La France, Etat riverain du Pacifique
Polynésie française Nouvelle-Calédonie Wallis et Futuna Clipperton
La frégate de surveillance Prairial en Polynésie (Marine nationale)
Océan Pacifique Clipperton, situé au large du Mexique, est dans le Pacifique-Nord, et de ce fait n'apparait pas sur cette carte des Etat du Pacifique-Sud
Grâce à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et également à l'atoll de Clipperton (Île de la Passion), la France est un Etat riverain du Pacifique, dans un environnement où domine l'influence anglo-saxonne. La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie pourraient connaître dans les années à venir une évolution de leur statut respectif : - Le 17 mai 2013, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution plaçant la Polynésie française sur la liste des Pays non autonomes, où figure déjà la Nouvelle-Calédonie. Cette procédure a été initialisée par l'ancien président indépendantiste Oscar Temaru, avec le soutien de la Conférence des Eglises du Pacifique et des pays non alignés. Pour Oscar Temaru, il s'agit d'une étape importante vers l'indépendance de Ma'ohi Nui (1). - A partir de 2014, dans le prolongement des accords de Matignon (juin 1988) et de Nouméa (mai 1998), la Nouvelle-Calédonie sera elle-aussi amenée à se prononcer sur son maintien dans l'ensemble français. De nouveaux changements statutaires pour ces territoires risquent-ils de se traduire par une perte partielle de notre souveraineté, donc d'influence ? La Nouvelle Calédonie et la Polynésie possèdent d'importantes ressources minières terrestres et minérales marines profondes, ainsi qu'un fort potentiel en matière d'énergies renouvelables marines. Avec ces territoires, devenus en 2003 collectivités d'outre-mer, la France détient dans le Pacifique une immense zone économique exclusive (ZEE) riche et convoitée. Dès lors, une question se pose : comment protéger ce vaste espace maritime, qui avec une superficie de 6 879 317 km2, se situe à lui seul au 4ème rang mondial derrière les Etats-Unis, l'Australie et la Russie ? Explications
Par Joseph Le Gall *
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------* Joseph Le Gall, Capitaine de frégate (H), ancien officier de renseignement (DPSD), a été en poste en Polynésie de 1987 à 1989.
Les territoires français du Pacifique Nos trois territoires (Clipperton est un atoll non habitée) n’ont ni le même statut, ni les mêmes ressources, ils ont chacun des spécificités institutionnelles, géographiques et démographiques :
La Polynésie La Polynésie française se compose d’environ 118 îles, d’origine volcanique ou corallienne, couvrant une superficie émergée de 4 200 km² dispersée sur 2 500 000 km² (équivalent à la surface de l’Europe), le territoire est composé de cinq archipels : L’archipel de la Société, qui comprend les Iles du Vent (Tahiti, Moorea et Tetiaroa – 196 520 habitants) et les Iles Sous le Vent (Raiatea, Tahaa, Huahine, Bora Bora et Maupiti – 33 949 habitants) ; l'archipel des Marquises : composé d’une douzaine d’îles s’étirant du nord au sud sur 350 km (9 281 habitants) ; L’archipel des Australes : constitué de cinq îles hautes, l’archipel est situé sur le tropique du Capricorne (6 669 habitants) ; l’archipel des Tuamotu et l’archipel des Gambier (18 317 habitants).
Aujourd'hui, la Polynésie française est une collectivité d'outre-mer (COM) régie par l'article 74 de la constitution française et la Loi organique n° 2004-192 modifiée du 27 février 2004, portant statut d'autonomie pour le territoire. La Polynésie bénéficie d'une large autonomie politique ; le pouvoir réside essentiellement entre les mains d’une Assemblée territoriale élue au suffrage universel et possédant le pouvoir délibérant. L’organe exécutif est constitué par le gouvernement (anciennement conseil de gouvernement) placé sous le contrôle de l'Assemblée et présidé par le président de la Polynésie française qui est élu par cette dernière. L'administration des fonctions régaliennes y est assurée par l'État, représenté localement par un haut-commissaire de la République. Ce dernier, conformément à l'article 72 de la constitution, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Le nouveau statut de 2004 donne au territoire l'exercice de toutes les compétences nécessaires à son développement économique et social, à l'exclusion de celles qui sont attribuées explicitement à l’État et aux communes (voir encadré).
Bora Bora (walls.com) (1) Nom donné à la Polynésie par Oscar Temaru. Durant son mandat, c'est en tant que président de Ma'ohi Nui qu'il se présentait en Polynésie française et à l'étranger, et c'est au peuple ma'ohi qu'il s'adressait dans ses discours.
Les institutions de la Polynésie française Les relations entre la France et la Polynésie sont anciennes : en 1843, un traité conclu entre le représentant du roi Louis Philippe et la reine Pomare IV, place les «Etablissements français de l’Océanie» sous protectorat. En 1880, Pomare V cède à la France la souveraineté sur toutes les îles dépendant de la couronne de Tahiti. La Constitution du 27 octobre 1946 en fait un territoire d’Outre-Mer. Le nouveau statut juridique est précisé par un décret du 25 octobre 1946, qui charge l’Assemblée représentative territoriale des « intérêts propres du Territoire», le gouverneur restant responsable de la préparation et de l’exécution des décisions. L’évolution se poursuit avec l’instauration d’un véritable statut d’autonomie par la loi du 6 septembre 1984. La loi organique du 12 avril 1996 transfère ensuite des compétences supplémentaires à la Polynésie française, notamment en matière économique, et introduit des aménagements techniques en vue d’améliorer le fonctionnement des institutions. Enfin, en 2004, une nouvelle étape a été franchie avec la publication de la loi organique du 27 février renforçant le statut d’autonomie de la Polynésie française. La principale modalité de fonctionnement du statut d’autonomie a consisté à confier une compétence de droit commun à la Polynésie française, l’État conservant une compétence d’attribution. En application de ce principe, la Polynésie française est compétente dans toutes les matières, à l’exception de celles expressément attribuées à l’État. Elle peut, à travers les actes de l’assemblée de la Polynésie française et de sa commission permanente, définir ses propres règles dans la plupart des domaines, y compris dans les matières qui en métropole relèvent du législateur, sous réserves du respect des principes généraux inscrits dans les textes formant le bloc constitutionnel ou ceux dégagés par la jurisprudence. L’État exerce des compétences d’attribution recentrées sur ses missions régaliennes. Grâce aux perspectives ouvertes par la loi constitutionnelle relative à la décentralisation de 2003, la nouvelle réforme statutaire s’inscrit dans le sens d’un renforcement des compétences des autorités locales. Parmi les évolutions prévues par cette loi, qui réécrit entièrement le titre XII de la Constitution, on peut noter : - l’inscription de la Polynésie française dans la Constitution : son statut fixé par une loi organique en fait une collectivité territoriale particulière qui dispose de la plus grande autonomie au sein de la République ; - la sanctuarisation dans la Constitution d’une liste de compétences régaliennes de l’État ; - la possibilité, selon des règles fixées par la loi organique, d’une participation de la Polynésie française, sous le contrôle de l’État, à l’exercice de certaines compétences conservées. Le concept d’autonomie a été mis au point progressivement par un dialogue constant entre les instances polynésiennes et le gouvernement national. Son application repose sur un partenariat entre l’État garantissant la solidarité nationale et la sécurité globale de la société, et la volonté des Polynésiens de mettre en valeur leurs ressources propres. Elle a permis un développement économique, social et culturel de la Polynésie française sans précédent. La loi organique du 27 février 2004 permet de progresser dans cette direction en offrant à la Polynésie française un cadre constitutionnel rénové, sécurisé, clarifié et assoupli. Cependant, la période d'instabilité connue depuis 2004 a conduit à un ajustement du statut intervenu en 2007 et renforcé en 2011. Source : http://www.polynesie-francaise.pref.gouv.fr/Les-institutions-de-la-PF/Historique-Institutions-PF
La Polynésie française à l'échelle de l'Europe (sistra.pf)
Les Nations Unies reconnaissent le droit de la Polynésie française à l'indépendance Le mouvement indépendantiste polynésien s'est fait jour à la fin de la seconde guerre mondiale, sous l'impulsion de Pouvana'a a Oopa Tetuaapua, figure emblématique de la lutte anticolonialiste. A partir de 1976, on assiste à la montée en puissance des mouvements indépendantistes et antinucléaires. L'année suivante, Oscar Temaru fonde le Front de Libération de la Polynésie (FLP) (voir encadré ci-dessous). Photos : à gauche, Pouvana'a a Oopa Tetuaapua (DR) – à droite, Oscar Temaru (Tahiti – Infos.com)
L'évolution du courant indépendantiste en Polynésie Dès la fin de la seconde guerre mondiale, Pouvana'a a Oopa Tetuaapua (2) fonde le RDPT (Rassemblement des populations tahitiennes), le premier mouvement indépendantiste en Polynésie, à caractère anticolonialiste. Les partis E'A Api de Francis Sanford et Here Ai'a vont ensuite prendre le relais de la lutte pour l'autonomie. A partir de 1976, les mouvements indépendantistes et antinucléaires se structurent, avec le soutien d'organisations pacifistes de métropole et de l'étranger (Nouvelle Zélande, Australie, Japon, URSS, Etats-Unis (Hawaï), etc.). Jacques (Jacqui) Harold Tiamatahi Drollet, du RDPT, va fonder son propre parti, le Ia Mana Te Nunaa (parti socialiste autogestionnaire). Après le décès de Pouvanaa'a Oopa en 1977, deux nouveaux mouvements indépendantistes antinucléaires vont succéder au RDPT : le Te Taata Tahiti Tiama (TTTT) de Charlie Ching, le plus violent, et surtout le Front de Libération de la Polynésie (FLP), le plus important, fondé par Oscar Témaru, un ancien agent des douanes ayant servi en Algérie dans la marine nationale. Très vite, le leader du FLP axe son combat politique contre les essais nucléaires français à Mururoa et Fangataufa, en fédérant l'ensemble des mouvements antinucléaires et pacifistes polynésiens, en coordination avec ceux de métropole et de l'étranger. Ils agiront avec la complicité passive des gouvernements australien et néozélandais. En 1983, le FLP devient le Tavini huira'atira no te ao Ma'ohi (Serviteur du peuple polynésien). Oscar Temaru a souhaité ce changement d'appellation pour attirer les jeunes polynésiens, de plus en plus nombreux, à refuser la culture française avec la volonté de se tourner vers un « renouveau Ma'ohi ». Oscar Temaru a remporté les élections du 23 mai 2004 à la tête d'une liste d'alliance, l'Union pour la démocratie (UPLD), rassemblant plusieurs partis unis contre Gaston Flosse (Tahoera huira'atira, affilié à l'UMP). Cette coalition ne résiste que quelques mois ; la période d'instabilité qui suit permet à Oscar Temaru d'accéder à cinq reprises à la présidence de la Polynésie française, avec un dernier mandat du 1.04.2011 au 17.05.2013
En 2011, lors du forum du Pacifique à Auckland (Nouvelle Zélande), Oscar Temaru a annoncé vouloir mettre fin à «170 ans de colonisation» en Polynésie française en sollicitant l'inscription de la collectivité sur la liste des Nations Unies des territoires non autonomes à décoloniser. Selon le sénateur indépendantiste (apparenté PS) Richard Tuheiava, une dizaine des seize membres du Forum auraient apporté leur soutien à l'initiative d'Oscar Temaru. A l'époque, le président de la République, Nicolas Sarkosy, s'est dit vigoureusement opposé à cette démarche, la qualifiant de « démagogique ». ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(2) Pouvana'a a Oopa Tetuaapua (10 mai 1895 – 10 janvier 1977) est considéré comme le « père du nationalisme tahitien ». En 1918, il intègre comme volontaire le Bataillon mixte du Pacifique et participe à la Première Guerre mondiale. En 1940, il joue un rôle important dans le ralliement des Etablissements français de l'Océanie à la France libre. S'opposant à l'administration, il est assigné à résidence à Huahine. Après la Seconde Guerre mondiale, il fonde le « Comité Pouvanaa » qui réclame une profonde modification des rapports entre la France et ce territoire. En juillet 1947, il est arrêté et accusé de complot contre la sûreté de l'État, puis acquitté en novembre. Élu député en août 1949, il fonde en octobre le RDPT, soupçonné d'être un parti communiste déguisé. Sans prôner ouvertement l'indépendance, ses objectifs sont d'obtenir l'autonomie, en luttant contre le capitalisme. Il est réélu en 1951 et de nouveau en 1956. En décembre 1957, il est élu vice-président du Conseil de gouvernement. En 1958, il fait campagne pour le « non » au référendum constitutionnel. Le 11 octobre 1958, il est arrêté sur ordre du gouverneur, accusé d'avoir donné l'ordre à ses partisans d'incendier Papeete. En octobre 1959, il est condamné à 8 ans de réclusion criminelle et à 15 ans d'interdiction de séjour en Polynésie. Il est déchu de son mandat de député le 12 février 1960 et transféré en métropole. Il est grâcié en 1966, mais l'interdiction de séjour n'est pas levée. Après une remise de sa peine à l'occasion du 11 novembre, il rentre à Tahiti le 30 novembre 1968. Son arrivée donne lieu à un important rassemblement de sympathisants. Il est amnistié en 1971. Elu sénateur le 26 septembre 1971, il est inscrit au Groupe de l'Union Centriste des Démocrates de Progrès et membre de la commission des affaires culturelles. Il meurt le 10 janvier 1977.
En août 2012, Oscar Temaru s'est trouvé conforté dans sa démarche à l'occasion du 16ème sommet du Mouvement des non alignés à Téhéran, lequel dans son communiqué final du 31 août 2012, a affirmé le droit inaliénable du peuple Ma’ohi (de Polynésie) à l’autodétermination, en vertu de la charte de l’ONU et de la résolution 1514 (voir encadré). Une majorité des 120 Pays représentés au XVIème sommet des non-alignés réunis à Téhéran les 30 et 31 août 2012, a voté en faveur de la réinscription de la Polynésie française sur la liste de l'ONU des Pays non autonomes (jamnews.ir).
