AVRIL > JUIN 2022
ÉDITO
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PROGRAMMATION
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ACTIVITÉ
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ÉVÉNEMENT
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DANSE À BIARRITZ #87
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JOURNAL D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE EN PYRÉNÉES-ATLANTIQUES MALANDAIN BALLET BIARRITZ
SENSIBILISATION
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TRANSMISSION
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SANTÉ
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EN BREF
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CALENDRIER
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Jon Olascuaga et Xabi Etcheverry © Académie des beaux-arts P. Rimond
© Académie des beaux-arts P. Rimond
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ÉDITO
Installé
le 6 avril dernier à l’Académie des beaux-arts sous la présidence d’Astrid de La Forest, peintre graveuse, mes remerciements émus seront brefs, mais cette brièveté sera largement compensée par le nombre. Avec une profonde gratitude, ils seront dus en premier lieu aux membres de cette prestigieuse institution, puisqu’au-delà de ma personne cette consécration marque un évènement historique : la reconnaissance de la Chorégraphie comme un « des arts majeurs et immémoriaux ». À la pensée de son discours bienveillant, je remercie tout autant Laurent Petitgirard, compositeur et Secrétaire perpétuel de l’Académie, qui m’installa sous la Coupole de l’Institut de France. Ajournée en raison de la situation sanitaire, cette cérémonie était prévue le 15 décembre 2021, mais reportons-nous plus loin dans le temps. Élevée au firmament académique par Louis XIV de 1661 à 1780, après la Révolution, l’art de la Danse n’ayant pas trouvé sa place au sein de l’Institut de France en 1803, ni au sein de l’Académie des beaux-arts en 1816, le 9 octobre 2018, les académiciens actaient la création d’une « section de Chorégraphie » avant d’ouvrir la vacance de quatre fauteuils. Je remercie Ariane Bavelier, rédactrice cheffe adjointe et critique de danse au Figaro et Richard Flahaut, membre du Conseil d’Administration du CCN-Malandain Ballet Biarritz de m’en avoir tenu informé en m’encourageant à poser ma candidature, malgré mes réticences à briguer les honneurs. Comptant déjà dans ses rangs le chorégraphe tchèque Jirí Kylián reçu en mars 2019 comme « membre associé étranger », l'héritière des Académies royales du Grand Siècle n’avait connu que deux chorégraphes : Serge Lifar « membre correspondant de la section de Sculpture » en 1970 et Maurice Béjart installé dans la section des « membres libres » en 1994. Le 24 avril 2019, les académiciens pourvurent, par un vote, trois des quatre fauteuils de la nouvelle section de Chorégraphie en m’élisant auprès de Blanca Li et Angelin Preljocaj. Le 15 janvier 2020, deux membres correspondants furent élus, la journaliste et critique, Dominique Frétard et Didier Deschamps, danseur, chorégraphe, directeur, à l’origine de la création du CCN de Biarritz en 1998 comme Conseiller pour la danse à la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles (DMDTS). Enfin, le 2 décembre 2020, Carolyn Carlson fut admise au quatrième fauteuil. Suivant l'usage traditionnel, le nouvel académicien se doit dans son discours de réception de faire l'éloge de son prédécesseur, autrement dit du fauteuil vacant devenu le sien.
S’agissant d’une nouvelle section, il me fallut trouver un sujet à traiter. C’est à l’histoire de la Danse dont je me nourris que je fis référence tout en rendant hommage à l’un des derniers « académistes » de l’Académie de Danse Louisquatorzienne : Jean-Étienne Despréaux (1748-1820). Maître à danser, auteur de ballets, de chansons, vaudevilles et poèmes de circonstance. Pour ce brillant ordonnateur des cérémonies de la Cour sous l’Empire, la façon de porter l'habit et l'épée n’avait pas de secret.
« Brodé en plein d’une branche d'olivier en soie vert foncé », au conseil de Monique Barbaroux, membre du Conseil d'Administration du CCNMalandain Ballet Biarritz, mon « habit français de drap noir », ainsi réglé par le premier Consul Napoléon Bonaparte a été confectionné à Villejuif dans les ateliers de l’association Renaissance. Fondée et dirigée par le styliste Philippe Guilet, elle forme en insertion de jeunes talents aux techniques de la hautecouture en donnant un nouvel élan créatif à des vêtements de luxe déclassés ou démodés. Avec leurs doigts d’or, ils ont contribué à offrir une nouvelle vie, une nouvelle histoire à « l’habit vert » porté par l’artiste peintre Jean Carzou, membre de l’Académie des beaux-arts jusqu’en 2000.
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ÉDITO Je suis profondément reconnaissant à Philippe Guilet, à Paulette Mendy, à leur équipe, ainsi qu’à la famille de Jean Carzou, dont le trait mordant s’exprima aussi avec force au théâtre. Par exemple, dans Giselle en 1954 lorsque Serge Lifar remit en scène le ballet d’Adolphe Adam au palais Garnier. Ce qui me fournit l’occasion de remercier Gilbert Mayer, professeur des plus éminents de l’Opéra de Paris, pour m’avoir offert un exemplaire dédicacé du discours de réception prononcé par Serge Lifar à l’Institut en 1970. Dans un univers à mi-chemin du réel et du rêve, en 1953 Jean Carzou signa également les décors et costumes d’un ballet créé par Roland Petit sur une musique d’Henri Dutilleux : le Loup, où brillèrent deux jeunes étoiles, Violette Verdy et Claire Sombert, qui plus tard veilleront sur mes débuts de danseur et de chorégraphe. Au-delà des broderies soyeuses couleur d’espérance, il y a des « fées » du hasard qui forcent à croire à la Providence.
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Jusqu'ici, nous avons parlé d’épée, mais l'histoire nous apprend qu’une canne surmontée d’une pomme portant la médaille de l'Institut était en 1803 l’attribut de l’académicien. En veillant à ne pas l’employer comme un manche, surtout après la mort de Jean-Baptiste Lully qui dans un excès d’humeur s’en frappa le pied par mégarde en 1687, la canne ou le bâton, les maîtres de ballet en faisaient également usage pour battre la mesure sur le plancher, voire comme instrument de correction. C’est pourquoi, afin d’en rappeler l’histoire, l’emploi et le sens, j’ai choisi un bâton plutôt qu’une épée. Notons que le port du bâton, signe d’autorité, remonterait à l'antiquité la plus reculée. Cependant, la Genèse est plus précise à ce sujet, puisque le bâton serait de trois jours plus vieux que l'homme. Car c'est le troisième jour, que Dieu créa les arbres, tandis que ce n'est que le sixième jour qu'il fit l'homme à son image. Hélas ! la première utilisation du bâton que l'on connaisse fut le premier meurtre de l’humanité, celui d'Abel assommé par Caïn. Quant à la pomme, le bien et le mal est une question épineuse que nous laisserons aux philosophes s'efforçant de prôner la paix. Axe du monde, canal entre l’homme et la terre, entre l’homme et le cosmos, le bâton est autant la marque du commandement que celle du pèlerin en des mains plus simples. Également associé à la motivation, à la créativité, au mouvement et aux réalisations, après avoir servi à défendre l’art, après avoir opéré ses charmes comme dans les légendes où à l'aide d’une baguette les sorciers font descendre les étoiles du ciel, entre héritage et transmission, il est aussi le bâton de relai, enfin celui où l’on appuie ses vieux jours. Bref, contenant dans son essence l’histoire anecdotique et philosophique de l'humanité, le bâton n’est pas qu’un simple bout de bois.
Jean-Carzou Le Loup, 1953
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Edgar Degas La classe de danse, Jules Perrot, 1875
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Vestige de l'Ancien Régime, remis au goût du jour sous l’Empire, l’épée est généralement offerte grâce à une souscription auprès des amis du futur académicien réunis dans un « Comité de l’Épée ». Formidablement conduit par Catherine Pégard, Présidente du CCN-Malandain Ballet Biarritz, avec émotion je remercie les membres du Comité d’honneur et toutes les personnes connues et inconnues, qui en grand nombre, ont généreusement répondu à son appel. Et sans attendre davantage, j’adresse aussi des mercis aux Amis du Malandain Ballet Biarritz, aux membres du Cercle Malandain, tout en priant chacune et chacun d’être persuadé de ma profonde gratitude.
ÉDITO Au bas du bâton, gravé sur l’argent d’après un dessin de Pascal Maire, un vol d’oiseaux rappelle que pour le commun des êtres humains, l'ambition est de s'élever corps et âme. Enfin, le fourreau confectionné par Karine Prins est réalisé dans les chutes de tissus de plusieurs ballets.
Pour sa fabrication, il a été fait appel au savoir-faire d’Origine Ateliers et au talent de deux artisans-joaillers biarrots passés par les plus grandes maisons : Stéphanie Porsain et Florent Trémolosa. Je leur sais gré de leur créativité et de leur sensibilité, tout en saluant les contributions de l’atelier Ainciart Bergara ; de Jared Robertson, graveur ; de Pascal Maire, artiste touche-à-tout landais, et de Karine Prins, régisseuse costumes du CCN-Malandain Ballet Biarritz.
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Ouverte au son du tambour par la Garde républicaine, la cérémonie à laquelle assistèrent nombre de personnalités et d’amis de la Danse que je remercie vivement de leur présence, fut entrecoupée d’images de nos ballets, et de deux danses à portée historique et symbolique. Interprétée par Jon Olazcuaga Garibal et Xabi Etcheverry au violon, ce fut d’abord, la gavotte de Vestris que le chorégraphe-académicien, Maximilien Gardel régla en 1785 pour le danseur-académicien Auguste Vestris dans une comédie-lyrique qu’André Grétry intitula : Panurge dans l'isle des lanternes. Cette gavotte marqua tant les esprits qu'elle fut introduite dans les bals, puis jusqu’à la fin du XIXème siècle dans le répertoire militaire, devenant dans les casernes une épreuve obligatoire pour obtenir le brevet de prévôt de danse. Grâce à ce brevet de capacité, la gavotte de Vestris trouva une place de choix au Pays basque. L’occasion de souligner, que sous la plume de Jon Iruretagoyena, « La Danse à Biarritz » de ce Numéro 93 sera consacrée à cette pratique méconnue de la danse régimentaire et à son apport aux traditions populaires.
Origine Ateliers, gravure Jared Robertson, dessin Pascal Maire © O. Houeix
C’est un bois pour makila, arme et bâton de soutien au Pays basque, qui s’est imposé comme une évidence. La branche de Néflier commun ou des bois (Mespilus germanica), écorcée, redressée et vieillie selon la tradition a été choisie par Stéphanie Porsain et Florent Tremolos à Larressore dans la réserve de l’atelier Ainciart Bergara : fabricant artisanal de makilas depuis le XVIIIème siècle. Sublimant les stigmates de la souffrance qu’endure parfois le corps du danseur, il compte presque autant de nœuds que de ballets chorégraphiés depuis 1984. Comme une houlette pastorale, la pomme en argent est ornée d’une coquille d’escargot. Liée au mouvement et au temps, sa spirale symbolise la renaissance et ici le retour de la Danse dans le cortège des arts. Sur la garde du bâton sont gravés par Jared Robertson des rameaux d’olivier pour suivre la tradition académique, et en référence aux 13 « académistes » nommés en 1661 par Louis XIV, les noms de 13 chorégraphes connus ou oubliés : Jean-Baptiste Blache (1765-1834), Louis Henry (1784-1836), François Albert Decombe (1787-1865), Jules Perrot (18101892), Henri Justamant (1815-1890), Marius Petipa (1818-1910), Hyppolite Montplaisir (1821-1877), Mariquita (18411922), Laure Fonta (1845-1915), Louise Stichel (1856-1942), Serge Lifar (19051986), Janine Charrat (1924-2017) et Joseph Lazzini (1926-2012).
Après la gavotte de Vestris, qui faisait le lien entre la danse de théâtre et la danse des villes et des champs, ne vint pas l’ezpata-dantza (danse des épées ou des bâtons) qui aurait pu retenir l’attention. Mais afin de saluer les invités et la mémoire de Jean-Étienne Despréaux, accompagné au tambourin et txistu par Sébastien Paulini, Arthur Barat dansa le cérémonieux aurresku qu’exécute au Pays basque le chef de file dans la soka-dantza (danse de corde). Détaché de cette danse en quatre parties où les danseurs forment une chaîne en se tenant par la main, l’aurresku est devenu une sorte de révérence pour honorer les personnages publics, les autorités, les invités, à l’occasion de cérémonies protocolaires, de bienvenue ou d’inaugurations. « C'est un spectacle que les Basques donnent à tous les visiteurs, écrira en 1889 l’envoyé spécial du Gaulois lors d’un séjour de la reine Victoria à Biarritz. On a dansé l'aurresku devant Napoléon
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III, l'impératrice Eugénie et la reine Isabelle, lors de l’entrevue de Saint-Sébastien, en 1867. On y ajouta alors la danse des bâtons, qui est encore plus bizarre » (1). Favorisant encore de nos jours les impressions les plus variées, les danses des sept provinces basques, superbes d’allure et d’agilité, dont on néglige l’importance en oubliant qu’elles sont riches de sens et de symboles, me fascinèrent dès notre arrivée à Biarritz en 1998. Mais parce que la danse basque fait appel à une musicalité et un « tricotage des jambes » bien particulier, tout en s’appuyant sur des pratiques rituelles obscures pour un Normand, je me suis toujours gardé d’en offrir une pâle copie. Toutefois, malgré ses préjugés agaçants de « basqueries », profondément convaincu qu’elle était dans ses traditions vénérables un gisement de valeur, par le biais de l’accueil-studio, dispositif de partage mis en place par le Ministère de la culture et de la communication, et en puisant dans nos fonds propres, dès notre installation, en lien avec l’Institut Culturel Basque (ICB), nous eûmes à cœur de soutenir cette danse d’une originalité incontestable se caractérisant des deux côtés des Pyrénées par une pratique populaire régulière. Et, dans l’illustre sillage des ballets Oldarra (1945) et des ballets Etorki (1953), longtemps ambassadeurs de Biarritz et des trésors de l’âme basque à travers le monde, par deux camps distincts : « les détenteurs de la tradition » et « les protagonistes de la création » pour reprendre les mots de Claire Rousier, chargée d’une étude sur les danses basques en 2011 (2). Deux fractions rivales aujourd’hui ralliées à une même cause à travers des évènements engendrant un effet d'entraînement positif. À l’exemple du « Rendez-vous basque » : vitrine annuelle de la création chorégraphique traditionnelle et contemporaine transfrontalière. Quant aux artistes soutenus depuis 23 ans, en regrettant de ne pouvoir les nommer tous, j’évoquerai Jon Maya, danseur et chorégraphe de la compagnie Kukai Dantza, basée à Errenteria, puisqu’il succède au bayonnais Martin Harriague, comme artiste associé au CCN. Mais aussi les membres du collectif Bilaka de Bayonne et Claude Iruretagoyena, chorégraphe de la compagnie Maritzuli à Biarritz, grâce auxquels la gavotte de Vestris et l'aurresku furent dansés avec grande émotion sous la Coupole. Les remerciements étant également une affaire de sentiments, à l’heure où la Chorégraphie se voyait reçue au sein de l’Académie des beaux-arts il me semblait important de partager ce moment historique, non pas avec : « ce petit peuple qui danse au pied des Pyrénées », puisque cette définition passablement désinvolte attribuée à Voltaire, et répétée à l’envi dans les journaux est une infox comme on dit dans les écoles de journalisme. Mais, plus exactement avec ces : « peuples qui demeurent, ou plutôt qui sautent au pied des Pyrénées, et qu'on appelle Vasques ou Vascons. […] Ils sont infatigables, courageux et plaisants ; vous en serez très satisfait » écrit Voltaire dans la Princesse de Babylone.
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« Le vieux Bélus, roi de Babylone, se croyait le premier homme de la terre : car tous ses courtisans le lui disaient, et ses historiographes le lui prouvaient » (3). Bien avant que les Américains ne dégradent à jamais le site archéologique de l’antique Babylone pour y établir une base militaire, nommée le Camp Alpha ou « the ruins », tout en provoquant sur des accusations non-fondées, la mort et l’exode de milliers d’Irakiens en échange de lendemains qui chantent. Mais nul besoin de revenir sur l’ « Operation Iraqi Liberation » de 2003, dont l’acronyme « O.I.L. » trahit bien involontairement les calculs pétroliers derrière les bons sentiments. Sous la forme d’un voyage à travers le monde, la Princesse de Babylone dénonçait en 1768 les régimes politiques, le dogmatisme religieux ennemi de la tolérance, les abus et les mœurs de la bonne société européenne et l'orgueil des rois et leur propension irraisonnée à faire la guerre. Soulevant une immense émotion, avec en arrière-plan une bataille russo-américaine pour la gouvernance énergétique et monétaire de la planète, l’offensive russe en Ukraine, terre de convoitise et d’équilibre dans le rapport des forces, nous montre que cette inclinaison des souverains du monde à déchaîner les calamités afin d’étendre leurs sphères d’influence est une chronique sans fin au détriment du bonheur humain. Mais business et sagesse étant une addition utopique, sauf dans les manuels d’économie responsable et éthique, enchaînons, puisque Mars, dieu de la guerre nous fait entendre son chant funeste. Après l’Académie des beaux-arts qui dès le 9 mars mobilisa un premier fonds d’urgence de 300 000 € pour soutenir les artistes ukrainiens en exil, dans ce même élan solidaire, le 14 avril, Chaillot - Théâtre national de la Danse associé à plusieurs institutions chorégraphiques hexagonales organisa une soirée à laquelle deux artistes du CCN, Patricia Velazquez et Jeshua Costa participèrent. Éclairée d’un rayon de foi en l’avenir, cette soirée s’intitulait : Ensemble
(1)
Le Gaulois, 28 mars 1889
Étude danse(s) basque(s), Claire Rousier - Institut culturel basque - avril 2011
(2)
La Princesse de Babylone, 1768, p.1
(3)
À la Joie, Friedrich Schiller, 1785
(4)
Journal (1893-1699) Mercure de France, 2017, p. 459
(5)
D’après l’essayiste uruguayen Eduardo Galeano, création le 6 septembre 2002 au TNP de Villeurbanne dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon.
