Claire Lonchampt & Raphaël Canet, Sinfonia © Olivier Houeix JOURNAL D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE EN PYRÉNÉES-ATLANTIQUES MALANDAIN BALLET BIARRITZ JUILLET > DÉCEMBRE 2022 PAGE 2 PAGE 6 PAGE 8 PAGE 12 PAGE 46 PAGE 47 PAGE 48 PAGE 50 PAGE 52 ÉDITO ACTUALITÉ ACTIVITÉ DANSE À BIARRITZ #88 SENSIBILISATION SANTÉ BILAN EN BREF CALENDRIER
L'artiste
a sa grandeur et sa misère : avec son cœur et son âme, avec son sang pour ainsi dire, son imagination aspire à changer le monde. Car devant le malheur et la souffrance, pendant que d’autres stockent des bouteilles d’huile de tournesol, ou conseillent ce qui prévaut pour ne pas avoir froid, il est tentant pour lui de croire à la puissance salvatrice de la beauté : « Est-il vrai, prince, que vous ayez dit une fois que la " beauté " sauverait le monde ? » (1) demande Hippolyte Terentiev au prince Mychkine dans l’Idiot de Fiodor Dostoïevski. À la vérité, la tâche serait herculéenne, et depuis Lucy, l’australopithèque victime à vingt-cinq ans d’une crue massive sans précédent, si la beauté pouvait anéantir les ronces du mal à la manière d’un désherbant polyvalent, dans la perspective d’élever l’esprit des foules, on la préconiserait certainement pour se protéger et protéger les autres.
Tout au plus l’artiste peut-il apaiser les cœurs, sublimer la réalité, susciter un espoir, parfois même ouvrir les yeux avant les autres, fûtce en bousculant les certitudes ou en priant avec instance, car l’artiste sincère au cœur épris de vérité est toujours en proie au doute et au sentiment d’impuissance. Comme les portes du temple de Janus qui avaient à Rome la particularité d'être ouvertes en temps de guerre, et fermées en temps de paix, ce qui était tout aussi rare que d’assister à un pentathlon de pots de moutarde, l’esprit de l’artiste est le siège d’un combat intérieur, d’une lutte de sentiments contraires faisant sa raison d’être : « L’art n’existe que s’il prolonge un cri, un rire ou une plainte » (2) écrivait Jean Cocteau. D’un côté la révolte, la colère, la mélancolie, de l’autre la joie, la tendresse, l’amour comme une image sacrée de l’idéal s’unissant en une sorte d’étreinte entre la réalité et l’imaginaire afin de vaincre la mort si l’acte nuptial est fécond. Aimer étant depuis Lascaux I le seul pouvoir accordé aux artistes pour faire œuvre d’art et offrir aux êtres sensibles un peu de ce qu’ils espèrent : « L'œuvre d'art reste pour les sensibles, c'est leur revanche sur les intelligents » (3) soutenait Fernand Léger. Ainsi par un geste de foi et de création, l’artiste prêche follement à sa façon qu’unie à la beauté, la bonté pourrait sauver le monde. Une œuvre de titan, quand on y pense ! Néanmoins, cette fois, artiste ou pas, chacun aurait sa part d’ingéniosité, son ardeur généreuse et son courage à exhiber. Et pour être en situation de réussir collectivement, « les esprits intelligents », qui donnent un si haut prix à leur cerveau, les brasseurs d’affaires et les prédateurs de la finance si satisfaits de leur pouvoir sur la marche du monde seraient dans le devoir de baisser de quelques degrés le thermostat de leurs méfaits.
Certes la malveillance est partout sans limites, et affirmant tantôt sa beauté, tantôt sa honte, la nature humaine est un théâtre d'ombre et de lumière. Cependant à l’instar du magicien sciant sa moitié en deux parties, elle a aussi ses trucs et ses ficelles pour : « dompter cette grande bête hagarde qui s’appelle le peuple ; qui ne veut ni ne peut se mêler des affaires publiques et à laquelle il faut fournir une illusion » (4) affirmait Edward Bernays : Neveu de Sigmund Freud, agent de presse des Ballets russes de Serge Diaghilev durant leur tournée américaine de 1916, Edward Bernays (18911995) qui inventa le terme de « conseiller en relations publiques » est considéré comme l’un des pères du consumérisme américain et du marketing industriel et politique. Et si vous ne connaissez pas cet homme, le documentaire : Propaganda, la fabrique du consentement de Jimmy Leipold (ArteINA-2018) est un captivant décryptage de ses méthodes propagandistes pour ne pas céder à la torpeur.
À titre d’exemples, alors que le président Thomas Woodrow Wilson avait été réélu en 1916 sur ce slogan : « Grâce à moi, l'Amérique est restée en dehors du conflit européen », ce documentaire montre de quelle manière, Bernays retourna l’opinion en faveur de la guerre à l’aide d’une campagne portée par des journalistes, des intellectuels et des artistes « pour une poignée de dollars ». « Et pour quelques dollars de plus », comment il parvint au profit de l’agroalimentaire, de la filière porcine en particulier, à instaurer au petit déjeuner des américains le « bacon & eggs ». Ceci au renfort de professionnels de la santé qui prônèrent les bienfaits d’un apport calorique au saut du lit en n’ayant que le mot « bacon » à la bouche. Des calories à leur prohibition, il n’y avait qu’un pas, et malgré l’effet yo-yo, Bernays vendit après coup la minceur féminine aux mass médias. Dans la foulée afin de bodybuilder cette fois l’industrie du tabac, le psychanalyste Abraham Arden Brill lui ayant expliqué que le symbole phallique de la cigarette représentait le pouvoir sexuel du mâle, il sut convaincre les américaines qu’une clope au bec était dernier cri, élégant et libérateur, et plébiscita : « les flambeaux de la liberté ». Et pour étouffer les voix critiques, qui assuraient sans filtre que le prix de cette liberté était nocif, il inonda les journaux de contreexpertises bidonnées en double-aveugle par une cohorte de médecins corrompus. Lui-même s’abstint de fumer toute sa vie, et pour être juste, dans les années 1960, il mena des campagnes de prévention, ce qui n’empêcha pas son industrie délétère de lui survivre, et d’enfumer les peuples des régimes démocratiques ou totalitaires comme de simples jambons. À la mémoire de celui qui orchestra, main dans la main avec la C.I.A, des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, souvenons-nous des « storytellers » d’une Public Relations Agency qui sur la base de canulars vendit la guerre en Irak pour quelques millions de dollars en 2003.
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Sinon, parmi ses écrits, après Cristalliser l'Opinion publique (1923), dont Joseph Goebbels, ministre de l'Éducation du Peuple et de la Propagande de 1933 à 1945 tira profit pour sa « Nuit de cristal » et accompagner Adolf Hitler au pouvoir par la poigne et le bâillon. Ceci avec l’appui des États-Unis, plus soucieux dans les années 1930 de combattre le communisme que le nazisme, et de fournir du matériel de guerre avant de s’engager en décembre 1941. Au reste, proche de Bernays, Henry Ford et d’autres, continueront d’alimenter l’industrie de guerre allemande via leurs filiales, mais « business is business ». Pour la somme de 13,50 € : « Propaganda », sous-titré sans détour : « Comment manipuler l'opinion en démocratie » est l’ouvrage de référence que Bernays publia en 1928 pour « enrégimenterles masses » à des fins économiques, idéologiques et politiques. Il serait déloyal de résumer ce guide pratique en deux phrases, néanmoins celles-ci donnent le ton : « Notre démocratie ayant pour vocation de tracer la voie, elle doit être pilotée par la minorité intelligente qui sait enrégimenter les masses pour mieux les guider […] La propagande ne cessera jamais d'exister. Les esprits intelligents doivent comprendre qu'elle leur offre l'outil moderne dont ils doivent se saisir à des fins productives, pour créer de l'ordre à partir du chaos » (5)
« Créerdel'ordreàpartirduchaos » : autrement dit, restaurer l'harmonie dans une humanité réconciliée, n’est-ce pas l’horizon de l’artiste, son but le plus élevé ? C’est aussi le « storytelling » de Dieu en plein labeur. Et selon les créateurs du contenu de la Genèse : au sixième jour, « il vit tout ce qu’il avait fait — et c'était très bon ». Devant un monde qui se meurt d’épuisement, devant tout ce qui se désagrège sous nos yeux, on parlera plutôt d’un ustensile hightech créant le plus grand désordre. Pourtant, tout en arasant les aspirations démodées d’une France forte, grande et souveraine, « la minorité intelligente » n’avait-elle pas promis ce qu’il y a de plus « smart » pour ne pas connaître un déclin inéluctable ? : sous l’aile d’une Europe faisant du genou à l’oncle Sam et au « Fortune Global 500 », le règne éternel de « la mondialisation heureuse », heureuse comme une poule naïve qu'un aigle n'aurait pas prise. Car là, couic ! Annoncé avec les ressorts classiques de l’émotion et de la peur, comme pour s’en laver les mains à la façon de Ponce Pilate : « Je suis innocent de ce sang, c'est désormais votre affaire ». Nous voilà au bout des jours heureux, au bord du gouffre, en guerre. Dès lors, afin de mieux comprendre, aurions-nous été trompés, pour ne pas dire « Bernays » ?
Il n’y a toutefois pas de fatalité dans ces évènements, et surtout pas de situation irréversible. Et même si les artistes dignes de ce nom sont des rêveurs communiant avec l’Idéal, il n’y a que la volonté pour mettre fin à l’insouciance. Alors les rayons d'une aube nouvelle apporteront la paix à laquelle les peuples aspirent, et chasseront les tenants d’un système dont les profits épuisent les ressources, accentuent les inégalités, la pauvreté, jouent
contre la santé, l’environnement, l’avenir de l’humanité et du vivant. Quoi ! dira-ton, mais c'est à une révolution dont vous rêvez ? Oui ! Si révolution signifie réinventer les choses avec exigence et loyauté pour le bien commun. Ce qui n’est pas très sorcier. La pratique permettant d'acquérir le tour de main nécessaire, depuis le premier tango de la pluie de Cro-Magnon, la danse s’y emploie à sa manière sans économiser son énergie. Sans non plus porter les cornes de l’abondance, bien qu’elle soit au théâtre et de longue date, le plus cocu des arts. « Cocu magnifique », dont les richesses, les vraies sont l’amour et la beauté du geste auxquels elle carbure à plein cœur, à pleines jambes, à pleins bras, à plein gaz.
À ce titre, du 8 au 18 septembre derniers, la 32ème édition du festival le Temps d’Aimer fut impressionnante au possible. Avec le soutien des ministères de la Culture et des Outre-mer, de Suez, de la ville de Biarritz, de la région Nouvelle-Aquitaine, du département des Pyrénées-Atlantiques, de l’Office Artistique de la région Nouvelle-Aquitaine, en collaboration
avec la Scène nationale du Sud-Aquitain, l’Atabal Biarritz, le festival Ravel de Saint-Jeande-Luz, l’Agglomération Pays basque, le Plaza Berri, la Médiathèque de Biarritz et la Biennale de flamenco de Séville que nous remercions : 31 compagnies, 450 artistes, 82 rendez vous, 18.000 spectateurs en salle, 10.000 en extérieur. Le secret ? Il est simple, un travail d’équipe et une programmation éclectique mêlant les esthétiques à la diversité des univers et des formes à Biarritz, Bayonne, Anglet, Saint-Palais, Mauléon, Saint-Jean-Pied-de-Port, Bardos, Bidart et Saint-Pée-sur-Nivelle.
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g Umbra, chorégraphie Lucas Valente © Olivier Houeix
Parallèlement, le festival était enrichi de plusieurs rendez-vous professionnels autour de la danse, de l’environnement et de la santé. Ainsi conduit par Laurent Petitgirard, compositeur, chef d’orchestre et secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts et Astrid de la Forest, graveuse et présidente, le déplacement exceptionnel de la section de chorégraphie, une première pour le Pays basque, coïncida avec une rencontre au sommet des Ballets français. Coordonné par Marie-Christine Rivière et Isabelle Calabre, un focus « CaraïbesPays basque » réunit les acteurs de la danse des deux territoires autour des quadrilles créoles et basques. S’ajouta un séminaire de l'Association Française des Maîtres de Danse Classique sur la formation permanente des professeurs. Puis initiée en 2021 par Monique Barbaroux, une seconde journée de réflexion sur la transition écoresponsable dans l’art chorégraphique. Enfin organisé par l’Institut Danse Santé et l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz active depuis 10 ans, un séminaire de formation traitant de la prévention et de la prise en charge médicale des danseurs.
Par ailleurs, il aura été une joie et une fierté d’afficher les deux lauréats de la 1ère édition du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet créé en 2016 avec le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux : Xenia Wiest et Martin Harriague, deux talents de première grandeur, qui font espérer que l’avenir sera à la hauteur. Et le même vœu s’applique aux lauréats de la 3ème édition de ce concours, qui de report en report, se tint à Biarritz le 17 juillet en partenariat avec le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, le CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin et l’appui du ministère de la Culture et de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Sur la scène de la Gare du Midi, 6 finalistes issus de pays différents, sélectionnés parmi 66 candidatures démontrant que le ballet demeure une forme artistique bien vivante. Et en ces temps de polémique autour de la diversité, 34 danseuses et danseurs de toutes les couleurs possibles, qui auraient montré aux défenseurs de l’égalité et de l'inclusion qu’ils se trompent de cible en ne pointant pas avant toutes choses les raisons économiques et sociales. Lesquelles ne datent pas d’aujourd’hui comme nous allons bientôt le voir. Quant à l’éducation artistique et à la valeur de l’exemple permettant de susciter des vocations, ce qui est capital, ce
n’est pas non plus très sorcier, il suffit d’aller sur le terrain et de mouiller sa chemise. Dans le cas du Ballet de l’Opéra national de Paris, puisque c’est aux artistes de ce théâtre, sensibilisés par le mouvement étasunien « Black Live Matters », auxquels je pense, se produire régulièrement en province serait un excellent début. Et aux étoiles masculines, qui depuis des mois livrent aux médias leur mauvaise conscience à briller dans de vieux ballets « hétéronormés ». Apprenez, que c’est pour satisfaire la bourgeoisie d’affaires, grande triomphatrice de 1789, que le Grand Opéra inventa « le travesti dansant », provoquant à la fois une pénurie d’interprètes, le malheur de plusieurs générations de danseurs français et la décadence de votre théâtre : « L’Opéra poursuit impitoyablement son système d’exclusion à l’égard de la portion masculine du corps de ballet ; et, faut-il l’avouer, infidèle à ses instincts généreux, le public, sans pitié pour les victimes, semble cette fois de ses sympathies encourager les proscripteurs » (6) lira-t-on en 1846. Au reste, en 1903 lors de votre première Giselle du XXème siècle, « le prince riche et beau », « le mâle dominateur » du vénérable ballet d’Adolphe Adam était la délicieuse Louise Mante. Les snobs et les pions, n’attendant qu'un signe pour applaudir, les Ballets russes de Serge Diaghilev rétabliront passagèrement la parité et le code civil à l’Opéra en 1910, avant la direction prospère de Serge Lifar, pour lequel l’art de la danse était un culte fait d’enthousiasme. « On ne réalise pas à quel point les déclarations et les actions de ceux qui occupent le devant de la scène leur sont dictées par d'habiles personnages agissant en coulisse » (7) disait Bernays, pour qui « créer du besoin, du désir, et créer du dégoût pour tout ce qui est vieux et démodé » était l’horizon du progrès.
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ÉDITO
Carlotta Zambelli & Louise Mante, Giselle © Gerschel, 1903
Follow the White Rabbit, chorégraphie
Houston Thomas
© Olivier Houeix
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Daphnis & Chloé, Natalia de Froberville & Ramiro Gómez Samón © David Herrero
Autrement, ayant planché tout l’été, je vous invite à découvrir dans ce Numéro, une « gourmande » oubliée des traditions de la danse française, sinon la plus savante artiste de l’Opéra, dont l’entrée à l'Académie des beauxarts fut plaidée en son temps : Laure Poinet, dite Fonta (1845-1915) 1ère danseuse, qui ne cessant de travailler et de chercher dans la poussière des archives s’attela à reconstituer les danses de la Grèce antique et du Grand Siècle avant tout le monde. « Dernière gardienne du grand art classique qu’on néglige tant » (8), en 1876, elle remonta néanmoins pour rire, le 2ème acte de Giselle avec un corps de ballet masculin au théâtre des Variétés. Également négligé, son premier professeur, le Bordelais Joseph Foulaines, dit Scio (1807-1866), grâce auquel les élèves de l’École recevront quatre paires de « souliers de danse » par an à compter de 1860. À une enquête de la direction, il avait sincèrement répondu :
« La grande majorité des élèves admis ont des parents pauvres. J’ai remarqué ces petites misères de la vie qui s’opposent à ce qu’unenfantsuiveunecarrièrepourlaquelle il aurait de l’aptitude. Combien de mères me présentent leurs filles avec leur bulletin d’admission et ensuite ne reviennent plus parce que leurs moyens ne leur permettent pas de faire la dépense de souliers de danse, d’un jupon ou d’un corsage ? » (9)
Remercié sous ce prétexte : « la faiblesse de sa vue est un obstacle à l’utilité de son professorat » (10), Scio fut ensuite engagé par l'Agence centrale du journal l'Europe artiste, pour enseigner gratuitement aux artistes au chômage et aux jeunes personnes désireuses d'apprendre le métier, « sans être obligées de s'imputer des sacrifices ou de les faire supporter à leurs parents » (11). Autre anecdote, il avait aussi fait remarquer : « En Russie, lorsqu’une élève est admise au conservatoire de danse, elle fait partie de la Maison. Elle est nourrie, logée, habillée aux frais de l’administration ».
Pour enfin conclure, je voudrais ici remercier Kader Belarbi, étoile de l’Opéra de Paris, directeur du Ballet de l’Opéra national du Capitole de Toulouse de m’avoir convaincu après 13 ans «d’abstinence » de créer un ballet pour une autre troupe : Daphnis et Chloé de Maurice Ravel, qui sous la direction de Maxime Pascal rassembla en juin à la Halle aux Grains les forces vives du Capitole : le ballet, le chœur et l’orchestre. La production ayant obtenu le « Balleto d’Or » de la saison 2021-22, je remercie Les Balletonautes, ainsi que Danses avec la plume pour « la Plume d’Or » de la création. Et à propos de votre article intitulé « Direction de la Danse de l’Opéra de Paris – Qui pour succéder à Aurélie Dupont ? », sachez, Danses avec la plume que j’ai été particulièrement touché de lire :
« Sur le papier, Thierry Malandain a tout simplement le profil idéal. Il est extérieur à la Maison et aura donc sur elle un regard neuf. Mais il est aussi un vrai et très grand connaisseur de l'Opéra de Paris, de son histoire et de son répertoire » (12)
Déjà successeur involontaire de l’académicien Pierre Gardel (1758-1840), c'eût été passionnant de bout en bout. Cependant, à coup sûr, la mère de l’illustre chorégraphe aurait redit de l’autre monde : « Ordinairement, ces messieurs viennent à Paris pour se perfectionner et non pourdonnerdesleçons » (13). Plus sérieusement, des personnalités de la Maison attachées au patrimoine et à la création s’imposent davantage ; surtout dans l’incertitude de ce que sera l’hiver, alors que pèse la menace d’une conflagration générale dans la plus grande sobriété cérébrale, que les défenseurs de la paix entre les peuples incarnent des fauteurs de « paie » aux yeux des argentiers et des marchands de mitraille. Ne concourant pas au « Caesar » de l'inversion des valeurs, mon seul désir est de parachever l’histoire de ma « tribu » suivant un idéal romantique à notre taille. Un idéal intangible, immuable, fondé sur les « canons » de la beauté humaine et du vivant.
n Thierry Malandain, septembre-octobre 2022
(1) Traduit par Victor Derély, 1887, T.2, p.102
(2) La Difficulté d’être, Éditions du Rocher, 1983, p.219
(3) Fonctions de la peinture, Gallimard, 1997, p.171
(4) Cité par Trommenschlager.fpsychanalyste.over-blog.com
(5) Propaganda, Éditions Zones, 2007, p.141
(6) Gazette nationale ou le Moniteur universel, 13 juillet 1846
(7) Propaganda, Éditions Zones, 2007, p.51
(8) L’Événement, 11 juin 1879
(9) Rapport au directeur de l’Opéra, 28 mai 1858, AJ13479
(10) Note sur les classes de danse, Marie Taglioni, 1858, AJ479
(11) L’Orchestre, 1er janvier 1861
(12) Amélie Bertrand, 10 juillet 2022
(13) L'Opéra au XVIIIème siècle, Émile Campardon, 1884, p. 326. Lettre au marquis d'Amezaga
ÉDITO
basque / Euskal Hitzorduak
Durant la période estivale, le CCN Malandain Ballet Biarritz s’est produit au festival de Porta Ferrada à San Feliu de Guixols (Espagne) avec l’Oiseau de feu de Thierry Malandain et le Sacre du printemps de Martin Harriague 15 juillet. Ce programme a ensuite été présenté le 22 juillet à l’Opéra de Vichy, puis le 26 juillet ce fut le festival Vaison Danses avec la Pastorale devant 2.500 spectateurs au théâtre antique de Vaison-la-Romaine. Pour clore la saison, dans le cadre du projet Ballet T et des Estivales, le Ballet a présenté Marie-Antoinette au Teatro Victoria Eugenia de Donostia / San Sebastián les 28, 29, 30 et 31 juillet, puis Silhouette, Mozart à 2 et le Sacre du printemps à la Gare du Midi de Biarritz les 3, 4 et 5 août.
De retour à Biarritz, lors du festival Le Temps d’Aimer la Danse, les danseurs ont proposé une soirée composée d’extraits de ballets au Plaza Berri le 17 septembre, puis Mozart à 2 et Beethoven 6 au complexe Saint-Louis de Saint-Palais le 18 septembre ainsi qu’une représentation scolaire de Beethoven 6 le 19 septembre. Ensuite, l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps ont été donnés le 2 octobre au Centre de Congrès les Atlantes des Sables d’Olonne, le 4 au Théâtre de Gascogne de Mont-deMarsan et le 6 au Graf Zeppelin Haus de Friedrichshafen en Allemagne.
Biarritz - Gare du Midi - Studio
Gamaritz
Bilaka Kolektiboa Les petites mythologies
Le 7 novembre à 10h30 et 14h (scolaire), 20h (tout public)
Le 8 novembre à 10h30 et 14h00 (scolaire), 20h (tout public) So.k Neok
Le 10 novembre à 14h00 (scolaire)
Errenteria – Lekuana Fabrika
Le 11 novembre à 20h00 Kukai Dantza Eta orain zer ?
Biarritz - Théâtre du Casino So.k Neok
Le 12 novembre à 20h30 (tout public)
Biarritz - déambulation
Ezpata Dantza par Maritzuli Konpainia
Le 13 novembre à partir de 10h30
Biarritz - Gare du Midi Kresala Amore & Dolore
Le 13 novembre à 17h (tout public)
Sous l’égide de la Saison Québec - Pays basque, programme d’échange culturel organisé par l’Institut basque Etxepare, le Malandain Ballet Biarritz a débuté la saison 2022-23 au festival Quartiers Danses de Montréal, qu’il a eu l’honneur d’ouvrir au Théâtre Maisonneuve de Montréal avec la Pastorale le 8 septembre. Puis ce fut Mozart à 2 et Nocturnes, le 10 septembre lors de deux représentations partagées avec la compagnie de Véronique Giasson, dans le Studio-Théâtre des Grands Ballets canadiens. Sur la Valse de Maurice Ravel, cette tournée a aussi été l’occasion de présenter en plein air, place Ville Marie, Souffle basque, création de Jon Maya, chorégraphe de la compagnie Kukai Dantza et nouvel artiste associé au CCN. Cette tournée était organisée avec le soutien de l’Institut basque Etxepare et la Communauté Pays basque dans le cadre du plan de soutien à la culture Berpiztu, et de la convention région Nouvelle-Aquitaine / Institut français.
Pour cinq représentations de ces deux ballets au Stadttheater de Fürth, la Compagnie retrouvera l’Allemagne du 1er au 6 novembre avant de rejoindre La Réunion avec la Pastorale les 9 et 10 novembre au Téat Champ Fleuri de Saint-Denis et Nocturnes, Mozart à 2 et Souffle basque, le 15 au Théâtre Lucet Langenier de Saint-Pierre. L’Oiseau de feu et le Sacre du printemps seront ensuite donnés en Italie au Teatro Nuovo Giovanni de Udine le 19, en Suisse au Théâtre du Crochetan de Monthey le 22, à l’Opéra de Saint-Étienne le 24 accompagné d’une représentation scolaire, puis à l’Espace Michel Simon de Noisy-le-Grand le 26 et au Théâtre des Sablons de Neuilly-surSeine le 29. Au même Théâtre des Sablons, le 1er décembre la compagnie dansera la Pastorale, puis l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison le 3 décembre et à la Maison de la Culture de Nevers le 6. Du 8 au 11, il s’agira de la Pastorale à l’Opéra Royal du Château de Versailles, puis le 16 à la Maison de la Culture de Bourges. Enfin, du 21 au 23, l’année s’achèvera à Biarritz
Biarritz
avec
Du 7 au 13 novembre, en partenariat avec l’Institut culturel basque et le soutien de la Communauté Pays basque, la 6ème édition du Rendezvous basque mettra une nouvelle fois à l'honneur la danse basque sous toutes ses formes en proposant des représentations scolaires et tout public à Biarritz et Errenteria.
Rendez‑vous
ACTUALITÉ
complet disponible sur malandainballet.com
Marie-Antoinette
Diffusion
#6
Programme
: Tarifs des représentations tout public : de 8€ à 14€ Informations / réservations : malandainballet.com
de Tourisme de Biarritz
59 22 44 66
des offices de tourisme de
et du
/ réservations
Office
Tél. 05
tourisme.biarritz.fr Guichets
Bayonne, Anglet
Pays basque Errenteria Informations
https://sarrerak.errenteria.eus
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L'Oiseau de feu © Olivier Houeix
Marie‑Antoinette à Biarritz
Les 21, 22 et 23 décembre à 20h30 à la Gare du Midi.
Ballet créé le 29 mars 2019 à l’Opéra Royal du château de Versailles avec l'Orchestre Symphonique d'Euskadi sous la direction de Mélanie Levy-Thiébaut.
coproduction Opéra Royal / Château de Versailles Spectacles, Orchestre Symphonique d'Euskadi de Donostia / San Sebastián, Donostia KulturaVictoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián - Ballet T, Music Hall Antwerpen, Opéra de Saint-Étienne, Opéra de Reims, CCN Malandain Ballet Biarritz.
partenaires Escenario Clece / Teatros del Canal - Madrid (Espagne), Teatro de la Maestranza y salas del Arenal de Séville (Espagne), Théâtre de Cusset - Scène conventionnée Arts du Cirque et Danse / Opéra de Vichy
musique Joseph Haydn & Christoph Willibald Gluck
chorégraphie Thierry Malandain décor et costumes Jorge Gallardo conception lumière Francis Menou réalisation costumes Véronique Murat assistée de Charlotte Margnoux création sonore Nicolas Dupéroir réalisation décor Frédéric Vadé réalisation accessoires Annie Onchalo réalisation des coiffes Charlotte Margnoux
artistes chorégraphiques Noé Ballot, Julie Bruneau, Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Alessia Peschiulli, Julen Rodríguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismaël Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Marta Otano Alonso, Léo Wanner.
maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro et Frederik Deberdt.
Billetterie malandainballet.com
Office de Tourisme de Biarritz Tél. 05 59 22 44 66 tourisme.biarritz.fr Guichets des offices de tourisme de Bayonne, Anglet et du Pays basque Tarifs de 12€ à 36€
Autour des représentations
Au Studio Gamaritz de la Gare du Midi, Dominique Cordemans, responsable de la sensibilisation et de la transmission du répertoire aux pré-professionnels animera des masterclass ouvertes aux élèves des écoles de danse, et des ateliers : Voulez-vous danser avec nous ? pour adultes et étudiants même non-initiés.
Ateliers Voulez-vous danser avec nous ? les 13 et 14 décembre de 19h à 21h. Masterclass et ateliers de répertoire, sur deux jours, les 21 et 22 décembre : Niveau moyen/avancé (12-14 ans) de 14h à 16h. Niveau supérieur (15 ans et +) de 16h30 à 19h.
Gratuit sur présentation d’une place de spectacle.
Inscriptions : Tél. 05 59 24 67 19
ACTUALITÉ
Marie-Antoinette © Olivier Houeix
ACTIVITÉ
Rendez‑vous sur le quai de la Gare # 9
Du 15 au 19 juin, la 9ème édition de Rendez-vous sur le quai de la Gare, évènement de sensibilisation des publics à la danse soutenu par la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique était placé sous le signe de la solidarité, de l’éco-citoyenneté et de l’éducation artistique et culturelle. Au programme : une soirée en soutien au peuple ukrainien, des représentations scolaires et tout public par le Malandain Ballet Biarritz, des expositions, des conférences, des ateliers divers et variés.
Spectacles
Les 18 et 19 juin, les deux spectacles tout public de Sirènes de Martin Harriague et de Sinfonia de Thierry Malandain ont réuni 1719 personnes tandis que 1046 enfants et 115 enseignants et accompagnants assistaient les 16 et 17 juin aux représentations scolaires de Sirènes À l’issue des spectacles, les enfants ont participé à l’expérience artistique inclusive « Danse l’Europe ». Ce projet, porté par la Maison de la Danse de Lyon avec le soutien du ministère de la Culture dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, a pris la forme
basque et menés en 2021-22 par Ione Miren Aguirre avec trois classes de l’École de Bidache, de l’École publique de Lahonce et de l’École Idekia d’Ustaritz, et trois classes du RPI Sames-Hastingues, en parallèle des spectacles de Sirènes des 16 et 17 juin, les élèves ont euxmêmes interprété un extrait du ballet appris durant l’année et participé à quatre modules de découverte : une visite de la Gare du Midi, un atelier de sensibilisation à la protection des océans avec la Water Family et la Fundación Cristina Enea et la découverte des costumes de scène du Malandain Ballet Biarritz avec Karine Prins, régisseuse costumes du CCN. Enfin, sous la direction d’Alexia Lamouret, fondatrice d’Inspire Nature, les enfants devaient participer à une collecte de déchets sur la plage du Port de Vieux.
En raison de la canicule, ce moment écocitoyen a été remplacé par un atelier à l’ombre du Jardin Public.
Atelier parents‑enfants
Le 18 juin, un atelier parents-enfants animé par Ione Miren Aguirre suivant la méthode Contakids s’est déroulé au Studio Gamaritz avec 12 parents et 12 enfants de 2 à 5 ans.
Portes ouvertes
Soirée de soutien à l’Ukraine
Le 15 juin en soutien aux victimes du conflit en Ukraine, le CCN a organisé à la Gare du Midi une soirée qui a permis de reverser plus de 15 000 € à la Fondation de France. Avec le soutien de l’Académie des beaux-arts, de l’Hôtel Littéraire Jules Verne de Biarritz, de la SNCF, de la Ville de Biarritz et de la Fondation de France, cette soirée réunissait sur scène les danseurs du Kyiv City Ballet, Svitlana Kalashnikova, étoile de l’Opéra de Kharkiv, Lorenzo Stanizzo, pianiste et les danseurs du Malandain Ballet Biarritz.
d’une chorégraphie imaginée par Angelin Preljocaj, sur une musique de Jeanne Added.