Fort de ce soutien international, Oscar Temaru s'est rendu le 16 janvier 2013, aux Nations Unies à New York, pour plaider le dossier de la Polynésie. S'exprimant devant une assemblée de représentants du Mouvement des non alignés, le président indépendantiste polynésien a rappelé l'époque coloniale, la période nucléaire et les problèmes économiques de l'ère post-nucléaire en Polynésie Française. Il a accusé la France de vouloir s'approprier les richesses de la vaste zone économique exclusive (ZEE) polynésienne (voir encadré ci-dessous). Extraits du discours du président polynésien, Oscar Temaru, aux Nations Unies « Il fût un temps où notre pays, Ma’ohi nui, était un pays libre, et où notre Peuple était en charge de son propre destin...Violant leur propre traité d’annexion du 29 juin 1880, les Français remplacèrent notre système communautaire de partage des terres par le Code Napoléon ; une façon de s’emparer légalement de la terre du peuple ma’ohi, et de permettre l’établissement des colons...Ceci a causé un bouleversement majeur dont les effets se font toujours sentir... De 1908 à 1966, l’une de nos îles, Makatea, a été pillée pour ses phosphates, générant une richesse énorme pour les colons à qui les droits miniers avaient été accordés... Les essais nucléaires. Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ? 30 ans d’essais nucléaires, avec 193 bombes explosant au-dessus ou à l’intérieur des atolls de Moruroa et Fangataufa, qui sont désormais des décharges nucléaires, des terres maudites. 30 ans de mensonges au peuple ma’ohi, à nous utiliser comme rats de laboratoire, en prétendant que ces essais étaient propres et sans danger... La version française de – l’autonomie - n’est pas la liberté. Nous ne sommes rien de plus qu’une collectivité française, gouvernée en réalité depuis Paris... Mais soyons clairs : ni nos ancêtres, ni nos enfants n’ont aliéné ou n’aliéneront jamais notre droit universel à l’autodétermination. Alors, pourquoi la France est-elle si déterminée à nous garder sous son joug, à présent que les essais nucléaires sont terminés ? Pour le dire simplement, Ma’ohi Nui, avec cinq millions de kilomètres carrés, représente la moitié de son domaine maritime, en faisant la troisième nation océanique du monde. Plutôt qu’un petit pays insulaire, nous sommes un grand pays océanique, aussi grand que l’Europe de l’ouest. La France cherche maintenant à exploiter notre océan. Depuis les poissons jusqu’aux gisements de phosphate récemment découverts, et les énormes réserves minières de terres rares de nos fonds sous-marins... Soyons clairs, ceci n’est pas une requête pour obtenir l’indépendance sans le vote de notre peuple. Ce que nous voulons est une évolution de nos relations avec la France vers plus d’équité, sous le contrôle de l’ONU. Un jour viendra où cette évolution arrivera à maturité, et la question de l’indépendance sera ensuite posée. Mais ceci demandera de passer par un référendum... Aujourd’hui, certains essayent encore de faire croire à notre peuple qu’il n’y a pas d’avenir en dehors de la dépendance. Mais je sais que Ma’ohi Nui possède les atouts et le potentiel pour construire une nation par et pour nous-mêmes ». (Source : Tahiti infos.com)
Depuis plusieurs années, les pays « frères » de la région Pacifique, regroupés au sein du Groupe mélanésien du Fer de lance (The Melanesian Spearhead Group), ainsi que la très influente Conférence des Églises du Pacifique, soutiennent avec persévérance l’avancée de la cause Ma’ohi au sein des Nations Unies. Les représentants du Groupe mélanésien du Fer de lance (The Melanesian Spearhead Group), du Vanuatu, de PapouasieNouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Fidji et de NouvelleCalédonie (FLNKS) – photo : Tahiti-infos.com
Le 25 février 2013, s'exprimant sur « Radio Australia », le Secrétaire général par intérim de la Conférence des Églises du Pacifique, le révérend polynésien François Pihaate a estimé qu'en Polynésie française l'heure est à la préparation de l'indépendance : « Aujourd'hui nous avons encore un problème et notre population a besoin d'assistance de la part de grands pays comme la France, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande et d'autres pour que nous puissions nous préparer à l'indépendance. À Fidji par exemple, ils ont les moyens d'utiliser leurs ressources pour faire marcher l'économie et être un pays indépendant. Mais pour nous, c'est difficile de changer de statut et il nous faut encore nous préparer à l'indépendance et à l'autodétermination...La Polynésie française pourra « se tenir debout toute seule d'ici 10 à 15 ans ».
La 10ème Assemblée générale de la Pacific Conference of Churches (PCC) (3) qui s'est tenue du 3 au 10 mars 2013, à Honiara, îles Salomon, a adopté deux résolutions portant sur l'autodétermination de la Papouasie occidentale et de Ma'ohi Nui (Polynésie). De son côté, le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du World Council of Churches (WCC), a appelé le Conseil œcuménique des Eglises (COE) à unir leurs forces avec la PCC « pour soutenir, à travers le plaidoyer, les efforts pour la réinscription de Maohi Nui sur la liste des pays à décoloniser». Le 17 mai 2013, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté sans vote la résolution 67/265 affirmant « le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l'autodétermination et à l'indépendance ». Par cette résolution, parrainée par les pays du Forum du Pacifique, le gouvernement français, en sa qualité de Puissance administrante, est invité à « faciliter et accélérer la mise en place en Polynésie d'un processus équitable et effectif d'autodétermination ». Le 10 juin 2013, le « Comité des Vingt-Quatre » (4) chargé d’étudier la situation des territoires non
autonomes a inclus dans ses travaux la question de la Polynésie française. Le Comité a prévu l’envoi de missions de visite en Polynésie française (Source : Nations Unies). Le 17 mai 2013 est un jour de victoire pour les indépendantistes polynésiens. Ce jour-là, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution affirmant « le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l'autodétermination et à l'indépendance ». (Nations Unies)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(3) The Pacific Conference of Churches (PCC), ou Conférence des Églises du Pacifique, est l'Organisation Œcuménique Régionale (REO) représentant les églises chrétiennes à tous les niveaux dans la région du Pacifique. Elle cherche l'unité de l'église sur les thèmes de la justice, de la paix et de diiférents sujets de société. Sous influence américaine, elle a été fondée en 1961 après que la première réunion eut été tenue au Collège Théologique de Malua à Samoa. On compte aujourd'hui 28 églises membres et 11 National Council of Churches (NCC) - Conseil National des Églises. Le bureau de la Conférence des Églises du Pacifique est basé à Suva, Fiji. Par le passé, la PCC a été très engagées dans la campagne contre les essais nucléaires français dans le Pacifique. A l'époque, à Tahiti, elle soutenait déjà les mouvements indépendantistes sous l'impulsion du très influent pasteur John Taroanui Doom. (4) Créé en 1961, le « Comité des 24 » est le Comité spécial chargé au sein des Nations Unies d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Les territoires non autonomes sont définis par l'ONU comme des territoires dont les populations n'ont pas encore exercé leur droit à l'autodétermination. Il reste aujourd'hui 16 territoires non autonomes, dont Guam, les Bermudes, Gibraltar, la NouvelleCalédonie et maintenant la Polynésie française.
Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (extraits) (Résolution 1514 -XV de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1960)
L'Assemblée générale, consciente de ce que les peuples du monde se sont, dans la Charte des Nations Unies, déclarés résolus à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes... Déclare ce qui suit : 1. La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales. 2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel... 5. Des mesures immédiates seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés, sans aucune distinction de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d'une indépendance et d'une liberté complètes... 7. Tous les Etats doivent observer fidèlement et strictement les dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la présente Déclaration sur la base de l'égalité, de la noningérence dans les affaires intérieures des Etats et du respect des droits souverains et de l'intégrité territoriale de tous les peuples.
La position française Le 17 mai 2013, lors de l'adoption de la résolution, l’ambassadeur de France aux Nations Unies, Gérard Araud, n'a pas participé à la réunion de l'Assemblée générale. Paris estime en effet que cette résolution va à l'encontre de la volonté des populations concernées. Déjà, le 27 février, l’ambassadeur avait rappelé que la question de l’autodétermination des polynésiens était un sujet franco-français qui n’avait pas lieu d’être évoqué aux Nations unies. Photo : M. Gérard Araud, ambassadeur de France aux Nations Unies : « ...Il n’y a pas d’urgence : le territoire est paisible, les institutions démocratiques fonctionnent bien et correctement. Nous ne sommes pas dans une attitude conflictuelle...Mais encore une fois, si c’est nécessaire, nous sommes prêts à réaffirmer les droits des Polynésiens à l’autodétermination, nous sommes tout à fait ouverts à cela...» (france-amerique.com)
Evoquant le déplacement et l'intervention d'Oscar Temaru aux Nations Unies, le haut-commissaire, Jean-Pierre Laflaquière, a tenu à expliquer : « la loi organique de 2004 permet à la Polynésie française, sous conditions, d’intervenir hors de ses limites territoriales, notamment en pouvant disposer de représentations auprès d’Etats ou d’organismes internationaux. Elle reconnaît donc à la Polynésie française des prérogatives en matière de relations internationales. La Polynésie française se trouve dès lors légitime à entretenir des relations d’ententes et d’échanges avec d’autres collectivités ou gouvernements. De même, en l’absence d’intervention diplomatique stricto sensu de la Polynésie française hors du champ de ses compétences, le hautcommissaire n’est pas fondé à contester la légalité des déplacements à l’étranger de son président. » M. Jean-Pierre Laflaquière, Haut-Commissaire de la République en Polynésie française (photo : Tahiti-infos.com)
Les polynésiens restent majoritairement attachés à la France Malgré les efforts déployés par Oscar Temaru sur le territoire, en métropole, ou encore à l'étranger, force est de constater que le courant indépendantiste n'est actuellement pas majoritaire en Polynésie, même s'il est loin d'être négligeable. Selon un sondage TNS Sofres, réalisé en août 2012 auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 personnes âgées de plus de 18 ans, 64,5% des personnes interrogées se déclaraient prêtes à voter contre l'indépendance en cas de référendum (27,7% pour). Le premier tour des élections territoriales du 21 avril 2013 a eu valeur de sondage grandeur nature, confirmant les résultats du sondage d’août 2012. Avec 24,10 % des voix, l’UPLD (Union pour la démocratie) d’Oscar Temaru est arrivé loin derrière le parti Tahoeraa Huiraatira (autonomiste) de Gaston Flosse (40,16 %) ; au second tour, la liste indépendantiste a obtenu 29,26%. Photos : Le 17 mai 2013, Gaston Flosse (en bas) a succédé à Oscar Temaru à la présidence de la Polynésie française (Tahiti-infos.com)
L'économie polynésienne En 2011, les produits de la mer, la pêche, l'aquaculture et la perliculture représentaient une production de 11 000 tonnes pour une valeur estimée à plus de 142 millions d'euros. En dehors de la pêche et de l’exploitation du coprah, les deux activités traditionnelles dans les îles des archipels, l'économie polynésienne repose essentiellement sur le tourisme terrestre et maritime (croisières). En 2010, 13% du PIB marchand reposait sur le secteur du tourisme ; on a enregistré cette année là plus de 13 000 touristes japonais, 66 000 européens et 41 000 américains pour Tahiti et l'ensemble des îles. La crise économique et financière a eu pour conséquence ces dernières années, une baisse continue de la fréquentation touristique ; de 250 000 par an il y a encore quelques années, le nombre de visiteurs est passé à environ 160 000 en 2011, soit le niveau de fréquentation des années 80. Plusieurs hôtels ont déjà fermé et certains spécialistes du secteur estiment que l'hôtellerie polynésienne est à terme menacée d'extinction.
Le cargo mixte Aranui au mouillage aux Marquises. Géré par une compagnie locale, l'Aranui effectue des lmiaisons aux îles Tuamotu et aux Marquises deux fois par mois. Ses 34 cabines et 22 couchettes peuvent accueillir 92 passagers (tourmagazine.fr).
Le port autonome de Papeete (PAP) est le poumon économique de la Polynésie française (PAP Papeete)
Créé en 1962, le PAP est depuis 1997 un établissement public à caractère industriel et commercial. Port polyvalent (commerce, croisières, plaisance, pêche), le PAP est le lien maritime de la Polynésie avec le monde extérieur et le passage « obligé » des échanges inter-îles, dans un espace maritime équivalent à la superficie de l’Europe. Le schéma directeur 2000/2009 a permis la réalisation d’investissements importants, tel que le projet de gare maritime, achevé en 2011 pour un coût estimé de 2,3 milliards de F CFP (19,274 millions d'euros). Le schéma d’investissement 2011/2021 prévoit des réalisations de grande ampleur, avec une extension vers l’Est. Conséquence de la crise maritime mondiale, les activités du Port sont entrées dans un cycle de stagnation, certains secteurs connaissant une baisse significative. Le trafic des marchandises, qui reflète l’état général de l’économie polynésienne, connaît une baisse importante. Les volumes enregistrés ces dernières années, se situent en dessous de ceux enregistrés en 2004, tant en ce qui concerne le commerce international, que les transferts entre les îles. Le trafic des passagers enregistre un tassement, y compris au niveau des liaisons intérieures. Le trafic des marchandises internationales transitant dans le port de Papeete, a atteint son plus haut niveau en 2007 avec 1 096 712 tonnes et son plus bas niveau en 2009 avec 921 819 tonnes. Après un léger rebond en 2010 (961 766 tonnes), le trafic a perdu 3% en 2011 avec 924 781 tonnes. Le secteur de la pêche est le plus touché par la baisse d’activité. En Polynésie, l'activité « croisières » concerne les paquebots en escale, ainsi que les navires basés à Papeete, comme le Paul Gauguin ou le cargo mixte Aranui qui dessert les Marquises. L'activité des croisières a toujours joué un rôle important dans le développement du tourisme en Polynésie française, même si elle reste encore marginale sur le marché mondial, largement dominé par les Caraïbes et la Méditerranée. (Sources : Rapport de la Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, du 11.09.2012 – Port autonome de Papeete)
Depuis la construction en 2004 de deux grands épis, le Port de Papeete est capable d'accueillir simultanément 4 paquebots, en escale ou basés en Polynésie française (tahitinews.co). L'année 2011 a connu une légère reprise de l'activité croisière avec 96 escales à Papeete (+7%) pour 29 paquebots (+32%).
En dehors de ses activités traditionnelles, le territoire dispose d'autres atouts. En effet, il existe en Polynésie des ressources minières naturelles qui ne sont pas ou plus exploitées, comme les phosphates de l'île de Makatea, où en 2012, un groupe australien a proposé de reprendre l'exploitation en réhabilitant le site. Pas très loin, l’atoll de Mataiva est aussi dans la ligne de mire des investisseurs miniers australiens ; là les ressources en phosphates seraient huit fois supérieures à celles de Makatea... Les énergies renouvelables marines sont également l'avenir. Le 14 novembre 2012, au Sénat, devant la délégation sénatoriale à l'outre-mer, Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française, a indiqué que l'objectif était d'atteindre en 2018, 38 % de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, contre 28 % aujourd'hui (200 millions de Kwh). Photos : en haut, une ferme perlière (perles-de-culture.info) – ci-dessus, chargement de phosphates dans l'île coralienne de Makatea (Archipel desTuamotu) dans les années 1960. Jusqu'en 1966, la France y a exploité d'importants gisements (DR).
Un atlas du potentiel de développement des énergies marines renouvelables a été réalisé, lequel démontre que le territoire possède non seulement un fort potentiel dans l'exploitation thermique des mers, mais également un avantage comparatif, en raison de ses caractéristiques particulières : fort différentiel thermique (la température de l'eau change rapidement avec la profondeur) ; un tombant près des côtes (il existe de la profondeur très près des côtes, ce qui réduit les coûts d'investissements).
Schéma du système de climatisation par l'eau des océans (Sea-water air conditioning – SWAC). Cette technologie consiste à utiliser l'eau froide des profondeurs des mers pour refroidir par contact, grâce à un échangeur, l'eau du circuit des climatiseurs. Ce système équipe déjà l’InterContinental Bora Bora Resort & Thalasso Spa. (eandt.theiet.org)
Il ressort également de cette étude que la Polynésie aurait intérêt à exploiter l'énergie de la houle, compte tenu de sa surface maritime. Là encore, cette technologie demeure nouvelle et nécessite des expérimentations. De même, sa mise en place occupant le domaine de la mer, pourrait concurrencer d'autres activités maritimes. Pour Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'Ifremer, la Polynésie, compte tenu de sa configuration géographique, dispose d'atouts certains en matière d'études et d'expérimentations de nouvelles technologies durables liées à la mer et au soleil. Une réflexion devrait pouvoir être menée afin de favoriser l'implantation d'unités de recherche dans ces domaines.