(6)
La Princesse de Babylone, 1768, p.45
(7)
À la Joie, Friedrich Schiller, 1785
(8)
pour la paix. Seulement, à contre-pied de l’Ode à la joie beethovenien : « Millions d’êtres, soyez tous embrassés d’une commune étreinte ! » (4), les tambours roulant pour le fracas des armes et les cris des innocents, quitte à précipiter l’humanité dans la plus dantesque des fins, elle n’est hélas pas au rendez-vous, et peut-être pour longtemps encore. Parmi les conséquences dont les plus démunis paieront le prix, alors que l'Ouest fut toujours une terre promise pour les artistes persécutés par une longue suite de régimes autocratiques, sous l'émotion douloureuse des évènements, le boycott de la culture russe rouvre les cicatrices du maccarthysme jusqu’à l’absurde. Certes la culture est politique et peut être instrumentalisée par les appareils étatiques, mais en renommant par exemple « Danseuses ukrainiennes » un pastel d’Edgar Degas connu sous le nom de « Danseuses russes », au prétexte qu’elles portent dans leurs cheveux des rubans jaunes et bleus, la National Gallery de Londres nous prouve que l'humour britannique, qui diffère de l'ironie narquoise caractéristique de l'esprit français, ou de la bonne rigolade tricolore, ne perd jamais ses droits. Car dans la même série, les colifichets des danseuses sont rouges ou bleus, et grâce à l’artiste peintre Julie Manet, qui nota les paroles de Degas dans son journal, on lira au 1er juillet 1899 : « […] "Je vais vous montrer l'orgie de couleur que je fais en ce moment ", et il nous a fait monter dans son atelier. Nous sommes très touchés car il ne montre jamais ce qu’il fait. Il sort trois pastels représentant des femmes en costumes russes avec fleurs dans les cheveux, colliers de perles, chemisiers blancs, jupes aux tons vifs et bottes rouges qui dansent dans un paysage imaginaire qui est des plus réel » (5). Sur ce plan, si la réalité ne le satisfait pas, avec l’ambition de créer l’absolu, il est assez facile pour l’artiste observateur et sensible de mettre de l'ordre dans le désordre et de corriger le monde. Il lui suffit de tomber dans le rêve et d’en créer un nouveau pouvant servir de
modèle. Dans la Princesse de Babylone, après avoir dénoncé la folie des hommes, Voltaire s’y applique justement en faisant l’éloge d’une contrée utopique située sur la rive orientale du Gange : Le pays des Gangarides, où règnent l’amour, la justice, la tolérance, la paix et l’égalité au rythme des lois de la Nature. Dans cet Eldorado imaginaire s’appuyant sur une organisation politique fondée sur la raison, chacun est en harmonie avec son prochain et lui-même. En ce sens, loin du conflit des passions et de l'antagonisme des intérêts, bien que posant sur le front une couronne d’immortel, l’Académie des beaux-arts est sur les rives de la Seine un pays bien réel. « Instance consultative auprès des pouvoirs publics », par ses réflexions sur les questions d’ordre culturel et son soutien à la création, elle « contribue à la défense et à l’illustration du patrimoine artistique de la France, ainsi qu’à son développement, dans le respect du pluralisme des expressions ». En d’autres termes, sous toutes les formes possibles, elle préserve et encourage la beauté, l’enchantement, l’amour inassouvi de l’idéal. Entendez, tout ce que le génie humain inventa à travers les âges sur le modèle de la Nature pour mieux vivre ensemble, pour élever l’esprit et la connaissance, pour consoler l'humanité et la délivrer des mensonges et des violences de la vie ordinaire. Confronté à la réalité brûlante des problèmes de l’heure et aux aléas du futur, ceux qui peinent à joindre les deux bouts, ne manqueront pas de dire : « Ce sont là de belles paroles, de beaux galimatias en écriture, mais ils ne m’apporteront pas un centime de plus ! ». Certes, les Applaudissements ne se mangent pas, pour emprunter au titre d’une œuvre chorégraphique de Maguy Marin, qui traitait des révoltes populaires et du pillage des ressources de l’Amérique-latine par les puissances européennes et les États-Unis (6). Mais sans tourner le dos aux autres nécessités humaines, bien que Voltaire dît encore : « la principale démence » des hommes est « la fureur de verser le sang de leurs frères, et de dévaster des plaines fertiles pour régner sur des cimetières » (7), « sur le mont radieux de la foi » (8), les beaux-arts demeurent le nerf de la paix. Et, même si les peuples soupirent de l’attendre, l’on peut toujours espérer qu’un jour advienne une vie humaine apaisée par cette force d'amour du Beau, du Vrai, du Bien, poussant chacun à trouver un coin de Nature, une parcelle de rêve où vivre en sérénité comme dans un Éden enfin retrouvé.
n Thierry Malandain, avril 2022
PROGRAMMATION
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outenue par la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique et la CASDEN, la 9ème édition de Rendez-vous sur le quai de la Gare se déroulera du 15 au 19 juin à la Gare du Midi de Biarritz. Dédié à la sensibilisation et à la médiation, cet évènement verra la clôture de Planeta Dantzan : programme de sensibilisation à l’art chorégraphique et à l’environnement mené avec la Fondation Cristina Enea et l’équipe d’éducation à l’environnement de la ville de Pampelune. Il permettra d’exposer les travaux réalisés par les élèves ayant participé à ce programme et accueillera d’autres élèves ayant suivi des projets d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) autour de Sirènes de Martin Harriague. Au cours de cette semaine, plusieurs actions destinées aux scolaires seront proposées : visite de la Gare du Midi, exposition, projection, activités en lien avec le programme Art et Environnement … En outre, le CCN profitera de cet événement pour organiser plusieurs opérations autour de « Danse l’Europe ! », opération culturelle collaborative, inclusive et ouverte à tous à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Représentations scolaires de Sirènes 16 juin à 14h 17 juin à 10h Représentations tout public de Sinfonia (Malandain) et Sirènes (Harriague) 18 juin à 20h30 19 juin à 16h
Tarifs de 12 à 36 € Billetterie malandainballet.com Office de tourisme de Biarritz tél. 05 59 22 44 66 tourisme.biarritz.fr Guichets des Offices de tourisme de Bayonne, Anglet et Saint Jean-de-Luz
Sinfonia « Mêlant des fragments du livre de Claude Lévi-Strauss, le Cru et le cuit à des extraits de l'Innommable de Samuel Beckett, la Sinfonia pour huit voix et orchestre de Luciano Berio, fut créée à New York en 1968-69. Années des plus turbulentes aux États-Unis et en France, où « vivre sans contraintes et jouir sans entraves » se déclina en slogans. Mais aussi années de la grippe dite de Hong Kong, qui fit plus d'un million de morts dans le monde. La Planète était grippée, mais continua de
confinement de l’an 2020, Sinfonia peut être regardée comme une pièce de circonstance. Sur une partition de Luciano Berio considérée comme un monument de la musique des années 60, il y est surtout question de frontière, barrière et limite, mais bien entendu, et selon la formule consacrée, toute ressemblance avec des événements réels ne pourrait être que fortuite. »
n Thierry Malandain, janvier 2021
Sinfonia © Olivier Houeix
Rendez-vous sur le quai de la Gare #9
tourner pour ne pas mourir d’oisiveté. Ces repères posés, sous l’insécurité originelle de la terre et des cieux, il était une fois un virus nommé Covid-19 qui possédait un grand royaume et de nombreux sujets. Couronné roi de l’effroi et soignant sa réputation, il jouait à la roulette russe avec les vies humaines tout en faisant tomber une ombre écrasante sur des valeurs suprêmes : les libertés, la vie sociale, le bien-être, la culture, l’amour. Pour le bien du monde, tout contact était devenu suspect, déconseillé, dangereux, dénoncé, sanctionné, incongru. Semant la terreur et s'offensant des voix discordantes, Covid-19 était une sacrée gâchette. Réglée dans les ténèbres et les incertitudes du second
musique Luciano Berio chorégraphie Thierry Malandain décor et costumes Jorge Gallardo lumières François Menou réalisation costumes Véronique Murat assistée de Charlotte Margnoux artistes chorégraphiques Noé Ballot, Julie Bruneau, Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Alessia Peschiulli, Julen Rodríguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismaël Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Marta Otano Alonso. maîtres de ballet Richard Coudray et Giuseppe Chiavaro coproduction Donostia Kultura Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián - Ballet T, CCN Malandain Ballet Biarritz
ACTIVITÉ
Sirènes « J’ai grandi au bord de l’océan, fasciné, scrutant son écume sans pouvoir en percer les mystères. Qu’aurais-je sacrifié, qu’aurais-je appris, si un pacte funeste m’avait ouvert les abysses ? C’est dans cet océan à la fois familier et imaginaire que sirènes et humains mettent en scène leur destin. »
Mais de ces multiples tentations émerge un jour la créature rêvée, unique, qui fera de l’homme un Prince. Privée du son clair de sa voix et de ses nageoires par une ensorceleuse qui veut « ce qu’elle a de plus beau » … qu’importe ? La sirène chancelante, désormais amante et muse, apprendra d’autres façons de dévoiler son âme et de célébrer son bonheur. La créativité des terriens serait infinie ... »
Lucia You Gonzalez et Mickaël Conte, Sirènes © Olivier Houeix
n Martin Harriague
« Le monde des sirènes, je l'imagine sombre, envoûtant, parfois effrayant, comme les fonds marins que j'ai eu la chance d'observer plusieurs fois en Australie et en Indonésie, et leurs hydres ondoyant dans le clair-obscur », avoue le chorégraphe.
Puisant dans les traits changeants des sirènes de légende, Martin Harriague superpose et détourne les mythes pour nous parler de ce qui lui tient profondément à cœur. L’océan d’abord, fascinant, menaçant et menacé, avec lequel il entretient depuis l’enfance une intimité. Entre humour et gravité, son odyssée chorégraphique révèle une humanité embarquée par les sirènes du « progrès » dans une aventure qu’elle ne maîtrise pas. Sous le regard de l’Homme, le naufrage est imminent, comme sur la mer démontée qui menace Ulysse et ses marins, rejoignant ici la danse exaltée de la Folia. Le tumulte de la tempête dévoilera l’entre deux mondes, porté par l’ambiguïté des sirènes, resplendissantes et capricieuses, ingénues ou cruelles.
musique Antonio Vivaldi, Arcangelo Corelli, Francesco Araia & Hermann Raupach chorégraphie, décor Martin Harriague (ex-artiste associé) assistante chorégraphique Shani Cohen costumes Mieke Kockelkorn lumières Martin Harriague et Christian Grossard réalisation costumes Véronique Murat, Nelly Geyres, Charlotte Margnoux réalisation accessoires Annie Onchalo conception décor Frédéric Vadé coproduction Festival Cadences – Théâtre Olympia, scène conventionnée d’Arcachon, Donostia Kultura Victoria Eugenia Antzokia de Donostia / San Sebastián – Ballet T, CCN – Malandain Ballet Biarritz
L'Oiseau de feu © O. Houeix
Tournées En avril le CCN-Malandain Ballet Biarritz se produisit sur les scènes espagnoles de Valladolid au Teatro Calderón les 1, 2 et 3 avec la Pastorale, le 9 à Vitoria-Gasteiz au Teatro Principal Antzokia avec Sirènes et Sinfonia, le 24 à Oviedo au Teatro Campoamor avec l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps. Entre temps, le 16 dans le cadre d’un week-end dédié à l’art et la biodiversité organisé par la Scène de Bayssan l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps furent donnés à Béziers au Théâtre Michel Galabru. Enfin, le 30 la compagnie dansa la Pastorale au Théâtre La Colonne de Miramas. Le mois de mai comptera seize représentations : tout d’abord au Pin Galant de Mérignac le 3 avec le Sacre du printemps et l’Oiseau de feu. Ces ballets seront repris les 5, 6 et 7 pour trois représentations tout public et deux représentations scolaires au Teatro Victoria Eugenia de Donostia / San Sebastián. La compagnie se rendra ensuite en Hongrie avec la Pastorale au National Dance Theater de Budapest les 10 et 11. Puis aux Gémeaux - Scène Nationale de Sceaux les 13, 14 et 15, au Théâtre de Compiègne – Espace Jean Legendre le 17 et à l’Onde de Vélizy Villacoublay le 19. Elle poursuivra à l’Opéra de Reims pour deux spectacles tout public et une scolaire de l’Oiseau de feu et le Sacre du printemps les 21,22 et 23. Enfin, le 24 le Centre des Bords de Marne du Perreux-sur-Marne accueillera la Pastorale avant Basauri en Espagne où le 28 Mozart à 2 et Sirènes seront dansés au Teatro Social. Juin débutera par quatre représentations de Marie-Antoinette les 3, 4 et 5 à l’Opéra royal de Versailles, accompagnées de l’Orchestre de l’Opéra royal de Versailles dirigé par Stefan Plewniak. Puis nous irons en Belgique à Izegem avec Mozart à 2 et le Sacre du printemps les 11 et 12. Du 15 au 19, le Ballet sera à Biarritz pour « Rendez-vous sur le quai de la Gare » avec des représentations scolaires de Sirènes et deux tout public de Sirènes et Sinfonia les 18 et 19. Nous terminerons le 25 à Grenade en Espagne avec l’Oiseau de feu, le Sacre du printemps et l’Après-midi d’un faune dans les Jardins de l’Alhambra.
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Académie des beaux-arts Installation de Thierry Malandain
Laurent Petitgirard © Académie des beaux-arts , P. Rimond
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Discours prononcé par Laurent Petitgirard Cher Thierry Malandain,
Le 6 avril 2022, Thierry Malandain a été officiellement installé à l’Académie des beaux-arts par son confrère Laurent Petitgirard, secrétaire perpétuel de l'Académie, membre de la section de composition musicale, compositeur et chef d’orchestre.
Hugo Layer, L'Oiseau de feu © O. Houeix
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Vous êtes aujourd’hui tel que je vous ai rencontré pour la première fois, calme, discret, réservé, et vous n’êtes pas prêt à entendre ce que je vais dire : Mesdames et Messieurs, le contraste entre cette apparence si sereine, ce caractère égal, ce fin sourire et la passion, le feu intérieur qui habitent Thierry Malandain est saisissant. Qui pourrait imaginer que cet homme qui semble si tranquille mène depuis quarante ans une aventure humaine et artistique d’exception et fait face avec une énergie incroyable à toutes les vicissitudes qui rythment la vie d’une grande compagnie de Ballet. Le mois dernier, au Théâtre National de la Danse à Chaillot, j’ai assisté au magnifique ballet que vous avez chorégraphié sur L’Oiseau de feu, le chef-d’œuvre d’Igor Stravinski. J’ai constaté, avec surprise, que vous aviez décidé de partager la soirée avec un jeune chorégraphe, Martin Harriague, artiste associé du Malandain Ballet Biarritz. Je connais peu de directeurs de compagnies dans les grandes villes françaises qui, se produisant à Paris, céderait plus de la moitié de la soirée à un jeune collègue, en lui confiant de surcroit le fantasme absolu de tout chorégraphe, Le Sacre du printemps, œuvre de génie, propice à toutes les fulgurances. Je dois vous confesser qu’ayant été le directeur musical de deux orchestres à Paris, je n’ai jamais une seule fois, au cours de ces 23 années, confié Le Sacre du printemps à un chef invité, je l’ai toujours jalousement gardé pour moi et je ne l’ai jamais regretté, si ce n’est pendant la nuit d’insomnie précèdant le concert.
Revenons un instant à votre Oiseau de feu, pour lequel vous utilisez, à l’instar de George Balanchine, la suite réalisée par Igor Stravinsky en 1945, soit 35 ans après la création du ballet complet dans la chorégraphie de Michel Fokine. Stravinsky considérait en effet que la version originale était trop longue et de qualité inégale. Vous évoquez, je vous cite, « la tentation de faire de l’Oiseau de feu un passeur de lumière portant au cœur des hommes la consolation et l’espoir, à l’image de François d’Assise, le saint poète de la nature qui conversait avec ses frères les oiseaux qu’ils soient beaux rayonnants d’une grande splendeur, ou bien simples moineaux. » Vous êtes un passeur, un homme du don de soi, et je vais devoir résister dans ce discours, à vous transformer en un François d’Assise en habit vert, une figure de vitrail parlant pour les petits oiseaux. Je ne résiste pas à montrer ce trop bref extrait qui permet de saluer, outre l’excellence de votre troupe, le talent du jeune interprète soliste Hugo Layer. La difficulté, lorsque l’on souhaite montrer des extraits de vos ballets, c’est qu’on voudrait ne jamais s’arrêter !
