MARINE & OCÉANS
MARINE &Océans SPECIAL COP21
M
O RA
Océan, le temps de l’action
© Philip Plisson
© FPA2
Entretien SAS Albert II de Monaco Interview HSH Albert II de Monaco
© Marc-Édouard Henry
Ocean, time for action
novembre-octobre-décembre 2015
A
C
L’appel de l’océan pour le climat
50 pages de solutions pour le climat
The ocean’s call for climate
50 pages of climate solutions
ÉDITO LEADING ARTICLE
Agir pour le climat et l’océan Acting for the climate and the ocean par / by Bertrand de Lesquen Rédacteur en chef Editor in chief
À
événement spécial, numéro spécial. Marine & Océans se met à l’heure de la COP21 avec un numéro ambitieux destiné à faire entendre la voix de l’océan lors de cette 21e conférence internationale sur le climat. Quoi de plus naturel pour un titre qui defend regulièrement dans ses colonnes l’étroite interaction existant entre le climat et l’océan ainsi que l’impérieuse nécessité de preserver celui-ci d’une exploitation sans limite, sur le principe qu’économie doit rimer avec écologie.
Ce numéro exceptionnel a été réalisé avec l’association Innovations bleues1, présidée par Catherine Chabaud, dont les objectifs sont la promotion du développement durable des activités maritimes et l’accompagnement de projets d’éco-innovations. Il a également été réalisé en partenariat avec la Plateforme Océan & Climat2 qui regroupe, à ce jour, plus de soixante organisations – environnementales, économiques, internationales… –, toutes mobilisées pour une meilleure prise en compte de l’océan dans les négociations climatiques. Soucieux de dépasser le stade de l’incantation, ce numéro veut, avant tout, ouvrir le temps de l’action. Il donne ainsi la parole aux meilleurs spécialistes de l’océan et offre, en cinquante pages, un formidable aperçu de la mobilisation des acteurs du monde de la mer pour inventer, innover et développer des solutions au service du climat et des océans. Bonne lecture.
1. www.innovations-bleues.org 2. www.ocean-climate.org
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special edition for a special event. To complement the COP21, Marine & Oceans has brought out a far-ranging edition whose purpose is to make the voice of the ocean heard here at this 21st international climate conference. After all, nothing could be more natural than for a title to take this initiative – a title that regularly speaks out in its columns about the close cooperation between the climate and the ocean, and about the pressing need to preserve the ocean from unfettered exploitation based on the principle that the economy needs to work hand in hand with ecological considerations.
A
This special edition has been produced entirely in partnership with the association Innovations bleues [Blue Innovations] headed by Catherine Chabaud. The aim of Innovations bleues is to promote the sustainable development of maritime activities and to support eco-innovative projects1. The edition was also produced in partnership with the Ocean & Climate Platform which now brings together over sixty players in the sea world from France and abroad, all of which have readied themselves to better incorporate the ocean during climactic negotiations2. This edition seeks to go beyond formulaic truisms, and strives above all else to embark upon a time of action. So we are giving the floor to top ocean specialists who will be providing an outstanding overview in these 50 pages of how players in the sea world are ready to invent, innovate and develop solutions at the service of the climate and of the ocean. Enjoy your read. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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Sommaire
Contents
© FPA2
L’éditorial Leading article
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Entretien avec SAS le Prince Albert II de Monaco Interview with HSH Prince Albert II of Monaco
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COMPRENDRE LA COP UNDERSTANDING THE COP
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Entretien avec Irina Bokova, Directrice générale de l’Unesco Interview with Irina Bokova, Unesco general director
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Sailors with commitment
S’ADAPTER ADAPT
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L’URGENCE EMERGENCY
Des marins engagés
© Frédéric Larrey / Cdl
LE RENDEZ-VOUS
BILLET/NOTE par / by Bruno de Beaufort *
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L’océan est un indicateur du réchauffement climatique The ocean is an indicator of climate warming
112
LittOcéan, préparer aux effets du réchauffement climatique Preparing for the effects of the global warming
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Océan et climat : un couple indissociable ? Ocean and climate: an inseparable couple?
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Le Conservatoire du littoral Coastal Protection Agency
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Désoxygénation de l’océan Ocean deoxygenation
116
LiCCo, accompagner les populations côtières Supporting coastal populations
30
Un océan sous pression An ocean under pressure
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Par / by Frédérick Herpers
Par / by Jean Jouzel
Par / by Odile Gauthier
Par / by Françoise Gaill
Par / by Lisa Levin
Par / by Julie Pagny
La reconnaissance de la relation océan-climat doit être un objectif majeur de la COP21. Tout comme l’urgente nécessité de préserver la biodiversité et les ressources marines. En 2014, la seule Marine nationale française a dressé près de 1 800 procès-verbaux pour pêche illégale et pollution. On imagine l’ampleur du problème au niveau planétaire. De tous temps, les officiers de réserve de la Marine nationale se sont impliqués dans la connaissance et la préservation des océans, du Commandant Charcot au Prince Albert II (qui fut Enseigne de vaisseau à bord de la Jeanne d’Arc), en passant par Yves la Prairie, fondateur en 1967 du CNEXO, ancêtre de l’Ifremer. Ce numéro de Marine & Océans, édité par leur association nationale1, ■ témoigne une nouvelle fois de leur engagement.
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION 44
Le défi des aires marines protégées The challenge of marine protected areas
52
Torsten Thiele, l’urgence d’un financement bleu Torsten Thiele, the urgency of a blue financing
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Pêche et aquaculture marine Fishing and marine aquaculture
38 © Tara Expéditions
DR
Par / by Nathalie de Pompignan
Par / by Christophe Lefebvre
Par / by Josh Stride
CONNAÎTRE KNOWING
© Innovations bleues
Par / by Raphaëla le Gouvello
58
Entretien avec Isabelle Autissier Interview with Isabelle Autissier
62
Shipping, relever le défi du changement climatique Shipping, addressing the challenge of climate change
118
Tara Expéditions, la science de la transmission The science of knowledge transmission
66
Comprendre davantage le couple océan-climat Understanding more about the ocean-climate coupling
120
Entretien avec Éric Karsenti Interview with Éric Karsenti
70
La Marine contribue aussi à défendre l’océan The Navy also defends the ocean
122
Programme Argo, le déploiement de 4 000 sentinelles du climat Argo Program, The deployment of 4 000 climate sentinels
Par / by Éric Banel
Par / by Romain Troublé
Par / by Frédéric Moncany
38
Nous sommes tous une part de la solution We are all a part of the solution
Par / by Bernard Rogel
72
Par / by Catherine Chabaud
118
Travailler ensemble pour le climat et l’océan ! Working together for the climate and the ocean!
Par / by Vladimir Ryabinin
Par / by Francis Vallat
124
OceanoScientific, Servir la connaissance de l’océan et du climat Serving the understanding of the ocean and climate
126
L’espace au service des océans et du climat Space helping the oceans and climate
Par / by Yvan Griboval
78 ÉNERGIE ENERGY
86 NAVIRES DU FUTUR SHIPS OF THE FUTURE
96 PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
75
Par / by Isabelle Duvaux-Bechon
42 57 61 130 50
DR
© L. Ballesta / Andromède Océanologie
© Crain
© Pôle Mer-Atlantique
50 PAGES DE SOLUTIONS POUR LE CLIMAT 50 PAGES OF CLIMATE SOLUTIONS
106 VILLES ET LITTORAUX CITIES AND COASTS
Recognising the relationship between the ocean and the climate should be a major objective of the COP21. So should be the urgent need to preserve biodiversity and marine resources. In 2014, the french navy alone brought more than 1 800 prosecutions for illegal fishing and pollution. You can imagine the size of the problem at world level. The Reserve Officers of the french navy have always been involved in gaining understanding of the oceans and helping to conserve them, from Commandant Charcot to Prince Albert II (who was a midshipman on board the Jeanne d’Arc), and including Yves la Prairie, founder in 1967 of CNEXO, the forerunner of Ifremer. This edition of Marine & Océans, published by their national association1, shows once more the extent of their commitment. ■ * Président de l’Association des officiers de réserve de la Marine nationale. President of the Reserve Officers Association of the french navy. 1. www.acoram.fr
29
L’OCÉAN, LE SAVIEZ-VOUS ? THE OCEAN, DID YOU KNOW?
34
PLAIDOYER POUR LE CLIMAT POLICY RECOMMANDATIONS
48
LES AIRES MARINES PROTÉGÉES PROTECTED MARINE AREAS
SA ©E
ARTICLE PAR / BY DOROTHÉE HERR TRIBUNE / COLUMN PAR / BY JEAN-LOUP VELUT FOCUS PAR / BY JEAN-FRANÇOIS MINSTER MOBILISATION / MOBILIZATION: SURFRIDER CAMPUS TOUR 21 COMMUNIQUÉ / STATEMENT BLANCPAIN OCEAN COMMITMENT
128
PORTFOLIO LE MV YERSIN THE MV YERSIN PHOTO SHOOT
MARINE & OCÉANS. Revue trimestrielle éditée par l’Association des Officiers de réserve de la Marine nationale. Adresse : 86 rue d’Amsterdam - 75009 Paris. Tél. : 01 40 16 25 45. E-mail : siege@acoram.fr - site internet : www.acoram.fr - CCP : n° 1042 84 H Paris. Directeur de la publication : CV (H) Bruno de Beaufort. Rédacteur en chef : CF (R) Bertrand de Lesquen. Rédacteur en chef adjoint : CV (H) Christian Le Borgne. Ont collaboré à ce numéro : Catherine Chabaud, JeanRonan Le Pen, Allyson Noll, Pascal Cognet et tous les signataires des articles publiés que la rédaction de Marine & Océans remercie chaleureusement. E-mail de la rédaction : dominique.desgrais@acoram.fr. Rédaction graphiste : Guillaume Gaidot (guillaume@cyclope.net), Nicolas Lemay. Publicité : Cithéa communication (www.citheacommunication.fr). Commission paritaire : n° 1114 G 86 639. ISSN : 2262 - 2012. Impression : Imprimerie de Compiègne. ABONNEMENT annuel (4 numéros) – Métropole / Dom-Tom / Étranger : 38 € / 45 € / 53 €. ABONNEMENT bisannuel (8 numéros) – Métropole / Dom-Tom / Étranger : 72 € / 86 € / 102 €. ABONNEMENT annuel (4 numéros) PDF : 20 €. Lecture en PDF au numéro : 5 € . COTISATION ACORAM Membres actifs et associés : cotisation « normale » / « donateur » / « bienfaiteur » : 40 € / 80 € / 200 € . Ce numéro est accompagné de 16 pages spéciales posées sur la 4 e de couverture.
COP21 PARIS 2015
“Nous devons protéger l’océan comme si nos vies en dépendaient – et c’est précisément le cas” “ We must protect the ocean as if our lives depend upon it – because they do ” Sylvia Earle Ambassadrice de l’Appel de l’océan pour le climat Ambassador of the Ocean’s call for climate www.ocean-climate.org
Fishermen off the coast of Tuléar in Madagascar. Photo : Philip Plisson.
© Philip Plisson
Pêcheurs au large de Tuléar (Madagascar).
LE RENDEZ-VOUS
COP21 PARIS 2015 tenaires monégasques, de plusieurs initiatives sur l’acidification de l’océan et le développement des aires marines protégées. Dans le cadre de la préparation de la COP21, le Gouvernement de Monaco a adopté l’objectif ambitieux de réduire de 50% en 2030, par rapport à 1990, les émissions de la Principauté. Ma Fondation s’est également engagée très activement, aux côtés de nombreux autres acteurs, dans la Plateforme Océan & Climat 2 , pour que l’océan soit pris en compte dans le futur régime climatique.
Interview with HSH Prince Albert II of Monaco
© FPA2
■ Pourquoi l’océan n’a-t-
“Je me réjouis de la prise de conscience, au niveau international, des services rendus par l’océan ” “I am delighted to see a heightened awareness at international level of what the ocean does for us ” Propos recueillis par / Interview by Catherine Chabaud
La Principauté de Monaco a pris le leadership sur l’environnement en général et l’océan en particulier et aujourd’hui encore dans le cadre de la COP21. Pourquoi et à quelles fins ? L’intérêt de la Principauté pour les questions envi-
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ronnementales et pour l’océan est inscrit dans son histoire. Ma Fondation 1 s’investit depuis bientôt dix ans sur les enjeux liés aux changements climatiques et à la biodiversité. À titre d’exemple, elle est à l’origine, avec d’autres par-
Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
The Principality of Monaco has sought to take the lead on the issue of the environment in general and the ocean in particular, and again today as part of the COP21.Why, and to what end? The Principality’s inter-
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est in environmental issues and the ocean is written in its history. My Foundation1 has been investing in issues related to climate change and biodiversity for nearly ten years. By way of example, the Foundation is at the origin –
il jamais été intégré dans les négociations ? Est-ce possible à terme et plus largement, qu’attendezvous de la COP21 ? Le plus important à la COP21 – y compris en termes d’impacts pour l’océan – est que les États parviennent à un accord permettant de réduire les émissions pour limiter le réchauffement en deçà des deux degrés d’ici la fin du siècle. Mais il y a effectivement un paradoxe concernant l’océan : alors qu’il joue un rôle majeur dans la machine climatique, les discussions au sein de la Conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) n’ont jusqu’ici quasiment pas abordé les enjeux qui y sont liés. Il n’était pas prévu, à l’origine, que la CCNUCC ait une approche sectorielle, et si les forêts font exception, l’océan et sa gouvernance souffrent d’être, pour la plus grande part,
« hors des juridictions nationales ». Cela ne facilite pas les choses. Il y a cependant, depuis un an, quelques bonnes nouvelles avec la réouverture des négociations sur le droit de la mer et tout récemment, l’adoption, par les Nations unies, de l’Objectif de développement durable 14 sur les océans, les mers et les ressources marines. Je me réjouis de constater une prise de conscience, au niveau international, des services rendus par l’océan, qu’ils soient climatiques, écosystémiques ou économiques. ■ Vous avez demandé au GIEC, début 2015, un rapport spécial sur l’océan. Pourquoi et qu’advientil de cette démarche ? Je suis, depuis toujours, passionné par les sciences du climat et de l’océan et j’ai l’occasion de rencontrer de nombreux scientifiques. En matière
along with other Monacan partners – of several initiatives on the acidification of the ocean and the development of protected marine areas. As part of the preparations for the COP21, the Government of Monaco adopted the ambitious target of reducing the Principality’s emissions by 50% in 2030, compared to 1990 figures. My Foundation is also very actively committed to the Ocean & Climate Platform 2 alongside many other players, which ensures that the ocean is incorporated into the future climate regime. Le Prince Albert II : un acteur clé dans la préservation de l’environnement. Prince Albert II, a key player in environmental preservation.
■ Why has the ocean never been a part of the negotiations? Is this possible eventually and more broadly speaking, and what you are expecting from the COP21? The most important thing
about the COP21 – including considerations of impacts on the ocean – is that States come to an agreement that enables emissions to be reduced in order to limit the warming to under two degrees by the end of the century. But actually as far as the ocean is concerned, there is a paradox: while the ocean plays a major role in the climate machinery, discussions within the UN Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) have up to now not dealt with the issues that relate to it at all. It was not originally anticipated that the UNFCCC would have a sectorial perspective. Forests are an exception, but the ocean and how it is managed are, for the most part, “outside national jurisdictions”.This does not make things easy. However there has over the past >>
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Entretien avec SAS le Prince Albert II de Monaco
Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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LE RENDEZ-VOUS
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year been some good news regarding the opening of negotiations on the law of the seas, and very recently the United Nations adopted the Sustainable Development Goal 14 on the oceans, the seas and on marine resources. I am delighted to see a heightened awareness of what the ocean does for us – be it in terms of climate, eco-systems or economic benefits.
>> environementale et climatique en particulier, je suis convaincu que les décisions doivent être prises sur des fondements scientifiques solides. C’est une des raisons pour lesquelles ma Fondation s’est rapprochée du GIEC avec qui elle a noué un partenariat destiné à soutenir financièrement son programme de bourses pour les jeunes chercheurs. Les réflexions conduites depuis un an sur les liens entre l’océan et le climat m’ont amené à proposer au GIEC la production d’un rapport spécial sur l’océan. Ce rapport devrait permettre de dresser un état des connaissances sur les interactions entre l’océan et le climat. Il devrait également donner des perspectives et une analyse des solutions en termes d’adaptation et d’atténuation pour les régions côtières les plus vulnérables aux changements climatiques, les États insulaires en particulier. Cela devrait permettre de souligner le rôle majeur joué par les écosystèmes marins dans la captation du carbone. La demande, formellement déposée par le gou-
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vernement de la Principauté, a été examinée une première fois en session plénière du GIEC,en février 2015. ■ Comment
cette initiative est-elle accueillie par les experts du climat et par les États ? Est-elle reprise ? Plusieurs pays ont fait preuve d’un intérêt manifeste pour cette proposition et je me réjouis de voir que parmi la vingtaine de propositions de rapports spéciaux soumise au GIEC depuis celle de Monaco, plusieurs concernent également l’océan et les régions côtières. Il reste, sans doute,un travail à mener pour faire la synthèse de plusieurs propositions. J’ai d’ailleurs proposé au GIEC d’accueillir, à Monaco, une réunion d’experts pour préciser les attendus et le périmètre de ce rapport. Une décision devrait être prise lors de la prochaine session du GIEC, en avril 2016. Je suis convaincu que la publication par le GIEC d’un tel rapport est attendue par de très nombreux pays et experts ■ du climat.
Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
Avec Benard Fautrier, vicePrésident de la Fondation Prince Albert II. With Benard Fautrier, Vice-President of the Prince Albert II Foundation.
In early 2015 you asked the IPCC for a special report on the ocean.What is the reason for this, and what was the outcome of this initiative? I have always been passionate about climate and ocean sciences, and I am lucky enough to meet with many scientific people. As far as the environment and the climate in particular are concerned, I am convinced that decisions need to be taken that are based on solid scientific foundations. This is one of the reasons why my Foundation approached the IPCC, with whom it has forged a partnership with the aim of providing financial support for a scholarship programme for young researchers. A lot of thought has gone into the links between the ocean and the climate for years now, and this is what led me to ask for the IPCC to produce a special report on the ocean. This report is an opportunity to identify
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the knowledge we have on how the ocean and the climate interact. It should also give a perspective on and an analysis of the solutions in terms of adaptation and alleviation measures for the coastal regions that are most vulnerable to climate change, especially island states. The request that was formally submitted by the Government of the Principality was examined for a first time at a plenary session of the IPCC in February 2015. How was this initiative received by climate experts and by the States? Has it been taken up? Several countries have demonstrated a clear interest in the proposal, and I am pleased to see that among the twenty or so proposals of special reports submitted to the IPCC since Monaco’s, there are several that also relate to the ocean and to the coastal regions. Of course, there remains work to do in collating a summary of the various proposals, and in fact I have proposed to the IPCC that a meeting of experts be hosted in Monaco to set out the report’s expectations and scope. A decision is expected to be taken during the next IPCC session in April 2016. I am convinced that the IPCC’s publication of such a report is awaited by very many countries and climate experts. ■
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1. Fondation Prince Albert II de Monaco – Prince Albert II of Monaco Foundation – www.fpa2.com. 2. www.ocean-climate.org.
LE RENDEZ-VOUS
COP21 PARIS 2015
Comprendre la Conférence des Parties (COP)
Understanding the Conference of the Parties (COP)
Parties Les États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée en 1992 au Sommet de la terre, à Rio (Brésil) entrée en vigueur en 1994. Suite au premier rapport du GIEC en 1990, elle a officiellement reconnu l’existence du dérèglement climatique et sa responsabilité humaine.
2020, pour permettre aux pays en développement de faire face au dérèglement climatique dans le cadre d’un Fonds vert pour le climat. Selon un rapport de l’OCDE et du think tank Climate Policy Initiative publié le 7 octobre 2015, 62 milliards de dollars avaient été mobilisés, en 2014, par les pays développés les rapprochant de l’objectif fixé de 100 milliards par an d’ici 2020.
Parties The signatory states to the UN Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), adopted in 1992 at the Earth Summit in Rio (Brazil), which came into force in 1994. Coming in the wake of the IPCC’s first report in 1990, this formally recognised the existence of climate disruption and the fact that humans were responsible for it.
year by 2020 to enables developing countries to deal with climate disruption as part of a Green fund for the climate. According to the OECD report and the Climate Policy Initiative that came out on 7th October 2015, 62 million dollars was set aside in 2014 by developed countries, bringing them closer to the fixed objective of 100 million dollars a year by 2020.
GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il est chargé de procéder, à intervalles réguliers, à une évaluation de l’état des connaissances sur les changements climatiques. Devant l’absence d’une prise en compte significative de l’Océan lors des précédentes COP, un Rapport spécial sur les Océans a été demandé au GIEC, à l’initiative notamment de la principauté de Monaco.