La Nouvelle-Calédonie D’une superficie de 18 575,50 km2, la Nouvelle-Calédonie, située à 16 674 km de Paris et 1 979 km de Sydney (Australie), comprend la Grande-Terre (400 km de long sur 50 km de large), les quatre îles Loyauté (Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré), l’archipel des îles Belep, l’île des Pins et quelques îlots lointains. Selon le dernier recensement effectué en 2009, la population calédonienne est de 245 580 habitants, en progression de 6,4 % par rapport à 2004, à savoir : mélanésiens (40,34%) - « européens » (29,20%) - wallisiens et futuniens (8,66%) - calédoniens (4,96%) – asiatiques (3,34%) - tahitiens (2,03%) - vanuatais (0,95%) - divers (2,21%).
Nouméa (ultramarina.com)
La Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui une collectivité d'outre-mer. L'Etat est compétent dans les matières énumérées limitativement par la loi et, notamment, la défense, la justice, le maintien de l'ordre et la sécurité civile, les relations extérieures et l'immigration. De 1853, année où elle est devenue française, aux accords de Matignon signés le 26 juin 1988, les institutions de la Nouvelle-Calédonie ont connu une évolution constante (voir encadré). L'accord de Nouméa du 5 mai 1998, approuvé par la population (72% des suffrages exprimés), et concrétisé par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 et la loi organique du 19 mars 1999, donne à la Nouvelle-Calédonie un statut d'autonomie devant aboutir, à l'issue d'une période de quinze à vingt ans, à une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Pour assurer le respect de cet accord, le Parlement a adopté en 2009 une loi organique précisant les conditions de mise en œuvre de certains transferts de compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie. Depuis, le territoire connaît une évolution institutionnelle continue, tandis que se poursuit le rééquilibrage économique entre les provinces, avec l’avancée des projets d’exploitation du nickel dans le Nord et le Sud du territoire. Le Parlement a néanmoins été conduit à intervenir à nouveau en 2011 pour préciser certaines dispositions du statut et éviter ainsi qu’il en soit fait un usage détourné, susceptible de menacer la stabilité politique et institutionnelle du territoire (5). Le processus issu des accords de Matignon et de Nouméa donne une forte autonomie à ce territoire qui se traduit par un véritable partage de souveraineté. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(5) La loi organique n° 554 (2010-2011) du 25 mai 2011 modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie vise ainsi à préserver le fonctionnement du gouvernement, dans le respect du principe de collégialité.
Des transferts de compétences majeurs doivent encore intervenir avant la dernière étape de l’accord de Nouméa qui prévoit à partir de 2014, une consultation sur l’ autodétermination portant sur : « le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».
Les institutions de la Nouvelle-Calédonie La LOI organique no 99-209 du 19 mars 1999 fixe les institutions de la Nouvelle-Calédonie, lesquelles comprennent le congrès, le gouvernement, le Sénat coutumier, le Conseil économique et social et les Conseils coutumiers. Le hautcommissaire de la République est dépositaire des pouvoirs de la République. Il représente le Gouvernement. La Nouvelle-Calédonie est représentée au Parlement et au Conseil économique et social de la République dans les conditions fixées par la loi (Article 2). Les provinces et les communes de la Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République. Elles s'administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direct, dans les conditions prévues au titre V en ce qui concerne les provinces (Article 3). L'Etat est compétent dans les matières énumérées limitativement par la loi. Le congrès est formé par la réunion d'une partie des membres des 3 assemblées de provinces (respectivement 32 membres, 15 membres et 7 membres), soit 54 membres. Le gouvernement, élu par le congrès pour une durée de 5 ans, est l'exécutif de la collectivité de NouvelleCalédonie. Les assemblées des provinces (Province Sud, Province Nord, Provinces de Îles Loyauté) avec respectivement 40 membres, 22 membres et 14 membres, sont élues au suffrage universel pour une durée de 5 ans. (Source : http://www.gouv.nc/portal/page/portal/gouv/institutions)
Historique (de 1853 aux accords de Matignon du 26 juin 1988) Le 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier-Despointes prend possession de la Nouvelle-Calédonie au nom de Napoléon III. Un bagne fonctionnera de 1864 à 1924. En 1946, la Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire d’outre-mer. Par la suite, une série de lois vont définir les institutions : en 1963 (loi Jacquinot), 1965 et 1969 (loi Billotte), 1976 (loi Stirn). Ce dernier statut, mis en place dans un contexte politique marquée par la montée des indépendantistes, assouplit la tutelle de l’État. Son représentant est désormais nommé Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. Il était assisté d’un conseil du gouvernement qu’il préside. Le conseil dispose de prérogatives prévues par la Loi et retrouve des compétences collégiales étendues. La loi du 4 février 1982 habilite le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, les réformes qui s’imposent en matière économique, sociale et foncière. En juillet 1983, une table ronde évoque « la nécessité d’élaborer un statut d’autonomie transitoire et spécifique ». Le statut Lemoine concrétise cette volonté. La loi du 4 mai 1984, donne au territoire une autonomie jamais atteinte jusqu’alors ; celui-ci est divisé en 6 circonscriptions qui correspondent aux aires coutumières. Le conseil de gouvernement est remplacé par un gouvernement du territoire. Le pouvoir exécutif est confié à un conseil des ministres composé d’un président et de six à neuf ministres, élus par l’assemblée territoriale. La loi du 23 août 1985, complétée par l’ordonnance du 20 septembre 1985, pose le principe d'un référendum : les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer, au plus tard le 31 décembre 1987, sur l’accession du territoire à l’indépendance en association avec la France. Le référendum du 13 septembre 1987 se traduit par un vote massif en faveur du maintien du territoire au sein de la République . La loi du 22 janvier 1988, dite statut Pons II, donne à la Nouvelle-Calédonie une plus large autonomie. Le territoire dispose d’une compétence générale en matière politique et normative, l’État ne conservant que des compétences de souveraineté classique. A la veille des élections territoriales du 24 avril 1988, une prise d'otages à Ouvéa se solde par l'assassinat de quatre gendarmes. L'assaut donné pour libérer les autres otages fait vingt-et-un morts, deux militaires et dix-neuf kanak. A l'initiative de Michel Rocard, alors Premier ministre, des négociations aboutissent le 26 juin 1988. Une déclaration commune est signée à l'Hôtel Matignon par le RPCR et le FLNKS le 28 juin 1988. L’accord fixe le principe d'une consultation sur l'autodétermination à échéance de 10 ans et prévoit un nouvel équilibre institutionnel. Soumis à un référendum national, le nouveau statut est approuvé à 80 % des suffrages exprimés (malgré une forte abstention).
Réuni à Paris le 24 juin 2010, le Comité des signataires de l’accord de Nouméa ont convenu de la nécessité d'un long travail de préparation. Depuis octobre 2010, un comité de pilotage présidé par le haut-commissaire de la République, a pour tâche d’approfondir les éléments de discussion dans la perspective de cette consultation, à partir d’exemples pris dans les pays insulaires du Pacifique. Pour éviter le choix entre le « oui et le non » à l’indépendance, qui risquerait de raviver les tensions, une réflexion est engagée sur l’élaboration d’un statut consensuel, entre une autonomie encore plus large et l'indépendance.
Si les indépendantistes - environ deux tiers de l’électorat - n’envisagent plus de rupture totale avec la France, l’exercice des compétences régaliennes, le corps électoral ou la représentation internationale restent à discuter entre les signataires de l’Accord de Nouméa. Ce texte avait intégré une évolution probable des orientations politiques de la population en faveur de l’indépendance. Or, cette hypothèse a été démentie par les résultats des élections provinciales de 1999, 2004 et 2009 ; la supposée dérive du vote loyaliste vers la solution indépendantiste ne s’est pas produite. L'après 2014 Pour l'après 2014, Alain Christnacht (Photo DR), membre du Conseil d'Etat, et l'un des artisans des accords de Matignon – Oudinot (1988) et de Nouméa (1998), considère qu'en respectant l’état actuel de l’accord, on pourrait poser diversement la question référendaire, notamment en l’agrémentant de perspectives relatives aux liens avec la République. En fonction du résultat du référendum, il imagine trois scénarios : Premier scénario : accession à l’indépendance, soit totale, soit avec délégation à la France de certaines compétences. Toutefois, la forme et le contenu de la solution de pleine souveraineté avec délégation de compétences, qui reprend en fait la proposition d’Etat associé formulée antérieurement par Edgar Pisani, ne parait pas réaliste. En effet, cette délégation de compétences, consentie par un Etat indépendant, pourrait être révoquée ad nutum et ne plus assurer la garantie qu’elle était sensée apporter à l’origine à la partie loyaliste du corps électoral. Second scénario : maintien de la Nouvelle Calédonie dans la République, « au-delà de l’accord de Nouméa, définissant une citoyenneté stable et laissant à la Nouvelle-Calédonie un large pouvoir d’auto-organisation… Dans une solution de maintien dans la République, sur un modèle fédéral accentué, il est tout à fait concevable que, sur la base de quelques principes posés au niveau national, l’essentiel de l’organisation institutionnelle […] soit fixé par le Congrès de la Nouvelle Calédonie » . Ce second scénario est représenté par le projet de République Fédérale Française. Troisième scénario : l’option indépendantiste ne recueille pas de majorité à aucune des trois consultations prévues, ce qui parait inéluctable compte tenu des données statistiques dont nous disposons. Si aucun accord n’est trouvé, et si les partisans de l’indépendance n’acceptent pas le verdict des urnes, cette situation ouvrira la voie à la partition de la Nouvelle Calédonie.
Alain Christnacht précise qu’en cas de rejet de la solution indépendantiste à une première consultation entre 2014 et 2018, la même question serait posée une seconde fois et, en cas de second rejet, une troisième fois. Après un troisième rejet éventuel, les signataires devraient se réunir pour savoir ce qu’il y a lieu de faire. Une économie en plein essor La Nouvelle-Calédonie est actuellement en plein essor industriel. Ce dynamisme économique est lié aux ressources du soussol en minerais de chrome, de fer, de cobalt, de manganèse, d'argent, d'or, de plomb, de cuivre et bien sûr de nickel (25% des réserves mondiales). Photo : Depuis plus de 130 ans, la Société Le Nickel (SLN), filiale du Groupe Eramet, extrait le minerai de nickel de ses sites répartis sur l’ensemble de la Grande Terre (Népoui, Thio, Kouaoua, Poro et Thiebaghi) qui est ensuite traité par l’usine pyrométallurgique de Doniambo. Ces dernières années, SLN assurait 80% des exportations de la Nouvelle-Calédonie vers le Japon, la Corée, la Chine et l’Europe (SLN).
Même si les cours du nickel ont beaucoup chuté ces dernières années, les activités minières et métallurgiques jouent un rôle d’entraînement de l’économie calédonienne, ce qui permet au territoire d’occuper, dans la zone Pacifique, la deuxième position en termes de PIB par habitant, entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande !
Deux grands projets d’exploitation de gisements vont venir renforcer la production de nickel dans la grande île : Au nord, les réserves du richissime massif du Koniambo sont évaluées à 62,5 millions de tonnes de minerai à une teneur moyenne en nickel de 2,46 %. Dans le sud, il s'agit d'exploiter les réserves de nickel et de cobalt depuis le gisement du plateau de Goro. Les principaux sites miniers de la Grande Terre (DR) Le projet « Koniambo » En 2007, après dix ans d'études de faisabilité, commence près de Koné la construction d'un immense complexe minier par le groupe helvético - britannique Xstrata Nickel (ex-Falconbrige) (6). Il s'agit alors du plus gros chantier métallurgique au monde. Le site, qui a représenté un investissement de 5 milliards de dollars, comprend une usine pyrométallurgique d'une capacité nominale de 60 000 tonnes/an, une centrale électrique, un port en eaux profondes et des installations de désalinisation de l'eau de mer. Le complexe est opérationnel depuis le 10 avril 2013. Le site de Koniambo devrait assurer à Xstrata un approvisionnement en nickel pour les 50, voire 75 prochaines années. L'objectif est d'atteindre 17 000 tonnes en 2013, pour atteindre la capacité nominale de 60 000 tonnes, fin 2014. La NouvelleCalédonie sera alors devenue l'un des plus importants producteurs de nickel dans le monde. L'usine du Koniambo est le fruit d'une co-entreprise entre Xstrata Nickel et la Société minière du Sud Pacifique (SMSP), propriété des indépendantistes kanaks de la province Nord, qui détient 51 % du capital.
Le projet a été porté par deux hommes : Paul Néaoutyine, président de la province du Nord et André Dang, le PDG de la SMSP. Pour Paul Néaoutyine, l'ascension des kanaks dans l'industrie minière, va leur donner le moyen de réaliser leurs aspirations politiques : « La valorisation d'une ressource maîtrisée localement peut permettre de générer des gains financiers qui offriraient l'opportunité de s'affranchir des transferts de l'Etat. Reste à convaincre les réticents que l'indépendance est viable...». Photos : Livraison en octobre 2010 par un navire spécialisé, d'équipements lourds destinés au complexe de Koniambo (docwise – picstopin.com) – ci-dessus, vue aérienne du site, opérationnel depuis avril 2013 (esafety.com)
Le nickel : une voie d'accès à la souveraineté ? En 1990, suite au rééquilibrage voulu par les accords de Matignon en 1988, la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) a été cédée à la province du Nord, majoritairement indépendantiste. Dès 1991, la SMSP va s’assurer des canaux directs d’exportation vers les fondeurs, sans passer par la SLN dont elle devient un concurrent direct. Sous la direction d'André Dang, un homme d’affaires calédonien d’origine vietnamienne, la SMSP va devenir la première société exportatrice mondiale de minerai brut. Avec le canadien Falconbridge (devenu Xstrata Nickel), Paul Néaoutyine président de la province Nord, et André Dang vont signer des accords pour la mise en valeur de l'important gisement de Koniambo, avec la construction d'une usine. Photos : Paul Néaoutyine (à gauche), indépendantiste de la première heure, économiste de formation et président de la province Nord, va, avec l'aide d'André Dang (à droite), faire de la valorisation du nickel la voie d’accès à la souveraineté du peuple kanak (babelio.com).
Selon André Dang, l'usine de Koniambo sera rentable dès son entrée en production. Au cours de 9 dollars US la livre de nickel, elle devrait rapporter 100 milliards de francs Pacifique annuels (838 millions d'euros). Le PDG de la SMSP a très vite compris comment un pays producteur de matières premières pouvait tirer parti de la soif de minerai des nouvelles puissances asiatiques. Paul Néaoutyine et André Dang parcourent le monde (Paris, Londres, Séoul, Tokyo, etc.) à la recherche de nouveaux contrats. Un partenariat est à l'étude avec le groupe chinois Jinchuan pour la valorisation des latérites (roches riches en hydroxydes de fer et/ou d'aluminium). Nouméa, le 7 mai 2013 : Signature de l’accord entre André Dang, Pdg de la SMSP (au centre), et Ki Mok Yun, viceprésident du groupe sud-coréen Posco (à droite), en présence de Paul Néaoutyine, président de la province Nord (Les Nouvelles calédoniennes).
Le site de Goro Le groupe brésilien Vale Inco Nouvelle Calédonie (ex-Goro Nickel) a réalisé dans le sud du territoire une unité d'enrichissement hydrométallurgique destinée a exploiter les gisements de latérite non développés, avec 55 millions de tonnes de réserves minérales estimées et mesurées. La capacité annuelle de production prévue est de 60 000 tonnes de nickel et 4 300 à 5 000 tonnes de cobalt, ce qui représente environ 20% de la production mondiale.