L'ÉVÉNEMENT Il faut noter que dans votre compagnie il n’y a pas, comme à l’Opéra de Paris, de poste de soliste attitré, et ce magnifique danseur soliste s’intégrait ensuite au ballet, avec les autres, dans la seconde partie de la soirée. Au-delà de votre grande aura de chorégraphe, c’est votre volonté affirmée de partage, aussi bien dans le travail artistique que dans l’organisation administrative de la troupe, qui explique, je crois, cette réussite. Vous associez tous les danseurs à une aventure collective, vous les protégez non seulement pendant leur carrière sur scène, mais au moment toujours si douloureux de leur reconversion. Cette générosité qui vous caractérise se manifeste sur scène comme dans la vie. Votre rapport si particulier à la musique explique certainement votre choix d’un compositeur pour vous recevoir sous cette Coupole. Parler de vos spectacles devant une assistance particulièrement au fait de votre art et qui vous suit et vous admire depuis des décennies est particulièrement délicat. Il serait bien imprudent et illusoire pour un compositeur de s’engager dans l’exégèse d’une œuvre chorégraphique aussi dense que la vôtre, c’est pourquoi je veux vous parler, surtout, de mes émotions de spectateur, de musicien et désormais de confrère, dans votre nouvelle Compagnie, celle que forment les créateurs qui aujourd’hui vous entourent. Alors que trop souvent on assiste à des ballets dont la bande sonore n’est qu’un maladroit montage de diverses musiques sans la moindre cohérence stylistique ou émotionnelle, le respect que vous manifestez en maintenant l’intégrité des œuvres ne peut que toucher au cœur les compositeurs. Vous ne redoutez jamais la précision d’un argument, d’un livret très détaillé que refusent celles et ceux qui ne conçoivent la chorégraphie que sans aucune contrainte. Invité par le Ballet du Capitole de Toulouse vous allez ainsi concevoir bientôt une chorégraphie pour Daphnis et Chloé de Maurice Ravel, qui fut créé dans la chorégraphie de Michel Fokine un an avant Le Sacre du printemps, un mois après La Péri de Paul Dukas et quelques mois avant Le Festin de l’Araignée d’Albert Roussel qui constitue aussi l’une de vos prochaines chorégraphies. Peut-on imaginer cette incroyable période où en à peine un an quatre compositeurs offraient de tels trésors à la musique. Stravinsky définissait Le Sacre du printemps comme Un grand rite sacral païen, concept qui laisse une grande liberté aux chorégraphes, d’où les innombrables versions dansées de chef d’œuvre absolu. Les ballets fondés sur des arguments très détaillés, et donc plus contraignants, ont moins les faveurs des chorégraphes contemporains. Vous avez cependant démontré à maintes reprises votre capacité à transcender un argument, aussi bien dans un répertoire musical classique que contemporain. Je pense ici à votre collaboration avec le compositeur Guillaume Connesson pour le ballet Lucifer, qui s’emparait du mythe des anges déchus pour avoir aimé de simples mortelles. Il m’a confié à quel point il avait été impressionné et séduit par votre souplesse, par la liberté totale que vous lui laissiez dans l’approche du sujet ainsi que par votre grande faculté d’adaptation.
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Miyuki Kanei, Lucifer © O. Houeix
Vous découvrez la danse à huit ans à la télévision. Vous demandez immédiatement à vos parents d’acheter un poste et vous serez très déçu de découvrir qu’on n’y diffuse pas des ballets toute la journée. Vous débutez des études de danse en 1968 à Saint-Marcel, près de Vernon, avec Nicole Sohm, vous avez alors tout juste neuf ans. Ayant déménagé l’année suivante à Mantes-laJolie, vous poursuivez pendant deux années votre apprentissage avec Jaque Chaurand, grande figure de la danse, fondateur d’un important concours de chorégraphie « Le Ballet pour demain », appelé communément le Concours de Bagnolet. Un nouveau déménagement vous amène à travailler à l’École de Danse de Rambouillet avec Monique Le Dily, excellent professeur. Vous y avez alors enchaîné les Pas de Deux avec Isabelle Guérin, future Étoile de l’Opéra de Paris. La journée au lycée, la danse le soir et les mercredis à Paris pour travailler à l’Académie Chaptal avec Daniel Franck, vos journées étaient particulièrement bien remplies. Votre père avait été très précis, il fallait que vous obteniez votre baccalauréat pour pouvoir ensuite envisager une carrière dans la danse. Alors, de 1974 à 1977, vous poursuivrez vos études au Lycée Racine à Paris tout en suivant l’enseignement de René Bon, Daniel Franck, Denise Villabella, Raymond Franchetti, Gilbert Mayer, vous faites vos devoirs durant les deux heures quotidiennes de train ou de métro. Rien ne vous pèse. La passion est là, déjà. En 1978 Violette Verdy, directrice du Ballet de l’Opéra de Paris, qui vous avait repéré lors du Concours International pour jeunes danseurs de Lausanne, vous invite à passer une audition qui vous permettra d’être engagé à rejoindre le Ballet en tant que surnuméraire. Ces quelques mois passés à l’Opéra de Paris vous donneront l’occasion de paraître sur scène, dans Coppélia de Pierre Lacotte ou encore dans Pétrouchka de Michel Fokine.
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Pierre Lacotte qui nous fait l’amitié d’être présent parmi nous aujourd’hui avec Ghislaine Thesmar, met en place avec l’Académie des beaux-arts un prix annuel destiné à récompenser et encourager les chorégraphes comme les danseurs et ce dans toutes les disciplines quelles que soient les esthétiques. Voilà du travail en perspective pour votre section, cher Thierry. Quelques mois plus tard Jean Sarelli, qui quittait l’Opéra de Paris pour diriger le Ballet du Rhin, vous propose de le suivre. Vous resterez deux saisons à Mulhouse puis vous entrez dans la troupe du Ballet-Théâtre Français de Nancy dirigé alors par Jean-Albert Cartier et Hélène Traïline. Pendant cette période, vous prenez des cours de dessin par correspondance, car vous envisagez, après la danse, de devenir décorateur pour le théâtre. Vous aimez griffonner dans les marges de votre vie. Tout en restant danseur interprète vous commencez à passer avec succès des concours de chorégraphie à commencer par le Concours Volinine du Vésinet en 1984 que vous remportez brillamment. Vous aviez choisi le Quatuor opus 3 écrit à 18 ans par Guillaume Lekeu, compositeur si prometteur, disparu à 24 ans et dont la Sonate pour piano et violon est souvent citée comme l’une des sources d’inspiration de la Sonate de Vinteuil. Vous remporterez également en 1984 et 1985 le Concours International de Nyon en Suisse.
Frederik Deberdt, Magifique © O. Houeix et Yocom
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des beaux-arts a immédiatement créé un important fonds de soutien pour les artistes ukrainiens en exil, ouvert à toutes les disciplines. Mais l’intensité de la tragédie que subit le peuple ukrainien, qui force notre admiration, ne doit pas avoir pour conséquence le rejet de l’Art russe. Les récentes décisions de déprogrammation des opéras ou des ballets de Moussorgski ou de Tchaïkovski, d’œuvres de Prokofiev, Shostakovich, Dostoïevski ou encore Tolstoï sont absurdes et témoignent d’une incroyable ignorance de ce qu’ont été les vies et les combats contre la tyrannie de ces créateurs. En 1916, alors ambulancier sur le front, Ravel avait refusé d’adhérer à la Ligue de la défense de la musique française inventée par Debussy et Vincent d’Indy, qui prévoyait d’interdire en France toute la musique allemande ou autrichienne postérieure à 1860, ce qui incluait Brahms, Wagner, Malher, Schönberg… Ce qui se passe actuellement avec ces consternantes déprogrammations est du même ordre. Alors pour ne pas tomber dans les mêmes excès et résister à cette détestable confusion, regardons ensemble deux extraits de votre ballet intitulé Magifique, musique de Tchaïkowski, filmé lors de sa création le 2 décembre 2009 au Teatro Victoria Eugenia de San Sebastián.
Plusieurs membres du Ballet de Nancy, impressionnés par la qualité de vos premières chorégraphies, vous proposent alors de partir et de fonder une compagnie. Mais voilà il y a un dieu de la danse que vous vénérez, il s’appelle Jirí Kylián et il organise une série d’auditions pour intégrer son Ballet, ce dont vous rêvez. Vous ne donneriez suite aux propositions de création d’une compagnie qu’en cas d’échec lors de ces auditions. Vous irez en finale mais ne serez pas choisi. Le chorégraphe que vous admirez le plus vous aura paradoxalement rendu un grand service en ne vous engageant pas et en précipitant ainsi votre plongée dans le monde de la chorégraphie. Alors qu’était annoncée la création, à laquelle je tenais tant, d’une section de chorégraphie à l’Académie des beaux-arts et que nous commencions à préparer les élections, nous avons élu Jirí Kylián membre associé étranger. Il devenait ainsi en quelque sorte le parrain de cette nouvelle section. Lorsque je l’ai informé que j’allais avoir le plaisir et l’honneur de vous recevoir sous cette Coupole, il m’a envoyé ce message : Aujourd’hui est une journée importante pour l’Art de la chorégraphie car Thierry Malandain est reçu comme membre de cette jeune section créée il y a à peine 3 ans. Je veux adresser à Thierry toutes mes félicitations pour cette élection et pour son importante contribution à la danse et au ballet en France. Jirí Kylián Alors que nous sommes toutes et tous ici réunis pour vous témoigner notre affection et notre admiration, le monde est secoué par une guerre tragique, déclenchée par la volonté d’un seul homme qui devra un jour, que nous espérons tous proche, rendre compte de ses actes. L’Académie
Vous allez donc fonder la Compagnie Temps Présent avec 8 jeunes danseurs et vous installer à Élancourt, en banlieue parisienne, créant 18 pièces entre 1986 et 1992, date à laquelle vous devenez compagnie associée à l’Opéra de Saint-Etienne. 36 années plus tard, 4 de ces 8 compagnons de la première heure travaillent encore avec vous, exemple parfait de la dimension fraternelle qui domine votre vie artistique. Il faut saluer ici ces femmes et
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Persiste du côté de la danse cette étiquette de « néoclassique » qui me rappelle étrangement celle de « néo-tonal » dont on a paré tous les compositeurs qui envisagent encore la musique d’un point de vue harmonique, thématique et rythmique. Benjamin Britten, l’un des fils conducteurs dans votre œuvre, a été vilipendé par l’avant-garde musicale française dont l’un des représentants expliquait encore il y a quelques mois que ce n’était que de la musique de film, ce qui n’a pas empêché le génial compositeur anglais d’entrer au répertoire de tous les opéras du monde. Votre ballet La Pastorale, que les membres de l’Académie ont pu découvrir à Chaillot en décembre 2019, illustre parfaitement votre approche du chefd’œuvre de Beethoven que vous décrivez ainsi : « La Pastorale invoque l’antiquité hellénique, comme lieu de nostalgie et de perfection artistique, de la douleur d’un désir sans fin à la béatitude de la lumière originelle. » Il ne s’agit pas ici de savoir si ce ballet est néo-classique, classico-contemporain ou s’il faut lui trouver une autre épithète pour critique inspiré, il est simplement superbe et émouvant.
L’Académie des beaux-arts est le lieu de rencontre de toutes les esthétiques, dans un esprit d’ouverture d’esprit et d’exigence. Cela n’a peut-être pas toujours été le cas dans le passé mais c’est pour nous une évidence : Académie n’implique pas académisme, bien au contraire. Aucune esthétique ne domine parmi nous, seule la qualité des œuvres et l’intégrité de leurs auteurs nous importe. Lorsque la grande aventure du Ballet Biarritz commence en 1998, votre style est déjà totalement affirmé et votre réputation bien établie. On imagine sans peine les difficultés économiques auxquelles vous avez été confronté mais, surtout, cette période correspond aux grands combats esthétiques qui ont traversé la danse. En 1999 la troupe est composée de 12 danseurs, tous intermittents du spectacle. Vous allez développer une activité que je qualifierai d’euro-régionale en sollicitant à cet effet des fonds européens, créer l’Association Dantzaz et un Centre de Sensibilisation Chorégraphique implanté à Donostia/San Sebastián, vous réussirez à obtenir la salarisation des danseurs du ballet en 2004, fonder en 2005 un Ballet Biarritz Junior, mettre en place en 2007 une option Art-Danse au Lycée André Malraux de Biarritz. En 2009 le Teatro Victoria Eugenia de Donostia/ San Sebastián s’engage à coproduire vos créations, un an plus tard la troupe devient le Malandain Ballet Biarritz, l’effectif passe à 17 danseurs pour être enfin porté à 20 en 2014. Vous ne vous êtes jamais, pendant toute votre carrière, séparé d’un seul membre de votre compagnie ce qui prouve que vous les aviez très bien choisis et démontre votre sens de la fidélité. Vous restez ouvert à tous les univers sonores, vous réalisez en 2012 un ballet auquel vous songiez depuis dix ans sur des romances et complaintes de la France d’autrefois, arrangées par Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique qui vous vaudra en 2012 le Grand Prix du Syndicat de la critique de danse.
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La Pastorale © O. Houeix
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ces hommes qui vous ont aidé à construire cette extraordinaire aventure, que ce soit à Élancourt, Saint-Etienne et bien évidemment Biarritz, car je sais à quel point vous leur êtes reconnaissant. Je dois vous avouer qu’ayant connu l’intransigeance de l’Avant-Garde musicale et les combats esthétiques qui ont ostracisé en France bon nombre de compositeurs, je n’ai peut-être pas été aussi sidéré que j’aurais dû l’être en découvrant que les batailles avaient été aussi violentes dans le domaine de la chorégraphie.
On comprend pourquoi Jacqueline Thuilleux a écrit de vous : « Malandain fait partie de ces artistes possédés par un rêve platonicien où l’harmonie réglerait les conflits et épanouirait l’homme. »
Une Dernière chanson © O. Houeix
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Vous écrivez beaucoup sur la danse. Vos nombreux feuillets constituent de précieux enseignements sur les concepts majeurs du ballet classique, sur la pantomime et plus largement sur l’art chorégraphique. Vous y déplorez un certain manque de culture dans le monde de la danse, vous relevez de grandes figures injustement laissées à l’écart, vos textes constituent un vibrant plaidoyer contre l’oubli. Il sera de bon ton de vous reprocher d’être trop proche de la musique. J’ai rarement entendu une remarque aussi consternante faite à un chorégraphe. Cela me rappelle le célèbre critique musical Antoine Goléa qui reprochait à un pianiste de « solliciter un peu trop le texte ». Mais enfin ne lui jetons pas la pierre, dans un moment de lucidité il a intitulé ses mémoires « Je suis un violoniste raté ». Vous avez compris à quel point la relation entre la chorégraphie et la musique doit être fusionnelle. Je dois vous avouer que les compositeurs s’amusent de voir que les comptes rythmiques des danseurs diffèrent parfois radicalement de ceux indiqués sur la partition, réussir à compter 1-2-3-4 sur une mesure à 7 temps tiendra toujours pour nous du prodige ! Vous êtes incontestablement un chorégraphemusicien, vous me rappelez en cela Uwe Scholz qui se plongeait dans les partitions d’orchestre des ballets qu’il envisageait de chorégraphier. Votre version de Roméo et Juliette sur la musique d’Hector Berlioz et créé en août 2010 Festival de Vérone témoigne de cette osmose entre votre art et la musique.
Ce qui est frappant lorsque l’on retrace votre parcours, c’est son absolue cohérence. Rien ne pourra vous détourner des objectifs que vous vous êtes fixés, pas même la très alléchante proposition de succéder à Robert Denvers à la direction artistique du Ballet Royal de Flandres et de bénéficier ainsi d’un corps de ballet doté d’un effectif beaucoup plus important et de très haut niveau, tout en étant en partie dispensé des tracas administratifs. Avec Carolyn Carlson, Blanca Li, Angelin Preljocaj et le soutien de Dominique Frétard et de Didier Deschamps, vous allez pouvoir, dans notre Académie, œuvrer à la promotion de la danse sous toutes ses formes, à l’amélioration des conditions de vie des danseurs ainsi qu’à leur reconversion, aider enfin à l’éclosion de nouveaux talents. Je sais que ce sont là les raisons principales qui vous ont convaincu de la nécessité de nous rejoindre. Vous avez compris qu’être élu académicien constitue avant tout un engagement à servir. Votre passion pour la danse, votre intimité avec la musique, votre tendresse pour les danseurs, pour cette vie si réglée et si imprévisible dont vous connaissez intimement les contraintes, les corvées et les gloires, votre détermination à surmonter tous les obstacles financiers et administratifs, que d’autres auraient fait mine de ne pas voir, votre fidélité dans l’amitié comme dans l’Art, tout cela vous a donné une stature qui s’est imposée naturellement dans le monde de la danse, sur lequel vous faites flotter un souffle d’amour et de liberté. C’est pour toutes ces raisons que mes consœurs et confrères vous ont élu avec enthousiasme et qu’ils ont, depuis trois ans, le bonheur de travailler, de dialoguer et de rêver avec vous, c’est pour cela, cher Thierry Malandain, que je suis particulièrement heureux de vous souhaiter, en leur nom, la bienvenue dans notre Compagnie.
n Laurent Petitgirard
Silvia Magalhaes & Giuseppe Chiavaro, Roméo et Juliette © O. Houeix et Yocom
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Académie des beaux-arts Installation de Thierry Malandain Discours prononcé par Thierry Malandain
Chers membres de l’Académie des beaux-arts, chers amis, cher Laurent Petitgirard, Cher Laurent, après ce discours bienveillant que vous venez de prononcer de généreuse manière, c’est avec une profonde émotion que je prends la parole pour vous remercier de l’honneur que vous m’avez fait en m’accueillant parmi vous au sein de l’Académie des beaux-arts. Tous les artistes et les amoureux de la Danse, mes consœurs Blanca Li et Carolyn Carlson, mes confrères Jirí Kylián, Angelin Preljocaj et tout là-haut Maurice Béjart et Serge Lifar, jadis membre correspondant de la section de Sculpture, seront d’accord avec moi. En créant la section de Chorégraphie, en recevant Terpsichore sous cette auguste Coupole vous avez gravé une nouvelle page de son histoire. Une page mémorable, puisque vous lui avez restituée sa place dans le cortège des Arts.
f Suivant l'usage, le nouvel académicien se doit dans son discours de réception de faire l'éloge de son prédécesseur. S’agissant d’une nouvelle section, Thierry Malandain fit référence à l’histoire de la Danse tout en rendant hommage à l’un des derniers « académistes » de l’Académie royale de danse fondée en 1661 par Louis XIV : Jean-Étienne Despréaux (1748-1820).