Préparation Les délégués des 195 pays parties à la CCNUCC se sont réunis cinq fois depuis février 2015 finalisant, le 23 octobre 2015, à Bonn (Allemagne), le texte appelé à être soumis au vote à Paris, en décembre 2015.
IPCC Inter-governmental Panel on Climate created in 1988 by the World Meteorological Organisation (WMO) and the United Nations Environment Programme (UNEP). Its task is to evaluate what we know about climate change at regular intervals. Given the absence of any meaningful consideration of the role of the ocean during previous COP events, a Special Report on the oceans was requested from the IPCC at the initiative of various bodies, in particular from the Principality of Monaco.
Preparation Delegates from 195 countries to the UNFCCC have met five times since February 2015, and on 23rd October 2015 in Bonn (Germany) the text that was to be submitted to a vote in Paris in December 2015 was finalised.
Participants 195 pays, plus l’Union européenne, signataires de la CCNUCC. L’objectif Un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous, pour maintenir d’ici 2100 le réchauffement climatique en-dessous de 2° C. Financement En 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an, d’ici
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
Quel accord ? L’Accord de Paris devra être juridiquement contraignant (le premier du genre) pour l’ensemble des pays signataires et applicable dès 2020. Il devra également prévoir un mécanisme de révision périodique, idéalement tous les cinq ans, pour relever l’ambition de chacun et améliorer progressivement la trajectoire collective. Contributions nationales À la veille de la COP21, l’étude par la CCNUCC de 146 « contributions nationales » – les feuilles de route des États annonçant leur politique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) – plaçait le monde en 2030 sur une trajectoire menant à un réchauffement entre 2,7° C et 3,5° C d’ici 2100 (contre 4,5° C à 6° C actuellement).
Participants 195 countries plus the European Union, signatories to the UNFCCC. The Objective A new international climate agreement that applies to all to maintain climate warming to below 2° C by 2100. Financing In 2009, developed countries committed themselves to earmarking 100 million dollars a
What agreement? The Paris Agreement – Accord de Paris – is to be legally binding (the first of its kind) for all signatory countries and applicable from 2020 onwards. It is also to set out a periodical revision mechanism, ideally every five years, to assess the goals of each party and to progressively improve the collective trajectory. National contributions On the eve of the COP21, the UNFCCC study of 146 “national contributions” – the roadmaps of the States that have announced their greenhouse gas emission reduction policy – put the world on a trajectory that would lead to a warming in 2030 of between 2.7° C and 3.5° C by 2100 (as against the present 4.5° C to 6° C).
Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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LE RENDEZ-VOUS
COP21 PARIS 2015
Entretien avec Irina Bokova
© Unesco
Interview with Irina Bokova
gouvernementale (COI) pour éliminer l’écart entre les connaissances scientifiques, qui signalent le besoin d’intégrer l’océan aux négociations climatiques et le manque de visibilité de l’océan dans un agenda « changement climatique » déjà très chargé. Il faut noter que l’objectif est plus large qu’une simple reconnaissance de l’interaction entre océan et climat dans le texte qui émanera éventuellement de la COP. Il faut que l’océan soit effectivement reconnu comme une priorité politique à travers, par exemple, son insertion dans des mécanismes de financement pour le changement climatique.
Directrice générale de l’Unesco Unesco general director
“L’océan doit être reconnu comme une priorité politique ” “The ocean must be recognised as a political priority ” Propos recueillis par / Interview by Erwan Sterenn ■ « La pérennité de la planète dépend de la santé de l’océan » avezvous déclaré. Est-ce compatible avec la faible visibilité donnée à ce même océan lors de cette COP21 ? L’importance de l’océan pour la planète est incontestable, comme le souligne la communauté scientifique de façon una-
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nime, et notamment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La sensibilisation des décideurs et du grand public sur les liens étroits entre l’océan et le climat est pourtant loin d’être achevée. L’Unesco se mobilise à travers sa Commission océanographique inter-
Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
■ “The continued existence of the planet is dependent on the health of the ocean”, you have declared. Is this compatible with the poor visibility granted to this same ocean during this COP21? The importance of the ocean to the planet is undeniable - as has been
unanimously emphasised by the scientific community, in particular the inter-governmental panel on climate change the IPCC. And yet we are a long way from achieving awareness of this among decisionmakers and the general public. Through its Intergovernmental Oceanographic Commission
■ Comment l’Unesco participe-t-elle à la reconnaissance et à la préservation de l’océan ? L’Unesco travaille dans trois directions : soutenir la recherche, favoriser le dialogue entre scientifiques et politiques, informer le grand public. La COI / Unesco représente une interface indispensable entre la communauté scientifique et les décideurs politiques pour accélérer la mobilisation de la communauté internationale dans la mise en commun du meilleur niveau de connaissance sur le rôle de l’océan dans le système climatique et ce, afin de mieux informer les États membres, les décideurs et les organisations internationales. Elle prépare ainsi le terrain pour le développement de politiques publiques efficaces d’atténuation et d’adap-
tation aux conséquences du changement climatique. La COI / Unesco met l’accent sur les conséquences les plus néfastes, telles que l’acidification des océans et l’augmentation de la température, entraînant le blanchissement des coraux, l’élévation du niveau de la mer, la désoxygénation, les variations des tempêtes et les changements dans la biodiversité marine. La CIO / Unesco joue également un rôle d’information et de sensibilisation auprès du grand public sur le rôle de l’océan dans la machine climatique. Il est en effet important de trouver des moyens d’informer les citoyens, et de communiquer d’une façon simple les résultats des connaissances scientifiques dans ces domaines comme ce fut le cas lors de la Journée mondiale de l’océan célébrée le 8 juin dernier à l’Unesco à son initiative avec la Plateforme Océan & Climat. ■ Quelle action mène l’Unesco dans le domaine éducatif ? L’Unesco, à travers la COI / Unesco, a récemment rejoint Ocean literacy, une campagne mondiale pour la promotion de l’alphabétisation sur l’océan. Ce terme désigne la compréhension de notre influence sur l’océan et de l’influence que l’océan a sur nous, sur nos vies. Un exemple d’activité en cours de développement est la création d’écoles bleues. Dans les écoles bleues,la mer et les questions maritimes sont
(IOC), Unesco is readying itself to eliminate the discrepancy between scientific knowledge – which flags up the need to integrate the ocean into climate-related negotiations – and the lack of any visibility of the ocean within an already heavily laden “climate change” agenda. It is worth noting that the aim is broader in scope than just achieving a recognition of the interaction that takes place between the ocean and the climate in the texts that might be drawn up following the COP. The ocean absolutely must be effectively recognised as a political priority through, for example, its involvement in the finance mechanisms for climate change. ■ How does Unesco participate in the recognition and preservation of the ocean? Unesco works in three ways: it supports research, it encourages dialogue between scientific and political bodies, and it provides information to the general public. The IOC / Unesco represents a crucial interface between the ocean community and political decisionmakers towards accelerating the mobilisation of the international community to a common acceptance of better levels of recognition on the role played by the ocean in the climate system, all with a view to better inform member States, decision-makers and international organisations. The organisation
thereby prepares the terrain for the development of effective public policies towards alleviating and adapting to the consequences of climate change.The IOC / Unesco places an emphasis on the most harmful consequences of climate change such as the acidification of the oceans and the increases in temperature that results in coral bleaching, higher sea levels, de-oxygenation, variations in storm patterns and changes in marine bio-diversity. IOC / Unesco also plays the role of informer and awareness-raising agent among the general public on the role of the ocean in climate change processes. It is really important to find a way to inform citizens and to communicate to them the facts and figures of scientific findings in an easy way in these domains, as was the case on World Oceans Day that Unesco celebrated on 8th June with its Ocean & Climate Platform initiative. ■ What action has Unesco taken as far as education is concerned? Unesco recently became part of Ocean Literacy via the IOC / Unesco. This is a global campaign that promotes what is referred to as the alphabetisation of the ocean, or you might call it the “3 Rs” (Reading wRiting and aRithmetic). This term refers to the understanding we have of our influence on the ocean and the influence that the ocean has on us and >>
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>> les principales références des programmes éducatifs qui incluent explicitement les multiples dimensions de la mer : biologique, physique, géologique, économiques, historiques et géographiques. L’apprentissage de la mer dans ces classes est également expérimental, créatif et repose sur un travail en équipe. Comment l’Unesco agit-elle pour favoriser l’engagement des États ? Afin de promouvoir l’engagement des États, la COI/Unesco est a la pointe de la formulation de nouvelles priorités de recherche liées aux impacts du changement climatique sur les océans, à l’atténuation de ce dernier par la conservation et la restauration des écosystèmes côtiers et marins tels que les mangroves et les marais salants surnommés carbone bleu, et à la contribution mondiale de l’océan au développement durable par la transition vers une économie bleue. La COI / Unesco est très consciente du fait que l’avancement de l’agenda mondial de l’océan et du climat ne sera possible sans le soutien total de toutes les parties prenantes. Aussi, pour mobiliser les États et provoquer une prise de conscience des acteurs engagés dans les négociations sur le climat, un Appel a été lancé à l’issue de la Journée mondiale de l’océan, le 8 juin dernier au siège de l’Organisation. Les signataires (ONG, représentants du secteur privé, scientifiques), réunis au ■
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sein de la Plateforme Océan & Climat, mettent en avant la protection des écosystèmes marins, au regard des solutions qu’ils apportent comme de leur capacité naturelle à stocker le CO2. La Journée Ocean Day at COP21,organisée par la COI/Unesco et le Forum Mondial des Océans,le 4 décembre, au Bourget, sera l’occasion de faire le point sur l’engagement des États vers la mise en œuvre de ces solutions bleues. En quoi cette 21 e Conférence des Parties est-elle plus cruciale que la 20e ou que la 22e qui se tiendra au Maroc ? Cette 21e Conférence des Parties marque l’aboutissement d’environ quatre années de négociations pour établir un consensus global sur l’action contre le changement climatique, notamment après l’échec de la COP15 à Copenhague. Nous avons donc ici une occasion exceptionnelle de reprendre l’élan politique autour d’objectifs à la fois ambitieux et vraisemblables, dans un document cadre qui pourra assurer leur mise en œuvre efficace et rapide.Avec tout l’effort politique et logistique qui a été concentré sur le processus menant à la COP21, un échec viendrait reporter de plusieurs années la possibilité d’un accord de cette ampleur. Les conséquences de ce nouvel échec seraient bien plus lourdes car le temps joue en notre défaveur. Mais, fort heureusement, les gouvernements de nom■
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on our lives. An example of the activity that we are in the process of developing is the creation of so-called “Blue Schools”. Here in these Blue Schools, the sea and maritime issues are the main points of reference of educational programmes that explicitly incorporate multiple aspects of the sea: biology, physics, geology, economy, history and geography. The learning process about the sea in these classes is both experiment-based and creative, and makes use of teamwork. In what way does Unesco work to encourage State involvement? In order to promote State involvement, the IOC / Unesco is just now formulating new research priorities linked to the impact of climate change on oceans and the alleviation of these consequences through the conservation and restoration of coastal and marine eco-systems such as mangroves and salt marshes, that are referred to as blue carbon, as well as to the ocean’s global contribution to sustainable development through a transition towards a blue economy. The IOC / Unesco is very much aware of the fact that progress in the world ocean and climate agenda cannot be made without the full support of all stakeholders. In addition to this, in order to mobilise States and bring about a greater awareness among those ■
involved in climate negotiations, a Call was launched at the end of the World Ocean Day on 8th June at the Organisation’s main office. The signatories (NGOs that represent the private sector, and scientific entities) came together during the Ocean & Climate Platform to draw attention to the protection of marine ecosystems in relation to the solutions they provide, such as their natural capacity for storing CO2. The Ocean Day at COP21 organised by the IOC/Unesco and the World Oceans Forum on 4th December at Le Bourget outside Paris will be a chance to put the finishing touches to State-level commitment towards implementing these blue solutions. In what respect is this 21st Conference among the various parties more vital than the 20th, or the 22nd that will be held in Morocco? This 21st Conference of the parties involved marks the outcome of about four years of negotiations to establish a global consensus on the action to be taken to combat climate change, particularly in the wake of the failure of the COP15 at Copenhagen. So here we have a fantastic chance to pick up once again the political drive centred on objectives that are both ambitious and realistic, using a framework document that could make sure this happens effectively and rapidly. Given all of ■
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LE RENDEZ-VOUS
“Il est encore temps d’éviter les pires impacts du changement climatique ”
“ There is still time to avoid the worst impacts of climate change ” breux pays ont reconnu l’importance de régler cette crise et il est important de souligner que le changement climatique, en tant que priorité la plus importante à être abordée à travers des actions communes et concertées par les sociétés à travers le monde, a fait l’objet de nombreuses déclarations formelles. Le besoin de passer à une économie sobre en carbone est largement reconnu, tout comme la nécessité urgente de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. En effet, si les
réductions nécessaires ne sont pas atteintes, ou le sont trop tard, l’accent devra être mis sur les mesures d’adaptation afin de contrecarrer les conséquences climatiques de ces émissions et assurer le bien-être et la sécurité des populations dans les régions côtières, le maintien des services écosystémiques, des échanges commerciaux, et la protection des biens. Si les mesures d’atténuation et d’adaptation fortes sont prises maintenant, il est encore temps d’éviter les pires impacts du changement climatique. ■
En savoir + / Learn more at
www.fr.unesco.org
L’Unesco travaille à enseigner l’Océan aux enfants. Unesco is working to teach children the ocean.
the political and logistical work that has gone into the process leading up to COP21, a failure would delay the chance of an agreement of this magnitude by several years. The consequences of a further failure would be much more significant, as we do not have time on our side. But happily, the governments of many countries have recognised the importance of dealing with this crisis, and it is important to highlight that climate change has been the subject of a number of formal declarations, being the highest priority to be tackled through joint and concerted action by societies across the globe. The need to
switch to a low-carbon economy is widely acknowledged, likewise the urgent need to reduce global emissions of greenhouse gases. Actually, if the required reductions are not achieved or happen too late, then the emphasis will need to be on adaption measures in order to counteract the climate consequences of these emissions and safeguard the well-being and safety of populations in coastal regions, the maintenance of eco-system services, commercial transactions and protection of assets. Provided powerful alleviation and adaption measures are taken now, we still have time to avoid the worst impacts of climate change. ■
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© Philip Plisson
L’URGENCE EMERGENCY
L’océan est un indicateur sans appel du réchauffement climatique The ocean is a definitive indicator of climate warming par / by Jean Jouzel
Directeur de recherches au CEA, Jean Jouzel a contribué aux rapports du GIEC depuis 1994, au titre d’auteur principal puis, de 2002 à 2015, comme vice-président de son groupe scientifique. Médaille d’or du CNRS en 2002, il a, en 2012, reçu le prix Vetlesen considéré comme le « Nobel des Sciences de la Terre et de l’Univers ». Jean Jouzel is Research Director at the French Alternative Energies and Atomic Energy Commission the CEA, and has been contributing to IPCC reports since 1994 in the capacity of principal author and then, from 2002 to 2015, as Vice-President of his scientific group. In 2002 he was the winner of the CNRS gold medal and in 2012 he was awarded the Vetlesen prize that is considered to be the “Nobel of Earth and Universe Sciences”.
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aléoclimatologue, intéressé par l’étude des périodes glaciaires et interglaciaires qui ont ponctué le dernier million d’années et par leur reconstruction à partir de l’analyse des glaces polaires, j’ai été naturellement conduit à interagir avec mes collègues paléocéanographes et à apprécier le rôle essentiel de l’océan à ces échelles de temps. Tout au long de ma carrière, j’ai eu le plaisir de côtoyer des océanographes et des spécialistes de la modélisation de l’océan. Mais c’est aussi à travers les rapports successifs du GIEC que j’ai pris conscience de ce rôle clé de l’océan et de la façon dont il sera affecté par le réchauffement climatique. Ces aspects y sont abordés dans différents chapitres tout au long des volumes issus des trois groupes de travail et des documents de synthèse mais (et je comprends que le reproche en soit fait) sans que ne se dégage une véritable vision de ce rôle de l’océan que permettrait la publication d’un rapport spécial qui y serait dédié. J’aimerais
s a paleo-climatologist, I take a great interest in studying the glacial and inter-glacial periods that have punctuated the last million years and in reconstructing these eras working from the analysis of polar ice. Naturally enough, this has led to me interact with my paleo-oceanographic colleagues and in coming to understand the vital role played by the ocean during these time scales. Throughout my career I have had the pleasure of working alongside oceanographers and people that specialise in ocean-modelling. But it is also through the successive reports of the IPCC that I have become aware of the key role played by the ocean, and the way in which the ocean is affected by climate warming. These aspects are considered in three different sections of the volumes that have been written by the three working groups, along with the summary documents. However (and I realise that there have been criticisms of this) no real vision of the ocean’s role >>
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L’URGENCE EMERGENCY
L’accroissement de l’effet de serre lié aux activités humaines se traduit par une augmentation de la chaleur dont disposent les différentes composantes du système climatique. De cette chaleur supplémentaire, seul 1% est utilisé par l’atmosphère tandis que 93% vont dans l’océan ; les 6% restants sont, à part égale, utilisés par la cryosphère et les interfaces continentales. Résultat, l’océan est un indicateur sans appel du réchauffement climatique, plus précisément la hausse du niveau des mers à un rythme annuel voisin de 3mm. Elle est, pour l’essentiel, due à la dilatation provoquée par le réchauffement de l’océan, et à la fonte des glaciers et des calottes du Groenland et de l’Antarctique. C’est un des arguments que j’utilise lorsque je cherche à convaincre les climato-sceptiques que le réchauffement ne s’est pas arrêté. La fonte du Groenland En matière d’élévation du niveau de la mer, les données du passé nous interrogent. Au dernier interglaciaire, il y a 125 000 ans, celui-ci était de 6 à 10 mètres plus élevé qu’aujourd’hui alors que la température moyenne de la Planète était au plus de 2°C supérieure à celle que nous connaissons. Même si des chiffres plus élevés sont régulièrement évoqués, le GIEC table sur une hausse maximale qui, en tout état de cause, ne devrait pas excéder 80 cm à la fin du siècle. Mais cette observation donne de la crédibilité à l’idée d’une élévation de plusieurs mètres à échéance millénaire dans le cas d’un réchauffement relativement limité – de 1 à 4°C – qui se traduirait par la fonte du Groenland dont le volume est équivalent à 7 m de niveau de la mer. Reconnaissons que l’océan est loin d’avoir livré tous ses secrets comme en témoigne la notion de « surprise climatique » née de la découverte de variations climatiques extrêmement rapides dont l’Atlantique Nord a été le siège au cours de la dernière période glaciaire et de la dernière déglaciation. Cette notion, apparue dans le deuxième rapport du GIEC publié en 1995, a son origine dans les séries climatiques obtenues à partir de l’analyse des forages réalisés au centre du Groenland : 25 événements de ce type, dits de DansgaardOeschger, y sont répertoriés. Ils sont également identifiés dans des séries marines et continentales, et, de manière atténuée, sur l’ensemble des deux hémisphères et jusqu’en Antarctique. L’arrêt et la remise en route du Gulf-Stream sont largement évoqués comme en étant la cause. Les mécanismes de ces changements climatiques rapides sont loin d’être élucidés mais leur existence illustre la fra-
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has emerged from all this that has enabled a specific report to be published that is dedicated to this topic. I would like to highlight four points here that are of particular significance to me. The increase in the greenhouse gas effect that is linked to human activity manifests itself as an increase in heat as experienced by the various elements of the climactic system. Of this extra heat, only 1% is used by the atmosphere, whilst 93% of it goes into the ocean, with the remaining 6% being used in equal measure by the cryosphere and continental interfaces. The upshot of this is that the ocean acts as a definitive indicator to climate warming – and more specifically, to increasing sea levels at an annual rate in the vicinity of 3mm. This is primarily due to the expansion triggered by the heating up of the ocean and to the melting of the ice-caps and glaciers in Greenland and the Antarctic. This is one of the arguments that I make when I am trying to convince climate-sceptics that the warming has not stopped. The cast iron of Greenland As far as sea levels are concerned, the data of the past demands answers from us. In the last glacial period 125 000 years ago, sea levels were 6 to 10 metres higher than they are now, and the average temperature of the planet was 2°C higher than the one we live with today. These higher figures are cited on a regular basis, though the IPCC is anticipating a maximum increase in sea level that should not exceed 80cm at the end of the century. This observation does however lend credibility to the idea of a rise of several metres within a thousand years if there is a relatively limited increase in temperature of 1 to 4°C. This would manifest itself as Greenland melting – a volume of water that would be equivalent to 7m in sea levels. We should be mindful of the fact that the ocean is a long way from having yielded all of its secrets as a witness to the “climactic surprise” that has emerged from the discovery of very rapid climactic variations, led by the North Atlantic during the most recent ice age and the last deglaciation. This concept was brought up in the second IPCC report published in 1995, and has its origins in the climactic sequence of events that were discovered from the analyses of the drillings carried out in central Greenland: 25 events of this kind, referred to as Dansgaard-Oeschger events, are recorded. This phenomena can also be observed in marine and continental events and - in a milder form - throughout the two hemispheres and as far as Antarctica. The stopping and starting up again of the Gulf Stream is mainly
© Philip Plisson
>> ici mettre en exergue quatre points auxquels je suis particulièrement sensible.
