de Staats et une musique refondue en accord avec Pierre Lalo, fils du compositeur, puisque Lifar en utilisera des numéros pour Suite en blanc en 1943. Rentré le 2 mai, après avoir déclaré à Jean Pagès : « Notre Académie nationale de danse est la première du monde. Nous pouvons en être légitimement fiers. Je ne saurais oublier M. Rouché, notre directeur, dans le palmarès délivré à notre école de danse. Il a été l’un des artisans précieux du succès que nous avons remporté à Florence » (214) Albert s’attela à un second spectacle de « musique dansée » donné à l’Opéra le 13 mai, puis pour le gala des Courses du 15 mai au Cirque d’Hiver à Éventails : « Une délicieuse symphonie en blanc et rose » qu’Odette Barban, Marie-Louise Didion, Simone Binois et dix-huit autres reprirent le 31 mai à Garnier pour le Bal des Petits Lits Blancs. Enfin, outre la fête des Amis de l’Opéra où l’on vit Zambelli et Cléo de Mérode en intime cordialité, Albert secondé par celle que tous nommaient « Mademoiselle » régla la Grisi, ballet en 2 actes de Guy de Téramond, musique d’Henri Tomasi sur trois motifs d’Olivier Métra dont les premiers rôles revinrent à Bos (la Grisi) et Peretti (son danseur). Créée le 21 juin, date astronomique et historique vu qu’on annonça « un spectacle de ballets », la Grisi fit affiche avec Daphnis, Salade et Images, ballet d’André Hellé, musique de Pierné créé par Staats pour les élèves de l’École : « M. Georges Rouché nous a donné un spectacle de ballet françaisdignedel’OpéraetdignedeParis » s’enflamma André Warnod au Figaro, oubliant que Rouché se prénommait Jacques. « Quant à La Grisi, c’est un enchantement, tout y est plein d’esprit, de gaité de chez nous. La chorégraphie d’Aveline est adroite et spirituelle » (215) Louis Laloy ne dit pas mieux : « M. Aveline avec une adresse et une intelligence extrêmes, formant des pas variés, des ensembles animés, d’une élégance expressive et claire » (216). Seul Sordet gâcha un peu la fête en faisant remarquer à l’appui du livret que la créatrice de Giselle, ne s’appelait pas Emma Grisi, mais Carlotta Grisi et qu’ayant quitté la scène en 1855, elle n’était pas « de l’époque de Métra », qui débutait sa carrière : « M. Guy de Téramond n’a pu construire son scénario qu’en arrangeant quelque peu la vérité historique. Nous ne lui en faisons pas reproche. Nous nous étonnons seulement qu’aucun de nos confrères n’ait été troublé par le rapprochement surprenant de Métra, personnage très nettement second Empire, et de Grisi, la grande étoile du règne de Louis-Philippe » (217) La Grisi ne figura pas au programme donné le 26 juin à l’Exposition de Bruxelles, mais « à l’issue de la représentation, au Palais des beaux-arts, le roi et la reine des Belges, qui avaient fort applaudi Namouna et l’Après-midi d’un faune, ont fait appeler le maître de ballet et les principaux artistes de la troupe. En présence de M. Rouché,

Yvette Chauviré, photo Harcourt h

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ils ont vivement félicité M. Aveline » (218) Peu après, c’est Maurice Brillant, critique d’art proche de Zambelli, qui salua Albert à son tour : « M. Aveline, sans réclame, sans littérature vaine, sans tintamarre, sans pose [est] un très grand maître de ballet » (219) Pour mieux comprendre avec l’historien de la danse, Ivor Guest : « bouillonnant d’inspiration, d’égocentrisme et de zèle réformateur » (220) Lifar venait de créer Icare, œuvre novatrice et de publier le Manifeste du chorégraphe. Face au « choréauteur » russe insufflant une vitalité nouvelle, Albert et Zambelli se posaient en gardien de la tradition franco-italienne.

Grâce au roulement des congés, l’Opéra restant ouvert, rentré début septembre, en vue du centenaire de Saint-Saëns honoré le 9 octobre, Albert débuta les répétitions de Samson et Dalila et de Javotte « avec une chorégraphie entièrement nouvelle de

Programme Fête de la Danse h

Robert Aveline [sic], avec Lorcia et Peretti comme vedettes » (221) annonça Excelsior Puis il remonta la Sabotière et des variations de la Korrigane pour plusieurs danseuses, dont Yvette Chauviré. C’était le 5 octobre, dans les salons du Cercle national des Armées de Terre, de Mer et de l’Air, pour la Société des Pneumatiques Dunlop. Mais revenons à l’Opéra, où le 14 novembre, pour la Nuit antillaise, Albert créa un ballet « d’essence antillaise » : les Lucioles, dont la musique de Tomasi était empruntée à Massenet. Il convient aussi de noter que 30 danseuses créoles « déchaînèrent les enthousiasmes » (222) dans un quadrille Antillais et que la principale attraction était Lifar et Didion dans la Résurrection de saint Pierre. Cependant le décor planté n’étant pas celui qui était prévu, Lifar demanda qu’on le remplaçât par la toile de fond. Comme le temps passait, un speaker annonça qu’il refusait de danser. Il avait simplement demandé de danser dans des conditions possibles. Seulement, la soirée était présidée par Albert Lebrun, et Lifar fut suspendu pour un mois.

Ayant sous les yeux le programme illustré des portraits des maîtres de ballet et professeurs, dessinés par Serge Ivanoff. L’on peut aussi évoquer la Fête de la Danse qui le 28 novembre célébra à Pleyel : une « troupe chorégraphique sans rivale sur les deux continents » (223) dixit PierreOctave Ferroud. Dans des chorégraphies de Mauricette Cébron, Marianne Ivanoff, Colette Sylva, Lise Continsouza, Suzanne Mante, Léone Mail, Yvette Chauviré, Simone Binois ou Lioubov Egorova pour ne citer que les dames, elle permit à l’initiative de Lifar d’applaudir chacun des éléments du corps de ballet. Le 16 décembre, eut lieu l’examen annuel. Deux jours après, avec Marina Semenova du Bolchoï, en représentation, Lifar et Paul Raymond en Hilarion, Giselle fit son retour. La Nuit ensorcelée et Salade dont Albert avait aussi conduit les répétitions complétaient l’affiche. Car malgré un contexte de crise économique et sociale, « les soirées de danse recevaient désormais un accueil enthousiaste : Lifar apportant « dans cette vieille maison, un élément d’aventure... une conception neuve du ballet, et aussi, un public autre que celui des Huguenots » (224) écrit la violoniste Hélène JourdanMorhange. Plus loin, le 11 février 1936, lors du bal de l’X, Albert créa « un précieux divertissement » en l’honneur d’Albert Lebrun. Le 13 mars, il régla les danses d’Œdipe de Georges Enesco, le 23 mars celles des Huguenots pour le centenaire de l’opéra de Meyerbeer, enfin le 27 mars pour celui de Delibes, « dans une chorégraphie entièrement révisée » pour les uns, « remontée avec soin en respectant la version originale » pour les autres, après Salomé de Richard Strauss, Rouché soumettant sans cesse son public au régime de la douche écossaise, ce fut Coppélia dans le plus pur style décadent parisien

puisqu’aux côtés de Bos (Swanilda), Soutzo portait « avantageusement le travesti de Franz » (225). Pourtant, 26 ans plus tôt, en juillet 1910, à Louviers, le ballet de Coppélia avait été « fort bien rendu par M. Staats (Frantz) et Mlle [Désirée] Lobstein (Swanilda) » (226). Albert aurait pu s’en rappeler, car sa femme, dont nous sommes sans nouvelle, figurait parmi « les amies de Swanilda ». « L’Opéra ne s’est pas mis en grands frais pour cet anniversaire. Pourquoi n’avoir pas saisi l’occasion de monter le 3 ème acte de Coppélia ? » (227) interrogea Sordet. Même si le ballet profitait de nouveaux décors et costumes de Paul Larthe, ce n’était pas une parole en l’air, ni même un rêve sans prise sur le réel. Le 7 avril 1936, réglés par Nicolas Zwereff, les Ballets de Monte-Carlo présenteront les 3 actes de Coppélia avec Vera Nemtchinova et Anatole Oboukhouff.

« [M. Aveline] ressemble plus à un banquier conservateur du Crédit Lyonnais qu’à un maître de ballet » notera Anatole Chujoy dans le programme officiel de la tournée qu’effectua l’Opéra aux USA en 1948. Ce n’était pas aimable, même s’il est vrai que victime de traditions périmées, Albert nous semble parfois engoncé dans un costume étriqué. Situant ses adieux à la scène en 1918, le critique américain ajouta : « Sa carrière de danseur a pris fin à cause des blessures reçues en tant que soldat au service de son pays ». Les Américains exagèrent toujours un peu et si tel avait été le cas, cet article aurait été plus court. Pour le mener à son terme, sans parler des manifestations extérieures, comme la reprise le 24 mai des Ballons au Parc des Princes, le 15 juin lors d’une soirée partagée avec Lifar, Albert à la demande Rouché, créa un Baiser pour rien, ou la Folle du logis, ballet en 1 acte de Michel Veber, dit Nino, musique de Manuel Rosenthal. « La danse, confia-t-il à Pierre Berlioz, n’est pas uniquement un prétexte à des exercices d’école. Elle doit tout exprimer par l’action. J’ai sur ce chapitre des conceptions très larges. J’estime qu’on peut se livrer à toutes les outrances, à condition que le sujet ou la mise en scène s’y prêtent. Il est ridicule, par contre, de casser la ligne d’une danseuse en tutu » (228). On ne l’a pas dit, mais Zambelli plus franche, ne cachait pas son peu de goût pour les ballets de Lifar. Ouvertement, elle se moquait des 6ème et 7ème positions que celui-ci avait ajouté au lexique de la danse classique. Colette Sylva de raconter à ce sujet : « Lors d’une réception au Foyer pour le Nouvel An, [Lifar] se trouva devant " Mademoiselle " en qui il respectait les bases d’un art, sans lesquelles il n’aurait pu étayer son néo-classicisme. Joignant les pieds en une " cinquième " impeccable, il s’inclina et lui dit : Je salue la tradition. Souriante, Zambelli qui avait de l’esprit répondit en joignant le geste à la parole : Je vous remercie, mais en sixième position » (229)

En évoquant, le ridicule « de casser la ligne d’une danseuse en tutu », à n’en douter, Albert exprimait sa réprobation à l’égard des transgressions de Lifar pour ne pas dire qu’il trouvait certains de ses pas « tarabiscotés ».