A sa construction, le site de Goro était l'un des plus grands projets miniers en cours de réalisation dans le monde. L'usine qui couvre une superficie de 158 hectares, comprend 23 unités de production de nickel et de cobalt. (Vale)
Le démarrage progressif du complexe minier et industriel a débuté en 2010. Malgré divers problèmes techniques et environnementaux, l’objectif de production de 5 000 tonnes de nickel fixé pour le 1er trimestre 2013 a été atteint le 29 mars (7). Pour la réalisation de cet important complexe, une mine à ciel ouvert a été creusée et un port construit dans la baie de Prony.
L'ensemble portuaire de Prony comprend : un quai vraquier long de 177 mètres de long (à l'arrière plan) doté d' un tapis convoyeur long de 3 km pour le chargement en vrac du nickel – un quai pour la manutention des conteneurs, marchandises diverses et des liquides en vrac, de 87 mètres de long (où est accosté le navire). Deux remorqueurs et une vedette de lamanage y sont affectés, ainsi qu'un ferry pour le transport des employés depuis Nouméa (Vale).
A terme, le trafic annuel généré par l’activité de Vale Nouvelle-Calédonie représentera deux escales de navires par semaine. A l’import, le volume annuel est estimé à près de 2 millions de tonnes de vrac solides (soufre, charbon et calcaire) et liquides (GPL et fuel lourd). Le quai à marchandises diverses traitera plus de 9 000 conteneurs par an, dont 4 500 conteneurs à l'export (nickel et cobalt). Le Port autonome de Nouméa Après une année 2011 difficile, le Port autonome de Nouméa a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats depuis dix ans, avec 5,4 millions de tonnes (Mt), en hausse de 3,8% : entrées (5,03 Mt, +3,9%) sorties (0,36 Mt, +3,1%). La hausse concerne aussi bien les flux domestiques (3,37 Mt, +1,4%), que le trafic international (2,02 Mt, +8,2%). Le rebond des exportations de mattes et ferronickels (+ 16%, près de 200 000 t), explique à lui seul le renversement de tendance constatée sur les terminaux calédoniens en 2012. Le trafic conteneurisé poursuit sa croissance en gagnant 3,4%, avec près de 96 000 EVP manutentionnés. A noter que les conteneurs vides en provenance du Pacifique reviennent dorénavant sur Nouméa plutôt que de partir directement vers l'Australie (Source : Journal de la Marine Marchande n°4858 du 18 janvier 2013). ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(6) En 2006, l’anglo-suisse Xstrata Nickel a réalisé une OPA sur le groupe canadien. L'accord avec la SMSP n'a pas été remis en cause, car il est de l'avis des experts, prometteur d’une rentabilité exceptionnelle. L'accord inclut des dispositions pour la protection de l’environnement, afin de limiter les impacts écologiques inhérents à l’exploitation du minerai. Il est à noter qu'à l’exception d’Areva, et dans une moindre mesure, d’Eramet, la France n’a plus de grandes entreprises minières. Celles-ci sont brésiliennes, australiennes, chinoises, américaines, canadiennes, sud-africaines…. (7) Dans le complexe de Goro, Vale Inco détient 69%, à travers une société détenue conjointement par Sumic Nickel Netherlands
et Sumitomo Metal Mining Co. Ltd (Japon), le japonais Mitsui Co. Ltd détient en propre 21%, les 10% restants étant détenus par les trois provinces calédonniennes ( Province Sud 5%, Provinces Nord et Îles Loyauté 5%). L'entrée en service du site prévue à l'origine en 2004, a été repoussée en raison de nombreux problèmes politiques, environnementaux et économiques : la construction a nécessité la destruction de sept hectares de forêts primaires, sans accords gouvernementaux, ni consultation avec les tribus locales. Les effluents sont rejetés directement dans le lagon au moyen d'un émissaire (canalisation). Ce dernier point a lui aussi été l'objet d'une vive opposition de la part des associations environnementales et d'une partie des riverains ; le groupe s'est engagé à respecter les normes internationales dans ce domaine. Enfin, le site qui se situe au bord du lagon sud est exposé aux éventuels cyclones.
Le port de Nouméa (ac-noumea.nc)
Les autres secteurs de l'économie calédonienne En dehors de l'activité minière, moteur de l'économie calédonienne, il faut citer aussi l es secteurs de l’agriculture (vivrière ou marchande), de l’aquaculture (filière de la crevette), de l'élevage et de la pêche, même s'ils ne représentent que 2% du PIB. Trois types de pêche professionnelle sont pratiqués en Nouvelle-Calédonie : la pêche lagonaire (holothuries et coquilles de trocas, destinés à la fois au marché local et à l’exportation vers les pays asiatiques), la pêche côtière (poissons profonds et poissons pélagiques des eaux territoriales, destinés au marché local) et la pêche hauturière pratiquée dans la ZEE à partir de navires palangriers (capture de thons, marlins, requins makos et espadons).
L'Île des pins (Fabvirgeguide-évasion.fr)
Malgré de nombreux atouts (paysages, nature préservée, importante capacité hôtelière), le secteur du tourisme calédonien ne parvient pas à décoller, le nombre de touristes ayant du mal à passer le cap des 100 000. Des mesures ont été prises pour développer ce secteur à fort potentiel, notamment en améliorant la desserte aériennne, avec pour ambition d'atteindre 180 000 touristes à l'horizon 2015 (Source : Vice-Rectorat de la Nouvelle-Calédonie).
Le choix des énergies renouvelables
Un important plan de promotion des énergies renouvelables a été lancé en 2012, un secteur d’activité qui constitue un véritable enjeu de développement pour le territoire : environnemental tout d’abord, face à une possible montée des eaux liée au réchauffement climatique, mais également économique, du fait de la vulnérabilité du territoire face à la volatilité des cours des matières premières. Cette fragilité accroît de manière significative et complexe la dépendance de la Nouvelle-Calédonie vis-à-vis des grands groupes pétroliers, situation qui se traduit par une facture énergétique de plus en plus lourde. Des appels à projets ont été lancés. Les premiers concernent la production de 20Mw d’énergie éolienne et 3Mw d’énergie photovoltaïque. D’autres projets viserent à développer les filières hydroélectriques et biomasses. L’objectif du gouvernement est de passer à plus de 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique calédonien d’ici à 2015.
Wallis et Futuna Collectivité d'outre-mer, Wallis et Futuna est située entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti. Elle comprend deux archipels distincts, situés à 230 km l’un de l’autre : les Iles Wallis (superficie totale avec le lagon de 159 km2, dont 96 km2 pour l’Ile centrale d’Uvea) et l’archipel de Horn, composé de l’Ile Futuna (84 km2) et de l’Ile Alofi (35 km2). Le chef-lieu est Mata-Utu. D'une superficie totale de 215 km2, sa population compte environ 13 500 habitants, la plupart étant d'origine polynésienne (97,3 %), majoritairement de confession catholique. Wallis est un édifice volcanique complexe, constitué d’une île basse centrale, Uvea et d’une vingtaine d’îlots coralliens ou basaltiques, disséminés dans un complexe récifal de 24 km de long sur 4 km de large. Futuna est une île haute volcanique, d’une vingtaine de kilomètres de long et de 5 km dans sa plus grande largeur ; dépourvue de lagon, elle est entourée par un récif-tablier. Alofi, située au sud-est de Futuna, d’une dizaine de kilomètres d’est en ouest, de cinq kilomètres du nord au sud, est bordée au nord-ouest par un récif-tablier qui délimite un petit lagon d’une profondeur de 2 à 3 m.
Située entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, Wallis et Futuna comprend deux archipels distincts, situés à 230 km l’un de l’autre (DR)
Les institutions Le statut de Wallis et Futuna est fixé par la loi n° 61.814 du 29 juillet 1961 qui confère aux îles le statut de Territoire d’Outre-Mer (TOM). Après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les îles sont devenues une collectivité d'outre-mer à statut particulier, sans changement par rapport à la Loi de 1961. Elles se distinguent des autres territoires du fait de leurs institutions traditionnelles, notamment du maintien de royaumes. Dans chacun des trois royaumes, un à Wallis (royaume d’Uvea) et deux à Futuna (royaume de Sigave et royaume d’Alo qui s’étend aussi sur l’île d’Alofi), un roi et des ministres, choisis parmi les familles nobles, veillent au respect des règles coutumières. Ces règles normalement subordonnées aux lois de la République, s’appuient sur une juridiction de droit coutumier et ont force de loi, régissant parfois seules certains domaines, tel que le régime foncier. Trois collectivités se partagent l'administration du territoire : - L’Etat est représenté par un préfet (chef du Territoire) qui dispose de services placés sous son autorité, Le Haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie reste compétent pour les problèmes de défense et de relations Internationales, jusqu’à la mise en application complète des accords de Nouméa. - le Territoire est représenté par l’Assemblée territoriale et le Conseil territorial, présidé par le Préfet, en tant que Chef du territoire, - les trois circonscriptions administratives, une à Wallis et deux à Futuna, sont dotées d’une personnalité morale. Elles ont sensiblement les attributions des communes en métropole. Une actualisation du statut est à l'étude, ce qui suppose toutefois un consensus local.
L’économie de Wallis et Futuna est essentiellement basée sur l’agriculture et l’élevage, dont la production est surtout destinée à la consommation familiale mais qui restent marginaux dans le secteur marchand. Le secteur public occupe 65% des emplois salariés, le secteur privé 35%. Ce petit territoire français du Pacifique pourrait bien connaître un développement inespéré suite à la découverte dans sa ZEE de systèmes hydrothermaux et d'amas sulfurés.
Clipperton
L'atoll de Clipperton, de son vrai nom, Île de La Passion, est le plus petit territoire de la France dans le Pacifique (8). Possession de la France depuis son attribution définitive en 1931, Clipperton n’est ni un Département d’outre-mer (DOM), ni un territoire d’outre-mer (TOM) mais un domaine public de l’Etat placé sous l'autorité directe du ministre chargé de l'outre-mer qui y exerce l'ensemble des attributions dévolues par les lois et règlements aux autorités administratives. L'administration de l'île est déléguée au haut-commissaire de la République en Polynésie française (Extrait de la Loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outremer).
Clipperton se situe à 690 milles nautiques (1 280 km) des côtes du Mexique, et au Sud-Ouest, à 2 170 milles (4 018 km) de Nuku Hiva, aux Marquises, terre française la plus proche. L'archipel d'Hawaii se trouve à 4 930 kilomètres. Il s'agit d'un anneau de corail de 3 km sur 4 km, ayant une altitude maximale de 29 mètres au sommet d'une masse de roches volcaniques qui émerge de la couronne au Sud-Est, l e sol est constitué de graviers et sables coralliens souvent cimentés de guano. Cette possession de seulement 9 km2 confère à la France une souveraineté sur 435 612 km2 de zone marine depuis la création de sa Zone Economique Exclusive en 1978. Grâce à sa ZEE, Clipperton n'est plus seulement un îlot, mais le cinquième territoire maritime français du Pacifique (il est le premier pour la surface maritime rapportée à la surface terrestre). La ZEE de Clipperton se situe au cœur d’une des régions les plus poissonneuses du monde. Sa faune exceptionnelle et l'évolution particulière de sa flore, son récif corallien et son lagon fermé en font un lieu unique de recherche pour les scientifiques (plusieurs missions depuis 1997). Non habité en permanence, une station météorologique automatique est installée sur l'île depuis 1980. Un bâtiment de la marine nationale relâche à Clipperton au moins une fois par an (Marine nationale)
(source : http://www.clipperton.fr/incagen.html?geopolitique.htm~main) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(8) au sens géographique du terme et non au sens juridique, Clipperton n'étant pas un Territoire d'Outre-Mer
Atouts et richesses des ZEE La zone économique exclusive (ZEE), création juridique récente, a été consacrée par la troisième conférence de l'Organisation des nations Unies sur le Droit de la Mer, lors de l'adoption de la convention de Montego Bay (10 décembre 1982). L'ensemble des ZEE françaises du Pacifique représente 6 869 000 km2 *, une superficie qui se situe au 4ème rang mondial derrière les Etats-Unis, l'Australie et la Russie. * source : programme Extraplac Polynésie française La Polynésie française est un territoire composé de 119 îles et atolls au cœur d'un immense espace maritime. Chaque île, chaque atoll, chaque kilomètre de littoral se prolonge par une mer territoriale puis par une zone économique exclusive. Avec une superficie de 4 804 000 km2, la ZEE de Polynésie est la plus grande de la ZEE française (près de 40 % de l'ensemble). Elle est essentielle à l’économie locale. En septembre 2012, dans le cadre du programme EXTRAPLAC (EXTension Raisonnée du PLAteau Continental), le navire océanographique L’Atalante, de l'Ifremer, a mené la campagne Polyplac au large de Nuku Hiva aux Marquises. Cette mission avait pour objectif de fournir les données scientifiques nécessaires à la préparation du dossier complet de revendication d'extension du plateau continental juridique. C’était la 4ème mission dans le Pacifique, après Noucaplac 1 et 2 au large de la NouvelleCalédonie et Wallisplac au large de Wallis et Futuna.
Du 2 au 12 septembre 2012, le navire Océanographique L'Atalante de l'Ifremer a mené la campagne POLYPLAC, dans l'Est des Marquises (Ifremer).
En dehors des activités traditionnelles (pêche, aquaculture et tourisme) la ZEE présente aussi d’autres potentiels qui demandent à être développés, notamment la pêche hauturière ou l’exploitation des ressources minérales et des énergies renouvelables. Le territoire dispose en effet de ressources minières naturelles qui ne sont pas encore exploitées, comme les nodules polymétalliques et les terres rares. Ces ressources qui se trouvent au fond de l'océan représentent un réel potentiel économique, mais leur exploitation nécessite un énorme investissement financier, que le territoire ne peut financer seul. L’industrie minière est une industrie lourde qui nécessite de longs cycles d’investissement, les possibilités d’exploitation raisonnable des fonds marins devraient se situer à un horizon de 15 à 20 ans. Cela pose aussi la question du coût environnemental. Depuis que l'on sait qu’il existe des gisements intéressants dans le Pacifique, on évoque une possible exploitation des terres rares en Polynésie (9). ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(9) Aujourd'hui, 95% des terres rares exploitées proviennent de Chine, laquelle détiendrait seulement 37% des gisements mondiaux reconnus. Des pays riches en terres rares comme les Etats-Unis, l’Australie ou le Brésil ne les exploitent pas encore de façon soutenue, faute de réponse suffisamment satisfaisante en matière de protection de l’environnement.
Le 21 septembre 2012, à Paris, le ministre polynésien de l’environnement, Jacky Bryant, s'en est ouvert avec le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Le ministre lui a répondu que des discussions allaient être engagées de manière à trouver une position commune sur la stratégie à adopter en Polynésie autour des ressources minières. La question reste posée de savoir « à qui revient la priorité de l’exploitation de ces gisements ? ». En effet, si la Polynésie française possède la compétence en matière de gestion de ses ressources naturelles, l’Etat peut toutefois se les approprier à tout moment par simple décret, au motif que ces ressources deviennent stratégiques. Déjà, la société australienne Mineralogy Pty Ltd. (10) s'intéresse aux réserves minières de la Polynésie. Propriété du milliardaire Clive Palmer, ami personnel de longue date de l'ex-Président indépendantiste Oscar Temaru, Mineralogy Pty Ltd. possède des droits miniers très importants en Australie orientale et agit d’ores et déjà en partenariat avec des groupes chinois, tandis que des contacts sont pris avec plusieurs micro-Etats du pacifique. Clive Palmer qui connait le potentiel minier onshore et offshore de la Polynésie, investit déjà dans divers secteurs économiques du territoire (commerce, tourisme, hôtellerie, etc.) et sponsorise des équipes sportives, non sans arrièrepensée, dans l'éventualité où un Etat Maohi Nui débarrassé de la tutelle de la France, verrait le jour... Photos : Australie, février 2012 : Clive Palmer et Oscar Temaru, lors d'une conférence de presse au Coolum Hyatt de la Sunshine Coast, dans le Queensland (tahiti-infos.com) Le sénateur Richard Tuheiava (indépendantiste) a déposé un projet de modification de la Loi organique pour mieux cadrer les compétences Etat/Territoire (radio1.pf).