Thierry Malandain © Académie des beaux-arts, P. Rimond
« Il n’est pas nécessaire de commencer ici par l’éloge des Arts, écrivait en 1746, Charles Batteux, membre de l'Académie française. Leurs bienfaits s’annoncent assez d’eux-mêmes : tout l’Univers en est rempli. Ce sont eux qui ont bâti les villes, qui ont rallié les hommes dispersés, qui les ont polis, adoucis, rendus capables de société. Destinés les uns à nous servir, les autres à nous charmer […] on les appelle les Beaux-Arts par excellence. Tels sont la Musique, la Poésie, la Peinture, la Sculpture, et l’Art du geste ou la Danse » (1). Comme nous le savons tous, un siècle plus tôt, Louis XIV, lui-même danseur à s’en rendre malade avait établi l’Académie royale de Danse. Après l’Académie française et l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, cette société était la troisième Académie voyant le jour en France. C’était en 1661, le Roi avait 23 ans et ce fut son premier acte de gouvernement. En ces temps de distanciation physique et sociale, en ces temps belliqueux et crépusculaires, l’on ne peut manquer d'être frappé du rôle essentiel que jouait alors la Danse que le XVIIème siècle épris de beauté et d’espérance appela la « Belle Danse ».
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Vieille comme le monde et toujours jeune, si jeune qu’on la traita souvent comme une gamine sans cervelle, incapable de sérieux ou d'élévation, ce qui est un comble pour une fille de l’air ; la Danse permet à l’âme humaine de fixer l’instant en mouvement et de célébrer par le geste les manifestations de l’existence. Profane ou sacrée, car l’on peut aussi prier avec les jambes, elle est communément l'expression de la joie, puisqu’en temps de paix, le bonheur est ce qui se partage le mieux d’une personne à l’autre, d’un pays à l’autre. Ce qui revient à dire que la Danse est un langage et qu’en accord avec le rythme, clef du mouvement de l'univers, elle est comprise de tous les êtres et les relie. Par cette profonde humanité, son histoire millénaire n’est rien d’autre que l’histoire des civilisations, de leurs croyances, de leur état politique et social. Parce que les beautés de la Danse sont passagères, sauf dans le regard de ceux qui l’aime. Parce que tout lasse. Parce que la mode ne s'est jamais souciée d'être sensée et juste. Parce qu’on la taxa d’infamie en raison de préjugés religieux et moraux. Par l'impéritie des gouvernements. Par la faute des danseurs eux-mêmes. Enfin, par une opinion peutêtre trop pessimiste, régulièrement, on entendit en France ce cri mêlé de larmes : « La danse se meurt, la danse est morte ! ». En 1661, ces pleurs versés sur le tombeau de Terpsichore seront à l’origine de son ascension au firmament académique. Car, c’est dans l'intention de perfectionner cet art et d'en corriger les abus capables de le porter à « une ruine irréparable » que Louis XIV créa l’Académie royale de Danse. Composée de treize académistes, sous la direction de François Galand du Désert, maître à danser de la Reine, les premiers qui remplirent ces places furent ceux qui avaient dansé avec le Roi. Sans parler du conflit les opposant à la confrérie de Saint-Julien des Ménestriers, laquelle jouissait du privilège de former les maîtres de danse et d’instruments, une salle du Louvre fut mise à leur disposition pour délibérer une fois le mois. Mais préférant se réunir dans une taverne, ou chez les uns et les autres, on prétend qu’ils discutaient de tout, sauf de leur Art. Au vrai, même si aucun mémoire, aucun discours, aucun éloge n'est parvenu jusqu'à nous, on peine à croire qu’ils n’aient fait que boire en s’entretenant de choses insignifiantes. Car en cherchant plus loin dans le temps, on trouve par exemple une délibération du 10 août 1732 au sujet du maintien de l’ancienne et vraie Chorégraphie (2). Autrement dit une délibération sur l’art d'écrire la Danse à l'aide de différents signes afin de la sauver de la mort et du néant.
Diplôme de Maître, 1879
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Attribuée au maître à danser, Raoul-Auger Feuillet, cette méthode d’écriture qui eut dès 1700 un retentissement considérable en Europe était en réalité une innovation de l’académiste Pierre Beauchamp, lequel intenta un procès à Feuillet, son élève l’accusant d’avoir « volé » son invention. Un arrêt du Parlement de Paris consacrant son droit d'inventeur, le conseil du Roi reconnut que Beauchamp était à l’origine de cette méthode, mais autorisa Feuillet à continuer de publier des danses en Chorégraphie.
Pierre Beauchamp, compositeur des Ballets du Roi et des spectacles de Molière, maître de ballet de l’Académie d’Opéra de Pierre Perrin, puis de l’Académie royale de Musique de Jean-Baptiste Lully, enfin directeur de l'Académie royale de danse de 1680 à 1687 acquit malgré tout gloire et réputation, puisqu’on lui attribue d’avoir débrouillé l’art confus en lui donnant ses principes esthétiques. Dressés vers le ciel, citons : l’aplomb, la mesure, l’élégance, le bon goût nécessaire à la bienséance et jaillissant du dedans, le fameux « en-dehors », aussi divin en nous que l’instinct de s’ouvrir aux autres malgré les douleurs et les courbatures. À la vérité, sans vouloir blesser notre orgueil national, après l’amour courtois, si court qu’on l’oublia, il s’agissait d’un rappel des bonnes manières restaurées à la Renaissance par les maîtres à danser italiens auxquels nous devons le concept de ballet et l’art si difficile de faire mouvoir les ensembles. Un art aujourd’hui en voie de disparition, puisque soumis au montant des subventions. Afin d’assurer la bonne marche des jambes du royaume, comme l’Académie française travailla à donner des règles à notre langue, héritées d’un long cheminement, Beauchamp définit cinq positions pour les pieds. Celles des bras, de la tête et du corps suivront. Et, bien qu’il fût plus tard coutume de dire « bête comme un danseur ou comme une danseuse », car ce mot injuste s’employa pour les deux, on observera que Beauchamp s’appuya sur un nombre mystique dont l’une des représentations est l’étoile à cinq branches. Un nombre symbolisant l’homme, l’esprit dans la matière, l’univers, l’harmonie, la perfection. Ce qui n’empêchera pas ses successeurs dans un désir de vitalité et de régénération de libérer la danse de ces principes afin de traduire plus naturellement les passions humaines. Manière de dire que « l’en-dedans » et les idées neuves n’attendront notre temps pour que les créateurs obéissent à leur élan intérieur et au mouvement perpétuel de l’imagination. Il n’est à la vérité qu’une chose immuable à laquelle Beauchamps ne songea point en optant pour le quinquennat, c’est que la Danse deviendrait souvent accessoire, pour ne pas dire la 5ème roue du carrosse. Dans le même temps, pour la distinguer de la Danse de société qu’on nomma Danse de ville, le Parlement de Paris reconnut la Danse théâtrale comme noble amusement. À l’image du programme éducatif humaniste de la Renaissance, c’est aussi à cette époque que la Danse fit son entrée dans les collèges jésuites et les académies militaires. Rappelons que savoir danser était un complément nécessaire de
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Pour continuer, le soldat devait également démontrer ses talents d’invention, autrement dit l’examen comptait aussi une épreuve d’improvisation. Alors qu’en Allemagne, en Angleterre, en Russie, en Italie, chaque régiment avait encore sa salle de danse, en 1907 par décret du ministre de la Guerre du premier gouvernement de Georges Clemenceau, sous les moqueries des journaux confits en bonne morale bourgeoise, la Danse abandonnée en 1890 redevint une institution militaire. Général doublé d'une imagination d'artiste, ce ministre de la Guerre s’appelait Marie-Georges Picquart. Ami de Gustav Malher et de Maurice Ravel, il avait été convaincu par le maître à danser Eugène Giraudet des avantages de la Danse sur la discipline du corps, sur le moral et la santé. Après la Grande-Guerre on n’en parla plus. On entendit seulement du côté du palais Garnier : « Quelqu'un a dit : " En France, on danse avec ses pieds ; en Russie, on danse avec son âme... ". C'est bien possible, mais, quand on s'occupera de notre estomac en France, vous verrez comme l'âme nous poussera vite ! » (3). Au temps de la création de l’Académie royale de Danse, les pas en usage dans les bals et les ballets étaient fort simples. Cependant le désir de briller amena la difficulté tout en enrichissant un vocabulaire dont le lexique s’élabora dès le Grand Siècle. Le maître à danser est celui qui fait profession de montrer à danser, mais afin de vaincre l’oubli que le temps verse sur toute chose, comme nous l’avons déjà vu, Beauchamp, Feuillet et d’autres après eux, vont mettre la main à la plume. La main ayant le monopole de l'utilité aux yeux de ceux qui accusent le corps de tous les maux, « la Chorégraphie ou l'art
de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs » marque alors un geste intellectuel. Montrant les pas tracés sous la musique, les maîtres à danser étaient tous musiciens et seront longtemps violonistes, la publication de ces danses gravées en signes chorégraphiques favorisa la diffusion du répertoire en Europe tout en participant au rayonnement artistique et diplomatique de la France. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, dans le monde entier, la terminologie de la danse académique est en français. Grâce à ce système d’écriture, mais aussi oralement et de corps à corps, jusqu’au XIXe siècle la France concurrencée par l’Italie fournit les nations étrangères des représentants de son école. Cependant, même si l’on proclame fraternellement que l’art est sans patrie, là où le bât blesse, souligna le chorégraphe Arthur Saint-Léon, lui-même auteur en 1852 d’un système de notation, c’est que la plupart seront « forcés de chercher ailleurs ce qu'ils auraient dû rencontrer ici ! » et qu’ils développeront ce que nous laissions perdre. Ainsi, par exemple de 1830 jusqu’à l’aube du XXème siècle, l’Opéra de Paris emprunta ses principales ballerines à l'étranger. Et pour complaire à la bourgeoisie d’affaires, grande triomphatrice des révolutions, aux environs de 1850, on remplaça souvent par des femmes « ces êtres étranges qu'on appelle des danseurs ». Lancée à la Chambre en 1891, cette pique d’un député de la Gauche radicale souleva rires et applaudissements sur tous les bancs. Affreusement conservateurs, sinon plus respectueux du code civil et de la parité, les opéras de province mettront jusqu’à vingt-ans avant d’adopter la mode parisienne du travesti dansant.
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l’éducation de la noblesse. Cependant, la maîtrise de la danse sans laquelle nulle ne pouvait tenir son rang n’était pas le privilège des gens bien nés. Ainsi, jusque dans les années 1890, de simples soldats vont revenir de leur période militaire avec le titre glorieux de prévôt ou de maître de danse, et pourront ainsi enseigner dans les villes et les villages. Par anecdote, afin d’obtenir son brevet de prévôt, une gavotte, créée à l’Opéra en 1785 par le célèbre danseur Auguste Vestris dans une comédielyrique d’André Grétry intitulée : « Panurge dans l'isle des lanternes », devait être exécutée devant une commission de professeurs et d'officiers. Appelée « la gavotte de Vestris » et réglée par Maximilien Gardel, maître de ballet et académicien, cette gavotte trouva une place de choix au Pays basque, où on la danse encore de nos jours, comme nous allons à présent le voir.
Jean-Etienne Despreaux
En dépit de luttes et d’efforts artistiques négligés par l’histoire, le salut s’appellera Serge Lifar, puisqu’auréolé du prestige des Ballets russes, le fils spirituel de Serge Diaghilev put rétablir la Danse à l’Opéra de Paris dans son complet épanouissement. Toujours prompt à enfourcher le tigre pour donner une visibilité à son Art, en 1955, Serge Lifar voulut par exemple créer une académie de chorégraphes. Composée de treize membres à l’image de l’Académie de Louis XIV, les plus connus se nommaient : Albert Aveline, Robert Quinault, George Balanchine, Frederick Ashton ou encore Igor Moïsseiev. Le projet du danseur-chorégraphe originaire de Kiev échoua dans l’année. Parce que tout passe et se dénature, l’Académie royale de Danse, distincte de l’Opéra, mais formée d’artistes liés à la troupe, avait stoppé ses séances aux environs de 1780. Un édit ayant abrogé le régime des corporations en est peut-être la raison. Son chancelier, Michel Bandieri de Laval proposa néanmoins une nouvelle organisation qui n’eut pas de suite. De même, lorsqu’apparut l’Académie des beaux-arts en 1816, ses démarches auprès de Louis XVIII n’aboutirent pas. Malgré cela, trois ans plus tard, en 1819, à l’initiative de Jean-Étienne Despréaux, qui jusqu’à ses derniers jours se réclama de son titre d'académicien reçu avant la Révolution, plusieurs essayèrent de nouveau : « Il est très essentiel que des maîtres choisis surveillent les têtes exaltées qui croient qu'étonner c'est plaire. Tâchons de ne pas dégrader les grâces. C'était pour cela que
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Louis XIV avait établi une Académie de danse » écrivit Despréaux tout en confiant dans ses notes personnelles : « Comme doyen... j'ai signé. Je ne crois pas à la réussite » (5). « Nous fûmes frustrés dans notre attente, notre demande demeura sans réponse » (6) confirme André Deshayes. Les autres se dénommaient : Auguste Vestris, Louis Milon, François Albert Decombe, Charles Beaupré, JeanFrançois Coulon et Pierre Gardel.
Deux siècles plus tard, imaginez leur bonheur, leur ivresse, mais celle des hauteurs, de voir la Chorégraphie accueillie au sein de l’Académie des beaux-arts. Bien que toujours en usage, la Chorégraphie dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui. Non pas comme un écrit gravé sur le papier, mais comme un cri, comme un appel à un monde meilleur, puisqu’en lien avec la Musique et le cortège des Muses, la Danse est un art qui peut soulager la détresse et apporter le bonheur. Le maître à danser du Bourgois Gentilhomme dont Pierre Beauchamp régla les ballets ne nous dit-il pas ? : « Tous les malheurs des hommes, tous les revers funestes dont les histoires sont remplies, les bévues des politiques, et les manquements des grands capitaines, tout cela n’est venu que faute de savoir danser ». Si l’on en croit Despréaux, Pierre Gardel et luimême, furent les deux derniers élus de l’Académie royale de Danse. Le premier, Despréaux, époux de la célèbre danseuse Madeleine Guimard, mourut en 1820. Le second, Gardel, pilier du Ballet de l'Opéra qu'il dirigea pendant quatre décennies disparut en 1840. Sans doute pour avoir « furieusement persécuté » ses collègues et rivaux, il s’éteignit rue de la Chaussée-des-Martyrs.