“Les modélisateurs évoquent
la possibilité de l’arrêt du Gulf Stream” “Modelers suggest the possibility of stopping the Gulf Stream ” gilité, longtemps insoupçonnée, de notre climat. Les modélisateurs écartent le risque d’un arrêt du Gulf-Stream d’ici la fin de siècle mais en évoquent la possibilité à plus long terme. Précisons que cela ne se traduirait pas par un retour à l’ère glaciaire mais plutôt à des conditions proches de celles d’aujourd’hui. Le film Le Jour d’après est pure science fiction. L’acidification des eaux de surface Enfin, même si la contribution du transport maritime ne doit pas être négligée, très peu des activités humaines émettrices de gaz à effet de serre sont localisées sur les surfaces océaniques. Or, dans notre égoïsme de « terrien », nous avons longtemps béni le fait, qu’en moyenne, l’océan absorbe chaque année un peu plus du quart des émissions de gaz carbonique. Mais c’est à ses dépens cette absorption étant responsable de son acidification. Les conséquences en sont déjà perceptibles et les risques à long terme restent largement à évaluer dans un océan dont l’acidité des eaux de surface pourrait avoir doublé d’ici la fin du siècle. ■
Fin d’été au Groenland. Late summer in Greenland.
cited as being the cause of this. The mechanisms of these rapid climactic changes are far from being clearly explained, but the fact they happen at all is an illustration of how fragile our climate is, which was not understood for a long time. The modellers are dismissing the danger of the Gulf Stream ceasing by the end of the century, though they are talking about the possibility of this happening in the longer term. Let’s be clear here that this does not mean a return to the ice age, but rather to conditions that are closer to those we see today. The movie The Day After is pure science fiction. Acidification of surface water Whilst the contribution made by maritime transport is far from negligible, there are very few human activities that result in greenhouse gas emissions that are localised on the surface of the oceans. With the egotistical mindset of the “land-dweller”, we have for a long time enjoyed the benefits of the fact that on average, the ocean absorbs a little more than a quarter of carbon gas emissions every year - though this comes at a price, as it is this absorption that is responsible for its acidification. The consequences can already be seen, and the majority of the long-term risks still need to be assessed in an ocean whose acidity of its surface water could have doubled by the end of the century. ■ Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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Océan et climat : un couple indissociable ? par / by Françoise Gaill
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ue savons nous aujourd’hui des relations océans et climat, qu’il s’agisse des certitudes ou des interrogations scientifiques ? Que dire des conséquences, sur les ressources vivantes, d’un accroissement de 2°C de l’élévation de la température ? Comment anticiper l’évolution du trait de côte sous l’action du changement climatique ? Quelles sont les conséquences de celui-ci pour le littoral et les populations humaines et que sera donc l’océan de demain ? Le dernier rapport du GIEC1 fait, en effet, état d’un constat accablant : l’atmosphère et l’océan se sont réchauffés. Le niveau des mers s’est élevé et les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté.
La Plateforme Océan & Climat Ce numéro de Marine & Océans présente, notamment, les réflexions de la Plateforme Océan & Climat. Celle-ci a fondé ses actions autour de trois axes : faire savoir que l’océan joue un rôle déterminant dans l’évolution du climat ; promouvoir l’océan dans tous les secteurs des négociations climatiques ; convaincre, enfin, de la légitimité à introduire « l’enjeu océan » dans les actions concrètes à mener pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette plateforme internationale a produit des synthèses scientifiques, réalisé un travail de diffusion des connaissances, énoncé des recommandations lors de la Journée mondiale de l’Océan organisée le 8 juin dernier à l’Unesco, lancé des pistes d’actions et de solutions et finalement, rédigé un Plaidoyer pour une intégration de l’océan dans le futur régime climatique. Tout cela pour convaincre du bien fondé d’une prise en compte de l’océan dans les négociations climatiques de la COP21. Il y a certes des océans, des grands comme le Pacifique, des moyens comme l’Indien ou de plus petits comme l’Arctique. Il y a aussi, évidemment, des mers, Blanche, Rouge ou Noire, sans parler des golfes. Mais tous aboutissent à un océan. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il n’existe, en effet, qu’un seul océan : l’Océan. L’Océan, berceau de la vie, est non seulement le poumon de la planète mais aussi le régulateur du changement climatique actuel. Car l’océan absorbe plus de 90% de l’excès de chaleur liée aux activités humaines. Il contient 50 fois plus de carbone que l’atmosphère et joue un rôle dans le ralentissement du changement climatique en absorbant plus du quart
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Ocean and climate: an inseparable couple? Françoise Gaill, spécialiste des environnements profonds, est Directeur de recherche émérite au CNRS. Françoise Gaill, a deep sea environments specialist, is Research Director Emeritus at the French National Centre for Scientific Research (CNRS).
hat do we know today about the relationships between oceans and the climate, whether these be certainties or scientific questions? What are the consequences, on living resources, of a 2°C increase in temperature? How can we anticipate changes in the coastline in response to climate change? What are the consequences of climate change on coastal areas and human populations, and what will the ocean of the future be like ? The latest IPCC1 report makes a damning assessment: the atmosphere and the oceans have warmed up. The sea level is rising and concentrations of greenhouse gases have increased.
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The Ocean & Climate Platform This issue of Marine & Océans is mainly concerned with presenting the reflections of the Ocean & Climate Platform. This platform has focused its actions on three areas: raising awareness of the fact that oceans play a decisive role in climate change; promoting oceans in all aspects of climate negotiations; and ultimately, convincing stakeholders of the legitimacy of taking oceans into account in the specific actions taken to fight climate change. This international platform has produced scientific reviews, worked to circulate knowledge, made recommendations on World Oceans Day, on 8 June at the Unesco headquarters in Paris, suggested potential actions and solutions and drawn up a written appeal for the ocean to be included in future climate plans. This has all been done to convince stakeholders of the need to include oceans in the COP21 climate negotiations.
du CO2 émis par les activités humaines. L’acidification qui découle de ces émissions semble inéluctable. Depuis le début de l’ère industrielle, cette acidification s’est accrue de plus de 30 %, atteignant des seuils critiques pour bon nombre d’écosystèmes comme les coraux. L’eau de mer de surface se réchauffe d’un dixième de degré environ par décennie depuis les années 70. Or, si la température de l’eau de mer monte, elle se dilate, son volume augmente et le niveau des mers s’élève. Cela a des répercussions sur la distribution de la biodiversité et sur le fonctionnement des écosystèmes mais également sur les activités des sociétés humaines. La mer est montée de près de 20 cm depuis la fin du XIXe siècle et la vitesse moyenne d’élévation du niveau des mers est, depuis cette époque, de l’ordre de 1,7 mm par an. Ce phénomène s’accroit avec l’apport d’eau douce résultant de la fonte des glaciers et des calottes polaires. Les scénarios actuels indiquent une poursuite de la montée du niveau de la mer à un rythme plus soutenu encore. L’océan produit la moitié de l’oxygène que nous respirons, mais une perte d’oxygène de l’eau de mer est désormais observée en certains endroits. Elle résulte des effets combinés de l’élévation de température, de l’absorption de gaz carbonique et de leur conséquence : l’apparition de zones dites mortes à proximité desquelles tout vivant trépasse inéluctablement. Le nombre et la taille de ces déserts océaniques pourraient s’amplifier avec le changement climatique. Leur apparition s’accélère depuis les années 70 selon un rapport réalisé par le Programme des Nations unies pour
as the Indian and smaller ones such as the Arctic. There are also, of course, multiple seas – White, Red or Black, not to mention the gulfs. However, these all lead to just one ocean. A certain number of us believe that there is only in fact one ocean: the Ocean. The Ocean, cradle of life and the lungs of the planet, also regulates current climate change by absorbing over 90% of the excess heat generated by human activity. It contains 50 times more carbon than the atmosphere and plays a role in slowing down climate change by absorbing over of a quarter of the CO2 emitted as a result of human activity. The acidification caused by these emissions seems to be inevitable. Since the beginning of the industrial era, this acidification has increased by over 30%, reaching critical thresholds for many ecosystems such as corals. >>
“L’océan produit
la moitié de l’oxygène que nous respirons ”
“ Ocean produce half of the oxygen that we breathe ”
© Pôle Mer Méditerranée
L’URGENCE EMERGENCY
Clearly, there are different oceans – large ones such as the Pacific, middling-sized ones such Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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L’URGENCE EMERGENCY et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines ». Cet Objectif identifie les océans comme un des grands enjeux du développement durable. Autres signaux : cette initiative, promue par les Fidji et la Suède, qui propose à l’ONU l’organisation d’une conférence triennale pour s’assurer de la réalisation des actions menées ; la Principauté de Monaco qui demande un rapport « spécial Océan » au GIEC et la France qui a nommé, en octobre dernier, un ambassadeur pour les océans.
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La France possède actuellement, et ceci principalement grâce à ses territoires d’outre-mer, le second espace maritime mondial (11 millions de km2) juste derrière celui des États-Unis (11,3 millions de km²). Elle pourra l’agrandir si les scientifiques apportent la preuve d’un prolongement naturel du plateau continental au large de la Martinique et de la Guadeloupe (8 000 km2), de la Guyane (72 000 km²), des îles Kerguelen (423 000 km²) et de la Nouvelle-Calédonie (76 000 km²). Si la Commission des limites du plateau continental accède à toutes les demandes de la France incluant Crozet, La Réunion, Saint-Paul et Amsterdam, Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie, ce sera au moins un million de km² qui viendra accroître la surface du domaine maritime placé sous sa juridiction. La France possédera alors le premier domaine maritime mondial. Assumer cette donnée est de notre responsabilité : Comment dès lors ne pas inclure alors l’océan dans les ■ négociations de la COP21 ?
Que connait-on des conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins ? On sait déjà que la croissance et la reproduction des espèces seront affectées, comme leur relation et leur comportement. Celles qui pourront le faire migreront mais dans tous les cas, la productivité des écosystèmes en sera affectée. Sous l’effet du réchauffement des océans, les espèces marines, et en particulier les poissons, ont tendance à se déplacer vers les hautes latitudes, les eaux froides ou les eaux plus profondes. Une redistribution, à grande échelle, de la localisation des poissons comestibles se dessine peut être ainsi sous nos yeux, silencieusement. Selon les scénarios actuels, le « potentiel global de capture » augmenterait, en moyenne, de 30 à 70 % dans les hautes latitudes. Le « potentiel global de capture » est la quantité de poisson qu’il est possible de prélever sans surexploiter la ressource. Ce potentiel baisserait en revanche dans les régions tropicales, les plus vulnérables économiquement et les plus fortement touchées par le changement climatique. Devant l’urgence, les choses bougent cependant… Une première Evaluation de l’océan mondial (World Ocean Assessment) a été rédigée et attend un feu vert de l’Assemblée Générale des Nations unies pour être officiellement publiée. La communauté internationale s’est dotée, en septembre 2015, d’ « Objectifs de développement durable2 », dont l’Objectif 14 intitulé « Conserver
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Sous l’effet du réchauffement, les poissons ont tendance à se déplacer vers les eaux froides ou plus profondes. Under the effect of ocean warming, fish tend to move to deeper and cooler waters.
Surface sea water has been rising in temperature by around a tenth of a degree per decade since the 1970s. Yet, if the temperature of the sea water rises, it expands, its volume increases and sea levels rise. That has repercussions on the distribution of biodiversity and the functioning of ecosystems, but also on the activities of human societies. The sea level has increased by almost 20 cm since the end of the 19th century, and the average rate of the rise in sea levels is, since this time, around 1.7 mm per year. This phenomenon is compounded by the fresh water which comes from the melting of the glaciers and polar ice caps. Current scenarios point towards a continued rise in sea levels at an even faster rate. Oceans produce half of the oxygen that we breathe, but a loss of oxygen from seawater is now apparent in some places. It is caused by the combined effects of rising temperatures and the absorption of carbon dioxide, leading to the appearance of dead zones – areas where all living creatures die. The number and size of these dead zones could rise with climate change. Their appearance has been accelerating since the 1970s, according to a report by the United Nations Environment Programme (UNEP). These phenomena still need to be taken into account and analysed on a planetary scale. What do we know about the consequences of climate change on marine ecosystems? We already know that the growth and reproduction
Récif coraillien en NouvelleCalédonie (France). Coral reef in New Caledonia (France).
© Philip Plisson
>> l’environnement (PNUE). La prise en compte et l’analyse de ces phénomènes reste encore à faire au niveau planétaire.
of species will be affected, along with their interactions and behaviour. Those species which are able to do so will migrate but, in any case, the productivity of the ecosystems will be affected. Due to increased ocean temperatures, marine species, particularly fish, tend to move to high latitudes, cold waters or deeper waters. A large-scale redistribution of the location of edible fish may be taking place silently, before our very eyes. According to current scenarios, the overall catch potential (the quantity of fish that can be removed without over-exploiting stocks) is 30 to 70% higher on average in high latitudes. On the other hand, the overall catch potential is lower in tropical regions, which are the most economically vulnerable and most severely affected by climate change.
1. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Intergovernmental panel on climate change. 2. Le 25 septembre 2015, au Sommet sur le développement durable, les États membres de l’ONU ont adopté un nouveau programme de développement durable qui comprend un ensemble de 17 objectifs mondiaux pour mettre fin à la pauvreté, lutter contre les inégalités et l’injustice, et faire face au changement climatique d’ici à 2030 (source PNUD). On 25 September 2015, at the Sustainable Development Summit, the UN member states adopted a new sustainable development programme with a set of 17 global goals to end poverty, fight inequality and injustice and respond to climate change by 2030 (source UNDP).
However, given the urgency, things are moving… An initial World Ocean Assessment has been conducted and is awaiting the green light from the United Nations General Assembly to be officially published. In September 2015, the international community set itself Sustainable Development Goals2; Goal 14 is to «Conserve and sustainably use the oceans, seas and marine resources for sustainable development». This Goal identifies oceans as one of the major sustainable development priorities. Other signals: Fiji and Sweden have promoted an initiative for the UN to hold a conference every three years to ensure the actions decided upon are in fact implemented; the Principality of Monaco has requested a special Ocean report from the IPCC; and France appointed an oceans ambassador (in October). France currently has, mainly due to its overseas territories, the second-largest maritime space in the world (11 million km²), just behind the United States (11.3 million km²). This space may increase further if scientists are able to provide evidence of a natural extension of the continental shelf off the coasts of Martinique and Guadeloupe (8 000 km²), Guyana (72 000 km²), the Kerguelen Islands (423 000 km²) and New Caledonia (76 000 km²). If the Commission on the Limits of the Continental Shelf accepts all of France’s submissions, including Crozet, La Réunion, Saint Paul Island, Amsterdam Island, Wallis and Futuna, Saint Pierre and Miquelon and Polynesia, at least a million km² will be added to its maritime space. France would then have the largest maritime area in the world. With this comes a responsibility for France: how could we not include oceans in the COP21 negotiations? ■
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L’URGENCE EMERGENCY
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Désoxygénation de l’océan,
un défi du changement climatique mondial Ocean deoxygenation, a global change challenge par / by Lisa Levin
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La création de zones mortes côtières L’augmentation de la teneur en CO2 dans l’atmosphère entraîne un réchauffement de l’air et la fonte de la banquise, ce qui réduit la solubilité de l’oxygène, accroît la stratification et réduit la ventilation en haute mer. Les eaux plus chaudes contiennent moins d’oxygène du fait d’une solubilité plus faible. Elles présentent également des gradients de densité supérieurs qui limitent le mélange vertical de l’oxygène. Tous ces facteurs, associés à une intensification de la remontée dans certaines zones, entraînent une expansion des zones d’oxygène minimum dans les eaux tempérées et tropicales. L’utilisation des terres et les changements climatiques engendrent également des augmentations en apports de nutriments, une altération dans l’apport et le déversement d’eau douce et une dégradation de l’habitat. Tous ces phénomènes sont à l’origine d’une augmentation de la respiration et d’une baisse de la teneur en oxygène des eaux côtières et estuariennes. L’oxydation du méthane enfoui qui peut être provoquée par la hausse des températures des océans
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Lisa Levin est professeure et directrice du Center for Marine Biodiversity and Conservation du Scripps Institution of Oceanography, de l’Université de Californie à San Diego. Lisa Levin is a Distinguished Professor and Director of the Center for Marine Biodiversity and Conservation at Scripps Institution of Oceanography, UC San Diego.
© Jean-Marie Ghislain
oxygène est une condition essentielle de toute vie dans les océans. La teneur en oxygène y est naturellement dynamique mais connaît actuellement une chute imputable à de multiples facteurs, y compris l’augmentation des niveaux de CO2. Ce phénomène, appelé désoxygénation de l’océan, est l’une des principales manifestations du changement climatique mondial. Plusieurs facteurs sont à l’origine de la chute de la teneur en oxygène dans les océans et différents phénomènes surviennent au large et dans les eaux côtières et interagissent affectant ainsi les écosystèmes marins. L’oxygène exerce une régulation cruciale sur la répartition et la diversité de la vie marine. Comprendre les cycles de l’oxygène dans l’océan et leurs causes est donc essentiel et doit être le principe directeur de l’élaboration de programmes de gestion, de prévision et de suivi holistiques.
“L’oxygène est une condition essentielle de toute vie dans l’océan ” “ Oxygen is essential for all life in the ocean”
xygen is a fundamental requirement for life in the ocean. Oxygen content of the ocean is naturally dynamic but is now declining due to forcing from multiple sources, including the consequences of rising CO2. This phenomenon, called ocean deoxygenation, is one of the major manifestations of global change. There are several factors driving oxygen loss in the ocean and different drivers dominate in the open ocean and coastal waters, interacting to affect marine ecosystems. Because oxygen exerts critical controls on the distribution and diversity of marine life, understanding ocean oxygen patterns and drivers is essential, and must guide development of holistic monitoring, prediction, and management programs.
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The creation of coastal dead zones Rising atmospheric CO2 is warming the air and sea and melting sea ice, acting to reduce oxygen solubility, increase stratification, and reduce ventilation in open ocean waters. Warmer
pourrait également être à l’origine de la chute de la teneur en oxygène des marges continentales profondes. Les répercussions globales de la chute de la teneur en oxygène sont les plus notables à des profondeurs de 700 m et peuvent causer une hypoxie du plateau et contribuer à la création de zones mortes côtières. Les modèles océaniques prévoient des chutes pouvant atteindre 7 % à l’échelle mondiale mais les scénarios sont particulièrement hétérogènes. Les principaux bassins océaniques présentent des niveaux d’oxygénation très différents (c’est-à-dire que la teneur en oxygène de l’Atlantique est plus élevée que celle du Pacifique) tout comme les systèmes qui régissent les courants côtiers orientaux et occidentaux alors que la partie nord-est de l’océan Pacifique, ainsi que les eaux tropicales à travers le monde, ont connu les chutes des teneurs en oxygène les plus élevées. Des différences régionales importantes sont susceptibles d’être constatées en termes de potentiel et de seuils.`
waters hold less oxygen due to diminished solubility. Warmer waters also exhibit stronger density gradients that reduce vertical mixing of oxygen. These factors, along with intensified upwelling in some areas, are expanding oxygen minimum zones in temperate and tropical waters. Land use and climate changes also cause increases in nutrient inputs, altered freshwater inputs and flushing, and habitat degradation; these act to increase respiration and deplete oxygen in coastal and estuarine waters. Another possible source of oxygen decline on deep continental margins is the oxidation of methane released from buried gas hydrates, which may be destabilized by increasing water temperature. The overall effects of oxygen loss are greatest at water depths to 700 m (up to 2100 ft) and can cause shelf hypoxia, and contribute to coastal dead zones. Ocean models predict declines up to 7% globally, but the patterns of loss are highly heterogeneous. The major ocean basins exhibit very >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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L’URGENCE EMERGENCY
L’OCÉAN LE SAVIEZ-VOUS ? / DID YOU KNOW? Source : www.goodplanet.org
70%
de la surface de notre planète. of the surface of our planet.
50%
de l’oxygène que nous respirons est produit par l’océan. of the oxygen we breathe is produced by ocean. • Il capte 1 / 3 de nos émissions de CO2. It captures 1 / 3 of our CO2 emissions.