Pour revenir à un Baiser pour rien créé au lendemain de la victoire du Front populaire et dans les derniers jours des grèves de mai-juin 1936, le ballet qui employait des élèves de l’École parmi les 43 filles et les 11 garçons fut bien reçut : « La chorégraphie de M. Aveline traduit excellemment le sujet dans une facture classiquement française » (230) nota Jean Prudhomme. Les musiciens Milhaud et Jacques Ibert lui emboitèrent le pas, Milhaud approuvant tout le monde : « La chorégraphie de M. Aveline est sensible et pleine de fantaisie. La partition de Manuel Rosenthal est simple et claire, elle exprime sansdétourscequ’elleveutetsuitàsouhait les péripéties de ce scénario charmant où la Folle du logis (l’exquise Mlle Lorcia), le Grillon du foyer (Mlle [Christiane] Vaussard), l’Esprit d’aventure (l’éblouissant Serge Peretti) et le Maître du Logis (M. [Martial] Sauvageau), nous entraînent dans un monde irréel qui plairait aux enfants sage » (231). Sordet passa son tour poliment, mais dans le magazine Vu, René Boulos tira à vue : « Je ne puis m’empêcher d’être surpris qu’une œuvre aussi vide d’intérêt trouve sa place sur le plateau de l’Opéra. C’est une histoire de petits génies, de petits lutins, de petits grillons, de tas de petites choses... […] L’ensemble fait tout à fait fête de charité enfantine dans une sous-préfecture cossue […] M. Aveline a fait des danses mais n’a pas fait de la chorégraphie » (232). À noter que Vu, fondé par Lucien Vogel avait été le premier à parler des camps de concentration du IIIème Reich (Dachau et Oranienburg ouverts en mars 1933). Ainsi lira-t-on dans le numéro du 3 mai 1933 :

« Par un paradoxe ironique, c’est la Friedenstraße (rue de la Paix), qui conduit au camp de Dachau. […] Derrière une grille, des figures grises passent en traînant le pas. Communistes, social-démocrates [sic], juifs – ouvriers surtout, intellectuels aussi – ennemis du régime, prisonniers de guerre. Avec le temps, nous en ferons des citoyens utiles, disent les nazis. Les fortes têtes on les élimine dès le début, nous avait dit notre informateur de Munich. Celui-là n’avait pas précisé davantage. Mais d’autres ont complété ses paroles : Le moyen est classique. On les envoie en courant chercher n’importe quoi de l’autre côté du camp et puis on tire dessus. C’est simple.Administrativement,ças’appelle:" Abattu pendant qu’il tentait de s’enfuir " ».

Autrement, la soirée s’achevait par Giselle avec Lifar et Paulette Dynalix, mais deux autres grands sujets, Didion et Lycette Darsonval auront ce privilège. Ensuite,

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l’Opéra s’étant engagé dans des travaux de rénovation, comme les centaines de milliers d’ouvriers qui partaient pour la première fois en vacances grâce aux congés payés, afin de changer d’air, les 56 danseuses et 22 danseurs migrèrent fin juillet au Théâtre Sarah-Bernhardt. Le 13 août, le jour même où par décret l’Opéra et l’Opéra-Comique fusionnaient pour former la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN) sous l’administration de Rouché, on testa la scène de la place du Châtelet avec le Barbier de Séville et un tableau de Javotte. Puis « préparée par Aveline, ce grand danseur qui s’est fait le plus ingénieux des maîtres de ballet » (233) , le 18 août on se retrouva à quelques-uns au Palm Beach de Cannes pour le Bal des Petits Lits Blancs. Lifar et Lorcia étaient prévus dans le Lac des cygnes, ce fut l’Oiseau bleu de la Belle au bois dormant Quant à Albert, il avait conçu « un ravissant numéro » : les Anneaux d’argent, « dont la légèreté blanche et rose se doublait sur l’eau profonde de la piscine » (234)

Entre les opéras, parmi lesquels Alceste de Gluck dont Albert régla les deux ballets, les 6 et 18 novembre on offrit des soirées chorégraphiques mêlant le répertoire aux créations de Lifar. Mais la scène des Champs-Élysées, permettant « au corps de ballet de trouver l’espace, qui lui faisait tant défaut, en même temps qu’un cadre digne de lui », le 5 décembre on reprit avenue Montaigne, le Coq d’or avec les danses d’Albert réglées en 1927, puis le 7 décembre, la Grisi et un Baiser pour rien, et ainsi de suite jusqu’au 8 février 1937. Ce soir-là, entre le Spectre de la rose et Icare, Albert créa Elvire, ballet en 1 acte de la poétesse Renée de Brimont, sur des sonates de Scarlatti orchestrées par Roland Manuel. Ce qu’avait fait Tomasi à la demande de Diaghilev pour les Femmes de bonne humeur de Massine en 1917. Et si l’on regarde de plus près, dans des costumes Louis-Philippe et Régence du peintre-décorateur Edmond Sigrist, l’argument empruntait au Spectre de la rose et au Pavillon d’Armide de Fokine. En résumé : Elvire est amoureuse d’un beau chevalier, dont le portrait est le principal ornement de son salon. Elle s’endort et rêve à l’aimé. Celui-ci, touché de tant de passion, descend de son cadre et accompagné de seigneurs et de dames fait danser pavanes et rigaudons à Elvire. Avec Darsonval fraîchement nommée 1ère danseuse et Peretti, la chorégraphie « d’un dix-huitièmeheureusementmodernisé» fut jugée « pleine de trouvailles charmantes » ou « d’un conformisme adroit ». Au Courrier royal, quotidien du comte de Paris, Jacques Chabrillan allant plus loin : « M. Aveline pratique honnêtement un métier qu’il connait bien. Il n’a sans doute pas une imagination foudroyante et il ne faut pas attendre de lui une révolution de la chorégraphie. Nous ne croyons d’ailleurs guère aux révolutions : nous en

avons trop vu, dans la musique et dans le ballet depuis quinze ans, qui n’étaient que bizarreries froidement préméditées par des créateurs amitieux et débiles. Le langage chorégraphique classique qui évoluera et se perfectionnera sans cesse, car ce n’est point une langue morte, reste un moyen d’expression inégalé » (235)

Le spectacle se terminait par les débuts remarqués de Solange Schwarz dans Coppélia, qui réintégrait l’Opéra après avoir brillé à Favart. À ses côtés, Soutzo fit valoir sa belle plastique, mais Pierre Berlioz osa : « Il ne reste plus maintenant, pour avoir un Coppélia digne de la maison, qu’à rompre avec une tradition qui a fait son temps en confiant le rôle du jeune amoureux Franz à un artiste masculin » (236). Le 17 février, Elvire figura à l’affiche de l’ultime soirée de ballets aux Champs-Élysées, puis l’Opéra retrouva l’Opéra remis à neuf et modernisé par l’architecte Joseph Marrast. Sur invitation, « le plus beau et le plus moderne théâtre du monde » rouvrit le 21 février avec le 1er acte de Lohengrin, le 2ème d’Ariane de Massenet et Suite danses « dans un savoureux jardin à l’italienne » pour les uns, « en quelque Versailles poétique et imaginaire » pour les autres, mais tous d’accord pour dire que le peintre catalan Pedro Pruna O’Cerans en était l’auteur et qu’il avait utilisé le cyclorama nouvellement acquis. Depuis 1913 c’était la 141ème du ballet de Clustine, et en la circonstance Albert avait « rajeuni » la chorégraphie et augmenter les effectifs. Brillant d’écrire : « L’admirable Aveline (à qui on doit, au surplus, la disposition de ces groupes) ne l’a pas seulement réglée à merveille ; Il l’a renouvelée. Dans la célèbre polonaise du début en particulier, il a donné au spectacle une ampleur, une harmonie, une noblesse décorative qui enchantent. […] Danseuses et danseurs, les principaux solistes de l’Opéra y prennent part, et presque tout le corps de ballet est en scène. Un véritable concours » (237)

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Brillant, à qui l’on peut faire confiance, précisant qu’Albert avait lui-même disposé les groupes, l’on ignore si cela signifie que Chéreau, le régisseur avait pour habitude de mettre son grain de sel dans les ballets ? Après cet « éblouissant tourbillon noir et blanc », le 2 mars au bal de l’X à l’Opéra, Albert présenta Fresques antiques sur des airs tirés d’Alceste de Gluck, sans doute un des ballets d’Alceste. Puis le 9 mars à l’Hôtel de ville, dans le cadre de l’Exposition internationale « Cerceaux d’argent de Johann Strauss », autrement dit lesAnneaux d’argent créés à Cannes et peut-être même sur le Beau Danube bleu. Puis « terrassé par un mal cruel plus que dangereux, [il] dû subir – presque coup sur coup – quatre interventions chirurgicales » (238). Avec de meilleures nouvelles et l’autorisation de Rouché, on le revit présenter les Cerceaux d’argent, le 5 juin au gala des Courses au cirque Medrano avant de partir en convalescence à Berck-sur-Mer. Là même où son frère Louis s’était éteint en 1921. Complétement remis, il revint le 14 juin pour les répétitions d’Elvire, donnée deux jours plus tard, avant Suite de danses le 26 juin au vélodrome Buffalo et le ballet de Faust le 2 juillet au Grand-Palais pour le Gala international de la Danse. Mais n’omettons pas le 14 juillet et la 150ème de Suite de danses, qui réservait toujours quelque surprise, car, « selon les besoins de la cause, on en retirait ou on en remettait sans inconvénient ! » (239). Enfin, le 25 août, déjà médaillé d’honneur de l’Éducation physique, « le grand et délicieux maître du ballet de l’Opéra, cette gloire incontestée

de la chorégraphie française » (240) dixit Brillant fut promu chevalier de la Légion d’honneur pour ses « 38 ans de carrière artistique et de services militaires ».

Sans écho jusqu’au 14 octobre, ce jour-là, avec le concours de Zambelli, Albert signa de « délicieux divertissements » pour les Archives hospitalières, revue médicale du Dr Maurice Delort. Les soirées de ballets continuant d’avoir lieu à intervalle régulier, le 10 novembre avec Lifar, Darsonval et « quelques retouches chorégraphiques » Albert remit au point Daphnis dans des costumes neufs dont l’auteur n’est pas cité. Mais provocant des réactions polémiques de la part de René Boulos et de Pierre Berlioz, probablement pour amortir l’achat du cyclorama, les décors de Bakst avaient été remplacer par des projections lumineuses d’Ernest Klausz. « Se succédant à un rythme quasi cinématographique », le peintre hongrois en avait déjà fait usage dans la Damnation de Faust dont Alice Bourgat avait réglé les danses en mars 1933. Rien de neuf, malgré les apparences. Car dû au peintre belge Eugène Frey, le procédé avait été expérimenté en 1897 à la Boîte à Musique, théâtre d’ombres, de l’avenue de Clichy, avant d’être appliqué dans les ballets de Mariquita au Palais de la Danse à l’Exposition de 1900. Après Monte-Carlo, l’Opéra l’emploiera en 1907 dans le Lac des Aulnes. Cela étant, encore d’actualité pour les inconvénients du procédé, Boulos écrivit : « Voudrait-on suivre la danse que l’on serait d’ailleurs bien en peine de le faire. L’immense masse mouvante du fond rend à peu près imperceptible le corps du danseur, qui semble un petit poisson ondulant sur un océan en furie » (241). Les décors de Bakst seront restitués en 1939. En attendant, le 12 janvier 1938, lors d’une cérémonie intime à la Rotonde, Albert très ému fut épinglé par Rouché d’une belle croix en brillants offerte par souscription par le personnel de la danse. Prenant la parole, le directeur évoqua la carrière du « Légionnaire » : « Non seulement admirable par sa technique de la danse, mais par la trop grande modestie dont il a toujours fait preuve » (242). Cependant, d’après Excelsior, en remettant l’insigne Rouché rappela « la belle et longue carrière de cet artiste, carrière commencée au Théâtre des Arts » (243). Sans pouvoir apporté une réponse définitive, même si Rouché ne fut pas seul à dire qu’Albert dansa au théâtre du bd des Batignolles, nous pensons qu’il s’agissait de Louis. Le problème est qu’entre janvier et avril 1913, l’un et l’autre y sont cités, sous la mention « M. Aveline, de l’Opéra », ce qui n’aide pas, ou bien distinctement prénommés. Mais jusqu’à la mort de Louis, la presse les confondit régulièrement, même quand il n’y avait pas lieu de faire erreur. Par ailleurs, entre janvier et avril 1913, Albert était clairement affiché à l’Opéra, alors que Louis n’y figurait plus depuis 1911.