Les Beaux-Arts réduits à un même principe, 1746, p.6 (1)
(2) Mercure de France, 1er septembre 1732
La Rampe, Gabriel Davin de Champclos, 3 janvier 1918
(3)
La sténochorégraphie, ou L'art d'écrire promptement la danse, 1852, p. 15 (4)
Le Monde artiste, Les petits papiers de l’histoire, 19 août 1906
(5)
Idées générales sur l’Académie royale de Musique, et plus spécialement sur la danse, 1822, p.24 (6)
Mes passe-temps, 1806, tome 2, p. 221
(7)
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Aussi, en ayant aujourd’hui l’honneur de recevoir le titre que l’un et l’autre portaient avant la Révolution, s’il m’avait fallu respecter la tradition de faire l’éloge de l’artiste qui vous a précédé, permettez-moi de vous dire cher Jean-Étienne Despréaux que mon cœur serait allé vers vous. Né à Paris en 1748 d’une famille musicienne, élève précoce, maître de danse à quatorze ans, reçu deux ans plus tard danseur à l’Opéra, auteur de ballets parodiques, chansonnier, poète et auteur dramatique vous fûtes dit-on un homme gai et charmant. Toujours affairé, l’on vous doit un chronomètre musical adopté par le Conservatoire, et approuvé par l'Institut. Un Art de la danse, en quatre chants, qui suivait pas à pas l'Art poétique de Nicolas Boileau. En hommage à votre femme, surnommée « la Terpsichore du XVIII ème siècle », un système de notation baptisé la « Terpsi-chorographie ». Enfin, convaincu que vous remplissiez un sacerdoce, nous vous devons aussi cette vérité : « L’Art est le fils de l’étude ». Et, si j’avais un seul souhait d’académicien à formuler, il serait que la Danse dont on connaît les bienfaits depuis le premier slow d’Adam et Eve, soit aujourd’hui enseignée dans les établissements scolaires. Pour
conclure, il aurait été amusant de lire sous cette Coupole : « La Ronde des beaux esprits, ou l’Arrivée subite de Madame Angot à l’Institut ». En argot d’autrefois, vous y évoquiez, cher Despréaux, la négligence des hommes et des institutions à l’égard de la Danse. Mais, jouer la comédie n’est pas mon fort, et surtout notre Art fécond qui trouve parfois sa source dans une blessure est enfin élevé au rang de l’immortalité. Enfin consolé de son sort fatal de devoir mourir pour renaître. Aussi, avant de saluer votre mémoire d’une danse d’honneur que les basques appellent : l’Aurresku, je transmettrai seulement votre conseil : « C’est peu d’être danseur, il faut être amoureux. Si vous n’aimez votre art d’un amour idolâtre. Gardezvous, croyez-moi, de paraître au théâtre » (7). Je vous remercie.
n Thierry Malandain
L'ÉVÉNEMENT
Comité de l'épée À l’issue de la séance, Catherine Pégard, Présidente de l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, Présidente du CCN-Malandain Ballet Biarritz a remis à Thierry Malandain son épée d’académicien. Cette épée est généralement offerte grâce à une souscription auprès des amis du futur académicien réunis dans un « Comité de l’épée ». Thierry Malandain remercie les membres du Comité d’honneur et toutes les personnes qui ont généreusement répondu à l’appel de Catherine Pégard, Présidente du Comité de l’épée.
Claude Layaa Laulhe, Jacques Ledan, Françoise Legrand, Laurence Liban, Guillaume Lillo, Roseline Lugato-Rousseau, Lydia Magnient, Arnaud Mahouy, Emmanuel Malandain, Guy et Giselle Malandain, Gérard Malandain, Marie-Ange Malandain Dinot, Jean Mallet, Maritzuli Konpainia, Corine Martineau, Édouard Mayoral, Dominique et Jean-Pierre Maysonnave, Anne Méhu, Geneviève Meley-Otoniel, Florence Michard-Pellissier, Jean Moalic, Jeanne Montagne, Marc Mourre, Yves Mousset, Pierre Moutarde, Patrick Naggar, Jacques
Sylviane Alaux, Martine Anstett, Anne-Marie Authier, Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, Yves et Pierre Baillette Caussan, Marthe et Roland Bandini Lacrampe, Françoise et Jean Michel Barate, Sophie Bauret, Kader Belarbi, Stéphane Bellocq, Charlotte Benech, Bruno et Benoit Bertrand-Delfau, Claudia Blacque Belair, Pierre Bleiger, Martine Bonnamy, Claudette Bouschbacher, Jean-Claude et Sonia Boussard, Vincent Bru, Laura Capelle, Donina Carena, Michèle Carpentier, Christine Carrère Gée, Françoise Cartron, Jocelyne Castaignède, Jean-Paul Castillon, Jérôme Chabran, Arlette Champion, Monique Cholet, Maïté et Patrice Chuillon, Dominique Cordemans Roose, Claude Cordonnier, Karine Couture, Claudette Dagnaud, Anne de Charry, Guy de La Bédoyère, Pamela de Monbrison, Monique Derouet, Marie Christine Dieu, Christian Dubois, Jean-Paul Dunand, Entreprise Pyrenex, Pantxoa Etchegoin, Séverine Etchenique, Charlotte Feuillade, Alain Fourgeaux, Philippe Gapin, Vincent Gazel, François Gibault, Jean-Marc et Françoise Giraud, Serge Gleizes, Damien Godet, Roberto Goujet, Roger Goyheneche, Liliane Grenier, Wolfgang Grevesmuhl, Catherine Guesle Coquelet, Patricia Havret, Monique Hirigoyenberry, Olivier Houeix, Hermine Huet, Jean Pierre Hutin, Éric Irubetagoyena, Denise Ithurbide, Mikel Ithurbide, Aurélie Juret, Marie-Hélène Kollen Orban, Yves Kordian, Hervé Koubi, Sylvie Labansat, Catherine Laborde, Béatrice Laborde, Anne Laborde-Medevielle, Thérèse Labourdique, Annie Labrouche, Florence Lapassade, Carole Larrieu, Francis Larroude, Suzanne Latapy, Jean-
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S.A.R Chantal de France, Maider Arosteguy, Monique Barbaroux, Philippe Besson, Laurent Brunner, Frédéric Campoy, Didier Deschamps, Solange Dondi, Pierre Durand, Richard Flahaut, Olivier Fleurot, Hugues Gall, Jean-Marc Gaucher, Dorothée Gilbert, Vincent Gombault, Philippe Guilet, Dominique Hervieu, Clément HervieuLéger, Marie-Hélène Kollen Orban, Michel Laborde, Pierre Lacotte, Stéphanie Leclair De Marco, Brigitte Lefèvre, Manuel Legris, Thérèse de Maigret, Gilbert Mayer, Guillaume Pepy, Jean-Marie Périer, Laurent Petitgirard, Sydney Picasso, Élisabeth Platel, Gabriel Prokofiev, Véronique Rampazzo, Colette Rousserie, Élisabeth Royer, François-Xavier de Sambucy, Jacques-Emmanuel Saulnier, Hélène Traïline.
Namont, Frédéric Néry, Franck Nguyen, Maggy et Pierre Nicot, Dominique Patry, Catherine Pégard, Marie-France Pelle, Jocelyne Peney, Samuel Pezard, Nadine Pourredon, Roberto Powers, Gaston Rabier, François Raoul Duval, Roberto Raspiengeas, Dominique Requena, Marie-José Ribot, Martine Risch, Josiane Robedat, Véronique Ronot, MarieFrance Saint Germier, Sylvie Santini, Juliette Seguela, Martine Soulès, Noelle Stoecklin, Olivier Tanguy, Jacqueline Thuilleux, Marie-Hélène Tomas, Geneviève Urbistondo, Gabriella Veglia, Nicolas Verbrugghe, Hélène Vezzoli, Béatrice Viannay, Laure Vieux, Éric Vu-An-Binh.
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La Presse en parle
Le bal se poursuit sous la Coupole avec l’entrée du chorégraphe Thierry Malandain Le Ballet de Biarritz qu'a créé Thierry Malandain en 1998 est l'une des compagnies françaises qui tourne le plus au monde. Après Blanca Li, mais avant Carolyn Carlson et Angelin Preljocaj, le directeur du Ballet de Biarritz intègre la neuvième section de l'Académie.
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Certains créateurs plastronnent. D'autres jouent les passeurs. C'est le cas de Thierry Malandain. Cet homme timide a cependant assez de génie pour s'être fait repérer. Ses œuvres parlent pour lui. Et ses danseurs aussi, rayonnants, musicaux, si sensibles qu'un frisson saisit ceux qui les voient sur scène. Le Ballet de Biarritz qu'il a créé en 1998 est l'une des compagnies françaises qui tourne le plus au monde. Lorsque Laurent Petitgirard a voulu créer une neuvième section de l'Académie pour que la chorégraphie soit représentée sous la Coupole, le nom de Malandain est vite apparu parmi les quatre qui défendraient Terpsichore. Le Covid a mis quelques fantaisies dans leur ballet d'entrée. Blanca Li a ouvert le bal en octobre, Carolyn Carlson prendra la suite en juin, Angelin Preljocaj est attendu pour la rentrée. Thierry Malandain, qui devait être intronisé le premier, est finalement venu en second. Étrennant l'habit vert de Jean Carzou remis à sa taille par des couturiers en apprentissage, le chorégraphe affichait un regard lointain tandis que Laurent Petitgirard, chef d'orchestre et compositeur, déclinait son éloge. Comme si l'exercice le gênait aux entournures. Petitgirard a bien compris Malandain. « Un saint François d'Assise en habit vert », dit-il, un homme de partage, qui respecte l'intégrité des œuvres musicales, et qui ne serait qu'un humble parmi les humbles s'il n'était habité par une foi furieuse et
illuminée dans la danse. Malandain dans son discours de réponse s'indigne que cet art « vieux comme le monde, soit souvent tenu pour une jeune fille sans cervelle ». Et qu'en France on pense, qu’« on danse avec ses pieds tandis qu'en Russie, on sait bien qu'on danse avec son âme ». Malandain est ainsi fait. Au discours d'accueil de Petitgirard, il répond par une histoire de la danse où chaque paragraphe plaide pour la reconnaissance de cet art. Un danseur basque exécute une impeccable chaconne. Le chorégraphe reste muet sur ses conquêtes, ses doutes, son chemin. Il faut le cueillir dans son intimité pour qu'il confie les moments où il a cru voir son art changer le cœur des hommes. En guise d'épée, il a voulu un bâton. « Celui du maître de ballet et celui du pèlerin », dit Catherine Pégard, présidente du Ballet de Biarritz, qui le lui remet avec des mots d'une grande tendresse. Il est, comme le makila, en bois de néflier « qui a autant de nœuds que Malandain a créé de ballets et qu'il y a de souffrance dans le corps des danseurs ». Le manche figure un escargot, allégorie du mouvement perpétuel. En dessous sont gravés le nom de treize chorégraphes que Malandain tient pour ses pairs. Un autre danseur basque s'élance, plie son béret, exécute l'Aurresku, danse d'honneur au pays, au son du tambourin. Sa danse solitaire resplendit. Terpsichore passe sous la Coupole.
n Le Figaro, Ariane Bavelier, 7 avril 2022
Thierry Malandain à l’Académie Entre son élection le 24 avril 2019 et son installation le mercredi 6 avril dernier, il aura donc fallu à Thierry Malandain patienter trois ans, pandémie oblige, avant d’être solennellement reçu par ses pairs au sein de la prestigieuse Académie des beaux-arts. Sa réception sous la Coupole au fauteuil n° 1 de la toute nouvelle section de chorégraphie, aura été à son image : élégante, émouvante et pleine de sens. C’est à l’académicien, secrétaire perpétuel et surtout musicien Laurent Petitgirard que le chorégraphe avait confié le soin de l’accueillir. Choix des plus logiques lorsqu’on connaît le lien intime qu’entretient le directeur du Malandain Ballet Biarritz avec la musique. Le chef d’orchestre et compositeur allait d’ailleurs faire de cette affinité élective le fil conducteur de son discours. Passant de L’Oiseau de feu à Roméo et Juliette de La Pastorale à Magifique et ce faisant, de Stravinski à Berlioz, Beethoven ou Tchaïkovski, il évoquait quelques-unes des étapes de la carrière du nouvel habit vert en illustrant ses propres souvenirs de spectateur d’extraits vidéos des ballets
L'ÉVÉNEMENT
A propos du style de Thierry Malandain, commentant l’étiquette « néoclassique » qui lui fut attribuée par opposition aux encensés « contemporains », Laurent Petitgirard osait la comparaison avec celle de « néotonal » que « l’avantgarde » boulezienne réserva, pour mieux les accabler de son mépris et jusque récemment encore, aux tenants d’une musique « harmonique, thématique et rythmique » - dont Benjamin Britten, l’un des compositeurs favoris de Malandain, fut l’une des victimes expiatoires… Enfin, il soulignait combien l’activité d’historien de la danse de Thierry Malandain, que l’on peut notamment apprécier dans les colonnes du bimestriel édité par le Ballet, constituait un précieux enrichissement des connaissances sur le ballet classique et comblait fort heureusement « un certain manque de culture dans le monde de la danse »… Puisqu’ « être académicien constitue avant tout un engagement à servir », il s’agira, sous la Coupole, de continuer à œuvrer à la promotion de la danse sous toutes ses formes, ce que depuis son élection il y a trois ans a déjà commencé à faire avec passion et compétence Thierry Malandain. Ce dernier répondait en soulignant, audelà de sa personne, l’honneur rendu à Terpsichore puisqu’il devenait ainsi le premier membre de la toute nouvelle section de Chorégraphie de l’Académie. Mais aussitôt, l’érudit qu’il est retraçait l’histoire de la véritable première Académie de danse créée en 1661 par Louis XIV, puis son déclin, faisant surgir au fil de son récit passionnant les figures de Feuillet et de Pierre Beauchamp, en rétablissant à ce propos la propriété intellectuelle du second sur le système de notation de la danse généralement attribué au premier. Son exposé brillant brassait les époques jusqu’à l’avènement
de Serge Lifar, qui put « rétablir la Danse à l’Opéra de Paris dans son complet épanouissement » y compris en tentant vainement, en 1955, de créer une académie de chorégraphes composée de treize membres. Louis XIV lors de la création de l’Académie, que l’on retrouvait - expliquait-il - sur la garde de son bâton d’académicien. Sur cette épée qu’il a voulu semblable au bâton dont se servaient jadis les maîtres à danser d’autan, et qu’il a fait fabriquer par les artisans joailliers biarrots de Origine Ateliers, à partir du bois noueux utilisé pour les Malika (bâton de marche basque), Thierry Malandain a en effet fait graver treize noms de
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cités. Il n’omettait pas, au passage, de rappeler les années d’initiation de l’impétrant, d’abord comme jeune danseur puis en tant que lauréat de plusieurs concours de chorégraphie, jusqu’à la création en 1986 de sa compagnie Temps Présent, à Elancourt. Le contraste entre cette cérémonie emplie « d’affection et d’admiration », et la « guerre tragique déclenchée par la volonté d’un seul homme » aux frontières de l’Europe, donnait aussi à l’orateur l’occasion d’étriller les « consternantes déprogrammations de chefs d’œuvre de la culture russe » actuellement à l’œuvre ici et là. Revenant au héros du jour, il ne manquait pas de saluer la fidélité de Thierry Malandain à ses compagnons de la première heure, et plus généralement à toutes celles et ceux, artistes, techniciens ou administratifs, qui concourent à la réussite et la solidité de ce qui allait devenir en 1998 le Ballet Biarritz, puis douze ans plus tard le Malandain Ballet Biarritz.
Laurent Petitgirard, Astrid de La Forest, Frédéric Mitterrand, Blanca Li, Sebastião Salgado, Édith Canat de Chizy, Érik Desmazières, Didier Deschamps, Adrien Goetz © Académie des beaux-arts, P. Rimond
chorégraphes, certains connus, d’autres oubliés : Jean-Baptiste Blanche, Louis Henry, François Albert de sombre, Jules Perrot, Henri Justamant, Marius Petitpa, Hyppolite Montplaisir, Mariquita, Laure Fonta, Louise Stichel, Serge Lifar, Janine Charrat et Joseph Lazzini. Elle lui fut solennellement remise à l’issue de son discours par Catherine Pégard, présidente du conseil d’administration du Malandain Ballet Biarritz. Quant au bel habit vert dont était vêtu le nouvel académicien, il avait été réalisé à partir de celui de Jean Carzou, qui fut peintre et décorateur de ballets, dont Le Loup de Roland Petit, une recréation confiée à l’Atelier Renaissance, association aux engagements créatifs mais aussi environnementaux et sociaux.
Thierry Malandain, et illustrées dans cette cérémonie aussi belle que sobre. Elle était ponctuée de deux interventions dansées : la Gavotte de Vestris remontée par Claude Iruretagoyena de la compagnie basque Maritzuli, interprétée par Jon Olascuaga (danse) et Xabi Etcheverry (violon) ; et l’Aurresku, danse traditionnelle basque, par Arthur Barat accompagné au tambourin et txistu par Sébastien Paulini. Rappelons, pour conclure, que la section de chorégraphie comprend également Blanca Li, Angelin Preljocaj et Carolyn Carlson, qu’elle compte deux correspondants, Didier Deschamps et Dominique Frétard, et un membre associé étranger en la personne de l’immense Jirí Kylián.
Goût du bel ouvrage, soin minutieux apporté à toutes choses, respect des savoirfaire, attachement à la terre basque où il s’est implanté et d’où il rayonne dans le monde entier, défense de la solidarité et de l’environnement : autant de valeurs fortes défendues et incarnées de longue date par
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n Dansercanalhistorique, Isabelle Calabre,
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Installation de Thierry Malandain à l’Académie des beaux-arts
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Plus de 200 ans après sa création, l’Académie des beaux-arts a enfin reconnu la Danse comme un "des arts majeurs et immémorial", en créant une nouvelle section dédiée à la chorégraphie. Et qui installer au rang des Immortels ? Le nom de Thierry Malandain, chorégraphe directeur du Malandain Ballet Biarritz, qui fait tellement pour la place de la danse, et surtout de la danse classique, en France, tombait sous le sens. Covid oblige, sa cérémonie d'installation au fauteuil numéro 1 s'est fait attendre. Elle a finalement eu lieu le 6 avril dernier. Une cérémonie à la fois solennelle et très personnelle, ressemblant bien au chorégraphe. Qui s'est conclu par l’Aurresku, la danse d’honneur du Pays basque.