Nouvelle-Calédonie La ZEE de la Nouvelle-Calédonie instituée par le décret n° 78-142 du 3 février 1978, couvre 1 364 000 km2. A ce jour, plus de 75% du sol et du sous-sol de la ZEE restent totalement inexplorés. Selon l'article 22 de la loi organique, il est de la responsabilité du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'assurer l'exploration, la gestion et la conservation des ressources naturelles de la ZEE. Le schéma de mise en valeur des richesses minières de la Nouvelle-Calédonie prévoit la poursuite des travaux d'exploration et de promotion de sa ZEE. Dans le cadre du programme EXTRAPLAC (Cf. § Polynésie), la France a remis un dossier auprès des Nations Unies concernant une zone d'environ 75 000 km2 en limite Australie/France. Le projet ZONECO (Zone économique de Nouvelle-Calédonie) permet également de mener à bien la cartographie des fonds marins et de mieux inventorier les ressources de la ZEE. Sept campagnes ont été réalisées par le navire océanographique L'Atalante, entre 1993 et 2004. Des campagnes de prospection halieutiques comprenant des pêches exploratoires par chalutage (Halipro) et à la palangre de fond (Halical) sont également menées. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(10) Clive Palmer, né le 26 mars 1954, est le président-fondateur de Mineralogy Pty Ltd, en 1985. Fort de 25 ans d'expérience dans l'industrie des ressources minières en Australie, il a signé de nombreux contrats importants avec le gouvernement australien, et réalisé des projets majeurs en partenariat avec des entreprises chinoises, notamment Citic Pacific Ltd. à Hong Kong. L'expérience de Clive Palmer dans l'industrie du pétrole et du gaz est également reconnue. Il a signé d'importants contrats d'approvisionnement de gaz avec BHP Billiton Petroleum Ltd (North West Shelf), Chevron Australia Pty Limited, Japan Australia LNG Pty Ltd, Shell Development (Australia) Pty Ltd, Woodside Energy Ltd et Développements BP Australia Pty Ltd. Le 2 mars 2013, à Londres, Clive Palmer a présenté son projet visant à construire en Chine une réplique du Titanic, le célèbre liner de la White Star Line.
Au sein du Service Géologique de Nouvelle-Calédonie (SGNC), créé en 2006, une unité « Géosciences Marines » a pour mission de conduire les recherches destinées à améliorer la connaissance du domaine océanique (structures et processus géologiques des fonds océaniques, exploration du plateau continental et des grands fonds). Ces recherches sont menées en étroite collaboration avec les instituts de recherche régionaux de référence (GNS-Science New-Zealand, et Geoscience Australia) et nationaux (Ifremer, IRD, Agence des Aires Marines Protégées, Université de la Nouvelle-Calédonie). L'unité « Géoscience Marines » étudie en particulier la tectonique et sédimentologie du Sud-Ouest Pacifique et évalue le potentiel en ressources minérales de la ZEE (hydrocarbures, dépôts de sulfures massifs, nodules polymétaliques) et assiste l'ADECAL (Agence de Dévelopement Economique de la NouvelleCalédonie) dans le cadre du programme ZoNéCo d'inventaire des ressources marines vivantes et nonvivantes de la ZEE. Une aire marine protégée a été créée en juillet 2009. A noter que l’Australie est actuellement en train d’explorer les fonds marins entre le Queensland et la Nouvelle-Calédonie en vue de déterminer la présence de réserves de pétrole. Wallis et Futuna Wallis et Futuna possède une ZEE de 266 000 km2. Du 3 août au 23 septembre 2010, l'Ifremer a mené une campagne océanographique dans le cadre d'un partenariat inédit, regroupant le Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement en lien avec le territoire de Wallis et Futuna, des établissements publics (Ifremer, Agence des aires marines protégées, BRGM), et des entreprises industrielles intéressées aux projets miniers en mer profonde (Areva, Eramet, Technip). Cette campagne entrait dans le cadre d’une stratégie d’exploration afin de déterminer les zones qui pourraient présenter des ressources minérales potentielles. Baptisée Futuna 2010, cette mission scientifique a permis la découverte d'une nouvelle dorsale active et d'un volcan majeur actif baptisé « Kulolasi », lequel comporte le premier site hydrothermal profond et de haute température connu dans la ZEE française. Deux nouvelles campagnes ont été menées : Futuna 2 (3 novembre au 15 décembre 2011), Futuna 3 (16 mai au 22 juin 2012). Cette première phase d’exploration consistait en une recherche d’indices minéralisés qu’il faudra ensuite approfondir pour les plus importants, par une phase d’évaluation géologique et environnementale, le tout dans le respect de la biodiversité et des écosystèmes dans le cas d’une exploitation future.
Sur les zones cartographiées durant ces trois campagnes, 57 % des surfaces sont couvertes par des formations volcaniques récentes qui sont autant de zones potentielles pour la formation de minéralisations hydrothermales. Ce potentiel se trouve renforcé par l’existence de laves basaltiques et rhyolitiques qui constituent des environnements privilégiés pour l’activité hydrothermale. La deuxième étape nécessaire consisterait à évaluer les ressources, étudier l’état initial des écosystèmes avant tout impact dans le cas d’exploitation et réaliser l’étude de cadrage d’un pilote minier.
Lors des différentes campagnes menées dans les ZEE de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna, L'Atalante de l'Ifremer a mis en oeuvre le Nautile *, petit sous-marin habité, et un AUVs (Autonomous Underwater Vehicles) équipé de sondeurs. * Conçu par l'Ifremer pour l’observation et l’intervention jusqu’à des fonds de 6 000 mètres, le Nautile rend accessible 97 % de la superficie des fonds marins. Depuis sa mise en service en 1984, il a effectué plus de 1 500 plongées.
Clipperton La ZEE de Clipperton couvre une superficie de 435 000 km2. Une fois par an, un bâtiment de la marine française se rend à Clipperton afin d'y manifester la souveraineté française en montrant le pavillon tricolore. Durant cette présence temporaire, la marine nationale procède au contrôle des nombreux navires de pêche qui fréquentent cette zone réputée abondante en thonidés. La ZEE de Clipperton est riche en nodules polymétalliques. En novembre 1997, la mission océanographique mexicano-française SURPACLIP a révélé dans la zone orientale de Clipperton une grande abondance de nodules qui couvrent parfois 90% de la surface dans la zone française. La réserve de cette zone a été évaluée à quelques milliards de tonnes de nodules d'une teneur en manganèse d'environ 29%, de nickel à 1,4%, de cuivre à 1,2%, de cobalt à 0,25% (voir encadré).
Des enjeux économiques et géostratégiques La France possède dans le Pacifique des territoires qui lui donne une place stratégique dans le contrôle de cet océan et de ses ressources. En effet, chaque île, chaque atoll, chaque kilomètre de littoral se prolonge par une mer territoriale puis par une zone économique exclusive qui lui appartient. L’Océanie regroupe 25% des ressources halieutiques mondiales. On estime que plus de la moitié du thon destiné aux conserveries et un peu moins de la moitié du thon frais vendu dans le monde viennent des ZEE du Pacifique Sud. Mais l'océan Pacifique renferme aussi bien d'autres richesses. Alors que l’on assiste à une mutation des marchés mondiaux de matières premières, des perspectives nouvelles se présentent autour des ressources énergétiques et minérales potentielles marines (hydrates de méthane, hydrogène naturel, sulfures hydrothermaux, nodules et encroûtements de manganèse), ouvrant ainsi un champ pour l’exploration et l’exploitation future des ressources minérales marines profondes :
Les ressources minérales et énergétiques du futur sont au fond des mers Au plan mondial, la demande en métaux de base et stratégiques progressera (+50% à +200%) par rapport à la demande actuelle avec des incertitudes sur les platinoïdes, liées aux substitutions possibles de technologies automobiles. La demande pour certains métaux rares ou stratégiques connaîtra une croissance forte (technologies de l’environnement, télécommunications, militaire…), avec des goulets d’étranglement probables sur l’offre liés aux stratégies des pays ressources (Chine, Afrique du Sud, Brésil, Russie…). Toutes les analyses montrent que les états européens sont confrontés à une mutation des marchés mondiaux de matières premières. Avec l’envolée du cours des métaux ces dernières années, les états dépendent déjà fortement d’importations de minéraux métalliques et de métaux dits de haute technologie tels que le cobalt, le platine, les terres rares et le titane. Aussi, en plus de la recherche de nouveaux gisements terrestres, l’humanité devra de plus en plus se tourner vers la mer pour répondre à la demande mondiale en énergie et matières premières. En dehors des hydrocarbures déjà exploités et ayant leurs propres enjeux de développement, des perspectives se présentent sur des ressources énergétiques et minérales potentielles : hydrates de méthane, hydrogènes naturels, sulfures hydrothermaux, nodules et encroûtements de manganèse. Cela ouvre un champ nouveau pour l’exploration et l’exploitation future, parfois déjà engagées, des ressources minérales marines profondes. Les états européens vont donc devoir faire face à un besoin d’améliorer les connaissances des gisements sousmarins afin d’en approfondir le potentiel. C'est pourquoi, fin 2009, l’Ifremer a lancé un travail de réflexion prospective sur les Ressources Minérales Marines à l’horizon 2030 (REMIMA) autour de 24 partenaires représentant les principaux acteurs du secteur français : ministères, industriels, instituts de recherche, universités, agences spécialisées et représentant de la Commission Européenne. La question centrale de cette analyse prospective est celle du potentiel des principales ressources minérales marines profondes (minerais métalliques et hydrogène naturel) présentant un enjeu stratégique pour la France et l’UE. L’objectif : identifier les enjeux, le potentiel de ces ressources, les conditions d’émergence de leur exploitation et de leur valorisation à moyen terme, afin d’identifier et engager les partenariats et les programmes stratégiques adaptés. Cette étude a permis de dégager les dynamiques afférentes des grandes filières et d’en tirer les conséquences pour des propositions d’actions en particulier pour un programme de recherche et développement national sur les quatre types de gisements retenus : sulfures hydrothermaux, encroûtements de cobalt et de platine, nodules polymétalliques et sources d’hydrogène naturel (Source : Ifremer).
Concentrations (% en poids) en éléments majeurs dans les mineralisations des grands fonds océaniques (Ifremer).
Les ressources minérales marines Métaux de base - Sulfures hydrothermaux : Cuivre, Zinc, Plomb, Cobalt, Argent, Or, avec la première exploitation à 1800 m de profondeur prévue en 2012- Nodules polymétalliques : Nickel, Cuivre, Manganèse dont les premiers permis français concernent le Pacifique Encroûtements cobaltifères : Cobalt, Platine, Manganèse, dont les plus riches dans la ZEE française sont localisés en Polynésie Métaux critiques à potentiel technologique élevé Indium, Germanium, Cadmium, Antimoine, Mercure, et Sélénium, Molybdène, Bismuth sur les sites hydrothermaux,Terres rares dans les encroûtements et les nodules. Hydrogène Naturel - Interactions hydrosphère / manteau - Seul processus terrestre produisant de l'hydrogène naturel en grande quantité - Énergie potentielle propre, sans carbone, renouvelable - Émission de 6 millions de mètres cubes par an sur un champ hydrothermal (Rainbow) Hydrates de méthane - Stockage de carbone organique le plus important sur terre - Sédiments océaniques : 20 à 40 x1015 m3 - Sédiments du permafrost : 1 x 1015 m3 - Ressource énergétique potentielle. Source : Ifremer
Les nodules polymétalliques D'après le directeur scientifique adjoint de l'Ifremer, Pierre Cochonat, il existe dans « l'ultra profond » océanique de nos ZEE du Pacifique des réserves de pétrole et gaz offshore, mais aussi des nodules polymétalliques riches en nickel, cuivre, cobalt, zinc et manganèse. L’Ifremer, pour le compte de la France, est titulaire d’un contrat d’exploration dans le Pacifique Nord équatorial, entre les zones de fracture de Clarion et Clipperton, pour une durée de 15 ans (2001-2016), l’Autorité internationale des fonds marins lui ayant attribué un secteur de 75 000 km2.
En raison de leur abondance et de leur composition chimique, les champs de nodules polymétalliques constituent une importante réserve de minerais (Ifremer).
Jusqu’à présent, l’intérêt commercial demeurait faible, mais l’épuisement des ressources continentales couplé à la demande croissante en métaux des pays émergents a changé la donne. Aussi, selon Pierre Cochonat, il apparaît nécessaire d’élaborer une stratégie de préparation du passage à l’exploitation couplée avec une stratégie de préservation de la faune associée aux nodules polymétalliques, en vue de réduire l’impact d’une éventuelle exploitation de ces derniers. Pour tout contrat d'exploration, l'International Seabed Authority, en français l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), fait obligation d’effectuer un état de référence de l’écosystème benthique (11), c'est-à-dire de décrire les communautés animales présentes sur le fond, ainsi que les caractéristiques de leur habitat. C’était un des objectifs de la campagne océanographique franco-allemande BIONOD qui s’est déroulée au cours du premier semestre 2012 à bord de L’Atalante de l’Ifremer, entre l’archipel d’Hawaï et la côte ouest du Mexique, dans la zone de Clarion-Clipperton. Le but de la campagne était de décrire, comprendre et comparer la distribution des espèces dans les zones avec et sans nodules pour établir une stratégie de préservation de la biodiversité profonde dans la perspective de l’exploitation potentielle des nodules riches en métaux. La campagne était menée en collaboration avec les équipes allemandes des instituts BGR2 et DZMB3. La ZEE de Polynésie serait elle aussi particulièrement riche en encroûtements cobaltifères (cobalt, nickel, platine et manganèse). Les terres rares Les terres rares sont des métaux dits « stratégiques » ou « critiques » qui comprennent entre autre le cobalt, le tantale ou le nobium (12). Ils sont utilisés en particulier dans les secteurs de l’aéronautique, de l’armement ou encore pour la fabrication d’équipements électroniques (radars, pots catalytiques, téléphones portables, MP3, batteries de véhicules électriques, panneaux solaires, éoliennes…). (terresrarees.fr)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(11) L'écosystème benthique se définit comme l'ensemble des organismes, animaux et végétaux vivant en relation avec le fond des mers et des océans au niveau des interfaces ou des sédiments. Il se distingue de l'écosystème pélagique qui correspond aux organismes de pleine eau, mais dépend fortement de celui-ci au niveau de la chaîne alimentaire. En effet, plus de 99% de la production primaire est assurée par le phytoplancton vivant dans une mince couche d'eau prés de la surface. (12) Groupe d'éléments de la classification périodique, au nombre de 17 : le scandium, l'yttrium et le lanthane, et les 14 lanthanides : le cérium, le praséodyme, le néodyme, le prométhium, le samarium, l'europium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, l'holmium, l'erbium, le thulium, l'ytterbium et le lutétium.