Ce dont on est sûr, c’est que le 8 février 1938 Albert régla un divertissement pour le bal de l’X comptant : Fête champêtre de Saint-Saëns ; Trepak de Tchaïkovski, Ballet blanc de Meyerbeer et Vie et Lumière de Hossein. Sûrement, Vers la lumière (1935) ballet de l’iranien Aminollah Hossein, le père de Robert Hossein. Plus tard, le 21 mars, il refit la Bacchanale de Samson et Dalila avec pour « la première fois des danseurs hommes ». Puis fin avril, il débuta les Santons, ballet en 1 acte de René Dumesnil, musique de Tomasi qui ne vit jour qu’en novembre. Entre, il régla « une variation fort difficile » afin de départager les petits sujets de sa classe à l’examen du 20 juin, et la Valse des roses de Métra en vue de la Nuit de la Rose célébrée le 1er juillet à Bagatelle. Puis en l’honneur des souverains Britanniques, le 20 juillet à Versailles au bosquet d’Apollon, avec bergères, bergers et nymphes, danses des XVIIème et XVIIIème siècles ce fut Fresque sur des airs de Gluck. Sans doute une reprise de Fresques antiques, autrement dit des ballets d’Alceste. Car soit la presse n’en faisait qu’à sa tête, soit pressé par le temps, Albert recyclait avec un titre neuf. Le lendemain au Quai-d’Orsay, avec Zambelli toujours présente, il créa le Ballet des poupées, musiques de Scarlatti, Poulenc, Delibes, Chopin et Milhaud. Puis il escorta les chœurs, le ballet, l’orchestre aux Chorégies d’Orange dirigées par Rouché. Le 31 juillet l’on passa d’Antigone de Sophocle jouée par la Comédie-Française à Suite de danses dont Albert adapta la chorégraphie au cadre. « Je me demandais ce que donnerait, devant ce Mur presque deux fois millénaire, un spectacle chorégraphique comme Suite de danses. Mais la perfection technique du corps de balletdel’Opéra,probablementlemeilleur que l’on puisse trouver dans un théâtre lyrique, le côté classique de la charmante chorégraphie de M. Aveline, le prestige de Serge Lifar et de Mlle Lorcia firent oublier le Mur qui semblait s’effacer devant tant de grâce et de souplesse » (244) écrivit Milhaud. Le 1er août, « chef énergique et capable » Albert régla « le divertissement final, les danses joyeuses et guerrières » de la Prise de Troie de Berlioz, puis le 2 août celles d’Alceste

Les soirées de ballets débutant en novembre, rentré en septembre, outre les opéras, Albert remit en répétition le Ballet des poupées joué à la Comédie-Française le 9 novembre et les Santons créés le 18 novembre aux côtés de trois reprises : l’Après-midi d’un faune, Alexandre le Grand (1937) de Lifar et le Rouet d’Armor (1936) de Staats. « M. Aveline a composé pour les Santons un ensemble chorégraphique d’un goût parfait. On y trouve toute la fraîcheur, toute la grâce et toute la naïveté de l’imagerie populaire » (245) dit Émile Vuillermoz avant de lâcher : « Mais signalons une fois de plus l’illogisme et l’injustice d’une des

traditions sacro-saintes de l’Opéra qui consiste à écarter systématiquement de la proclamation publique des noms des auteurs celui du créateur des costumes et du décor, dont la collaboration – surtout dans un, ballet – est si décisive. De la part de M. Rouché, qui a toujours attaché une légitime importance à cet élément de ses spectacles, une telle ingratitude nous paraît doublement inexplicable ». Nommé André Hellé, il avait traité les décors dans le goût des vieilles images et dessiné des costumes colorés pour les personnages de la crèche. Le tout obtint un vif succès, et Albert appelé sur la scène, fut avec ses interprètes fort applaudi. Même Dumesnil, l’auteur du livret écrivit dans LeFigaro : « La chorégraphie de M. Aveline très vivante est merveilleusement variée » (246). Fin observateur, Vaillat remarqua : « M. Claude Aveline a réglé ces danses comme s’il avait pensé à la précision musicale et spirituelle de Mlle Zambelli » (247). Claude Aveline n’avait pas encore publié : Moi par un Autre (1960), mais peut-être l’idée lui vintt-elle de là ? Enfin, tout en taclant Lifar qui se revendiquait « choréauteur » depuis Icare, Grovlez nota : « La chorégraphie de M. Staats est comme celle de M. Aveline, dans la bonne tradition française, elle ne s’embarrasse ni de littérature ni d’intentions obscures ; il est vrai que MM. Staats et Aveline se contentent modestement d’être des chorégraphes et non des choréauteurs ! » (248). Ce qui n’empêchera pas Grovlez de composer la Princesse au jardin pour le choréauteur en 1941.

Après avoir offert aux santons provençaux une nouvelle gloire, Albert se consacra aux ballets d’Aïda fixée au 19 décembre, mais remise au 9 janvier 1939 en raison d’une inondation de la cage de scène. Le lendemain, l’on donna Giselle dans de nouveaux décors de Léon Leyritz avec Darsonval, Lifar et Paul Raymond, jeune premier de 68 ans en Hilarion. Puis « réglé dans le goût et l’esprit des chorégraphies de Vigano » selon le communiqué, le 20 mars, Albert créa le ballet de la Chartreuse de Parme, opéra d’Henri Sauguet. Enfin, entre mille et une tâches, Rouché lui ayant confié « le soin d’établir une nouvelle chorégraphie à l’échelle de la scène », il refit le Festin de l’Araignée que Staats avait créé au Théâtre des Arts en 1913 pour Sahary Djeli : « Une prêtresse de la déesse Kali, venue des bords du Gange » disait-on. De vrai, Suzanne Milon était née sur les bords de l’Orne à Caen. Danseuse d’une extraordinaire souplesse, Mado Minty, alias Madeleine Barbe-Mintière lui avait succédé dans le rôle de l’Araignée à Favart de 1922 à 1929 dans une chorégraphie de Stichel et le tenait encore à Lyon en 1936 réglé par Marguerite Nercy. Entre « aussi bonne acrobate que danseuse [prenant] des attitudes étonnantes, tête en bas, pieds et mains cramponnés au filet, le long duquel elle circulait prestement »

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(249) Minty avait été l’Araignée de Sberna à Cannes en 1925 et celle d’Annette Leibowitz à Biarritz en 1930. Mais dans les versions de Jean Soyer de Tondeur à Vichy en 1926 et de Marguerite Devilez à Nantes en 1931, Louise Baldi et Maguy Zorriga avaient aussi donner un relief saisissant au personnage. Le 1er mai 1939, soi-disant en plein accord avec Staats, Albert monta donc le ballet de Roussel et distribua Lorcia, « très impressionnante, qui laisse loin derrière elle les compositions édulcorées de ses devancières Sahary Djeli et Mado Minty » (250) nota Sordet. Sans doute, mais Lorcia n’avait pas leur technique acrobatique. Plus adroit sur ce coup-là, Raoul Brunel explique en outre : « Le filet qui figure la toile d’araignée prend de telles dimensions que la charmante Mlle Lorcia ne peut, sans danger, que s’y cramponner péniblement sans en guère bouger » (251). Agrandi dans les proportions

de la scène, le décor de Leyritz s’inspirait dans sa conception de celui de ses devanciers : Desthomas au Théâtre des Arts et Lucien Jusseaume à Favart. Il avait été réalisé par Gaston Laverdet, lequel travaillant à l’époque aux FoliesBergères, avait semble-t-il conçu « le truc de mise en scène coûteux et compliqué » d’Arachné, un numéro acrobatique créé par Minty le 1er mai 1913 aux mêmes Folies. Un mois après, le 3 avril Rouché affichait le Festin de l’Araignée au Théâtre des Arts. Afin de ne pas être accusée de plagiat, Minty avait aussitôt informé qu’elle avait déposé son projet au Théâtre Marigny en 1912 et qu’elle s’exerçait depuis un an. « Sans déployer beaucoup d’invention », note Irène Lidova, « Albert régla un divertissement agréable et où la pureté de l’école classique est respectée scrupuleusement » (252). Sauguet pointa des influences : « Les ensembles, fort réussis, au côté de figures classiques,

Lorcia, Festin de l'Araignée h

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mêlent des groupes qui ne sont pas sans rappeler les derniers ballets de Massine, de Balanchine et de Lifar, mais avec un accent différent. L’œil est toujours en éveil et souvent charmé » (253)

Elvire étant revenu à l’affiche, le 25 mai on en donna des extraits à Versailles dans le théâtre de Marie-Antoinette : « Des valets en tenue d’apparat et perruques poudrées, marquaient dit-on le commencement du voyage à travers le temps » (254). Le retour à Paris fut moins charmant, car les Ballets russes de Monte-Carlo venaient de créer « l’événement le plus important de la Saison artistique » à Chaillot, du moins aux yeux de Sordet, qui débuta sa chronique par ces mots durs et tranchants :

« L’Opéra est-il donc incapable de nous offrir l’équivalent ? Il l’est. Aucun des maîtres de ballet de l’Opéra, que ce soit M. Aveline, M. Staats, M. Lifar, ne possède l’imagination et les ressources de métier de M. Massine. Aucun n’est armé d’une autorité aussi étendue sur les gens et les choses. Ce n’est d’ailleurs pas leur faute si la troupe dansante de l’Opéra est égalitaire, petite bourgeoise et fonctionnaire. Ces demoiselles pensent au mariage et à la retraite. Elles s’accommoderaient mal de l’existence extravagante des compagnies russes qui courent de capitale en capitale, portant le flambeau d’un art devenu religion » (255)

On oubliera la suite, plus rude encore, pour se souvenir que le 27 juillet la SNCF forma un train spécial pour emmener les personnels de l’Opéra et de la ComédieFrançaise à Orange. Le 29 à la suite d’Œdipe Roi de Sophocle, l’on donna la Bacchanale de Tannhäuser qu’Albert renouvela en associant manifestement des éléments de danse rythmique et classique, puisque Lifar dit « d’un de ses camarades de l’Opéra » : « Je ne commettrai pas d’erreur, en affirmant que dans cette Bacchanale, traitée dans un style libre, sans chaussons de danse, les pirouettes classiques étaient peu indiquées » (256). Le 31 après Phèdre de Racine, « devant un amphithéâtre comble, bien que nous n’eussions commencé qu’à minuit » Lifar adapta les Créatures de Prométhée. Sinon, la presse avait annoncé en avril : « La troupe de l’Opéra, au grand complet ou peu s’en faut, donnera au cours de l’été prochain une série de représentations à New-York et, sans doute, à Chicago ». Mais le 14 août, après Faust qui permit d’applaudir « le plus bel ensemble de ballerines que l’on puisse actuellement voir en Europe » (257) « Le corps deballetdel’Opéra[fut] danslajoie:15août au 15 septembre, vacances pour tous ». Ce qui n’est pas tout à fait exact, car le 31 août, le public eut la surprise de voir Lifar dans le Spectre de la Rose au lieu de Paul Goubé qui était affiché avec Chauviré. Comme Roger Ritz, Lucien Legrand et d’autres, Goubé avait été rappelé sous les drapeaux.

