Le temps et la Mer

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L’AIR DU TEMPS

La mesure du temps est présente sur “ les navires depuis que la navigation existe ”

Au commencement étaient le temps et la mer…

Propos recueillis par Lormel du Plessis

Photo : DR

Entretien avec CONSTANTIN PÂRVULESCO * commence l’histoire de la relation entre l’horlogerie et la mer ?

La mesure du temps est présente sur les navires depuis que la navigation existe, tout d’abord avec les sabliers, pour mesurer la durée des quarts, puis la vitesse en nœud. Elle ne prendra son essor qu’avec la navigation astronomique proprement dite à la fin du XVIIIe siècle ou une heure précise de référence, en relation avec l’observation de la culmination du Soleil, permet alors enfin de calculer la longitude. La navigation antique se limitait le plus souvent au cabotage ou à une navigation à l’azimut corrigée par l’observation des étoiles adaptée à la Méditerranée, mais absolument inefficace sur les grands océans que les navigateurs commencent a explorer à la suite de Cabot, Colomb, Magellan, Vasco de Gama et tant d’autres.

Chronomètre de marine de Glashütte de la production des années 80 pour la Wolksmarine avant la chute du Mur de Berlin.

■ Outre

la nécessité pour les marins de toujours mieux s’orienter, n’y a-t-il pas déjà, très tôt, derrière cette recherche scientifique et technique, un fort enjeu économique ?

Photo : S.R

Chronomètre de marine de Julien Le Roy en service sur les vaisseaux de la Marine imperiale.

Montre à l’effigie du Kaiser Guillaume II, signée Lange & Söhne, chef d’œuvre de l’horlogerie de luxe allemande des années 1890.

■ Qui

sont les premiers grands horlogers, les premiers « maitres du temps », à s’intéresser aux besoins des marins ?

Photo : A. Lange & Söhne Photo : Collection L. Le Roy

L’enjeu économique et humain est tel que l’amirauté britannique avec le Longitude Act, en 1714, fixera une prime de 20 000 livres, l’équivalent de plusieurs de nos millions d’euros, à qui trouvera le moyen d’une navigation sûre grâce à la détermination de la longitude avec une précision inférieure au demi-degré. En effet, avec l’intensification du trafic maritime intercontinental à la fin du XVIIe siècle, les naufrages, suite à des erreurs d’estime, sont de plus en plus fréquents, des cargaisons sont perdues, l’or des Indes et de l’Amérique, les épices, les porcelaines et les étoffes précieuses sombrent dans les profondeurs. Les navires s’éventrent sur les récifs et les pertes humaines, en raison des équipages de plus en plus nombreux, deviennent préoccupantes. L’amiral Cloudesley Shovell, lui-même, naviguant par temps de brouillard au nord des îles Scilly avec sa flotte, fit naufrage en 1707 et 2 000 hommes périrent en mer.

Tous les horlogers de la fin du XVIIIe siècle vont s’attacher à mettre au point des chronomètres capables de conserver l’heure du port de référence malgré les variations de température et les mouvements du navire. Ce sera George Harrison qui, à la suite de nombreux

Photo : Collection Musée maritime

■ Quand

Astrolabe de navigation portugais signé Nicolas Ruffo vers 1645, découvert dans une épave.

déboires avec l’amirauté, emportera finalement le prix, en 1761, après une vie entière consacrée à la résolution des problèmes de la chronométrie. Thomas Cook puis La Pérouse embarqueront ses chronomètres à leur bord et apporteront la preuve de leur efficacité. Après lui, Graham et Arnold en Angleterre, Leroy, Breguet et Berthoud en France s’attacheront à la mise au point de chronomètres de marine suffisamment précis et surtout reproductibles en manufacture pour subvenir aux >> besoins des marines militaires et commerciales.

* Constantin Pârvulesco

Écrivain voyageur, initié à l’art horloger dans les années 60 par un grand-oncle restaurateur de Breguet à Paris, chroniqueur à La Revue des Montres, Heure Suisse et Hors lignes, Constantin Pârvulesco a publié chez divers éditeurs et en plusieurs langues, plus d’une demi douzaine d’ouvrages sur l’horlogerie dont L’Heure en mer, une histoire de chronomètres (E.T.A.I, 2010), mais aussi sur le monde maritime avec notamment La Belle plaisance (E.T.A.I), Barques de pêches de nos côtes (E.T.A.I), Gondoles symboles de Venise (Éditions du May), ou encore Sauveteurs en mer (Éditions Larivière) consacré à l’histoire de la SNSM.

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MARINE&OCÉANS N° 248 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

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