Guidés par Ione Miren Aguirre et Arnaud Mahouy, artistes chorégraphiques intervenants, et les danseurs du CCN, les élèves ont pu à leur tour entrer dans la danse. Établissements accueillis : École de Bidache, École Jean Jaurès (Anglet), École Jules Ferry (Biarritz), École des Thermes Salins (Biarritz), École Idekia (Ustaritz), École de Lahonce, RPI Sames-Hastingues, École élémentaire Jaccachoury (Bidart), Collège Saint-Joseph (Capbreton), Collège d’Ossau (Arudy) et Lycée Cantau (Anglet).
Parcours EAC autour de Sirènes
Dans le cadre de parcours d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) autour de Sirènes. Parcours soutenus par la Communauté d'agglomération du Pays
Le 18 juin, le public a pu visiter la Gare du Midi, assister à une répétition des danseurs, visionner le documentaire Sirènes réalisé par Morgancrea et le court-métrage Ressources conçu par Martin Harriague et Maxime Dos, avant d’assister à une conférence « Surf et Danse » coanimée par Gibus de Soultrait, journaliste et écrivain, Mathieu Accoh, philosophe et surfer, et Aureline Guillot, ex-danseuse du Malandain Ballet Biarritz.
Ateliers de sculpture sur sable
Le 19 juin, en lien avec le ballet Sirènes et dans le cadre du programme Planeta Dantzan, deux ateliers de sculpture sur sable ont été proposés sur la Grande plage avec l’artiste Andoni Bastarrika.
Danse participative etsolidaire
Le 19 juin sur le parvis de la Gare du Midi, Ione Miren Aguirre et Arnaud Mahouy, ont proposé au public un moment de danse participative comprenant un extrait de Sirènes, « Danse l’Europe » et « la Course des Héros », défi danse piloté par Maryse Raffestin au profit de l’ONG de solidarité internationale « Les Amis des enfants du Monde ».
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Aide Sociale à l’Enfance
En partenariat avec le Conseil Départemental des PyrénéesAtlantiques, depuis plusieurs années, le CCN accueille des enfants et adolescents de l’Aide Sociale afin de leur faire découvrir les coulisses de la Compagnie. Le 19 juin une dizaine ont été accueilli dans le cadre du Rendezvous sur le quai de la Gare.
Le groupe a d’abord assisté à la classe des danseurs, puis après un piquenique au Jardin Public, il a participé à la Grande plage à un atelier de sculpture sur sable. Ensuite, sur le parvis de la Gare du Midi, il a pu danser un extrait de Sirènes et participer à « Danse l’Europe » et à « la Course des Héros ».
Université du Mouvement
Le 19 juin dans le Grand Studio de la Gare du Midi, l’Université du Mouvement, compagnie de danse d’adultes amateurs dirigée par Aureline Guillot a présenté sur la musique de Maurice Ravel : Deux Boléros, etc. en collaboration avec le chorégraphe Gilles Schamber.
Planeta Dantzan # 4
Rassemblant durant la saison, 980 élèves de 21 établissements scolaires de Pampelune, Donostia / San Sebastián et des Pyrénées-Atlantiques, la 4ème édition du programme environnemental Planeta Dantzan piloté par Ione Miren Aguirre s’est close les 17 et 18 juin durant la 9ème édition de Rendez-vous sur le quai de la Gare. Outre les représentations scolaires de Sirènes, ballet ayant permis d’initier le projet, les travaux réalisés par les élèves ont été présentés à cette occasion.
Ce programme financé par l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre, par la Fondation d’Ici-Tokiko et les Friends of Fondation de France est coordonné par la Fundación Cristina Enea (Gipuzkoa), et l’équipe d’éducation à l’environnement de la Ville de Pampelune (Navarre) sera reconduit en 2022-23 en s’appuyant cette fois sur Noé de Thierry Malandain.
Les ateliers seront proposés dans les établissements scolaires entre janvier et avril 2023.
Plus d’infos sur planetadantzan.eu
Concours de jeunes chorégraphes de
Ballet # 3
Organisée par le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et le CCN Malandain Ballet Biarritz dans le cadre du Pôle de Coopération Chorégraphique du Grand Sud-Ouest, avec le CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin, la finale de la 3ème édition du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet s’est déroulée le 17 juillet dernier à la Gare du Midi avec le soutien du ministère de la Culture, du mécénat de la Caisse des Dépôts et Consignations, du Fonds de dotation Malandain pour la Danse et de la Fondation de la Danse.
Sur scène, 24 danseurs et 6 finalistes issus de pays différents, sélectionnés parmi 66 candidats : Kaloyan Boyadjiev, (Bulgarie), 44 ans, venu du Norwegian National Opera and Ballet ; Jorge García Pérez, (Espagne), 34 ans, soliste au Ballett Theater Basel ; Sophie Laplane, (France), 38 ans, artiste en résidence au Scottish Ballet ; Andrew McNicol, (Grande-Bretagne), 29 ans, The McNicol Ballet Collective ; Houston Thomas, (USA), 26 ans, soliste au Dresden Semperoper Ballett ; Lucas Valente, (Brésil), 31 ans, danseur au Zurich Ballett. Le jury était composé de : Xenia Wiest, lauréate en 2016, aujourd’hui directrice du Ballett X Schwerin (Allemagne) ; Ingrid Lorentzen, directrice du Norwegian National Ballet ; Eric Quilleré, directeur du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux ; Bruno Bouché, directeur du CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin et Thierry Malandain, directeur du CCN-Malandain Ballet Biarritz.
Résultats : La saison prochaine, Houston Thomas créera une œuvre au Ballet de l’Opéra National de Bordeaux ; Lucas Valente, créera une œuvre au CCN-Ballet de l’Opéra national du Rhin. Kaloyan Boyadjiev, s’est vu attribué le prix de Biarritz, soit une bourse de 15.000 € dotée par la Caisse des Dépôts et Consignations. Invité à voter, le public a décerné son prix de 3.000 € alloué par la Fondation de la Danse à Sophie Laplane. Doté d’une somme égale par le Fonds de dotation Malandain pour la Danse, le prix des professionnels, décerné par les critiques de danse et directeurs de théâtre a également été attribué à Sophie Laplane.
Cette 3ème édition a été filmée par la société de production Oxymore (Jean-Romain Sales) et sera diffusée sur Mezzo, France 3 Nouvelle-Aquitaine et BFM TV.
Remerciements aux danseurs et candidats, à Stéphanie Porsain et Florent Trémolosa d’Origine Ateliers, créateurs du trophée remis aux lauréats, à la Ville de Biarritz, à Martin Harriague, lauréat en 2016 et brillant maître de cérémonie, aux équipes administratives et techniques du CCN, aux artistes du Malandain Ballet Biarritz : Julie Bruneau, Patricia Velázquez, Allegra Vianello, Raphaël Canet, Loan Frantz et Hugo Layer, qui durant la semaine précédant l’épreuve ont appris et travaillé la chorégraphie présentée par Sophie Laplane, alors que la Compagnie était en récupération. La prochaine édition du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet se déroulera en 2023-24.
Informations concours-de-jeunes-choregraphes.com
ACTIVITÉ
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© Olivier Houeix
ACTIVITÉ Festival le Temps d’Aimer la
Académie Internationale de Danse de Biarritz #33
Du 31 juillet au 6 août, en parallèle des Estivales, s’est déroulé la 33ème édition de l’Académie Internationale de Danse de Biarritz soutenue par la Ville de Biarritz. Plus de 300 stagiaires ont pu suivre les cours de Carole Arbo (étoile de l’Opéra national de Paris), Jean-Guillaume Bart (étoile de l’Opéra national de Paris), Bertrand Belem (Opéra national de Paris), Isabel Hernandez (English national Ballet), Sarah Lamb (étoile du Royal Ballet de Londres), Béatrice Legendre-Choukroun (professeur des Conservatoires de Paris), Fábio Lopez (directeur-chorégraphe Cie Illicite Bayonne), Carole Philipp (CCN de Tours – Jean-Christophe Maillot, Malandain Ballet Biarritz, professeur diplômée CA), et Éric Quilleré (directeur de la danse du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux).
Dominique Cordemans a par ailleurs proposé des ateliers de répertoire Thierry Malandain, tandis qu’Eva Lopez Crevillen (directrice du Conservatoire Maria de Avila Madrid) a conduit des ateliers de répertoire Nacho Duato. Une présentation du travail des stagiaires a eu lieu le 2 août à la Gare du Midi.
Informations biarritz-academie-danse.com
Danse # 32
Du 8 au 18 septembre avec 82 rendezvous, 31 compagnies, 450 artistes, le festival le Temps d’Aimer la Danse s’est déployé pour sa 32ème édition sur 8 villes de la Communauté Pays basque (Biarritz, Bayonne, Anglet, Saint-Pée-sur-Nivelle, Mauléon, Bardos, Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Palais).
Un succès grandissant avec 28.000 spectateurs dont 18.000 en salle et 10.000 sur les évènements extérieurs. Avec Biarritz comme épicentre, le festival s’affirme comme un lieu de référence pour les amoureux de la danse et le secteur chorégraphique (100 professionnels accueillis, 4 rencontres professionnelles).
Au-delà de la diversité des propositions qui permirent de croiser les publics, le festival a connu des rendez-vous marquants à l’instar de la rencontre publique avec les académiciens de la section Chorégraphie de l’Académie des beaux-arts et des créations de Martin Harriague, de la Cie Auguste-Bienvenue ou encore d’Eva Yerbabuena en partenariat avec la Biennale de flamenco de Séville.
La sensibilisation aux enjeux environnementaux, mais aussi à l’art chorégraphique a irrigué ces 10 jours avec la journée le Temps d’Aimer l’Océan, les rencontres professionnelles sur la transition écoresponsable, le spectacle jeune public Joséphine 2B de la Cie Difé Kako présenté dans les écoles biarrotes, et les nombreux parcours culturels et EAC. Tout comme les échanges fructueux entre les acteurs du monde caribéens et basques ont ouvert de nouvelles perspectives pour les artistes en territoire au cours des 4 jours du Focus Caraïbes.
Une 32ème édition foisonnante qui s’est déclinée à l’envi sur le territoire de la Communauté Pays basque en tenant sa promesse d’embrasser l’horizon.
© Olivier Houeix
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Ballet Preljocaj & Ballet de l’Opéra National de Bordeaux
Martin Harrigue
Difé Kako - Chantal Loïal
Cie Traversée - Mizel Théret & Bertha Bermudez
François Chaignaud & Geoffroy Jourdain
Kukai Dantza - Jon Maya
Cie de danse l’Éventail - Marie-Geneviève Massé
Théâtre du Corps Pietragalla - Derouault
Cie Auguste Bienvenue
Zimarèl - Léo Lérus
Samir Calixto
Ballett X Schwerin - Xenia Wiest
Cie Parc - Pierre Pontvianne
Bilaka Kolektiboa
CCN Ballet de Lorraine - Peter Jacobson
David Coria & David Lagos KillaSon
Cie Wejna - Sylvie Pabio
Eva Yerbabuena & Juan Kruz Diaz de Garaia Esnaola
CCN Malandain Ballet Biarritz
NGC25 – Hervé Maigret
Ballet du Grand Théâtre de Genève - Sidi Larbi Cherkaoui
Sun-A-Lee
Sensibilisation durant le festival
Du 14 au 16 septembre, en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Pays basque, 115 élèves de l’École d'Amotz et de l’École du Bourg de SaintPée-sur-Nivelle, de l’École Haute Ville de Mauléon, ont été reçus au Plaza Berri pour un parcours EAC. Au programme, deux ateliers de sensibilisation à la protection de l’environnement avec la Water Family et la Fundación Cristina Enea, un atelier chorégraphique avec Ione Miren Aguirre, une répétition par une des compagnies invitées au festival, enfin une visite des coulisses de la Gare du Midi avec Dominique Cordemans.
Parcours EAC avec Difé Kako
Du 12 au 16 septembre, la compagnie guadeloupéenne Difé Kako de Chantal Loïal a présenté Joséphine2b dans plusieurs établissements scolaires de Biarritz et de la Communauté Pays basque. Ces représentations ont fait l’objet d’un parcours d’Éducation Artistique et Culturelle durant lequel les membres de la compagnie sont intervenus en classe auprès des enseignants et des élèves : le 12 septembre à Biarritz à l’École Paul Bert (classe de CM2), à l’École Jules Ferry (classe de CE1), le 13 au Lycée André Malraux (classe de Première), le 16 à Sames (maternelle grande-section et CP) et à Hastingues (classe de CE1-CM1). Difé Kako a également représenté Joséphine2b au Plaza Berri le 14 septembre.
Atelier parents enfants
Le 18 septembre, un atelier parentsenfants animé par Ione Miren Aguirre s’est déroulé au Studio Gamaritz.
Gigabarre
Les 11 et 18 septembre, sur le promenoir de la Grande Plage, s’est tenue la traditionnelle Gigabarre animée successivement par Marie-Claude Pietragalla et Richard Coudray, maître de ballet au CCN
ACTIVITÉ
Compagnies reçues en salle
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© Olivier Houeix
Laure Fonta
« Remarquez bien cette jeune fille ; elle a de grandes qualités ; elle aura un grand talent. C’est une étoile qui se lève » (1) En 1863, Pier-Angelo Fiorentino ne se trompa guère sur les dispositions de Laure Fonta, qui jusqu’à son retrait en 1881 porta « les vraies traditions de la danse académique » (2) à l’Opéra de Paris. Cependant, comme sa camarade, Léontine Beaugrand, qui un an plus tôt renonça à son art, alors qu’elle était aussi regardée comme « la représentante la plus parfaite des traditions de la danse française » (3) , ayant parmi ses qualités le défaut d’être née en France et de sortir de l’École, Laure n’eut pas sa place au firmament des étoiles, où à l’exception de débutantes préparées pour les « grands premier rôles », citons Emma Livry et Amélie Colombier, depuis 1830 les étrangères engagées en représentation jouissaient d’un plus grand crédit. Néanmoins, à l’instar de Beaugrand, Laure passa par tous les échelons jusqu’à celui de 1er sujet ou 1ère danseuse, et grâce à des documents issus de recherches réalisées à l’Opéra par Christina von Koehler et Vincent Burret nous savons que ses appointements annuels fixés à 500 frs en 1857 atteindront 12.000 frs en 1880, soit les émoluments du 1er danseur et maître de ballet, Louis Mérante depuis 1869. Beaugrand dont le talent fut plus éclatant émargeait en 1880 à 30.000 frs, tandis que l’Espagnol Miguel Vázquez avec lequel Laure fit couple dès 1878 touchait 7.000 frs. Quant au titre poétique et brillant d’étoile, il est difficile d’y voir clair. Promettant sur l’affiche ce qu’il y a de plus beau en gros caractères, il serait absent des registres administratifs de l’institution. Or, il était imprimé dans tous les cœurs et tous les esprits. Ainsi, lira-t-on : « C’est au mois de janvier que Mlle Fonta, la dernière étoile française de la danse à l’Opéra prendra sa retraite » (4) et l’on pourrait multiplier les exemples. Mais pour nous mettre dans l’ambiance, lisons plutôt cette lettre anonyme non datée destinée à Émile Perrin, directeur de 1862 à 1871 :
« Monsieur Perrin, Permettez-moi de venir vous dévoiler une de mes compagnes que je hais pour diverses raisons : Laure Fonta. Me croyant dans mon droit je viens la démasquer à vos yeux, comme étant une hypocrite, et une dissimulatrice. Car étant dans ses grandes colères, elle prétend que vous lui brisez son avenir, et que si vous étiez un directeur habile, il y a longtemps qu’elle serait première Étoile. Oui elle dit que pour vous donner des airs de connaisseur vous engagez des étrangères qui ne sont que des escotes [canailles] et que vous êtes un âne et un ignorant. Pardonnez-moi, Monsieur et cher directeur de vous faire connaître ses sottises et ses prétentions ridicules. Je sais que c’est fort mal, mais je me venge. Vous avez aussi cette pointue
de Beaugrand qui vous déteste de toute son âme, et si elle ne se livre pas aux mêmes exercices que Fonta, c’est qu’elle n’a pas comme elle des protecteurs aussi féroces. Il est permis à Laure d’avoir le verbe haut ; car Monsieur [Lucien] Petipa est là pour la soutenir et lui faire la main, lui qui nous sacrifie toutes à elle. Enfin ce qui me console c’est que cela ne lui donnera pas du talent, et ne lui sortira pas son air de volaillère » (5)
À propos de cet « air de volaillère », précisons que le père de Laure était rôtisseur, et qu’en 1866, Étienne Rambaud, alias Yveling, écrira de même : « Plume à merveille les volailles. Élève de son père ». Puis toujours railleur : « Saistu pourquoi, disait une de ses bonnes amies, Laure met des gants noirs lorsqu'il pleut ? — Non répondit l'interpellée. — Eh bien, c'est qu'elle a les bras si longs qu'elle se crotte les mains en marchant ! » (6) L’amie s’appelait Maria Baratte, et cette plaisanterie trouvée spirituelle fut reprise à l’envi, mais tel le comte Albert de Maugny, dit Zed, d’autres traceront de Laure des portraits plus amènes :
« Une belle personne, grande, mince, distinguée, au regard doux et modeste, aux cheveux châtains ; d'une tournure un peu bourgeoise, d'un aspect un peu froid. À la ville, simple et réservée, ayant les manières et l'existence d'une femme du monde très pot-au-feu ; vivant maritalement et sagement avec un sympathique gentilhomme qu'elle a entouré de ses soins et de son affection jusqu'à sa mort. Très aimable, très bienveillante, très causante, mettant une certaine affectation à n'avoir que des conversations sérieuses et à se donner un petit vernis inoffensif
« Remarquez bien cette jeune fille ; elle a de grandes qualités ; elle aura un grand talent. C’est une étoile qui se lève »
Léontine Beaugrand, Sémiramis, cliché Eugène Disdéri
Hortense Teyssère, photo Bertin, 1904 h k
de bas-bleu artistique. Au théâtre, fanatique de son art, qu'elle prenait très au sérieux ; danseuse correcte, impeccable, mais peu entraînante, scrupuleuse observatrice des principes et de la tradition, sachant son rôle sur le bout du doigt, le jouant avec talent et précision, excellant dans le genre noble et les variations classiques. Au total, plus de force que de grâce et plus de science que d'inspiration […] » (7)
Née Laure Poinet, afin de paraître italienne ou éviter d’entendre : « Elle danse à la force du Poinet » (8), « la charmante danseuse » s’appela d’abord Laura Fonti. Peut-être par admiration pour Carolina Rosati, créatrice du ballet la Fonti (1855). Mais Jovita (1855) rimant avec un autre succès de la Bolognaise, dès 1863 Laure se présenta et fit carrière sous celui de Fonta. Pour le dire dès à présent, après sa retraite, la direction mal inspirée d’Auguste Vaucorbeil se priva de ses services. Comme Beaugrand, Laure rêvait d’enseigner à l’École ou de devenir maîtresse de ballet, et ne cessant de lire, de travailler, de chercher dans la poussière des Archives, elle occupait une place à part : « c'était surtout un savant, quelque chose comme un archéologue » (9). À ce titre, il ne nous a pas été donné d'exhumer la preuve formelle de sa venue à Biarritz. Pour cela, il aurait suffi que La Gazette de Biarritz la prénomme dans sa liste des étrangers en villégiature. Qu’importe, afin de tirer de l’oubli « cette gourmande des traditions de la danse » (10), on supposera que « Mlle Fonta de Paris » descendue le 27 avril 1905 à l’Hôtel Pavillon Louis XIV était la nôtre. Avenue Reine Nathalie près de la Grande plage, l’établissement communiquait avec les Thermes salins par une passerelle couverte. Peut-être, vint elle prendre les eaux salées des sources de Briscous préconisées contre le surmenage intellectuel, physique et mondain ?
Fille de Bernard Poinet, né à Beaune (Côte-d’Or), rôtisseur rue du Four et de Louise Bernier, Laure Françoise Poinet vit le jour à Paris le 30 janvier 1845. Sa mère était originaire de Conches (Seineet-Marne), qui ne consistait qu’en vergers et bocages. Mais, c’est à Lagny, à une heure de Paris par le Chemin de fer de l’Est, sur la route de Tournan reliant les deux communes seine-et-marnaises que Laure posséda une propriété aux 1 et 2. À Lagny encore, 53 rue Saint-Laurent, son frère, acteur et arboriculteur amateur avait lui-même « planté, aligné, greffé quinze cents poiriers et pommiers ». Président du Cercle horticole et viticole de la Brie (1906), Commandeur du Mérite agricole (1912), Chevalier de la Légion d’honneur (1926), Germain Alexandre Poinet, dit Germain naquit à Paris, le 17 juin 1847. « Rescapé du feu des fourneaux, rescapé du feu de la rampe comme il aimait à se définir, ce petit tournebroche ne semblait pas destiné au théâtre. Mais une vocation
le poussait. Dès qu'il avait économisé quelques sous, il courait à Bobino, aux Funambules, aux Folies-Nouvelles » nota Le Journal en novembre 1938. L’interprète de Georges Feydeau venait de mourir. Mais poursuivons : « Figurant au Théâtre Impérial, puis à l'Ambigu, dans l'ombre du grand Frédérick Lemaître, en 1862 le petit Poinet débute comme acteur aux théâtres Montmartre et des Batignolles ; peu de temps après il passe au théâtre de la Tour d'Auvergne où il donne la réplique à la grande tragédienne
Agar [Marie Léonide Charvin] et à un débutant qui s'appelait Mounet-Sully […] Mais viennent les mauvais jours : les engagements se font rares : Germain par intermittences, redevient rôtisseur, puis chapelier, découpeur d'abat-jour, fabricant de papier à cigarettes, colleur d'affiches : — Je gagnais tellement à ces métiers, racontait-il, que je ne pouvais faire qu'un repas par jour. […] Enfin vint la fortune : un engagement au théâtre du Château d'Eau (1869-1872). Mais alors éclata la guerre de 1870. Incorporé au 8ème bataillon
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LA DANSE À
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Laure Fonta, cliché Charles Reutlingerh
de mobiles, Germain fit bravement son devoir. La paix revenue, il entre aux Variétés (1872-1890). Son étoile grandit. Le succès, puis l'amour lui sourient. C'est aux Variétés que Germain s'éprit d'une jeune artiste qu'il devait épouser. Elle était la fille de Charles Monselet et jouait sous le nom de [Clotilde] Monsay ». Suivant les recherches généalogiques menées au long de cet article par Anne Londaïtz, d’abord marié à Marie Angeline Delarue décédée le 14 février 1910, c’est le 3 mai suivant à 62 ans, qu’il épousa à Lagny où elle demeurait, Jeanne Clotilde Hortense Monselet, 44 ans, fille de l’homme de
lettres et roi des gastronomes Charles Monselet. « Germain resta dix-huit ans aux Variétés et y connut les plus éclatants succès » tout en profitant de congés pour jouer au Châtelet, à la Gaîté, aux Bouffes, aux Menus Plaisirs, ou se produire en Amérique, au Mexique, à la Havane et en Russie. Passé aux Nouveautés en 1891, à l’exemple de la Dame de chez Maxim (1899) de Feydeau, il y triompha durant vingt ans avant d’entrer au Palais-Royal, où il connut, avec le Petit café (1911) et les Deux canards (1913) de Tristan Bernard, « les derniers succès — les plus éclatants peut-être — de sa prodigieuse carrière » (11)
Avant Laure, le 17 mars 1842, naquit Louise Léonie Poinet décédée précocement à Conches le 24 mai 1846. Puis, le 6 octobre 1857, les Poinet résidaient à Paris, 50 rue des Vieux-Augustins, vint Augustine Virginie, dont on ignore presque tout. Sans doute suivit-elle son aînée dans la danse, puisqu’elle l’assista dans ses recherches ? En tous cas, après 1884, sous le nom d’Augustine ou d’Augusta Fonta, elle fit une carrière de soprano dramatique sur différentes scènes d'Italie et aux ÉtatsUnis. Élève au Conservatoire, puis à l’École de chant de Mathilde Marchesi ouverte en 1880, elle y étudia la mimique avec Lucien Petipa. « Obstinément élégant dans sa peine à marcher » (12), le maître de ballet, dont Laure fut « l’élève de prédilection » avait dû quitter l’Opéra Le Peletier en septembre 1868 après une blessure faite à la jambe dans un accident de chasse.
En croisant les sources : « Entrée tout enfant à l'Opéra, dans le bataillon des "francs", comme on l'appelait alors, parce qu'il se composait de jeunes filles à qui l'on donnait un franc par soirée » (13), selon Le Gaulois : « Fonta a débuté en 1856 où elle a paru dans le Corsaire » (14). Le ballet d’Adolphe Adam, réglé par Joseph Mazilier, 1er maître de ballet de 1853 à 1859 ayant été créé le 23 janvier 1856 pour Rosati et Domenico Segarelli, à 11 ans, Laure figura donc parmi les 15 élèves distribués dans les mousses. Ce n’est toutefois que le 31 février 1857 qu’elle signa un engagement avec l'administration. Reçue au Conservatoire de la danse de la rue Richer en 1854 pour soi-disant « se guérir d’une maladie nerveuse » (15), elle avait fait ses premiers pas dans la classe de M. Scio : « Un de nos meilleurs chorégraphes » (16) dixit Le Mercure des théâtres en 1844.
De son vrai nom, Bertrand Joseph Octave Foulaines, né en 1807 à Bordeaux, il était le fils de François Nicolas Dufriche Foulaines, dit chevalier de Foulaines, jurisconsulte, littérateur politique et d’Antoinette Élisabeth de Vassaux Vareilles, traductrice en anglais, éditrice-libraire, et venait d’une famille de l’Orne dont plusieurs membres eurent une place dans l'histoire. L’un deux Charles-Éléonor Dufriche Valazé,
siégea parmi les Girondins à la Convention et partagea leur sort sous la Terreur. Autrement, Scio avait pour frère, Antoni Dufriche Desgenettes, marin, phonéticien amateur, fondateur de la Société de Linguistique de Paris en 1864. Leur oncle, René Nicolas Dufriche Desgenettes, dont le nom est inscrit sur un des piliers de l'Arcde-Triomphe fit la campagne d'Égypte avec Napoléon, en qualité de médecin en chef, et plus tard celles d'Espagne et de Russie. Créé baron Desgenettes par l’Empereur, maire du Xème arrondissement de Paris, il mourut en 1837. Âgé de 30 ans, Scio dont le nom apparaît à l’Opéra dès 1826 était alors 2ème quadrille et ne monta pas dans la hiérarchie. Formé en Gironde, tout porte à croire qu’il prit pour nom d’artiste celui de son maître, Jacques Louis Stanislas Scio, né à Toulouse, mort à Bordeaux en 1823, où son père Antonio Scio, né à Madrid, mort à Bordeaux en 1813 s’était établi comme professeur. À noter qu’Antonio était le fils du maître de ballet, Carlos Christiani de Scío, né à Stockholm, mort à Madrid en 1764. Son frère aîné, Sebastián Christiani de Scío sera « Maître à danser de la Reine et des enfants d’Espagne » à la suite de Michel Gaudrau, danseur de l'Académie royale de musique mort à Bayonne en 1751. Élève de Raoul-Auger Feuillet et de Louis Pécour, Gaudrau publia en 1711 un grand nombre d’entrées de ballets de ce dernier, et par-delà le temps, il est amusant de songer que Laure les étudia. De son côté, Scio régla divers ballets pour les jeunes artistes du Théâtre Comte, pour les petites danseuses viennoises de Joséphine Weiss et aux Délassements-Comiques. « Malheureusement,lafaiblessedesavueest unobstacleàl’utilitédesonprofessorat […] et il est loin d’avoir les qualités suffisantes pour répondre à la grande responsabilité de sa mission » (17) jugea Marie Taglioni en
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Marie Taglioni, cliché Léon Crémière
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1858 dans sa note d’inspection remise à Achille Fould, ministre d'État. Lequel aux dires de la presse, la nomma en août 1859 : « Inspectrice de toutes les classes de danse à l'Opéra, avec mission de perfectionner les élèves qui paraîtraient appelés à devenir des sujets de premier ordre » (18) Retirée depuis 1847 dans sa villa la Florida à Blevio sur le lac de Côme, « la première danseuse du monde » qui jouissait toujours de solides appuis à Paris débutera apparemment ses fonctions d’enseignante en août 1860. Peu après, dans une salle lui appartenant, 20 rue Buffault, où JeanAuguste Minard, danseur de l’Opéra « vigoureux et correct » donnait des leçons depuis 1857, et où Carlo Blasis établit en avril 1860 « une école de danse théâtrale et de mimique », Scio enseigna gratuitement pour le compte de l'Agence centrale du journal l'Europe artiste, aux artistes de passage ou au chômage, ainsi qu’aux « jeunes personnes désireuses d'apprendre un état, sans être obligées de s'imputer des sacrifices ou de les faire supporter à leurs parents » (19). En 1863, contraint de suspendre ses leçons suite à l'expropriation des immeubles de la rue Buffault, il rouvrit son cours, en janvier 1864, 16 rue SaintLazare dans de nouvelles salles construites par « l’éminent professeur » Édouard Carey. Nous retrouverons Carey, passé par l’Opéra en 1841. En attendant, célibataire et paraissant en scène jusqu’en 1861, Scio expira à Paris en 1866 à 59 ans sous le nom de Joseph Foulaines. Rudement critiqué par Taglioni, il s’était pourtant appliqué à répondre en mai 1858 à une enquête de la direction visant à améliorer l’enseignement à l’École. À défaut de le citer entièrement, notons que grâce à sa sincérité les élèves recevront dès le 15 mars 1860, date d’un nouveau règlement, quatre paires de « souliers de danse » par an :
« La grande majorité des élèves admis ont des parents pauvres. J’ai remarqué ces petites misères de la vie qui s’opposent à ce qu’un enfant suive
une carrière pour laquelle il aurait de l’aptitude. Combien de mères me présentent leurs filles avec leur bulletin d’admission et ensuite ne reviennent plus parce que leurs moyens ne leur permettent pas de faire la dépense de souliers de danse, d’un jupon ou d’un corsage ? Combien d’élèves attendent avec impatience le moment où leur instruction leur permette de contracter un engagement avec un théâtre de boulevard, uniquement parce que l’entretien de leurs souliers est trop onéreux pour elles et qu’elles n’ont pu jusqu’alors y suffire qu’en s’imposant mille privations ! […] En Russie, lorsqu’une élève est admise au conservatoire de danse, elle fait partie de la Maison. Elle est nourrie, logée, habillée aux frais de l’administration. Ainsi le théâtre de St-Pétersbourg est-il renommé pour ses excellents corps de ballet. Sans imiter la Russie, ne pourrions-nous pas fournir quatre paires de chaussons et deux jeux de vêtements d’entraînement ? […] Pour conserver son prestige de dignité, je voudrais que le professeur, tout en continuant son service dans les corps de ballet, ne fut plus employé comme figurant, et surtout affublé de ces costumes bizarres qui excitent la risée et le rendent ridicule aux yeux de ses élèves » (20)
À la suite de Scio, entré à l’Opéra en 1849 après une carrière en Italie, Henri Mathieu né à Lyon en 1807 fut dès septembre 1856 le professeur de Laure dans la classe du 2ème et 3ème degré. « Imbu des principes d’art qui donnent lieu à une bonne méthode d’enseignement », et professant « avec autant de soin que de savoir » (21) dixit Taglioni, il s’abstint néanmoins de répondre par le détail à l’enquête : « de peur de prolixité », mais classa Laure parmi les élèves « les plus talentueuses ». Inspecteur de la danse, c’est-à-dire chargé de la discipline, en conflit avec Lucien Petipa, alors danseur et maître de ballet, il démissionna en janvier 1862 : « Mes fonctions se borneront désormais à la modeste place de professeur de danse ainsi vous serez moins en rapport avec moi pour notre mutuelle satisfaction » (22). Un an après son décès en janvier 1882 ses élèves, et la presse de citer : Fonta, Beaugrand, Eugénie Fiocre, Marie Sanlaville et d’autres élèveront un monument à sa mémoire au cimetière de Passy. Pour l’heure, entre le 12 et 14 avril 1860, puisque le site de l’Opéra donne le 12, l’usage le 13 et Le Figaro le 14, lors d’une « grande revue de la danse » censée être le 1er concours de promotion interne institué par le directeur Alphonse Royer au conseil de Taglioni. En fait, depuis 1840, il y avait un examen tous les six mois, mais peut-être parle-t-on d’un 1er concours public ? Devant les mères et quelques abonnés. Devant un comité composé « deMesdamesTaglioni, [Amalia]
Ferraris et Livry, de MM. [Eugène] Cormon, directeurdescène,Petipa,maîtredeballet, [Francisque] Berthier, régisseur de la danse, [Louis] Mérante, [Magloire] Beauchet, [Eugène] Coralli, premiers sujets, et présidé par le directeur de l'Opéra », l’on apprend par Le Figaro que Mathieu présenta aussi les élèves de « feu Gosselin » décédé en février, parmi lesquelles se trouvait Laure sous le nom de Poinet. Dit « le maître des maîtres » (23), frère de Geneviève Gosselin, l’une des premières à maîtriser la technique des pointes, Louis Gosselin, débuta à
Lucien Petipa, cliché Eugène Disdérij
Amalia Ferraris & Louis Mérante, l’ Étoile de Messine, cliché Eugène Disdéri h
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l’Opéra en 1821 avant de rejoindre de 1827 à 1852 le Her Majesty's Theatre de Londres comme danseur, maître de ballet et professeur. Produisant des sujets pour tous les théâtres, « ce savant, mais trop modeste professeur » (24) tenait à l’Opéra la classe de perfection depuis 1853. Et, Le Figaro de noter : « Mlles [Élise] Parent, [Maria] Baratte, Beaugrand, [Héloïse] Lamy et Poinet sont de véritables danseuses qui trouveront probablement leur place dans le prochain ballet » (25). En effet, le 26 novembre 1860, en papillon bleu, Laure parut à 15 ans dans le Papillon, ballet en 2 actes créé par Taglioni sur une musique de Jacques Offenbach, dont les interprètes principaux étaient Louis Mérante « le seul danseur à qui l’on pardonne de ne pas être une danseuse » (26) dixit A de Rovray, alias Fiorentino, et Livry, espoir de la danse française qui vécut le temps d’une rose.