Le 3 septembre la France entra en guerre, et par la force des choses, l’Opéra et l’OpéraComique sous gestion unique de Rouché depuis janvier, fermèrent. Toutefois, dès le 16 septembre avec la troupe de Favart, et le 21 avec celle de Garnier, en direct de l’Opéra-Comique qui disposait d’un système de radiodiffusion, on fit entendre une série d’ouvrages lyriques. Puis toujours à Favart, le 14 octobre l’Opéra rouvrit avec Thaïs, le lendemain l’OpéraComique joua la Traviata. Et la danse ? On parla d’une tournée en Amérique et dans les pays neutres sous la direction de Lifar, mais prenant les choses en mains, avec l’approbation du ministère des BeauxArts et de Rouché, Darsonval forma une troupe et mis au point un programme destiné aux théâtres de province. En parallèle, dans la perspective de jouer les mercredis, samedis et dimanches, Garnier rouvrit le 16 novembre avec le 2ème acte d’Alceste, le Festin de l’Araignée et le 3ème tableau de Daphnis par Lorcia et Lifar. Deux autres spectacles suivirent, ce n’est toutefois que le mercredi 29 novembre qu’eu lieu la première soirée de ballets de la saison. Instaurant « les mercredis de la danse », l’affiche réunissait Alexandre le Grand, Elvire et la Grisi dans laquelle, selon Jacques Édouard : « Modèle ancien mais toujours plaisant, Aveline [avait] ingénieusement utilisé le travesti pour remplacer le danseur absent » (258). En fait, Peretti fit couple avec Bos, mais il est vrai qu’en l’absence des danseurs mobilisés trois danseuses tinrent l’emploi de travesti. Entre les opéras, bon nombre de ballets furent présentés, jusqu’au 29 février 1940 où sous la conduite d’Albert et de Paul Péricat, régisseur de la danse la troupe se rendit à Bordeaux avec six ballets joués le 1er et 3 mars au Grand-Théâtre. Sitôt rentré, Albert remonta Cydalise qui fit soirée le 20 mars avec Giselle et Lifar de retour d’une tournée en Australie avec Tamara Toumanova et les Ballets russes du Colonel de Basil. Dans la foulée, sur un livret traitant « ni de philosophie, ni de métaphysique », mais des guinguettes et bals qui attiraient les promeneurs sur l’île de la Jatte en 1880, Albert débuta la Grande Jatte, ballet de René Bertin, musique de Fred Barlow dont le peintre André Dignimont dessina décors et costumes. Annoncée pour juin, la Grande Jatte ne verra le jour qu’en 1950. Ne citant pas Albert et titrant : « Pierre Bertin et sa Grande Jatte ont franchi avec brio la scène de l’Opéra », Marcel Schneider ne parla dans Combat que de la musique et de « l’histoire volontairement désuète » de Bertin, Sociétaire de l’AcadémieFrançaise. Au même journal, Dinah Maggie nota : « Quant à la chorégraphie d’Albert Aveline, avec ses valses, ses quadrilles, ses marinières et ses cancans, elle donne au corps de ballet de l’Opéra l’occasion d’imiter, avec sa parfaite distinction "maison", les artistes de Tabarin » (259). Mais ni en 1940, ni en 1950

Albert Aveline h

on n’expliqua pourquoi il fallut attendre une décennie pour que la Grande Jatte soit créée. Pour continuer encore un peu, alors que la bataille faisait rage de Namur à Sedan, le 15 mai 1940 en compagnie de Lifar et d’un délégué du ministère de la Propagande, Albert prit le train pour Barcelone, première étape d’une tournée de 13 représentations en Espagne. « À une heure où il est plus nécessaire que jamais d’affirmer partout notre vitalité artistique et intellectuelle » (260) écrit La Gazette de Biarritz pour dire combien la presse suivit l’évènement, avec neuf ballets la plupart d’Albert, sans les danseuses du 2ème quadrille restées à Paris pour les besoins des opéras, la troupe débuta le 18 mai au Liceu, le 30 au Teatro de la Zarzuela à Madrid en présence du général Franco dira-t-on à Biarritz, enfin le 6 juin à l’Arriaga de Bilbao. Enchantée de l’accueil, formée dit-on de 38 femmes, 15 hommes, dont 5 élèves parmi lesquels Roland Petit la troupe quitta Bilbao pour Hendaye le 8 juin. Ayant appris que les Allemands marchaient sur Paris, Lifar raconte qu’en communication avec Albert Sarraut, ministre de l’Éducation nationale, il demanda de gagner Toulouse, puis le Maroc, mais qu’il reçut l’ordre de rentrer : « Nous devions donc obéir. Nous c’est-àdire 80 danseurs, 80 musiciens, plus tout le personnel administratif et technique, ainsi que matériel de tournée » (261). Prenant le train à rebours de l’exode des populations, ils arrivèrent à Paris le 10, l’on donnait le soir la Flûte enchantée à l’Opéra. Le lendemain, Rouché partit pour Cahors avec quelques musiciens et chanteurs. Âgé de 78 ans, il reprendra la direction de la RTLN le 26 juillet. Le 11 juin, l’Opéra avait fermé ses portes. Le 14 annonçant les heures sombres de l’Occupation, les troupes allemandes entrèrent dans Paris. Le 23 au petit jour, Hitler visita Garnier. Lifar sera suspecté de lui avoir servi de guide, ce qu’il nia en bloc, tout en notant dans ses mémoires : « Il partit vexé de mon absence » (262). Entre, le 17 juin, Louis Laloy, secrétaire général de l’Opéra fut chargé de « remettre l’Opéra au travail ». « Dès le lundi 24, je rouvrais toutes nos classes de danse, depuis les élèves jusqu’aux premières danseuses dont les professeurs sont Mlles Zambelli, Suzanne Mante et M. Serge Lifar » (263) confia-t-il à la presse sans citer Albert, mais Lifar le fera : « Pour l’École et les classes, le retour de Mlle Zambelli et de M. Aveline en facilita le fonctionnement » (264). Sans publicité, mais sous un déferlement d’uniformes vert-de-gris, on reprit Elvire le 12 février 1941, et ce n’est que 16 juillet qu’Albert fut cité pour Jeux d’enfants de Bizet réglés pour les petites élèves de l’École. Seuls Lifar et Péricat étant mentionnés, même si « la suite romantique de Chopin » figurait au programme, on ignore si Albert assista le 27 septembre au gala donné à Vichy. Pendant l’entracte, « la canne habituelle du Maréchal » fut mise aux enchères

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et adjugée 144.000 frs, voire plus les informateurs n’étant pas d’accord. En revanche, le 19 décembre avec trois ballets dont Elvire, Albert emmena la troupe au Théâtre Graslin de Nantes. Le Phare de la Loire le prénomma Marcel, mais n’était-ce pas Marcel, le plus habile maître à danser de Paris, qui sous Louis XVI, s’écriait : « Que de choses dans un menuet » ? : « Le nom de Marcel Aveline, maître de ballet de l’Opéra, est synonyme de culture, d’expérience et de mémoire, ces trois

qualités résumant la valeur exigée par celui quiestlepivotducorpsdeballetjustement célèbre de l’Opéra français » (265). Plus loin, le 20 mai 1942 « réglé avec cette précision et ce sens du subtil qui en font un des maîtres de la science chorégraphique » (266) Albert remonta les Deux pigeons en osant cette fois briser les usages puisque Roger Fenonjois était Pépio. Puis le 16 novembre, au moment où Lifar écrivait dans Comœdia que Ricaux venait de prendre sa retraite. De vrai, il était parti Lifar par Serge Ivanoff, 1935 h

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aux Nouveaux Ballets de Monte-Carlo et sera remplacé par Peretti. Albert régla les danses de Salammbô de Reyer et celles de Pénélope de Fauré le 14 mars 1943. Par anecdote, le 29 mai d’après Clustine et dans un décor de Simone Tonetti, MarieLouise Didion remontera Suite de danse à Monaco. Le 28 avril « avec adresse et goût » Albert refit Impressions de MusicHall. En 1944, alors que depuis juin les anglo-américains bombardaient sans répit, privant parfois l’Opéra d’électricité, après tant de tragédies qui seront oubliées dans l’euphorie de la victoire, le 7 juillet Albert régla la Tragédie de Salomé. La création des Mirages de Lifar était prévue pour le 26, mais après la soirée de ballets du 21 juillet, l’Opéra afficha relâche.

Sous la direction de Rouché, suspendu par arrêté en février 1945 et réhabilité en 1951, après la Libération chèrement acquise, Garnier rouvrit le 23 octobre 1944 avec Roméo et Juliette dont Albert remonta le ballet datant de Clustine, mais l’actualité était à l’épuration. Le 25 en l’absence de Lifar devenu Persona non grata pour avoir « trop dansé mal à propos » (267), l’on reprit Elvire et Suite de danses. Puis le 6 décembre, tandis que le bruit courait que Massine allait succéder à Lifar, avec l’aide de Zambelli indiquant « les traditions authentiques », Albert offrit le ballet du Cid. Deux jours plus tard, convoqué par le Comité d’épuration de l’Opéra, syndicalistes et résistants conclurent : « Monsieur Lifar durant l’Occupation a manifestement collaboré avec les Allemands, tant au point de vue privé qu’artistique » (268). « Au lieu de Résistant, ce que j’étais depuis l’origine, je fus catalogué collabo ! » (269) répondra Lifar. D’abord exclu à vie de l’Opéra après un procès qui divisa la Maison, il sera frappé d’une suspension d’un an de toute activité artistique, qui pris fin le 1er novembre 1945. Les Nouveaux Ballets de Monte-Carlo ayant cessé leur activité en avril 1944, à l’invitation de l’imprésario Eugène Grünberg qui rebaptisa la troupe : le Nouveau Ballet de Monte-Carlo, Lifar œuvra sur la Riviera avant de retrouver l’Opéra en 1947.

Entre, Maurice Lehmann, puis Georges Hirsch succédèrent à Rouché, Albert assurant la direction du Ballet : « Excessivement nerveux, petit et rond, il avait au cou une énorme cicatrice, se souvient Claude Bessy. Toujours impeccablement vêtu d’un costume croisé bleu marine, cravaté, chaussé de gros croquenots aux semelles plates, il arpentait les couloirs en marchant en canard […] Carlotta Zambelli, avec laquelle Aveline formait un couple mythique, aux rapports mystérieux, assistait souvent aux répétitions. Assise sur le banc devant la glace, dans la Rotonde qui porte maintenant son nom, elle l’apostrophait de sa voix aigüe avec un fort accent :

" C’est pas ça Aveline ! " et alors qu’il continuait imperturbable, elle s’adressait en aparté à une des interprètes : " Viens ici que je te dise quelque chose, c’est pas ça du tout ce que t’a montré M. Aveline ". Puis, la répétition terminée, ils partaient bras dessus bras dessous Chez Souris, notre bistro attitré, où ils déjeunaient ensemble tous les jours, ne parlant que de danse, unique sujet de leur dévorant amour » (270)

Pour l’heure, la fin des hostilités trouva l’Opéra privé de son danseur-choréauteur vedette : « Sans Lifar, l’Opéra ne peut pas vivre » clamèrent ses supporters et plusieurs à l’instar de Chauviré démissionnèrent, mais pour ne s’en tenir qu’à Albert et aux créations, le 9 juillet 1945 on confia à Peretti l’Appel de la montagne, ballet de Robert Favre Le Bret, musique Arthur Honegger. « Chaque soir de représentation de ballet, Zambelli et Aveline assistent au spectacle, au bout du premier rang de balcon côté jardin. Le lendemain matin, au cours, nous avons " revue de décor " » se souvient encore Claude Bessy. Autrement, réglé par Albert sur les indications de Lifar, on parle aujourd’hui, du défilé sur la Marche des Troyens de Berlioz qui aurait eu lieu le 18 décembre 1945, on n’en trouve pas trace dans la presse. La saison d’après, le 8 juillet 1946 durant « le mois de la danse » initié par Lifar en 1941, la soirée comptait la Péri, qui avait été reprise le 14 juin « dans une chorégraphie moderne » que l’on peut attribuer à Albert. Puis le 8 novembre pour « lesVendredisdel’Opéra » secondé par Zambelli, il « remit à neuf » Sylvia avec Darsonval et Michel Renault. Dans la production de Maurice Brianchon conçue pour Lifar en 1941, elle fit dire à Brillant : « Aveline vient de la récrire avec le plus rare talent et le plus harmonieux succès » (271). Avec : « Présentation et défilé des classes de danse et du Corps de Ballet de l’Opéra », les Santons complétaient l’affiche. Le 24 janvier 1947 au 2ème acte du Lac des cygnes remonté en 1946 par Victor Gsovsky, Marcel Berger ajouta Diane de Poitiers, ballet d’Élisabeth de Gramont, musique d’Ibert que Fokine avait créé pour Ida Rubinstein en 1931.