Un immense gisement de terres rares aurait été découvert par des scientifiques japonais entre les îles d'Hawaï et la Polynésie française dans les eaux internationales à des profondeurs allant de 3 500 mètres à 6 000 mètres. La surface totale couverte serait de l’ordre de 11 millions de km2, pour environ 100 milliards de tonnes de terres rares, soit 1 000 fois plus que les réserves actuellement connues dans les gisements terrestres... Suite aux recommandations du Grenelle de la Mer, l’Ifremer a lancé un projet d’exploration des fonds sous-marins au large de Wallis et Futuna, dans la ZEE française, reposant sur un partenariat public/privé associant le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM), l’Agence des aires marines protégées (AAMP), l’Ifremer et le BRGM, pour les organismes publics et Technip, Eramet et Areva pour les organismes privés. Dans la ZEE de Wallis et Futuna, la France disposerait de réserves de terres rares parmi les plus importantes du monde. Outre l'indium et le germanium, on trouverait des gisements de cadmium, antimoine, mercure, sélénium, molybdène et bismuth. La campagne de l’Ifremer a montré également l'existence d'importants amas sulfurés (13) pour lesquels la France va déposer une première demande de permis d'exploration. Photo : Fumeurs actifs dans le bassin de Lau (Iles Tonga – Sud ouest Pacifique ). Les cheminées sur la gauche sont principalement constituées de sulfure de zinc et de cuivre et fortement concentrées en or (Ifremer).
La France n'est pas la seule à s'intéresser aux richesses sous-marines du Pacifique, on peut citer en premier lieu la Chine, mais aussi la Corée, la Russie, le Japon, l'Inde et le Brésil...En Papouasie NouvelleGuinée, c'est la société canadienne Nautilus qui se prépare à exploiter au large, des amas sulfurés, avec à terme une production annuelle estimée de 1,3 à 1,4 million de tonnes d'or et de cuivre. Selon Pierre Cochonat, directeur scientifique adjoint de l'Ifremer, la course vers les métaux rares recouvre des enjeux économiques et géopolitiques : « c'est un enjeu très important pour le positionnement international des équipes scientifiques et des groupes miniers français, avec des enjeux juridiques derrière les demandes de permis dans les zones économiques ou dans les eaux internationales. Ces métaux rares sont stratégiques car ils sont utilisés dans de nombreuses nouvelles technologies » (photo Ifremer). L’exploitation des gisements
Toute exploitation dans l'océan nécessite l'autorisation préalable de l’ International Seabed Authority, l’autorité internationale des océans, née après la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Pour exploiter les fonds marins, les compagnies minières n'auront que l’embarras du choix : elles pourront, en premier lieu, se positionner dans les eaux internationales, et contourner ainsi la souveraineté des Etats sur leur ZEE. A titre d'exemple, la distance entre Hawaï et Tahiti est de 4 800 km, dont plus de 4000 km dans les eaux internationales… Une possible exploitation de ces gisements dans l'avenir n'est pas sans poser de sérieux problèmes. Ainsi, à supposer l’exploitation de certains gisements dans la ZEE de la Polynésie, le territoire pourra-t-il offrir des conditions attractives et sera-t-il en mesure de financer d'importantes infrastructures (ports de transbordement, bases arrière, centres de traitement à terre, etc.). -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(13) constitués principalement de sulfures de fer (pyrite, marcasite, pyrrhotite), les amas sulfurés contiennent des quantités variables de sulfures de métaux de base (cuivre, plomb et zinc) ; certains peuvent être riches en or.
La Polynésie française détiendrait dans son sol et son sous-sol maritime des encroûtements de ferromanganèse enrichis en cobalt et platine. Le 15 novembre 2012, devant le Sénat (14), Jacky Bryant, le ministre polynésien de l'environnement et des mines, a déclaré que le territoire a pour objectif de réaliser en 2013 une étude prospective globale des activités liées à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales océaniques profondes, à partir des publications qui ont été faites. Quelques atolls disposent de ces ressources, mais leur exploitation est sans commune mesure avec les quantités (Photo : polynésie.la1ère.fr) existantes. Les premiers résultats de l'étude en cours permettent d'affirmer qu'en Polynésie française il existe trois types de gisements, à savoir par ordre d'intérêt : - les encroûtements polymétalliques, qui présentent le plus grand intérêt, de par leur richesse en cobalt (1,8 %) et platine (2,8 g/T) ainsi que leur présence à des profondeurs modérées (entre 800 et 1 500 mètres, sur les flancs et sommets des monts sous-marins), notamment aux Tuamotu et entre Tahiti et les Australes. Cette configuration autorise une exploitation relativement aisée ; - les vases des plaines abyssales, qui contiennent des terres rares (lanthanides, yttrium, scandium) en quantité significative, à des profondeurs comprises entre 4 000 et 5 000 mètres ; - les nodules polymétalliques, qui présentent un intérêt plus limité, de par leur teneur réduite en éléments métalliques. Photo : Encroûtement cobaltifère près de Niau, dans l'Archipel des Tuamotu (Ifremer) Ces gisements marins en eau profonde ne présentent cependant pas d'intérêt immédiat, dans la mesure où les ressources terrestres actuellement identifiées en cobalt, platine et terres rares, d'exploitation bien plus aisée, correspondent à plusieurs dizaines d'années de consommation. Malgré ces données encourageantes, il n'y a actuellement aucun projet minier en cours dans la ZEE polynésienne. En effet, malgré l'importance des travaux déjà menés dans le cadre du programme ZEPOLYF (Zone Économique de POLYnésie Française) de nombreuses données restent à acquérir pour définir précisément les caractéristiques des gisements identifiés, notamment dans les secteurs des îles Tuamotu et celles de la Société, ainsi que leurs rendements potentiels. Les impacts environnementaux de telles activités sur les écosystèmes des grands fonds, bien que difficilement quantifiables, sont largement prévisibles : la perturbation de la morphologie des fonds marins et de leur environnement physico-chimique et hydrodynamique, ainsi que les inévitables pollutions accidentelles connexes, entraîneront une forte perturbation, voire une destruction irréversible de la biodiversité et des habitats des zones d'extraction. Cet aspect environnemental doit être pris en compte, d'autant que l'expérience de la dernière concession minière pour l'exploitation des phosphates à Makatea avait été mal vécue par les populations. Du point de vue hydrothermal, un potentiel existe près de Clipperton tout comme autour des volcans actifs de Polynésie. Une amorce d'exploration hydrothermal a été lancée avec succès à Wallis-et-Futuna. Il pourrait également y avoir un potentiel autour des volcans actifs en Nouvelle-Calédonie. Pour avoir des minéralisations de ce type, il faut des températures de 300 ou 400 degrés pour le cuivre et 150 ou 200 degrés pour le zinc, ce qui n'est possible qu'en grande profondeur.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(14) Le Sénat a réalisé en mars 2013, une Étude de législation comparée (n° 234 - mars 2013) intitulée « Les ressources minérales marines profondes : nodules polymétalliques, encroûtements et sulfures hydrothermaux ». Cette note examine le régime applicable à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales marines profondes : nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux dans six États (Brésil, États-Unis, Îles Cook, Îles Fidji, Nouvelle-Zélande, Papouasie-NouvelleGuinée) qui sont, hormis les États-Unis, membres de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).
http://www.senat.fr/lc/lc234/lc234.html
L’influence anglo-saxonne L’influence anglo-saxonne est très marquée dans le Pacifique Sud, avec trois grands acteurs : l'Australie, la Nouvelle Zelande et les Etats-Unis. La présence d'une puissance non-anglophone dans le Pacifique Sud, n'a pas toujours été très appréciée par l'Australie et la Nouvelle-Zelande qui y voyaient une forme de concurrence. Par le passé, les gouvernements australien et néo-zelandais se sont montrés très critique à l'égard de la politique française dans le Pacifique, en particulier durant la période des expérimentations nucléaires à Fangataufa, puis à Mururoa, de 1966 à 1996, ou encore durant les évènements en Nouvelle Calédonie dans les années 1980 (15). Pour tenter de réduire la domination de la France dans le Pacifique Sud, l’Australie a mené une stratégie d’influence sur les peuples vivant dans les trois collectivités françaises d’Océanie. Parmi les mesures prises par Canberra, on peut citer la mise en place de programmes de bourses financés par l’Agence de développement australienne AusAID, qui permet à des étudiants de Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et Polynésie française, de suivre leurs études supérieures au sein d’universités australiennes. Essai nucléaire atmosphérique au Centre d'expérimentation du Pacifique (gbn.com)
De même, de nombreux étudiants anglo-saxons viennent chaque année dans les collectivités françaises afin de mener des travaux de recherche anthropologiques, vantant à cette occasion les cultures locales et dénonçant les risques que peut apporter l’influence française sur leur survie. Les Néo-Zélandais aiment à mettre en avant leur côté « maori » auprès des jeunes Polynésiens pour affirmer les liens culturels qui les lient. Si, depuis la signature des Accords de Nouméa (1998), l’Australie se montre moins réceptive aux attentes du FLNKS, il n’en reste pas moins que le Central Queensland a récemment passé un accord avec la Province Nord de la Calédonie (gérée par le FLNKS) en vue d’établir un accord de coopération. Depuis, les relations entre Paris et Canberra semblent se normaliser. Ainsi, le 19 janvier 2012, la France et l’Australie ont convenu d’une « déclaration commune de partenariat stratégique », signée par les ministres des affaires étrangères de l'époque, M. Alain Juppé pour la République française, et M. Kevin Rudd pour le Commonwealth d’Australie. Ce partenariat stratégique s’inscrit dans la démarche de dynamisation des relations bilatérales. Il permettra de promouvoir encore davantage notre coopération politique, économique, militaire et culturelle et d'appuyer l’insertion croissante des territoires français du Pacifique dans leur environnement régional. M. Alain Juppé et M. Kevin Rudd, ont signé en janvier 2012 une « déclaration commune de partenariat stratégique » (diplomatie.gouv) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(15) L'Australie et la Nouvelle-Zelande ont été très engagées dans la contestation des essais nucléaires français dans le Pacifique, en soutenant les mouvements indépendantistes polynésiens. C'est des ports néo-zélandais que partaient les « flotilles de la Paix » qui venaient manifester et défier les bâtiments de la marine nationale dans les eaux territoriales françaises de Mururoa. Le sabotage par des agents français de la DGSE, du Rainbow Warrior, dans le port d’Auckland, le 10 juillet 1985, a eu pour conséquence d'envenimer pendant plusieurs années les relations entre Paris et Wellington. Durant les évènements en Nouvelle Calédonie dans les années 1980, marqués par de violents affrontements avec les indépendantistes, l'Australie a soutenu ouvertement le FLNKS. L'Australie dispose d'un Consulat général à Nouméa.
Le rapprochement entre Paris et Canberra explique sans doute le changement d'attitude de l'Australie à l'égard du problème polynésien. Après avoir soutenu sans réserve pendant des années la cause indépendantiste en Polynésie, et son leader Oscar Temaru, le gouvernement australien est désormais en retrait. Ainsi, en avril 2012, le secrétaire d'État australien aux Affaires des îles du Pacifique, Richard Marles, a rejeté la requête du gouvernement de Polynésie française demandant à l'Australie de soutenir les efforts du Président Oscar Temaru pour la réinscription de la Polynésie française sur la liste de l'ONU des pays à décoloniser, déclarant notamment : « Nous soutenons la position du Forum des îles du Pacifique qui veut que la Polynésie française a bien sûr droit à l'autodétermination. Mais pour établir le type d'autodétermination que la Polynésie française veut, il faut un processus et ce processus doit être élaboré avec la France. Nous avons donc encouragé à la fois la France et la Polynésie française à s'entendre sur un processus pour définir ce que la Polynésie française veut faire et cela, on ne le sait pas pour le moment...Nous soutenons beaucoup le rôle de la France dans le Pacifique et nous pensons qu'ils ont été des acteurs constructifs dans le Pacifique. Nous pensons également que la France a déjà montré qu'elle était en faveur du droit à l'autodétermination pour ses collectivités dans le Pacifique. Et on peut dire ça compte tenu de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie. » Photo : En mars 2011, Gaston Tong Sang, alors Président de la Polynésie française, reçoit Richard Marles à Papeete (embassy.gov.au)
L'affaire du Rainbow Warrior a longtemps envenimé les relations entre Paris et Wellington. En 2003, un nouvel élan a été donné à la coopération entre la France et la Nouvelle Zelande. Le 27 avril 2011, le Premier ministre néo-zélandais, M. John Key, a effectué une visite officielle à Paris. Aujourd'hui, les objectifs de la France et de la Nouvelle-Zélande convergent en Océanie. La France souhaite renforcer l’insertion de ses collectivités du Pacifique dans leur environnement régional avec l'appui de Wellington. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, recevant le Premier ministre néo-zélandais, John Phillip Key, à Paris le 27 avril 2011 (MAEE)
Le sabotage par des agents français de la DGSE du Rainbow Warrior, le 10 juillet 1985 dans le port d’Auckland, a eu pour conséquence d'envenimer pendant plusieurs années les relations entre Paris et Wellington (Greenpeace).
La perception de la présence française dans la région s’est fortement améliorée au cours des dernières décennies. Cette évolution a été particulièrement sensible au sein du Forum des Îles du Pacifique (FIP), dont la Nouvelle Calédonie comme la Polynésie sont membres associés et dont Wallis et Futuna est membre «observateur». Par ailleurs, ces trois collectivités sont, comme la France, membres à part entière de la Communauté du Pacifique, une organisation internationale à vocation régionale. Elles peuvent ainsi développer activement leurs relations avec les États du Pacifique et les organisations régionales et étendre leur influence en bénéficiant du réseau diplomatique français dans le Pacifique.
Le 43ème forum des îles du Pacifique s'est tenu du 27 au 31 août 2012 à Rarotonga, capitale de l’archipel des îles Cook, en présence de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, accompagnée d'une importante délégation. C’était la première fois que les Etats-Unis étaient représentés à ce niveau de leur gouvernement, à cette instance de coopération régionale. Août 2012 : La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et le Premier ministre néo-zélandais John Phillip Key, lors du 43ème forum des îles du Pacifique à Rarotonga (îles Cook) – (Photo : tvnz.co.nz)
La présence de cette délégation a été perçue comme un geste fort du président Obama visant à contrebalancer au plan diplomatique l'influence de la Chine dans la zone Asie - Pacifique. Lors du dialogue post-forum, Hillary Clinton a exprimé clairement les ambitions de Washington dans cette région du monde. En novembre 2011, les Etats-Unis ont annoncé un renforcement de leur présence militaire sur la base de Darwin, dans le nord de l'Australie. Dès 2012, 250 marines y ont été déployés, un effectif qui devrait atteindre 2 500 hommes en 2017. Cela se traduit également par plus d'escales de bâtiments de l'US Navy dans le port australien. 17 novembre 2011 : Le président américain Barak Obama s'adresse aux US Marines et aux militaires de la Royal Australian Air Force (RAAF), lors de sa visite sur la base de Darwin (abc.net.au)
Souveraineté des espaces maritimes Etats ayant une frontière maritime avec les territoires français du Pacifique (les territoires français concernés sont indiqués entre parenthèses)
Royaume-Uni (Polynésie française) - Fidji (Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie) - Îles Salomon (NouvelleCalédonie) - Vanuatu (Nouvelle-Calédonie) - Tokelau (Wallis et Futuna) - Tonga (Wallis et Futuna) - Tuvalu (Wallis et Futuna) - Samoa occidentales (Wallis et Futuna) - Australie (Nouvelle-Calédonie) - Îles Cook (Polynésie française) - Kiribati (Polynésie française ) - (Source : SHOM).