Née Jeanne Emma Emarot, sa mère Marguerite Adélaïde Emarot, dite Célestine, danseuse à l’Opéra jusqu’en 1855 l’avait mise au monde à 17 ans. Son père, Charles de Chassiron, baron de 23 ans assidu au foyer de la danse ne reconnut pas l’enfant et épousa la princesse Caroline Murat. Dite de l’École de Paris, comme Laure qui suivit sa classe, 7 passage Saulnier, Livry était l’élève d’une amie de sa mère : Marie Caroline Lassiat, alias Madame ou « Maman » Dominique, danseuse à l’Opéra où elle professa de 1853 à juillet 1879 : « Une magnifique couronne d'or » lui avait été offerte par Laure, Beaugrand et d’autres. Parisienne, elle avait épousé en 1843 un altiste de l’orchestre, le Napolitain Domenico Venettozza, qui tenait aussi l’archet aux leçons de sa femme. Bien qu’ayant une fille prénommée Juliette, Livry était comme leur enfant. Veillait aussi sur sa carrière, le vicomte Ferdinand de Montguyon, amant de sa mère, lui-même proche du comte Charles de Morny, demi-frère de l’Empereur. Au reste, en 1860, les éditions de la partition de Papillon seront dédiées à la comtesse de Morny. Deux ans plus tôt, le 20 octobre 1858, alors qu’elle ne s’était « encore montrée sur aucun théâtre », Livry « jolie jeune fille de 17 ans, légère, vaporeuse, aérienne » (27) s’était « d’un seul bond […] placée dans le ciel de l’Opéra au rang des étoiles » (28). « À chaque entrée, à chaque variation, c'étaient des bravos sans nombre et sans fin ; après chacun de ses pas c’étaient des acclamations bruyantes et des rappels » (29). En regardant de plus près, cet enthousiasme général était aussi porté par une publicité intense : « Tachez dans la réclame de donner le plus d’importance possible à ma protégée » avait écrit Montguyon à Royer après avoir lui-même fixé les conditions du contrat de la débutante : « Engagement comme 1ère danseuse pour un an à partir du 1er juillet 1858. Débuts dans la Sylphide […] » (30) Toujours dansée à Marseille et Bordeaux sur la musique de Jean Schneitzhoeffer,
la Sylphide (1832) de Filippo Taglioni, calquée sur la Silfide (1828) de Louis Henry : « Eh oui M. Taglioni, je vous l'ai déjà dit, vous déguisez vos larcins ; mais ce n'en sont pas moins des larcins » (31) osa Élise Henry, la sœur du chorégraphe, n’était plus à l’affiche de l’Opéra depuis 1852. Elle fut remise en scène, et Montguyon fit en sorte que la Taglioni, dont « le talent divin » avait consacré le ballet de son père soit présente. Arrivée deux, trois jours plus tôt à Paris dans l’espoir d’un engagement : « Vous serez pour l’Opéra et pour les ballets une Providence ! et tout ensuite viendra à point. Ce n’est pas à vous à demander, il faut qu’on vous prie et qu’on vous attire » (32) lui avait écrit en août Louis Véron, premier directeur-entrepreneur de l’Opéra, Taglioni découvrit son émule le 18 novembre 1858, et « plusieurs fois elle donna le signal des applaudissements » (33)
Sans pouvoir l’affirmer, Laure figura certainement dans « le corps dansant » de la Sylphide, avant de paraître le 4 mars 1859 dans Herculanum, opéra de Félicien David dont le poids du divertissement dû à Mazilier reposait sur les épaules de Livry. « Coryphée à quatorze ans, elle y remplaça Mlle [Pauline] Mercier » (34) dans le pas de trois des Grâces, avant de participer en paysanne à la reprise de l’Âme en peine (1846) opéra de Friedrich von Flotow, le 4 novembre. On la vit ensuite travestie en caballero dans un quadrille madrilène que Petipa signa le 10 décembre pour une fête au bénéfice de la Caisse des pensions de retraite. Le 3 février 1860 ce fut le divertissement de la Favorite (1840) de Gaetano Donizetti, puis le 9 mars vint la création de Pierre de Médicis, opéra du prince Józef Poniatowski, où en chasseresse Laure dansa les Amours de Diane, divertissement de Petipa. Lequel fut dit-on à cet instant nommé professeur de la classe de perfectionnement à la place de Gosselin, mais en avril alors que son père âgé de 83 ans venait d’être opéré avec succès de la cataracte par le Dr Alexandre Magne, Taglioni déjà Inspectrice de la danse obtint le poste. Le 9 juillet pour la création française de Sémiramis (1823) de Rossini, Laure dansa le pas des Niniviennes réglé par Petipa sur une musique de Michele Carafa, et ceci, jusqu’à la première de Papillon, dont Livry personnifia la légèreté le 26 novembre 1860. Alors que l’usage voulait que le divertissement d’un opéra soit placé au 2ème ou 3ème acte, le 13 mars 1861 c’est au lever du rideau que Laure dansa la Bacchanale de Tannhäuser (1845) dont le fiasco fut énorme, puisque l’opéra de Wagner ne fut joué que trois fois. Elle enchaîna, le 25 mars en picador dans Graziosa, ballet de Théodore Labarre et Petipa qui procurait « l’avantage de pouvoir lorgner et admirer la plupart des étoiles de second ordre dans un costume masculin » (35). « Cette originalité charmante » ne sera guère appréciée à Bordeaux, où le ballet éprouva
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Emma Livry, le Papillon, cliché Eugène Disdéri h
en décembre « une chute complète » (36) Interrogé sur l’échec de Tannhäuser, Petipa reviendra en 1895 sur la Bacchanale et Graziosa : « J’étais allé au Louvre copier le marbre antique. […] Mais c’était bien peine inutile de pousser la conscience aussi loin, car chaque danse ne durait que quelques minutes. Encore quand je dis danse… c’est plutôt tableaux vivants qu’il faudrait dire ». Et de poursuivre : « [les abonnés] avaient appris avec désolation que dans l'opéra de Wagner il n'y aurait pas de ballet. Précisément je venais de terminer […] Graziosa. […] Cet ouvrage devait durer 35 minutes. On y représentait une course de taureaux. J'étais allé en Espagne pour étudier sur place mes décors et ma mise en scène. Le Tannhäuser n'étant pas d'une longueur tout à fait suffisante, M. Royer directeur d'alors, demanda à Wagner s'il consentait à passer en même temps que Graziosa. Le compositeur refusa obstinément. C'est alors qu'il eut l'idée d'écrire sa Bacchanale. Wagner eut tort selon moi de ne pas écouter Royer. Graziosa n'aurait pas nui au Tannhäuser et les abonnés auraient su gré au compositeur étranger de son bon mouvement. Ils firent tomber l'opéra nouveau, parce qu'ils n'avaient pas leur ballet » (37). Ils en eurent deux par la suite. Ainsi, le 29 mai 1861, après le Trouvère de Verdi et sa Gitanilla, sur une musique de Cesare Pugni et Charles Rochefort, Laure se montra parmi les dames de la Halle dans le Marché des Innocents de « Petipa frères ».
Second maître de ballet des Théâtres Impériaux, Marius Petipa alors en congé avait créé ce ballet d’un acte, le 23 avril 1859 à Pétersbourg sous ce titre : le Marché de Paris. Le vaudevilliste René Lordereau, qui le renseigna « sur les démarches et visites à faire près de la critique parisienne » (38) remania le livret par deux fois selon ses
dires. Ainsi, à la demande de Royer, après avoir changé les noms des personnages, il transporta sous le Directoire l'action qui en Russie se passait au temps de Louis XV, mais rayé du programme, il fit à Marius Petipa et Royer un procès qu’il perdit au motif que son travail ne constituait pas une véritable collaboration. Répété avec ardeur, le ballet révéla Maria Petipa, née Sourovchtchikova charmante par sa danse « bien russe » : « Elle ne vise ni aux beaux effets classiques du style français, ni à la chaude et puissante fantaisie d’Italie, ni à la furie espagnole » (39) nota Gustave Bertrand avant que la danseuse ne profite d’une soirée à bénéfice fixée le 6 août. Auparavant, les 12 juillet et 3 août se déroula un évènement inédit, puisque la soirée comptait trois ballets : la Vivandière (1844) de Pugni et Arthur Saint-Léon avec la Moscovite Zinaïda Richard, bientôt Mme Mérante, Graziosa pour la rentrée d’Amalia Ferraris et le Marché des Innocents avec Maria Petipa. En revanche, les chanteurs ne chômèrent pas totalement à sa soirée de bénéfice, qui vit Laure danser les Niniviennes de Sémiramis et le Marché des Innocents que Marius Petipa fit suivre d’un pas pour sa femme : la Cosmopolite. Sur un air de Pugni orchestré par Louis Dietsch, chef à l’Opéra, ce pas nouveau à Paris n’était autre que la Cosmopolitana créée à Pétersbourg par Jules Perrot dans Gazelda, ou les Tziganes (1853). Marius Petipa y tenait le rôle de Karl auprès de Carlotta Grisi. « Non mon cher ami, je ne consens pas […] parce qu’à l’Opéra, le directeur et les autres ont été très impolis à mon égard » (40). Ainsi Perrot avait clairement refusé, mais Petipa passa outre. S’en suivit un procès qu’il perdit en juillet 1862 pour avoir de surcroit présenter la composition de Perrot comme étant son œuvre. Le Marché des Innocents resta épisodiquement à l’affiche jusqu’en 1869 et il faudra attendre, le 21 décembre 1960 et le Lac des cygnes revu par Vladimir Bourmeister, pour qu’un second ballet du chorégraphe soit dansé intégralement par la troupe.
Afin de retrouver Laure, perdue dans les ensembles, mais apportant dans ses fonctions une correction qui frappa Royer, en juin 1862, elle fut retirée du corps du ballet pour se perfectionner auprès de Lucien Petipa et « arriver à un début sérieux » : « Quelques mois de leçons particulières ont façonné la jeune danseuse à ce point qu'elle aborde aujourd'hui les choses les plus difficiles […] avec une perfection désolante pour les étoiles les plus lumineuses » (41) lira-t-on en octobre 1862. Ce n’est toutefois qu’en janvier 1863 qu’elle débuta sous le nom de Fonta dans la Muette de Portici (1828) de Daniel Auber dont le rôle de la muette Fenella était tenu par une danseuse, ici Marie Vernon en remplacement de Livry. Car le 15 novembre, un terrible accident interrompit la répétition. On sait que
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La troupe de l’Opéra, cliché Eugène Disdérih Zina Mérante, cliché Eugène Disdérif
voulant s'asseoir sur un praticable placé au fond du théâtre. Livry demanda un tabouret, et, en rejetant ses jupons en arrière, elle ne prit garde aux becs de gaz qui éclairaient le praticable. Voyant le feu mordre ses jupons, un pompier cria : « Mademoiselle, ne bougez pas ! ». Muni d’un manteau de sauvetage, il se précipita à son secours, mais effrayée, Livry courût en tous sens, attisant les flammes. De service à l’Opéra, le Dr Édouard Laborie lui donna les premiers soins avant qu’elle ne succombe huit mois plus tard, le 27 juillet 1863 : « Adieu, pauvre martyre ! Nous te pleurons tous. Emporte avec toi nos regrets » (42). Aux obsèques, le discours que prononça Petipa ému profondément Laure et l'auditoire. Mais pour être juste avec l’histoire, puisque la mort de Livry bouleversera encore en 2013 le Sénat dans ses travaux sur la place des « Femmes dans le secteur de la culture » (43), rappelons qu’en novembre 1858, l’Empereur avait reçu à Compiègne, le chimiste JeanAdolphe Carteron, inventeur d’un système d’inflammabilité : « Sa Majesté a daigné elle-même démontrer l’importante utilité de cette belle invention. Des expériences ont eu lieu sur des tissus de toute espèce ; l'épreuveaparfaitementréussi:aucuntissu, mêmeletulle,nepeuts’enflammer » (44). En 1860, soit un an après l’Opéra-Comique, afin de rendre incombustibles décors et costumes l’enduit Carteron fut mis en usage à l’Opéra, mais « la Carteronime » enlevant sa grâce au tulle, le procédé rencontra de la résistance : « Je ne veux pas m’en servir, disait la Brestoise Eugénie Schlosser ; on ne brûle qu’une fois, mais on est mal habillée toujours » (45). Quant à Livry, avant le Papillon, elle avait écrit à Royer : « Je tiens absolument, Monsieur, à danser les premières représentations du ballet avec mes jupons de danse ordinaires et je prends sur moi toute la responsabilité de tout ce qui pourrait m’en arriver. Pour le dernier tableau, je ne danserai avec un jupon carteronisé. Je ne peux pas m’exposer à des jupons qui seraient laids ou qui ne m’iraient pas bien […] »(46)
Alors que la direction venait de passer de Royer à Émile Perrin, c’est le 19 janvier 1863 que Laure débuta dans la Muette de Portici d’Auber. Selon les échos, entré un jour à la classe de Petipa, le musicien avait été tellement charmé par son talent, qu’il composa pour elle la musique d’un pas nouveau. Réglé par Petipa, elle le créa au 3ème acte parmi sept compagnes : « Sa danse est gracieuse, sympathique autant que sa personne : elle est vive, légère comme un oiseau. C’est un remarquable talent qui s'est révélé et, dès le premier soir, a conquis tous les suffrages. Mlle Fonta a été rappelée. Un astre de plus au firmament » (47) nota Jules Ruelle. Tandis que France Marie révéla la présence dans le public de Fanny Cerrito, l’épouse de Saint-Léon : « Mlle Fonta est légère comme un oiseau ; elle a dix-huit ans à peine, elle
est droite, svelte, et tout aérienne, on eût dit la Cerrito bondissant à travers la scène. Mme Cerrito la voyait de la salle et ne cessait de l’applaudir. C'est d’un bon augure pour la débutante, c’est un brevet de mérite » (48). « Applaudie à outrance, […] la charmante danseuse, douée de rares qualités » (49) enchaîna avec Guillaume Tell (1829) de Rossini précédée de cet écho : « La jolie Laure Fonta, dansera le pas créé parTaglioni » (50). Jadis réglé par Jean-Pierre Aumer pour Taglioni, Mme Montessu (Pauline Paul) et son frère Antoine Paul, le 25 mars Laure dansa en effet le pas de trois de la Tyrolienne avec Zina Mérante et Magloire Beauchet ou le Girondin Antoine Chopis, dit Chapuy. Pendant ce temps, tout en se montrant dans la Muette, sous la direction de Petipa qui s’était illustré dans le rôle d’Albert-Loys auprès de Carlotta Grisi, Laure répétait « avec force » Giselle, ou les Wilis (1841), ballet en 2 actes d’Adam repris pour les débuts de Marfa Mouravieva, qui signait Marthe Mouravieff, prêtée par Pétersbourg. Sans parler du Bordelais François Albert Decombe, dit Albert mentionné comme auteur dans le registre des recettes, Jean Coralli, puis Jules Perrot, non cité avaient collaboré à la chorégraphie. Ainsi lira-t-on : « N’oublionspasdenommerM.Perrotquia dessiné tous les pas de Mme Carlotta Grisi, et dont le nom, par oubli ou autrement, a été passé sous silence sur l’affiche » (51) Coralli s’illustrant spécialement au 2ème acte selon La France : « Le second acte est de beaucoup préférable au premier, qui ressemble à tous les actes de ballet. Ce second acte a enlevé tous les suffrages, […] M. Coralli a dessiné tous ses pas et tous ses groupes avec beaucoup de charme et de fraîcheur » (52). Ce que Coralli dont l’un des fils, Auguste était alors député de la Haute-
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Marfa Mourarieva, Giselle cliché Eugène Disdéri
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Laure Fonta, Giselle, cliché Eugène Disdéri h g
Vienne, confirmera à Théodore Clérisseau, directeur des théâtres à Marseille dans une lettre du 29 juillet 1841 : « Lapartiequim’a le mieux réussi est celle de la composition et la distribution des groupes, combinés avec la plantation de la décoration du 2ème acte, qui est remarquable et du plus séduisant effet ! M. [Pierre-Luc-Charles] Ciceri y a reproduit la verve et le goût de sa jeunesse ! ». Et d’ajouter : « Le rôle de Giselle appartient à la danseuse demicaractère, celui de Myrtha, la reine des Wilis à la danseuse du genre noble ».
Le 8 mai 1863, succédant à Célestine Emarot, la mère de Livry lors des derniers spectacles en 1852, Laure parut dans Myrtha jusqu’en août avec Mouravieff et Mérante, puis auprès de Zina Mérante jusqu’en décembre. Enfin d’avril à juillet 1864 au retour de Mouravieff. Persona non grata à l’Opéra pour avoir poursuivi Marius Petipa en justice, Perrot fit répéter chez lui Mouravieff et les Mérante, mais on ignore si Laure le visita rue des Martyrs. Parmi d’autres, Ruelle nota : « Mlle Fonta a joué la reine des Wilis. C’est un jeune talent qui semble devoir bien vite prendre son essor. Souple et gracieuse, ses ailes de sylphe étaient un accessoire inutile. Elle a dansé à ravir son grand pas et longtemps on l’a applaudi » (53). Plus tard, Le Gaulois se souviendra qu’elle « exécutait sur une glace en pente ses pas si hardis et si gracieux » (54). Et, Le Courrier du dimanche de décrire : « Au lever du rideau, nous avons vu Mlle Fonta se mirer dans l’eau en posant son pied léger sur les feuilles flottantes des nénuphars. L’Opéra doit à M. Perrin cet effet charmant obtenu, dans le fond du théâtre, au moyen d’un parquet de grandes glaces inclinées, sur lesquelles se projette la lumière électrique » (55) Au vrai, au profit d’Hippolyte Hostein, directeur du Théâtre Impérial du Cirque, les décorateurs Charles Cambon et Joseph Thierry avaient déjà exploité ce système en 1861 dans la Prise de Pékin, drame militaire d’Adolphe d'Ennery dont Charles Honoré avait réglé les ballets : « Voici que pour la reprise de Giselle, M. Perrin a fait un nouvel emprunt à M. Hostein. Il a installé à l'Opéra ce fameux décor de glaces, invention de haut goût qui a la prétention de représenter un lac où les danseuses se reflètent à l'envers » (56)
Après avoir « fait merveilles » (57) dans Giselle, non citée dans Diavolina de Pugni et Saint-Léon créé le 6 juillet 1863 pour Mouravieff, après l’abandon de Ferraris et Vernon, en juillet-août, Laure répéta Zara, ballet de Charles Nuitter, qui sera nommé archiviste de l’Opéra en 1866, musique d’Ernest Boulanger que Marie Taglioni destinait à Livry. Mais Zara resta dans les cartons et ses décors serviront dit-on en 1866 pour Don Juan et la Source. De même, il lui revint d’apprendre le rôle de Zoloé que Taglioni avait créé dans le Dieu et la Bayadère (1830) : « Comme physique
et genre de talent, Mlle Fonta a tout ce qu’ilfaut,cenoussemble,pourreprésenter la poétique et douce bayadère » (58), mais la reprise de l’opéra d’Auber tomba aussi à l’eau. En revanche, entre la Muette, Giselle et Guillaume Tell, le 25 octobre 1863 lors d’un gala à l’Opéra-Comique, au 3ème acte du Bourgeois gentilhomme de Molière, Petipa la mit en tête de l’Athénienne, pas nouveau sur une musique d’Auber. Puis le 28 décembre pour les débuts d’Angiolina Fioretti, ce fut avec Vernon un pas de trois, dit des Almées intercalé dans Moïse (1827) de Rossini : « La débutante, Mlle Fioretti, a été très applaudie. Mlle Vernon […] méritait mieux assurément que l’écot [la variation] sans originalité que lui a noté le chorégraphe. Au reste, M. Petipa n'a guère été plus généreux envers son élève de prédilection, Mlle Fonta » (59) écrivit Benoît Jouvin. Nestor Roqueplan, directeur de l’Opéra de 1847 à 1854 observa
toutefois : « Mlle Fonta fait toujours des progrès. Sa manière, sa précision, sa correction, sa physionomie atteste une vive intelligence » (60). Depuis plusieurs mois, sur une partition de Paolo Giorza et un livret d’Henri Vernoy de Saint-Georges l’on préparait la Maschera, ou les Nuits de Venise pour les débuts d’Amina Boschetti. Dernier ballet du Vénitien Giuseppe Rota, promoteur en Italie de la photosculpture technique inventée par François Willème, qui permettait d’obtenir une image en relief, le ballet fut créé le 19 février 1864 avant d’être revu et diminué en décembre pour les débuts de Guglielmina Salvioni. Laure annoncée, ne le dansa pas, mais ce fit « plus que jamais applaudir » dans la Muette avant de reprendre possession en mai « de son rôle de Myrtha, dont elle a bien saisi la poésie et qu’elle danse en artiste de premier ordre » (61) dit Eugène Huvé de Garel. « Une direction habile
ne mettant pas toutes ses poules dans le même panier » (62), Laure ne dansa pas non plus Néméa, ou l'Amour vengé de Ludwig Minkus, créé le 11 juillet par Saint-Léon pour Mouravieff. Mais le 20 août lors d’une fête à Versailles en l'honneur du roi d'Espagne, au prologue de Psyché (1671) tragi-comédie et ballets jouée par la Comédie-Française, Petipa lui régla un pas sur une musique de Jules Cohen. L'œuvre de Molière, Corneille, Quinault, Lully et Pierre Beauchamp, Nicolas Delorge, Antoine Desbrosses pour les ballets avait été reprise deux ans plus tôt, le 19 août 1862 au Français. Lully étant « passé de mode » Cohen avait ajusté les airs des chœurs et des ballets que Julien-Adrien Renoux, dit Adrien, bientôt chef de la danse à Bordeaux régla « avec goût ». Celui du prologue était alors dansé par Héloïse Lamy et Thérèse Millière, de l’Opéra et comptait un pas de deux pour Eugénie Dumilâtre et Hippolyte Mazilier. Neveu du chorégraphe, il était depuis 1857, 1er danseur-maître de ballet à Lyon, et encore à l’abri des opinions hostiles et de la décadence parisienne : « Tous les bravos de la salle étaient mêlés de ricanements. C'est un signe des temps. Chorégraphiquement, le règne de l'homme va finir. Merci, mon Dieu ! » (63). Quant à sa partenaire, bientôt 1ère danseuse à Lyon, elle n’était autre que la nièce d’Adèle Dumilâtre, la créatrice de Myrtha. Au 3ème acte venait un divertissement avec les élèves de l’Opéra, mais l’on parle aussi de 16 dames du corps de ballet, Laure dont on ignore l’origine de sa passion pour les danses anciennes y figurait peut-être ? À Versailles, ne s’encombrant pas l’esprit Petipa compléta Psyché d’un pas du 1er acte de Giselle et reprit les Saisons, le divertissement des Vêpres siciliennes (1855) de Verdi.
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d’Angiolina Fioretti, cliché Charles Reutlingerj
« La légère, la gracieuse, la charmante Laure Fonta qui devient rare depuis que le devient Giselle, où on l'applaudissait » (64) revint à l’Opéra en septembre 1864 dans Guillaume Tell, puis le 3 octobre dans Roland à Roncevaux, opéra d’Auguste Mermet. « C’est d’un ordinaire et d’un naïf à déconcerter les chorégraphes de la place du Châtelet » (65) dit Henri Blaze de Bury à propos de Petipa tout en qualifiant Laure « d’aimable danseuse de second ordre ». Baron-compositeur, le fils de Castil-Blaze, l’auteur de La Danse et les Ballets depuis Bacchus jusqu’à Mlle Taglioni (1832) préférait les étrangères. C’est toutefois auprès de Fioretti, que Laure « véritable étoile » (66) dansa un pas de trois mauresque avec Blanche Lehée, dite Montaubry en travesti. Alors que la Vendéenne faisait valoir « sa mâle beauté », Roqueplan dit de Laure : « Cette jeune personne a une
sveltesse et une élévation qui révèlent tout à fait la grande école. Sa distinction et sa manière rappellent la regrettable Livry » (67) « Estimée par tous les experts » (68) , Laure enchaîna avec Moïse jusqu’au 30 décembre, où une chute fit parler d’elle dans plusieurs journaux :
« Mme [Adèle] Villiers, qui remplaçait Mlle Fioretti au pied levé, c'est le mot, achevait la première partie d'un pas de trois, quand Mlle Fonta s'élance avec autant de grâce que de force. Mais au même instant un cri part de toutes les poitrines : Laure Fonta vient de tomber violemment la face contre terre, et reste étendue sur la scène pendant plusieurs secondes qui parurent des siècles. Cependant elle s'était relevée, mais émue, souffrante, contristée, humiliée dans son amour-propre d'artiste, debout, la tête dans ses deux mains baignées de larmes, elle ne savait plus quelle contenance tenir. À la fin, elle se dirige vers le fond du théâtre, puis, lorsque tout le monde, la croyant blessée, s'imagine qu'elle va quitter l'arène, elle recommence son pas avec unevigueurincroyable:sonnouvelélan avait été si imprévu, il y avait dans son regard tant de douceur, tant de beauté dans son joli visage, tant de charme dans toute sa personne, elle déployait en même temps un talent si vrai, que la salle entière en tressaillit; depuis les premiers rangs de l'orchestre jusqu'aux derniers rangs des amphithéâtres et des dernières loges, toutes les mains battirent longtemps, et l'intéressante artiste, rappelée plusieurs fois, peut se flatter aujourd'hui d'avoir eu ce jour-là une chute beaucoup plus enviée que bien des succès » (69)
Un peu d'arnica ayant tout guéri, le 14 février, entre Moïse et Roland à Roncevaux, la Muette revint à l’affiche. Eugénie Fiocre jouait Fenella, mais dans le pas qui portait désormais son nom Laure put lire : « l’on signale un développement remarquable de son talent qui promet au ciel de l’Opéra une étoile de plus » (70). Peu après, lors d’un gala à la Comédie-Française, elle interpréta « ce pas séparé » dans le Bourgeois gentilhomme, sans autre nouveauté :
« Ah ! les gredins de journalistes ! s’est écrié M. Perrin, […] Ils disent que l’Opéra n’a plus de ballets, que les jeunes danseuses sont découragées, que, sous prétexte d’avoir des bénéfices dont je touche la moitié, je prive le public d’un plaisir tout français. […] Voyons, [Eugène] Cormon, [directeur de scène] est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de leur donner un petit ballet ? — Dam ! monsieur le directeur, voilà déjà huit fois que je mets à l’étude le Roi d’Yvetot, et huit fois que vous le faites retirer. — Et vous, Petipa, voyons, une idée ? — Dam ! monsieur,
je crois qu’en essayant quelqu’une de nos jeunes danseuses, Mlle Fonta par exemple... — Une danseuse française, jamais ! elle me demanderait de l’augmentation comme mes musiciens. — C’est que je dois vous l’avouer, monsieur le directeur, il y a bien du découragement ; les masses faiblissent, et dès qu’une jeune danseuse donne des espérances elle nous plante là pour aller se faire applaudir au Châtelet ou à la Porte-Saint-Martin, ou bien elle prend des leçons de chant ou débute dans la comédie » (71)
Sans parler de la désertion des hommes pour la province ou l’étranger, dans cet entretien imaginaire publié en octobre 1865, Le Charivari, mit le doigt sur « la vraie plaie » de la direction Perrin, qui ne fut ni la première, ni la dernière à privilégier le chant. En attendant, « se distinguant, comme toujours, par l'élégance, la souplesse et la légèreté de sa danse » (72), alors que Zina Mérante avait quitté Paris pour Marseille, le 18 novembre Laure reprit le rôle de l’Abbesse créé par Taglioni dans Robert le Diable (1831) de Meyerbeer, dont le ballet des nonnes de Taglioni, père marqua dit-on la naissance du ballet romantique. Au vrai, Louis Henry et Jean Coralli pour ne citer qu’eux avaient ouvert la voie sur d’autres scènes. Ainsi en 1828 à la Porte-Saint-Martin, sur une musique d’Alexandre Piccinni, Coralli avait réglé en forme de « ballet blanc » les danses des sylphides de Faust, drame imité de Goethe par Antony Béraud. Aussitôt, par opportunisme, l’Opéra annonça « un ballet intitulé Faust », mais après 40 ans de réflexion ce sera un opéra en 1869, celui de Gounod créé au Théâtre Lyrique en 1859. Autrement, après Robert le Diable, interprété par « les plus jolies femmes de Paris, en même temps les plus ravissantes danseuses que l’Opéra compte, à savoir Fonta et Fioretti, Beaugrand et Fiocre » (73) , le 28 décembre vint le Roi d’Yvetot, ballet d’un acte sur des airs populaires arrangés par Théodore Labarre, livret de Philippe de Massa. Pour les fanatiques de la lorgnette, Petipa mit en évidence les richesses plastiques d’Eugénie Fiocre en colonel de hussards. Quant à Mérante, l'amoureux de tous les ballets, il avait à choisir entre Fioretti et Laure. Paul Ferry se prononça à sa place : « Mlle Fonta, qui jouait Rosette, a de la grâce et de la suavité, mais moins de feu, moins de ce qui fait l'artiste ; elle l'est pourtant, mais, la Fioretti l'est bien plus » (74). Roqueplan nota néanmoins : « M. Petipa doit se féliciter d'avoir été si bien compris par Mlle Fonta. Le pas qu'il a réglé pour elle est dur, comme disent ces dames, mais brillant et original. Le même éloge peut s'adresser à l’autre variation qu’elle danse avec Mlle Fioretti » (75). Le 22 janvier 1866, bien qu’ayant répété avec Taglioni, Laure ne dansa pas le Dieu et la Bayadère, dont le rôle de Zoloé revint à Salvioni pour sa rentrée, tandis que celui
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Blanche Montaubry, l’Étoile de Messine, cliché Eugène Disdéri i
de la seconde bayadère échut à Fiocre dont « les formes aphrodisiaques » (76) suppléaient son manque d’école : « La dernière des coryphées est certainement supérieure à Mlle Fiocre » (77). Cependant, « représentant tout le talent magistral de notre art français » (78), le 12 mai pour les débuts de l’Allemande Adèle Grantzow, Laure redevint « la vaporeuse reine des Wilis ». Pour autant, le 12 novembre, elle ne parut pas dans la Source, ballet en 3 actes de Nuitter, Minkus, Léo Delibes et SaintLéon créé pour Salvioni. En consolation, elle lira : « Le ballet est acceptable comme divertissement introduit au milieu d’un opéra, mais dans les conditions actuelles, il a le don de fatiguer tout le monde » (79) Justement, succédant à Fioretti, sur « une salade à la Mozart » arrangée par Auber, depuis le 7 novembre, elle dansait le divertissement ajouté le 2 avril au Don Juan (1787) de Mozart. Dû à Saint-Léon, il mêlait des amours, des papillons et des roses. En décembre, c’est en abeille que Laure passa dans la Juive (1835) d’Halévy, et ainsi de suite, car excepté Giselle qu’elle dansa jusqu’à l’ultime représentation du siècle, les ballets étaient une fête dont les premiers rôles étaient réservés aux ballerines en possession d’un passeport étranger : Grantzow et Fioretti à l’heure où l’on parle. Ainsi, Laure fut-t-elle écartée le 21 octobre 1867 de la reprise du Corsaire, dont on renouvela les costumes et décors détruits dans un incendie en 1861. Toutefois, après les mousses qu’elle avait créé enfant sous l’œil de Mazilier, le 28 avril 1868, « la ballerine un peu négligée et qui, cependant, promettait beaucoup » (80) dansa le pas de cinq, dit des Nations, tandis qu’en juin l’Opéra communiqua :
« C’est décidément Mlle Fonta qui remplira, dans Herculanum, le rôle de la Bacchante créé par Emma Livry. M. Perrin ne pouvait faire un meilleur choix, car la danse de Mlle Fonta a une telle analogie avec celle de sa devancière, que ce rôle sera rendu tel qu’il a été composé, sans le moindre changement dans l’ensemble du pas. Il n’est pas douteux que Mlle Fonta obtiendra un très grand succès » (81)
En fait, Grantzow et Fioretti étaient blessées. Ainsi, le 30 juin auprès de Mérante en faune, Laure fut la nouvelle Érigone. En oubliant Léon Garnier, qui jugea « qu’elle danserait fort bien si elle avait les jambes moins longues » (82) ou ceux qui n’eurent de louanges que pour la pauvre morte, tel Eugène Chavet, propriétaire de L’Europe artiste : « On voudrait revoir Mlle Livry dans ce costume de bacchante que Mlle Fonta a si malheureusement dépoétisé par sa danse sans caractère et ses pas sans souplesse » (83). Théophile Gautier nota cependant : « Comme Livry, [Fonta] est svelte, grande et sévère ; sa danse a un caractère de correction classique et elle n’a pas eu besoin de rien changer aux pas de sa devancière. Habilement secondée par Mérante dans ses groupes et ses enlèvements [portés], elle a été applaudie à plusieurs reprises » (84). Tandis qu’Étienne Arago écrivit : « l’Érigone nouvelle qui saute et tourbillonne dans un charmant ballet mérite les applaudissements qu’on lui a prodigués. Nous avons écrit un jour Laura Fonta, la croyant italienne ; mais comme l’e muet de son prénom, sa danse d’école, correcte dans sa hardiesse, la fait Française. Nous réclamons Mlle Fonta de la tête au pied » (85). Enfin, justifiant le communiqué de presse : « ce rôle sera rendu tel qu’il a été composé, sans le moindre changement dans l’ensemble du pas », le compositeur Ernest Reyer, bibliothécaire à l’Opéra depuis 1866 salua la maîtresse de ballet de façon sous-entendue : « Mlle Fonta a mené avec beaucoup d'entrain, de légèreté et de grâce la ronde des bacchantes ; le ballet est fort bien réglé ; l'exécution est excellente » (86). Et, Albert de Maugny de préciser :
« Elle se livrait avec acharnement à l'étude des danses anciennes, qui convenaient à merveille à ses goûts et à son tempérament, et était parvenue, à force de travail, à être ferrée sur la matière,queseuleelleétaitenmesurede danser n'importe quel pas de n'importe quelle époque. Elle se souvenait, avec une étonnante justesse, de toutes les figures qu'elle avait dansées ou vu danser et cette précieuse qualité lui donna, un jour, l'occasion de rendre un grand service à la direction de l'Opéra. On allait reprendre Herculanum, dont le divertissement avait été créé par elle.