Palais de cristal, Micheline Bardin, Roger Ritz k Claude Bessy i

Puis France-Soir titra : « Pour remplacer Serge Lifar à l’Opéra, Balanchine a laissé aux U.S.A. une situation de 2.500 dollars » (272). Sa condition était précaire, mais sans s’étendre, Balanchine avait été appelée fin février par Hirsch pour occuper les fonctions de maître de ballet. Entre avril et juillet, il offrit Sérénade (1934), Apollon musagète (1928), le Baiser de la fée (1937) accompagné le 2 juillet d’un Grand défilé du Corps de ballet de l’Opéra, et en hommage à celui-ci, le 28 juillet il créa le Palais de cristal sur la Symphonie en ut composée par Bizet à 17 ans. Retrouvée en 1933 dans la bibliothèque du Conservatoire par Jean Chantavoine, secrétaire général de l’institution ou bien par Douglas Charles Parker, biographe écossais de Bizet, elle figurait dans un recueil d’œuvres de jeunesse légué à Reynaldo Hahn, dont il s’était dessaisi. Créée à Bâle en 1935 par Felix Weingartner, et publiée la même année à Vienne, chez Universal Edition, ce qui fit scandale dans landerneau musical, elle sera entendue, sauf erreur, pour la première fois en France en 1936 sur Radio Tour-Eiffel par RhenéBaton qui avait dirigé les Ballets russes à l’Opéra et ailleurs. Pour dire que l’on s’est toujours demandé comment Balanchine avait eu connaissance de la partition. Engagées en représentation Toumanova et l’Amérindienne Maria Tallchief, son épouse l’accompagnaient. Mais là où Albert et Zambelli veillaient comme des sentinelles sur la hiérarchie, à l’exemple de Claude Bessy alors 2ème quadrille, Balanchine sortit du rang la jeunesse. « La nouvelle œuvre de M. Balanchine est un ballet brillant, trop brillant même en ce sens qu’il a mis un mouvement sur chaque note » (273) dit Vaillat à propos du Palais de cristal avant de conclure : « Et après ? ». Selon Bertrand Trader, le biographe de Balanchine, sans lieu pour travailler, il serait bien resté, mais se retrouvant au cœur d’intrigues, le 31 juillet, il prit « congé de l’Opéra sur un magnifique triomphe » (274)

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Après plusieurs pétitions de la troupe et l’appui de Pierre Bourdan, une des voix de Radio Londres, ministre de la Jeunesse, des Arts et des Lettres, le 24 septembre 1947 marqua la réintégration de Lifar à l’Opéra. Le soir même, machinistes et électriciens refusèrent de lever le rideau et se mirent en grève. En riposte, les danseurs menacèrent d’en faire autant en pointant qu’au point de vue juridique la situation de Lifar avait été réglée par le Comité national d’épuration. Un accord fut conclu le 17 octobre : Lifar pouvait mettre en scène ses propres ballets, mais sans paraître comme danseur. L’interdiction fut levée en 1949. Entre, pour ne n’évoquer que ceci, avec Elvire, les Deux pigeons, Castor et Pollux et les ballets de Lifar, Staats et Balanchine, avec 45 danseurs et 70 paniers de taille impressionnante, le 31 août 1948, Albert quitta Paris pour Southampton, et à bord de « l’Empress of France », il traversa l’Atlantique pour la première fois. Lifar pris les airs. De Montréal à Washington en passant par New-York et d’autres cités la tournée fut un triomphe et « toute la presse, avec loyauté, rapporta ce succès exceptionnel » écrit Brillant : « Mais on regrette qu’il n’existe pas à New-York un groupe de critiques spécialisés dans la chorégraphie, comme la renaissance du ballet en a fait éclore, brillamment, chez nous. […] Chose stupéfiante, le noble, harmonieux et fin divertissement de Castor, si bien réglé par Aveline et enveloppé de la musique de Rameau, où les Canadiens avalent si bien décelé l’esprit renouvelé du XVIII ème siècle, leur paraît naïf, ridicule, enfinpasséiste;etl’exquise Elvire du même Aveline, modèle de goût français, ne leur dit rien du tout. Malgré leur éclat facile à percevoir, les chefs-d’œuvre de Lifar, […] les laissent insensibles, les ennuient » (275) Albert rentra à bord du « De Grasse » le 13 octobre pour remonter Jeux d’enfants le 22 décembre. Le 11 février 1949, il régla les bayadères de Mârouf, savetier du Caire d’Henri Rabaud, puis le 23 : « strictement classique, admirablement remonté, agrandi par Aveline, ne cessant d’être un des succès du répertoire » (276) ce fut Suite de danses. La salle était archicomble, car Lifar reparaissait en public. Plus loin, alors

que « le ballet français [avait] pris la tête de la chorégraphie universelle » (277), le 6 juin 1950, Albert régla à Versailles, les Fêtes d’Hébé, ou les Talents lyriques de Rameau, puis le 12 juillet on créa enfin la Grande Jatte. En décembre, Roger Ritz, 1er danseur étoile, fut nommé maître de ballet, chargé auprès d’Albert de la direction du Ballet et de l’École, lequel Albert reprit les Santons le 24 décembre. Outre Suite en blanc, Coppélia était à l’affiche avec un changement notable : Avec la bénédiction de Hirsch, interprété par Jean-Paul Andréani, Frantz était devenu un homme. Lifar lui offrit une variation dont la musique fut prise au 3ème acte. Il était temps, mais on aurait aimé savoir ce qu’Albert en pensa. Le 26 février 1951, il régla le divertissement de la Traviata, le 23 juillet l’on vit « sa » Sylvia et nul besoin de le dire, à l’examen de février 1952 sa classe et celle de Zambelli firent l’admiration. Mais l’évènement fut les Indes galantes, opéra-ballet en 4 entrées et un prologue de Rameau mis en scène le 18 juin par Maurice Lehmann. « Avec le vocabulaire de l’époque », mais sur pointes, tout comme Harald Lander, bientôt nommé maître de ballet et Lifar, Albert régla le Prologue et la 1ère entrée, Lander, la 2ème, Lifar les suivantes. Le 18 décembre, « avec une précise élégance », Albert signa « un gracieux ballet blanc » dans l’Aiglon d’Honegger et Ibert. Le 21 janvier 1953 il reprit la Grisi et le 17 avril la Polonaise de Boris Godounov était de sa composition. Et pour évoquer quelques déplacements, le 26 juin l’on joua les Indes galantes dans le jardin de Boboli à Florence, le 2 août Samson et Dalila à Orange. Mais nous voilà aussi au pied du Mur, car au-delà de 1954 la presse n’est plus numérisée.

Zambelli et Aveline, 1950 f Christiane Vaussard, Max Bozzoni, Les Indes Galantes, prologue, photo Boris Lipnitzk h

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À l’instar de Zambelli qui âgée de 78 ans retourna vivre à Milan, nous savons qu’Albert fut mis à la retraite en 1955. Lander lui succédant à la direction de l’École le 1er janvier 1956. Mais grâce aux travaux de Florence Poudru sur Lifar, l’on devine qu’il considéra sa mise à la retraite comme une disgrâce imméritée. Ainsi en décembre 1955, projetant de faire revivre l’Académie royale de danse fondée par Louis XIV en 1661, Lifar prit l’attache de 13 collègues parmi lesquels Albert qui lui répondit le 22 décembre 1955 : « Les services que j’ai pu rendre à l’art chorégraphique et à l’Opéra l’ont été dans un complet désintéressement, sans aucun but lucratif ni recherche de gloire ou d’honneur […] Il m’aurait été agréable, malgré ma mise à la retraite, de pouvoir conserver la direction de l’école de danse de l’Opéra, j’aurais pu rendre des services à cet Institut National, mais ce privilège ne m’a pas été accordé » (278) Florence Poudru d’ajouter : « Pense-t-il que Lifar, dans l’ombre duquel il s’est trouvé en tant que chorégraphe, est à l’origine de son éviction à l’âge de soixante-douze ans ? Aveline ignore que six mois avant, lorsque la direction de l’Opéra a décidé de confier l’École de danse au Danois Harald Lander, Lifar a pris sa défense » (279) Faute d’éléments, l’on imagine qu’Albert continua malgré tout d’enseigner avant qu’une attaque de paralysie « ne le condamne à rester cloîtrer chez lui ». Olivier Merlin, critique chorégraphique au Monde de compléter en 1969 dans une revue éditée par l’Opéra : « Assis dans une voiture d’infirme, il passait des heures à sa fenêtre à regarder passer les gens. On dit que, que voyant un jour un maçon en équilibre instable sur des échafaudages, il aurait soupiré : " Il bouge lui au moins " ». Pour un ancien danseur étoile comme Aveline, l’immobilité était déjà « l’article

de la mort ». Le 28 janvier 1968, Zambelli s’éteignit à 90 ans. Six jours plus tard, le 3 février, « Albert Aveline, l’homme à qui elle voua la plus grande et la plus discrète des passions-carilétaitmarié-larejoindrapour l’éternité » (280) note René Sirvin, critique chorégraphique au Figaro dans un portait de « la Grande Mademoiselle » publié par le magazine Danser en 2002. Les obsèques du « bel artiste dont le désintéressement, la modestie et la noblesse [furent] l’honneur de l’Opéra » (281) auront lieu le 7 février en l’église Sainte-Geneviève d’Asnières et il repose au cimetière ancien d’Asnières. Marie Even, son épouse expira le 1er juillet 1975 à Oberhausbergen en Alsace. Marié en 1909 à Renée Le Borgne, lingère à l’Hôpital Lariboisière, son frère Ernest, employé après l’Opéra au laboratoire de l’Hôtel Dieu, aura deux filles, dont l’aînée Simone épousa en 1932 Henri Champion. Élève et danseur à l’Opéra, leurs fils Alain Champion, marié à la danseuse Arlette Luckel, de l’Opéra du Rhin enseignera longtemps avec son épouse au Conservatoire de Strasbourg. Ils auront pour élève, Yves Kordian, actuellement Directeur délégué du Malandain Ballet Biarritz. Et pour fille, Véronique Champion, aujourd’hui Responsable Communication et Événementiel du Conservatoire National à Rayonnement Régional de Nice, hier attachée de presse de notre Compagnie à l’Opéra de Saint-Étienne.

n TM

Remerciements à Anne Londaïtz, Florence Poudru, Claude Bessy et Alain Champion pour les photographies.