Renforcer la présence maritime de la France dans le Pacifique En affirmant sa présence maritime dans le Pacifique, la France exprime sa volonté de prendre une part active à l’évolution du monde dans la zone stratégique Asie-Pacifique. C’est aussi manifester sa volonté d’y défendre ses intérêts, voire d’y conquérir des positions... L'ensemble du domaine maritime de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna et de Clipperton donne à la France le statut d’État riverain du Pacifique. Ceci se traduit par une présence au sein d’un très grand nombre d’organisations régionales et sous-régionales et par de nombreuses coopérations bilatérales ou multilatérales avec des États côtiers de la zone Pacifque. Cette situation contribue à donner de la France une image mondiale, avec des retombées économiques, scientifiques et culturelles. Elle constitue un atout politique, stratégique et économique, et lui donne une autorité particulière dans la conduite de sa diplomatie... La France est le seul pays européen directement voisin de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. C’est au travers de ces « frontières maritimes » que des contacts diplomatiques fructueux se nouent, comme c’est le cas aujourd'hui avec l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui trouvent avec la France une alternative européenne à l’engagement des États-Unis dans le Pacifique, face à une présence grandissante de la Chine... La délimitation des zones maritimes sous souveraineté française est parfois contestée, notamment en Nouvelle-Calédonie et à Clipperton. Îlot inhabité situé à 6 000 km de Tahiti, Clipperton représente une zone économique exclusive de 425 000 km2. Soumis à une pêche illicite importante, Clipperton doit faire l’objet d’une surveillance étroite, seule à même de garantir une exploitation durable de la ressource. En ce qui concerne le cas particulier de la Polynésie qui couvre une superficie équivalente à celle de l’Europe, la France doit affirmer sa présence et sa volonté de se maintenir... Source : Une ambition maritime pour la France – Rapport du Groupe POSÉIDON décembre 2006 - Centre d’analyse stratégique Secrétariat général de la mer - Document consultable sur www.strategie.gouv.fr et www.sgmer.gouv.fr.
Le centre de gravité économique et financier du monde est dans le Pacifique. La marine chinoise monte en puissance, les Etats-Unis y renforcent leur présence et annoncent le déploiement de 60% de leur marine de guerre, la Russie y développe sa flotte et intensifie sa diplomatie… Dès sa nomination, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian a insisté sur « l’importance de la région pacifique pour la sécurité de la France ». Du 31 mai au 2 juin 2013, il a participé à Singapour au sommet du 12ème Dialogue du Shangri-La organisé par l’IISS (International Institute for Strategic Studies) et qui rassemble notamment les ministres de la Défense de la zone Asie-Pacifique autour des questions de sécurité régionale.
Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, lors de son intervention au sommet du Dialogue du Shangri-La. Le ministre a déclaré que la France souhaite jouer un rôle majeur dans la région Asie-Pacifique, « partie intégrante de notre environnement de sécurité » (International Institute for Strategic Studies)
Le ministre a rappelé que la France est une puissance de l’océan Indien et du Pacifique. Elle y dispose de territoires et de ressortissants en nombre croissant, qui nécessitent que leur soient apportés protection et sécurité. L’Asie, et notamment l’Océan indien et le Pacifique, est inscrit comme une priorité stratégique dans le nouveau Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale. La sécurité et la prospérité de la France dépendent aujourd’hui en grande partie de celles de l’Asie, qui est devenue l’un de ses principaux partenaires. Les flux financiers, commerciaux et humains entre l’Europe et l’Asie sont en constante augmentation. Ils placent de facto les espaces maritimes au cœur des enjeux de sécurité. La France partage de nombreux intérêts de sécurité avec les Etats de la région et entend maintenir sa contribution à la sécurité en Asie-Pacifique. Elle entend également promouvoir la lutte contre le terrorisme, la prolifération, et la menace cybernétique, ainsi que la libre circulation maritime. Protéger les ressources L'espace maritime couvert par les ZEE de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna et de Clipperton confèrent à la France un statut de puissance du Pacifique, avec les opportunités et les responsabilités qui y sont associées. Le rapport du Sénat, « Maritimisation : La France face à la nouvelle géopolitique des océans » du 17 juillet 2012 *, rappelle que la mondialisation a accru l’importance stratégique des enjeux maritimes (routes maritimes et ressources marines et sous-marines). La maritimisation des enjeux économiques implique un rôle et une concurrence accrus des Etats en mer. La France peut tirer profit de la maritimisation si elle conserve les moyens de sécuriser ses activités maritimes : La souveraineté sur les espaces maritimes est de ce fait un élément fondamental de la puissance d’un Etat.
* http://www.senat.fr/rap/r11-674/r11-6741.pdf
En introduction du colloque « La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21e siècle » organisé au Sénat, le 17 janvier 2013, le sénateur Jeanny Lorgeoux (PS) (16), a déclaré : « L’enjeu pour nos territoires du Pacifique est évidemment de savoir comment protéger leurs ressources, halieutiques et minérales, mais surtout comment les valoriser. Face au redéploiement des forces armées américaines dans la région et surtout face à la montée en puissance de la marine chinoise, la France doit mobiliser les moyens de ses ambitions dans la région (...) Se pose naturellement la question : par quels moyens maritimes, militaires pouvons-nous répondre à ces enjeux stratégiques ? Thème tout à fait essentiel car ces territoires d’outre-mer avaient été quelque peu oubliés par le Livre Blanc de 2008. La marine française devra faire face à partir de 2015 à un défi considérable de renouvellement de ses moyens d’intervention, de surveillance et de sûreté maritime dans ces régions. » http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-293-notice.html
Lors de ce même colloque, le vice-amiral Jean-Louis Vichot, ancien commandant supérieur des Forces armées en Polynésie française, a noté avec satisfaction une certaine prise de conscience de la gravité du problème, déclarant notamment : « Les conclusions du Livre Blanc de 2008 avaient très clairement marqué un abandon, je pèse mes mots, des capacités militaires dans le Pacifique. On considérait à l’époque que les îles du Pacifique étaient suffisamment protégées par les océans qui les entouraient. La position de la France évolue grâce aux travaux des parlementaires, grâce aux travaux de la Commission du Livre Blanc. Le ministre de la défense, M. Le Drian l’a évoqué, il a montré que ce gouvernement avait compris l’importance du Pacifique dans l’économie de la France d’aujourd’hui. Les travaux réalisés par les sénateurs sur la maritimisation du monde ont également joué leur jeu. Donc maintenant, il restera à voir ce que le prochain Livre Blanc tirera comme conclusions de ces travaux, et comment ces conclusions du Livre Blanc seront déclinées en termes de moyens, en particulier pour les forces armées pour assurer la sécurité et la surveillance de la zone du Pacifique sud. » (voir l'article publié dans MARINE & Océans n° 239 - avril-mai-juin 2013) Pour le vice-amiral Jean-Louis Vichot, ancien commandant supérieur des Forces armées en Polynésie française, les conclusions du Livre Blanc de 2008 avaient marqué un abandon des capacités militaires dans le Pacifique (Photo : Sénat)
Montrer le pavillon... Pour tenir compte des nouvelles priorités stratégiques fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) et des enjeux de l’outre-mer, ainsi que des principes de rationalisation des armées, la France a redéployé récemment ses forces sur le théâtre Pacifique, entre la NouvelleCalédonie et la Polynésie Française : - la Polynésie Française devient le dispositif aéromaritime de la zone Pacifique. L’officier général commandant supérieur des forces armées de Polynésie française (COMSUP FAPF) est également le commandant de la zone maritime de l'océan Pacifique (ALPACI). Sous l’autorité du chef d’état-major des armées (CEMA), il a pour mission de garantir la souveraineté nationale du territoire et sa zone économique exclusive (ZEE), de veiller à la sauvegarde des intérêts nationaux dans la zone maritime du Pacifique, et d’assurer la présence de la France dans la zone de responsabilité permanente (ZRP) Asie-Pacifique. Sa zone de compétence s’étend sur tout l’océan Pacifique et les pays riverains à l’exclusion de la zone maritime de Nouvelle Calédonie et des iles mélanésiennes, ainsi que de l’Australie et de la Nouvelle Zélande, sous la responsabilité du COMSUP FANC. ALPACI, au nom du CEMA, participe aux activités de coopération régionale et entretient des relations privilégiées avec l’ensemble des nations présentes sur cette zone. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(16) Le sénateur Jeanny Lorgeoux est membre : de la délégation sénatoriale de l'Outre-Mer ; de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; du Conseil d'administration de l'Institut des hautes études de défense nationale.
Le 13ème Western Pacific Naval Symposium 2012 organisé par la Marine malaisienne, à Kuala-Lumpur (Malaisie), a rassemblé les chefs d’état-major des marines de 24 nations du bassin Pacifique. Le contre-amiral Anne Cullerre, commandant les forces maritimes de l’océan Pacifique (ALPACI) et commandant supérieur des forces armées en Polynésie française (COMSUP FAPF), représentait le chef d’étatmajor de la Marine (CEMM), l’amiral Bernard Rogel. (EMA/Marine nationale)
En métropole, la zone maritime à contrôler représente 350 000 km2 ; dans le Pacifique, l'ensemble de notre ZEE fait 6 869 000 km2 ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes. On voit toute la difficulté qu'il y a pour la France à exercer sa souveraineté sur un aussi vaste espace océanique éloigné de la métropole. Pour l'ancien chef d'état-major de la marine, l'amiral PierreFrançois Forissier, il n'est pas nécessaire, eu égard à l'immensité de la zone et aux distances à parcourir, de patrouiller en permanence en mer : « La mer ne s’occupe pas : assurer la souveraineté dans un espace maritime, ce n’est pas la même chose que garder un territoire. Pour assurer notre souveraineté dans ces zones, mieux vaut quelques moyens mobilisables toute l’année plutôt que de nombreux bateaux aux capacités d’action limitées : l’important n’est pas le nombre, mais la présence – il faut montrer le pavillon...». Photo : Guardian de la flotille 25 F. En raison de l'énorme superficie à contrôler, l'avion est aujourd'hui le vecteur essentiel de la surveillance de la ZEE de Polynésie. C'est pourquoi la marine a préféré baser ses avions à Tahiti plutôt qu’en Nouvelle-Calédonie (Marine nationale)
- la Nouvelle-Calédonie devient le principal point d’appui aéroterrestre du théâtre, sous le commandement d'un officier général, commandant supérieur des forces armées de la NouvelleCalédonie (COMSUP FANC). Les FANC ont pour missions, entre autres : de protéger le territoire ; d'assurer des missions de souveraineté essentiellement axées sur la surveillance des pêches et l’action de l’Etat en mer dans les ZEE de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna ; de contribuer à la coopération régionale dans le Pacifique Sud, en coordination avec le commandant supérieur des forces armées en Polynésie française (COM FAPF).
La base navale de Nouméa (Marine nationale)
La frégate de surveillance Prairial au large de Tahiti. Ce type de bâtiment est un outil indispensable pour assurer la souveraineté française dans notre ZEE du Pacifique (Marine nationale)
Moyens navals et aériens stationnés en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour la sauvegarde maritime et l'action de l'Etat en mer, Espaces maritimes sous juridiction française
Longueur du trait de côte (km)
Superficie ZEE (km2)
Polynésie française (Archipels de la Société et des Tuamotu , Îles Gambier et Australes , Marquises) - Pacifique-Nord (Clipperton)
4 502
5 239 000
Nouvelle-Calédonie (Grande Terre, Dépendances, Loyauté) Wallis et Futuna
3 473
1 630 000
7 975 *
6 869 000 *
Total :
Moyens navals et aériens Sauvegarde maritime et action de l'Etat en mer Marine : 1 frégate de surveillance (FS) : Prairial (embarquant 1 hélico. Alouette III ) – 1 patrouilleur de service public : Arago – 1 remorqueur ravitailleur : Revi. 3 avions de surveillance maritime Guardian Falcon 200 (flotille 25F) 2 hélicoptères Dauphin N3 (flotille 35F) Gie.maritime : 1 patrouilleur - Douanes : 1 vedette Marine : 1 frégate de surveillance (FS) : Vendémiaire (embarquant 1 hélico. Alouette III -22S) – 2 patrouilleurs P 400 : La Glorieuse – La Moqueuse - 2 avions de surveillance maritime Guardian Falcon 200 (détachement flotille 25F) - Gie.maritime : 1 vedette (20m) * Sources: SHOM - Extraplac
Nota : Le COMSUP FANC et le COMSUP FAPF disposent également des moyens aériens de l'armée de l'Air : - Nouvelle-Calédonie : détachement air (DETAIR) composé d'un escadron de transport de deux avions de transport tactique Casa 235 (ETOM 0082) - Polynésie française : escadron de transport (ET52) avec deux avions de transport Casa et trois hélicoptères Puma.
La fin des P400 et des BATRAL
La création des ZEE a engendré pour la marine des besoins nouveaux pour l'outre-mer. C'est pourquoi elle a lancé au début des années 1980, le programme des patrouilleurs P400. Dix seront construits, pour entrer en service entre 1986 et 1988. Ensuite, pour remplacer les neuf avisos-escorteurs (le dernier a été désarmé en 1996), le choix s'est porté sur des frégates légères de 2950 T construites aux normes civiles. Six frégates de surveillance (Floréal, Prairial, Nivôse, Ventôse, Vendémiaire et Germinal) entreront en service entre 1992 et 1994. Prépositionnées, ces frégates et les P400 ont assuré pendant des années, avec une grande efficacité, les missions de sauvegarde maritime et d'action de l'Etat en mer, sur l'ensemble de notre ZEE outre-mer. En outre, cinq BATRAL (bâtiments de transport légers) de type amphibie, destinés aux forces de souveraineté outre-mer, ont été construits entre 1973 et 1985, deux étant basés dans le Pacfique (Nouméa et Papeete). A partir de 2009, la marine va être contrainte pour des raisons techniques et budgétaires de désarmer six P400 dont La Railleuse et La Tapageuse qui étaient basés en Polynésie. Quatre restent en service pour une durée limitée, dont La Glorieuse et La Moqueuse en Nouvelle-Calédonie. Des cinq BATRAL, seuls le Dumont d’Urville et le La Grandière, devraient être prolongés jusqu’en 2015 ou 2016. Il n'y a plus de BATRAL dans le Pacifique : le Dumont d’Urville a été redéployé aux Antilles en novembre 2010, tandis que le Jacques Cartier a quitté Nouméa le 19 avril 2013 pour la métropole afin d'y être désarmé.
Photos : prépositionnés, les P400 et les BATRAL ont assuré pendant des années, avec une grande efficacité, les missions de sauvegarde maritime et d'action de l'Etat en mer, sur l'ensemble de notre ZEE Outre-mer. Le patrouilleur La Tapageuse (P 691) a été affecté en Polynésie de 1989 à 2012 - Le BATRAL Dumont d'Urville (L 9032) était basé en Polynésie. Ses spécificités amphibies (voir vue en coupe) en faisaient l'outil privilégié de la coopération interarmées (Marine/Terre) en Polynésie Française. Il travaillait en étroite collaboration avec le RIMaP/P (Régiment d'Infanterie de Marine du Pacifique / Polynésie) et le SMA (Service Militaire Adapté) à l'occasion d'exercices interarmées. Il participait aussi à des missions d'assistance à la population, de service public et de présence dans les archipels polynésiens. Il a également effectué des missions en Nouvelle Calédonie. Le 26 juin 1987, le CC Edouard Guillaud, futur chef d'état-major des armées, en prenait le commandement (Marine nationale).