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Laure Fonta, cliché Eugène Disdérii
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Eugénie Fiocre, La Muette, cliché Mathieu Deroche f
Les anciens pas étant perdus comme de coutume, on s'occupait déjà d'en composer de nouveaux, lorsque Laure Fonta s'offrit à régler le ballet tel qu'il était à son origine » (87)
Dans les faits, Petipa prononçant ces mots aux obsèques : « Longtemps encore tu revivras dans les œuvres que tu nous laisses, et qui nous avaient si bien initiés aux traditions des grands maîtres. Adieu ! cher maître, adieu ! » (88). À 71 ans, Mazilier, le chorégraphe d’Herculanum s’était éteint en mai des suites d’une opération chirurgicale. Après avoir restitué sa chorégraphie, Laure retrouva Guillaume Tell, puis Giselle qu’elle dansa pour la dernière fois le 26 octobre 1868. Dite son élève, Emma Sandrini, lui succéda le 30 avril 1903. Avec le corps de ballet de l'Opéra, Joseph Hansen avait repris Giselle au Cercle de l'Union artistique. Et alors que le ballet était encore dansé en province avec une femme et un homme, l’une en jupons, l’autre en travesti, Carlotta Zambelli et Louise Mante succédaient à Grantzow et Mérante. Pour dire aussi qu’en 1910, Giselle ne sortit point du purgatoire par l'entremise des Ballets russes de Serge Diaghilev.
L’on s’en souvient peut-être, le 8 septembre 1868, Petipa reçut à la chasse une volée de plombs, qui l’éloigna une dizaine de jours de l’Opéra, puis définitivement le 24 septembre. SaintLéon assura l’intérim, puis Perrin appela un Girondin « de réputation européenne » : Henri Justamant, qui selon Albert Vizentini n’avait « pas son pareil pour régler les plus beaux ballets du monde » (89) Élève d’Alexis Blache, sa carrière s’était écoulée à Bordeaux, Lille, Marseille, Lyon, Bruxelles, La Haye, Berlin et Vienne en congés, et depuis 1865, engagé par Marc Fournier à la Porte-Saint-Martin, avec Zina Mérante et Marie-Thérèse Gamalary, dite Mariquita pour étoiles, il donnait « aux divertissements chorégraphiques de ce théâtre une incontestable supériorité » (90) D’après Henri Chabrillat : « Ses premiers travaux, hérissés de difficultés inaperçues dupublic,ledivertissementdesHuguenots, prouvèrent qu'il était à la hauteur de la tâche qu'on lui confiait. Bientôt, les danses si originales et empreintes d'un cachet tout particulier qu'il intercala dans Faust confirmèrent la bonne opinion qu'on a de son talent » (91). En robe blanche à liseré rose, Laure ne dansa pas tout de suite les Huguenots (1836) de Meyerbeer dont Beaugrand fut l’étoile en novembre, mais le 3 mars 1869, sous les traits d’Hélène, elle parut dans Faust (1859) auquel Gounod avait ajouté un ballet au tableau de la Nuit de Walpurgis : Cléopâtre et les nubiennes, Hélène et ses suivantes y entouraient Faust de leurs séductions. « Rien de plus beau, de plus nouveau, n'a étéfaitjusqu'àcejour.Satanlui-mêmeadû en être ébloui » (92) déclara Max Sacerdot.
D’autres saluèrent Laure et Fioretti, « les deux étoiles du moment » : « Nous serions désavoué par l’assistance d’élite de mercredi, si nous négligions d’offrir sans réserve nos compliments à Mlles Fonta et Fioretti, ces rivales de talents si divers et si harmonieux » (93). En effet, même « l’Empereur sembla prendre le plus grand intérêt aux évolutions si originales du ballet » (94). Donné plus de 50 fois jusqu’en juillet, entre « une bronchite assez grave », qui éloigna « un grand mois ». Au vrai, une semaine en octobre, sauf si les bulletins publiaient des distributions erronées, parmi les opéras Laure enchaîna Guillaume Tell, les Huguenots, Faust jusqu’au 11 décembre 1869 où à une répétition de Don Juan, Perrin présenta Mérante comme le successeur de Justamant. En septembre, après la Favorite qu'il venait de régler, « exprimant de la façon la plus flatteuse, combien il tenait au talent et au zèle de son maître de ballet » (95), Perrin lui avait promis un traité avantageux. Mais exaspéré du mauvais vouloir de la direction à régulariser sa position, las de l’indiscipline de la troupe pour laquelle il avait proposé une nouvelle organisation, sans espoir de pouvoir créer un ballet. En fait, depuis septembre 1868, l’on promettait les 2 actes et 3 tableaux de Coppélia, ou la Fille aux yeux d’émail de Delibes, Nuitter et Saint-Léon, et il avait même assisté en mai 1869 à l’audition de la future Swanilda : Giuseppina Bozzacchi. Aux derniers jours de son traité, Justamant fut placé devant l’obligation de démissionner. Ernest Blum, auteur dramatique et journaliste, disant plus tard : « On m’assure qu'il a dû quitter l'Opéra par raison d’État. D'un caractère violent, M. Justamant malmenait assez volontiers les jeunes danseuses. Et ces jeunes danseuses ont parmi leurs protecteurs
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Giuseppina Bozzacchi, Coppélia, cliché Charles Reutlinger
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Laure Fonta, Faust, Eugène Disdéri h g
pas mal de grands fonctionnaires et autres dignitaires ; ces dames se sont plaintes de n'être pas traitées avec tous les honneurs dus à des amies de gens haut placés et d'être appelées grues par un homme qui n'est même pas chevalier de la Légion d'honneur. Ce qui est évidemment le dernier mot de l'impolitesse à l'Opéra » (96)
Après Faust et Don Juan, le 9 mars 1870, c’est donc sous l’œil de Mérante, que « la jolie et séduisante Laure Fonta, une sylphide réalisée » (97) reprit Robert le Diable, dont Saint-Léon avait remanié pour elle le rôle de l’Abbesse. Et ceci tout en répétant Coppélia, qui encadra les débuts de Bozzacchi au bras de Fiocre, en habit d’amoureux le 25 mai 1870. Âgée de 17 ans, la Milanaise se perfectionnait depuis deux ans chez Mme Dominique, son « cher petit gamin de professeur » dans une lettre où elle signe « votre petit crapo » (98) La soirée ouvrant avec le Freyschütz (1821) de von Weber auquel Saint-Léon ajouta un pas de six sur l’Invitation à la valse, orchestrée par Berlioz, afin de pouvoir attaquer à 19h30 et finir à minuit. Dès avril, on allégea Coppélia « d’un lot de mesures », dont un pas de sept au 3ème tableau de la Fête de la cloche : « Coupure regrettable, si l’on songe que ce divertissement réunissait, entre autres, Mlles Fioretti, Beaugrand et Fonta » (99) nota Dorante, alias Georges Grisier. À la générale, le rideau tombant après minuit, on coupa encore, un pas de trois, « avec un épisode important, par Mlles Fonta et [Annette] Mérante » (100), avant de lire : « Bien qu'un grand poète ait soufflé au chorégraphe son divertissement de la Cloche, cet épilogue tient si peu au ballet, qu'unjouroul'autre,ils'endétachera » (101) Inspiré du Chant de la cloche de Friedrich Schiller, selon le musicien Théodore Dufaure de Lajarte que nous retrouverons bientôt, le divertissement fut supprimé le 28 avril 1872, avant d’être restauré par le chorégraphe Pierre Lacotte le 18 décembre 1973. En attendant, les heures du matin dansant autour d’elle, « svelte et vaporeuse » Laure incarna l’Aurore. Johannès Weber regretta « qu’on n’ait su faire danser à Mlle Fonta qu’un insipide pas dans le finale » (102), tandis qu’à contre-courant de l’admiration portée à Bozzacchi, Frédérick, alias Alexandre Vührer, bientôt propriétaire du ParisJournal nota : « Elle ressemble à Mlle Fonta en petit, très petit, et pourra la doubler à l’occasion » (103). Malgré la déclaration de guerre à la Prusse survenue le 19 juillet, Laure dansa l’Aurore et d’autres rôles jusqu’au 31 août. Le 2 septembre, date où l'Empereur fut fait prisonnier à Sedan, elle parut dans Guillaume Tell. Le 4 les évènements se précipitèrent. Ainsi aux suites d'une journée d'émeutes, l'Empire fut renversé. Un gouvernement de défense nationale s'installa à l'hôtel de ville, on ferma les théâtres, et alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Pétersbourg, Saint-Léon,
qui depuis 1863 consacrait ses congés d’été à l’Opéra, mourût d’une rupture d’anévrisme. La veille, Laure figurait encore dans la Muette, mais le 18 septembre, lorsque le siège prussien débuta, bien qu’il soit fait état d’une demande de congé pour danser à Milan, requête dont nous ignorons la date précise ; tout porte à croire que « la représentante assermentée de la danse noble » affronta auprès des siens la famine et l’hiver particulièrement rigoureux. Car le 6 octobre, Le Figaro nota : « Des artistes connus de l’Opéra, il n’y a
plus ici croyons-nous que la jolie petite étoile qui, se levait lorsque la tempête est survenue, Mlle Bozzacchi et Mlles Fonta et Beaugrand » (104). Le lendemain, parmi d’autres artistes, Bozzacchi et Beaugrand seront vues protestant dans la cour de l’Opéra contre le gouvernement, auquel Perrin avait donné sa démission. Car depuis le 1er octobre, les appointements étaient suspendus, Le Ménestrel d’écrire alors : « Nous n'ignorons pas aussi que M. Jules Simon avait indiqué la suppression du corps de ballet comme une économie
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DANSE
Coppélia, l’Aurore, Alfred Alberth
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méritoire » (105). Le 28 octobre, Simon, ministre de l’Instruction publique autorisera toutefois le chœur et l’orchestre à se constituer en société à ses risques et périls. Ainsi, le 6 novembre 1870 l’Opéra rouvrit pour des concerts sous la direction bénévole de Perrin, lequel se chargea peu après des obsèques de Bozzacchi, lui évitant la fosse commune. Affaiblie par les privations, « la petite étoile », qui occupait avec sa mère « un logement sombre dans une maison triste » 18 passage Saulnier, avait été emporté le 23 novembre par la variole. « Tout le personnel de l'Opéra était aux funérailles », et peut-être Laure écouta-t-elle émue Delibes jouer à l’orgue une marche funèbre reprenant des motifs de Coppélia avant de suivre le cortège jusqu'au cimetière Montmartre. D’après l’actrice Marie Colombier, à l’initiative avec Beaugrand d’une souscription en faveur du corps de ballet laissé sans ressources, et dont la sœur Amélie débutera auprès de Laure en 1876 : « Pendant le siège, les pauvres petites, pour entretenir l’élasticité de leurs membres, car il fallait malgré tout rester en forme venaient tous les jours à la classe faire leurs exercices, toutes bleuies de froid » (106). L’on sait que Beauchet enseignait au Conservatoire rue Richer, et que Mme Dominique exilée à Londres, avait confié ses élèves à Victorine Legrain. Sa classe passage Saulnier servant
de dortoir à des gardes mobiles, Legrain, qui avait quitté l’Opéra en 1857 pour faire carrière en Italie, donnera ses leçons au Conservatoire. Après l’épreuve de la guerre et du siège, le 18 mars 1871 vint la Commune de Paris écrasée dans le sang par le gouvernement d’Adolphe Thiers, du 21 au 28 mai.
Faisant renaître l'espérance, l’Opéra rouvrit le 12 juillet 1871. Entre temps, reculant devant les difficultés de l'entreprise, Perrin nommé administrateur de la Comédie-Française, avait cédé sa place à Olivier Halanzier, directeur du Grand-Théâtre de Lyon, lequel s’était offert de se charger du fardeau à ses risques et périls. Autrement dit, comme ses devanciers, en mettant en jeu sa fortune moyennant une subvention du gouvernement. Le temps qu’elle soit votée par la Chambre, le personnel forma la Société des artistes de l'Opéra afin d’exploiter lui-même le théâtre. Elle comprenait une vingtaine d’artistes de la danse, dont Laure, Beaugrand, Annette Mérante et Félix Rémond, lequel s'occupait aussi de télégraphie : breveté en 1868 son télégraphe imprimant était toujours « recommandé par son extrême simplicité et son prix peu élevé ». Le 28 février, lors d’une soirée de charité initiée par Marie Colombier, les quatre s’étaient produits au Vaudeville. Laure et Annette Mérante, nièce du maître de ballet dansaient une Mazurka, dite nationale. Le 12 juillet, après un an de chômage, c’est dans la Muette avec Fiocre en Fenella qu’ils retrouvèrent la salle Le Peletier. À cette occasion, Mérante allongea le divertissement en combinant divers motifs d’Auber. Mais pour certains chroniqueurs, dont il faudrait relever la bêtise, un divertissement ou un ballet était toujours trop long, voire « souverainement ennuyeux ». Parmi les plus doux, Benoît Jouvin écrivit : « Le divertissement, introduit en contre bande au 3ème acte, est joli, mais beaucoup trop long. [Louis] Mérante, Beaugrand et Fonta exécutent, avec beaucoup de grâce et de vivacité, cette saynète à l'italienne » (107). Johannès Weber nota quant à lui : « Le public a paru s’intéresser à la danse autant qu’à la musique, grâce à Rémond et Mlle Fonta, le pas de l’Oiseleur ne lui a pas semblé trop long » (108). Laure enchaîna Faust, la Juive, l’Abbesse de Robert le Diable suivit de cet écho de Guy de Charnacé : « Mlle Fonta est de la grande école des Taglioni, dont la tradition se perd, hélas ! dans la décadence générale. Le moment semble venu d'utiliser ce riche talent dans la reprise d’un ballet » (109). Ranimant le souvenir de Bozzacchi, avec Fiocre et Beaugrand, à laquelle ne manquait « qu’un nom en off ou en i, pour avoir chez nous la réputation que son grand talent mériterait » (110), en octobre ce fut Coppélia. Dans le rôle de Coppélius, le Lyonnais Francisque Berthier, né
François Garnier remplaçait le Toulonnais François Dauty mort durant le siège. Laure retrouva l’Aurore, mais estimant que ce n’était pas suffisant, Charnacé lui consacra deux colonnes à la une du Bien public. Écrivain, musicologue, agronome, il était l’un fondateurs de la Société des agriculteurs de France en 1867, si l’on se souvient de la passion du frère de Laure pour l’agronomie, il y a peut-être un lien.
« La grande école du ballet est représentée à l’Opéra par Mlle Laure Fonta. Même à l’époque des plus célèbres danseuses, elle eût brillé dans la danse noble, au dire des connaisseurs. N’est-elle pas, d’ailleurs, l’élève de la fameuse Mme Taglioni qui restera comme l’idéal de l’art chorégraphique, une de ces femmes chez qui la distinction des manières et des sentiments égale à la beauté ? Mlle Fonta se fait remarquer par des dons très divers. Fort jolie, grande, svelte et légère comme une sylphide, elle a ce qu’on nomme du " ballon " c’est-à-dire beaucoup de légèreté et une rare vigueur. Son " entrechat à six " est très brillant. En deux " entrechats cinq en volées " elle traverse la scène ; à ce moment on croirait qu’elle est soutenue en l’air par des ailes. Ses pointes sont brillantes, et tout ce qui tient au détail dans son art, la " petite vigueur " par exemple, est, chez elle, fort remarquable, eu égard à sa grande taille. Ce qui caractérise encore Mlle Fonta, c’est qu’elle excelle dans " l'adage ", qu’il ne faut pas confondre avec " les groupes ", dont autrefois les grandes danseuses n’abusaient pas. Dans le premier cas, c’est de l'art, dans le second, c’est de la mécanique. En un mot, tout ce qui constitue la danse noble, trouve chez Mlle Fonta une adepte qui ne transige jamais avec le mauvais goût. C’est ainsi qu'elle répudie les " tourniquets " à l’italienne, dont on fait trop abus maintenant. Elle finit de préférence les pas par une jolie " pirouette " qui les termine, en effet, beaucoup plus artistiquement que ces tours d’acrobates. Les " petits jetés en tournant " qu’elle exécute et dont on ne se sert pas assez au gré des véritables amateurs ; ses " pas de bourrée " , " ses brisés ", ses " sauts de basque ", autrement dit pas enlevés, ses " grands jetés " en remontant la scène, ses " cabrioles battues ", tout cela, chez Mlle Fonta, est d’un fini, d’un brio, qui la place au premier rang des étoiles du jour. Je le répète, l’heure est favorable aux ballets, puisque, sous ce rapport, l’Opéra n’a pas dégénéré. Qu’on remonte donc pour Mlle Mérante le Papillon, où la gentillesse et la coquetterie de la jolie ballerine feront merveille. Qu’on nous rende, avec Mlle Fonta, la Sylphide, Giselle, la Fille mal gardée, en attendant quelque
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ballet nouveau et pour alterner avec Coppélia. Ce sont là des ouvrages classiques qui ne doivent pas quitter le répertoire » (111)
Occupé à chercher en Italie une nouvelle étoile, Halanzier n’ayant pu lire Le Bien public, c’est dans la Tour enchantée, divertissement de Mérante pour la Juive que Laure « fit merveille » en août 1872 : « On lui battait la mesure en l'applaudissant » (112). Le 7 octobre la reprise de la Source encadra les débuts de la Milanaise Rita Sangalli, recrutée par la direction. Sans parler des partisans de Beaugrand, Charnacé insista : « Il est aujourd’hui regrettable que Mlle Fonta n’ait point remplacé dans la Source la Salvioni et la Grantzow, dont elle se fût montrée digne » (113). Victorin Joncières tenta de mettre tout le monde d’accord : « Mlle Fonta personnifie le style et Mlle Beaugrand l’esprit ; Mlle Sangalli représentera la force et la passion. Ce trio d’étoiles chorégraphiques promet de belles soirées aux amateurs de ballets » (114) En attendant, le 30 décembre à l’Odéon, lors d’une soirée au profit des Inondés du département de la Seine où l’on joua le Mariage de Figaro de Beaumarchais, Laure dansa avec Rémond, le Panier de cerises, tiré du Marché des innocents. Puis, le 25 janvier 1873, comme 1ère danseuse, elle participa au jury de l’examen des classes de la danse conduites par Zina Mérante, Mme Dominique, Beauchet et Mathieu. L’ouvrage devant passer en décembre, le 20 février eut lieu l’audition de Jeanne d'Arc d’Auguste Mermet. Achevé en 1867, cet opéra avait déjà été promis en octobre 1870. Pour satisfaire Sangalli, il fut aussi question d'un ballet d’Edmond Gondinet et Delibes confié au Bordelais HippolyteGeorges Sornet, dit Montplaisir. Sur des airs de Raoul Pugno et Clément Lippacher réglés par Antonio Pallerin, les 5 actes de Viviane, verront le jour à l’Eden-Théâtre en 1886. En compensation et sans Sangalli, puisqu’elle se refusait de créer autre chose qu'un ballet, Montplaisir réglera avec Laure le divertissement de Jeanne d’Arc en septembre 1873. Sans quoi, entre les opéras, la Source continuait de faire valoir Sangalli, dont le panache et les tours de force avaient conquis les amateurs du genre Italien, las de la pureté du style Français. Et, Paul Rambler d’écrire : « Mlles Beaugrand, Fiocre, Fonta, ne peuvent espérer arriver à égaler Mlle Sangalli, mais elles pourront, à l’école de la grande danseuse, reformer leur danse dans ce qu’elle a de défectueux, et en élargir le style » (115). Au vrai, conciliant brio et pureté d’exécution, dansant « avec la même perfection le genre noble et le demi-caractère » Laure n’avait pas « tout à apprendre de l’incomparable virtuose » formée par Auguste Huss, en clair héritier d’une dynastie de danseurs Français. « Possédée de la fièvre du travail », Laure manquait seulement de considération.
« Le ballet est ravissant, réglé avec beaucoup d'art et de goût. Mlle Fonta y exécute des miracles de légèreté et de hardiesse » (116). Le 20 mai 1873, Halanzier remit le Freyschütz à l’affiche, si bien que dansant l’Invitation à la valse, Laure ne créa pas Gretna-Green, ballet d’un acte d’Ernest Guiraud, Nuitter et Mérante. Pour le rôle principal, on songea à Sangalli, mais celle-ci dansant à Londres, ce fut Beaugrand avec Fiocre « depuis longtemps déjà le 1er danseur de l’Opéra » (117). Pour autant, Laure ne se croisa pas les bras, puisqu’entre le Freyschütz et d’autres opéras, le 7 juin, « parmi tout ce que Paris renferme de notabilités les plus aristocratiques et les plus élégantes », on l’applaudit chez le comte Rainulphe d’Osmond. Fondateur en 1860 du Cercle de l'Union artistique, musicien lui-même, chaque semaine il tenait un salon artistique en son hôtel de la Porte Maillot. Ce soir-là, avec cinq autres de l’Opéra, Laure dansa et régla la Fête styrienne, chœur dansé du maître de maison et Au Harem, divertissement de Jules Costé. Intrépide veneur, d’Osmond était aussi épris de courses, passion qu’il partageait avec Laure : « Elle n’en rate pas une. Passion platonique d'ailleurs, qui ne sert qu'à ses amis, mais clairvoyante et sûre. Jouer les pronostics notés sur le carnet de Mlle Fonta et s'en faire cinquante mille livres de rentes : quel rêve ! Il parait que ça arrive » (118)
En attendant, il arriva que dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873 l’Opéra Le Peletier brûla. D’après Halanzier, c’est dans un magasin de décors, situé au-dessus d’une écurie que le feu s’était déclaré. Au matin, il ne restait à peu près que les murs du théâtre bâti « provisoirement » en 1821. Les décors de Guillaume Tell, Robert le Diable et la Muette étaient intacts, ainsi qu’un grand nombre de costumes, notamment ceux du personnel dansant. Selon d’autres, 5.200 costumes, 73 décors plus ceux des 15 ouvrages du répertoire courant étaient détruits. À peine livré, le 4ème acte de Jeanne d’Arc était lui aussi parti en fumée, de même que les musiques des œuvres à l’affiche. Pour le reste, bien que l’édifice de l’administration contenant les archives ait été épargné, la caisse et la partition de Jeanne d’Arc avaient été sauvées par deux chanteurs, dont Pedro Gailhard, futur directeur de l’Opéra, futur conseiller municipal à Biarritz. L’architecte, Charles Garnier promettant d'être prêt au 1er janvier 1875, « si les fonds lui étaient accordés », la conséquence du sinistre fut de reprendre la construction de son théâtre débutée en mai 1862. Elle reprit 15 jours plus tard, Halanzier et Perrin se proposant d’avancer les 7 millions nécessaires à l’achèvement des travaux pour des motifs distincts comme l’expliqua C. d'Hennebaut :
« Comment, il y a deux ans, après la Commune, personne ne voulait de l'Opéra que M. Perrin abandonnait ; les
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Rita Sangalli, cliché Pierre Petith
artistesensociétéessayaientdepourvoir aux plus pressants besoins, M. Halanzier, à ses risques et périls, courageusement, confiant, prend la direction, rouvre les portes du théâtre, et le jour où un sinistre épouvantable le ruine à moitié, on voudrait le déposséder pour nommer à sa place M. Perrin, M. Perrin qui ne voulait plus de l'Opéra quand il croyait qu'il n'y avait plus d'argent à gagner et qui veut la nouvelle salle parce qu'il entrevoit la certitude de faire de grosses recettes et de gros bénéfices. C'est impossible, et l'on ne nous fera jamais croire qu'il se trouvera un ministre capable d'un pareil acte d'iniquité » (119)
Au terme d’une convention passée avec Oscar Bardi de Fourtou, ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-arts, Halanzier conserva le privilège de l'exploitation de l'Opéra pendant six années. Mais « la France artistique devant maintenir haut et ferme son incontestable supériorité dans les arts » (120), les engagements des artistes et employés étant respectés, le gouvernement chercha une salle. Ouvert en 1862, le Châtelet était l’une des plus modernes, on y renonça « sur de justes observations de M. Perrin », membre de la commission des théâtres : « Cette salle, en effet, au bord de la Seine, si éloignée du centre, ne serait agréée ni des habitués de l’Opéra, ni des artistes qui, l’hiver surtout, risqueraient d’y compromettre leur santé, les chanteurs notamment » (121). En clair, « la première troupe du monde » aurait dû renoncer à ses habitudes indolentes et partager le sort des artistes des théâtres, dits secondaires ou inférieurs. Mais poursuivons, car Halanzier qui n'avait jamais mis les pieds au Châtelet, ne sera pas en reste. En effet, l’éclairage de la salle n’étant pas de son goût, « pour ne pas entreprendre des travaux qui demanderaient trop de temps, on conserverait le plafond lumineux, auquel on adjoindrait une couronne de petits lustres » (122). Bref, on laissa le Châtelet, puis l’Odéon, pour s’installer en janvier 1874, malgré les dimensions restreintes de la scène au Théâtre-Italien, place Ventadour. Les opéras en français y alterneront avec les productions en italien de la troupe du musicien et imprésario, Moritz Strakosch. Sans écho de Laure pendant ce chômage prolongé, sans doute passa-t-elle une partie de ses journées à la Bibliothèque nationale, « à déchiffrer des livres, des estampes, à prendre des notes » (123). Notons qu’en dehors de ses recherches, « l’érudite dans l'art de la danse » avait une autre passion : « Elle adorait les vieux meubles, les vieilles tapisseries, les vieilles assiettes. La collection qu'elle avait réunie, pièce par pièce, dans son appartement, était même des plus remarquables » (124). « Plus gracieuse, plus légère que jamais » Laure reprit salle Ventadour le 19 janvier 1874. On donnait Don Juan, puis selon les jours,
Faust, Guillaume Tell, les Huguenots, Robert le Diable, où elle évolua « avec son impalpabilité ordinaire » (125) jusqu’à fin octobre. Alors « une indisposition grave », on parle d’une pleurésie, la tint éloignée de la scène. Ses admirateurs la retrouvèrent le 26 novembre 1874 dans Robert le Diable qu’elle dansa trois fois jusqu’en janvier en alternance avec Élise Parent. Ni Faust ni Don Juan ne lui revinrent : « Désormais, Mademoiselle, c'est vous qui danserez ce pas ! ». En son absence, la Bordelaise Élisabeth Piron, dite Élisa l’avait doublé dans Don Juan. « Pleine de vigueur et de grâce », passée par Lyon, Marseille, Toulon, Lille, Barcelone et le Châtelet, Piron avait été reçue à l’Opéra en 1872. Quittant l’Opéra en 1886 pour l’Éden-Théâtre, puis Rouen, bien que sortit « des classes de danse départementales », en 1894 Piron enseigna à l’École jusqu’à sa mort en 1897. Âgée de 49 ans, on lira alors : « C’était la danseuse " classique "dans toute l’acception du terme, et elle fit, en compagnie de Mlle Fonta, triompher la vieille école aujourd'hui quelque peu délaissée » (126)
Charles Garnier ayant tenu promesse, le 5 janvier 1875, « le plus grand théâtre du monde » fut inauguré avec pompes, quoiqu’on se plaignît de tous côtés du programme : « On n’y a célébré ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. C’est l’apothéose du vide » (127) nota O. Le Trioux, alias Victor Michal, poète et magnétiseur. Plus indulgent à l’égard de la direction, Alphonse Duchemin, dit Defère écrivit : « Cependant personne n’a rien regretté, chacun étant venu là plutôt par curiosité de voir la salle et le nouveau monument que d’écouter des opéras dont toutes les oreilles sont rebattues » (128). Après l’ouverture de la Muette, le rideau se leva sur deux actes de la Juive dont le divertissement dû à Mérante servit de début à Malvina Bartoletti, de la Porte-Saint-Martin à laquelle Marie Pallier donna la réplique. La diva Christine Nilsson ayant déclaré forfait, Halanzier supprima Hamlet (1868) d’Ambroise Thomas dont le ballet de la Fête du printemps dû à Petipa devait mettre Beaugrand et Fiocre à l’honneur. L’on termina comme prévu par le 2ème acte de la Source, qui permit d’applaudir Sangalli. Ainsi, ni Beaugrand, ni Laure ne participèrent à l’inauguration. Hamlet n’étant pas dans les attributs de Laure, peut-être était-elle déjà malade ? En tous cas, la presse s’émut de l’absence des deux danseuses et confia qu’elles avaient reçu dans la journée des marques nombreuses de sympathie. Deux jours après, le 7 janvier 1876, Laure se montra pour la première fois sur la scène du Palais Garnier dans la Juive, avant que « son état de santé ne nécessite du repos ». Elle reprit le 2 février à nouveau dans la Juive, encouragée par « ce profil » anonyme publié par Le Gaulois : « Fonta : Quand
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Élisa Piron, cliché Numa fils h
elle prend son vol, chacun lève la tête ; On est tenté de dire aux astres : rangez-vous ! Le public la rappelle, et l'étoile regrette de redescendre jusqu'à nous » (129)
Précédant le 1er acte de la Source, le 25 janvier la Favorite était revenue à l’affiche avec Blanche Righetti qu’Halanzier était allé engager outre-Manche. Née Convers, formée à l’Opéra sous le nom de Ricois, depuis 1868 elle obtenait de grands succès à Londres sous pavillon Italien. À ses côtés, le 16 février et deux fois de plus, Laure suppléa Sangalli dans le 1er acte de la Source, sans écho, car la presse ne fut pas convoquée. Idem, quand elle reprit Hamlet en avril au bras de Bartoletti tout en suivant les Courses du bois de Boulogne. Mais pour les amateurs de parodie, c’est aux Variétés le 26 mai lors d’une soirée au bénéfice de l’acteur Louis Bouchené, dit Baron que Laure mit en scène le 2ème acte de Giselle avec les hommes de la troupe. Tenant ordinairement les rôles de duègne, Aline Duval était Giselle auprès de José Dupuis, tandis qu’Édouard Nicole, dit Léonce personnifiait Myrtha de ses « pas les plus vaporeux ». Sinon, entre les mêmes intermèdes lyriques, on parlait toujours de Jeanne d’Arc, d’un nouveau ballet, car en
plus d’être les deux seuls titres refaits aux mesures de la scène de Garnier, la Source avait été joué deux fois en entier depuis janvier, de même que Coppélia reprit en juin avec Beaugrand et Sanlaville. Sinon, étudiant avec soin les traités de notation, on parlait aussi d’un « gros livre » que Laure préparait sur les traditions oubliées.