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La Danse est trop souvent l'oubliée des arts en France. Alors la voir reconnue et célébrée comme il se doit, sous les ors de la République, cela se fête. L'Institut de France, qui prend sa place sous la superbe coupole du Quai de Conti à Paris, est composé de cinq académies : l'Académie française, l'Académie des Sciences, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l'Académie des Sciences morales et politiques et l’Académie des beaux-arts, appelée ainsi depuis 1816. Il y a deux ans, cette dernière a enfin créé une section chorégraphique. Et le fauteuil numéro 1 est revenu à Thierry Malandain, chorégraphe, directeur du CCN Malandain Ballet Biarritz, avec lequel il tourne partout en France et dans le monde depuis 1998. C'est le 6 avril que le chorégraphe a été officiellement installé - c'est le terme officiel - à l’Académie des beaux-arts. Une cérémonie perturbée, là encore, par le Covid. Blanca Li, qui occupe le fauteuil
numéro 2, a ainsi été intronisée en premier. Carolyn Carlson suivra cet été, suivie d'Angelin Preljocaj cet automne. Mais en ce mercredi de début de printemps, place à Thierry Malandain. Et c'est le monde de la danse française qui s'est pressée sous la majestueuse coupole. Le Malandain Ballet Biarritz était là bien sûr au grand complet, et beaucoup de fierté se lisaient sur les visages des danseurs, danseuses ou du personnel. Étaient aussi présents Pierre Lacotte, Brigitte Lefèvre, Jean-Guillaume Bart, Bruno Bouché, beaucoup d'amis, les journalistes spécialisés. L'Opéra de Paris n'était par contre pas représenté, seul Hugo Marchand fit une apparition furtive entre deux répétitions. La solennité de la cérémonie, quand la musique de la Garde républicaine retentit sous les ors de la coupole, impose le silence lors de l'entrée du nouvel académicien. Mais le reste ne fut en rien compassé. Au contraire, les discours tout comme les moments dansés furent personnels et bien à l'image du chorégraphe : érudit, porté par la musique, la connaissance de la danse et la passion de cet art, dans son geste actuel comme dans son histoire. Le compositeur Laurent Petitgirard, Secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, assure même avec quelques touches d'humour son discours, présentant le parcours riche de Thierry Malandain. Et de se souvenir qu'il eut comme partenaire de cours de danse Isabelle Guérin, à l'école de danse de Rambouillet de Monique Le Dily. Qu'il prît les cours de Daniel Franck, Raymond Franchetti ou Gilbert Mayer avant de danser à l'Opéra de Paris, remarqué par Violette Verdy. Qu'il dansa au Ballet du Rhin et remporta le Concours chorégraphique Volinine du Vésinet, qui lança sa carrière de chorégraphe. Qu'il a tenté d'aller danser chez Jirí Kylián, chorégraphe qu'il admirait, mais qu'il ne fut pas retenu à l'issue de l'audition, et que c'est suite à ce refus qu'il fonda sa première compagnie, la Compagnie Temps Présent, dans les années 1980. Le discours de Laurent Petitgirard fut bien sûr l'occasion de parler des ballets de Thierry Malandain, toujours menés par l'importance de la musique. Le tout ponctué de vidéos d'extraits de ballets, l'occasion de revoir la récente et merveilleuse Pastorale, tout comme de se remémorer Magifique, qui a tellement tourné dans les années 2010 (et que l'on aimerait bien revoir !). Ce fut l'occasion aussi d'évoquer la certaine philosophie de travail de Thierry Malandain, porté notamment par la fidélité et le souci de ses interprètes. Sur les huit danseurs qui formèrent sa première compagnie en 1986, quatre sont encore autour de lui au Malandain Ballet Biarritz, dont le maître de ballet Richard Coudray. Cela se
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À Thierry Malandain ensuite de prendre la parole. Son discours, là encore, fut à son image : érudit, politique, clamant son amour de la danse classique comme la forte inquiétude à la voir si peu considérée en France. Ce fut une petite leçon d'histoire de la danse, partant de l'institutionnalisation de la danse classique du temps de Louis XIV, et s'amusant de voir comment elle a traversé les époques, se mêlant aussi aux danses populaires. Ainsi la "gavotte de Vestris" réglée par Maximilien Gardel, maître de ballet et académicien, trouva toute sa place au Pays Basque, encore dansée aujourd'hui. Et dansée sous la coupole par Jon Olascuaga de la compagnie Maritzuli, accompagné au violon Xabi Etcheverry. Avec un travail de petite batterie magnifique, que n'aurait pas renié Gilbert Mayer. Ce fut aussi pour Thierry Malandain l'occasion de rappeler la précarisation de la danse classique en France - "Un art aujourd’hui en voie de disparition, puisque soumis au montant des subventions". Mais aussi l'immense force de la danse - "la Danse permet à l’âme humaine de fixer l’instant en mouvement et de célébrer par le geste les manifestations de l’existence", et tout simplement l'amour profond de cet art. Thierry Malandain a ainsi fini son discours en citant Jean-Etienne Despréaux
son "prédécesseur" à l’Académie royale de Danse (1748-1820) : "C’est peu d’être danseur, il faut être amoureux. Si vous n’aimez votre art d’un amour idolâtre, gardez-vous, croyez-moi, de paraître au théâtre". Avant de terminer par de la danse, bien sûr. Et plus précisément l’Aurresku. Danse d'honneur du Pays basque, elle est dansée lors d'enterrements, mais aussi pour souhaiter la bienvenue au Pays basque, ou pour rendre hommage. Maurice Béjart y avait ainsi eu droit, lors de sa venue dans la région. En ce jour particulier, c'est Arthur Barat (compagnie Bilaka), danseur d'une vingtaine d'années, qui l'interpréta avec beaucoup de solennité, face au chorégraphe, accompagné par Sébastien Paulini (tambourin et txistu). Et quelle émotion, sous cette coupole imposante, de voir vivre une danse multi-centenaire, par les pieds et l'esprit d'un jeune homme du XXI ème siècle. Après les discours, la Présidente du Malandain Ballet Biarritz Catherine Pégard remit à Thierry Malandain son épée d'Académicien. Ou plutôt son bâton, hommage à ceux des maîtres à danser, fabriqué bien sûr par une entreprise basque (Origine Ateliers). Le bâton est en bois de Néflier, dont on se sert aussi pour fabriquer le makila, bâton de marche doublé d’une arme venant de la tradition basque.
© Olivier Houeix
voit aussi par son effectif. En 1998, lors de la création de la compagnie à Biarritz, le groupe est de 12 interprètes, tous et toutes intermittentes. Aujourd'hui, iels sont 22, en CDI au CDD. Les ancienne-s ont été accompagnés dans leur reconversion, beaucoup d'entre eux et elles sont d'ailleurs depuis restées à Biarritz. Sans oublier le développement d'un service de prévention médicale des danseurs et danseuses - le Malandain Ballet Biarritz fut sur ce sujet précurseur en France.
Le pommeau est en argent, orné d’une coquille d’escargot, symbolisant la renaissance et le retour de la Danse au sein du cortège des Arts. Il est gravé du nom de 13 chorégraphes, en référence aux 13 "académistes" nommés par Louis XIV lors de l’institution de l’Académie royale de Danse en 1661. Ces 13 chorégraphes, connus ou oubliés, ont marqué chacun à leur façon le parcours de Thierry Malandain : Jean-Baptiste Blache (1765-1834), Louis Henry (1784-1836), François Albert Decombe (1787 -1865), Jules Perrot (1810-1892), Henri Justamant (1815-1890), Marius Petipa (1818-1910), Hyppolite Montplaisir (1821-1877), Mariquita (1841-1922), Laure Fonta (18451915), Louise Stichel (1856-1942), Serge Lifar (1905-1986), Janine Charrat (19242017) et Joseph Lazzini (1926-2012). Enfin le fourreau du bâton a été fabriqué par Karine Prins, régisseuse des costumes du Malandain Ballet Biarritz, et réalisé dans des chutes de tissus de quelques ballets du chorégraphe.
n Danses avec la plume, Amélie Bertrand, 14 avril 2022
LA DANSE À BIARRITZ # 87 Danse et éducation, les compagnies de Cadets Gentilshommes
L’enseignement militaire de la danse
Brevet de danse
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Jusqu’aux années précédant la Révolution de 1789, la danse n’était mise en relation avec la stratégie militaire qu’au travers de l’éducation de la jeunesse aristocratique, au même titre que monter à cheval ou manier les armes. Il est en effet de tradition française voire européenne, de prêter à la danse, au-delà de ces bienfaits physiques, un enseignement lié aux qualités morales : « Fille de l’harmonie elle est de tout temps entrée pour quelque chose dans l’éducation des hommes. Elle fait partie des exercices du corps qui servent à former la jeunesse » (1). En 1587, François de La Noue, prenant modèle sur ce qui existe déjà dans plusieurs pays d’Europe, recommande la mise en place d’académies ouvertes aux jeunes gens âgés de quinze ans et ayant commencé leurs études. Académies dans lesquelles seront enseignées plusieurs disciplines « tant pour le corps que pour l’esprit ». Il préconise, conjointement au maniement des armes, et à la pratique de l’équitation, de la natation, de la lutte et de l’escrime, que l’on enseigne aux gentilshommes à danser la Gaillarde qui, dit-il « leur apprend à se bien composer et à avoir la grâce plus assurée en public » (2). Aux XVIème et XVIIème siècles, avant la mise en œuvre des préconisations de La Noue, on voit apparaitre en France au côté des écoles ecclésiastiques, des petites académies tenues par des particuliers pour les jeunes messieurs dont la majorité est destinée à une carrière militaire. On y enseigne de sept à quatorze ans, les mathématiques, les langues, la géographie. S’y ajoutent ensuite le droit, la mécanique et les principes de fortifications. Il semblerait pourtant que ces matières furent sacrifiées au détriment de l’équitation et de la danse (3). Il n’était finalement pas de coutume à cette époque d’écraser les officiers sous une « instruction livresque », en témoigne un noble français du XVIIème siècle : « Il suffit qu'on étudie jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans, afin d'apprendre la philosophie, l'histoire ancienne, et moderne, et les principales maximes de la politique, pour régler sa conduite dans le grand monde. Après cela on le doit mettre à l'académie pour apprendre à se bien servir d'un cheval, tirer des armes, à voltiger et à danser. Ces exercices le fortifieront, le rendront adroit et dispos, le feront tenir son corps droit, marcher de bonne grâce avec un air noble et élevé » (4). Des préconisations de La Noue, il faut attendre 1682 pour que Louvois (5) crée, sous les ordres de Louis XIV, les compagnies de Cadets gentilshommes, ouvertes aux jeunes hommes appartenant aux familles de la petite noblesse. Les fils de grandes familles, désirant embrasser la carrière
militaire faisaient eux leur apprentissage à la Maison du Roi. La journée des Cadets, nous dit-on, était partagée entre la salle d’armes et de danse (6). À la suite de la mort de Louvois en 1691, ces écoles fermeront en 1696. Remises en activité dès 1726, chaque compagnie « instaurée dans les citadelles de Cambray, Mets, Strasbourg, Perpignan, Bayonne et l’autre au château de Caen est alors pourvue d’un aumônier, un Maître de mathématiques, un Maître d’armes et un Maître à danser » (7). Les changements apportés en 1729 mentionnent d’abord, un Maître de danse et un aide, puis deux Maîtres et deux aides dès 1732 (8). Définitivement fermées en 1736, elles sont remplacées par l’École militaire crée par Louis XV en 1751 où la danse est obligatoire tous les quatre jours. Les réformes successives de 1756, 1769 et 1776 prévoient des leçons tous les deux jours (9). La danse n’entre pas seulement dans l’éducation des futurs hommes de troupe. En effet, l’instruction des gardes de la marine dont les écoles sont établies en 1670 par JeanBaptiste Colbert à Toulon et Rochefort et réformées en 1689, prévoit des leçons de danse tous les jours « pendant le temps qu’ils resteront dans le port » (10). Les changements apportés par l’ordonnance de 1689 resteront pratiquement inchangés jusqu’à la Révolution (11).
Les régiments d’infanterie Lorsque François de Lorraine, duc de Guise, œuvre à la création des régiments dès 1569, il n’est alors nullement question d’un enseignement de ce type au sein des régiments d’infanterie et il semble qu’il en fut ainsi jusqu’à la moitié du XVIIIème siècle. Alors que le recrutement par tirage au sort est abandonné à partir de 1760 pour laisser place à l’enrôlement, les régiments par le biais d’affiches vantent les mérites de leurs établissements dans le but d’attirer les éventuels volontaires. C’est ainsi qu’en 1745, le régiment d’Arquebusiers de Grassin leur promet, « les mêmes Maîtres d’armes, de danse et autres exercices que les cadets gentilshommes que le Roi entretient dans ce régiment » (12). En 1766, le corps royal du régiment de La Fère, précise que : « on y danse trois fois par jour » (13). En 1785, le corps royal d’artillerie du régiment de Strasbourg stipule qu’ « il y a au régiment des salles de mathématiques, de dessin, d’armes et de danses ou tous les soldats sont admis » (14). Enfin, le corps des Carabiniers en 1789 propose « le genre d’instruction auxquels les jeunes gens doivent se livrer, l’escrime en fait d’armes, la danse et l’écriture » (15). À l’approche de la Révolution l’idée semble de plus en plus présente : « La danse a particulièrement l’avantage de poser le corps dans l’état d’équilibre le plus propre à la souplesse et à la légèreté ; l’expérience nous a démontré que ceux qui s’y sont appliqués exécutent avec beaucoup
LA DANSE À BIARRITZ # 87 plus de facilité et de promptitude tous les mouvements de l’exercice militaire En 1790, Guillaume Daignan, » (16). docteur en médecine à l’université de Montpellier publie un ouvrage portant sur la gymnastique militaire. Il constate dans un premier temps la constitution chétive, faible et délicate des soldats : « Il y en a beaucoup qui bien loin d’être lestes, agiles et adroits, sont gauches et ineptes ». Il insiste également sur la vie oisive des hommes et la nécessité d’améliorer le moral des troupes au sein des régiments d’infanterie : « Sa vie se passe dans l’ennui, dans le désœuvrement et dans les excès opposés de sobriété et d’intempérance, d’action et de repos, de travail forcé et de paresse ». Parmi les solutions proposées, celles consistant à améliorer la force, l’adresse et la souplesse du corps sont conjointement le maniement des armes et la danse (17). À la veille de la Révolution, le « règlement provisoire concernant le service intérieur, la police et les disciplines des troupes d’infanterie » daté du 1er juillet 1788 encourage vivement l’enseignement de la danse au sein des troupes d’infanterie « ces exercices étant à la fois propres à augmenter la force, l’adresse, et la grâce militaire du soldat » (18). Ces premières recommandations n’ayant pas eu, semblet-il, l’effet escompté, l’ordonnance du 24 juin 1792, vient confirmer la précédente. L’enseignement de la danse au soldat va devenir une réalité. D’autres, promulguées respectivement en 1818, 1824, 1833 et 1856 encouragent toutes la pratique de la danse comme propres à fortifier la constitution, développer l’adresse et l’agilité (19). Durant la quasi-totalité du XIXèmesiècle, les Maîtres à danser vont enseigner une technique savante empruntée au répertoire de la danse civile ainsi qu’à la danse de théâtre, à une époque où l’une et l’autre s’alignent plus qu’à toute autre.
ne mentionnent les mots « Maître de danse », « Maître à danser » ou « Prévôt de danse ». N’étant pas considérés comme grade militaire, ces termes ne sont pas stipulés dans les registres des casernes, ou les registres de recrutement militaire, alors qu’il semble que ce soit le cas, au moins concernant l’escrime (24). L’apprentissage de la danse (ainsi que celui des autres disciplines) était sanctionné par un brevet. Ces documents, principale source d’informations, mentionnent l’identité du récipiendaire en qualité de Maître ou Prévôt. Ils précisent le nom, parfois le prénom de son Maître de danse, la date et le lieu de la remise du diplôme ainsi que le régiment auquel le lauréat est rattaché. Enfin le brevet est complété par les signatures des membres du jury attestant les qualités du danseur. Signatures parfois complétées des mentions « Mt » ou « 1er Mt » précisant pour certains d’entre eux un numéro de régiment. Ces éléments mis bout à bout et la mise en relation des différents brevets connus à ce
brevets retrouvés et bien que remis à des prisonniers de guerre ou à bord de navires en rade (29), n’attestent pas assurément d’une pratique militaire. Après 1884, les brevets retrouvés principalement dans le sud-est de la France témoignent d’une pratique désormais civile. Bien que Gustave Desrat en 1895 parle encore au présent dès Maîtres à danser des régiments (30), leur disparition est déplorée au début du XXème siècle, malgré quelques tentatives pour les rétablir qui semblent être restées vaines (31). Pourtant l’armée a bien su perpétuer et conserver au sein des régiments une tradition d’enseignement « par principe » dont les Maîtres ont été les garants. Ils ont ainsi permis tout au long du XIXème siècle, la transmission d’un répertoire resté fidèlement identique à ses origines, et ce bien qu’il fut rapidement passé de mode. Sa présence, aujourd’hui bien vivante en plusieurs traditions européennes, nous permet de comprendre ce qu’il était, car nous pouvons constater ce qu’il est.
jour (25), permettent d’extraire quelques informations quant à l’organisation générale de l’enseignement militaire sur un plan national : les brevets sont distribués principalement dans des régiments de troupe à pied. D’autres en quantité moins importante au sein de troupe hybrides évoluant à pied au à cheval (26). Certains concernent des régiments de marine ou des bataillons de pontonniers.