(1) Le Matin, 29 avril 1939

(2) Le Monde artiste, 19 juillet 1913

(3) Ève, 7 septembre 1924

(4) Les Mémoires d’Icare, 1993, p.63

(5) Le Figaro, 14 janvier 1898

(6) Comoedia, 30 octobre 1922

(7) Gil Blas, 15 juillet 1894

(8) Journal de Saint-Denis, 3 juillet 1902

(9) Le Figaro, 30 mars 1903

(10) La Gironde, 24 décembre 1905

(11) Comœdia, 17 février 1908

(12) Édition critique du journal de régie de Paul Stuart (13) La Petite République, 31 mars 1908

(14) La République française, 15 novembre 1908

(15) Comœdia, 23 juillet 1911

(16) Gil Blas, 21 février 1909

(17) Comoedia, 25 août 1909

(18) Gil Blas, 25 septembre 1909

(19) Comoedia, 6 décembre 1911

(20) Le Gaulois, 23 juin 1910

(21) Comœdia, 18 octobre 1909

(22) Le Petit Journal, 17 février 1910

(23) Comoedia, 16 février 1910

(24) La Patrie, 19 février 1910

(25) Le Journal, 17 février 1910

(26) Le Figaro, 14 février 1910

(27) Le Figaro, 19 février 1910

(28) La Libre Parole, 17 février 1910

(29) Le Rire, 11 juin 1910

(30) Gil Blas, 6 novembre 1909

(31) Le Ruy Blas 20 mai 1911

(32) L’Autorité, 29 décembre 1909 (33) Le Matin, 31 décembre 1909 (34) Le Radical, 29 décembre 1909 (35) Le Figaro, 14 février 1910 (36) L’Éclair, 23 janvier 1911

(37) Enquête en cours sur Madame Stichel. Recherches en Danse, 3-2015

(38) Gil Blas, 1er mai 1911

(39) Le Matin 20 février 1911

(40) L’Aurore, 4 mai 1911 (41) Comœdia, septembre 1911 (42) Le Matin, 16 septembre 1911 (43) Comœdia, 21 novembre 1911 (44) Gil Blas, 5 décembre 1911

(45) Le Figaro, 8 décembre 1911 (46) Le Ménestrel 16 décembre 1911

(47) Excelsior 26 janvier 1912

(48) Le Monde artiste, 2 mars 1912

(49) La Patrie, 1er avril 1912

(50) Gil Blas, 2 avril 1912

(51) Gil Blas, 1er avril 1912

(52) Les petites coulisses de l’Opéra, A Delmare,1913, p.59

(53) Le Matin, 28 octobre 1912

(54) L’Écho de Paris, 28 octobre 1912

(55) Comoedia, 20 septembre 1911

(56) La Petite République, 29 octobre 1912

(57) Comœdia, 28 octobre 1912

(58) L’Événement, 11 février 1913

(59) L’Aurore, 31 janvier 1913

(60) Le Matin, 30 janvier 1913

(61) Le Temps, 4 février 1913

(62) Le Figaro, 23 avril 1913

(63) Gil Blas, 6 juillet 1913

(64) La République française, 26 juin 1913

(65) Comœdia, 6 décembre 1913

(66) La Danse au Théâtre, 23 octobre 1922

(67) Le Jour, 11 février 1937

(68) La Cote, 24 juin 1913

(69) Comœdia, 24 juin 1913

(70) Journal des débats politiques et littéraires, 6 juillet

1913

(71) Le Radical, 26 janvier 1925

(72) Les Annales du théâtre et de la musique, janvier 1914, p.8

(73) Excelsior, 22 juin 1914

(74) Comœdia, 1er août 1914

(75) Le Gaulois, 17 novembre 1914

(76) La Renaissance 25 décembre 1915 (77) Le Petit Parisien, 6 janvier 1914

(78) Le Frou Frou 25 janvier 1914

(79) Comœdia, 10 janvier 1914

(80) La France, 6 novembre 1916 (81) Le Figaro, 30 décembre 1916 (82) Stravinski et Maeterlinck, ou le rendez-vous manqué des Ballets russes ? Valérie Dufour. (Fonds de la Recherche Scientifique – Université libre de Bruxelles)

(83) L’Œuvre, 10 avril 1917 (84) La France, 24 juin 1917

(85) Le Ruy Blas, 23 septembre 1917 (86) Le Journal amusant, 17 juin 1876

(87) Le Petit Bleu de Paris, 29 septembre 1917 (88) Comœdia, 17 avril 1922

(89) Le Petit Journal, 27 novembre 1917 (90) Le Petit Bleu de Paris, 7 décembre 1917 (91) Le Petit Bleu de Paris, 28 décembre 1917 (92) La Petite République, 9 avril 1918 (93) La Voix nationale, 27 mars 1918 (94) Le Figaro, 5 mai 1918 (95) Le Carnet de la semaine, 17 novembre 1918 (96) La France libre, 3 novembre 1918 (97) Le Siècle, 9 novembre 1918 (98) L’Écho de Paris, 14 décembre 1918 (99) Le Gaulois, 24 décembre 1918 (100) Le Petit Bleu de Paris, 28 décembre 1918 (101) La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 3 mars 1919 (102) La République française, 18 décembre 1919 (103) Lettre à Sergei Taneyev, 7 décembre 1877 (104) La Patrie, 17 décembre 1919 (105) Comœdia, 18 décembre 1919 (106) Le XIXe siècle, 18 décembre 1919 (107) L’Humanité, 18 décembre 1919 (108) Le Journal, 19 décembre 1919 (109) L’Intransigeant, 1er janvier 1920 (110) Le Voltaire, 6 janvier 1920 (111) Comœdia, 12 janvier 1920 (112) Dansons ! N°95, mai 1928 (113) La Presse, 19 mars 1920 (114) La Gironde, 16 avril 1920 (115) Comœdia, 7 juin 1920 (116) Serge Lifar la Danse pour patrie, Hermann Danse, 2007, p.142 (117) Bonsoir, 26 novembre 1920 (118) Le Matin, 16 avril 1921 (119) Comœdia,10 mai 1921 (120) Le Gaulois, 18 juin 1921 (121) Le Journal, 10 décembre 1935 (122) La République française, 15 juillet 1921 (123) Comœdia, 6 août 1921 (124) Journal de Berck et des environs, 11 septembre 1921 (125) Comœdia, 23 juin 1914 (126) Comœdia, 9 décembre 1921 (127) Comœdia, 30 décembre 1921 (128) L’Œuvre, 19 mars 1922 (129) Le Figaro, 31 mai 1921 (130) La Petite Gironde, 9 juin 1921 (131) Le Gaulois, 26 mars 1922 (132) Le Figaro, 26 mars 1922 (133) Le Gaulois, 29 mai 1922 (134) Le Figaro, 18 juillet 1922 (135) Comœdia, 14 juillet 1922 (136) Comœdia, 23 juillet 1922 (137) La Danse, décembre 1922 (138) Comœdia, 28 novembre 1922 (139) Comœdia, 16 janvier 1923

LA DANSE À BIARRITZ # 93

(140) Le Figaro, 12 janvier 1923 (141) Le Journal, 14 janvier 1923 (142) Comœdia, 5 mars 1923 (143) Excelsior, 14 mai 1923 (144) Comœdia, 13 mai 1923 (145) Comoedia, 30 octobre 1922 (146) Comœdia, 16 juillet 1923 (147) Comœdia, 3 août 1923 (148) Comœdia, 16 novembre 1923 (149) AN, AJ13 1207(150) Le Petit Monégasque, 3 janvier 1924 (151) Ève, 7 septembre 1924 (152) Comœdia, 19 septembre 1924 (153) Comœdia, 27 octobre 1924 (154) Femina, 15 juillet 1910 (155) Comœdia, 28 novembre 1924 (156) L’Œuvre, 29 novembre 1924 (157) L’Intransigeant, 16 décembre 1924 (158) Comœdia, 8 janvier 1925 (159) Comœdia, 5 janvier 1925 (160) Comœdia, 12 janvier 1925 (161) Le Figaro, 1er février 1925 (162) La Gazette de Biarritz, 9 septembre 1925 (163) L’Avenir, 17 octobre 1925 (164) Comœdia, 29 octobre 1925 (165) Comœdia, 31 janvier 1926 (166) Excelsior, 28 février 1926 (167) Chantecler artistique et littéraire, 5 juin 1926

(168) Bonsoir, 16 juin 1926 (169) Comoedia, 14 juillet 1922 (170) Comœdia, 17 janvier 1927 (171) La Presse, 8 avril 1927 (172) Le Matin, 9 avril 1927 (173) L’Action française, 19 avril 1927 (174) Comœdia, 3 juin 1927 (175) L’Ère nouvelle, 5 juin 1927

(176) Le Temps, 22 août 1927

(177) Journal des débats politiques et littéraires, 15 décembre 1927

(178) L’Écho de Paris, 21 décembre 1927 (179) La Rumeur, 30 mars 1928

(180) La Gazette de Biarritz, 28 septembre 1928 (181) La Gazette de Biarritz, 29 août 1928 (182) Excelsior, 19 décembre 1928 (183) L’Intransigeant, 23 décembre 1928 (184) L’Intransigeant, 17 juin 1928 (185) Comœdia, 9 mai 1928 (186) Candide, 20 juin 1929 (187) Courrier de Saône-et-Loire, 27 août 1929 (188) L’Œuvre, 26 octobre 1929 (189) Mémoires d’Icare, p.58-59 (190) Mémoires d’Icare, p.56 (191) L’État, le directeur et le répertoire : Jacques Rouché, de l’Opéra de Paris à la Réunion des théâtres lyriques nationaux (1914-1945), 2009 (192) BmO, fonds Rouché, pièce 111 (193) Le Temps, 1er janvier 1930 (194) Mémoires d’Icare, p.165 (195) Mémoires d’Icare, p.60 (196) Comoedia, 7 juillet 1932

(197) Mémoires d’Icare, p.60

(198) La Volonté, 13 février 1930

(199) Journal de Genève, 28 septembre 1930

(200) L’Intransigeant, 28 décembre 1930

(201) Paris-soir, 7 janvier 1931

(202) Comœdia, 9 janvier 1931

(203) Le Figaro, 30 octobre 1931

(204) Mémoires d’Icare, p.65

(205) Comœdia, 30 juin 1932

(206) Excelsior, 30 octobre 1932

(207) L’Intransigeant, 9 avril 1933

(208) Le Ménestrel, 21 avril 1933

(209) Excelsior, 5 mars 1934

(210) Pour vous, 6 septembre 1934

(211) Le Petit Journal, 19 octobre 1934

(212) L’Ère nouvelle, 29 novembre 1934

(213) Le Jour, 31 janvier 1935

(214) Le Petit Journal, 4 mai 1935

(215) Le Figaro, 22 juin 1935

(216) L’Ère nouvelle, 23 juin 1935

(217) L’Action française, 5 juillet 1935

(218) Le Jour, 28 juin 1935

(219) L’Aube, 14 juillet 1935

(220) Revue d’histoire du théâtre, 1969, p.253

(221) Excelsior, 12 octobre 1935

(222) L’Action française, 18 novembre 1935

(223) Paris-Soir, 16 mai 1935

(224) La République, 20 juin 1936

(225) Comœdia, 30 mars 1936

(226) Comoedia, 26 juillet 1910

(227) L’Action française, 3 avril 1936

(228) Le Jour, 14 juin 1936

(229) L’Opéra, les autres et moi, 1959, p.100

(230) Le Matin, 17 juin 1936

(231) Le Jour, 17 juin 1936

(232) Vu, 24 juin 1936

(233) Le Jour, 31 juillet 1936

(234) Le Jour, 20 août 1936

(235) Le Courrier royal, 27 février 1937

(236) Le Jour, 14 février 1937

(237) L’Aube, 7 mars 1937

(238) Le Jockey, 21 mai 1937

(239) Le Jour, 25 juillet 1937

(240) L’Ouest-Éclair, 24 août 1937

(241) Ce soir, 22 novembre 1937

(242) Le Figaro, 12 janvier 1938

(243) Excelsior, 12 janvier 1938

(244) Ce soir, 10 août 1938

(245) Excelsior, 20 novembre 1938

(246) Le Figaro, 17 novembre 1938

(247) Le Temps, 19 août 1939 (248) L’Art musical, 2 décembre 1938

(249) L’Œuvre, 5 mai 1939

(250) L’Action française, 5 mai 1939

(251) L’Œuvre, 5 mai 1939 (252) Marianne, 10 mai 1939 (253) Le Jour, 5 mai 1939 (254) L’Intransigeant, 27 mai 1939 (255) L’Action française, 8 juin 1939 (256) Beaux-arts, 25 août 1939 (257) L’Intransigeant, 16 août 1939 (258) L’Intransigeant, 29 novembre 1939 (259) Combat, 15 juillet 1950 (260) La Gazette de Biarritz, 16 mai 1940 (261) Mémoires d’Icare, p. 84 (262) Mémoires d’Icare, p. 94 (263) Le Matin, 14 juillet 1940 (264) Mémoires d’Icare, p.107 (265) Le Phare de la Loire, 15 décembre 1941 (266) Paris-soir, 29 mai 1942