« Ah!queMlleFontadansebien,etcomme on courrait la voir si elle nous arrivait de Vienne ou de St-Pétersbourg ! » (130). Le 5 avril 1876, après bien des déboires, Jeanne d’Arc vit enfin le jour. Sans pitié, Léon Kerst donna le ton : « Le nouvel opéra de M. Mermet se compose des restes des autres et des restes de M. Mermet lui-même. L’idée neuve est absente » (131) Considérant ou pas la chorégraphie d’Hippolyte Monplaisir, l’ouvrage se composait de deux divertissements de Mérante : L'un, au 2ème acte, avec dames et seigneurs. L'autre, nommé le ballet des ribaudes au camp de Blois, était au 3ème acte « une espèce de fête bohème d’une grande originalité », avec soldats ivres roulant sous les tables, truands, filles folles et bohémiennes dans des costumes « superbes de couleur » d’Eugène Lacoste. Il permit d’apprécier Laure en
bohémienne et la jeune Amélie Colombier en « fille folle ». Née en 1857, la Parisienne sortait de la classe particulière de Mme Dominique, et Halanzier fondait sur elle de grandes espérances. Musicienne et peintre autant que chanteuse et sculptrice, elle avait débuté en décembre 1875 dans un pas de Mérante intercalé dans la Favorite Entourée des premiers sujets, sur des airs du Violon du Diable de Pugni, il s’agissait d’un « solo,avecentrée,andante,variations et rentrée ». Précédée de la réclame des grands soirs, la débutante âgée de 18 ans avait eu très peur : « Ah ! l'émotion ! quelle terrible ennemie des danseuses ! ». Jeanne d’Arc était son second début, et quelques échotiers tentèrent de mettre en relief la supériorité de « la nouvelle Taglioni » sur Laure. Eugène Tassin remit les pendules à l’heure : « On nous assure que Mlle Colombier est pleine de bonne volonté et qu’elle travaille énormément. Elle a raison, car elle en a grand besoin. On s’en aperçoit en voyant danser à côté d’elle Mlle Fonta. Comme ses pointes sont solides, ses cabrioles correctes, ses pirouettes aisées, et tous ses mouvements gracieux. Ce qu’elle fait, on le regarde sans peine, tant elle semble le faire sans effort » (132)
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Amélie Colombier, cliché Benque & Klaryh
Jeanne d’Arc, Bohémienne, costume de Laure Fontaj
Préférant voir du pays, Colombier signa ensuite à Naples et Milan, à Berlin avec Paul Taglioni, à Marseille avec Alfred Soria, à Bruxelles avec le Bordelais Oscar Peigne, dit Poigny, à Londres avant de revenir en janvier 1881 à l’Opéra, où « diantrement appétissante, et bien tournée » (133) elle succéda à Laure. Sans quoi, jouée 15 fois Jeanne d’Arc fut un échec, mais Halanzier se rattrapa à la longue avec Sylvia, ou la Nymphe de Diane, ballet en 3 actes de Delibes et Mérante créé pour Sangalli le 14 juin 1876. Même si l’on coupa une scène après la générale pour un problème de machinerie : « M. Halanzier n’avait qu’à appeler le chef de la Gaîté, M. [Eugène] Godin, à la rescousse ; en quarante-huit heures,c’étaitfait!» (134). Par extraordinaire, durant trois soirs le ballet occupa la soirée avant de faire spectacle en commençant plus tôt avec la Favorite, puis le Freyschütz Ni Beaugrand, ni Laure ne furent de la fête, ce qui était un peu idiot, car le 31 juillet après 10 représentations on rangea Sylvia : Sangalli blessée n’avait pas de doublure. Halanzier arguant de difficultés que les machinistes n'avaient pu vaincre, nul besoin de souligner que le ballet fut un an après réduit à 2 actes. En attendant,
si l’on écoute Henri-Marie Tallemant, administrateur de la bibliothèque SainteGeneviève : « Parvenue à une connaissance telle des danses anciennes », qu’elle était « la seule en mesure de danser n’importe quel pas de n’importe quelle époque » (135) , Laure avait d’autres satisfactions. Ainsi le 28 mai « l’étoile du Grand Opéra » s’était à nouveau illustrée chez le comte d’Osmond dans une Fête au couvent, comédie-ballet de l’homme de lettres Élie Cabrol, dont le comte avait composé l’ouverture dans le goût du XVIIIème siècle. Charles-Marie Widor, organiste de Saint-Sulpice se chargeant des airs de danse de Destouches, Desmarets, Aubert et Mouret. Outre les costumes réaliser d’après les dessins du temps, Laure assurant tout ou presque était secondée par son frère venu des Variétés jouer un jardinier et par six dames de l’Opéra. Citons pour leur bonne volonté : Sanlaville, Fatou, Montaubry, Lamy, Parent et Élisa Ribet. « Quant aux danses, je renonce à décrire l’effet qu’elles ont produit nota Tallemant. Cette résurrection des danses du siècle dernier fait le plus grand honneur à la studieuse artiste qui a reconstitué tous ces pas. Cette façon de danser nous était absolument inconnue. Esprit, entrain, décence, élégance surtout, rien n’y manque. Allons, décidément nos pères avaient du bon ! » (136)
Dès le lendemain, « la danseuse incomparable » retrouva les Huguenots, le Freyschütz, Faust, tout en travaillant avec Théodore de Lajarte, attaché depuis décembre 1873 aux archives de l’Opéra. En vue de célébrer à Dijon le centenaire de Rameau, le musicographe Bordelais, qui entreprit à l’Opéra un travail d’inventaire considérable avait réuni plusieurs airs à danser du compositeur, dont Laure s’appliqua à restituer les pas. Mais le 12 août, cinq italiennes exécutèrent : « les plus horribles pirouettes » sur des airs de l’enfant du pays. La municipalité avait en effet engagé cinq sujets du Grand-Théâtre de Lyon, dont la 1ère danseuse, Adelina Gedda. Le 6 décembre, Robert le Diable revint au répertoire et Laure reprit « avec beaucoup de grâce les pas séduisants de l’Abbesse » (137). En parallèle, l’OpéraComique remontait Cendrillon (1810) de Nicolas Isouard, dit Nicolò. Le vénérable opéra fut joué le 23 janvier 1877 avec l’ajout d’un ballet, les Saisons dont Louise Marquet régla les pas sur des airs allant de Lully, Dauvergne, Méhul à Gossec retouchés par Lajarte. Adolphe Jullien, historien du théâtre lyrique nota : « Mlle Marquet a reconstitué les pas du temps, en profitant des recherches de Mlle Fonta, qui s’est prise d’une belle passion pour la danse ancienne et qui passe tous ses loisirs à lire de vieux traités, à réaliser des dessins hiéroglyphiques qu’elle est seule à comprendre » (138). Toujours pensionnaire de l’Opéra, Louise Marquet, chorégraphe en titre à l’Opéra-Comique était une amie de Laure. Plus tard, sur plusieurs
colonnes, Jullien fit à nouveau référence à ses recherches tout en détaillant les danses et musiques de ce « ballet archaïque » qualifié de « great attraction ». D’autres préfèreront manifester leur intérêt pour la soirée donnée aux Variétés, le 6 mars au bénéfice de son frère Germain. Sur un air de Lully le programme comptait par exemple la Gavotte tendre (1659) reconstituée et dansée par Mlle Fonta, qui fit aussi l’objet d’un long article d’Eugène Gaillet dans L’Évènement, ou encore, Danses et pantomimes réglées par Mlle Fonta et M. A. Guyon. Acteur, danseur, musicien, Alexandre Guyon avait débuté aux Funambules auprès de Mlle Fanny, « une intelligente petite fille » qui devenue Mariquita s’apprêtait à régler à l’Eldorado, une pantomime de Guyon en personne : le Triomphe d’Arlequin. Autrement, alors qu’Halanzier venait d’engager Rosita Mauri en Italie, Laure estimée pour son érudition fréquentait plus régulièrement les salons artistiques de la haute société parisienne. Ainsi la vit-on le 10 avril chez la marquise et le marquis Jules d’Aoust en leur hôtel de la rue de Malesherbes. Homme politique et musicien, sous la baguette d’Édouard Colonne, le maître de maison fit entendre plusieurs de ses œuvres, et notamment des fragments de la Toilette de Diane, ballet dont Laure avait écrit le livret. Quelques jours après, place Cadet, dans le salon du photographe Pierre Petit, avec « une ravissante voix de soprano », c’est sa sœur Augustine qu’on entendit dans Rédemption, drame biblique de Giulio Alary. Le 7 juillet 1877, Zina Mérante, Mme Dominique et Mathieu pour les dames, Albert Friant pour les hommes présentaient leurs élèves, Laure figura au jury de l’examen d’avancement. « De l’élévation, de l’élasticité, de la souplesse » (139), Friant avait débuté en 1854, avant de quitter Paris en 1858 pour Amsterdam. De retour à l’Opéra en 1868, nommé à l’École en 1875, il était aussi le partenaire de Laure dans le Freyschütz, et s’éteindra en 1879 à 46 ans. En attendant, le 6 août, costumée par Lacoste, Laure découvrit la Reine de Chypre (1841) opéra d’Halévy dont Mérante régla le divertissement, qui « valut une véritable curiosité - un homme dansant un pas » (140). Intitulé la Cypriote, ce pas était exécuté par Laure et Miguel Vázquez. Âgé de 22 ans, fils du danseur Francisco Vázquez, dit père vu qu’à 56 ans celui-ci était encore dans la troupe, Miguel s’était distingué dans la classe de Friant au dernier examen, mais comme sa sœur Mercedes, depuis 1874 il passait inaperçu dans les ensembles. En revanche, en octobre, à la énième des Huguenots, Laure et ses compagnes ne portant plus leurs éternelles robes blanches à liséré rose, le divertissement ne laissa personne indifférent. Afin de diminuer certains coûts et renforcer la culture d’entreprise, Halanzier écoresponsable avant l’heure avait eu l’idée de recycler les costumes multicolores des bohémiennes de Jeanne
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d'Arc. Les 10 minutes du Freyschütz imposant de fortes accélérations cardiaques, le 26 novembre Laure ne créa pas Fandango, ballet d’un acte de Gaston Salvayre et Mérante destiné à Beaugrand. Alors, on la revit avec ses complices, le 2 avril 1878 chez le comte d’Osmond dans un divertissement Louis XIV : l’Enlèvement des Sabines « très gracieusement réglé » au milieu d’un bal costumé qui s’acheva au matin par un repas intime de 90 couverts. Puis, le 27 avril à l’hôtel de Rochechouart, chez Agénor Bardoux, ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-arts. « La soirée fut très brillante et d’un attrait particulièrement original. L’attrait consistait surtout dans les danses des XVIIème et XVIIIème siècles, reconstituées par Mlle Fonta et M. de Lajarte, d'après les partitions originales » (141). L'orchestre comptait cinq violons et un piano faisant office de clavecin. Et, si la presse n’exagéra pas un tantinet, la foule était énorme, 5000 personnes environ, « le tout-Paris, la finance et le monde entier étaient représentés ». De cette soirée en l'honneur du Congrès annuel des sociétés savantes de province, subsiste une notice sur l’histoire de la Danse à la cour et au théâtre du XVIème et du XVIIIème siècles établie par Lajarte, qui parallèlement avait entrepris la reconstitution et la publication des chefs-d’œuvre classiques de l’opéra français réduits pour piano et chant. Sans quoi, entre des pièces musicales, dans le salon ou les jardins, sur ce point la presse n’est pas unanime, Laure, Fatou, Lamy, Montaubry et Ribet dansèrent : Sarabande (1675), Menuet (1718), Gavotte (1659), Passepied (1695) et Forlane (1725) sur des airs de Lully, Bertin, Destouches et Aubert. Dans la foulée, alors que la 3ème Exposition universelle de Paris allait se dérouler de mai à octobre sur le Champ-de-Mars, il fut question d’une Exposition chorégraphique dans la salle des conférences du Palais du Trocadéro. Plusieurs séances seraient données, dans lesquelles Laure exécuteraient des pas réglés d’après des documents historiques. « Une Exposition chorégraphique, c’est absolument grotesque ! » (142) déclara Le Soir, dont le directeur Alexandre Vührer, avait jadis préféré Laure à Bozzacchi. Siégeant avec Delibes, d’Aoust, Cohen, Halanzier et d’autres à la commission des auditions musicales de l'Exposition, le comte d’Osmond se porta garant du succès de ses séances, mais l’Opéra communiqua :
« C’est par erreur qu’on a annoncé que Mlle Fonta, aidée de quelquesunes de ses camarades, donnera au Trocadéro des séances chorégraphiques précédées de conférences. Le service exceptionnel de l’Opéra, qui jouera quatre fois au moins par semaine pendant l’Exposition, s’oppose de la façon la plus absolue à ce qu’une autorisation de cette nature puisse être accordée » (143)
Malgré cela, à l’invitation du ministre Bardoux, le 11 juin « la plus agréable des archéologues » retrouva l’hôtel de Rochechouart. Tout le monde politique et littéraire assistait à cette fête qui débuta par deux danses de cour du XVIème siècle. Soit une pavane et une volte dans lesquelles Sanlaville, Parent et Laure faisaient couple avec Vázquez, Louis Émile Perrot et M. Baptiste, dont le prénom nous échappe. Contrairement, à la soirée précédente la partie concert choisie par le ministre n’était pas
dans le ton du décor qui figurait un paysage Watteau. Édouard Deldevez, le compositeur de Paquita (1846) dirigeait l'orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire. Les uns évoquant le ballet des Fleurs animées, les autres le « ballet complet », si l’on se fie au programme la soirée s’acheva par la 3ème des quatre entrées de l’opéra-ballet de Rameau : les Indes galantes (1735). « C'était la première fois depuis cent ans qu'un pareil spectacle était donné à Paris. Le succès a été des plus vifs » (144)
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La Reine de Chypre, Eugène Lacosteh
Après « ce succès d'acclamation », Laure retrouva l’Opéra où Halanzier avait déclaré aux artistes vouloir durant l’Exposition : « montrer aux étrangers la supériorité de notre première scène lyrique » (145) Et, Georges Duval, alias Tabarin, de donner son avis : « Il faudrait, que [M. Halanzier] reprenne les ballets célèbres, dans lesquelles figureraient ses étoiles et tout son personnel. À l’heure où j’écris, en Italie, à Vienne, en Russie, à Londres, à Madrid, partout, même à Copenhague, […] la danse est en honneur, et sur ce terrain nous allons être battus. Prenons-y biengarde! » (146). Pour Beaugrand et Laure, il fut question de Giselle, mais il aurait fallu refaire les décors brûlés en 1873, et les abonnés réclamaient la Muette de Porticci, puis Beaugrand avait Fandango. Ce fut donc Sylvia avec Sangalli. Par ailleurs, le 7 octobre Mauri devait créer la Fête païenne dans Polyeucte de Gounod, seul inédit offert alors que l’Exposition s’achevait. Bref, Laure n’eut que les divertissements usés pour se faire applaudir. Jour de fête ! le 5 novembre sa sœur Augustine fut reçue au Conservatoire, mais le 17 janvier 1879, Yedda, ballet en 3 actes d’Olivier Métra et Mérante revint à Sangalli, toujours à Paris les jours importants. Quant à Mérante, il avait vraiment l’art de remplir les cœurs d’amertume, car tous les sujets, toutes les amies de Laure avaient dans Yedda une part à défendre, sauf elle et Beaugrand. Retournée à ses études, le 26 mars 1879 avec Sanlaville, Parent et trois hommes non cités, « l’élégante danseuse » organisa chez la comtesse Fernand de La Ferronays une série de « divertissements archaïques ». On évoqua après coup un ballet Moyen Âge et un divertissement Louis XV : « deux petits chefs-d’œuvre du genre », tout en lisant sous la plume de Louis Besson, alias
Panserose : « Les apparitions à l’Opéra de Mlle Fonta sont de moins en moins fréquentes, ce dont tout le monde se plaint, car l’artiste est une des dernières gardiennes du grand art classique qu’on néglige tant » (147). D’après le même rédacteur, « l’éminente chorégraphe de l’Opéra » fit néanmoins grand bruit, puisque Léon Gambetta, président de la Chambre des députés lui demanda des danses de l'an I de la République pour la fête du 14 juillet au Palais Bourbon. N’ayant pas étudié cette période, elle fut d’abord effrayée, mais avec le concours de Lajarte qui s’inspira de motifs de Gossec et Grétry, à l’aide de gravures de PhilibertLouis Debucourt, et d’autres sources, à l’exemple d’un cahier de contredanses publié par le maître de danser, Pierre André Landrin, intitulé Pot pourri françois de contredanse ancienne tel qu'il se danse chez la Reine (1775), elle se mit
photos, l’évènement fut très commenté, même par ceux qui partirent avant la fin pour faire leur compte-rendu dans les temps. Aussi, bornons-nous à observer avec Le Globe que la danse fut « une des parties les plus réussie de la fête. Mlle Fonta qui avait réglé le divertissement a obtenu un véritable succès poussé jusqu'à l'enthousiasme » (148). Seule ombre, Le Soleil nota : « Un divertissement fort pittoresque succède au concert. Il n’a pas d’ailleurs obtenu les moindres applaudissements » (149)
au travail. Encombrant l’enquête par une foule de « faussetés », la presse répéta à l’envi : « M. Halanzier a mis son personnel chorégraphique à la disposition de la présidenceavecunebonnegrâceparfaite ». Mais distribuée le même soir à l’Opéra dans les Huguenots, Laure ne put prendre part à son divertissement et choisit parmi « des débutantes » : Marie Monchanin, Marie Roumier, Berthe Bernay, Julia Subra, Marie et Alice Biot, Gina et Isabella Ottolini. Au vrai, la moitié avait du métier, et figurant aussi dans les Huguenots, elles arrivèrent juste à temps. Costumé par Théophile Thomas, dans un décor de fleurs naturelles d’Antoine Lavastre et Eugène Carpezat, sous la direction de Jules Danbé, ce divertissement Directoire enchaîna gigue, contredanse, gavotte, tambourin, et la Marseille lorsque Jules Grévy, président de la République se leva. Sans le choc des
Le 15 juillet 1879, Auguste Vaucorbeil remplaça Halanzier. Portant la signature de Jules Ferry, et s’appuyant sur l’usage de n’avoir que deux « grandes danseuses », le nouveau cahier des charges imposait deux 1ères danseuses. Les contrats de Sangalli et Mauri ayant été prolongés, Beaugrand en premier chef n’avait plus sa place. Ainsi en avril 1880, à son départ regretté, Léon Kerst nota : « Même à l'époque de sa splendeur, l'Académie nationale de danse n'a jamais eu que deux grandes danseuses. Le budget consulté, répondit impérieusement qu'il fallait sacrifier l'une des trois on sacrifia la Française ; cela va de soi, puisque nous sommes en France » (150). Signalons que rien n’obligeait Vaucorbeil dans le cahier des charges à donner des ballets nouveaux, s’il continuait à mettre de la danse dans les opéras. Néanmoins, le 1er décembre 1880, la Korrigane, de Widor et Mérante, toujours jeune premier à 52 ans fut créée pour Mauri. Auparavant, le 8 septembre 1879, la Muette revint à l’affiche. Sous Halanzier, il avait été question de Laure dans Fenella, puis de Sangalli, ce fut Mauri, bien « que le rôle, semblait destiné, en toute justice, à Fonta, la dernière représentante de l’école française » (151) jugea Louis Besson. Par anecdote, au matin du 20 octobre, Vaucorbeil convoqua « le personnel de la danse pour indiquer le mouvement qu'il voulait qu'on prît » dans la valse du Freyschütz. Au vrai, ils étaient six, mais « Mlles Fonta, Fatou et Piron qui ont dû presser leurs variations étaient un peu essoufflées » (152). Autre réforme, dans le souci de mettre les points sur les « i », il changea sur les affiches l’orthographe du Freyschütz en Freischütz Surnommée « la muse austère », Laure s’amusait surtout dans le grand monde. Ainsi, les 15 et 18 avril 1880, la marquise d'Aoust faisant entendre à ses invités une opérette et un ballet de son époux, Laure créa la Toilette de Diane avec d’autres de l’Opéra non cités. Constituant « l’attrait particulier de cette soirée originale », ce ballet-pantomime fut « vivement applaudi et bissé » (153). Ensuite, le 26 avril, avec Sanlaville, Parent, Perrot, Baptiste et Vázquez, « la maîtresse ès science chorégraphique » fut de nouveau reçue chez la comtesse de La Ferronays. Entre pavane du temps d’Henri III, volte de cour et gavotte champenoise, on retiendra la courante de la reine Marie de Médicis
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Contredanses, Pierre André Landrin
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Les Danses de nos pères, Rondeau, illustration Luc Barbut i m
et un air de ballet de Pierre Guédron, autrement nommé Ballet du roy datant de 1617. « Où l’archéologie va-t-elle se nicher ? » (154) s’interrogea Léo Claretie. Il va de soi que certains affectèrent l’ironie, en haussa les épaules. Ce qui n'empêcha pas « lagrandeprêtressedelachorégraphie historique » (155), qui patiemment déchiffrait les annotations dont les chorégraphes se servaient pour indiquer leurs pas, de faire successivement merveille chez la comtesse de Monthozon, chez la vicomtesse de Fazincourt, chez comtesse de Grandval ou encore chez le comte d’Osmond.
Le 20 juillet, malgré « un ciel africain et des températures de feu », comme chaque saison depuis 1873, Laure siégea au jury des deux examens annuels, tout en manifestant « son intention bien arrêtée de prendre sa retraite ». Et, La Presse d’écrire :
« C'est au mois de janvier que Mlle Fonta, la dernière étoile française de la danse à l'Opéra, prendra sa retraite. C'est une perte sérieuse pour l'Académie nationale de musique, car Mlle Fonta était d'une très grande utilité, dansant deux genres parfaitement différents le genre noble et les variations […] ; il faudra donc deux danseuses pour la remplacer. La plus grande qualité de Mlle Fonta, qui n'a pas eu une carrière aussi éclatante que sa regrettée camarade Léontine Beaugrand, était une excessive correction et une précision de mesure hors de pair. Ce n'est pas M. Vaucorbeil qui a fait les démarches nécessaires pour la liquidation de la pension de retraite de sa pensionnaire Mlle Fonta s'est occupée elle-même de la question, au Ministère. Si certaines difficultés de détail ne s'étaient pas élevées. Elle eut été désireuse de rester à l’Opéra, et l'art chorégraphique français n'aurait pas perdu une de ses dernières et plus vaillantes incarnations » (156)
En attendant, le 28 octobre pour le bicentenaire de la Comédie-Française, à la demande de Perrin qui voulait monter le Bourgeois gentilhomme tel que Molière l’avait joué à Chambord devant Louis XIV en 1670, après « de consciencieuses recherches », Laure s’appliqua à reconstituer les « entrées » de la comédieballet sur les airs de Lully, joués par un quatuor ou un quintette à cordes selon l’angle de vue du critique dans la salle.
La « Maison de Molière » oubliant Laure dans ses notes historiques alors que le programme indique : « Les Divertissements de danse ont été réglés par Mlle Laure Fonta, de l'Opéra ». D’après Raoul Toché, alias Frimousse au Gaulois : « On a rétabli tous les intermèdes de Molière avec musique de Lulli. C'est le chef d'orchestre du théâtre [Laurent Léon], qui s'est chargé de ce travail » (157). Une autre version, est
qu’outre la musique chantée et l’ajout d’une sarabande ou d’un tambourin de Rameau destiné aux Cuisiniers, pour la leçon du Maître de danse, les Garçons tailleurs et la Cérémonie turque, comme au Théâtre-Lyrique de la Gaîté, le 23 janvier 1876, Perrin fit appel au bibliothécaire du Conservatoire : Jean-Baptiste Weckerlin. Lequel avait restitué la musique d’après un manuscrit d’André-François Philidor. Vrai ou faux, ce manuscrit appartenait au Conservatoire avant de disparaître pour se retrouver dans les mains de Perrin, qui l’offrit à Weckerlin. Autrement, associé à Félix Duquesnel, directeur de l’Odéon, Albert Vizentini, administrateur de la Gaîté était à l’origine de cette « restauration » du Bourgeois gentilhomme en 1876. Justamant régla les entrées, et avec flûtes, hautbois, bassons, etc. l’orchestre de Jules Danbé avait été aussi complet que la salle sur une longue série de matinées dominicales. Contrairement à Justamant, qui disposa d’un corps de ballet entier, Laure fit de son mieux avec quatre jeunes de l’Opéra : Louis Émile Perrot, Charles François, Eugène Berger et M. Marius dont le prénom nous échappe. À la fin du 1er acte, ils exécutaient toutes sortes de pas commandés par le Maître de danse joué par Jules Truffier. Le programme du temps signale que cette scène était due à Laurent Faure, ex-danseur, acteur et régisseur au Français de 1809 à 1840. Selon, Le Constitutionnel à la date où il se retira avec une petite pension et une soirée à bénéfice à laquelle Lucien Petipa participa : « Son meilleur rôle était le Maître à danser du Bourgeois gentilhomme, Faure […] donnait sa leçon avec beaucoup d’aisance et de grâce ; il y mettait surtout une gravité naturelle et vraiment plaisante ». Mais il est difficile de passer sous silence, qu’en 1813 : « Son plus beau titre de gloire [fut] la direction du Théâtre-Français en l'absence des sociétaires que, l’Empereur avait appelés à Dresde, pour avoir la tragédie et la comédie à ses ordres au milieu de la guerre. […] Le succès passa toutes les espérances : pas une seule fois on ne lut sur l'affiche le mot fatal relâche ! ». Sinon : « C'est lui qui, le cahier à la main, suivait, réglait les répétitions, les représentations, commandait le lever du rideau » (158). Ainsi, d’après FrançoisJoseph Régnier, Sociétaire qui avait joué le rôle de M. Jourdain en 1865, « le texte d'un caractère technique, dont [Faure] se servait pour donner sa leçon, et que nous avons recueilli, sera toujours utile, nous le pensons, aux comédiens qui auront à jouer ce rôle » (159). On dira plus tard que Truffier appuyait son jeu sur cette chorégraphie préexistante, mais sans doute aussi sur les indications de Laure. Laquelle se tira du Bourgeois gentilhomme, « à son honneur », tout en lisant le mois suivant dans Le Temps : « Mlle Mauri devant être fort occupée par la Korrigane, il est probable que le rôle de Fenella sera confié à Mlle Fonta » (160). C’était là une fausse
nouvelle, parallèlement l’on reparla de sa retraite, Vaucorbeil s'opposant soi-disant « de toutes ses forces à ce départ ». Sur ce sujet, Victorin de Joncières avait écrit en août : « Mlle Fonta est décidée à quitter l’Opéra, malgré les offres qui lui sont faites » (161), avant de prétendre en octobre qu’elle était victime du règlement : «Plusieurs danseuses ayant accompli leurs vingt années de services, vont être mises à la retraite. Parmi ces dernières on cite Mlle Fonta, que son style correct, sa grâce et sa légèreté auraient dû exempter des rigueurs du règlement » (162)
Tout simplement, Laure espérait que la place de Beaugrand lui serait accordée, Vaucorbeil en décida autrement. Quant aux offres qui lui auraient été faites, nous savons qu’elle avait le désir d’être maîtresse de ballet ou professeur, et le 13 janvier 1881, l’on put lire : « Mlle Fonta qui se décide à prendre prochainement sa retraite à l'Opéra restera vraisemblablement attachée à notre Académie nationale en qualité de professeur » (163). En retour, l’Opéra publia : « Quelques journaux ont annoncé qu'une place de professeur de danse allait être créée pour [Mlle Fonta]. Cette nouvelle deviendra peut-être exacte, mais elle est absolument prématurée » (164). Le 31 janvier 1881, pour la énième fois, Laure parut en bohémienne dans les Huguenots À 35 ans, c’étaient ses adieux et « la direction n'avait pas averti le public ». Alors, en première page, Le Gaulois publia un long article, qui peut-être la consola d’avoir été privée des bravos et bouquets que sa carrière méritait. En voici des fragments, où l’on apprend qu’elle effectuait aussi des recherches sur les danses de la Grèce antique :
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«
Après Beaugrand, voici Fonta qui se retire. […] Soyez tranquilles, amis lecteurs, ce n'est pas la dernière ! […] Mais, puisque les abonnés trouvent que tout est pour le mieux sur la plus mauvaise de nos scènes lyriques, […] puisque le public ne se rebiffe pas contre des départs, comme celui de Beaugrand et de Fonta, entendu. Je ne dirai rien et me contenterai de donner quelques notes sur la danseuse que nous perdons. Dans l'art de la danse, Fonta occupait une place à part c'était surtout un savant, quelque chose comme un archéologue. Et puisque M. Vaucorbeil lui fait des loisirs, je propose que le gouvernement lui donne, à la Sorbonne ou au collège de France, une chaire d'histoire de la danse. Je vous jure qu'elle ne ferait point mauvaise figure entre M. [Elme-Marie] Caro et M. [Émile] Deschanel, et que ses cours auraient un vrai succès. L'avez-vous vue chez elle ? Un véritable professeur, moins les lunettes obligées et les longues redingotes.Ellenecessedebouquiner, de travailler, de fouiller et de chercher. Son ambition serait de reconstituer toutes les danses de la Grèce antique. Mais, voilà, les documents lui manquent. Elle a beau fouiller les paperasses les plus anciennes, lire les livres les plus inconnus, elle ne trouve rien sur les danses hyporchématiques et c'est pour elle une véritable douleur. Mais elle ne se tient pas pour battue. À moi la prosodie grecque s'est-elle écriée. Et elle l'étudie, cette prosodie grecque, minutieusement, implacablement, essayant de faire surgir les danses du mètre poétique. Quand je vous le disais. Et soyez certains qu'il y a à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de braves savants qui ne savent rien du tout, et qui méritent moins que Fonta ces honneurs et ces palmes. Fonta a déjà rétabli, d'après des données historiques très authentiques, la danse des Canéphores, l’Emmélie, la Sikinnis, […] la danse du labyrinthe. Le cortège de Bacchus, aux fêtes Dionysiaques, n'a pas de secret pour elle. Elle sait exactement de qui ce cortège se composait, comment il était réglé, et quels pas on y dansait.