Enseignement et aspects techniques
Brevets et Maîtres de danse Dès le début du XIXème siècle, la danse est enseignée au sein des régiments au même titre que l’escrime (20), la canne, le bâton et la savate (18) aux soldats désirant s’y instruire. Chacune des disciplines sanctionne l’apprentissage par un examen final que l’on nomme assaut. On distingue alors deux niveaux de perfectionnement : le Prévôt et le Maître. Les différentes ordonnances préconisent l’instauration au sein des casernes de salles de gymnastique, pouvant contenir un bataillon en bataille, qui pourraient se convertir à certaines heures en salle de danse et d’escrime (21). Ces salles devront toujours se trouver en rez-de-chaussée (22). L’ordonnance de 1856 fixe à trois centimes le prix de la leçon (de danse) et semble rester le même jusqu’en 1879 au moins (23). Malgré ces quelques précisions ni les dictionnaires de l’armée, ni les manuels d’infanteries, ni même les encyclopédies méthodiques
Sur un plan géographique la répartition s’est faite équitablement sur l’ensemble du territoire (27) et ne laisse donc pas présager d’une région plus concernée qu’une autre par ce phénomène. Les dates apposées sur les brevets attestent d’une pratique étalée sur la majeure partie du XIXème siècle sans interruption significative. Les brevets assurément militaires laissent présager d’un enseignement effectif entre 1825 et 1884 (28). Avant cette date, les
La danse et l’escrime, disciplines inséparables de l’enseignement militaire ont toutes deux ce point commun d’être enseignées « par principe ». Dans le cas de la danse, l’apprentissage organisé par leçons consiste à transmettre à l’élève les unités motrices fondamentales qu’il lui permettront par la suite de les réutiliser durant l’exécution de danses laissant une grande part à la libre interprétation. À la charnière des XVIIIème et XIXème siècles, lorsque débute l’enseignement militaire, la danse civile s’aligne plus qu’à aucune autre époque sur la danse de théâtre
••• 24 25
LA DANSE À BIARRITZ # 87
••• elle aussi en pleine mutation : devenue brillante et rapide, elle intègre alors à celle du XVIIIème siècle des pas de grande élévation. Parallèlement, la Contredanse, danse incontournable du XVIIIème siècle, introduite au théâtre à l’époque du « Ballet d’action », connaît sous le 1er Empire une évolution visant à y introduire des pas savants tout en simplifiant les parcours qui jusqu’alors faisaient sa richesse : « Jadis, on y formoit différentes figures de ballet et les pas étoient fort simples ; mais bientôt o y admit des pas seuls ou par écho ; alors, le danseur chercha à s’y distinguer par sa grâce, ensuite par sa légèreté. L’abus amena les difficultés, et les tours de forces prirent la place de la grâce et de l’aimable gaieté » (32). Ainsi un grand nombre de pas qui entrent dans la composition des danses d’enseignement militaire viennent directement du ballet et sont encore aujourd’hui bien connus de tous les danseu(se)rs classiques : brisés, fouettés, emboités, attitude, mouchetés, jetés, échappés, entrechats, pas de Basque, … (33). D’autres semblent faire partie du répertoire des salons et des danses alors en vogue dans les bals : ailes de pigeons, tombé en cinq temps, tombé en trois temps, zéphyr, triolet, terre-à-terre, … (34). Des termes comme : pas français, pas français trompé, chassé-ouvert, chassé-croisé, balancé ou contretemps, … (35) viennent directement de la Contredanse qui, en plus de cette terminologie, apporte la disposition en ligne, ainsi que la simplicité des parcours laissant place à l’exécution des pas savants : « Les grognards, placés sur une même ligne, à peu de distance, l'un de l'autre, par quatre, huit, etc, au son de la petite flûte et du tambour, exécutant des pas d'improvisation en imitation de la danse de théâtre, c'est à dire ils montent sur les orteils en tournant lentement comme les danseuses au théâtre de leurs pas sérieux, formant des vis-à-vis, des ronds, des carrés, etc. avec un calme, un sérieux, et une décence dignes vraiment des meilleur emploi meilleurs emplois ? » (36). Sur ces mêmes dispositions, les pas d’avant-deux et pas d’été, qu’ils soient civils ou militaires, et dont les noms seuls affirment la filiation avec le répertoire des Contredanses s’organisaient de la façon suivante : « Ces pas sont dansés par séries de quatre personnes placées comme dans le quadrille français (deux couples se font vis-à-vis). Les quatre danseurs partent ensemble par un pas français en avant, un en arrière et deux en avant, pour changer de place avec le vis-à-vis ; puis un pas français en avant, un en
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arrière, et deux en avant pour revenir à leur place. Balancé : Les danseurs font face à leur partenaire, ils font un pas français sur le côté droit, un sur côté gauche, un pour changer de place avec leur partenaire, et un autre pour revenir à leur place primitive. Comme on le voit, ces pas se font en avant, en arrière, à droite, à gauche, en obliquant ou en tournant ; il en sera de même pour tous les pas décrits » (37). Ces danses composées d’une grande diversité de pas attestent de l’organisation « par principe » ainsi que la place laissée à la libre composition, voire à l’improvisation dans un cadre fixé principalement par la règle de la symétrie des unités motrices, principe fondamental de ce répertoire.
énumérés jusqu’ici certains mouvements apparaissent comme spécifiques à ce type de danses : les berceaux, les ciseaux, le pas de cheval et les battements de semelles, etc (41). Les berceaux et les ciseaux ont cette particularité de s’exécuter avec la position « en dedans », comme décrit par Gustave Desrat : « les pointes croisées et déplacées » (43). En résumé, la danse militaire, prenant en considération les rares écrits dont nous disposons, se compose de danses exécutées en « quadrilles » servant à l’énumération de pas savants qui donneront matière à de « libres interprétations » ; de danses de solistes composées exclusivement de pas savants, dont certaines comportent des pas « imposés » qui en font la spécificité ; de danses principalement mimées comportant tout de même un certain nombre de pas savants. Toutes sans exceptions respectent l’organisation des unités motrices décrite dans les pas d’été et pas d’avant deux, ou à minima une symétrie latérale. Parmi toutes ces danses évoquées, deux revêtent une importance toute particulière dans l’organisation même de l’enseignement militaire. Il s’agit en premier lieu de la Gavotte, exigée pour l’obtention du brevet de Prévôt de danse. Elle est directement inspirée de « la Gavotte de Vestris » dansée par Auguste Vestris lui-même en 1785 dans le ballet « Panurge dans l’île des lanternes » (44). L’autre, l’Anglaise, danse longue et difficile, est imposée à quiconque prétend au titre prestigieux de Maître de danse.
Filiations et influences
Parallèlement, une grande partie des danses militaires connues sont répertoriées sous l’appellation « danses de caractères ». Leurs noms sont tout à fait particuliers : Anglaise, Gigue, Ballet des filles de marbre, Matelotte, Pas grec, Danse du pas turc, la Paysanne, Ballet Cosaque, Cosaque Russe, Polichinelle, la Sabotière, la Fricassé ou Gavotte (38). Elles semblent issues d’un répertoire classifié par Jean-Georges Noverre comme « danses comiques » (39), désignées par Carlo Blasis sous l’appellation de « danses de caractère » (40) ou par Charles Pauli comme « danses caractérisées » (41). On y retrouve mimes, mimiques ou pas d’imitations : pas de la nage, pas de la corde, pas d’ivrogne, casse-cou, pied de nez, grimasses, la fourchette, pas comique imité du moissonneur (42). Aux côtés des pas
Dans le domaine de la danse européenne, on observe en Écosse un style de danse nommé Highland dance dont la filiation avec les danses aux pas savants des régiments est évidente, bien qu’il nous soit difficile d’en expliquer la raison. Une chose est sûre, elle en comporte tous les éléments fondamentaux à commencer par l’organisation symétrique des pas, sur deux ou quatre faces, ainsi que la décomposition et la structure musicale inhérente à ce type de danse. Aux côtés de ces danses de concours, les Hornpipes anglais, sont à classer dans la même catégorie que l’Anglaise, la Gigue, La Matelotte, la Cosaque ou encore les Ballets des filles de marbre, toutes ces danses étant similaires encore et toujours par leur rapport à la structure musicale, mais également par des pas ou séquences bien spécifiques comme la « promenade » débutant la danse, les berceaux ou encore les ciseaux. La province Basque du Guipuscoa connait elle aussi une technique de danse similaire en de nombreux points déjà évoqués : d’une part une technicité tout à fait ressemblante et un système de danse là aussi de même catégorie. Son enseignement s’est également organisé sous forme de table
LA DANSE À BIARRITZ # 86 gymnastique-chorégraphique. Concernant le territoire français, plusieurs individus ayant reçu un enseignement de la danse durant leur service militaire, auréolés d’un titre de Prévôt ou de Maître de danse, vont faire montre de leur savoir-faire et générer dans leurs régions respectives quelques imitateurs de plus ou moins bonne valeur selon le milieu social susceptible ou non d’accueillir ce nouveau mode d’expression. Ils vont ainsi fortement influencer et modifier les traditions existantes dans leurs régions d’origine introduisant un enseignement, une technique de danse et un répertoire appris dans la tradition militaire.
(1)
Pierre Rameau, le maître à danser, 1725.
François de La Noue, Discours politiques et militaires du seigneur de La Noue nouvellement recueillis et mis en lumière, 1587, p 126-127. (2)
Artz Frederick B, les débuts de l’éducation technique en France (1500-1700) dans Revue d’histoire moderne, t 12 N°29-30, 1937, p 483 (3)
Artz Frederick B, les débuts de l’éducation technique en France (1500-1700) dans Revue d’histoire moderne, t 12 N°29-30, 1937, p 506 (4)
François Michel Tellier, marquis de Louvois (Paris,1639 - Versailles,1691)
(5)
Léon Hennet, les compagnies de cadetsgentilshommes et les écoles militaires, 1889, p 15.
(6)
Léon Hennet, les compagnies de cadetsgentilshommes et les écoles militaires, 1889, p 22.
(7)
Léon Hennet, les compagnies de cadetsgentilshommes et les écoles militaires, 1889, p 28 et 30. (8)
Léon Hennet, les compagnies de cadetsgentilshommes et les écoles militaires, 1889, p 69, 87,89, 90. (9)
La région sud-sarthoise est parmi celles qui ont connu ce phénomène, par l’influence de plusieurs individus référents dans l’enseignement de la danse, depuis les années 1870 jusqu’aux alentours de 1930 ou une génération de Maîtres locaux prendra la succession de ceux formés au régiment. Parallèlement, de nombreuses sociétés de gymnastique des villes du Mans, Angers, Tours ou Nantes, vont enseigner ces répertoires, entre la moitié du XIXème siècle jusqu’à la première guerre mondiale (45). Les régions méditerranéennes elles, maintiennent encore bien en vie cette pratique qui là aussi passa de l’armée aux sociétés de gymnastique, durant la seconde moitié du XIXème, puis aux sociétés de « Farandoleurs » et enfin aux groupes folkloriques. Ici, la technique des pas savants est venue enrichir la Farandole autrefois dite « populaire ». Le répertoire des casernes est resté quasiment inchangé et la tradition des assauts est similaire au modèle militaire. L’Anglaise (la Gigue dans le cas présent) est toujours de rigueur pour être admis Maître et la Gavotte pour devenir Prévôt (46). Enfin le cas de la province Basque de la Soule reste tout à fait particulier et bien vivant lui aussi. On y constate au cours d’une période comprise entre 1860 et 1890, l’intervention de plusieurs Maîtres régimentaires qui vont d’une part modifier le patrimoine dansé local par l’apport d’une technique nouvelle mais également former leurs successeurs qui feront du répertoire souletin ce qu’il est encore aujourd’hui. Par ricochets, l’apport régimentaire portant la danse à un niveau de perfectionnement sans précédent, va fortement modifier les manifestations rituelles au sein desquelles ce répertoire prend place. Mais ceci est une autre histoire…
n Jon Iruretagoyena
Ordonnance de Louis XIV pour les armées navales & arsenaux de marine du 15 avril 1689, livre septième, titre premier, Des gardes de la marine. (10)
(11) Hélène et Jean-Michel Guilcher, l’Enseignement militaire de la danse et les traditions populaires,1970. (12) Albert Depréaux, Les affiches de recrutement militaires du XVII ème siècle jusqu’à nos jours, 1911, planche 6. (13) Albert Depréaux, Les affiches de recrutement militaires du XVII ème siècle jusqu’à nos jours, 1911 planche 12. (14) Albert Depréaux, Les affiches de recrutement militaires du XVII ème siècle jusqu’à nos jours, 1911, planche 20. (15) Albert Depréaux, Les affiches de recrutement militaires du XVII ème siècle jusqu’à nos jours, 1911, planche 25.
Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières, par une societé de gens de lettres, de savants et d'artistes, Paris, Panckoucke, t II 1785, p 233, col I. (16)
Dr Guillaume Daignan, Gymnastique militaire, ou essai sur les moyens de rendre nos soldats sains, robustes, fort, 1790. (17)
Règlement provisoire concernant le service intérieur, la police et les discipline des troupes d’infanterie, 1er juillet 1788. p 88 titre VIII – article 51. Notez que le texte concernant les troupes à cheval, encourage l’enseignement de la danse en des termes identiques : Règlement provisoire concernant le service intérieur, la police et les discipline des troupes à cheval. Du 1er juillet 1788. De par le Roi : p 88 titre IX – article 51 : le commandant du corps pourra aussi favoriser pendant l'hiver, l'établissement d'une salle d'escrime et de danse, pourvu qu'elle soit toujours dans l'enceinte du quartier et soumise à la vigilance de l'adjudant ou d'un bas officier ; ces exercices étant à la fois propres à augmenter la force l'adresse et la grâce militaire des cavaliers. (18)
Hélène et Jean-Michel Guilcher, l’Enseignement militaire de la danse et les traditions populaires, 1970. (19)
Concernant l’escrime il est bon de préciser qu’il s’agit de la pointe (l’épée) et la demi-pointe (le sabre). L’épée étant une arme portée par les hommes à pied, le sabre par les hommes à cheval.
(20)
Etienne-Alexandre Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre, vol 15, salle d’exercice, p 4770 - 1851. (21)
(22) Etienne-Alexandre Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre, vol 7, Ecole d’escrime, p 2131 - 1844 : L’ordonnance de 1824 voulait qu'elle fût établie au rez-de-chaussée.
Hélène et Jean-Michel Guilcher, l’Enseignement militaire de la danse et les traditions populaires,1970. (23)
Le registre de recrutement militaire de Martin Hegobürü, (Heguaphal - Barcus 1860-1948) Maître (ou Prévôt) de danse régimentaire stipule « Moniteur d’escrime ».
(24)
Pour la présente étude, toujours en cours, 107 Brevets ou mention de Maître et/ou Prévôt ont pu être rapprochés.
(25)
Régiments d’infanterie de ligne, régiments de Génie, Garde, Garde impérial, Chasseurs à pied et voltigeur pour les troupes à pied. Régiment de Dragons, Chasseurs, Grenadier pour les compagnies hybrides. Au total, 73 régiments sont identifiés comme ayant connu un enseignement de la danse.
(26)
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Diplôme de maître, 1879
Les villes de Toulon, Royan, Cherbourg, Saragosse, Verdun, Briançon, Bergues, Maubeuge, Blois, Grenoble, Lyon, Paris, Angers, Le Mans, Avesnes, Versailles, Metz, Dijon, Nancy, Besançon, Segac, Cholet, Toulouse, Rome, Wimereux, Sathonay, Courbevoie, Perpignan, Saint-Denis, Montpellier, Chalon, Nîmes, Charenton, Reims, Vincennes, Bayonne, Aix, Rueil, Strasbourg, Joinville sont représentées sur l’ensemble des brevets.
(27)
(28)
Les brevets étudiés s’étendent de 1808 à1897.
Entre 1808 et 1825, 7 brevets sont attribués à bord de navires en rade à Toulon, Royan et Cherbourg.
(29)
(30) Gustave Desrat, Dictionnaire de la danse, 1785, p 17 : Je sais néanmoins que les maîtres de danse des régiments et de la province les emploient fréquemment. (31) Hélène et Jean-Michel Guilcher, l’Enseignement militaire de la danse et les traditions populaires, 1970, p 13 : En juillet 1906, au Congrès international de la danse à Rome, le président déplore la disparition de l'enseignement de la danse dans les armées françaises. Eugène Giraudet, fondateur de l'Académie internationale de danse, répond qu'il multiplie les démarches pour le faire rétablir. Lorsque, par décret du 7 mai 1907 un maître de danse est attribué à l'école de Joinville, ce rétablissement est imminent. Mais en 1913, toujours espéré, il n'est encore pas effectif. La guerre de 1914 allait balayer définitivement ces velléités de retour à une pratique ancienne qui ne répondait plus à une nécessité reconnue. (32) Jean-Michel Guilcher, La Contredanse : un tournant dans l’histoire française de la danse, 2003, p 145, note 34. (33) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers les le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours. (34) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers les le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours. (35) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers les le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours. (36) Hélène et Jean-Michel Guilcher, l’Enseignement militaire de la danse et les traditions populaires, 1970 (37) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers les le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours, Pas d’avant-deux, p 288. (38) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours. Voir la table des matières rubrique : Danses militaires. (39)
Jean-Georges Noverre, Lettres sur la danse, 1760.