70%
des mégalopoles sont situées sur le littoral. of the megalopolises are located on the coastline.
80%
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g >>
Des nombreuses zones de haute mer et côtières sont maintenant confrontées à une chute de leur teneur en oxygène qui a dépassé les seuils de basculement biologique, ce qui affecte les répartitions et l’abondance des espèces, la diversité, les réseaux trophiques et les services écosystémiques. La désoxygénation des océans peut engendrer une réduction de l’habitat des espèces intolérantes telles que les marlins et de nombreuses espèces de crustacés et de poissons semi-pélagiques tout en permettant la prolifération des espèces tolérantes telles que certaines espèces de calamars et de méduses. Les communautés des fonds marins et de la colonne d’eau sont affectées. La chute de la teneur en oxygène va engendrer une réduction de la biodiversité du fait de ses répercussions sur la physiologie, l’écologie, les comportements et l’évolution. L’oxygène doit être reconnu comme une variable clé du changement climatique et faire l’objet de mesures de suivi adaptées. Toutefois, les organismes et les communautés marines seront confrontés à une réduction de la teneur en oxygène parallèlement à l’évolution des températures, l’acidification des océans, la présence de contaminants, la surpêche et divers autres facteurs de stress liés au changement climatique. Il est impératif de mener des activités intégrées d’observation et de recherche sur cette désoxygénation qui associent les bassins, les côtes et la haute mer et abordent des questions sociétales et scientifiques dans le contexte holistique du changement climatique mondial. ■
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
La désoxygénation des océans favorise des espèces tolérantes comme certaines méduses. Ocean deoxygenation promotes tolerant species like certain jellyfish.
different oxygenation (ie there is more oxygen in the Atlantic than the Pacific Ocean), as do the eastern and western boundary current systems. While the northeast Pacific Ocean, as well as tropical waters globally have experienced the greatest oxygen losses. There are likely to be strong regional differences in adaptation potential and thresholds. Many coastal and open ocean regions now face oxygen declines that cross biological tipping points; these affect species distributions and abundance, diversity, food webs and ecosystem services. Ocean deoxygenation can cause habitat compression of intolerant species such as large bill fish and many midwater fish and crustacean species, while allowing the spread of tolerant species such as some squid and jellyfish. Both sea floor and water column communities are affected. Oxygen loss will lead to biodiversity loss through its effects on physiology, ecology, behavior and evolution. Oxygen must be recognized as a key climate change variable and monitored accordingly. However, marine organisms and communities will experience oxygen stress in conjunction with changing temperature, ocean acidification, contaminants, overfishing and other global change stressors There is a strong need for integrated deoxygenation observation and research that connects watersheds, coasts and open seas, and that addresses societal as well as scientific issues in a holistic, global-change context.
90%
des eaux usées dans le monde sont rejetées à la mer sans traitement. of the world’s waste water is dumped untreated into the sea. • 6,5 milliards de kilos de déchets plastiques sont jetés chaque année dans les océans, soit 206 kilos par seconde. 6.5 billion kilos of plastic waste is thrown into the oceans every year, that is, 206 kilos per second. des grands prédateurs ont disparu. of the great predators have disappeared. • 90 millions de tonnes de poissons pêchées par an. 90 million tonnes of fish caught each year. • 85% des ressources halieutiques consommées sont en voie de disparition. 85% of fish resources consumed are in danger of extinction.
Seuls 3,5% des océans sont actuellement protégés. Only 3.5% of the oceans are currently protected. 70% des océans échappent à toute forme de juridiction. 70% of the oceans are outside any form of jurisdiction.
FRANCE
UNE RESPONSABILITÉ MONDIALE A WORLD-WIDE RESPONSIBILITY
• 2e espace maritime mondial avec 11 millions de km2. 2nd largest maritime area in the world with 11 million km2. • Près de 10% de la diversité mondiale des espèces marines. Almost 10% of the world’s marine species diversity. • 10% des récifs coralliens et 20% des atolls de la planète. 10% of coral reefs and 20% of the planet’s atolls. • 16,5 % de son domaine maritime couvert par une aire marine protégée. 16.5% of its maritime area covered by a protected marine area.
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L’URGENCE EMERGENCY d’eau, phénomènes climatiques plus intenses, perturbations et diminutions de biodiversité, notamment sur le phytoplancton (régression), les coraux (blanchiment) et les espèces (migrations vers le nord et les pôles). Le pH (potentiel hydrogène) de l’océan est passé de 8,20 en 1800 à 8,05 en 20142. Plus 30 % d’acidité. Cette augmentation est la plus importante depuis 55 millions d’années et la plus rapide depuis 300 millions d’années. En 2100 le pH pourrait être de 7,7. Les impacts sont déjà détectables sur les organismes produisant du calcaire (plancton, mollusques, crustacés et coraux), avec mortalité et diminution de la production de bivalves des latitudes moyennes, déclin de la calcification des récifs coralliens, source d’alimentation pour un milliard de personnes dans le monde.
An ocean under pressure
“Les changements
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Un océan sous pression
COP21 PARIS 2015
par / by Nathalie de Pompignan
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Les émissions de gaz à effet de serre L’océan absorbe plus de 90 % de l’excès de chaleur liée à l’augmentation des GES, limitant la température de l’air mais réchauffant l’eau et provoquant la hausse du niveau de la mer. Face à un apport de CO2 massif et brutal, il s’acidifie. Enfin il reçoit toute l’eau libérée par la fonte des glaciers et calottes polaires ce qui élève le niveau de la mer. Ces bouleversements ont une seule cause : nos émissions de CO2 et leur rapide augmentation. Le réchauffement moyen mondial de l’océan est de + 0, 5°C depuis 1970, avec de fortes variations régionales. D’ici 2100, il pourrait atteindre 2,7°C1. Les impacts sont déjà visibles : élévation du niveau de la mer, stratification des couches
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“ The changes are happening
Nathalie de Pompignan, former member of the Cousteau team, is an expert in ecological sciences with Unesco, and author of Océan Alerte rouge [Ocean Red Alert] (pub. L’Harmattan).
too fast for the ocean to adapt ”
Littoral de Madagascar.
ife on our planet began in the ocean. This ocean occupies 70% of the Earth’s surface and is the main regulator of the global climate. It also produces 50% of the oxygen that we breathe, and absorbs over 25% of our greenhouse gas emissions by way of complex mechanisms in which plankton plays a major role. Our own activities have been the trigger for cumulative destruction and damage to an unprecedented extent in our history – an extent that threatens these functions that are so vital to life. The impact of this damage on the ocean is far-reaching, and much of it is irreversible.
L
Greenhouse gas emissions The ocean absorbs over 90% of the excess heat linked to increased greenhouse gas emissions thereby controlling the air temperature, but also
The coast of Madagascar.
© Philip Plisson
a Vie sur notre planète est née de l’océan. Il occupe plus de 70% de la surface de la Terre, est le principal régulateur du climat mondial, produit 50 % de l’oxygène que nous respirons et absorbe plus de 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) selon des mécanismes complexes au sein desquels le plancton joue un rôle majeur. Or, nos activités provoquent destructions et dégradations cumulatives à un niveau sans précédent dans notre histoire et menacent ces fonctions indispensables à la Vie. Les impacts sur l’océan sont profonds et pour beaucoup irréversibles.
sont trop rapides pour que l’océan s’adapte ”
Nathalie de Pompignan, ancien membre de l’Équipe Cousteau, est expert en sciences écologiques auprès de l’Unesco, auteur de Océan Alerte rouge (L’Harmattan).
heating up the water and leading to rises in sea levels. The sea is becoming more acidic in the face of the massive and sudden increase in CO2, and it is into the seas that all the water from melted ice-caps and glaciers flows, causing sea levels to rise. These disruptions have one cause: our CO2 emissions and their rapid increase. The average global rise in temperature has been +0.5°C since 1970, a figure that incorporates considerable regional variations. By 2100, the water temperature could be 2.7°C warmer1. The consequence of this temperature rise is already visible: sea levels are rising, we observe the stratification of water layers, climate phenomena are more powerful, there are disruptions to and reductions in biodiversity particularly with phytoplankton (which is decreasing), and there is also an impact on coral (bleaching) and on species (migration northwards and to the poles). The potential of hydrogen balance (pH) of the ocean has gone from 8.20 in 1800 to 8.05 in 20142, meaning that it is 30% more acidic. This is the biggest increase for 55 million years, and the quickest for 300 million years. By 2100, the pH balance could be 7.7. The impact of this change can already be seen in organisms that produce limestone (such as plankton, molluscs, crustaceans and corals), with deaths and reductions in the production of bivalves at medium latitudes, and a decline in calcification levels of the coral reefs that provide food for a billion people. The average sea level has risen by 19cm since 1900, with considerable regional variations. By 2100, this increase could be 80cm or more depending on the intensity of the heating and the melting of the icecaps and glaciers 3 . The increase in sea level renders our societies very vulnerable: shorelines are submerged, beaches and cliffs are eroded, and estuaries and deltas suffer from salinization. In 2030, 75% of the world’s population will live within 60km from the shore. No country is sheltered from these effects, meaning that these issues are global ones. Biodiversity 50% of marine biodiversity has disappeared since 19704. Coral reefs do an immense amount of work, and are vital to the Earth’s overall equilibrium: 20% of them have been destroyed, and 60% of them are under threat5. The same goes for mangroves. Invasive species that are at the origin of the reductions in and extinction of species are the second cause of the reduction in marine biodiversity behind pollution. The severity of the problem is linked to the fact that the impacts are almost irreversible. In 50 years’ time, 87% of the fish stock will have run out, and 90% of the large fish will have disappeared6. >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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L’URGENCE EMERGENCY Le niveau moyen de la mer s’est élevé de 19 cm depuis 1900 avec d’importantes disparités régionales. D’ici 2100, cette hausse atteindrait 80 cm et plus en fonction de l’intensité du réchauffement et de la fonte des glaciers et calottes polaires3. L’élévation du niveau de la mer place nos sociétés face à une immense vulnérabilité : submersions des littoraux, érosions des plages et des falaises, salinisation des estuaires et deltas, réfugiés climatiques. En 2030, 75 % de la population mondiale vivra à moins de 60 km du littoral. Aucun pays n’est à l’abri, ce qui fait de ces questions des enjeux mondiaux. La biodiversité 50 % de la biodiversité marine a disparu depuis 19704. Les récifs coralliens rendent des services immenses et sont essentiels à l’équilibre général de la Terre : 20 % ont été détruits, 60 % sont menacés5. Même constat pour les mangroves. Les espèces invasives, à l’origine de diminutions ou d’extinctions d’espèces, sont, après les pollutions, la deuxième cause de régression de la biodiversité marine. La gravité du problème est liée à la presque irréversibilité des impacts. En 50 ans, 87 % des stocks de poissons se sont effondrés et 90 % des grands poissons ont disparu6. Les pollutions 80% proviennent des terres et affectent d’abord les zones côtières, là où la vie marine se rassemble : urbanisation du littoral, activités extractives, polluants chimiques industriels et agricoles, eaux usées, tourisme, transports. Pollutions aux hydrocarbures, pollution sonore et radioactive complètent ce tableau. Les déchets plastiques contaminent l’océan en se décomposant et forment d’immenses étendues dans cinq gyres océaniques7. Les zones marines mortes, grande menace du XXIe siècle pour les poissons, sont sur tous les littoraux, en progression rapide, de 49 en 1960 à plus de 500 aujourd’hui8. En cas de réchauffement global supérieur à 2°C, sont attendus risques majeurs et dommages très élevés sur presque tous les organismes marins avec mortalités massives et importants déplacements d’espèces. Les services rendus par les écosystèmes marins feront face à des risques élevés à très élevés. Les changements en cours sont rapides, trop rapides pour que l’océan s’adapte au même rythme. Face à des menaces de ruptures radicales, il nous oblige à agir avec solidarité et responsabilité et à faire appel aux immenses potentialités de notre intelligence. Le présent de l’humanité et celui de l’océan ne font qu’un. ■ Comme notre avenir et le sien.
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
80 % de la pollution marine vient de la terre. 80 % of the pollution comes from the earth.
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Pollution 80% of the pollution comes from the land, and affects first of all coastal areas where marine life is gathered. The shoreline is being urbanised as a result of extraction activity, chemical industrial and farming pollutants, sewage water, tourism and transport. On top of all this, there is hydrocarbon waste, sound pollution and radioactive pollution. Plastic waste contaminates the ocean as it decomposes, and forms enormous stretches of waste that are very dense indeed in five oceanic gyres of waste7. There are coastal dead zones along every shoreline, which are rapidly increasing in number, from 49 in 1960 to over 500 today8: these are the 21st century threat to fish. If the global temperature increases by more than 2°C, then this would represent a major risk and cause increased damage to almost all marine organisms, with very high mortality levels and significant species displacements. The benefits we enjoy thanks to what marine ecosystems do for us would be greatly threatened, and the changes that are going on are happening too quickly for the ocean to adapt at a fast enough pace. Given the radical disruptions going on, we have to act jointly and in a responsible manner, and call upon the huge potential that is our own intelligence. The existence of mankind and that of the ocean are intertwined, as are our future and the ■ ocean’s. 1. 2. 3. Source GIEC. 4. Source WWF. 5. Source PNUE. 6. Source FAO. 7. Tourbillon d’eau océanique formé par un ensemble de courants marins provoqués par la force de Coriolis à l’origine d’immenses zones de concentration de déchets plastiques notamment dans le nord du Pacifique et de l’Atlantique. A whirlwind of ocean water created by a collection of marine currents triggered by the strength of the Coriolis Effect. This is at the origin of the zones of plastic waste concentration in the North Pacific and Atlantic. 8. Source PNUE. Les zones marines mortes sont des zones dans lesquelles la vie disparaît par manque d’oxygène en raison de la pollution. Coastal dead zones are areas in which life has disappeared because of a lack of oxygen as a result of pollution.
L’URGENCE EMERGENCY
Plaidoyer
Policy recommendations Intégrer l’océan dans le futur régime climatique ! Integrating the ocean into the future climate regime!
Plaidoyer coordonnée par / Policy recommendations coordinated by
André Abreu – Tara Expéditions – www.oceans.taraexpeditions.org Julien Rochette – Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). The Institute for Sustainable Development and International Relations (IDDRI) – www.iddri.org
Raphäel Cuvelier – Fondation Prince Albert II de Monaco. Prince Albert II of Monaco Foundation – www.fpa2.com
“Vous aussi, signez l’appel de l’Océan “You too, sign the ocean’s call
COP21 PARIS 2015
Au nom de la Plateforme Océan & Climat On behalf of the Ocean & Climate Platform www.ocean-climate.org Alerte L’océan, grand absent des négociations climatiques Adoptée en 1992, la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) fait explicitement référence à l’océan et aux zones côtières. Mais les enjeux liés à l’océan restent, malgré tout, largement absents des discussions climatiques. Considérant que la COP21 inaugure une nouvelle période d’engagement sur le climat, nous présentons un plaidoyer pour que les enjeux liés à l’océan et aux zones côtières soient bien pris en compte à travers des mesures spécifiques, intégrés aux différents axes de la négociation.
Context The ocean, a major oversight in climate negotiation Adopted in 1992, The United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) referred explicitly to the ocean and coastal areas. Despite this, the issues connected to the oceans remains largely absent from discussions on climate. Considering that the COP21 is beginning a new period of commitment to the climate, we present a plea in order to have the issues connected to the oceans and coastal areas accounted for through specific measures that are included in the different points of negotiation.
Atténuation Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver les écosystèmes marins Il est essentiel que soit adopté à Paris un accord permettant de réduire les GES, pour limiter le réchauffement en-deçà des deux degrés d’ici à la fin du siècle. Les écosystèmes marins jouent un rôle essentiel dans la séquestration du carbone. Les préserver, en partant des mécanismes naturels, est donc nécessaire ainsi que de les protéger au moyen d’un réseau intégré d’aires marines protégées. Les Énergies marines renouvelables (EMR) et des transports maritimes moins polluants sont également à développer pour une réduction optimale des GES.
Mitigation Reducing Greenhouse gas emissions (GHG) and conserve marine ecosystems It is essential for the ocean that the Paris negotiations yield an agreement to reduce emissions of greenhouse gases (GHG) to limit warming below two degrees Celsius by the end of the century. Marine ecosystems play an essential role in carbon sequestration. Considering their natural mechanisms, it is necessary to preserve and protect them through, for instance, an integrated network of protected marine areas. Renewable Marine Energy Sources and maritime transports that create less pollution also need to be developed for an optimal reduction in GHGs. >>
pour le climat sur : www.ocean-climate.org ” for climate :
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L’URGENCE EMERGENCY
La Plateforme Océan & Climat appelle donc >> Adaptation Développer des stratégies d’adaptation pour les écosystèmes et les populations les plus vulnérables Les risques et les vulnérabilités liés à l’impact du changement climatique sur l’océan sont déjà perceptibles et s’accroissent. Des mesures d’adaptation sont donc nécessaires pour protéger les biens et les personnes les plus vulnérables. En se basant sur le maintien d’écosystèmes fonctionnels et résilients, la priorité sera donnée à une « bonne » adaptation intégrant les techniques et savoirs traditionnels, la prise en compte de facteurs de stress externes, un système de surveillance et d’alerte efficace ainsi qu’une bonne coopération internationale. Science Encourager la recherche et diffuser les connaissances scientifiques sur les interactions océan et climat La mise en place de stratégies pertinentes et efficaces nécessite de renforcer les connaissances scientifiques et leur intégration par les décideurs politiques et économiques. A cette fin, il est nécessaire d’étudier le potentiel de régulation climatique de l’océan avant d’insister sur les écosystèmes et la biodiversité marine et la capacité de ces derniers à faire face à ce stress en continuant à assurer leur rôle. Il est pour cela nécessaire d’allier investissements, observations, capacités techniques et scientifiques, et d’appuyer la demande d’un rapport spécial du GIEC sur l’océan. Financement Flécher des fonds spécifiques pour l’océan En termes de financement, il convient tout d’abord de maintenir et de veiller à l’atteinte de l’objectif du Fonds Vert, en s’assurant qu’une part de ce dernier soutienne des programmes spécifiques à l’océan. Il est par ailleurs important de le compléter par l’engagement de bailleurs bilatéraux, multilatéraux et de financements privés pour dégager des solutions innovantes, efficaces et accessibles.
Adaptation Develop strategies of adaptation for ecosystems and the most vulnerable populations The risks and vulnerabilities related to the impact of climate change on the ocean are already visible and increasing. Adaptation measures are therefore necessary to protect property and the most vulnerable populations. Priority will be given to ecosystem-based solutions for adaptation encouraging preservation and restoration. The incorporation of traditional techniques and knowledge, assessment of external stress factors, an efficient surveillance and alert system, as well as solid international cooperation will also have to be implemented. Science Promote research and disseminate scientific knowledge about ocean-climate interactions In order to implement relevant and effective strategies for mitigation and adaptation, we must increase scientific knowledge and effectively disseminate findings among political and decision makers. To this end, it is essential to study the ocean’s climate regulation potential. Emphasis will be placed on ecosystems, marine biodiversity, and their capacity to handle the stress while continuing to provide their main function. For this purpose we will need a strong association of investments, observations, scientific and technical abilities as well as joining forces to request a special IPCC report on oceans. Financing Earmark specific funding for the ocean The first priority is to hold on to and achieve the goal of mobilizing $100 billion per year for the green climate Fund by 2020. A significant share of these funds should be allocated to finance adaptation measures. Climate financing must also support ocean-based mitigation and adaptation actions through innovative and efficient solutions.
Les États Parties à la CCNUCC à :
The State Parties to the UNFCCC to:
• Adopter, à la COP21, un accord universel, ambitieux et contraignant.
• Adopt a universal, ambitious and binding agreement at the COP21.
• Intégrer un mécanisme de révision et de renforcement des contributions nationales pour limiter le réchauffement en deçà des 2°C, voire des 1,5°C.
• Integrate a review mechanism in the agreement to review and strengthen national contributions by 2020, within the 2°C warming ceiling, or even 1.5° C.
• Intégrer les solutions d’atténuation et d’adaptation liées à l’océan dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris et ses financements, en particulier celles basées sur les écosystèmes. • Dédier une part du Fonds Vert aux projets marins et côtiers. • Renforcer les capacités et le transfert de technologies. • Mieux articuler la CCNUCC avec les accords existants relatifs à l’océan. L’ensemble des acteurs engagés dans la mise en œuvre du futur régime climatique à : • Reconnaître le rôle des écosystèmes marins et côtiers en tant que puits naturels de carbone. • Considérer l’importance d’écosystèmes sains et fonctionnels face au changement climatique, en accélérant la mise en place d’un réseau cohérent et résilient d’aires marines protégées.
Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
• Incorporate mitigation and adaptation solutions linked to the ocean in the implementation of the Paris Agreement as well as dedicated financing, in particular concerning ecosystem-based solutions. • Allocate a part of the Green Climate Fund to marine and coastal projects for adaptation and mitigation. • Set up procedures to ensure the transfer of technology and capacity development. • Encourage coordination of the UNFCCC with the existing ocean-related conventions and agreements. All stakeholders involved in the implementation of the future climate regime to: • Recognize the role of marine and coastal ecosystems as natural carbon sinks. • Accelerate the implementation of a global network of resilient Marine Protected areas, and take into consideration the importance of healthy ecosystems to reduce vulnerability to the effects of climate change. • Develop MRE while preserving marine biodiversity.
• Développer les EMR, tout en préservant la biodiversité marine. • Réduire les émissions du transport maritime, et développer des solutions innovantes, • Renforcer la recherche scientifique internationale océan-climat, et demander un Rapport Spécial du GIEC sur l’océan. • Soutenir prioritairement les mesures d’adaptation pour les régions les plus vulnérables, en particulier les zones côtières des PED, les territoires et les petits États insulaires.
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The Ocean & Climate Platform thus calls on
• Reduce maritime transport emissions and develop shipping innovative solutions. • Strengthen international scientific research on ocean and climate, and support Monaco’s proposal to elaborate an IPCC special report on the ocean. • Prioritize support for adaptation measures in the most vulnerable regions, particularly the coastal areas of developing countries and Small Island States.
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
Nous sommes tous une part de la solution
de la France, la responsabilité et les opportunités qu’elle engendre.
We are all a part of the solution
Il y a dix ans, je peinais à convaincre – même si je l’emportais tout de même ! –, de la pertinence d’une série documentaire télévisée sur les solutions mises en œuvre en matière de développement durable. Marquée par tous les déchets ou les nappes de dégazage croisés en mer, j’étais alors convaincue que la situation était grave… mais pas désespérée : les associations, alors discrètement mobilisées, étaient déjà la preuve qu’il existait des solutions ne demandant que de la vision et de la volonté pour émerger. Aujourd’hui, tout le monde a le mot « solutions » à la bouche. Les initiatives se multiplient et les acteurs économiques et territoriaux ont emboité le pas des associatifs. Le panier de notre Tour de France des Solutions pour le Climat est plein mais il y aurait beaucoup d’autres paniers à remplir, en métropole et au-delà, sur les territoires ultramarins et partout à travers le monde où se multiplient les initiatives.
par / by Catherine Chabaud
Présidente de l’association Innovations bleues (www.innovations-bleues.org), Membre du Conseil économique, social et environnemental, première ambassadrice de la Plateforme Océan & Climat.
En savoir + / For more information www.innovations-bleues.org
President of the Blue Innovations Association, Member of the French Economic, Social, and Environmental Council, and the first ambassador from the Ocean & Climate Platform.
Une formidable mobilisation Voilà les leçons que je retiens des dix dernières années que nous venons de vivre, de l’époque où j’arrêtais la course au large pour m’engager dans la préservation de la mer et du littoral (et dans la promotion d’un développement durable du maritime), jusqu’à notre formidable Tour de France des Solutions pour le Climat et la dynamique de la Plateforme Océan & Climat. Entre les deux, nous avons vécu les Grenelle de l’Environnement et de la Mer, et appris à conjuguer nos talents pour mobiliser les acteurs : l’État français sur la Haute mer et aujourd’hui sur le rôle essentiel de l’océan dans l’équilibre du climat, les acteurs économiques et les collectivités territoriales sur les navires ou les infrastructures du futur, les citoyens sur les déchets… Et tous, plus ou moins, sur la dimension maritime
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
ith the COP21, the planet is living through a historic moment. On this occasion, the players involved in maritime, and more broadly, coastal areas and concerns have a major opportunity to give their full participation to building the world that will come in the wake of the current energy and ecology transition. What a road we’ve gone down for the past fifteen years! And there’s another six years to go! It’s both reassuring and necessary to look back at where we started so we can convince ourselves of the changes happening in the world. Today we are able to meet the challenges of climate change and build a more harmonious world. From this point of view, the ocean and those who live for and through it have a fundamental role to play. While everything (or near to it) needs to be built, everything is also available for this development and ready to grow and expand. However, it is still necessary to remove obstacles and set in motion the accelerators powering this transition. This concerns all of us and we are all a part of the solution.
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A tremendous mobilization These are the lessons that I have taken away from the past ten years that we’ve just gone through, from the period where I withdrew from ocean racing to dedicate my efforts to the preservation of the ocean and coastlines (as well as the promotion of sustainable maritime development), up to our impressive Tour de France des Solutions pour le Climat and the dynamics of the Ocean & Climate Platform. In the time in between, we attended the “Grenelle de l’Environment et de la Mer” conferences and learned to combine our talents in order to motivate the players in these areas: the French government with regards
“À nous tous d’agir et de tenir le cap ! ”
“ It’s up to us to act and stay the course! ”
© Innovations bleues
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a planète vit un moment historique avec la COP21. Les acteurs du maritime et plus largement ceux du littoral, ont, à cette occasion, une opportunité formidable de participer pleinement à la construction du monde de l’après transition énergétique et écologique. Quel chemin parcouru depuis quinze ans ! Et plus encore depuis six ans ! Il est nécessaire et réconfortant de regarder dans le rétroviseur pour se convaincre que le monde change. Aujourd’hui, nous sommes en capacité de relever le grand défi climatique et de construire un monde plus harmonieux. Dans cette perspective, l’Océan et ceux qui vivent pour ou par l’Océan ont un rôle fondamental à jouer. Si tout ou presque est à construire, tout est là qui éclot et ne demande qu’à se démultiplier. Mais il est encore nécessaire de lever des freins, d’actionner les accélérateurs de la transition. Nous sommes tous concernés, nous sommes tous une part de la solution.
to international waters and, presently, the essential role of the ocean in the balance of the climate, economic players and territorial authorities with regards to future ships and infrastructures, the citizenry with regards to produced waste, etc. And more or less all of them had their attention turned to France’s maritime dimension and the responsibilities and opportunities that come with it. Ten years ago, I had trouble convincing people – even if I managed in the end! – of the relevance of a televised documentary series on implemented sustainable development solutions. Struck by all the waste and large oil slicks found across the surface of the ocean, I was convinced then that the solution would be a major one, but not a desperate one: some associations, which mobilised discretely at the time, already stood as proof that solutions existed which only needed the vision and the will to come to the fore. Today, everyone has the word “solution” on their tongue. Initiatives continue to expand, and economic and territorial players have followed behind these organizers. Our Tour de France des Solutions pour le Climat basket is full but there are many other baskets that need to be filled, in French metropolitan areas and beyond in overseas territories and throughout the world where initiatives are expanding. >>
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
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Les territoires du littoral sont, en effet, aux premières loges des conséquences liées au réchauffement climatique. On cite plus souvent les îles du Pacifique, mais l’hexagone en ressent déjà les effets. Même les anciens nous l’ont dit : les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient, s’intensifient. Nous n’avons pas rencontré, lors de ce Tour de France, de climato-sceptiques parmi les élus, ou d’anciens, aujourd’hui convertis. D’autant que ces territoires font face, dans le même temps, à la pression démographique croissante : 80% de la population mondiale devrait habiter la frange côtière à l’horizon 2050. Un éventail de solutions Les solutions rencontrées ou à mettre en œuvre pour répondre à ces enjeux, sont de trois sortes. Elles visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, renforcer la capacité des écosystèmes marins ou terrestres à jouer leur rôle dans le cycle du carbone et s’adapter aux changements climatiques. Elles sont souvent connues et demandent, certes, de lever des verrous technologiques, mais ce dont elles ont le plus besoin, c’est de volonté politique à l’échelon national (car le régional s’engage), de fléchage des moyens financiers, d’huile dans les
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Remise du Pavillon Océan & Climat à l’occasion du Tour de France des solutions pour le climat organisé par l’association Innovations bleues. Official handover of the Ocean & Climate Flag on the occasion of the Tour de France of climate solutions organized by the Association Blue Innovations.
More extensively the COP21 provides the opportunity for France to promote the value of its maritime assets and for French maritime players to highlight their knowledge and skills. Added to that, this week of negotiations, conferences, and citizen involvement is a golden opportunity to bring these ambitions to an international stage. The countries that are already involved in, for example, marine energy development or mangrove preservation will be able to show the urgencies as much as the benefits behind their endeavours, while everyone will be able to advance the major topic of ocean governance together. This is what could be the grand ambition of this large gathering, and especially that of the host country, having the right to assume the role of the accelerators for this process. And this is what Ocean & Climate Platform brings to the table, through its ambitious advocacy in giving the ocean a voice, and its international alliance with players from institutions, the maritime economy, and those involved in academic and preservation
demandent le droit à l’expérimentation ”
“ Solution holders require the right to experimentation ”
© Innovations bleues
Rencontre avec les acteurs du monde maritime lors du Tour de France des solutions pour le climat. Meeting with players in the maritime world during the Tour de France of climate solutions.
rouages de la réglementation, d’adhésion et de participation de la société civile, sans laquelle les politiques n’osent s’engager. Les porteurs de solutions demandent le droit à l’expérimentation. Voilà l’une des multiples clés. De manière plus globale, la COP21 offre l’opportunité à la France de valoriser son atout maritime et aux acteurs du maritime français de mettre en lumière leurs savoirs faire. Mais plus encore, cette semaine de négociations, de conférences, de mobilisation citoyenne, est l’occasion rêvée de porter l’ambition à l’échelle internationale. Les pays déjà engagés sur le développement des énergies marines ou la préservation de la mangrove par exemple, vont pouvoir témoigner autant des urgences que des bénéfices de leurs actions. Et tous peuvent ensemble faire avancer le grand sujet de la gouvernance de l’océan. Voilà quelle peut être la belle ambition de ce grand rassemblement, d’autant que le pays hôte, est légitime pour jouer les accélérateurs de processus. Voilà ce que porte la Plateforme Océan & Climat, alliance déjà internationale d’acteurs de la connaissance, de la préservation, de l’économie maritime, des institutions, au travers d’un plaidoyer ambitieux pour faire entendre la voix de l’Océan. Au-delà des engagements que les États prendront à Paris, nous sommes tous en train de larguer les amarres de l’ancien monde. Si nous voulons voguer vers un monde où l’homme vivrait plus en harmonie avec la planète, à nous tous ■ d’agir et de tenir le cap !
© Innovations bleues
A range of solutions There are three types of solutions that have been identified and that need to put into action in order to respond to these concerns. They aim at reducing greenhouse gas emissions, reinforcing the ability of marine and terrestrial ecosystems to play their role in the carbon cycle and to adapt to changes in the climate. These solutions are often already known and, to be sure, require the removal of technological barriers. But what they need most is political will at a national level (as regional authorities are already committed) in order to target financial resources, oil the wheels of regulation, and gain the support and participation of the community, without which politicians would not dare to give their commitment. Those who are providing solutions demand the right to experimentation. This is one of many keys.
“Les porteurs de solutions
© Innovations bleues
© Innovations bleues
© Innovations bleues
Coastal territories are, in fact, in the front row when it comes to experiencing the consequences linked to global warming. The Pacific islands are mentioned the most often, but France has already felt the effects of it. Even senior citizens talked to us about it: extreme meteorological phenomena are increasing and intensifying. During this Tour de France des Solutions pour le Climat we did not meet any elected officials or senior citizens who were climate change sceptics, all of them having now changed their points of view, especially since that, at the same time, the territories where we met them are under increasing demographic pressure: by 2050, 80% of the world population will be living on the coastal fringe.
efforts. Beyond the commitments that countries will make in Paris, we are all raising anchor and pulling out from the old world. If we wish to sail towards a world where humankind lives more harmoniously with the planet, it’s up to us to act and stay on course! ■
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Allier préservation de l’océan et lutte contre le changement climatique Linking ocean conservation and the fight against climate change
Responsable des océans et du changement climatique du Programme mondial pour le milieu marin et polaire au sein de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
par / by Dorothée Herr
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ors de la Conférence Notre océan 2015, en octobre dernier, au Chili, plusieurs États ont pris des initiatives illustrant le lien qu’ils font entre changement climatique et acidification des océans. Les États-Unis ont apporté leur soutien aux États côtiers africains souhaitant renforcer leur capacité à surveiller et à mieux comprendre l’acidification de l’océan indien. La Nouvelle-Zélande a décidé de faire de même en vue d’améliorer la résilience des îles et territoires du Pacifique. Le Panama a prévu d’intégrer l’acidification des océans à son système d’information sur l’environnement et annoncé qu’il allait évaluer la capacité d’absorption du carbone par ses « écosystèmes mangroviens ». Dans le cadre de leurs contributions à l’accord international sur le climat de la COP211, certains États – Seychelles, Bangladesh, Comores, Dominique, Érythrée, Kiribati, Maurice, Antigua-et-Barbuda, Marshall –, ont explicitement fait le lien entre la vulnérabilité de leurs zones côtières et l’acidification des océans. Lors du Congrès mondial des Parcs, l’Afrique du Sud a mis l’accent sur les aires marines protégées afin d’accroître la résilience de ses écosystèmes et sa capacité à s’adapter au changement climatique. Ceci n’est là qu’un aperçu des initiatives prises, ces derniers mois, au niveau international. Cependant, malgré ces engagements louables, force est de constater que seuls 3,5 % des océans du globe sont aujourd’hui protégés, bien loin de l’objectif des 10 % à atteindre en 2020. Pourtant, grâce à une meilleure coordination des stratégies de conservation des océans et de lutte contre le changement climatique (de leur élaboration à leur mise en œuvre), de nombreux objectifs pourraient être atteints an matière, notamment, de conservation des écosystèmes côtiers ou de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre destinée à réduire radicalement l’acidification des océans. Les océans et notre système climatique sont intrinsèquement liés. Nos campagnes nationales et internationales portant sur la conservation des océans et le changement ■ climatique doivent également l’être. Lire l’intégralité de cet article sur www.marine-oceans.com Read these complete article on www.marine-oceans.com
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Responsible for oceans and climate change in the Global Marine and Polar Programme (GMPP) of the International Union for Conservation of Nature (IUCN).
n the course of the Our Ocean 2015 Conference, in Chile last October, several States took initiatives illustrating the link they make between climate change and the acidification of the oceans. The United States offered to support coastal African States who wished to reinforce their capacity for surveillance and for a better understanding of the acidification of the Indian Ocean. New Zealand decided to do the same with a view to improving the resilience of the islands and territories of the Pacific. Panama was planning to include the acidification of the oceans in its environmental information system and announced that it was going to assess the carbon absorption capacity of its “mangrove ecosystems”. In terms of their contribution to the international climate agreement of the COP211, certain States – Seychelles, Bangladesh, Comoros, Dominica, Eritrea, Kiribati, Mauritius, Antigua and Barbuda, Marshall Islands – made explicit the link between the vulnerability of their coastal regions and the acidification of the oceans. During the World Parks Congress, South Africa highlighted protected marine areas as a means of increasing the resilience of its ecosystems and its capacity for adapting to climate change. This is only a brief overview of initiatives that have been taken at international level over recent months. However, despite these commendable examples of commitment, we must note that only 3.5% of the world’s oceans are now protected, a long way short of the objective of 10% to be reached by 2020. Yet thanks to better coordination of ocean conservation strategies and the fight against climate change (from conception to implementation), numerous objectives could be achieved in this area, in particular concerning conservation of the coastal ecosystems or the fight against greenhouse gas emissions with the intention of greatly reducing the acidification of the oceans. The oceans and our climate system are intrinsically linked. Our national and international campaigns focussing on the conservation of the oceans and on cli■ mate change must be similarly closely linked.
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1. Appelées INDC pour Intended nationally determined contribution. Known as INDC (Intended nationally determined contributions).
© Philip Plisson
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
The challenge of marine protected areas
Délégué aux affaires internationales de l’Agence des aires marines protégées, Conseiller international de l’UICN pour les océans.
Le défi des aires marines protégées
Delegate for international affairs at the Agency for marine protected areas, International Councillor at IUCN for oceans.
par / by Christophe Lefebvre
© M. Mabari. MedPan
le Parc naturel de Port-Cros – Porquerolles (France). The Port-Cros – Porquerolles natural park (France).
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a stratégie globale de conservation des océans fait partie des solutions pour le climat. Cette stratégie repose sur une meilleure gestion intégrée des zones côtières et sur la création d’un grand réseau cohérent et résilient d’aires marines protégées permettant de maintenir en état les services écosytémiques des océans. La priorité de création des aires marines protégées doit être orientée vers la protection des zones clés pour la biodiversité et particulièrement la protection des habitats marins vulnérables à forte valeur écologique et dont la biomasse associée séquestre le carbone, comme les récifs coralliens, les mangroves, les herbiers, les estuaires et les marais salés dans la zone côtière ou les canyons et mont marins des mers profondes.
L
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Faciliter la gouvernance de l’Océan Le concept de création d’un réseau global résilient d’aires marines protégées fait appel à un éventail assez large d’outils de protection relevant d’approches sectorielles variées. Cela va de la plus petite aire marine communautaire pour les besoins de la pêche locale (LMMA – Locally Managed Marine Area) aux grandes aires marines protégées (LMA – Large Marine Areas). Il faut croiser et relier les objectifs relevant de tous les outils sectoriels de protection des océans. Les zones marines particulièrement sensibles reconnues et désignées par l’Organi-
Facilitating the governance of the Ocean The concept of creating a resilient global network of protected marine areas appeals to a fairly wide range of protection tools arising from different sectorial approaches. These range from the smallest community marine area for the needs of local fishing (LMMA – Locally Managed Marine Area) to the large marine protected areas (LMA – Large Marine Areas). The objectives of all the sectorial tools for the protection of the oceans must be crosschecked and linked. The marine areas that are recognised as particularly sensitive and des- >>
lobal conservation strategy for the oceans forms part of the solutions for the climate. This strategy is based on better integrated management of coastal areas and on the creation of a large, coherent and resilient network of marine protected areas making it possible to keep the ecosystems of the oceans in good condition. The priority of creating marine protected areas must be focussed on the protection of key areas for biodiversity, in particular the protection of vulnerable marine habitats with high ecological value and whose biomass sequesters carbon, such as coral reefs, mangrove swamps, sea grass beds, estuaries and salt marshes in the coastal area, or canyons and mountains in the depths of the oceans.
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“Des mécanismes
>> sation Maritime Internationale ou les zones marines vulnérables de la FAO1 ont aussi leur place dans la construction d’un réseau global résilient d’aires marines protégées pour le climat. Cette intégration donnerait de la cohérence au réseau mondial des aires marines protégées vis à vis du changement climatique. Cela faciliterait aussi la gouvernance de la mer. La gestion des réseaux d’aires marines protégées doit être adaptative mais renforcée d’un point de vue réglementaire. Les gestionnaires doivent également disposer d’une capacité logistique et technique pour assurer leur mission qui inclut le suivi scientifique des impacts climatiques.