[…] En attendant, on la consulte sur tout. Quelqu'un n'a pas aussitôt l'idée d'un divertissement quelconque, vite chez Mlle Fonta. Et Mlle Fonta de régler pavanes, gigues, gavottes, menuets, tambourins, contredanses.
[…] Il n'est pas une danse, pas un pas, qu'elle ne connaisse en perfection.
[…] Et tandis que ses camarades vont au Bois, elle, souvent à pied, se dirige vers la Bibliothèque nationale, des papiers sous le bras, passant toutes ses journées à déchiffrer des livres, des estampes, à prendre des notes, à
guetter, au coin d'une phrase, la danse hyporchématique ! Oh ! celle-là, c'est son cauchemar, par exemple ! » (165)
On appelait hyporchèmes, c'est-à-dire subordonnées à la voix, les danses accompagnées de la lyre ou de la flûte que le chœur exécutait en représentant par des gestes ce que les paroles désignaient. Mais nous n’exposerons rien de ce qui a trait à l’orchestique grecque. À la place, tandis que Laure publiait en 1895 les Danses de nos pères, on évoquera le Dictionnaire de la Danse édité la même année par Gustave Alexandre Desrat, membre de l’Académie internationale des professeurs étrangers, puis président d’honneur de la Société académique des professeurs de danse fondée en 1904. Préfacé par Nuitter qui assure que Laure fut la première à restituer les danses d’antan, mais en la matière disons plutôt que l’invention procède d’évolutions successives. Car le 4 mai 1868, Pierre Hus avait par exemple créé un Bal sous Louis XIII au Grand-Théâtre de Marseille. Malgré des manques avoués par l’auteur au sujet des danses antiques, ce Dictionnaire historique, théorique, pratique et bibliographique depuis l’origine de la danse jusqu’à nos jours comblait une lacune, puisque le premier datait de Charles Compan en 1787. Formé par son père, Georges Gabriel Desrat, maître de danse né en 1798 à Saint-Mards-en-Othe (Aube), médaillé de Sainte-Hélène pour avoir été blessé à Waterloo, mort à Paris en 1887, Gustave Desrat qui régna sur les parquets des bals et des salons jusqu’en 1913, était aussi élève du « savant et érudit maître de ballet » Édouard Carey, dont les débuts avaient été « vivement applaudis » à l’Opéra en 1841 avant qu’il ne parte pour Milan. Déjà en 1834 l’Opéra avait laissé filer son frère aîné Gustave, « danseur tout à fait hors de ligne ». Ajoutons que les deux frères, élèves d’Auguste Bournonville avaient pour père, le maître de ballet André Isidore Carey. Ainsi, à l’instar d’Édouard Carey auquel le dictionnaire rend hommage, Desrat, fils du maître de danse, Georges Gabriel Desrat décédé en 1889, était un enfant de la balle. Mais il y aurait tant à dire, puisque peintre à ses heures, Desrat déposa semble-t-il en 1859 un brevet de cire à cacheter, dite
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1905 g
Gustave Desrat,
cire ignifère. Né à Paris en 1831, connu depuis 1855 pour ses albums théoriques, et comme Laure parfois blagué pour ses études historiques : « Comment voulezvous qu’on prenne au sérieux des gens qui passentleurvieàdanser? » (166). Desrat avait épousé à Paris en 1857 Adelaïde Mayer, laquelle le secondait dans ses leçons de danse et maintien à Dieppe, à Boulognesur-Mer, chez Louis Périn, maître de danse, dont le fils Alexandre Charles également professeur était son filleul, mais aussi à Paris, 8 rue Saint-Guillaume, puis 40 rue des Saints-Pères. Une vieille maison, une immense bibliothèque, d’insignes raretés qu’il destinait aux archives de l’Opéra. On ignore ce qu’il advint, en revanche tout en qualifiant Laure « d’érudite bibliophile », Desrat nous informe que Carey possédait lui aussi une collection de livres rares dont il se sépara en partie, le 27 mai 1867. Anxieuse de connaissances nouvelles, on imagine que Laure assista à la vente rue des Bons Enfants. Plus tard, Nuitter et Lajarte acquerront des « manuscrits précieux » que Carey avait pieusement gardé à SaintDenis où il mourût en 1880. L’occasion de dire qu’au décès de Laure, Germain remit à l’Opéra plusieurs acquisitions de sa sœur : une pochette de maître à danser, et une vingtaine d’ouvrages dont Chorégraphie ou l'art de d'écrire la dance (1700) de Raoul-Auger Feuillet. Sans quoi le volume de Desrat offrait une large bibliographie invitant à lire Athénée de Naucratis, Lucien de Samosate et d’autres Anciens sur lesquels Laure, « grandement éprise de son art » s’appuya pour faire revivre les danses hellènes en appoint d’éléments fournis au Louvre par les vases peints de la collection Campana, les bas-reliefs, les statuettes antiques.
Le dictionnaire mettait aussi en avant divers albums théoriques, qui permirent à Desrat, en parallèle des études de Laure de relancer dans les salons, le menuet, la gavotte, la contredanse. Attaché aux règles de l’art, au tournant du siècle, Desrat dont la date de décès reste introuvable, mais qui survécu à son épouse morte à Paris en 1914, déplorera « l'américanomanie », qui substituait le boston à « notre élégante contredanse ». Pour souligner à propos de l’orchestique grecque, qu’Isadora Duncan, alias le salut et la lumière du Nouveau Monde, ne révéla que sa fantaisie à la vieille Europe en 1901. Outre les travaux de Friedrich Nietzsche sur la tragédie grecque entamés dès 1870, 20 ans avant l’Américaine qui prétendit à un « travail colossal », François-Auguste Gevaert, directeur de la musique à l'Opéra de 1867 à 1870, dont l’Histoire et la théorie de la musique de l’Antiquité (1875) était pour Laure une référence. Louis-Albert Bourgault-Ducoudray, prix de Rome, professeur en histoire de la musique au Conservatoire, qui parlant « d’union rêvée » avait trouvé dans l’érudition de Laure « les renseignements qui lui manquaient » (167) et
d’autres hellénistes s’étaient penchés sur le sujet. À preuve, en 1895, lorsque parut le dictionnaire de Desrat, le musicien Maurice Emmanuel publia : Essai sur l'orchestique grecque. Élève de Bourgault-Ducoudray, il était entré au Conservatoire en 1880. L’année d’après, assistée de sa sœur, Laure produisit « le résultat pratique de ses longues études sur la danse grecque » (168)
C’était le 7 avril 1881, 14 rue Nitot, dans l’atelier du peintre chilien Santiago Arcos y Ugalde, qui passa de longs séjours au Pays basque. Élève du bayonnais Léon Bonnat, héritier à 22 ans d'une fortune considérable après le suicide de son père en 1874, Arcos sera membre du comité d'honneur de la Société des amis des arts de Bayonne-Biarritz fondée et présidée par Bonnat en 1902. Deux expositions annuelles plus tard, sur les plans du Bordelais Alfred Duprat, il fit élever à Urrugne la villa Arcos Enea avant de faire l’objet en 1906 d’un arrêté d’expulsion pour avoir protesté contre l'inventaire de l'église de Saint-Jean-de-Luz. Affirmant qu’il se trouvait là, en simple spectateur, ce n’est qu’en 1910 qu’il quitta Urrugne pour San Sebastián, où il mourut en 1912. Laissant une collection de vêtements du XVIIIème siècle que sa femme, María de la Concepción Cuadra y Viteri légua dans les années 1940 au musée San Telmo. « Valseur infatigable », Arcos dansait aussi le menuet, était-ce l’usage de ces costumes ? Pour revenir à la fête qu’il offrit en 1881, elle fut « sans contredit, une des plus curieusesetdesplusréussiesdelasaison ». Devant un auditoire d’élite, Jules Truffier, expliquait avant chaque danse, le sujet de la scène. Bourgault-Ducoudray, qui lors d’une mission de quatre mois en Grèce et en Orient avait pu recueillir en 1875 des airs de toutes sortes, en avait harmonisé plusieurs « d'une manière archaïque », c’est-à-dire suivant les modes diatoniques usités dans l’Antiquité. Récoltés à Smyrne et corrigés dans le texte par Émile Legrand, présent ce soir-là, certains paraîtront en 1876 dans un recueil de 30 Mélodies populaires de Grèce et d'Orient Aux antipodes des danses hellènes de Duncan sur Beethoven, Gluck ou Bach, écoutons Laure évoquer son programme : « Ces hyporchèmes harmonisés pour flûtes et harpes par M. Bourgault-Ducoudray, puis une ode d’Anacréon mimée sans autre musique que la déclamation du vers grec en suivant mot à mot cette belle langue, ont été exécutés par nous et notre jeune sœur dans les salons les plus artistiques de Paris en présence d’hellénistes des plus distingués » (169). Et un invité de témoigner : « Mlle Fonta a obtenu un très grand succès en mimant une scène sur des vers grecs, récités par M. Legrand, professeur au collège des langues orientales. C’était excessivement étrange. Pendant une heure et demie, nous avons été complètement sous le charme, et c’est avec le plus grand regret
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Louis-Albert Bourgault-Ducoudray, cliché Henri Manuel h
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que nous avons entendu le dernier accord d'une délicieuse danse de bacchantes » (170). Évidemment, donnant raison à Guy de Maupassant : « Mon Dieu, mon Dieu, que les journalistes sont bêtes ! », à l’instar du Gil Blas, l’on moqua sa démarche : « Les danses grecques restituées par Mlle Fonta ont ouvert une voie nouvelle à la chorégraphie. Le compositeur Z. nous disait hier : J'essaye, moi aussi, de faire un pas avec toutes les lettres de l'alphabet grec. Alpha marche bien, mais bêta laisse à désirer » (171). Le 9 avril, c’est malgré tout chez Pierre Véron, directeur du Charivari, que Laure dansa avec « un entrain endiablé » la Sabotière de la Korrigane avec Mauri, Mérante et Widor au piano. Dans le même temps, sur une musique de Lajarte, « l’éminente artiste » réglait à l’Opéra, Divertissement Louis XIII que les élèves dansèrent le 20 avril à l’hôtel Continental. Même salle des fêtes, le 23 mai ce fut une Noce sous Louis XIV, d’après les manuscrits du temps. En clair le Nouveau recueil de dances de bal et celles de ballets, de Louis Pécour, édité par Michel Gaudrau en 1715. « Ah ! mes amis, quel bijou, quel chef-d’œuvre et on peut bien le dire, quelle œuvre ! car, de telles reconstitutions du passé sont vraiment des créations » (172). Les plus grands noms étaient dans la salle, mais nulle ne cita les danseurs, et seul Le Voltaire entendit « des airs moyen-âge ». Entre temps, le dimanche 1er mai, dans son hôtel de l'Alma, la comtesse Jeanne de Beaumont-Castries convia « ses invités à un essai de restitution des danses grecques antiques par Mlle Fonta et sa sœur ». Avant, sur papier monogrammé non daté, mais que nous pouvons à présent situer un jeudi matin, Laure lui écrivit du 22 rue de Saint-Pétersbourg :
« Madame, Veuillez me dire s’il n’y a pas d’indiscrétion de ma part en vous demandant d’inviter à votre soirée de dimanche M. Vaucorbeil qui n’a pas l’honneur de vous connaître, vous savez qu’il est intéressé en artiste à toutes questions d’art, or je causais avec lui hier soir de mes danses grecques et je crois qu’assister à l’exécution ne peut que l’intéresser au plus haut point. Les musiciensnepeuventrépéternisamedi, ni dimanche, veuillez avoir pour ces messieurs 3 pupitres à lumières. J’irai chez vous dimanche après 2 heures comme vous me l’avez indiqué, pour les derniers préparatifs. Veuillez, Madame, agréer l’expression de mes sentiments distingués. Laure Fonta »
On ignore si les essais de Laure captivèrent l’attention de Vaucorbeil. En attendant, vrai ou faux, les vases grecs du musée de Naples et ceux de la collection [William] Hamilton venaient de lui offrir de nouveaux éléments, et d’après Le Constitutionnel, journal de référence, qui plaida pour son entrée à l'Académie des beaux-arts, Laure cherchait aussi à faire reconstituer des instruments à l’exemple de « ces flûtes, monaules, zygie ou paroénie, que suivant Lucien, on payait jusqu'à sept talents ! ». Et Le Constitutionnel de conclure : « Nous voilà loin, n'est-ce pas, avec Mlle Fonta, des futilités habituelles du foyer de la danse. Toutes ses recherches sont tout simplement du grand art. Il est bon de le dire une fois en passant — en attendant que l'attention de la critique se soit tout à fait éveillée comme il le faudrait, sur ces travaux — et j'insiste sur le mot — sur ces travaux véritablement remarquables » (173)
Entre temps, le 12 mai 1881, c’est chez la baronne Gustave de Rothschild qu’on exécuta des danses grecques : « Mlle Fonta dirigeait les figures de ce ballet d'un style si poétique » (174). Avant, le 10 mars, en vue d’une tournée d’été, Germain avait présenté aux Variétés, la Saint-lundi, vaudeville de feu Louis-François Nicolaïe, dit Clairville, pour lequel Laure avait reconstitué des danses Louis XV sur des airs d’Édouard Nicolaïe, fils. Disons seulement que le projet tourna court au Havre. Autrement, faisant l’objet de réactions variées, fin août l’on annonça : « Nous apprenons que Mlle Fonta, l’ex1ère danseuse de l’Opéra, vient de faire un héritage d’un million ». On se souvient qu’elle vivait « maritalement et sagement avec un sympathique gentilhomme qu'elle entoura de ses soins et de son affection jusqu'à sa mort ». Le 17 août, le baron Arthur Henry d'Overschie de Neeryssche, né à Bruxelles en 1832 s’éteignit dans une maison de santé de Neuilly. Frappé d'aliénation mentale, il y avait été enfermé en octobre 1880, et selon les dires : « sa maladie consistait à se croire un militaire condamné par le général [Jean-Joseph] Farre ». C’est possible, car durant la guerre
de 1870, Farre s’était illustré dans les armées de l’Est et du Nord, tandis que prenant part à la défense de son pays d’adoption, d’Overchie officier dans la garde mobile de l'Aisne, s’était distingué au siège de Soissons. À cette époque, un conflit patrimonial l’opposait à son père le baron Auguste-Charles. Mais déjà en 1865, un jugement avait ordonné la convocation d’un conseil de famille, car depuis sa majorité, il s’adonnait à la passion du jeu. L’été dans les villes d’eaux, l’hiver dans les cercles de Paris, ses ressources n’étaient pas suffisantes pour le genre de vie qu’il avait adopté. « Très connu et très aimé dans Paris », il appartenait au Jockey Club, dont les membres peuplaient les loges d’avant-scène à l’Opéra, et l’on imagine qu’il aborda Laure au foyer de la danse. Âgé de 44 ans, ses obsèques eurent lieu le 23 août, en l'église de la Madeleine, et ses nombreux amis tinrent à lui dire un dernier adieu.
Ne portant pas le grand deuil, puisqu’elle était vêtue « d’une toilette de satin bleu marine, avec riches guipures de Gênes et un collier de chien en diamants », Laure ne reparut dans le monde qu’en novembre. C’était le 14, chez la femme de lettres Juliette Lamber, autrement dit Mme Edmond Adam, fondatrice de la Nouvelle Revue pour y entendre, le poète Jean Aycard dans sa traduction d’Othello de Shakespeare. Plus tard, en février 1882, dite « en grand deuil depuis la mort du comte (sic) d'Overschie, qui lui a légué un million », pour sans doute indiquer aux cambrioleurs qu’elle collectionnait l’argenterie, au Gil Blas, le bien nommé Bric-à-brac dévoila : « Elle en possède de superbes pièces et ses vitrines tenteraient plusd'unfinancier.Sonintérieurressemble à un appartement de duchesse, d'une simplicité toute aristocratique. Un Christ étend ses bras protecteurs au chevet du lit. Cette fureteuse d'enlacements abolis serait-elle une dévote ? » (175). Dévote ou pas, ce n’est que le 14 mai, chez la comtesse de Beaumont-Castries, que Laure renoua avec la danse. Auparavant, sans date, mais sur un papier de deuil que nous pouvons désormais circonstancier, rentrant probablement de Lagny, elle lui écrivit :
« Madame, J’ai trouvé votre petit mot hier en rentrant des champs et accepte pourdimanchevotreinvitation,toujours pour 7h30 sans doute et malgré que ce soit votre jour de réception ? Je me suis occupée du costume et je dois décider demain matin la forme du pantalon. M. Sauzay est venu ce soir, j’ai choisi pour introduction à son air Mauresque un andante qui me permettra d’amener et de varier un peu la danse, je pense aussi que son fils pourra venir jeudi vers 6 h. pour me jouer l’ensemble et me donner l’harmonie de la musique qui me concerne. Vous voyez par cela
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Monogramme Laure Fonta i
Madame que tout marche et est en bonne voie. Agréez Madame tous mes meilleurs et gracieux compliments.
Laure Fonta »
Après coup, Le Figaro lança : « Grand succès pour Mlle Fonta, dansant et mimant un intermède de Molière, en costume oriental blanc, rouge et or. Elle a exprimé la passion et la jalousie avec un talent prodigieux » (176). Remise en musique par Eugène Sauzay, professeur de violon au Conservatoire, Coquelin aîné, de la Comédie-Française se chargeant de la lecture, la comtesse avait fait entendre, le Sicilien, ou l'Amour peintre (1667) comédie de Molière et Lully. Intercalée à l’origine dans le Ballet des Muses, la pièce comptait en son temps trois intermèdes, dont une mascarade mauresque à laquelle Louis XIV avait pris part et qui clôturait la comédie. Faute d’éléments, accompagnée de trois chanteurs et du violon de Julien Sauzay, fils du premier, peut-être Laure interpréta-t-elle l’air de l’esclave turc mêlé de danses du 2ème intermède ?
Plus tard, en septembre, l’on put lire : « M. Lajarte, bibliothécaire de l’Académie nationale de musique, partira ces jours-ci pour Bruxelles, afin de faire entendre à MM. [Oscar] Stoumon et [Édouard-Fortuné] Calabresi, directeurs de la Monnaie, la musique d’un ballet, dont le scénario a été composé par Mlle Fonta » (177). Intitulé les Jumeaux de Bergame, le ballet ne fut pas reçu à la Monnaie, mais au Théâtre des Arts de Rouen, où en janvier 1883 la presse prévint : « On répète actuellement deux ouvrages de M. Lajarte : d'abord un petit opéra-comique sans prétention, intitulé Pierrot ténor […] ; ensuite un ballet en collaboration avec Mme Laure Fonta : les Jumeaux de Bergame, d'après la comédie de [Jean-Pierre Claris de] Florian. La musique et les danses de ce dernier ouvrage ont été composées et réglées d'après les procédés en usage à la fin du XVIIIème siècle. Ce sera un vrai régal pour les amateurs de chorégraphie artistique » (178). On ne sait pourquoi, ni Pierrot ténor, ni les Jumeaux de Bergame, dont Laure devait faire la chorégraphie ne furent vus à Rouen. Réglé par Mérante, donné alors comme l’auteur du livret, le ballet sera créé au Casino de Saint-Malo, le 2 août 1885 avec Sanlaville, Alice Biot, en travesti et deux autres de l’Opéra. Puis, avec Vásquez, Francis Mérante et dix danseuses de plus, on « l’entendit » soi-disant en entier, le 26 janvier 1886 à l’Opéra, où après Laure et Mérante, Nuitter apparut comme le librettiste. Selon l’Opinion nationale rectifiant à sa demande un article titré « Une danseuse à la Comédie-Française », touchant une pension de retraite sur la caisse de l’Opéra, en vertu du règlement, Laure « ne pouvait contracter un engagement quelconque sur une scène quelconque » (179). Là est
peut-être la raison ? En attendant, bien que feignant d’ignorer la présence de la danse à la Comédie-Française, l’article mérite lecture :
« Je veux parler, aujourd’hui, d’une nouvelle pensionnaire de M. Perrin, et dont nos lecteurs, ont pu apprécier, naguère encore, la grâce et le talent sur une autre grande scène nationale : Mlle Fonta. Quel est donc son emploi, et quels sont les services que la Comédie-Française peut attendre d'une danseuse, fût-elle de l’Opéra ? Car, je le répète, l’habile administrateur dont je parle se l’est attachée par un engageront et des appointements. Ceux qui s’occupent des choses de la danse — cet art qui compte si peu d’admirateurs et de connaisseurs, — n’ignorent pas l’érudition chorégraphique de Mlle Fonta. L’aimable artiste a consacré ses loisirs, je dirai même sa vie, à son art de prédilection. […] Mlle Fonta qui a quitté fort jeune et dans tout l’éclat de son talent l’Académie de danse, rend à la maison de Molière des services qu’il importait de signaler. […] Sa science du costume aux diverses époques, des saluts variés selon les pays et les temps — étude presque inconnue et toute nouvelle — son habileté dans les réglementés et marches des cérémonies, dans les dispositions des groupes, son coup d’œil, son tact, son goût, toutes ces qualités enfin devaient la désigner pour l’emploi qu’elle occupe, au choix de l'administrateur de la Comédie-Française dont elle est un des plus zélés auxiliaires » (180)
Dès lors, le 9 août 1881, anonymement, même si ce n’était un secret pour personne, « avec le plus grand désintéressement », « l’artiste érudite en chorégraphie, se chargea d’établir toute la partie de la mise en scène relative à la mimique du chœur » (181) d’Œdipe-Roi de Sophocle traduit par Jules Lacroix. Et Auguste Vitu de noter : « La mise en scène […] est très ingénieuse et très savante. Les chœurs, représentés par deux jeunes filles thébaines, prennent part à l'action par une sorte de pantomime du plus dramatique effet, soutenue par une musique instrumentale [d’Edmond Membrée] placée derrière le théâtre » (182) Puis, le 22 novembre 1882 en présence de Victor Hugo pour le cinquantenaire de sa pièce, ce fut le Roi s’amuse. À l’attention de la scène de bal, Delibes avait écrit des airs de danse dans le style ancien, à l’instar d’une pavane : « la Lesquercade dénichée par Mlle Fonta à la bibliothèque de l’Arsenal ». « Bien mieux », ajouta Henri Moreno en la nommant malgré tout, « Mlle Fonta aurait réglé des pas qui n'existent, dit-on, que dans l'imagination du directeur, mais qui s'imposent d'euxmêmes à l'esprit des spectateurs » (183)
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DANSE
Nouveau recueil de dance de bal et celle de balleth
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« La savante fille de Terpsichore », reparut le 26 mai 1883 à Gif-sur-Yvette, lors d’une fête donnée en l’abbaye bénédictine de Notre-Dame-du-Val : un beau parc, des ruines, une ferme que Mme Edmond Adam venait d’acquérir et où se retrouvera le gratin politique et littéraire de la IIIe République. Ce jour-là, promenade dans les bois, excellent déjeuner, puis sur des paroles de Gustave Jundt et une musique d’Adolphe David : les Noces de coquinet, pantomime en 3 tableaux que Laure régla avec des artistes de plusieurs théâtres, le sculpteur Alexandre Falguière jouant Coquinet avant le dîner et le feu d’artifice. Trois heures de route et deux mois plus tard, bref le 15 juillet, sans doute vit-on Laure salle Flaxland, soutenir sa sœur à l'examen de la classe d'opéra de l'école Marchesi. En tous cas, nulle ne s’étonna quand Lajarte lui demanda « un pas d’époque » pour le Roi de carreau, opéra-comique créé aux Nouveautés, le 25 octobre 1883. Mais après de « brillants succès en chorégraphie rétrospective », force est de constater, qu’entre les fêtes mondaines et de charité, les sorties au concert et les articles l’évoquant au passé, Laure ne pouvant « contracter un engagement », son activité professionnelle était réduite. L’on sait toutefois qu’elle passa dix répétitions à apprendre un pas que l’actrice, Marie-Louise Marsy devait exécuter dans les Folies amoureuses (1704) de Jean-François Regnard reprises à la Comédie-Française, le 11 juillet 1885. Et, par un écho du Gil Blas, qu’elle se consacrait à l’enseignement. Le 9 février 1887, il fut néanmoins annoncé : « On commence aujourd’hui, à la ComédieFrançaise, les répétitions du Bourgeois gentilhomme. LadanseserarégléeparMlle Fonta ». Succédant à Perrin, Jules Claretie,
dont le cousin germain Léo Claretie s’était moqué d’elle, souvenons-nous de son : « Où l’archéologie va-t-elle se nicher ? » administrait la salle Richelieu depuis 1885. On imagine qu’il fut bien content que Laure soit amoureuse de son art et œuvre bénévolement. C’est pourtant Édouard Pluque, mime et régisseur de la danse à l'Opéra qu’il avait recruté en juin 1886, non pour succéder à Pierre Beauchamp dans les Fâcheux (1661), comédie-ballet de Molière et Lully, puisqu’il en avait retranché les ballets, mais pour régler la partie dansée de Lisandre jouée par Truffier. On laissera alors entendre que Pluque « avait déjà stylé Truffier en l’art de la chorégraphie, pour le Bourgeois gentilhomme ». En clair, que Laure n’avait pas été efficiente sept ans plus tôt. Surtout, Pluque avait créé chez lui une classe pour apprendre aux artistes du chant et de la comédie à se tenir en scène. Sans quoi, les patrons de l'Opéra, Eugène Ritt et Pedro
Gailhard ayant bien voulu prêter quatre danseurs, soit les mêmes qu’en 1880. Le 15 février 1887, Perrot, Marius, François et Bergé retrouvèrent Truffier en maître de danse.
Plus tard, alors qu’un incendie avait dévasté l’Opéra-Comique le 25 mai, coûtant la vie à 84 personnes dont quatre danseuses de Louise Marquet, la duchesse d’Uzès qui mettait sur pied un « grand festival » au profit des poitrinaires de Villepinte y associa les victimes de la salle Favart. Sculptrice et femme de lettres sous le nom de Manuela, féministe, soutien de Louise Michel tout en étant monarchiste, première femme à obtenir en mai 1898 son « brevet de chauffeuse » et à être aussitôt gratifiée d’une contravention pour excès de vitesse ; c’était le 10 juin, avenue de la GrandeArmée, la vitesse était alors limitée à 12 km/h dans Paris, à 20 km/h sur les routes
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Le Monde Illustré, 18 juin 1887 g
de banlieue. Enfin, exemple de charité dont Louis Lefèvre-Utile fit un élément de publicité, la duchesse d’Uzès, héritière de La Veuve Cliquot, soutenait activement les arts et les artistes, ce qui était pour ainsi dire l’ordinaire des gens comblés par la naissance en ce temps-là. Son festival eut lieu le 11 juin en matinée au Théâtre de Paris, Édouard Colonne dirigeait l’orchestre, et en fin de programme sur une musique du comte d’Osmond l’on put apprécier 25 sujets de l’Opéra, dans Nid d’Amours, divertissement-pantomime et la Grecque. Absente de l’affiche, qui cita les décors d’Auguste Rubé et Philippe Chaperon, mais point les costumes de Charles Bianchini, Laure avait répété salle Pleyel et respecté le code civil, puisque dans Nid d’amours, Julia Subra (Cloris) faisait couple avec le jeune Pierre Ladam (Alcée), Joséphine Chabot était Cupidon et Charles Porcheron le Pêcheur. Quant au livret du « charmant ballet », seul Le Gaulois nota : « L'affabulation poétique d'une idylle légère a fourni à Mlle Fonta le thème d'une intéressante partie chorégraphique, restituant au finale le fameux pas antique de la Grecque » (184) Sinon, élève de Bonnat, Stanislaw Józef Rejchan en croqua une scène qui parut le 18 juin à la une du Monde illustré
Début juillet, alors que Louis Mérante venait de mourir, la presse plancha sur sa succession. Il fut question de Marius Petipa, de Michel-Ange d’Alessandri, maître de ballet à Toulouse et d’Édouard Pluque. En septembre, ce fut le Belge Joseph Hansen, sur lequel seul Le Figaro avait misé. Quant à l’École, tous convaincus que Zina Mérante lâcherait la classe de perfectionnement, L’Événement nota : « Mlle Mérante va abandonner sa classe qui passera soit aux mains de Mlle Fonta, soit aux mains de Mlle [Thérèse] Théodore. Si Mlle Fonta se décide à prendre la classe, ce qu’il faut souhaiter, maiscequin’estpascertain,carlabrillante artiste est riche et indépendante » (185) Bien qu’épuisée, Zina Mérante enseigna jusqu’au 31 mai 1890.