Carlo Blasis, Traité de l’art de la danse, p 132, note 7. (40)
Dictionnaire de la danse, Larousse, p 704, Danse de caractère.
(41)
(42) Eugène Giraudet, Traité de la danse. Grammaire de la danse et du bon ton à travers les le monde et les siècles depuis les singes jusqu’à nos jours. (43) Gustave Desrat, Dictionnaire de la danse, 1785, p 165, Gigue.
Dictionnaire de la danse, Larousse, p 740, Gavotte. (44)
(45)
Yves Guillard, danses et sociabilité.
Didier Lhotte, Les brevets de danses du XIXème siècle (46)
SENSIBILISATION
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Répétitions publiques
© Olivier Houeix
Partenariat avec le Conservatoire Maurice Ravel Pays basque
Avec le soutien de la Communauté Pays basque, le CCN mènera des projets d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) auprès de trois classes de l’École primaire de Bidache, une classe de l’École primaire de Lahonce et une classe de l’École primaire Idekia d’Ustaritz autour de Sirènes de Martin Harriague. Ces projets se dérouleront d’avril à juin et auront pour axe les trois piliers de l’EAC : voir, dire et faire. Les enfants découvriront le Malandain Ballet Biarritz par le biais d’une mallette pédagogique et des ateliers chorégraphiques menés par Ione Miren Aguirre, chargée de sensibilisation. Ces actions se concluront par la venue des élèves à la Gare du Midi lors du Rendezvous sur le quai de la Gare, où ils assisteront à une représentation scolaire de Sirènes tout en suivant un parcours pédagogique.
Dans le cadre d’un partenariat avec le Conservatoire Maurice Ravel Pays basque, le 12 avril, le CCN a reçu 100 élèves de classes à horaires aménagés danse (CHAD) de l’École Jules Ferry de Biarritz pour un parcours pédagogique à la Gare du Midi. Après avoir visité le théâtre, découvert les costumes, les élèves virent le travail des danseurs en studio. En juin, ils assisteront avec des élèves de l’École des Thermes Salins de Biarritz, à une représentation scolaire de Sirènes de Martin Harriague, dans le cadre du Rendez-vous sur le quai de la Gare.
Spectacle de la Spécialité Danse du Lycée André Malraux
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Le spectacle de fin d’année des élèves de Secondes, Premières et Terminales de la Spécialité Danse du Lycée André Malraux de Biarritz aura lieu le 8 juin à 19h et 21h au Théâtre du Colisée de Biarritz.
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Éducation Artistique et Culturelle (EAC)
© Olivier Houeix
Sensibilisation et médiation
Dans le cadre de l’accueil studio, la compagnie Auguste Bienvenue a été reçue en résidence du 28 mars au 8 avril. Naviguant entre Ouagadougou et Bordeaux, les chorégraphes, Auguste Ouedraogo et Bienvenue Bazié réunissent danseurs, un slameur et une chanteuse pour questionner l’ancrage de la condition féminine dans la sphère sociale et privée. Avant le prochain Festival le Temps d’Aimer, la compagnie a présenté le 8 avril une étape de Monsieur vs/ou/+/=Madame au Studio Gamaritz de la Gare du Midi. Le 14 avril, destinée aux élèves et familles, une répétition publique du CCN a été proposée à Biarritz au Conservatoire Maurice Ravel Pays basque. Le 20 avril, une répétition publique du CCN a été proposée au Grand studio de la Gare du Midi.
Entrée libre sur réservation : malandainballet.com
TRANSMISSION Boléro à Introdans Du 14 au 19 février, Arnaud Mahouy, chargé de développement artistique, était à Arnhem (Pays-Bas) pour remonter Boléro de Thierry Malandain à l'occasion des 50 ans de la compagnie Introdans. Dansé jusqu’au 14 juin au Pays-Bas et en Allemagne, ce ballet faisait partie d’une soirée composée de : Death and the maiden d’Ed Wubbe, un extrait de Memory of a shape de Regina van Berkel, la Mort du cygne de Mauro de candia, Earth de Manuel Vignoule, Streams d’Andonis Foniadakis et un extrait de Rossini Cards de Mauro Bigonzetti. © Olivier Houeix
SANTÉ Congrès de l’IADMS Ces derniers mois, l’équipe médicale du CCN-Malandain Ballet Biarritz formée d’Aurélie Juret, médecin du sport, de Jean Baptiste Colombié, kinésithérapeute du sport et de Romuald Bouschbacher, ostéopathe et kinésithérapeute a préparé sa participation au Congrès de l’IADMS, qui aura lieu en Irlande, fin octobre prochain. L’International Association of Dance Medicine and Science regroupe les meilleures équipes de soins spécialisées en danse, des chercheurs, universitaires, professeurs de danse… avec un seul objectif : développer la prise en charge médicale du danseur. Son congrès annuel fait office de référence mondiale dans le partage des dernières avancées scientifiques. L’équipe médicale du CCN y trouve une importante source d’inspiration et y partage également ses travaux. Cette année, 7 sujets ont été soumis : • L’évaluation du premier protocole non chirurgical du carrefour postérieur • Le bilan musculaire de la hanche du danseur • L’évaluation d’une nouvelle méthode de recrutement des muscles profonds du pied dans l’instabilité de cheville du danseur • Une étude de littérature sur l’hallux valgus du danseur • L’application de la thérapie miroir aux danseurs blessés assistant aux classes • Le protocole test du traitement des pathologies sacro iliaques par le recrutement du centre. • Les résultats des classes modifiées cardio dispensées aux danseurs du Malandain Ballet Biarritz. Tous ces travaux ont été menés au sein du Malandain Ballet Biarritz, grâce au soutien et à la méthodologie collaborative de l’Institut Danse Santé (anciennement Danse Living Lab) et en partenariat avec des écoles de kinésithérapie et l’Université Pau Pays de l’Adour. En participant à la recherche scientifique, le CCN contribue à sa manière, à faire progresser la santé du danseur.
Actualité santé Entre février et avril, les classes des danseurs du Malandain Ballet Biarritz ont été adaptées au travail cardio respiratoire. Deux fois par semaine, après une barre complète, les exercices du milieu s’enchaînent sans discontinuité, sur des musiques au tempo bien défini. Les danseurs, tous équipés d’un cardiofréquencemètre sont invités à travailler dans une zone bien précise. L’objectif de ce travail, inédit en danse, est de développer les capacités
cardiorespiratoires de nos danseurs, notamment leur seuil de transition métabolique. Ce seuil correspond à l’intensité de travail où le corps arrête de consommer de l’oxygène et fonctionne en anaérobie. Ce faisant, les muscles produisent de l’acide lactique, des radicaux libres… qui vont entraîner un stress oxydatif, premier facteur de risque des blessures chroniques observées chez nos danseurs. Durant les phases d’essais, pratiquées auprès des danseurs du collectif Bilaka ou lors de l’ERD (entraînement régulier du danseur), les danseurs ont noté que si reculer ce seuil était un important moyen de prévention, cela permettait aussi d’améliorer leur aisance à danser à haute intensité. Ce travail s’inscrit dans une longue dynamique de lutte contre le stress oxydatif des danseurs. Dès 2014, l’équipe médicale commençait à réfléchir sur le sujet et proposait de nombreuses solutions issues du sport de haut niveau… mais insuffisantes pour la danse. Ce dernier protocole est le fruit du partenariat du Malandain Ballet Biarritz avec l’Institut Danse Santé, le pôle cardiologie du Centre Hospitalier de la Côte Basque et l’Université Pau Pays de l’Adour. Néanmoins, fidèles à la méthodologie de Living Lab, ce travail est d’abord le fruit de la collaboration des danseurs avec l’équipe médicale, les maîtres de ballet, l’administration et Thierry Malandain. Il a fallu attenter au cœur même de la vie du danseur, à la structure de la classe en suivant la maxime de tout processus créatif : respecter suffisamment une tradition pour oser la transformer. Jean Baptiste Colombié, kinésithérapeute du sport et préparateur physique du Malandain Ballet Biarritz
Ateliers Danse / Santé à la Maison d’arrêt de Bayonne Dans le cadre d’un projet soutenu par la DRAC Nouvelle-Aquitaine et l’ARS Nouvelle-Aquitaine, les 3 et 4 mars derniers, Aureline Guillot, professeur à Instant Présent et responsable de l’Université du mouvement, a animé quatre ateliers « Danse Santé » autour de la danse néoclassique, à la Maison d’arrêt de Bayonne. L’objectif de ces ateliers est de prévenir voire guérir certains maux et pathologies physiques présentes chez les détenus. Le programme a été préparé en amont par l'équipe médicale du Danse Living Lab (hébergé dans les murs du Malandain Ballet Biarritz), le corps médical et le professeur de sport de la Maison d'arrêt afin d'évaluer les besoins et objectifs des participants. Deux autres stages auront lieu en juin et à l'automne autour de la danse hip-hop et de la danse africaine.
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EN BREF q
En soutien au peuple ukrainien, le 14 avril, le CCN a participé à la soirée : « Ensemble pour la paix » à Chaillot - Théâtre national de la Danse. Patricia Velazquez et Jeshua Costa ont interprété à cette occasion un duo de Mozart à 2. Participaient également : le Kiev City Ballet, Angelin Preljocaj, Carolyn Carlson, Mourad Merzouki, Oona Doherty, Raphaëlle Delaunay... Organisé en partenariat avec l’ACCN, l’A-CDCN, la Biennale et la Maison de la Danse de Lyon, Chaillot-Théâtre national de la Danse, le Centre national de la Danse, Montpellier Danse et l’Opéra de Lyon, l’évènement a été retransmis en direct sur les comptes Facebook et TikTok de Chaillot-Théâtre national de la Danse. L'ensemble des recettes du spectacle sera reversé à la Fondation de France.
Fossile, Dantzaz, Pauline Bonnat , Julen R.Flores © O.Houeix
Programmation Martin Harriague
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Ensemble pour la paix
Le 25 avril, Fossile et Walls de Martin Harriague ont été présentés par la compagnie Dantzaz à la Scène conventionnée d’intérêt national Art et Création, Scène 55 de Mougins.
Daphnis et Chloé au Capitole de Toulouse À l’invitation de Kader Belarbi, Thierry Malandain créé actuellement Daphnis et Chloé de Maurice Ravel pour le Ballet du Capitole de Toulouse. Décor et costumes : Jorge Gallardo, lumières : François Menou. Accompagnée par le Chœur et l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dirigé par Maxime Pascal, cette création associée à une reprise de l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy, créé par Thierry Malandain en 1995 sera donnée du 26 au 30 juin à la Halle aux Grains à Toulouse.
Concours Les Hivernales de la Danse - Belgique Deux lauréats du Concours Les Hivernales de la Danse de Liège seront prochainement invités à Biarritz. Jetro Thijs s’est ainsi vu offrir un stage à l’Académie Internationale de Danse de Biarritz au mois d’août. Tandis que Matteo Rotiel pourra en septembre suivre durant une semaine les cours de la compagnie tout en profitant d’un accès aux spectacles du Festival Le Temps d’Aimer.
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centre chorégraphique national de nouvelle-aquitaine en pyrénées-atlantiques
présidente Catherine Pégard vice-président Guillaume Pepy trésorière Solange Dondi secrétaire Richard Flahaut trésorière adjointe, déléguée à la transition écoresponsable Monique Barbaroux déléguée à la coopération territoriale et internationale Marie-Christine Rivière administrateurs Gratien Maire, Anne Méhu président d’honneur Pierre Durand Direction directeur / chorégraphe Thierry Malandain directeur délégué Yves Kordian Artistique / Création artiste associé Jon Maya, Kukai Dantza maîtres de ballet Richard Coudray, Giuseppe Chiavaro artistes chorégraphiques Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaël Canet, Clémence Chevillotte, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Marta Otano Alonso, Alessia Peschiulli, Julen Rodriguez Flores, Alejandro Sánchez Bretones, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel artiste chorégraphique chargé du développement artistique Arnaud Mahouy professeurs invités Bruno Cauhapé, Sophie Sarrote pianistes Alberto Ribera-Sagardia, Jean- François Pailler
Production / Technique directrice technique Chloé Brèneur régisseur général Frédéric Bears régie plateau Jean Gardera, Christophe Gauthier, Franck Girodo, Emmanuel Rieussec, Bertrand Tocoua régie lumière Christian Grossard, Mikel Perez Technicien lumière Théo Matton régie son Nicolas Rochais, Maxime Truccolo techniciens plateau Jean-Luc Del Campo, Renaud Bidjeck réalisation costumes Véronique Murat, Charlotte Margnoux régie costumes Karine Prins, Annie Onchalo construction décors et accessoires Frédéric Vadé directeur technique festival Le Temps d'Aimer Jean-Pascal Bourgade techniciens chauffeurs Guillaume Savary, Stéphane Tisserant, Vincent Ustarroz agent d’entretien Ghita Ballouk Sensibilisation / Relations avec les publics responsable sensibilisation / transmission du répertoire aux préprofessionnels Dominique Cordemans intervenante EAC Ione Miren Aguirre intervenante Enseignement Art-Danse, Académie, ERD Carole Philipp Diffusion chargée de diffusion Lise Philippon attachée de production Laura Delprat attachée de production Noémie Zabala-Pihouée administratrice de production festival Le Temps d'Aimer Katariñe Arrizabalaga agents Delta Danse / Thierry Duclos, Klemark Performing Arts et Music / Creatio 300, Norddeutsche Konzertdirektion / Wolfgang et Franziska Grevesmühl, Internationale Music / Roberta Righi Communication responsable image Frédéric Néry / Yocom responsable communication Sabine Cascino attachée à la communication Elena Eyherabide Chargée de projet Eloixa Ospital attaché de presse Yves Mousset photographe Olivier Houeix Pôle chorégraphique territorial administratrice de projet Carine Aguirregomezcorta Secrétariat général / Mécénat secrétaire général Georges Tran du Phuoc Ressources humaines, finances et juridique responsable administrative et financière Séverine Etchenique comptable principale Arantxa Lagnet, Laurence Peltier comptable Marina Souveste secrétaire comptable Sonia Mounica secrétaire administrative Virginie Sichem Suivi et prévention médicale des danseurs Jean-Baptiste Colombié, Aurélie Juret Biarritz - Donostia / San Sebastián Malandain Ballet Biarritz co-présidence du projet Thierry Malandain co-directeur du projet Yves Kordian chef de projet et administration Carine Aguirregomezcorta communication Sabine Cascino Victoria Eugenia Antzokia co-présidence du projet Jaime Otamendi co-directeur du projet Norka Chiapusso chef de projet Koldo Domán administration María José Irisari communication María Huegun CCN Malandain Ballet Biarritz Gare du Midi • 23, avenue Foch • F-64200 Biarritz tél. +33 5 59 24 67 19 • ccn@malandainballet.com
Hugo Layer, L'Oiseau de feu © Olivier Houeix
Transmission du répertoire maître de ballet Giuseppe Chiavaro
CALENDRIER
AVRIL > JUIN 2022
Représentations au Pays basque 05/05
Donostia/San Sebastián
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps, (scolaire + Tout public)
06/05
Donostia/San Sebastián
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps, (scolaire + Tout public)
07/05
Donostia/San Sebastián
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
16/06
Biarritz
Sirènes (scolaire)
17/06
Biarritz
Sirènes (scolaire)
18/06
Biarritz
Sinfonia / Sirènes
19/06
Biarritz
Sinfonia / Sirènes
Mozart à 2, (extrait)
Béziers
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
30/04
Miramas
la Pastorale
03/05
Mérignac
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
13/05
Sceaux
la Pastorale
14/05
Sceaux
la Pastorale
15/05
Sceaux
la Pastorale
17/05
Compiègne
la Pastorale
19/05
Vélizy-Villacoublay
la Pastorale
21/05
Reims
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
22/05
Reims
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
23/05
Reims
l’Oiseau de feu, (scolaire)
24/05
Le Perreux-sur-Marne
la Pastorale
03/06
Versailles
Marie-Antoinette, avec orchestre
04/06
Versailles
Marie-Antoinette, avec orchestre
05/06
Versailles
Marie-Antoinette, avec orchestre
Représentations à l’International 01/04
Valladolid (Espagne)
la Pastorale
02/04
Valladolid (Espagne)
la Pastorale
03/04
Valladolid (Espagne)
la Pastorale
09/04
Vitoria-Gasteiz (Espagne)
Sinfonia / Sirènes
24/04
Oviedo (Espagne)
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps
10/05
Budapest (Hongrie)
la Pastorale
11/05
Budapest (Hongrie)
la Pastorale
28/05
Basauri (Espagne)
Mozart à 2 / Sirènes
11/06
Izegem (Belgique)
Mozart à 2 / le Sacre du printemps
12/06
Izegem (Belgique)
Mozart à 2 / le Sacre du printemps
25/06
Grenade (Espagne)
l’Oiseau de feu / le Sacre du printemps / L’Après-midi d’un faune
direction de la publication Thierry Malandain • conception et design graphique Yocom.fr • impression Graphic System (Pessac) • ISSN 1293-6693 - juillet 2002
Rejoignez-nous sur
Paris
16/04
www.malandainballet.com
14/04
Licences L-R-21-009535 et L-R-21-009537
Représentations en France