Des moyens insuffisants S’ajoutant à ce bilan quantitatif très incomplet, se pose un problème qualitatif. La plupart des aires marines protégées ne disposent pas de moyens humains et matériels suffisants pour mettre en œuvre de réelles mesures de gestion et de conservation, c’est à dire la réglementation des activités, la réduction des pollutions, la surveillance, l’accueil et l’information du public. Sur les quelques 10 000 aires marines protégées existantes au niveau mondial, rares sont celles qui bénéficient d’un statut de protection forte où les prélèvements sont interdits. Les aires marines protégées dans le monde sont, pour un grand nombre d’entre elles, des aires marines protégées « de papier ». À cette situation disqualifiante, s’ajoute une disparité spatiale. Vingt pays maritimes comptent, à eux seuls, 80 % de la surface de l’ensemble des aires marines protégées dans les océans. Ces aires se concentrent géographiquement et spatialement. On assiste d’ailleurs à une compétition pour la désignation de la plus grande aire marine protégée dans l’océan Pacifique, là où la pression anthropique2 est moindre. Cela fait du chiffre pour les statistiques mais cela ne répond en rien pas à l’idée de la création d’un grand réseau cohérent, représentatif et résilient d’aires marines protégées à l’échelle globale qui concerne près de 150 pays maritimes dans le monde. Les politiques gouvernementales pour la protection des habitats marins doivent s’attacher à régler
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“ Innovative financing mechanisms need to be created ”
© Christophe Lefebvre
Malheureusement, toutes ces conditions sont loin d’être réunies dans la plupart des pays. Le réseau des aires marines protégées dans le monde ne couvre aujourd’hui qu’à peine 4% des océans. Cette situation ne cadre pas avec les engagements des États pris à Nagoya en 2010 lors de la dixième Conférence de la Convention sur la diversité biologique, fixant l’objectif de 10 % à atteindre d’ici 2020. Elle l’est d’autant moins que les scientifiques et les ONGs, réunis à Sydney en 2014 pour le congrès mondial des parcs, préconisent la protection stricte de 30% des habitats marins dans toute leur diversité.
de financement innovants doivent être créés ”
La réserve marine de Cayar au Sénégal . The Cayar marine reserve in Senegal.
ignated as such by the International Maritime Organization or the vulnerable marine areas of the FAO1 also have a role to play in the construction of a resilient global network of marine areas protected for the climate. This integration would give coherence to the global network of marine protected areas in respect of climate change. It would also facilitate the management of the sea. The management of marine protected areas must be flexible yet reinforced by regulation. Those who manage these areas must also have available to them the logistic and technical ability to ensure the success of their mission which includes the scientific monitoring of climatic impacts. Unfortunately, all these conditions are far from being present in most countries. The network of marine protected areas in the world today only covers barely 4% of the oceans. This situation is not consistent with the commitments of the States made at Nagoya in 2010 during the tenth Conference of the Convention on Biological Diversity, which set the objective of 10% to be reached by 2020. It is even less so in light of the recommendation by scientists and NGOs meeting in Sydney in 2014 for the World Parks Congress that 30% of marine habitats should be strictly protected in all their diversity. Insufficient resources Added to this very incomplete quantitative tally, there is also a qualitative problem. Most marine protected areas do not have sufficient human and material resources to implement real measures of management and conservation, that is, to regulate activities, reduce pollution, maintain surveillance, welcome and inform the public. Of the approximately 10,000 marine protected areas
l’une des difficultés de la création des aires marines protégées qui est le problème de leur gouvernance et de leur cogestion entre les acteurs publics, les acteurs professionnels et les usagers de la mer. De nombreux témoignages et expériences ont montré que les aires marines protégées les plus efficaces, comme la réserve marine de Cayar au Sénégal ou le parc marin du Saguenay au Canada, étaient celles qui associaient étroitement les acteurs socioéconomiques à la définition des règles et des mesures de protection de la mer, en particulier le monde de la pêche. Des mécanismes nouveaux de gouvernance participative sont à mettre en œuvre et doivent s’ouvrir aux enjeux climatiques. Les États disposant d’un patrimoine marin conséquent et ayant établi des politiques maritimes intégrées doivent jouer un rôle pilote. Ils doivent inspirer les autres États à prendre des mesures gouvernementales pour la gestion intégrée côtière et la protection de la mer. Les pays exerçant ce type de leadership doivent aussi mobiliser l’ensemble de la communauté internationale pour lutter ensemble contre les facteurs d’altération des écosystèmes marins en haute mer. La COP21 n’a pas inscrit l’océan dans les négociations mais elle est l’occasion de faire prendre en compte cet enjeu dans les futures négociations. Elle doit fixer un nouvel agenda du GIEC pour une recherche scientifique renforcée sur ces enjeux. Des mécanismes de financement innovants comme le paiement des services écosytémiques ou les crédits du carbone bleu devront être créés et servir la préservation et la restauration des écosystèmes marins qui contribuent à l’adaptation et à l’atténuation des impacts du changement climatique. ■ En savoir + / For more information www.aires-marines.fr www.oceanservice.noaa.gov/ecosystems/mpa/ À lire également, l’intégralité du Plaidoyer politique pour les océans et les aires marines protégées de Christophe Lefebvre sur www.marine-oceans.com. See also, Plaidoyer politique pour les océans et les aires marines protégées in its entirety by Christophe Lefebvre on: www.marine-oceans.com.
that exist in the world, those which benefit from strong protection regulations which forbid sampling are rare.The world’s marine protected areas are, very largely, marine areas protected “on paper” only. There is also a spatial disparity to add to this discreditable situation. Twenty maritime countries have 80% of the surface area of all the marine protected areas in the oceans. These areas are concentrated geographically and spatially. In addition, we are witnessing a competition for the title of the largest marine protected area in the Pacific Ocean, where there is least anthropogenic2 pressure. That will provide a figure for the statistics but in no way does it meet the needs of the idea of creating a large, coherent, representative and resilient network of marine protected areas on a global scale which involves almost 150 countries in the world. Governmental policies for the protection of marine habitats must be linked to the resolution of one of the difficulties in the creation of marine protected areas which is the problem of their governance and co-management between public and professional stakeholders and users of the sea. Many accounts and experiences have shown that the most effective marine protected areas, such as the Cayar Marine Reserve in Senegal or the Saguenay Marine Park in Canada, are those where socio-economic stakeholders are closely associated with the drawing up of rules and measures to protect the sea, in particular the world of fishing. New mechanisms for participatory governance open to climate issues must be implemented. States which have a substantial marine heritage that have drawn up integrated maritime policies must play a steering role. They must inspire other States to take governmental measures for integrated coastal management and the protection of the sea. Countries exercising this type of leadership must also call to action the whole of the international community to fight together against the factors that damage marine ecosystems on the high seas. The COP21 has not included the ocean in its negotiations but this is the chance to take this issue into account in future negotiations. It must set a new agenda for the IPCC for stronger scientific research into these issues. Innovative financial mechanisms such as payment for eco-systemic services or blue carbon offsets must be created and serve to conserve and restore marine ecosystems that contribute to the adjustment and atten■ uation of the impacts of climate change.
1. Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. United Nations Organisation for food and agriculture. 2. Qui résulte d’une activité humaine. Resulting from human activity. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
Les aires marines protégées dans le monde Protected marine areas of the world Artic Ocean
Zemlya Franza Josefa Nordaust-Svalbard
Greenland
Ostrov Vrangelya / Wrangel Island Zapovednik
Auyuittuq North West Rockall Bank Doggersbank The Wadden Sea
Charlie-Gibbs Fracture Zone
Nearshore Bristol Bay Trawl Closure
Komandorsky / Commander Islands
Bowie Seamount
Mid-Atlantic Ridge Iroise El Cachucho Pelagos North of the Azores
Gully
Josephine Seamount
Pacific Ocean
Flynet Closure
Big Sur / Port San Luis
Atlantic Ocean Papahanaumokuakea
Florida Keys
Elba
Bancos de la Plata y de la Navidad Agoa
Marawah Al Yasat Islas Marías
Banc d’Arguin Marianas Trench
Archipiélago de Revillagigedo
Seaflower Bolama - Bijagós Gulf Of Mannar
Coiba Cocos Islands Malpelo
Indian Ocean
Reentrancias Maranhenses
Galápagos
Rufiji-Mafia-Kilwa Glorieuses Mayotte Primeiras Ambodilaitry and Segundas Masoala
Paracas Ponta da Baleia / Abrolhos
Bar Reef
Kien Giang
Pacific Remote Islands
Senayang Lingga
Phoenix Islands
Chagos Argo-Rowley Terrace Gascoyne
Bazaruto
Coral Sea Great Barrier Reef
Lagons de Nouvelle-Calédonie Motu Motiro
Walvis Bay Namaqualand
Pondoland
Kermadec
Table Mountain South-west Corner Arrow Plateau
Heard Island and McDonald Islands South Georgia and South Sandwich Islands
Prince Edward Islands Macquarie Island
Cabo de Hornos South Orkney Islands Southern Shelf
En 2013, 3 % de l’Océan mondial était protégé (voir carte cidessus). 3,5 % en 2015. Lors de la Conférence « Notre océan 2015 » qui s'est tenue au Chili, en octobre dernier, de nouveaux engagements ont été pris pour la protection de près de 2 millions de Km2 d’océan. En 2010, à Nagoya (Japon), les Ètats ont arrêté l'objectif de 10 % d’océan protégé en 2020.
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Marine & Océans n° 249 • Numéro spécial COP21 Paris 2015
Antipodes Transect
Southern Ocean
In 2013, 3% of the world’s oceans were protected (see map above), and 3.5% in 2015. New commitments were made last October during the “Our Ocean 2015” Conference in Chile, to protect almost 2 million km2 of ocean. In 2010 in Nagoya, Japan, the States set the objective of 10% of the ocean being protected by 2020.
Marine & Océans n° 249 • Special Issue COP21 Paris 2015
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION COMMUNIQUÉ
© E. Sala – National Geographic
Blancpain Ocean Commitment
Help protect the Ocean
Le projet Pristine Seas
Pristine Seas project
lancpain a joué un rôle de pionnier dans le développement du projet Pristine Seas en lui garantissant son premier soutien institutionnel. Cet appui indéfectible a permis au programme de prendre de l’ampleur et de s’imposer comme l’une des plus importantes initiatives consacrées à la protection des océans. Conduites par le Dr Enric Sala, explorateur résident de la National Geographic Society, les expéditions Pristine Seas ont pour objectif l’exploration des rares régions demeurées intactes dans les océans. En étudiant et en filmant ces zones préservées, les expéditions Pristine Seas contribuent à un élan plus vaste destiné à informer le public et les gouvernements sur la valeur exceptionnelle et le caractère unique de leur écosystème et la nécessité de les sauvegarder. Le programme a déjà permis d’assurer la protection de vastes étendues marines aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Chili, au Gabon, à Palau, aux Kiribati et au Costa Rica, qui couvrent désormais plus de 3 000 000 kilomètres carrés (une valeur qui prend tout sens en la comparant avec la superficie de la Suisse qui s’élève à 41 285 kilomètres carrés) et comprend le plus grand sanctuaire marin du monde, récemment créé par le Royaume-Uni. Ces régions protégées représentent une condition essentielle pour saisir la véritable dimension de l’impact exercé par l’être humain sur la vie océanique et évaluer la mise en œuvre des actions de conservation. Elles incarnent également un pas essentiel pour améliorer la santé des océans pour ■ les générations futures.
lancpain has been a frontrunner in the support of the Pristine Seas project and was the first organization to contribute to it. This unwavering support has helped the program to grow as it strives to become one of the world’s leading ocean conservation initiatives. Led by National Geographic Explorer-in-Residence Dr. Enric Sala, the Pristine Seas expeditions are dedicated to exploring the precious few remaining truly unspoiled, wild ocean areas on earth. The expeditions study and film these areas as part of the larger effort to educate the public and governments on the value and uniqueness of their ecosystems and to support governmental pledges to protect them. The program has already helped protect areas in the United States, UK, Chile, Gabon, Palau, Kiribati and Costa Rica, covering more than 3,000,000 square kilometers (as compared for example to Switzerland’s area of 41,285 square kilometers) and includes the largest continuous marine sanctuary in the world which was recently set aside by the United Kingdom. These protected areas represent important baselines in the understanding of the true magnitude of human impacts on ocean life, the evaluation of the efficacy of management and conservation actions, and represent an important step toward improving the condition of the ocean to be inherited by ■ future generations.
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En savoir + / For more information www.blancpain.com
+ 3 000 000 KM2 D’OCÉANS PROTÉGÉS BLANCPAIN ET NATIONAL GEOGRAPHIC DOUBLENT LA SURFACE D’OCÉANS PROTÉGÉS ©Photograph: Masa Ushioda, « Reaching out », Fifty Fathoms Edition 2009
Sauvegarder l’océan
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
Torsten Thiele, L’urgence d’un financement bleu
matique. Toutefois, l’absence relative de l’océan des précédentes négociations climatiques s’est également accompagnée d’une carence dans les discussions concernant le financement climatique. Aussi, le concept de « financement bleu » est-il apparu comme un moyen de mettre en évidence la nécessité d’inclure l’océan dans la solution. « Nous utilisons ce concept pour décrire comment un financement durable du milieu marin peut constituer un élément de solution, » dit Thiele. « Tout comme nous avons des obligations climatiques vertes et des financements verts afin de protéger les forêts qui agissent comme des puits de carbone, nous avons besoin d’un financement bleu. »
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The urgency of a blue financing
par / by Josh Stride*
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orsten Thiele (photo), fondateur du Global ocean trust1 et membre de la Plateforme Océan & Climat2 possède l’énergie et l’enthousiasme d’un homme qui a une grande idée et qui veut la partager avec le monde entier. Pour lui, compte tenu de l’importance des océans pour le climat et des efforts fournis par l’Humanité pour atténuer les changements climatiques, une plus grande part du financement visant à atteindre les objectifs climatiques convenus doivent être dirigés vers les océans. Ayant une formation en financement d’infrastructures, Thiele reconnaît le rôle vital que les instruments financiers ont à jouer pour bâtir ce qu’il appelle la résilience océanique et atténuer les changements climatiques. L’adoption du Fonds Vert pour le Climat3, il y a cinq ans, lors de la COP17 à Durban, a révélé la nécessité d’un financement spécifique destiné à aider les nations à faire face au changement cli-
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
orsten Thiele (photo) is the founder of the Global ocean trust1 and a member of the Ocean & Climate Platform2, and he certainly has the energy and enthusiasm of someone with a big idea, who wants to share it with the whole world.
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For him, bearing in mind how important the ocean is to the climate and the work done by humankind to mitigate climate change, a larger share of the agreed financing aimed at achieving climate change objectives should be directed towards the oceans. With his training in infrastructure financing, Thiele recognises the vital role that financial instruments have to play in building up what he calls the ocean’s resilience and mitigate climate change. The adoption of Green Funds for the Climate3 five years ago during the COP17 at Durban demonstrated the need for specific financing aimed at
Pour Thiele, les avantages en sont évidents avec un « triple résultat » : des rendements financiers, des retombées environnementales et le fait que chaque investissement dans un domaine renforce les autres. « L’avantage, dit-il, de cet investissement est qu’il est réel : il améliore notre planète sur le long terme ». Lorsque je lui demande comment l’argent sera dépensé en pratique, Thiele saute sur l’occasion : « Je peux vous donner un exemple très concret ! La mer des Sargasses4, dit-il, est le lieu d’éclosion des anguilles européennes et américaines, mais elle comprend aussi 2,4 millions de km2 de sargasses, une algue unique (sargassum), remarquable pour sa capacité à absorber le carbone. Elle représente aussi un élément précieux pour l’industrie d’observation baleinière, et contribue au maintien de la pêche européenne et américaine de l’anguille. Protéger cette zone, y mener des activités scientifiques et investir dans sa préservation, aideront non seulement ce puits de carbone et cette aire marine protégée, mais ils contribueront également à l’industrie d’observation des baleines en Amérique du Nord. La valeur de l’écosystème de la mer des Sargasses est significative et investir dans sa conservation, ainsi que dans de nouveaux services qui en dépendent, fait partie de ce que nous appelons le financement bleu ». ■ * Josh Stride est consultant indépendant Océan et Environnement, membre de l’équipage Tara. L’intégralité de cet article a été publiée le 8 octobre 2015 sur le site www.oceans.taraexpeditions.org Josh Stride is Ocean and Environment independent consultant, member of the Tara crew. The full article was published on 8th October on the website www.oceans.taraexpeditions.org
1. www.globaloceantrust.com. 2. www.ocean-climate.org. 3. www.news.gcfund.org. 4. Située dans l’Atlantique Nord, autrefois appelée la « mer herbeuse ». Located in the North Atlantic, formerly known as the “Sea Grass”.
“Une plus grande part des
financement pour le climat doit être dirigée vers les océans”
“ A greater share of climate financing should be directed to the oceans ”
supporting nations with handling climate change. But the relative absence of the ocean from earlier climate negotiations also comes with a deficiency in discussions relating to climate financing. Also the concept of “blue financing“ has come to be a means of making clear the need to incorporate the ocean as part of the solution. “We are using this concept to describe how sustainable financing in the marine environment can constitute a part of the solution,” says Thiele. “Just as we have green climate obligations and green financing in order to protect forests that act as carbon wells, we also need blue financing.” For Thiele, the advantages are clear with a triple outcome: financial returns, environmental consequences and the fact that each investment in one domain reinforces the others. “The advantage of this investment, he says, is that it is real: it improves our planet in the long term”. When I asked how the money will be spent in practice, Thiele is right on the ball: “I can give you a concrete example! The Sargasso sea, he says, is a location where European and American eels hatch, but it also incorporates 2.4 million square kilometers of sargassum, a unique algae that is remarkable for its carbon-absorbing capacity. It also represents a precious means of observing whales and contributes to the maintenance of European and American eel fishing. To protect this zone and to undertake scientific activities there, as well as to invest in its preservation, will help these carbon wells and this protected marine area. It will also contribute to the observation of whales in North America. The value of the Sargasso Sea eco-system is significant, and making an investment in its conservation along with the new services upon which it depends is a part of ■ what we refer to as blue financing.” Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
Pêche et aquaculture marine :
explorer les pistes d’une économie circulaire ?
Fishing and marine aquaculture:
exploring the routes of a circular economy? par / by Raphaëla le Gouvello
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Navigatrice, Raphaëla le Gouvello est docteur vétérinaire, spécialisée en aquaculture et dans les milieux aquatiques. Elle collabore en tant qu’expert avec l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) sur la thématique d’une aquaculture durable. Sailing woman, Raphaëla le Gouvello is a veterinary doctor who specialises in aquaculture and aquatic environments. She works as an expert consultant with the International Union for Conservation of Nature (IUCN) in matters of sustainable aquaculture. © R. le Gouvello
économie circulaire est de plus en plus mise en avant pour aller vers un développement plus durable et répondre aux enjeux du changement climatique1. Elle offre, de fait, un champ de réflexions et de solutions dont la pêche et l’aquaculture pourraient s’emparer. Par exemple, les systèmes d’Aquaculture Multi-Trophique Intégrée (AMTI 2 ) sont basés sur des échanges bénéfiques et complémentaires entre plusieurs élevages aquacoles. Au Canada, trois productions aquacoles sont ainsi conduites sur un même site. Un élevage de saumons rejette des effluents dans l’environnement marin qui sont consommés, comme des nutriments, par les végétaux marins : macroalgues (cultures exploitables pour d’autres usages, nutrition, cosmétique, bioplastiques, textiles…) ou microalgues, qui vont nourrir des cultures de coquillages maintenues à proximité (filières d’huîtres, de moules). La gestion de l’écosystème est ainsi améliorée, en s’appuyant sur une meilleure circulation des flux de nutriments et d’énergie. Des recherches sont aussi en cours pour compléter cette boucle vertueuse et utiliser des extraits d’algues pour l’alimentation des poissons d’élevage. La valorisation de coquilles en produits de cosmétologie ou en matériaux de construction, la culture de microalgues par la cap-
he circular economy is increasingly put forward as a way of achieving more sustainable development and responding to the issues of climate change1. It does indeed offer food for thought and solutions which fishing and aquaculture might adopt. For instance, the systems of Integrated Multi Trophic Aquaculture (IMTA2) are based on beneficial and complementary exchanges between several different aquaculture producers. In Canada, three aquaculture producers are therefore in operation on the same site. A salmon farm puts effluents into the marine environment which are then consumed, as nutrients, by marine vegetation: macroalgae (crops that can be used in other ways, food, cosmetics, bioplastics, textiles, etc.) or microalgae, which nourish the nearby shellfish farms (oyster and mussel beds). Management of the ecosystem is therefore improved, based on better circulation of the flow of nutrients and energy. Research is also underway to complete this virtuous circle and use algae extracts to feed farmed fish. The valorization mollusc shells in cosmetology products or in construction materials, the culture of microalgae to capture the CO2 emissions of a factory, the use of the residual heat from a power plant
T Ferme de production aquacole au Canada. Aquaculture production farm in Canada.