(267) L’Humanité, 27 septembre 1947

(268) AN, dossier Serge Lifar, Z/6/11 (269) Mémoires d’Icare, p. 104

(270) La Danse pour passion, 2004, p.29 (271) L’Aube, 28 novembre 1946

(272) France-Soir, 22 mars 1947

(273) Carrefour, 30 juillet 1947

(274) Mercure de France, 1er octobre 1947

(275) L’Aube, 7 octobre 1948

(276) L’Aube, 28 février 1949

(277) L’Aube, 23 janvier 1950

(278) AVL, P63 Serge Lifar

(279) Serge Lifar, la danse pour patrie, p. 188 (280) Danser no. 212 (juillet-août 2002), p. 26-28, 30. (281) Le Matin, 29 avril 1939

ACTION CULTURELLE

Rendez-vous sur le quai de la Gare #11

Mettant à l’honneur la sensibilisation, la médiation et l’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) avec le soutien de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, la 11ème édition de Rendez-vous sur le quai de la Gare s’est déroulée du 16 au 19 mai à la Gare du Midi de Biarritz. Au programme : des représentations scolaires, parcours culturels, visites du théâtre, exposition, classe publique, bord de scène ainsi que des représentations tout public du nouveau programme Mosaïque qui bénéficia le 19 mai de la participation du Chœur des Colibris du Collège Saint-Michel Garicoïts de Cambo-les-Bains dans le Boléro de Maurice Ravel.

Fondé et dirigé par Nelly Guilhemsans, violoniste, professeure d’éducation musicale au Collège Saint-Michel Garicoïts de Cambo-les-Bains, le Chœur des Colibris est un ensemble de 200 jeunes, chanteurs et body-percussionnistes, tous élèves de la 6ème à la 3ème au Collège Saint-Michel Garicoïts. Le Chœur des Colibris a à son actif de nombreuses performances artistiques, comme des concerts avec la chanteuse ZAZ, mais aussi des clips de Bodytap comptant plusieurs millions de vues sur le net, autour de la 5ème Symphonie de Beethoven, du Boléro de Ravel ou encore d’O Fortuna extrait de Carmina Burana de Carl Orff.

Dans la continuité du Rendez-vous sur le quai de la Gare, sous l’égide du projet transfrontalier Ballet T et de la convention signée entre les villes de Biarritz et Donostia / San Sebastián, des représentations scolaires et tout public des Saisons ont eu lieu entre le 22 et le 26 mai au Teatro Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián. Une répétition publique et des ateliers : Voulez-vous danser pour adultes et étudiants, animés par Maddi Gaztelumendi, intervenante EAC complétaient le programme.

En tournée

Saint-Quentin dans l’Aisne

Le 4 février, 40 élèves danseurs inscrits à un atelier avec la compagnie Käfig de Mourad Merzouki ont assisté à la répétition des danseurs au Splendid de Saint-Quentin où le Malandain Ballet Biarritz donnait une représentation des Saisons

Fort-de-France

Lors de représentations en Martinique au Tropiques Atrium Scène Nationale de Fort-de-France plusieurs actions ont été menées. Le 1er mars Mickaël Conte a donné un atelier pour des danseurs professionnels de Martinique. Le 2 mars Irma Hoffren a donné un atelier à un groupe d’élèves des écoles de danse de Martinique. Enfin le 3 mars les danseurs du Ballet ont participé à une rencontre autour du Bèlè avec Françoise Prospa et des percussionnistes et danseurs de Bèlè.

Meudon

Le 13 mars une dizaine d’élèves de l’Académie d’art de Meudon et des Hautsde-Seine sont venus assistés à la répétition des danseurs et à la représentation de Mozart à 2 et Beethoven 6 au Centre d’Art et de Culture de Meudon.

Plaisir

Dans le cadre des représentations de la Pastorale des 22 et 23 mars à l’Espace Coluche de Plaisir, le 21 Irma Hoffren a donné deux masterclasses/ateliers de répertoire pour une vingtaine d’élèves âgés de 12 à 17 ans du Conservatoire Gabriel Fauré de Saint Arnoult-en-Yvelines.

Rambouillet

Le 26 mars, une vingtaine d’élèves du Conservatoire Gabriel Fauré de Rambouillet a assisté à la répétition des danseurs à La Lanterne.

Sardaigne

Lors des représentations du Ballet en Sardaigne des 19, 20 et 21 avril, Giuseppe Chiavaro a donné deux masterclasses à des élèves d’écoles de danse, l’une le 18 avril à Sassari, l’autre le 21 à Cagliari.

Baden-Baden

Dans le cadre des représentations des 10, 11 et 12 mai à Baden-Baden, le 11 Allegra Vianello a animé une masterclass/atelier de répertoire avec un groupe de 25 jeunes adultes débutants. Arnaud Mahouy, quant à lui, a donné deux courtes conférences en introduction des représentations.

À Biarritz

CSAPA Broquedis

Après de nombreux projets, le Malandain Ballet Biarritz et le Centre de Soin et d’Accompagnement en Addictologie Broquedis de Saint-André-de-Seignanx (Association Caminante) poursuivent leur partenariat initié en 2017. Dans ce cadre, Laura Delprat, chargée des actions culturelles est intervenue au CSAPA en avril pour présenter la visite virtuelle du Malandain Ballet Biarritz aux résidents et échanger avec eux afin de préparer leur venue trois semaines plus tard à la Gare du Midi de Biarritz pour assister à la classe des danseurs, visiter le théâtre, la pièce costumes et échanger avec Raphaël Canet, parrain du projet. Le projet se poursuivra avec une exposition de photographies d’Olivier Houeix au CSAPA en juin, et l’organisation de plusieurs ateliers chorégraphiques donnés par Raphaël Canet au centre plus tard dans l’année.

Aide Sociale à l’Enfance - Département des Pyrénées-Atlantiques

Depuis plusieurs années, le Malandain Ballet Biarritz accueille des groupes d’enfants et d’adolescents de l’Aide Sociale en partenariat avec le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, afin de leur faire découvrir les coulisses de la Compagnie. Cette année, une quinzaine de jeunes seront accueillis à la Gare du Midi le 8 août pour visiter le théâtre, assister à la classe et la répétition des danseurs, et découvrir les costumes et accessoires de scène. Pour finir cette journée, ils assisteront à la représentation des Saisons

Éducation Artistique et Culturelle (EAC)

Conservatoire Maurice Ravel Pays Basque

Dans le cadre du partenariat avec le Conservatoire Maurice Ravel Pays Basque, le Malandain Ballet Biarritz a accueilli le 2 mai, 25 élèves en CHAD (Classe à Horaires Aménagés Danse) de l’école Jules Ferry et 34 élèves de l’école des Thermes Salins de Biarritz. Ils ont pu découvrir la mallette pédagogique : « Malandain Ballet Biarritz, Au cœur des coulisses », visiter le théâtre et la pièce costumes et assister à la classe des danseurs.

Option et Enseignement de spécialité Arts Danse Lycée André Malraux de Biarritz

Après avoir débuté l’année en assistant aux représentations du festival le Temps d’Aimer la Danse, les 60 élèves de l’Option et Enseignement de spécialité Arts Danse ont proposé en octobre au sein de leur établissement, une pièce chorégraphique inspirée des temps forts du festival. Nourris par divers enseignements tel que la musique, les arts plastiques, la littérature appliquée, les ateliers chorégraphiques, constituant le programme de la spécialité Arts Danse, ces lycéens abordent l’Art de la Danse par une approche sensible, scientifique et technique, permettant d’acquérir la connaissance de la culture chorégraphique mais aussi de s’engager corporellement et publiquement en explorant la relation à soi, aux autres, à l’environnement.

Les élèves bénéficient d’une partie théorique, mais aussi pratique avec différents intervenants invités par le Lycée André Malraux et le Malandain Ballet Biarritz. Les jeunes danseurs plongent ainsi dans la diversité des esthétiques chorégraphiques. Différents stages ont été proposés en fonction du programme de l’Éducation nationale notamment avec Adolfo Vargas (Maguy Marin), Annabelle Pulcini (Post Modern Dance), Dominique Brunet (les différentes réécritures du Lac des cygnes), Laure Dauger (ateliers sur Giselle et le Lac des cygnes), Christophe Gellon (Hip Hop) et Eva Julliere (ateliers d’improvisation).

Durant la saison, les élèves ont pu assister à de nombreux spectacles et débats afin de nourrir une pensée critique et analytique sur le mouvement, une œuvre, un artiste, la danse.

L’année 2023-24 se terminera par la création et restitution des chorégraphies présentées au BAC par les élèves de Terminale, ainsi que par des créations « cartes blanches » d’Emilie Camacho et Joana Olasagasti, présentées : le 4 juin à 20h, à la Gare du Midi de Biarritz, en entrée libre sur réservation malandainballet.com

Académie Internationale de Danse de Biarritz

Du 4 au 9 août, la 35ème édition de l’Académie Internationale de Danse de Biarritz accueillera une pléiade de professeurs, chorégraphes, maîtres de ballet et directeurs de compagnie de

renom qui mettra à l’honneur la danse classique et la transmission du répertoire. Plus de 300 stagiaires en provenance de l’Europe entière mais aussi du Québec, des États Unis, des Émirats viendront à Biarritz se perfectionner et partager leur passion de la Danse. En complément des cours techniques classiques, des cours de Répertoire Filles et Garçons, des cours de barre à terre, et des cours de Pas de Deux, une des spécificités de l’Académie est de donner l’opportunité aux jeunes danseurs de découvrir et s’approprier le travail de chorégraphes comme Jiri Kylian, Thierry Malandain et Xenia Wiest. Les stagiaires auront aussi l’occasion de découvrir les Saisons en spectacle et pour certains de venir prendre un cours avec la compagnie.

L’équipe pédagogique se compose cette année de Carole Arbo (Paris), Eric Quilleré (Bordeaux), Lienz Chang (Milan / Italie), Xenia Wiest (Schwerin / Allemagne), Bertrand Belem (Paris), Eva Lopez (Madrid), Stefan Zeromski (Den Haag / Pays Bas), Frederik Deberdt (Biarritz), Isabel Hernandez (Marseille), Béatrice Legendre (Paris), Jason Beechey (Zurich). Une démonstration des classes supérieures est proposée le 6 août à la Gare du Midi de Biarritz.