Pour continuer, aperçue en avril 1888 au bal annuel des artistes à l’Opéra, en mai Laure fit le bonheur des bibliophiles en rééditant trois siècles après sa publication, Orchesographie (1588-89) de Thoinot Arbeau, anagramme de Jehan Tabourot, chanoine de Langres. Précédé d'une riche notice historique sur les danses de la Renaissance, tout en évoquant les danses antiques, Laure expliqua : « Si nous nous sommes décidée à faire une réimpression de cet intéressant traité, c’est que nous le considérons comme étant très utile au maître de ballet, au professeur de danse, au musicien ». Sans perdre de vue l’étymologie d’un titre qui signifiait « écriture de la danse », ce traité en forme de dialogue entre Capriol, un jeune homme inexpérimenté dans l'art de la danse, et Arbeau, son maître, permettait d’apprendre les danses en usage au moyen d’un système de notation. Et Arthur SaintLéon dont Laure cite les travaux sur l’art d'écrire la danse de préciser : « ce système était de faire correspondre les pas, avec la musique, au moyen de la note écrite sur une portée de cinq lignes et de mettre audessus de ces notes, le pas à exécuter, en toutes lettres et en langage ordinaire » (186)
Cette réimpression de l'édition de 1588 ou de 1589 selon les avis, parut chez F. Vieweg, libraire-éditeur, [Émile] Bouillon & [Émile] Vieweg, successeurs. 67 rue de Richelieu. En mai 1887, Friedrich Vieweg descendant d’une famille d’éditeurs germaniques avait cédé sa « maison de librairie » à son gendre et à son fils. Spécialiste des publications d’érudition comme nombre d’éditeurs venus d'Allemagne au XIXème siècle pour occuper une place dans l’édition musicale et la réimpression de livres anciens, Vieweg, selon Helga Jeanblanc, allait : « jusqu'à organiser des ventes publiques de collections et de bibliothèques privées, jusqu'alors chasse gardée des rares spécialiste » (187). À ce titre, peut-être dénicha-t-il pour Laure quelques raretés, car la question de l’édition originale se pose. Laure en possédait-t-elle un exemplaire parmi les seize conservés aujourd’hui ? Notons seulement qu’en 1874, la Bibliothèque de Dijon, patrie de l’auteur avait répondu à Nuitter que le leur n’était pas à vendre. Entre temps, Nuitter dut trouver son bonheur, car en 1887, Desrat voulant traduire chorégraphiquement la Pavane qui se trouve dans l'Orchesographie, mais n’ayant pas une minute pour aller à la bibliothèque, pria Nuitter de réserver le meilleur accueil à Oscar Bornemann, éditeur de musique, entre autres de chansons françaises des XVIIème et XVIIIème siècles.
Sans quoi, le 18 juillet 1888, la ComédieFrançaise reprit Œdipe-Roi. Laure se mit obligeamment à la disposition de Claretie et « fit répéter, comme autrefois, la figuration nouvelle », et ce qu’écrivit Jules Guillemot dut la réconforter :
« Parlons, d’abord, de la mise en scène. Le règlement des groupes, la part que prend la foule à l’action, — idée essentiellement respectueuse de la tradition grecque — ont été l'objet d’une étude particulière, et dont le résultat est très attachant. Les mouvements de ces groupes ont été, paraît-il, fixé par Mme Fonta, l’érudite chorégraphe.Onytrouve,avecquelque chose d’un peu conventionnel, — diraije : de sacramentel ? — un vif sentiment de la vie populaire, et surtout un art de composition artistique remarquable et en intime harmonie avec l’œuvre antique. Il y a là des moments où la scène de la Comédie-Française nous donne l’impression d’un beau bas-relief grec » (188)
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Orchesographie, Thoinot Arbeauh
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La Duchesse d’Uzèsj
Dans la foulée, le 11 août Œdipe-Roi fut joué au théâtre antique d'Orange : « Pour la première fois, j'ai compris le théâtre grec » (189) s’écria Francisque Sarcey dont l’opinion critique était alors capitale ; malheureusement il ne faisait allusion qu’à la déclamation de Mounet-Sully. Ce n’est que deux ans plus tard, le 6 février 1890, que Laure refit parler d’elle lors d’une reprise du Bourgeois gentilhomme au Français. Coquelin cadet, jouait le rôle pour la première fois et n’exigea pas moins de 30 répétitions, mais on lira : « La danse que Mme Fonta fait répéter a surtout donné de l'embarras » (190). Par chance, Truffier connaissait son affaire, et Félix Girodier était le seul nouveau
parmi les danseurs de l’Opéra, où en avril la direction s'occupa de pourvoir à la succession de Zina Mérante, dont la santé déclinait. Au nombre de quatre les candidates étaient : Thérèse Théodore, Berthe Bernay, Marie Sanlaville et Laure, également à l’actualité de La Gazette Artistique. Sous la plume de son rédacteur en chef, Edmond Martin et d’un collaborateur, Ferdinand d’Almeida, qui pourrait-être Laure sous un pseudonyme, le journal publiait en feuilleton : la Chorégraphie à travers les âges, en puisant dans ses travaux. En juin, lorsqu’il fut question d’analyser le branle et la courante, c’est Sanlaville que la direction choisit comme professeur de la classe destinée aux sujets : « c’est-à-dire aux danseuses en passe de devenir étoiles, et aux étoiles elles-mêmes ». Ceci jusqu’à la tempête artistique et patriotique qui agita le petit monde des danseuses de l’Opéra en 1893. Objet de la révolte : la classe des sujets femmes allait être dédoublé, et Vásquez, Espagnol de surcroît, était appelé à prendre une position jusquelà occupée par des femmes. D’où cette question : « Un homme est-t-il bien en mesure d’apprendre aux danseuses à faire les doux yeux, à arrondir les bras, à déployer en un mot toutes les ressources féminines ? » (191). Parlant avec d’autres de « coup d’État », Sanlaville quitta l’Opéra en février 1893 : « Je ne pouvais pas y rester dans les conditions qui m'étaient imposées. […] On m'a offert, il est vrai, de partager les pouvoirs de M. Vásquez, mais j'ai dû décliner cette offre » (192)
Laure ne dit mot sur « l’Affaire Sanlaville », mais retournons en arrière. Disparu de la vie la publique, hormis les parutions de La Gazette Artistique, soit d’avril 1890 à mai 1891, en août 1891, Louis Fournier, rédacteur au Journal de Beaune, auteur sous le nom de Loys d'Angell, d’ouvrages historiques sur la Bourgogne, démarcha de divers côtés afin d’obtenir des portraits et des informations sur Laure, au prétexte que sa famille était originaire de Beaune : « Je crois, écrivit-il à Nuitter, que ses père et mère qui ont encore des parents ici, auront quitté notre ville avant la naissance de Mlle Fonta » (193). Seul son père était bourguignon. Tout à son but, il sollicita aussi Jules Cousin, conservateur du Musée Carnavalet, lequel transmit la lettre à Nuitter, accompagnée de ces mots : « J’espère bien que Mlle Fonta est toujours vivante et sérieuse par ses qualités charmantes que l’âge n’atteint pas. Pourquoi le rédacteur du Journal de Beaune s’en inquiète t’il comme d’une gloire locale ? C’est un honneur qu’on ne fait ordinairement qu’aux défunts » (194) Cette correspondance conservée à l’Opéra dans « le dossier d’artiste » de Laure, ne fait pas état de la suite, mais ce n’est qu’en 1895, puis en 1935, dans sa chronique : « 40 ans après » que le Journal de Beaune, publia :
« Madame Laure Fonta, l’éminente chorégraphe, dont la famille est originaire de notre ville et qui y a encore de nombreuses attaches, vient de diriger ces jours derniers, en scène, les chanteurs du Conservatoire et les danseuses de l'Opéra dans les répétitions générales du Bourgeois Gentilhomme que la Comédie Française a remonté tout exprès pour les jours gras et qu'on n’a pas donné depuis cinq ans » (195)
Il ne s’agissait pas de danseuses, mais de danseurs ; qu’importe, du côté de son père la famille dût être fière. Sinon, après deux ans d’éloignement, en mai 1892 l’on revit Laure répétant rue de Richelieu, dans le foyer du public, le Sicilien, ou l'Amour peintre de Molière qu’elle connaissait d’une lecture-dansée chez la comtesse de Beaumont. C’était en 1882, à l’époque Eugène Sauzay avait restitué les intermèdes de Lully d'après une copie de Philidor, avant de les publier dans un ouvrage précédé d’un essai sur la pièce. Ici, Claretie demanda à Camille Saint-Saëns de bien vouloir les orchestrer pour un gala au profit des Ambulances urbaines et des victimes de la disette en Russie. Il eut lieu le 19 mai à l'Opéra, et assis depuis janvier sur le fauteuil directorial, Eugène Bertrand avait mis à disposition de Claretie, les danseuses de l’Académie nationale. Ainsi, sans que l’on comprenne ce qui avait administrativement changé pour elle, officiellement Laure régla « de façon délicieuse » le Sicilien à Garnier. Dans la mascarade mauresque, la presse évoqua : quatre couples d'arlequins, quatre couples de pages Louis XIII et soubrettes, huit couples de jardiniers et jardinières. Mais aussi dans des costumes d’Alfredo Edel, « la danse de l'hirondelle et les autres entrées d'esclaves ». Soit un nombre de danseuses qu’il serait long de citer. En revanche, pour les spectacles qui suivirent au Français le 30 mai, Bertrand n’en prêta que six, alors nommons : Louise Boutouyrie, Adrienne Hayet, Marie Moormans, Louise Mante, Marthe Bossu et Marie Barriaux. Là encore, Laure fut dite « assez embarrassée », mais l’on sait pourquoi : depuis cinq mois les répétitions de Salammbô se poursuivaient à l’Opéra avec la plus grande activité et il fallait concilier les intérêts de Molière avec ceux d’Ernest Reyer.
Après avoir beaucoup intéressé « le public délicat du Théâtre-Français » avec le Sicilien, en juin Laure fit son entrée dans la haute bourgeoisie parisienne. Ainsi, sur la scène installée dans le grand salon de Mme Émilie Delamarre-Didot, née Firmin Didot, héritière d’une grande famille d’imprimeur éditeur, dont le Bottin mondain, à la suite de la Chercheuse d’esprit (1741) comédie mêlée d’ariettes de Charles-Simon Favart, Laure offrit le ballet-pantomime qu’en avait tiré Maximilien Gardel en novembre 1777. D’abord devant la cour à Choisy
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Laure Fonta, Giselle, cliché Eugène Disdéri h
et Fontainebleau, puis le 1er mars 1778 à l’Opéra. « Dansé avec un charme et un brio parfaits », « l’érudite chorégraphe » le reconstitua dit-on d’après des manuscrits se trouvant à la bibliothèque de l’Opéra. En 1878, Lajarte avait en effet répertorié des parties d’orchestre peut être dues à Jean-Claude Trial. Quoiqu’il en soit, les 6 et 15 juin, Alexis Collongues dirigea de son archet des musiciens de l’Opéra, tandis que les principaux rôles du ballet étaient tenus par Joséphine Chabot, Mathilde Salle et Rachel Gallay. Autrement, Jules Antonin Lavastre et Ange Assola avaient brossé « un ravissant décor » représentant
temps, mais le 21 novembre 1893, c’est à Saint-Saëns et à Laure que Claretie fit appel pour l’Antigone de Sophocle dans l’adaptation de Paul Meurice et Auguste Vacquerie. Entre temps, le 11 mars 1893, « la célèbre chorégraphe » avait perdu son père. Décédé à 85 ans 41 bd Malesherbes, ses obsèques eurent lieu à l’église de la Madeleine avant son inhumation à Conches. Au sujet d’Antigone, glissons que Saint-Saëns avait « potassé Gevaert et Bourgault-Ducoudray », empruntant à ce dernier l’air de son Invincible Éros, quant à Laure « menant vivement les répétitions », elle régla les mouvements des chœurs,
le Petit Trianon, mais l’on ne saura rien de plus sur cette « restauration » d’un ballet joué 188 fois à l’Opéra de 1778 à 1816. Elle convainquit cependant Claretie de reprendre les Trois sultanes (1761) du même Favart et de « demander à M. Bertrand d'autoriser Mme Fonta à prendre quelques danseuses de l'Opéra pour le divertissement ». Le 18 août, montée avec « infiniment de goût », la pièce compta en effet au 3ème acte : « un divertissement très bien réglé, qui a été joliment dansé par Mlles Hayet, Mante, Moormans et Boutouyrie » (196). Le chef Laurent Léon avait restitué les airs du
sans écho particulier. Seul sous la plume d’ « Un Monsieur en habit noir », Le Journal s’interrogea : « Pourquoi Mme Fonta, la célèbre chorégraphe, leur a-t-elle imposé à tous les mêmes gestes sous prétexte qu'en Grèce la figuration était réglée par masses ? […] En Grèce, sous le ciel d'azur, comme plafond, on comprend cette eurythmie, ces jambes et ces bras levés ensemble, comme en un ballet solennel et sacré. Mais, à la Comédie-Française, les fauteuils d'orchestre sont à un pas de ces chœurs » (197). L’objection était idiote, car l’intention de Laure était portée par une vision « archéologique ». Plus tard, en
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Antigone, Le Monde illustré, novembre 1893
août 1894, la Comédie-Française partit en « tournée départementale ». Elle débuta le 11 avec ŒdipeRoi, le 12 avec Antigone, au théâtre antique d’Orange, où déjà la troupe s’était produite en 1888. Entre temps, les gradins en ruines avaient été partiellement restaurés après des mois de tragi-comédie politique. Laure jamais nommée, fitelle partie de la caravane parisienne qui descendit aux fêtes d’Orange ? On l’ignore. Après Mounet-Sully investit avec fièvre dans le rôle de Créon, qui voulut que les musiciens de l’orchestre « portassent le péplum grec », au prétexte qu’ils faisaient tache dans ce milieu antique. On retiendra qu’ « Un Monsieur en habit noir » se découvrit malgré le mistral. Il s’appelait Félicien Champsaur et nota ce coup-ci : « À Orange, on a compris et admiré cette eurythmie, ces jambes et ces bras levés ensemble comme un ballet solennel et sacré » (198). Les spectacles se poursuivirent à Marseille, Lyon, Aix-les-Bains et Vichy. Mais à Lyon, un « gone » désignant un gamin du pays, pour ne pas froisser la population, on évita de jouer Antigone
Nous le savions par Le Journal de Beaune, le 24 février 1895 le Bourgeois gentilhomme revint à l’affiche du Français avec les mêmes danseurs qu’en 1890. Et, en décembre, alors que les danses anciennes étaient devenues furieusement à la mode, Laure publia Les Danses de nos pères aux Éditions Choudens, 30 bd des Capucines. Fondées par le Genevois Antoine de Choudens, héritier de la Maison de musique de son grandpère, Antonio Pacini, l’entreprise dont le catalogue ne comptait rien de moins que Faust de Gounod et Carmen de Bizet était depuis 1888 dirigée par deux de ses fils : Antoine, dit Antony, compositeur et gendre d’Édouard Colonne, et Paul, parolier et librettiste. Présenté comme une « Reconstitution des Anciennes Danses des XVIIème et XVIIIème siècles avec gravures théorie, musique réglées pour amateursàl'usagedesSalonsparMadame Laure Fonta (de l’Opéra) », l’ouvrage de 107 pages parut à la fois en supplément du Petit Journal (Imprimerie Durdilly) qui en fit par ailleurs la publicité de janvier à mars 1896, et en librairie (Imprimerie Parisienne de Musique). Il sera également proposé en Étrennes aux abonnés de plusieurs journaux de province. Quant à l’album lui-même, afin d’établir un lien entre Les Danses de nos pères et celles de nos pairs, qu’il nous soit permis de citer ici un extrait de l’analyse qu’en fit au Québec, Pierre Chartrand sur le site du Centre Mnémo en 2016. Historien et ethnologue en danse, entre 1987 et 1991, Pierre Chartrand se produisit en France avec diverses compagnies, dont Ris & Danceries, ensemble de danse ancienne créé par Francine Lancelot en 1980. Avec l’excellence que l’on sait, Francine Lancelot se consacra entre autres à redécouverte du répertoire
chorégraphique des XVIIème siècle et XVIIIème siècle. Un mouvement que Laure initia avec l'évidente maladresse de ceux qui ouvrent une voie.
« […] Quant au contenu, écrit donc Pierre Chartrand, il est tout à fait représentatif de l’éclectisme en vogue au XIXème siècle. Tous les airs sont notés pour piano, bien qu’ils s’agissent en majorité de mélodies écrites pour d’autres instruments, et composées avant l’invention même du piano. Ainsi retrouve-t-on La Boccane de Lully, un rondeau de Campra, une forlane de Rameau, un menuet de J-J Rousseau, un autre de Haydn, un troisième de SaintSaëns, etc. Les deux tiers de ces mélodies sont accompagnés d’une description de la danse correspondante. On ne peut que sourire à la lecture de ces descriptions littéraires de menuet, de rondeau, de rigodon... Il est normal qu’un siècle de recherche en danse ancienne, et surtout les trente dernières années, aient apporté un éclairage tout à fait nouveau sur le sujet. Sans compter l’impact énorme qu’ont eu les rééditions des traités de l’époque (Chorégraphie de Feuillet, Le Maître à Danser de Rameau, etc.). Laure Fonta n’était pas ignorante de ces traités qu’elle a certainement consulté à la bibliothèque de l’Opéra. Les petits diagrammes qui accompagnent ses descriptions en témoignent : ceux-ci sont en fait des simplifications de la notation BeauchampFeuillet,dontellen’agardéqueletracédes parcours en omettant les pas. Inutile de dire qu’il est plus qu’ardu sinon impossible de reconstituer vraiment un pas de menuet ou un contretemps de gavotte avec ces descriptions, surtout qu’on n’y décrit aucun pas (entendu comme un ensemble moteur se répétant), mais uniquement une suite d’appuis se succédant, de la première mesure à la cinquantième. L’unique intérêt de ce livre est sans doute de nous informer de l’état de la recherche en danse à la fin du XIXème ».
Pour compléter, c’est à Ignace Lucien Barbut-Davray, dit Luc Barbut que fut confié le soin d’illustrer ce libre vendu en librairie jusqu’en 1914. Nîmois, âgé de 32 ans, élève aux Beaux-arts d’Alexandre Cabanel et Ferdinand Roybet, il venait d’exposer au Salon des Champs-Elysées. Illustrateur de presse, il réalisera également des projections lumineuses au théâtre en 1900.
« Vive le Tsar ! », « Vive la Russie ! », le 6 octobre 1896, lors du gala à l’Opéra que Félix Faure offrit à Nicolas II, la presse se souvint du 7 juin 1867. Âgée de 22 ans Laure dansait Myrtha devant Alexandre II. Pour souligner, qu’hormis la parution de son livre, et deux, trois choses de-ci de-là, le plus souvent on parlait d’elle au passé, comme disparue déjà. En tous cas, elle n’avait plus d’activité dans le monde et sans doute passait-elle le plus clair de
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Les Danses de nos pères, Forlane, illustration Luc Barbut h
son temps à Lagny. Le 23 mars 1897, lors d’une conférence de Bourgault-Ducoudray à la Bodinière sur les Danses anciennes, il fut néanmoins question de ses infatigables recherches. Et après l’annonce du programme : « Mlle Sandrini de l’Opéra dansera quinze types de danses des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles, réglées par M. Vásquez de l’Opéra, d’après la tradition de Mlle Fonta ». Sous le pseudonyme de Sganarelle, Jules Lemaître, de l’Académie française rendit compte :
suite de danses avait été créée le 5 août à l’Élysée, avant d’être rejouée au Trocadéro dans le cadre de l’Exposition Universelle, le 22 septembre, date de la proclamation de la 1ère République. On se souvient qu’en 1879, Gambetta avait commandé à Laure des danses du temps pour célébrer l’évènement au Palais Bourbon. Ici, avant la représentation, Émile Loubet invita les maires de France à un banquet dans le
«
[…] Mlle Sandrini est élève de Mlle Fonta, qui n'est pas seulement, nous a dit M. Bourgault-Ducoudray, une excellente maîtresse de ballet, qui est encore, comment dirais-je cela ? un philosophe de la danse, qui en sait à fond l'histoire, qui en a codifié l'esthétique, à qui les archéologues doivent de beaux travaux sur la reconstitution de danses perdues. M. Bourgault-Ducoudray nous a conté à ce propos une anecdote plaisante. Il avait tiré de la poudre des bibliothèques des airs de danse de Rameau, et il lui était impossible de rien comprendre à la métrique de ces morceaux. Il les avait soumis à l'examen des musiciens, ses collègues au Conservatoire. Tous lui avaientavouéqu'ilsn'yentendaientpas davantage et que c'était là une musique d'un rythme indéchiffrable. Il allait jeter sa langue aux chiens, quand il apprit par hasard les études auxquelles se livrait Mlle Fonta. Il alla lui proposer ses doutes. Voulez-vous, lui dit la danseuse, que je vous décompose ces mesures en exécutant les pas qu'elles règlent ? Elle restitua les danses pour lesquelles la musique avait été écrite ; et ces danses suffirent à l'expliquer. C'est à l'école de Mlle Fonta que Mlle Sandrini, aidée de plus par M. Vásquez, s'est familiarisée avec les rythmes de ces danses et les a restituées devant les auditeurs de M. Bourgault-Ducoudray » (199)
Rappelons que Vásquez avait participé aux premiers essais de Laure, ceci pour dire que la voie qu’elle avait ouverte dans les années 1870 avec Lajarte était à présent largement empruntée, dans les salons avec Desrat et d’autres. Mais aussi par des danseuses de l’Opéra, travesties en marquis et marquises, ou autres. Citons Léa et Renée Piron dans Danses du Grand Siècle (1902) musique de William Marie ou Bergerade Watteau (1903) de Félix Desgranges. Mais aussi Cléo de Mérode, les sœurs Mante, Louise, Blanche et Suzanne qui confiera plus tard à Pierre Lacotte que Laure avait « une présence surnaturelle, resplendissante de l’intérieur ». Enfin, à l’Opéra le 11 novembre 1900 avec Danses de jadis et naguère de Hansen, sur un pot-pourri musical. Composée de danses barbares, très barbares telle la danse des bâtons de la Korrigane, de danses grecques, de sarabande, musette et tambourin…, cette
jardin des Tuileries, où 22 965 personnes se disputèrent 700 pots de moutarde. Ce qui dut pour le moins monter au nez de Laure, d’autant que la danse grecque devenait elle aussi fort à la mode. À preuve, le 1er février 1897 à la Bodinière, soit un mois avant la conférence de BourgaultDucoudray, Maurice Emmanuel son élève au Conservatoire, après la publication d’une thèse soutenue en Sorbonne :
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Léa et Renée Piron, Danses du Grand Siècle cliché Félix Nadar
Essai sur l’orchestique grecque (1895) et d’un ouvrage : la Danse grecque antique d’après les monuments figurés (1896) avait fait le point sur ses recherches par une série de projections lumineuses où l’on vit défiler la reproduction de vases anciens, et par des danses qu’exécuta Marie Monchanin, en longue tunique blanche, au son de deux flûtes et d’une
brève puisque Mérante mourut en juillet de la même année. Vers 1890, Emmanuel poursuivit avec Hansen, puis en 1893 avec le physiologiste, Étienne-Jules Marey, lequel inventeur du chronophotographe, utilisait la photographie dans ses études sur le mouvement depuis 1881. Nommons aussi l’assistant de Marey, Georges Demenÿ, et enfin Monchanin ou bien quelqu’un d’autre du métier, car les études comparatives qu’Emmanuel établit entre la danse grecque et la danse académique, qu’il nomme danse moderne, sont d’une telle ampleur qu’Hansen n'auraient jamais eu le loisir de s’y consacrer. En attendant, en préface de sa thèse illustrée de ses propres esquisses, le musicien précisa :
« Sans le secours de M. le Dr Marey, membre de l'Institut, et de M. Hansen, Maître de Ballets à l'Opéra, je n'aurais pu tirer parti des images antiques qui servent de base à cet ouvrage. M. Hansen, avec une compétence à laquelle j'attachais le plus grand prix et avec une bonne grâce charmante, a bien voulu me donner son avis sur chacune des représentations de mouvements empruntées aux monuments figurés. De plus, il a dirigé les expériences de Chronophotographie qui avaient pour objet l'analyse et la synthèse des mouvements de la danse. M. le Dr Marey avait mis en effet à ma disposition ses admirables appareils, et c'est à sa bienveillance que je dois les séries d'images sur lesquelles reposent la plupart de mes interprétations. Je le prie et je prie M. Hansen d’agréer l’expression de ma profonde reconnaissance ».
harpe. L’ex-interprète de Laure avait quitté l’Opéra en 1888. Ainsi de la même façon que Bourgault-Ducoudray, présent à la conférence, s’était rapproché de Laure, puis associé à ses études sur la danse grecque dès 1880. Emmanuel « n'étant point danseur lui-même et ne voulant établir que des faits dont il fût absolument certain », plutôt que de s’adresser à Laure avait prié Mérante, « de le guider dans certaines recherches en l'aidant de son expérience » (200). Censé avoir débuté ses études en 1887, leur collaboration
« Que M. Bourgault-Ducoudray, dont j’ai été pendant plusieurs années l’élève au Conservatoire, me permette de lui témoignericiquejemesuisinspiré,autant que je l’ai pu, de ses leçons sur l’histoire de la Musique » nota encore Emmanuel à la fin d’une liste de mercis effaçant Laure avec le plus grand soin. Pourtant, tout comme Marey, il était originaire de Beaune. Cela dit, il doit y avoir une raison profonde à ceci, mais nous l’ignorons. L’on ne peut toutefois s’empêcher de penser que Laure prit peu à peu ses distances en voyant le fruit de ses travaux lui échapper, car au fond ses réussites ne lui profitaient guère, le lendemain, elle se retrouvait au même point que l’avant-veille. Sans quoi, le 2 août 1897, la Comédie-Française rejoua Antigone à Orange, mais cette fois, il est clairement écrit qu’elle régla « les mouvements à Paris avec des chefs de chœurs qui partiront mercredi » (201). Plus tard, en décembre 1898, observant avec Desrat que l’école française ne fournissait plus d’étoiles, Jean Favart, rédacteur à La Presse laissa aller son imagination : « Je rêve d'un riche mécène, plus ou moins vieux, […] qui confierait à une ancienne étoile, se reposant sur de nombreux
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Les Danses de nos pères, Le Tambourin, illustration Luc Barbut
Germain Poinet, 1907, cliché Roll h k
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Louis Adolphe Candé g
triomphes : Mme Mariquita, Mme Fonta ou Mlle Mauri, la fondation, puis la direction d'un Conservatoire de la danse que l'État, d'autre part, subventionnerait » (202). Mauri venait de prendre la classe de perfectionnement à l’Opéra, Mariquita, la direction de la danse à l’Opéra-Comique, quant à Laure en survolant le temps, le 6 avril 1899, elle perdit sa mère. Âgée de 80 ans, ses obsèques eurent lieu à la Madeleine, et l'inhumation à Conches. Elle vivait à Paris, mais selon Germain, il lui arrivait de vendre des volailles à Lagny. En mars 1901, alors que l’OpéraComique projetait de reprendre Giselle, Victorin de Joncières plongeant dans ses souvenirs évoqua : « Mlle Fonta, grande, élancée, pleine de grâce hautaine, de distinction suprême, personnifiait la reine des Wilis. Je me souviens encore de son entrée, au second acte » (203). À 56 ans, Laure s’illustrait surtout à Lagny par ses dons aux concours en tous genres : une médaille en or, un objet d’art, un bâton de chef d’orchestre, sans oublier la société de secours mutuels des pompiers. En février 1904, c’est un buste en terre cuite la représentant, qu’elle remit à Charles Malherbe, alors responsable du Musée créé par Nuitter au sein de la bibliothèque de l’Opéra en 1878. Ce buste avait été modelé la même année par Gustave Deloye. En avril 1905, peutêtre passa-t-elle quelques jours à Biarritz, sauf s’il s’agissait de sa sœur dont on ne sait vraiment rien. En revanche, le 7 août 1909, en compagnie de son frère et d’une autre personne, alors qu’ils descendaient une rue de Lagny dans une voiture attelée d'un mulet, Laure fit l’objet de quelques lignes dans Le Journal de Seineet-Marne, puisque le mulet entraîné par la descente vint se jeter dans une auto : « une panique s’empara des voyageurs qui fort heureusement, n’eurent aucun mal » (204). En 1911, un recensement nous apprend que sa domestique âgée de 19 ans s’appelait Jeanne Hérissé, et que le jardinier, Auguste Bernier était un cousin qui vivait là avec sa femme et ses trois enfants. En 1913, on put lire une dernière fois : « Antiquités et objets d’art à vendre aux enchères publiques à Lagny, 1 et 2 route de Tournan, propriété de Mlle Laure Poinet dite Fonta, de l’Opéra, le dimanche 9 novembre 1913 à une heure du soir ». Le 29 mai 1915, à huit heures et demie du soir, épousant les mots de Louis de Fourcaud, Laure s’élança pour une dernière sarabande : « Figurez-vous un oiseau s'ébattant à la surface d'un étang paisible, le rasant en tous sens de la pointe de son aile. Elle va, elle revient, elle se retourne, élargissant ses bras, courbant ses reins, suivant note à note, en ses mouvements, les rythmes des violons » (205). Elle était âgée de 70 ans et la déclaration du décès fut faite le lendemain par un voisin, l’acteur Louis Adolphe Candé. En 1897, année où elle fut promue Officier de l'ordre des Palmes
académiques, rapportant les paroles de Bourgault-Ducoudray, Jules Guillemot avait écrit : « Mlle Fonta, laissera un nom dans l'histoire de l'art par les infatigables et sagaces recherches à l’aide desquelles elle a déjà reconstitué tant de danses anciennes, dont il semblait malaisé de retrouver le secret » (206). Inhumée à Conches, elle disparut sans la moindre ligne nécrologique. Son frère retiré depuis 1914 à Lagny décéda à son domicile parisien, le 31 octobre 1938 et fut enterré au Père-Lachaise. Quant à Augustine, retrouvée in extremis par Anne Londaïtz, domiciliée à Paris, elle mourut célibataire, le 25 octobre 1942 à Saint-Maurice, à la Maison de Charenton.
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Remerciements à Anne Londaïtz, Christina von Koehler et Vincent Burret, Pierre Lacotte et Pierre Chartrand.