“L’économie circulaire est de plus en plus mise en avant pour répondre aux enjeux du changement climatique ”
“ The circular economy is increasingly put forward to meet the challenges of climate change” tation des émissions de CO2 d’une usine, l’utilisation de la chaleur résiduelle d’une centrale énergétique pour l’élevage de poissons (comme c’est le cas sur la symbiose industrielle très connue de Kalundborg au Danemark3, sont autant d’exemples illustrant la manière dont, selon les principes de l’économie circulaire, on peut en aquaculture réaliser des économies d’énergie ou de matières, diminuer les impacts environnementaux, et au final, offrir une réponse aux enjeux climatiques. Pour ce qui concerne la pêche européenne, le principe du zéro rejet imposé par la nouvelle Politique Commune des Pêches4, pourrait conduire le secteur à une réflexion circulaire et locale. La lutte contre le gaspillage alimentaire est aussi un puissant levier. Sur le port de Lorient, l’opéra-
Culture de moules sur bouchots en baie de Vilaine. Mussel farming in the Bay of Vilaine.
in fish farming (as in the case of the very wellknown industrial symbiosis in Kalundborg, Denmark)3, are all examples illustrating how, according to the principles of the circular economy, one can, in aquaculture, achieve savings in energy or raw material, reduce environmental impacts and, finally, offer a response to climate issues. As far as fishing in Europe is concerned, the principle of zero discards imposed by the new Common Fisheries Policy4, might lead the sector to think in a circular and local manner. The fight against food waste is also a powerful motivator. In the port of Lorient, operation “Lulu le Merlu”5, carried out by a Lorient company, allows hake (“Merluccius”) that has been landed (its stocks are estimated to be in a good state) be >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
>> tion « Lulu le Merlu »5, portée par une entreprise lorientaise, permet de mieux valoriser localement le merlu (« Merluccius ») débarqué (dont les stocks sont estimés en bon état) en le transformant en produits surgelés pour une consommation de proximité. Près de 150 000 tonnes, soit 50% du poids des captures débarquées sur le Grand Ouest en France, ne sont pas aujourd’hui correctement valorisées6. Ces « sous-produits » de la pêche – une matière première non consommée (peau, arêtes, viscères, tête) –, sont transformés en grande partie en farine pour l’alimentation animale (une « sous valorisation »), alors que de nombreuses applications innovantes permettraient une meilleure valeur ajoutée, à condition toutefois de pouvoir réorganiser la collecte, la circulation et la transformation de ces déchets devenus ressources. À titre d’exemple, la récupération de la chair entre les arêtes des poissons intéresse l’industrie agroalimentaire, alors que, des arêtes elles-mêmes et de la peau, sont extraites des molécules importantes pour les secteurs de la nutrition, de la santé et de la cosmétique (kératine, gélatine…). Les déchets matériels de la pêche sont aussi à intégrer dans la réflexion. Aux Philippines7, des filets de pêche usagés sont collectés et réemployés pour fabriquer des moquettes, une initiative qui contribue à diminuer les déchets sur le littoral. Pour la pêche comme pour l’aquaculture, il s’agit de s’ouvrir à d’autres secteurs économiques, de revoir le fonctionnement de toutes les filières, et de mieux s’insérer dans un tissu local pour explorer toutes les synergies possibles. Ces démarches, pour être tout à fait durables, impliquent la prise en compte impérative, en amont, des enjeux socio-environnementaux, une gestion durable de la ressource et un accompagnement par les collectivités et les services de l’État. ■
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Dans le port de Lorient, le merlu débarqué est valorisé localement. In the port of Lorient, hake is processed locally.
En savoir + / For more information www.institut-economie-circulaire.fr www.respectocean.com www.raphaela-legouvello.com
1. Cf. Rapport récent de l’Institut de l’Économie Circulaire (2015). Cf. Recent report by the Institut de l’Économie Circulaire (2015). 2. AMTI / IMTA : Integrated Multi Trophic Aquaculture. 3. www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/case_studies/ la-symbiose-industrielle-de-kalundborg 4. http://ec.europa.eu/fisheries/cfp/index_fr.htm 5. www.respectocean.com/lulu-le-merlu-durable-breton 6. Selon Le Floc’h P, Bourseau P, Le Grel L, 2014. Valorisation des coproduits marins dans les régions françaises du Grand Ouest. According to Le Floc’h P, Bourseau P, Le Grel L, 2014. Valorisation des coproduits marins dans les régions françaises du Grand Ouest. 7. www.usinenouvelle.com/article/interface-met-des-filetsdans-ses-moquettes. 8.Unité Mixte de Recherche AMURE, centre de droit et d’économie de la mer de l’Université de Brest. www.umr-amure.fr Unité Mixte de Recherche AMURE (Mixed Research Unit), Centre of Law and Economics of the Sea at the University of Brest.
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L’océan vient seulement de sortir du néolithique The ocean has only just emerged from the neolithic area par / by Jean-Loup Velut Secrétaire général de la Coopération maritime General Secretary of the Maritime Cooperation
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better used locally by turning it into frozen products for local consumption. Almost 150,000 tonnes, that is 50% of the weight of catches landed in North-West France, are not now fully valued6. These “by-products” of fishing – raw materials that is not consumed (skin, bones, entrails, head) –, are largely processed into fishmeal for animal feed (an “under-use”), whereas numerous innovative applications would give better added value, always provided that collecting, circulating and manufacturing of these waste products that have become resources can be reorganised. By way of example, recovering the flesh between the bones of fish is of interest to the food-processing industry, while important molecules for the nutrition, health and cosmetics sectors (keratin, gelatine, etc.) can be extracted from. the bones themselves and the skin.Waste materials from fishing should also be taken into consideration. In the Philippines7, worn fishing-nets are collected and reused to make floor-coverings, an initiative that helps reduce waste along the coast. For both fishing and aquaculture, it is a matter of being open to other economic sectors, taking a fresh look at how all the industries function, and integrating better into the local fabric to explore all possible synergies. For these approaches to be really sustainable, it is imperative to first take into account the socio-environmental issues, sustainable management of the resource and support from the communities and the services of ■ the State.
TRIBUNE COLUMN
L’
écologie sans l’homme, voilà la dernière idée à la mode… Cette vision excessive, s’inspirant de la théorie « anti-spéciste1 » et de la « Deep ecology » américaine, considère l’humanité comme la responsable principale de la « sixième extinction des espèces » à laquelle nous assistons aujourd’hui. Elle rêve que l’homme perde enfin son statut d’espèce dominante en mer et qu’il redevienne une simple espèce animale parmi toutes les autres… Rappelons simplement que le statut de pêcheur artisan que supporte la Coopération maritime2 n’est pas anodin. Il implique, à lui seul, un modèle économique opposé à la poursuite exclusive du profit. Il privilégie l’emploi et la consommation locale, la taille modeste de l’entreprise, la qualité du service et du produit. Il est, pour l’essentiel, celui de la pêche française. La pêche artisanale, y compris hauturière, notamment le segment des 16-24 mètres, en constitue le centre de gravité. Ce modèle est fortement marqué par l’économie sociale, les prud’homies3 en Méditerranée et les structures coopératives sur l’ensemble du littoral. Le mouvement coopératif maritime français fête d’ailleurs cette année ses 120 ans d’existence. Les coopératives maritimes, leurs filiales, les mutuelles, le système coopératif dans son ensemble, incitent les professionnels de la mer à se regrouper pour défendre leurs intérêts et les mettent au cœur de l’économie du littoral, ainsi que de son écologie humaine. A la fois sentinelles de la biodiversité, marqueurs de l’identité de nos côtes, acteurs économiques ancrés dans des logiques de proximité et de territoires, nos pêcheurs artisans méritent mieux que le procès facile qui leur est fait, en les considérant systématiquement comme les principaux suppôts de « l’axe du mal »… Cette pêche française a pris délibérément à bras le corps la logique du développement durable et s’y investit désormais très fortement. À cet égard, il faut inlassablement rappeler deux vérités méconnues. La surpêche n’est pas, pour l’essentiel, une problématique européenne. La pêche européenne est sur-contrôlée et sur-règlementée. Elle ne représente que 6% de la pêche mondiale et 14% de la consommation. La surpêche et la pêche illégales sont ailleurs… Nous n’en sommes, par ailleurs, qu’au tout début du processus de développement durable en mer : l’Océan vient seulement de sortir du néolithique, en l’an 2000, avec pour la première fois l’aquaculture dépassant la capture. Oui, l’écologie océane, pour être efficace, doit mettre pleinement l’homme du littoral au cœur de sa réflexion et le pêcheur artisan au centre de son modèle de régulation raisonné et durable. C’est ainsi que nous pourrons, ensemble, sortir progressivement du néolithique en mer. ■
cology without mankind : the latest fashionable idea.This outlandish vision takes its inspiration from the American“Deep ecology” and“anti-specieism”1theory that considers human beings as being primarily responsible for the “sixth extinction of the species” which we are presently witnessing.The idea imagines that mankind is finally losing its status as the dominant species in the sea, and that man is becoming just one animal species among all the others… Let’s just remember that the status of the small-scale fisherman supported by the Maritime Cooperation is a far from trivial matter.The single fisherman encompasses an economic model that is the opposite of the exclusive pursuit of profit. It encourages local employment and consumption, and is conducive to small-sized businesses as well as good quality services and products.This, in the main, is what French fishing is all about. Small-scale fishing, including fishing on the high seas especially in the 16-24 meters sector, is the gravitational centre of this industry sector. This model is strongly impacted by the social economy, the Mediterranean arbitration boards2 and the co-operative organisations across the entire shoreline area. The French maritime co-operative movement is now celebrating its 120th birthday.The maritime co-operative organisations and their branches as well as the mutual societies and the co-operative system overall encourage those in the sea-related industry to join forces to both defend their interests, and to position themselves at the heart of the shoreline economy and its human ecology. Our small-scale fishermen play several roles all at once: they are the sentinels of biodiversity, the emblems of the identity of our shores, and they are economic participants anchored in considerations of proximity and territories.They deserve better than the facile dismissal of them as being the principal henchmen of the so-called Axis of Evil.The French fishing industry has whole-heartedly taken on board the sustainable development mindset, and is now heavily invested in it. In this respect, two little-known truths should be constantly remembered. Generally speaking, over-fishing is not a European issue. European fishing is over-controlled and over-regulated. It accounts for just 6% of the global fish, and 14% of consumption.Though over-fishing and illegal fishing do in fact exist…in any case, we are only at the beginning of the sustainable development at sea process: the Ocean has only just emerged from the Neolithic era. For the first time in 2000, fish farming exceeded fish capturing. Of course, the men working from the shore need to be firmly at the heart of the ocean’s ecology in order to be effective, and the small-scale fisherman likewise needs to be at the centre of the ocean ecology’s model of well thoughtout and sustainable regulation.This is how we will together manage to slowly but surely emerge from the Neolithic era of the sea. ■
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1. L’antispécisme (1970) s'oppose au « spécisme » qui place l’espèce humaine avant toutes les autres espèces. Anti-specieism (1970) is the opposite of ”specieism” in which humankind is ranked above all other species. 2. www.cooperationmaritime.com 3. Depuis le XIVe siècle, les pêcheurs méditerranéens sont organisés en prud’homies, gérant les conflits d'usage et l'accès aux zones de pêche. Since the 14th Century, Mediterranean fishermen have been organised into arbitration boards that managed conflicts of use and access to fishing zones. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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COP21 PARIS 2015
Entretien avec Isabelle Autissier Interview with Isabelle Autissier
“Les utilisateurs de l’océan doivent financièrement contribuer à sa pérennité ” “All users of the ocean must contribute financially to its longevity ” Propos recueillis par / Interview by Erwan Sterenn
© Philip Plisson
© Martin Leers / WWF
En savoir + / For more information www.wwf.fr
Isabelle Autissier, ingénieur agronome, ancienne navigatrice en solitaire, est Présidente du WWF France, membre du Conseil consultatif des Terres Australes et Antarctiques françaises et administratrice du Parc naturel de Port-Cros.
© WWF
Isabelle Autissier, an agricultural engineer, a former solo sailor, is president of WWF France, a member of the advisory council for southern and Antarctic French Lands (Conseil consultatif des Terres Australes et Antarctiques françaises), and an administrator for the Port-Cros natural park.
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■ Quel est, pour vous, l’enjeu de cette nouvelle COP ? Cette 21e COP est particulière car c’est celle que les scientifiques ont désignée comme étant la dernière pour que les engagements des pays, applicables à partir de 2020, soient à la hauteur pour rester en dessous de deux degrés de réchauffement global. La somme des engagements des pays doit donc arriver à ce résultat alors que, pour le moment, l’on est plutôt sur une trajectoire de trois degrés. Ces engagements doivent être sincères et vérifiables. Il doit y avoir un mécanisme pour les contrôler et les renforcer s’ils s’avéraient insuffisants. Sinon nous n’y arriverons pas. La solidarité climatique doit aussi jouer à travers les cent milliards annuels
■ For you, what are the issues for this year’s COP? The 21st COP is special because it stands out as the one that scientists have indicated as being the last one where the countries’ commitments, which will be applied starting in 2020, must meet the required projections in order to keep the global warming rate under a twodegree increase. The sum of the countries’ commitments thus need to achieve this result, while for the moment, we are more on the path towards a three-degree hike. These commitments must be genuine and verifiable. There must be a mechanism for inspecting and reinforcing them if they prove to be insufficient. Otherwise, we won’t make the mark. Climate soli-
devant être mis sur la table pour aider les pays pauvres à engager leur mutation énergétique. ■ Vous appelez à un développement urgent des Aires marines protégées… Les AMP sont à la fois des zones de résiliences de la vie océanique qui favoriseront l’adaptation des espèces aux bouleversements climatiques et des espaces de redéploiement des économies humaines vers des activités moins « impactantes ». Cinquante pour cent de la biodiversité marine a disparu en quarante ans. Nous ne pouvons pas continuer sur cette trajectoire. Les AMP ne sont pas des zones interdites aux hommes – sauf les réserves qui en représentent un petit pourcentage – mais des zones
où les activités humaines respectent en priorité la nature et ses rythmes. Ce faisant, elles permettent de restaurer les « services écologiques » : restauration de la biodiversité, des paysages, épuration des eaux, séquestration de carbone, zones de nurseries… Un objectif de 20% d’aires protégées dans tous les types de milieux parait indispensable pour que l’océan reste vivant et fournissent ses services aux hommes. ■ Vous proposez de taxer l’usage de la mer. Estce possible, comment et au profit de qui ? L’économie des sociétés développées est basée sur les flux financiers. Mais les écosystèmes ou les services écologiques n’ont jamais été intégrés à la chaîne de valeur.
Navire de croisière en Arctique. Cruise ship in Arctic.
darity association must also have a hand in the allotment of the annual hundred billion in funds, which must be put on the table to help poor countries make their own energy transition. ■ You are calling for the
urgent development of marine protected areas… The MPAs are both resilient areas for ocean life that support species adaptation to climate disruptions and spaces for reorganizing human economies towards activities that create less impact. Fifty per cent of marine biodiversity has disappeared in the last forty years. We cannot continue on this path. The MPAs are not areas where humans are forbidden to enter – except for the marine reserves, which represent a small
percentage – but areas where human activities have to respect above all else nature and its rhythms. In doing so, it enables these areas to restore “ecological services”: aquatic terrain and biodiversity restoration, water purification, carbon sequestration, nursery areas, etc. A goal of a 20% portion of protected areas in all types of habitats seems indispensable for the ocean to remain alive and provide its ser vices to humankind. ■ You’ve proposed tax-
ing the usage of the oceans. Is that possible? If so, how? And who is to benefit from it? The economies of developed societies are based on cash flow. But ecosystems or ecological services have never been >>
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
FOCUS
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Réduire l’impact environnemental de l’exploitation des hydrocarbures offshore Reducing the environmental impact of offshore exploitation of hydrocarbons par Jean-François Minster Directeur scientifique de Total, rattaché à la Direction Générale du Groupe Scientific Director of Total, attached to the General Management of the Group
>> L’océan ne vaut rien, le poisson dans la mer ne vaut rien, la fourniture de la moitié de l’oxygène de l’air par le plancton ne vaut rien… Il faut donc que des mécanismes financiers s’instaurent pour que les utilisateurs, ceux qui font de l’argent avec ces services écologiques, contribuent à leur pérennité. Sinon c’est une économie de prédation qui prend place pour laisser les générations futures se débrouiller. Il est normal que ce soit les utilisateurs qui y contribuent. À titre d’exemple, les navires marchands polluent par leurs rejets, leurs bruits, leurs accidents… Une taxe au profit d’organismes collecteurs – comme cela se fait pour les emballages –, pourrait servir à restaurer
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la biodiversité et à poursuivre la recherche pour des navires moins polluants. ■ Quelle forme pourrait
prendre cette gouvernance mondiale des océans que vous appelez de vos vœux ? La haute mer, en particulier, connait un faisceau de règlements très divers mais aucune gouvernance collective. L’océan est un bien commun de l’humanité. Il n’appartient à personne. Pour autant des règles du jeu d’intervention humaine doivent être fixées collectivement. Nous y sommes parvenus pour l’Antarctique. Ce peut être une forme de modèle : une organisation sous l’égide de l’ONU qui, avec l’expertise scientifique, définirait des cadres pour les ■ activités humaines.
Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
« 50% de la biodiversité marine a disparu en 40 ans. » « 50% of biodiversity has disappeared over 40 years. » Isabelle Autissier
included in the value chain. The ocean has no value; the fish in the ocean have no value, the supply of half of the oxygen in the air provided by plankton has no value, etc. So we need to set up a financial mechanism so that ocean users, those who make money from these ecological services, contribute to their longevity. Otherwise, this economy of predation continues to dominate, leaving it to future generations to fix all the problems. It’s normal that the users are the ones who should contribute. For example, merchant ships pollute through the material waste and noise they produce and the accidents that occur. A tax that goes to collection organizations – like we’ve seen for types of pack-
aging waste – could help to restore the biodiversity and continue the research for creating ships that cause less pollution. ■ What could the form
be for this world ocean governance, which you’ve called for? The open seas in particular have a collection of very diverse regulations but no cohesive governance. For humankind, the ocean is common property. It belongs to no one. Given that, playing rules for human intervention must be collectively set. We managed to do that for Antarctica. That could be a model: an organization under the auspices of the UN that, with scientific expertise, would define the framework for human activity. ■
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Navires sur le champs pétrolier offshore de Pazflor en Angola. Ships on the Pazflor offshore oilfield in Angola.
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© WWF
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exploitation des hydrocarbures offshore correspond à environ 30% de la production mondiale, si bien qu’elle est aujourd’hui indispensable à l’économie mondiale. Il est d’autant plus nécessaire de maîtriser et de réduire son impact environnemental, tout particulièrement dans les océans. Les problématiques à prendre en compte sont nombreuses, incluant : l’étude systématique de l’état zéro des milieu, afin de suivre les impacts des développements et de la production, notamment sur la biodiversité marine ; la gestion des campagnes sismiques visant à minimiser leurs effets sur les mammifères marins ; la gestion de l’eau de production – qui peut dépasser en volume trois fois la production des huiles –, en la traitant et en maximisant sa réinjection dans le sous-sol ; la gestion des gaz associés à la production, visant à éliminer d’ici 2030 le brûlage de ces gaz ; la conception des installations, en donnant toujours priorité à la sécurité et en recherchant des solutions de meilleure efficacité énergétique ; la généralisation des outils de surveillance et la préparation de moyens d’intervention, car les accidents restent toujours possibles ; la sélection des zones d’exploitation car même si celles-ci sont toujours attribuées par les États dans leurs ZEE, certaines zones, comme l’Arctique, posent en effet des risques trop élevés pour décider d’y investir surtout en ce qui concerne la production des huiles. L’ensemble du secteur pétrolier avance de concert sur ces sujets, en particulier au travers d’organisations comme ■ l’IPIECA1.
ffshore exploitation of hydrocarbons represents approximately 30% of global production, so that it is now indispensable to the global economy. Therefore it is even more necessary to control and reduce its environmental impact, especially on the oceans. The issues to be taken into account are many, including: A systematic study of the baseline state of the environment, in order to monitor the impact of development and production, especially on marine biodiversity; Management of seismic campaigns aimed at minimising their effect on marine mammals; Management of water production – which may be three times greater in volume than the production of oils –, by treating it and maximising its reinjection into the sub-soil; The management of gases associated with production, aimed at eliminating by 2030 the burning of these gases; The design of installations, always prioritising security and seeking solutions for better energy efficiency; The generalised use of surveillance tools and the preparation of means of intervention, as accidents are always possible; The selection of areas for exploitation as even if these are always allocated by States within their EEZs, some areas, such as the Arctic, carry risks that are too high for investment to be made there, especially as far as the production of oil is concerned. The whole oil sector is going forward in agreement on these matters, in particular through organisations such as IPIECA1. ■
1. Association mondiale d'études des questions environnementales et sociales du secteur pétrolier. Fondée en 1974 à la suite de la création du Programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE), l’IPIECA aide notamment les producteurs de gaz et de pétrole à améliorer leur performance environnementale et sociétale. Source IPIECA. International Petroleum Industry Environmental Conservation Association. Founded in 1974 following the creation of the United Nations Environment Programme (PNUE), IPIECA helps gas and oil producer to improve their environmental and societal performance. Source IPIECA. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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© Philip Plisson
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
Shipping,
relever le défi du changement climatique Shipping, Addressing the challenge of climate change par / by Éric Banel
Éric Banel est Délégué général d’Armateurs de France. Il est également membre du Conseil Supérieur de la Marine Marchande et du Conseil National de la Mer et des Littoraux, Administrateur de l’Agence des Aires Marines Protégées et de l’École Nationale Supérieure Maritime. Éric Banel is the General Delegate of the Armateurs de France. He is also a member of the Supreme Council of the Merchant Navy and the National Marine and Coastal Areas Council, Director of the Agency for Marine Protected Areas and the National Maritime College.
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Trafic commercial dans le canal de Panama. Commercial traffic in the Panama Canal.