Entrée libre sur réservation : malandainballet.com Informations : biarritz-academie-danse.com

SANTÉ

Avec le soutien du CCN Malandain Ballet Biarritz, l’institut Danse Santé œuvre pour le développement des compétences des professionnels de santé sur les spécificités des danseurs professionnels ou amateurs, toutes disciplines confondues, pour une meilleure prise en charge médicale. Depuis 2021, il a d’ores et déjà formé 50 professionnels de santé dans toute la France et en Belgique et se fixe l’objectif de créer un répertoire national de professionnels de santé certifiés pour répondre aux demandes de plus en plus croissantes sur les enjeux de santé du danseur. Dans ce cadre, Aurélie Juret et Jean-Baptiste Colombié, respectivement Médecin et Masseur Kinésithérapeute de l’équipe médicale du CCN Malandain Ballet Biarritz, sont intervenus en tant que formateurs pour le compte de l’Institut Danse Santé les 29 et 30 avril dans les locaux du Centre National de la Danse à Pantin. Ce premier module de formation intitulé « Principe d’évaluation et prise en charge médicale du danseur » introduit d’autres thématiques abordés par l’Institut Danse Santé telles que la « Prévention

et Hygiène de vie du danseur », la « Maternité : du projet de grossesse à la reprise post partum » et la « Préparation physique du danseur ». Les prochaines sessions de formation auront lieu à Biarritz, du 8 au 12 septembre dans le cadre du festival le Temps d’Aimer la Danse. Pour plus d’informations : danselivinglab@gmail.com

FESTIVAL

34ème édition du festival le Temps d’Aimer la Danse du 4 au 16 septembre

Le Temps d’Aimer la Danse est un festival généreux qui tend à rassembler : entre la pluralité des esthétiques, de la danse urbaine aux Ballets, entre la diversité des publics touchés, entre les territoires multiples du Pays basque, Nord et Sud, le Temps d’Aimer s’affirme accueillant, festif, solidaire et écoresponsable. Cette 34ème édition s’inscrit dans le cadre du 40ème anniversaire de la création des Centres Chorégraphiques Nationaux.

Programmation et ouverture de la billetterie le 29 mai sur letempsdaimer.com et dans les offices de tourisme de Biarritz, Bayonne, Anglet et du Pays basque

EN BREF

Nocturnes à Toulouse

À l’invitation de Beate Vollack, directrice du Ballet de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, Frederik Deberdt a remonté Nocturnes dans le cadre du programme « Paysage intérieurs - Carolyn Carlson / Thierry Malandain » donné du 15 au 18 mai au Théâtre de la Cité à Toulouse.

Marie-Antoinette à Santiago du Chili

À l’invitation de César Morales, directeur du Ballet de Santiago, en collaboration avec l’Ambassade de France au Chili, Frederik Deberdt remontera en juin MarieAntoinette dont la première aura lieu le 10 juillet au Teatro Municipal accompagnée par l’Orquesta Filarmónica de Santiago sous la direction de Pedro-Pablo Prudencio.

https://municipal.cl/espectaculos/mariaantonieta-ballet/

27ème Gala del día internacional de la Danza

À l’invitation de l’Association des professionnels de la danse de Gipuzkoa, le 28 avril Julie Bruneau et Alejandro Sanchez ont interprété un duo de Nocturnes au teatro Victoria Eugenia de Donostia / San Sebastián dans le cadre du gala célébrant la Journée Internationale de de la Danse.

Fondation pour la Danse

Thierry MalandainAcadémie des beaux-arts

Pour donner suite au Fonds de dotation Thierry Malandain pour la Danse créé en 2019, la « Fondation pour la Danse Thierry Malandain » abritée à l’Académie des beaux-arts a été officiellement créée le 6 février.

Cette fondation, présidée par Laurent Petitgirard, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts et créée à l’initiative de Thierry Malandain, membre de la section de chorégraphie de l’Académie, s’est notamment donnée pour mission d’accompagner l’émergence de nouveaux chorégraphes et la diffusion de leurs œuvres, de soutenir les danseurs professionnels à deux moments stratégiques de leur parcours - à savoir la formation et la reconversion -, ainsi que d’encourager la recherche sur l’art chorégraphique et son histoire.

La Fondation pourra également apporter son soutien à des actions de médiation et de sensibilisation par la Danse auprès de publics variés.

Exposition

En partenariat avec le Centre National de la Danse (CND) une exposition intitulée Danser, sera présentée à la Cité des sciences et de l’industrie, du 2 juillet prochain au 31 mars 2026.

Dans ce cadre, un extrait du ballet Cendrillon de Thierry Malandain sera intégré à un montage audiovisuel sur le thème « Marcher » et sera projeté sur un grand écran dans l’espace dédié à cette thématique.

Prix des Hivernales

Le 16 mars à Liège, Frederik Deberdt, membre du jury du Prix Les Hivernales de la Danse, a récompensé deux lauréats issus de l’école VM Ballet School à Toulouse : Diego Emilio Canga a remporté un stage à l’Académie Internationale de Danse de Biarritz en août et Esteban Ramirez pourra suivre une semaine de cours avec la compagnie.

Sobanova Dance Awards

À l’invitation de Barbara Van Huffel et Sophie Amri, co-directrices artistiques du Sobanova Dance Awards, Arnaud Mahouy a représenté le Malandain Ballet Biarritz dans le jury de la 8ème édition dont la finale s’est tenue le 3 mai à l’Auditorium SaintGermain à Paris.

Ce concours s’est entre autres donné pour mission de faire découvrir et valoriser les talents émergents et de soutenir les chorégraphes et aider à la diffusion des œuvres.

Présidé par Carolyn Occelli le jury comptait également Christine Bastin, Abou Lagraa, Mourad Merzouki et Benoit Dissaux.

Conférence Thierry Malandain

À l’invitation de Bernard de Monck d’Uzer, le 11 avril Thierry Malandain a donné à la Gare du Midi une conférence portant sur l’Histoire de la danse à Biarritz à l’intention des membres du Rotary Club de Biarritz, et le 29 avril pour l’association des Amis du Malandain Ballet Biarritz présidée par Colette Rousserie.

centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques

Conseil d'administration

Présidente Catherine Pégard

Vice-président Guillaume Pépy

Trésorière Solange Dondi

Secrétaire Richard Flahaut

Trésorière adjointe, déléguée à la transition écoresponsable Monique Barbaroux

Déléguée à la coopération territoriale et internationale Marie-Christine Rivière

Administrateurs Clément Hervieu-Léger, Gratien Maire, Anne Méhu, Claudine Pons, Cyril Barthalois

Président d’honneur Pierre Durand

Direction

Directeur / Chorégraphe Thierry Malandain

Directeur délégué Yves Kordian

Secrétaire général Georges Tran du Phuoc

Responsable administrative, Ressources Humaines et financière

Séverine Etchenique

Chargé de développement et de coordination artistique Arnaud Mahouy

Artistique / Création

Maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro, Frederik Deberdt

Artistes chorégraphiques Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Timothée Mahut, Alessia Peschiulli, Julen Rodríguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Chelsey Van Belle, Patricia Velázquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Léo Wanner

Pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean-François Pailler

Transmission du répertoire

Maîtres de ballet Giuseppe Chiavaro, Frederik Deberdt

Artiste associé Jon Maya, Kukai Dantza

Technique

Directrice technique Chloé Brèneur

Régisseur général Frédéric Bears

Régisseurs plateau Thierry Chabaud, Pascal De Thier, Jean-Luc Del Campo, Jean Gardera, Emmanuel Rieussec

Régisseurs lumière Christian Grossard, Théo Matton

Régisseurs son Andde Carrère, Nicolas Rochais, Maxime Truccolo Technicien plateau Renaud Bidjeck

Réalisation costumes Charlotte Margnoux, Véronique Murat

Régisseuses costumes Karine Prins, Annie Onchalo

Construction des décors et accessoires Frédéric Vadé

Techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Vincent Ustarroz

Agent d’entretien Ghita Ballouk

Réceptif et catering Jacques Daems

Directeur technique festival Le Temps d'Aimer Jean-Pascal Bourgade

Administration Administration, finances, Ressources Humaines

Comptables principales Arantxa Lagnet, Laurence Peltier

Comptable Marina Souveste

Secrétaire comptable Sonia Mounica

Secrétaire administrative Virginie Sichem

Pôle chorégraphique territorial

Administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta

Pôle actions culturelles

Chargée des actions culturelles Laura Delprat

Artiste Chorégraphique, Intervenante en sensibilisation Ione Miren Aguirre

Intervenante Enseignement Arts-Danse, Académie, ERD Carole Philipp

Diffusion / production

Chargée de diffusion Lise Philippon

Attachée de production Noémie Zabala-Pihouée

Administratrice de production festival Le Temps d'Aimer Katariñe Arrizabalaga

Consultant Thierry Messonnier - The Publicists

Agents Delta Danse - Thierry Duclos, Creatio 300-Klemark Performing Arts & Music, Norddeutsche Konzertdirektion – Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music – Roberta Righi

Communication

Responsable Communication Sabine Cascino

Chargée de projet Eloixa Ospital

Attachée à la communication Elena Eyherabide

Responsable Image Frédéric Néry - Yocom

Attaché de presse Yves Mousset

Photographe Olivier Houeix

Suivi et prévention médicale des danseurs

Médecin du sport référente Dr. Aurélie Juret

Médecine générale Dr. Francoise Berenguer Garcia Gynécologie médicale Dr. Marie Grellety-Cherbéro

Kinésithérapeutes Jean-Baptiste Colombié, Régis Gomes, Camille

Lassalle Osthéopathe Romuald Bouschbacher

BALLET T Donostia / San Sebastián

Malandain Ballet Biarritz

Co-présidence du projet Thierry Malandain

Co-directeur du projet Yves Kordian

Chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta

Communication Sabine Cascino

Victoria Eugenia Antzokia

Co-présidence Jaime Otamendi

Co-directeur du projet Norka Chiapusso

Chef de projet Koldo Domán

Administration Maria Jose Irisarri

Communication Maria Huegun

CCN Malandain Ballet Biarritz

Gare du Midi • 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz

tél. +33 5 59 24 67 19 • ccn@malandainballet.com

Julie Bruneau et Alejandro Sanchez Bretones, Nocturnes © Olivier Houeix

CALENDRIER

Représentations en France

29/05 30/05 31/05 12/07

19/07

Bordeaux

Bordeaux

Bordeaux

Orange Sisteron

Représentations au Pays Basque

16/05 17/05 18/05 18/05 22/05 23/05 24/05 25/05 26/05 01/08 02/08 03/08 04/08 07/08 08/08 09/08

Biarritz

Biarritz

Biarritz

Biarritz

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Donostia/San Sebastián

Biarritz

Biarritz

Biarritz

Représentations à l’International

05/05 07/05 08/05 10/05 11/05 12/05 07/06 07/06 08/06 09/06

Allemagne / Leverkusen

Allemagne / Bonn

Allemagne / Bonn

Allemagne / Baden Baden

Allemagne / Baden Baden

Allemagne / Baden Baden

Maroc / Rabat

Maroc / Rabat

Maroc / Rabat

Maroc / Rabat

Les Saisons

Les Saisons

Les Saisons

L’Oiseau de feu, Les Saisons

L’Oiseau de feu, Beethoven 6

Mosaïque (scolaire)

Mosaïque (scolaire)

Mosaïque

Mosaïque

Les Saisons (scolaire)

Les Saisons (scolaire)

Les Saisons (scolaire + tout public)

Les Saisons

Les Saisons

Mosaïque

Mosaïque

Mosaïque

Mosaïque

Les Saisons

Les Saisons

Les Saisons

L’Oiseau de feu et Le Sacre du printemps

Les Saisons

Les Saisons

Nocturnes accompagnées au piano, La Pastorale Nocturnes accompagnées au piano, La Pastorale Nocturnes accompagnées au piano, La Pastorale Beethoven 6, Boléro avec orchestre (scolaire) Nocturnes, Beethoven 6, Boléro avec orchestre Nocturnes, Beethoven 6, Boléro avec orchestre Nocturnes, Beethoven 6, Boléro avec orchestre

Fondation Thierry Malandain pour la Danse

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