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(1)
Revue étrangère de la littérature, de la science et des arts, 1er janvier 1863 (2) La Liberté, 21 octobre 1880 (3) La Presse, 20 avril 1880 (4) La Presse, 9 août 1880 (5) A513
(6) Les théâtres en robe de chambre, Yveling RamBaud & E. Coulon, 1866, p.18 (7) Le demi-monde sous le second Empire : souvenirs d’un sybarite, 1892, p.239 (8)
Le Tintamarre, 16 novembre 1862 (9) Le Gaulois, 10 février 1881 (10) Le Gaulois, 30 avril 1878 (11) Le Journal, 2 novembre 1938 (12) Les Quotidiennes de 1898, p.239 (13) Le nouvel Opéra : monument, artistes / par X. Y. Z. [T. Faucon] 1875, p.19 (14)
Le Gaulois, 10 février 1881 (15)
Le Charivari, 1er novembre 1866 (16) Le Mercure des théâtres, 10 mars 1844 (17) Note remise au ministre Fould par Mme Taglioni, 1858
(18) Journal des débats politiques et littéraires, 4 août 1859 (19)
L’Orchestre, 1er janvier 1861 (20) Rapport au directeur de l’Opéra, 28 mai 1858 AJ13479
(21) Note remise au ministre Fould par Mme Taglioni, 1858 (22) Lettre du 21 janvier 1862 (23) Vert-vert, 29 mai 1856 (24) Messager des théâtres et des arts, 28 août 1850 (25) Le Figaro, 15 avril 1860 (26) Le Moniteur universel, 24 octobre 1858 (27) Le Gaulois, 31 octobre 1858 (28) Le Charivari, 23 octobre 1858 (29) Le Moniteur universel, 24 octobre 1858 (30) Historia : magazine illustré, 5 août 1912 (31) Gazette des théâtres, 21 octobre 1832 (32) Lettre du 22 août 1858
(33) Vert-vert, le 19 novembre 1858 (34) Le Gaulois, 10 février 1881 (35) Vert-vert, 27 mars 1861 (36) La Lorgnette, 8 décembre 1861 (37) Journal des débats, 21 avril 1895 (38) Le Figaro, 2 juin 1861 (39) Vert-vert, 31 mai 1861 (40) Jules Perrot, Ivor Guest, 1984, p. 321 (41) Le Figaro, 9 octobre 1862 (42) L’Univers musical, 1er janvier 1863 (43) Sénat Audition Karine Saporta 16 mai 2013 (44) Le Sémaphore de Marseille, 27 novembre 1858 (45) Gil Blas, 4 juillet 1881 (46) Lettre du 23 novembre 1860 (47) Messager des théâtres et des arts, 22 janvier 1863 (48) La Patrie, 27 janvier 1863 (49) La Presse théâtrale, 1er février 1863 (50) Le Sémaphore de Marseille, 13 mars 1863 (51) La Quotidienne, 5 juillet 1841 (52) La France, 5 juillet 1841 (53) Messager des théâtres et des arts, 10 mai 1863 (54) Le Gaulois, 10 février 1881 (55) Courrier du dimanche, 14 juin 1863 (56) L’Europe, 21 mai 1863 (57) La Gazette nationale, 10 mai 1863 (58) Messager des théâtres et des arts, 6 août 1863 (59) Le Figaro, 3 janvier 1864 (60) Le Constitutionnel, 4 janvier 1864 (61) Messager des théâtres et des arts, 28 avril 1864 (62) Le Grand Journal, 17 juillet 1864 (63) Le Tintamarre, 24 août 1862 (64) Messager des théâtres et des arts, 15 septembre 1864 (65) Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 53, 1864 (p. 996-1006) (66) Presse théâtrale, 13 octobre (67) Le Constitutionnel, 10 octobre 1864 (68) La Presse théâtrale, 19 janvier 1865 (69) Le Siècle, 2 janvier 1865 (70) La Presse théâtrale, 23 février 1865 (71) Le Charivari, 6 octobre 1865 (72) Le Constitutionnel, 20 novembre 1865 (73) La Presse musicale, 4 janvier 1866 (74) La Comédie, 31 décembre 1865 (75) Le Constitutionnel, 1er janvier 1866 (76) La Comédie, 18 novembre 1866 (77) L’Événement, 24 janvier 1866 (78) La Presse musicale, 17 mai 1866 (79) Le Phare de la Loire, 15 novembre 1866 (80) La Comédie, 10 mai 1868 (81) La France, 25 juin 1868 (82) L’Europe artiste, 5 janvier 1868 (83) L’Europe artiste, 19 juillet 1868 (84) Gazette nationale ou le Moniteur universel, 6 juillet 1868
(85) L'Avenir national, 7 juillet 1868 (86) Journal des débats politiques et littéraires, 1er juillet 1868
(87) Le demi-monde sous le second Empire, Zed, 1892, p.240 (88) Vert-vert, 24 mai 1868 (89) Derrière la toile, 1868, p. 206
(90) Le Figaro, 20 novembre 1867 (91) Le Théâtre illustré, 1er janvier 1869 (92) Le Théâtre Illustré, 1er janvier 1869 (93) La France, 7 mars 1869 (94) Le Petit Figaro, 6 mars 1869 (95) Le Gaulois, 19 septembre 1869 (96) Le Rappel, 11 janvier 1870 (97) Le Parlement, 15 mars 1870 (98) Lettre du 15 février 1868 (99) Paris-journal, 16 avril 1870 (100) Paris-Journal, 24 mai 1870 (101) Le Figaro, 28 mai 1870 (102) Le Temps, 10 juin 1870 (103) Paris-journal, 27 mai 1870 (104) Le Figaro, 6 octobre 1870 (105) Le Ménestrel, 1er octobre 1870 (106) Mémoires. Fin de siècle, 1890-1900, p.6 (107) Le Figaro, 16 juillet 1871 (108) Le Temps, 18 juillet 1871 (109) Le Bien public, 7 septembre 1871 (110) La France, 18 octobre 1871 (111) Le Bien public, 7 novembre 1871 (112) La Patrie, 26 août 1872 (113) Le Bien public, 15 octobre 1872 (114) La Liberté, 14 octobre 1872 (115) La Presse musicale, 5 avril 1873 (116) L’Univers illustré, 24 mai 1873 (117) Le Messager de Paris, 11 mai 1873 (118) Le Gaulois, 3 octobre 1879 (119) La Presse, 27 novembre 1873 (120) Le Ménestrel, 9 novembre 1873 (121) La Patrie, 31 octobre 1873 (122) Le Petit Moniteur universel, 8 novembre 1873 (123) Le Gaulois, 10 février 1881 (124) Le nouvel Opéra, par X. Y. Z. [T. Faucon] 1875, p. 313 (125) L’Opinion nationale, 8 septembre 1874 (126) La Libre Parole, 10 mars 1897 (127) La Chronique musical, 1875, t.VI, p.78 (128) Le Soir, 8 janvier 1875 (129) Le Gaulois, 10 février 1875 (130) L’Univers illustré, 8 avril 1876 (131) La Presse, 7 avril 1876 (132) Le Soleil, 7 avril 1876 (133) L’Événement, 16 avril 1882 (134) L’Événement, 13 juin 1876 (135) Le Soir, 25 mai 1876 (136) Le Soir, 30 mai 1876 (137) Le Figaro, 7 décembre 1876 (138) Le Français, 29 janvier 1877 (139) Gazette nationale ou le Moniteur universel 4 juin 1854 (140) Le Messager de Paris, 12 août 1877 (141) Le Soir, 29 avril 1878 (142) Le Soir, 5 mai 1878 (143) Le Figaro, 5 mai 1878 (144) Journal des débats politiques et littéraires, 13 juin 1878 (145) Le Gaulois, 8 mai 1878 (146) L’Événement, 26 avril 1878 (147) L’Événement, 11 juin 1879
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Le Globe, 15 juillet 1879 (149) Le Soleil, 17 juillet 1879 (150) La Presse, 20 avril 1880 (151)
L’Événement, 10 septembre 1879 (152) Le Petit Parisien, 23 octobre 1879 (153) Le Gaulois, 16 avril 1880 (154) Le Temps, 4 mai 1880 (155) Le Jockey, 28 avril 1880 (156) La Presse, 8 août 1881 (157) Le Gaulois, 21 octobre 1880 (158) Le Constitutionnel, 4 mai 1840 (159) Programme du bicentenaire, p.181 (160) Le Temps, 27 novembre 1880 (161) La Liberté, 4 août 1880 (162) La Liberté, 21 octobre 1880 (163) Gil Blas, 13 janvier 1881 (164) Le Soleil, 15 janvier 1881 (165) Le Gaulois, 10 février 1881 (166) Gil Blas, 30 octobre 1908 (167) Le Ménestrel, 8 février 1880 (168) Le Figaro, 9 avril 1881 (169) Orchesographie, 1888, p.IX (170) Le Clairon, 9 avril 1881 (171) Gil Blas, 15 avril 1881 (172) L'Étoile française, 25 mai 1881 (173) Le Constitutionnel, 10 juin 1881 (174) Le Figaro, 14 mai 1881 (175) Gil Blas, 13 février 1882 (176) Le Figaro, 17 mai 1882 (177) La Réforme, 9 septembre 1882 (178) Le Figaro, 23 janvier 1883 (179)
L’Opinion nationale, du 13 janvier 1883 (180) L’Opinion nationale, 10 janvier 1883 (181) La Revue politique et littéraire, 27 septembre 1890 (182) Le Figaro, 10 août 1881 (183) Le Ménestrel, 26 novembre 1882 (184) Le Gaulois, 11 juin 1887 (185) L’Événement, 20 juillet 1887 (186) La Sténochorégraphie, 1852, p.2 (187) Des Allemands dans l'industrie et le commerce du livre à Paris, 1995, p.87 (188) Le Messager de Paris, 22 juillet 1888 (189) Le Temps, 20 août 1888 (190) Paris, 5 février 1890 (191)
Le Soleil, 26 janvier 1893 (192)
Le Gaulois, 1er février 1893 (193) Lettre du 28 août 1891 (194) Lettre, non datée (195) Journal de Beaune, 5 mars 1895 (196)
Le Rappel, 20 août 1892 (197) Le Journal, 22 novembre 1893 (198) Le Journal, 13 août 1894 (199) Le Temps, 28 mars 1897 (200)
Le Ménestrel, 7 février 1897 (201)
La Libre Parole, 27 juillet 1897 (202) La Presse, 10 décembre 1898 (203) Le Gaulois, 27 mars 1901 (204)
Journal de Seine-et-Marne, 11 août 1909. (205) Le Gaulois, 30 avril 1878 (206)
Le Messager de Paris, 28 mars 1897
Laure Fonta, cliché Bacard Filsh
Les Danses de nos pères, La Bourrée, illustration Luc Barbut f
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Pôle chorégraphique territorial
Iturrik Dantza Jaialdia
Du 18 au 23 octobre, le Teatro Victoria Eugenia de Donostia / San Sebastián, en partenariat avec le CCN, dans le cadre de son projet de coopération territoriale, a organisé le festival Iturrik Dantza Jaialdia. Avec l’ambition de porter un nouveau regard sur la danse traditionnelle basque, ce rendez-vous favorisant l’accès des publics à la danse via des représentations en plein air et en salle a ainsi réuni plusieurs compagnies à Donostia / San Sebastián, parmi lesquelles Bilaka Kolektiboa, le 19 octobre au Teatro Victoria Eugenia dans Gernika de Martin Harriague, et les danseurs du Malandain Ballet Biarritz CCN, qui les 19, 22 et 23 octobre ont présenté plaza Okendo, Souffle basque de Jon Maya, artiste associé au CCN, sur la Valse de Maurice Ravel.
Informations : donostiakultura.eus
SENSIBILISATION
Parcours EAC autour de Noé
Durant la saison 2022-23, en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Pays basque, Ione Miren Aguirre mènera trois parcours d’Éducation Artistique et Culturelle de 18 heures autour de Noé de Thierry Malandain à l’École Haute-Ville de Mauléon (classe de CE2-CM1) et à l’École du Port de Mouguerre (classes de CP-CE2 et CE1-CM). Et un projet de 15 heures avec une classe de 6ème du Collège Fal de Biarritz qui donnera lieu à une restitution publique du travail lors du Rendez-vous sur le quai de la Gare de 2023.
Saison Jeune Public Spectacle Vivant – Ville De Biarritz
À l’initiative des Affaires Culturelles de la Ville de Biarritz, les représentations scolaires du CCN apparaîtront dans la plaquette : « En route pour la scène », destinée aux écoles primaires publiques de la Ville.
Atalak
Le 6 décembre à 19h dans le cadre du projet Atalak, la compagnie Dantzaz, dirigée par Adriana Pous Ojeda proposera une répétition du travail mené avec la chorégraphe Christine Hassid au Studio Gamaritz de la Gare du Midi. Entrée libre sur réservation Tél. : 05 59 24 67 19
Spécialité Danse du Lycée André Malraux de Biarritz
Le 8 juin au Théâtre du Colisée de Biarritz, les élèves de Seconde, Première et Terminale en Spécialité Art Danse du Lycée André Malraux ont proposé deux représentations de leur spectacle. Encadrés par Carole Philipp, artiste intervenante du Malandain Ballet Biarritz, les élèves ont pu interpréter leurs chorégraphies présentées au baccalauréat ainsi que des pièces de deux chorégraphes invitées : Chloé Yssambourg et Ziomara Hormaetxe. Était aussi présent le Conservatoire Maurice Ravel Pays Basque dans Esplanade de Paul Taylor.
Partenariat avec l’Hôpital de Jour Hegaldia
Dans le cadre du partenariat entre la Clinique d’Amade (Bayonne) et le Malandain Ballet Biarritz, Baptiste Fisson, ex-artiste chorégraphique au Malandain Ballet Biarritz, est intervenu auprès des patients de l’Hôpital de jour Hegaldia de décembre 2021 à août 2022.
En complément du travail de la dansethérapeute de la structure, Baptiste Fisson a proposé des ateliers chorégraphiques aux patients et les a initiés entre autres, au répertoire de Thierry Malandain.
Sensibilisation en tournée
Reims
Du 7 au 11 février, lors de la 23ème édition du stage organisé par le Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims, soutenu par la Ville et l'Opéra, Dominique Cordemans a animé des master class / atelier de répertoire et proposé aux stagiaires une conférence-vidéo autour de la création de l'Oiseau de feu et du Sacre du printemps. Les 21, 22 et 23 mai, avant les représentations du programme Stravinski à l’Opéra, les élèves et professeurs des conservatoires de Reims, CharlevilleMézières, Châlons-sur-Marne et Troyes, et 500 collégiens et lycéens ont assisté à la classe et à la répétition des danseurs.
Donostia / San Sebastián
Du 5 au 7 mai durant les représentations du programme Stravinski au Teatro Victoria Eugenia Antzokia, Dominique Cordemans à animer deux ateliers : Voulez-vous danser avec nous ? avec 40 adultes initiés ou non à la danse.
Vaison la Romaine
Le 26 juillet à l’occasion de la représentation de la Pastorale au festival Vaison Danses, Mickaël Conte, artiste chorégraphique au CCN a donné une masterclass / atelier de répertoire à des élèves de conservatoires et d’écoles de danse de la région.
Noisy le Grand
Dans le cadre de la programmation de l’Oiseau de feu et du Sacre du Printemps à l’Espace Michel Simon, une masterclass /atelier de répertoire sera donnée le 25 novembre, tandis que le public pourra assister le 26 à la répétition des danseurs et à une conférence-vidéo.
Bourges
Le 16 décembre avant la représentation de la Pastorale à la Maison de la Culture, la répétition des danseurs sera ouverte au public. La veille, une masterclass /atelier de répertoire sera donnée au Conservatoire à Rayonnement Départemental de Bourges.
Olivier Houeix © Olivier Houeix q q 46 47
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Mémoires de fin d’étude
En juin, les étudiants en kinésithérapie ont soutenu les mémoires de recherche développés avec l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz. Cette année, ce sont 7 mémoires de recherche, soutenus par le CCN qui auront vu le jour grâce au partenariat avec les écoles de kinésithérapie de Paris Danhier, de Rennes, de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris et de l’école universitaire d’Orléans. Les sujets ont été très variés, allant de l’évaluation de protocoles de soins à la perception du soignant par le danseur. Notons aussi les excellents résultats obtenus par le nouveau protocole d’exercices pour réduire l’instabilité chronique de cheville du danseur. Ces recherches s’inscrivent dans le programme de développement du soin du danseur initié par le Malandain Ballet Biarritz. Développés avec des danseurs, professeurs de danse et professionnels de santé, en suivant une méthodologie de Living Lab, ils alimenteront des ateliers, formations et autres supports pour une vaste diffusion sur le territoire.
Suivi des danseurs
En juin dernier, le système de suivi des danseurs en tournée a été revu. Avec l’accord des danseurs, des kinésithérapeutes externes au Ballet pourront intervenir dans les théâtres français. Ces professionnels de santé seront issus du réseau de professionnels formés à la prise en charge des danseurs. Un travail important a été fourni afin de garantir le suivi des soins tout en respectant le secret médical et ainsi améliorera les conditions de tournée de manière significative.
Une nouvelle formation de l’Institut Danse Santé (IDS)
Dans le cadre du festival le Temps d’Aimer la Danse, l’IDS a formé des professionnels de santé aux spécificités de prise en charge du danseur conçue par l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz du 12 au 16 septembre, dans les locaux de la Gare du Midi. Le module 1 « spécificités de la prise en charge du
danseur » a été présenté : environnement du danseur, préparation physique, rythme de vie, physiopathologie... les clés pour appréhender le danseur dans son milieu. Un nouveau module de formation intitulé « prévention et hygiène de vie du danseur » a également été dispensé. L’objectif de ce dernier est de relayer les ateliers danse/santé prodigués aux danseurs du Malandain Ballet Biarritz et à ceux participant à l’Entrainement Régulier du Danseur (ERD). Ainsi les protocoles développés par l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz pourront être diffusés auprès d’un grand nombre de danseurs suivis par les professionnels de santé formés. Sarah Pawlowski médecin en charge du CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin ainsi que de la fédération française de danse a rejoint l’équipe des formateurs de l’Institut Danse Santé.
Danse et Étirements
Faut-il s’étirer en danse ? La réponse parait évidente, mais de récentes recherchent tendent à prouver le contraire… S’étirer ne réduirait pas significativement le risque de blessure ; certains étirements entrainent l’inhibition de la force, de l’explosivité et de la puissance musculaire ; ils auraient la même efficacité sur l’extensibilité qu’un travail spécifique de renforcement musculaire… Difficile d’y voir clair et ce flou entraine parfois des réactions extrêmes : par exemple, l’équipe médicale de l’Australian Ballet va jusqu’à interdire les étirements. Plus qu’une polémique, c’est l’occasion de faire un point sur les connaissances théoriques et les confronter à la réalité de la pratique. Fidèle à sa méthodologie participative, l’équipe médicale du Malandain Ballet Biarritz a restitué ces données aux danseurs lors d’un atelier en juin. Après le partage de ces actualités, de la physiologique de l’étirement, un temps de partage a permis de mieux définir ces techniques et d’en trouver d’autres pour mieux travailler sa souplesse. C’est désormais la phase d’expérimentation, ou chaque danseur va explorer ces pistes de réflexion, et partager son expérience en automne prochain. Un travail similaire a été proposé aux danseurs participant à l’Entrainement régulier du danseur.
Reprise de l’Entrainement régulier du danseur
Suite au succès rencontré depuis son lancement en 2021 (une centaine d’inscrits), le Conservatoire Maurice Ravel Pays Basque, le CCN Malandain Ballet Biarritz et l'Institut Danse Santé proposent à nouveau dans les studios du Conservatoire à Biarritz un Entrainement régulier du danseur hebdomadaire destiné aux danseurs de compagnies du territoire qui veulent s’entraîner auprès d’autres
professionnels; aux danseurs intermittents en recherche d’emploi, aux jeunes danseurs en fin de cycle préprofessionnel à la recherche d’un contrat; aux professeurs de danse du territoire qui veulent continuer à s’entraîner et à progresser, mais aussi s’ouvrir à d’autres méthodes pédagogiques.
Des cours hebdomadaires
Un cours de danse classique : le mardi de 10h 15 à 11h45
Un cours de danse contemporaine : le jeudi de 10h15 à 11h45
Des ateliers chorégraphiques
Répartis tout au long de la saison les mardis et jeudis, de 11h45 à13h, ces ateliers permettent de découvrir d’autres esthétiques, de creuser une démarche, un processus de création, un univers propre à un artiste.
Des ateliers de prévention proposés par l'Institut Danse Santé
Ces séances sont déclinées sous forme de conseils santé, du renforcement musculaire et cardio-respiratoire spécifique. Il s’agit d’une innovation puisque le danseur, accompagné d'un kinésithérapeute spécialisé pourra progresser sur ce triptyque technique, physique et hygiène de vie. Un programme des activités (hors vacances scolaires) vous sera régulièrement envoyé.
Inscriptions via le formulaire en ligne : https://bit.ly/entrainementdanseur Renseignements : entrainementdanseur@malandainballet.com
SANTÉ
© Olivier Houeix
© Stéphane Bellocq
2017 2019 2020 20162021 101 93 34 60 107 91 2018 2017 2019 2020 20162021 16722 76 500 52000 103 000 101 000 82400 2018 Europe hors France 14 % France hors Nouvelle-Aquitaine 65 % Biarritz 9 % NouvelleAquitaine 12 % France hors Nouvelle-Aquitaine 53,3 % Europe hors France 30 % Biarritz 13,3 % 2017 2019 20182021 250 464 350 300 2020 301 France hors Nouvelle-Aquitaine 6 % Biarritz 36 % Europe 33 % Pyrénées-Atlantiques hors Biarritz 23 % Pyrénées-Atlantiques hors Biarritz 2 % Bilan 2021 nombre de représentations nombre de spectateurs répartition géographique des tournées répartition géographique des spectateurs 3 créations Sinfonia l’Oiseau de feu Thierry Malandain le Sacre du printemps Martin Harriague (artiste associé) 60 représentations réalisées versus 112 prévues Principaux publics concernés 464 interventions de sensibilisation, médiation & EAC nombre d'interventions SENSIBILISATION Les danseurs amateurs ou professionnels Le jeune public, écoliers, collégiens, lycéens du secteur public et privé Les familles en privilégiant l’intergénérationel Public empêchés / inclusion • • • • répartition des interventions CRÉATION Sinfonia © Olivier Houeix i Claire Lonchampt, Hugo Layer, Mickaël Conte
feu © Olivier Houeix i 48 49
L'Oiseau de
L’Accueil plateau permet aux compagnies soutenues en Accueil studio d’être programmées grâce aux partenariats établis avec le Festival le Temps d’Aimer, le Théâtre Olympia – Arcachon, D Feria –Donostia San Sebastián…
2017 2019 2020 2021 9 2018 10 12 14 14 France hors Nouvelle-Aquitaine 33 % International 17 % Région Nouvelle-Aquitaine 50 % Région Nouvelle-Aquitaine 511.000 € 22 % Département Pyrénées-Atlantiques 188.000 € 8 % MC DRAC Nouvelle-Aquitaine 1.110.000 € 47 % Ville de Biarritz 547.000 € 23 % Communauté Pays Basque 50.000 € 29 % MC DCGA Pôle Coopération 23.750 € 14 % MC DRAC Nouvelle-Aquitaine Artiste associé+SPIP 48.000 € 28 % Eurorégion NAEN 39.453 € 23 % ARS+ICB 4.500 € 2 % Département Pyrénées-Atlantiques 7.415 € 4 %
1 projet
1
par l’Eurorégion NouvelleAquitaine /
Navarre 1 festival de
organisé pour la
BUDGET
•
2 festivals soutenus dans le cadre de l’Accueil studio en 2021 12 compagnies soutenues (versus 4,5 M€ en 2019) dont 889 K€ de budget pour le Festival le Temps d’Aimer la Danse. Budget 5,3 millions d'euros ACCUEIL STUDIO ACCUEIL PLATEAU ÉQUIPE 22 danseurs permanents 131 collaborateurs dont 55 équivalents temps plein Total Produits Total Charges Résultat nombre de compagnies accueilles provenance des accueils studio subventions de projets 2021 : 173 K€subventions d'exploitation 2021 : 2,357 M€ 2019 4 590 338 € 4 559 416 € 30 922 € 2020 3 299 354 € 3 016 381 € 282 973 € 2021 5 361 502 € 4 936 884 € 424 619 € BILAN Le Sacre du printemps © Olivier Houeix g
de coopération « Ballet T » mené entre les villes de Biarritz et Donostia / San Sebastián
programme « Art & Environnement » soutenu
Euskadi /
danse le Temps d’Aimer
première fois par le CCN à la demande de la ville de Biarritz.
• Errobiko Festibala
Dantza Hirian
Mécénat Amis du Malandain Ballet Biarritz
À l’issue de la représentation du 7 mai au Teatro Victoria Eugenia de Donostia / San Sebastián, l’Association des Amis du Malandain Ballet Biarritz représentée par Colette Rousserie, Présidente fondatrice, accompagnée des membres du Conseil d’Administration dont Jean-Claude Boussard, Secrétaire, Mikel Ithurbide, Trésorier, a remis un chèque de soutien de 44.000 € à Thierry Malandain.
En raison du COVID, ce chèque réunit exceptionnellement les années 2020 et 2021. Créée en février 2003, l’Association accompagne le CCN dans ses missions de diffusion et de création à Biarritz, dans la Région, le Département, en France et à l'étranger en lui apportant un soutien amical et financier.
Adhésions en ligne https://bit.ly/amis-mbb
Nouveau venu
Léo Wanner, né à Marseille. Formé en Italie durant six ans à l’Accademia Teatro alla Scala de Milan, il en sort diplômé en 2021 avant d’entrer au Cannes Jeune Ballet Rosella Hightower. Il rejoint le Malandain Ballet Biarritz en septembre 2022.
assistante, qui quittent l’organisation après avoir œuvré plus de 30 ans pour cet événement hautement reconnu aujourd’hui.
Exposition à Mont de Marsan
Du 12 septembre au 7 octobre, dans le cadre de la programmation de la Compagnie, le Théâtre de Gascogne a accueilli une exposition réunissant des photographies de l’Oiseau de feu et du Sacre du printemps réalisées par Olivier Houeix.
Europa Danse Company
Du 21 au 24 juin, Ione Miren Aguirre, a transmis des extraits du répertoire du CCN aux danseurs d’Europa Danse Company, ballet junior dirigé par Laurent Drousie à Bruxelles.
B&M Compagnie
Les 23 et 24 mai, Clara Forgues, exdanseuse au Malandain Ballet Biarritz a animé des ateliers autour de Nocturnes et Noé avec les danseurs de la B&M Compagnie, ballet junior dirigé par Manon Bastardie à Biarritz.
Mezzo
Entre le 20 septembre et le 16 octobre, deux ballets ont été diffusés sur Mezzo : la Pastorale, filmée à Chaillot-Théâtre national de la Danse en 2019 par Patrick
Lauze, Les Films Figures Libres, suivi d’un documentaire de 12 minutes réalisé par Patrick Lauze, puis Marie-Antoinette filmée à l’Opéra Royal du Château de Versailles en 2019 par Patrick Lauze, Les Films Figures Libres.
Infos : www.mezzo.tv
Diffusion en Chine
Également filmés à Chaillot-Théâtre national de la Danse par Patrick Lauze, Les Films Figures Libres, l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps ont été diffusée en ligne le 20 septembre dans le cadre du festival international de danse de Xi'an. Du 17 au 23 septembre, ce festival a rassemblé 29 pays, 58 représentations ont eu lieu dans les théâtres et en ligne, et ont réuni au total plus de 3 millions de spectateurs. Cette année, en plus du Malandain Ballet Biarritz, les Ballet de l'Opéra national de Paris et du Teatro alla Scala de Milan, et la Compania nacional de Danza de Madrid ont également été invités à participer.
Frederik Deberdt maître de ballet
Sous les applaudissements et les rappels, le 5 août dernier, Frederik Deberdt formé à l’École du Ballet royal de Flandres et entré au Malandain Ballet Biarritz en 2001 a fait ses adieux sur la scène de la Gare du Midi. Doué de qualités rares qui font l’artiste complet, après une carrière admirablement remplie, il devient maître de ballet au sein de la Compagnie.
Académie Internationale de Danse de Biarritz
Remerciements les plus chaleureux et les plus reconnaissants aux bénévoles, ainsi qu’à Hélène Gillet, fondatrice de l’Académie et à Anne Londaïtz son
EN BREF
© Olivier Houeix
© Olivier Houeix
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Frederik Deberdt, Silhouette © Olivier Houeix
présidente Catherine Pégard vice-président Guillaume Pepy trésorière Solange Dondi secrétaire Richard Flahaut trésorière adjointe, déléguée à la transition écoresponsable Monique Barbaroux déléguée à la coopération territoriale et internationale Marie-Christine Rivière administrateurs Gratien Maire, Anne Méhu président d’honneur Pierre Durand
Direction directeur / chorégraphe Thierry Malandain directeur délégué Yves Kordian
Artistique / Création artiste associé Jon Maya, Kukai Dantza maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro, Frederik Deberdt artistes chorégraphiques Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Marta Otano Alonso, Alessia Peschiulli, Julen Rodriguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Léo Wanner artiste chorégraphique chargé du développement artistique Arnaud Mahouy professeurs invités Bruno Cauhapé, Sophie Sarrote pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean- François Pailler
Transmission du répertoire maître de ballet Giuseppe Chiavaro
Production / Technique directrice technique Chloé Brèneur régisseur général Frédéric Bears régie plateau Jean Gardera, Christophe Gauthier, Franck Girodo, Emmanuel Rieussec, Bertrand Tocoua régie lumière Christian Grossard, Mikel Perez Technicien lumière Théo Matton régie son Nicolas Rochais, Maxime Truccolo techniciens plateau Jean-Luc Del Campo, Renaud Bidjeck réalisation costumes Véronique Murat, Charlotte Margnoux régie costumes Karine Prins, Annie Onchalo construction décors et accessoires Frédéric Vadé directeur technique festival Le Temps d'Aimer Jean-Pascal Bourgade techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Stéphane Tisserant, Vincent Ustarroz agent d’entretien Ghita Ballouk Sensibilisation / Relations avec les publics responsable sensibilisation / transmission du répertoire aux préprofessionnels Dominique Cordemans intervenante EAC Ione Miren Aguirre intervenante Enseignement Art-Danse, Académie, ERD Carole Philipp
Diffusion chargée de diffusion Lise Philippon attachée de production Laura Delprat attachée de production Noémie Zabala-Pihouée administratrice de production festival Le Temps d'Aimer Katariñe Arrizabalaga agents Delta Danse / Thierry Duclos, Klemark Performing Arts et Music / Creatio 300, Norddeutsche Konzertdirektion / Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music / Roberta Righi Communication responsable image Frédéric Néry / Yocom responsable communication Sabine Cascino attachée à la communication Elena Eyherabide Chargée de projet Eloixa Ospital attaché de presse Yves Mousset photographe Olivier Houeix
Pôle chorégraphique territorial administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta Secrétariat général / Mécénat secrétaire général Georges Tran du Phuoc
Ressources humaines, finances et juridique responsable administrative et financière Séverine Etchenique comptable principale Arantxa Lagnet, Laurence Peltier comptable Marina Souveste secrétaire comptable Sonia Mounica secrétaire administrative Virginie Sichem Suivi et prévention médicale des danseurs Jean-Baptiste Colombié, Aurélie Juret
Biarritz - Donostia / San Sebastián
Malandain Ballet Biarritz
co-présidence du projet Thierry Malandain co-directeur du projet Yves Kordian chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta communication Sabine Cascino
Victoria Eugenia Antzokia co-présidence du projet Jaime Otamendi co-directeur du projet Norka Chiapusso chef de projet Koldo Domán administration María José Irisari communication María Huegun
CCN Malandain Ballet Biarritz Gare du Midi • 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz tél. +33 5 59 24 67 19 • ccn@malandainballet.com
centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques
Laurine Viel & Raphaël Canet, Marie-Antoinette © Olivier Houeix
Représentations au Pays basque
19/10 22/10 23/10 29/10 21/12 22/12 23/12
Représentations
02/10 04/10 09/11 10/11 12/11 15/11 24/11 26/11 29/11 01/12 03/12 06/12 08 /12 09/12 10/12 11/12 16/12
Donostia
Donostia
Donostia
Biarritz Jai alai Aguilera
Biarritz Biarritz Biarritz
en France
Les Sables d’Olonne Mont-de-Marsan
Saint-Denis (Ile de la Réunion)
Saint-Denis (Ile de la Réunion)
Saint-Denis (Ile de la Réunion)
Saint-Pierre (Ile de la Réunion)
Saint-Etienne Noisy-le-Grand Neuilly-sur-Seine Neuilly-sur-Seine Reuil-Malmaison
Nevers
Versailles Versailles Versailles Versailles Bourges
Représentations à l’International
06/10 01/11 02/11 03/11 04/11 05/11 19/11 22/11
Friedrichshafen (Allemagne)
Fürth (Allemagne)
Fürth (Allemagne)
Fürth (Allemagne)
Fürth (Allemagne)
Fürth (Allemagne)
Udine (Italie) Monthey (Suisse)
Souffle basque - Jon Maya, artiste associé
Souffle basque - Jon Maya, artiste associé
Souffle basque - Jon Maya, artiste associé
Souffle basque - Jon Maya, artiste associé Marie-Antoinette Marie-Antoinette Marie-Antoinette
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
La Pastorale
La Pastorale
La Pastorale
Mozart à 2, Beethoven 6
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps + scolaire
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
LL’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
La Pastorale
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
La Pastorale
Pastorale
La Pastorale La Pastorale La Pastorale
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
L’Oiseau de feu & le Sacre du printemps
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