Un risque de rupture capacitaire... Pour faire face à la réduction de capacité résultant du retrait annoncé du service actif des P400 et des BATRAL vieillissants, la marine a lancé en 2007 un projet de bâtiment de surveillance et d'intervention maritime (BATSIMAR). Il s'agit d'un patrouilleur hauturier endurant déplaçant environ 1000 tonnes, doté d'une grande autonomie lui permettant de rallier rapidement les zones les plus lointaines et d'y rester au minimum une vingtaine de jours. Il doit pouvoir accueillir des commandos et disposer de moyens d'interventions adaptés (hélicoptère, drones, embarcations rapides) pour des opérations de police et des conflits de basse intensité. Ces bâtiments seront équipés d'un système d'armes peu sophistiqué, réduit à un canon de petit calibre et d'un système de détection simplifié afin d'en réduire le coût d'acquisition. En janvier 2009, lors de son audition par le Sénat, l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, tirait la « sonnette d'alarme » en alertant sur le risque de rupture capacitaire (photo : marine nationale). « Pour les missions liées à l’action de l’Etat en mer, la LPM (Loi de programmation militaire) a intégré la proposition de la marine de déclasser ses neuf avisos en patrouilleurs de haute mer qui répondent aux critères de rusticité et d’endurance. Mais cette solution ne permettra pas de prévenir une situation qui risque de devenir préoccupante au cours de la deuxième LPM. Ainsi, si le programme BATSIMAR de patrouilleurs hauturiers n’est pas avancé, nous ne disposerons plus que de 10 patrouilleurs en 2022 pour une cible à 18 unités, pour la métropole et l’Outre-mer. Le format de la flotte d’avions de surveillance maritime subira lui aussi une réduction significative à partir de 2009 pour passer par un minimum de près de 50% (9/18) en seconde LPM. Dans le contexte actuel de montée en puissance des enjeux maritimes, la France doit conserver les moyens de faire respecter sa souveraineté sur ses ZEE qui par leurs superficies la placent au second rang des puissances maritimes... ».
La même année, la commission des affaires étrangères, de la défense et de forces armées du Sénat réaffirmait la nécessité d'engager le programme BATSIMAR, en ces termes : « Pour tenir compte de la nature des missions, des besoins croissants de surveillance et d'intervention dans les ZEE, de la nécessité d'agir souvent loin de nos côtes, le plus en amont possible des menaces et de s'affranchir au mieux des contraintes météorologiques qui limitent l'action des petits bâtiments, la marine a exprimé le besoin d'un bâtiment de haute mer, endurant et autonome , capable d'une vitesse de transit suffisante, apte à accueillir des commandos et à mettre en œuvre les moyens habituels d'intervention (hélicoptère ou drone et d'embarcations)... (http://www.senat.fr/commission/fin/pjlf2009/np/08/082.html)
Depuis 2009, les retraits du service des P400 et des BATRAL se sont succédés sans être compensés par l'arrivée de nouveaux bâtiments. Cette situation entraîne une dégradation du dispositif outre-mer par rapport au niveau retenu par le Livre blanc de 2008. En juillet 2012, devant la commission de la défense nationale du Sénat, l'amiral Bernard Rogel (Photo : Marine nationale), va à son tour alerter la représentation nationale : « Les enjeux du retrait inéluctable des P400, leur remplacement intermédiaire par des B2M (bâtiments multi-missions), et l'arrivée à terme du programme BATSIMAR (Bâtiments de surveillance et d'intervention maritime), nous placent devant un risque de trou capacitaire à un moment où, comme le montre le rapport sur la maritimisation, la préservation de nos intérêts outremer revêt une importance particulière pour l'avenir. La confirmation des programmes B2M et BATSIMAR doit être faite, faute de quoi tout retard sur les programmes aura des conséquences sur les réductions de capacités temporaires. »
Le patrouilleur L'Adroit. Construit sur fonds propres par DCNS, et mis à disposition de la marine en octobre 2011, L'Adroit est un patrouilleur hauturier de type « Gowind », long de 87 mètres. Doté d'une autonomie de 8 000 milles nautiques, il peut rester plus de 3 semaines en haute mer, atteindre une vitesse de 21 nœuds et accueillir un hélicoptère et/ou des drones. Armé par un équipage réduit de 30 personnes, il peut transporter en plus une trentaine de passagers ou des commandos. Depuis, la marine lui a donné l'appellation de patrouilleur de surveillance océanique (PSO) (Photo Marine nationale).
En raison de la rigueur budgétaire imposée par la politique de redressement des finances publiques, le programme BATSIMAR ne verra pas le jour avant l'horizon 2017/2018. Entre-temps, pour combler ce déficit de présence outre-mer et assurer les missions jusque-là assuré par les BATRAL, l'étude d'un programme de bâtiments multimissions (BMM ou B2M) a été lancée . Ce programme prévoit la réalisation d'un navire
de type supply ship dont le premier devrait être mis en service en 2015. D'une longueur comprise entre 60 et 80 mètres pour un déplacement avoisinant les 2000 tonnes, le B2M disposera d'excellentes qualités nautiques (tenue à la mer et manœuvrabilité) et d'endurance adaptées à des missions de longue durée dans des conditions parfois difficiles. Depuis les évènements du 11 septembre 2001, plusieurs pays riverains ont décidé de doter leur marine ou leur force garde-côtes de patrouilleurs extracôtiers de type Offshore Patrol Vessel, dotés de qualités hauturières et d'une plus grande autonomie.
photo : Patrouilleurs du type MOPV (Multipurpose Offshore Patrol Vessel) développés par les chantiers Piriou de Concarneau, lesquels ont signé en novembre 2012 un partenariat avec DCNS (Piriou).
Sans capacité amphibie comme le BATRAL, le B2M disposera néanmoins d'une importante surface modulaire en pontée permettant d'assurer une fonction cargo pour du fret humanitaire ou du matériel antipollution. Il sera équipé d'une grue pour l'embarquement et le débarquement de conteneurs et pourra également déployer des embarcations légères et des plongeurs. Trois bâtiments de ce type devraient être livrés à l'horizon 2015-2016, dont deux pour le Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Polynésie) avec un financement partagé en interministériel. Source : Centre d'études supérieures de la Marine (CESM) –
Le Livre Blanc 2013, sur la défense et la sécurité nationale remis au Chef de l’Etat le lundi 29 avril 2013, souligne concernant l'outre-mer : « Dans un contexte de tension sur l’accès aux ressources, la France doit être en mesure de marquer sa souveraineté et défendre ses intérêts dans les outre-mer... Outre leur importance économique et stratégique, où se trouvent de nombreuses ressources halieutiques, minérales et énergétiques dont l’exploitation constitue et constituera un atout très important pour notre pays, la protection de nos territoires et de leur population exige des réponses adaptées qui tiennent compte à la fois de l’ampleur des risques et menaces... La France restera en mesure de marquer sa souveraineté et de défendre ses intérêts par le maintien d’une forte présence en mer, au travers d’unités assurant les missions militaires et contribuant aux missions interministérielles (patrouilleurs, Bâtiments multi-missions ou « B2M », frégates de surveillance, etc… » (voir encadré). Le Livre Blanc 2013 et l'Outre-mer 1. Les enjeux La France est présente sur tous les océans et sur la plupart des continents, notamment grâce à ses outre-mer. Outre leur importance économique et stratégique, ces territoires permettent à notre pays d’entretenir des relations bilatérales approfondies avec des pays éloignés de l’hexagone et d’être membre ou partenaire de nombreuses organisations régionales, souvent comme seul Etat européen. Cette présence permet à la France de disposer de la deuxième zone économique exclusive après les Etats-Unis – soit 11 millions de km2...où se trouvent de nombreuses ressources halieutiques, minérales et énergétiques dont l’exploitation constitue et constituera un atout très important pour notre pays. De nombreux risques et menaces pèsent sur les territoires ultra-marins : catastrophes naturelles (séismes, cyclones, tsunamis, volcans, etc.), pillage des ressources naturelles (orpaillage clandestin, pêche illégale), narcotrafic, piraterie maritime, etc. Ils affectent directement la sécurité des presque trois millions de nos concitoyens qui vivent dans les outre-mer. La protection de nos territoires et de leur population exige des réponses adaptées qui tiennent compte à la fois de l’ampleur des risques et menaces et des contraintes propres aux outremer, notamment leur éloignement et leur dispersion. 2. Une priorité stratégique réaffirmée : Dans ce contexte, la France restera en mesure de marquer sa souveraineté et de défendre ses intérêts. Elle doit pouvoir surveiller, contrôler et éventuellement agir militairement face à une menace portant atteinte à l’intégrité du territoire national et à la sécurité des populations. Les orientations du Livre blanc de 2008 qui prévoyaient la remontée en puissance des capacités civiles sont confirmées et conduiront à une relance de l’action interministérielle dans ce domaine. La mutualisation des capacités sera prioritairement recherchée et donnera lieu, entre les parties prenantes, à l’élaboration, dès 2013, d’un programme quinquennal d’équipements mutualisés. La défense et la sécurité des outre-mer devront également prendre en compte de façon systématique leur environnement régional... 3. Des moyens d’action renouvelés qui se traduiront : Par la présence effective et réactive de nos forces armées sur l’ensemble des territoires ; Par le maintien de toutes les capacités interarmées (forces terrestres, moyens aériens et navals) associées aux missions de protection et de sécurité: l’exigence de protection des populations d’outre-mer est la même que dans l’hexagone ; Par le maintien d’une forte présence en mer, au travers d’unités assurant les missions militaires et contribuant aux missions interministérielles (patrouilleurs, Bâtiments multi-missions ou «B2M », frégates de surveillance, etc…) ; Enfin, les capacités de projection de forces resteront assurées mais en s’appuyant davantage sur les moyens de l’hexagone.
Dans son discours aux commandeurs prononcé à l'Ecole militaire le 29 avril 2013, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a notamment déclaré : « ...la sécurité maritime s’est affirmée comme un enjeu d’importance croissante depuis 2008. Il concerne les routes maritimes qui supportent des voies d’approvisionnement stratégiques pour l’Europe. Il concerne la préservation des ressources naturelles et halieutiques, mais également la protection de nos territoires outre-mer et l’affirmation de notre souveraineté nationale dans nos zones économiques exclusives. A ce titre, il implique donc des efforts pour maintenir des moyens à la mer et permettre la sécurisation de ces espaces. Il appelle enfin une réactivité de tout l’appareil d’Etat, associant l’Intérieur, la Défense, les Outre-Mer et les Finances ».
CONCLUSION La France dans le Pacifique c'est trois territoires aux statuts différents et un atoll, dont l'ensemble du littoral fait environ 8 000 km, le tout représentant une zone économique exclusive (ZEE) de près de 7 millions de km2. Ce vaste espace maritime donne à la France le statut d’État riverain du Pacifique. En y affirmant sa présence, elle exprime sa volonté de prendre une part active à l’évolution du monde dans la zone stratégique Asie-Pacifique, actuellement en pleine transformation, marquée par un renforcement militaire des États-Unis face à la montée en puissance de la marine chinoise. Elle doit aussi manifester sa détermination d’y défendre ses intérêts. Ce statut privilégié constitue un atout politique, stratégique et économique ; il donne à la France une autorité particulière dans la conduite de sa diplomatie dans une région marquée par l'influence anglo-saxonne. La Nouvelle-Calédonie est en plein essor industriel. Son sous-sol renferme d'énormes ressources en minerais de chrome, de fer, de cobalt, de manganèse, d'argent, d'or, de plomb, de cuivre et 25% des réserves mondiales de nickel. La Polynésie, qui exploite surtout le coprah et pratique la culture perlière, possède une immense réserve halieutique, mais aussi des réserves minières encore inexploitées, ainsi qu'un fort potentiel de développement en matière d'énergies marines renouvelables. Les campagnes scientifiques menées par l'Ifremer dans le Pacifique ces dernières années ont montré que la ZEE française dans cette partie du monde renfermait d'autres richesses qui offrent des perspectives potentielles autour des ressources énergétiques et minérales marines (hydrates de méthane, hydrogène naturel, sulfures hydrothermaux, nodules et encroûtements de manganèse). Ainsi, avec la seule ZEE de Wallis et Futuna, la France disposerait de réserves de terres rares parmi les plus importantes du monde. Les ressources de Clipperton, aujourd'hui essentiellement halieutiques, concerneront peut-être aussi dans le futur l'exploitation des champs de nodules polymétalliques, parmi les plus importants de la planète. Dans ce contexte, on voit toute l'importance des campagnes menées par la France dans le Pacifique, dans le cadre du programme EXTRAPLAC (EXTension Raisonnée du PLAteau Continental).
Les enjeux maritimes de la France dans le Pacifique ont été réaffirmés aussi bien dans le rapport du secrétariat général de la mer (SGMER) de septembre 2010 sur les missions dans les espaces maritimes de l'outre-mer, que dans le rapport de la commission du Sénat sur la maritimisation, en juillet 2012. La marine nationale est le principal acteur de l'action de l'Etat en mer. Dans le Pacifique, elle a la charge de garantir la souveraineté nationale du territoire et sa zone économique exclusive (ZEE), de veiller à la sauvegarde des intérêts nationaux dans la zone maritime en assurant des missions régaliennes (sécurité et sûreté des espaces maritimes, surveillance des pêches, lutte contre les narcotrafiquants, etc.), d'assistance (humanitaire, sauvetage en mer, etc.) et de présence. Les ports autonomes de Papeete et de Nouméa sont vitaux pour l'économie de l'ensemble des territoires français d'Océanie. La France possède dans le Pacifique d'énormes quantités de métaux rares à valeur stratégique. Pour l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine, on doit réagir : « c'est une richesse qu'il nous faut exploiter mais aussi protéger car on ne peut plus aujourd'hui se désintéresser de ce potentiel immense...Si nous ne surveillons pas notre ZEE et ne montrons pas notre pavillon, nous serons pillés ». Aujourd'hui, pour exercer notre souveraineté dans le Pacifique, la marine déploie deux frégates de surveillance, des patrouilleurs, ainsi que des avions de surveillance maritime. Il n'y a plus de BATRAL ; deux P400 vieillissants ont déjà été retirés du service actif, le retrait des deux derniers est programmé. Cette situation n'a pas échappé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, laquelle s'est dite particulièrement préoccupée par l'insuffisance des capacités mises à disposition pour l'outre-mer, d'où sa question : « Peut-on encore réduire un format juste insuffisant ? » Le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale a fixé comme priorité le besoin exprimé par la marine de pouvoir remplacer ses patrouilleurs par des bâtiments de surveillance et d'intervention maritime (BATSIMAR), mais ce programme ne verra pas le jour avant l'horizon 2017/2018. C'est pourquoi, dans l'attente, il est urgent que le programme de bâtiments multimissions (BMM ou B2M) soit engagé sans délai. Selon le chef d'état-major de la marine, tout retard sur les programmes aura des conséquences sur les réductions de capacités temporaires.
Dans le Pacifique, la France doit afficher et soutenir son ambition maritime : « Réduire l’engagement régalien, c’est envoyer un message d’iniquité et d’abandon » (Rapport du Groupe POSÉIDON - décembre 2006) – (Photo DR) Sources : Mindef – Marine nationale (CESM) – SGMER - Sénat – Ambassades de France à Canberra et Wellington - Tahiti infos – Presse polynésienne - Radio Australia – infoguerre.fr - Ifremer : Pierre Cochonat, directeur scientifique adjoint - Yves Fouquet et Denis Lacroix : « Étude prospective à l’horizon 2030 », spécialistes des ressources marines profondes – autres (dans le texte).