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résents sur toutes les mers du globe, nos marins sont tout à la fois des observateurs, des acteurs et potentiellement des victimes du changement climatique. Le shipping est aux avant-postes de la mondialisation. C’est sur la voie maritime que reposent 90% des échanges de marchandises à l’échelle de la planète. Pour nous armateurs, l’avenir de nos activités réside aujourd’hui dans notre capacité à construire des navires plus sûrs, plus intelligents et plus propres. Nous y travaillons de façon collective, avec la construction navale, la recherche scientifique et les pouvoirs publics. Pour gagner le pari de la transition énergétique, nous aurons besoin de la mobilisation des industriels (équipementiers, ports, chantiers navals) et de l’engagement des États afin de faire évoluer rapidement la réglementation internationale.
Depuis longtemps, les armateurs français ont fait le pari de la qualité et de l’excellence environnementale. Cet engagement nous a valu depuis trois ans d’être récompensés par les 27 États membres du Mémorandum de Paris1. Nous n’avons donc pas attendu la COP21 pour nous préoccuper du climat mais cette rencontre de décembre 2015, organisée à Paris, est pour nous une extraordinaire
ound on seas all over the world, sailors are observers, actors and potentially the victims of climate change all at once. Shipping is at the forefront of globalisation. It is upon these seaways that 90% of all merchandise trade, across the planet, is transported. For us shipowners, the future of our business lies in on our ability to build safer, smarter, and cleaner ships today. We are working collectively with naval construction, scientific research and public authorities. To win the bet on energy transition, we will need the engagement of manufacturers (OEM’s, ports, shipyards) and the commitment of states to swiftly modify international regulations.
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French shipowners have long since made a bet on quality and environmental excellence. This commitment has earned us three years being rewarded by the 27 member states of the Paris Memorandum1. Therefore we haven’t waited for the COP21 to take issue with climate change but this meeting, to be held in Paris in December 2015, is an extraordinary opportunity for us, to finally get the ocean taken into account in international negotiations on climate. >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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>> opportunité d’obtenir qu’enfin, les océans soient pris en compte dans les négociations internationales sur le climat. Green shipping Le transport maritime reste aujourd’hui le mode de transport le plus propre à la tonne-kilomètre de marchandise transportée. Il émet cinq fois moins de CO2 que la route et treize fois moins de CO2 que le transport aérien. Ainsi, de 2007 à 2012, nous avons amélioré l’efficacité énergétique de nos navires de 20%, alors que le transport maritime croissait de 14%. La part du transport maritime dans les émissions globales de CO2 est, quant à elle, passée de 2,6% à 2,3% sur la même période, selon l’Organisation maritime internationale. Pour autant, nous ne nous satisfaisons pas de ces résultats et sommes conscients du chemin qui nous reste à parcourir. À travers le concept de green shipping, notre premier objectif est de construire nous-mêmes un cadre favorable à l’innovation et à la recherche de nouveaux modes de propulsion, plus propres et plus économes en énergie. Pour ce faire, le shipping développe toute une palette d’outils, dont les derniers navires mis en flotte, à l’image du CMA-CGM Bougainville, offrent de remarquables exemples. L’innovation technologique peut être caractérisée en un mot : foisonnante. Les derniers navires entrés en flotte ont pour double objectif de réduire leur empreinte environnementale et de limiter leur facture énergétique et ce, dans l’optique d’une compétitivité renforcée. En voici quelques illustrations : nouveaux modes de propulsion (Gaz Naturel Liquéfié), bulbes d’étrave adaptés à la vitesse réduite des navires, systèmes de traitement innovants des eaux de ballast destinés à supprimer le transfert d’espèces invasives d’un port à l’autre, systèmes de récupération d’hydrocarbures en cas de naufrage (« Fast Oil Recovery Systems »), branchement électrique des navires à quai, etc. L’exemple
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Le CMA-CGM Bougainville.
However, we are not satisfied with these results and we are conscious of the long way we have left to go. Through the concept of green shipping, our first goal is to build ourselves a favorable framework for innovation and research into new propulsion systems, which are cleaner and more energy efficient. To do this, the shipping is developing a tool set, the last fleet of ships, like the CMA-CGM Bougainville , offers outstanding examples. Technological innovation can be characterised in one word: abundant. The last ships entered the fleet have the dual aim of reducing their environmental footprint and reduce their energy bills, with the view of enhanced competitiveness. Here are some illustrations: new propulsion modes (Liquefied Natural Gas), bulbous bows adapted to the reduced speed of ships, innovative treatment systems for ballast water to remove the transfer of invasive species from one port to another, hydrocarbon recovery systems in case of sinking (“Fast Oil recovery Systems”), electric wiring of docked ships, etc. The example of liquefied natural gas (LNG) is particularly promising because it eliminates emissions of sulphur dioxide and reduces emissions of nitrogen oxides, particulates and CO 2 . Our second objective is to promote stringent international regulations, applicable to all ship owners to ensure fair competition between all operators. Within the International Maritime Organisation (IMO), the situation is progressing slowly but surely. Since 2015, new constructions must provide their nominal energy efficiency index (Energy Efficiency Design Index, EEDI), with the objective of reducing emissions of greenhouse gases by 30% by the year 2025. Similarly, the upcoming Marine Environment Protection Committee (MEPC), should result in an agreement on the generalisation of MRV (Monitoring, Reporting and Verification) internationally in Spring 2016. This system, already in place at a European level requires all shipowners to report their CO2 emissions, total distance and total volume of transportations made annually.
“Le transport maritime est le mode
de transport le plus propre à la tonne-kilomètre de marchandise transportée ”
“ Shipping is still the cleanest mode of transport per tonne-kilometer of merchandise transported ” du Gaz naturel liquéfié (GNL) est particulièrement prometteur, car il supprime les émissions de dioxyde de soufre et réduit les émissions d’oxydes d’azote, de particules et de CO2.
Finally, Armateurs de France and other European associations for shipowners, campaigning for an international agreement on CO2 emissions reduction mechanism in the form of a tax based on bunkers, which could emerge between now and 2020. To support this development, the International Chamber of Shipping, the International Federation of shipowners, decided in June 2015 to adopt a dual objective to reduce shipping CO2 emissions by 25% by 2025 and by 50% by 2050. These targets are non-binding but shipowners are collectively committed in reaching them.
Notre second objectif est de promouvoir une réglementation internationale exigeante, applicable à tous les armateurs, afin de garantir une concurrence loyale entre tous les opérateurs. Au sein de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), la situation avance lentement mais sûrement. Depuis 2015, les constructions neuves doivent fournir leur indice nominal de rendement énergétique (Energy Efficiency Design Index, EEDI), avec pour objectif de réduire de 30% leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2025. De même, le prochain Comité de protection de l’environnement marin (MEPC), devrait aboutir, au printemps 2016, à un accord sur la généralisation du système MRV (Monitoring, Reporting and Verification) au niveau international. Ce dispositif, déjà en place au niveau européen, oblige tous les armateurs à communiquer annuellement leurs émissions de CO2, la distance totale parcourue et le volume de transport total effectué. Enfin, Armateurs de France et d’autres associations européennes d’armateurs, militent pour un accord international sur un mécanisme de réduction des émissions de CO2, sous la forme d’une taxe assise sur les soutes, qui pourrait voir le jour d’ici 2020. Pour accompagner cette évolution, l’International Chamber of Shipping, la fédération internationale des armateurs, a décidé d’adopter, en juin 2015, un double objectif de diminution de 25% des émissions de CO2 du transport maritime d’ici 2025 et de 50% d’ici 2050. Ce sont des objectifs non contraignants mais sur lesquels les armateurs se sont engagés collectivement.
Far from inviting degeneration, the rise in awareness of environmental issues is actually an incentive for increased creativity. We have a unique opportunity to build “sustainable” transport and maritime services. It’s up to us not to waste it. ■
En savoir + / For more information www.armateursdefrance.org Twitter : @ArmateursFR
Paquebot à Venise. Liner in Venice.
1. Le « Mémorandum d’entente de Paris sur le contrôle des navires par l’état du Port » plus généralement dit Memorandum de Paris a été signé en 1982 par 14 nations maritimes et compte à ce jour 27 signataires. The “Memorandum of Understanding of Paris on the control of ships by the port State” generally called Paris Memorandum was signed in 1982 by 14 maritime nations and currently has 27 signatories.
Loin d’inciter au repli sur soi, la montée en puissance de la thématique environnementale est au contraire une incitation à la créativité. Nous avons une occasion unique de construire un transport et des services maritimes « durables ». À nous de ne pas la gâcher. ■
© Philip Plisson
© Philip Plisson
Today, shipping is still the cleanest mode of transport per tonne-kilometre of merchandise transported. It emits five times less CO2 than road and thirteen times less CO2 than air travel. From 2007 to 2012, we improved the energy efficiency of our vessels by 20%, while shipping increased by 14%. The share of maritime transport in global CO2 emissions, in turn, increased from 2.6% to 2.3% over the same period, according to the International Maritime Organization.
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LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
Comprendre davantage le couple océan-climat © Philip Plisson
Understanding more about the ocean-climate coupling par / by Frédéric Moncany En savoir + / For more information www.cluster-maritime.fr
En effet, l’océan est profondément bouleversé par le changement climatique en lui-même et par les pollutions. Face à ces menaces, les acteurs du maritime sont mobilisés depuis longtemps, bien avant la COP21, pour un double enjeu. Il leur faut protéger un milieu dans lequel ils travaillent et duquel ils dépendent, tout particulièrement pour la pêche et l’aquaculture, premiers témoins et victimes des pollutions en mer. C’est ensuite pour eux un enjeu technologique et industriel avec de nombreux programmes de Recherche & Développement destinés à limiter les impacts de l’activité humaine sur le climat et à réparer les écosystèmes blessés. Qu’il s’agisse de filières industrielles traditionnelles (construction navale, pêche, transport maritime, activités portuaires, etc.) ou
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The ocean has actually been profoundly disrupted by the climate change that it has undergone itself as a result of pollution. In the face of these threats, those involved in the maritime industry have been preparing themselves for quite some time – well before the COP21 – for a twofold challenge. Firstly, the industry needs to protect an environment in which it works and on which it depends, particularly for fishing and aquaculture – the first victims and witnesses to sea pollution. Secondly, there is a technological and industrial challenge involved with numerous ongoing Research & Development programmes that are aimed at limiting the impact of human activity on the climate, and on repairing damaged ecosystems. This is just as likely to con-
© Philip Plisson
his year, France is hosting the COP21. On this historic occasion, the French maritime market – which represents over 70 billion in production value and more than 300 000 direct jobs – is getting itself ready. Alongside scientific entities and civil society entities, the maritime market needs the ocean’s role to be clearly recognised in the Paris Declaration and for it to eventually become the focus of far-reaching scientific research in order to understand even more about this indivisible ”ocean-climate“ coupling. France’s responsibility is all the greater given that it is responsible for the second most important world maritime space. How are we going to do right by this duty, bequeathed to us by History and Geography? How will France, on the strength of this maritime wealth, meet the challenges of tomorrow? For France and for the rest of the world! The climate emergency is happening right now! The future of our planet and its 9 billion inhabitants rests very much on the shoulders of the so-called Blue Continent! To you ladies and gentlemen negotiating during this COP21 – do not forget this…
nouvelles (aquaculture, biotechnologies, énergies marines renouvelables, exploitation des ressources minérales), la dimension environnementale est particulièrement prise en compte par les acteurs économiques. Les membres du Cluster Maritime Français sont à l’origine de nombreuses initiatives pour protéger l’Océan : l’Expédition Tara avec la découverte de 40 millions de nouveaux gènes microbiens ; l’Expédition 7e Continent contre les déchets plastiques ; l’Industrie navale et le Transport maritime pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; la Marine nationale engagée contre la pêche illicite qui épuise les ressources. À l’occasion de la COP21 le monde maritime s’est rassemblé. La Plateforme Océan & Climat fédère plus de soixante acteurs (société civile, recherche, ONG, industries et entreprises), qui se parlaient rarement et qui défendent ensemble le rôle de l’Océan dans la machine climatique, dans un esprit de développement et de durabilité. L’idée n‘est pas de partager une même vision sur tous les dossiers, mais d’alerter sur les impacts du changement climatique et des pollutions, majoritairement terrestres. La COP21 est ainsi l’occasion de fédérer davantage tous les acteurs du maritime et au-delà, autour de cet enjeu environnemental, de découvrir, encore plus, les potentiels de la Mer par le rapprochement entre des acteurs qui, je l’ai dit, se parlaient rarement : les scientifiques et les pêcheurs,
© Philip Plisson
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a France accueille cette année la COP21. En cette occasion historique, la Place maritime française – représentant plus de 70 milliards de valeur de production et plus de 300 000 emplois directs – se mobilise. Aux côtés de scientifiques et d’acteurs de la société civile, elle exige que le rôle de l’océan soit clairement reconnu dans la Déclaration de Paris et devienne enfin l’objet de programmes de recherche scientifiques ambitieux pour comprendre, davantage encore, ce couple indissociable « océan-climat ». La France a une responsabilité d’autant plus grande qu’elle est responsable du second espace maritime mondial. Qu’allons-nous faire de ce devoir qui nous échoit par l’Histoire et par la Géographie ? Comment la France, forte de cette richesse maritime, pourrat-elle répondre aux défis de demain ? Pour elle-même et pour le monde ! L’urgence climatique est là ! L’avenir de notre planète et de ses 9 milliards d’habitants repose très largement sur le continent « bleu » ! Mesdames et Messieurs les négociateurs de cette COP21 ne l’oubliez pas…
© Tara Expéditions
DR
Président du Cluster maritime français President of the French Maritime Cluster
« Scientifiques, pêcheurs, armateurs, construction navale… les acteurs du monde maritime défendent ensemble le rôle de l’océan dans la machine climatique. » “Scientists, fishermen, shipowners, ship building… maritime industry players together defend the role of the ocean in the climate machine.” Frédéric Moncany
cern traditional industries (such as naval construction, fishing, maritime transport, port industries and so on) as new ones (such as aquaculture, biotechnologies, renewable marine energies, exploitation of mineral resources) – in every case, the environmental dimension in particular is taken into account by the economic players. Members of the French Maritime Cluster are at the origin of a number of initiatives to protect the >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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© Olive Ridley Project
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>> les ONG et les armateurs, les aquaculteurs, les entreprises de l’agroalimentaire, etc. Les acteurs de l’économie maritime française sont très mobilisés à l’occasion de la COP21 que ce soit au Grand Palais, au Bourget et dans bien d’autres manifestations ou à travers leurs travaux avec les cabinets ministériels. De cette mobilisation, ils attendent des Pouvoirs publics un soutien aux actions concrètes déjà engagées pour l’environnement et le climat, et en particulier : • La création d’un véritable programme de recherche scientifique pour la connaissance de la biodiversité marine et la reconnaissance du rôle de l’océan dans le climat et la vie quotidienne de l’homme ; • Le lancement d’une politique volontariste contre les déchets plastiques et pour la qualité de l’eau à travers une lutte contre les macro-déchets notamment avec l’interdiction des sacs plastiques et la mise en œuvre de moyens pour collecter et valoriser les déchets en mer. • Le soutien à la réduction des émissions dans le transport maritime et à l’adaptation des infrastructures portuaires ; • La mise en place d’une Planification des Espaces Maritimes qui coordonnera les activités maritimes et les actions destinées à protéger l’Océan et sa biodiversité. À cela s’ajoute un inlassable combat, porté au plus haut niveau de l’État et de la diplomatie mondiale, pour changer les comportements et les mentalités afin que les activités maritimes permettent cette nécessaire harmonie entre l’Homme et une Planète à transmettre encore vivante aux généra■ tions à venir…
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Les acteurs de l’économie maritime française attendent une politique volontariste contre les déchets plastiques. Players in the French maritime economy expect a proactive policy against plastic waste and for water quality.
ocean: we have the Tara Expedition with the discovery of 40 million new microbial genes and the 7th Continent Expedition to combat plastic waste, and then the naval industry and maritime transport industry that works to reduce greenhouse gas emissions, and the French National Navy that is committed to combating illegal fishing that depletes resources. The maritime world comes together for the COP21. This Ocean & Climate Platform brings under one roof over sixty players (local authorities, research, NGOs, industries and businesses) that rarely speak to each other and that jointly defend the role of the Ocean in the climate machine, with a mindset in which development and sustainability are uppermost. The idea is not to share the same vision across the board but rather to raise the alarm on the impacts of climate change and on pollution that has its origins mainly on land. So the COP21 is an opportunity to bring together all those involved in maritime issues to an even greater extent, centred around the environmental issues of exploring the potential that the Sea has to offer even further by the parties involved working closely together – parties that rarely communicate with each other, as I have already pointed out: scientists and fishermen, NGOs and ship-owners, aquaculture operators, food supply businesses and so on. Those involved in the French maritime industry are very well-prepared for COP21, be it at the Grand Palais, Le Bourget or any other event, or through the work they do with ministerial offices. Given its preparedness, the industry is waiting on support from local authorities in the form of concrete action that is already committed to the environment and the climate, in particular the following initiatives:
COOPÉRATION MARITIME Défense et développement de la pêche artisanale française.
• The creation of a proper scientific research programme working towards an understanding of marine biodiversity and a recognition of the ocean’s role in the climate and mankind’s day-to-day life; • The launch of a pro-active policy to combat plastic waste and to improve water quality by way of initiatives to combat solid waste by banning plastic bags, and implementing the means to gather up and recover waste at sea. • Support in reducing emissions in maritime transport, and adaption of port infrastructure • The introduction of a Maritime Space Plan that would co-ordinate maritime activities and actions aimed at protecting the Ocean and its diversity. To this should also be added an unceasing drive to change behaviour and mindsets at the very highest government and world diplomatic levels so that the maritime activities that facilitate the harmony between Mankind and the Planet that we need so much can continue to survive, and to be transmit■ ted to generations to come.
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24 rue du rocher. 75008 PARIS. Contact : info@cooperationmaritime.fr
LE TEMPS DE L’ACTION TIME FOR ACTION
COP21 PARIS 2015
© Marine nationale
phique de la Marine, bâtiments hydrographiques, bâtiments déployés dans le grand Nord…), et notre expertise largement reconnue font de nous des acteurs de premier plan dans l’observation du climat et des impacts du dérèglement. En tant qu’acteurs éco-responsables, nous agissons pour réduire notre empreinte écologique à travers une politique volontariste de développement durable. Je pourrais citer par exemple les mesures d’économies d’énergie, la mise en œuvre de la convention Marpol 1 , la labellisation « passeport propre », les contrats de baie à Brest et à Toulon ou encore les filières de démantèlement des navires en fin de vie. Nous contribuons également au développement des énergies renouvelables, notamment au sein de l’institut de recherche de l’École navale. La surveillance et la protection des espaces maritimes font partie des missions permanentes de la Marine. Elle participe, par exemple, à la dépollution pyrotechnique des sites d’implantation des champs d’éoliennes en mer, apportant ainsi sa contribution au développement des énergies marines renouvelables. Je n’oublie pas non plus l’action des unités de la Marine pour la préservation du milieu marin et des ressources qu’il recèle. Elles interviennent quotidiennement pour empêcher les pillages ou lutter contre les pollutions en mer.
La Marine contribue aussi à défendre l’océan The Navy also defends the ocean par l’amiral / by Admiral Bernard Rogel
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The Tenace, a ship of the french navy, in the Arctic.
limate change increases the risks to populations and ecosystems. At sea, it exacerbates tensions and increases frictions. In this context, the french navy is a key actor in the field of security. The impacts of climate change on maritime areas are already noticeable. Navy units permanently deployed at sea and across the globe are firsthand witnesses of this change. While positioning themselves as environmentally responsible actors, their mission is to ensure the protection of these areas on a daily basis. Observing and understanding the environment is second nature to us sailors. The assets deployed (the Navy’s Hydrographic and Oceanographic Department, hydrographic ships, ships deployed in the
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© Marine nationale
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Les phénomènes climatiques extrêmes sont une conséquence directe du dérèglement climatique. Leurs effets dévastateurs font peser un risque accru sur les populations, notamment dans les archipels isolés. Nos territoires d’outre-mer sont concernés au premier chef. Comme l’ont montré les interventions les plus récentes en Haïti ou au Vanuatu, la voie d’accès pour les premiers secours passe généralement par la mer. La Marine porte assistance aux populations touchées par ces phénomènes et sauvegarde chaque jour les vies en mer. À travers l’ensemble de ses missions, la Marine contribue à lutter contre le dérèglement climatique et à en maîtriser les conséquences. ■
En savoir + / For more information www.defense.gouv.fr/marine www.etremarin.fr
Chef d’état-major de la Marine nationale française Chief of the french navy
e dérèglement climatique augmente les risques pour les populations et les écosystèmes. Il exacerbe les tensions et les frictions dans les espaces maritimes. Dans ce contexte, la Marine nationale est un acteur clé de la sécurité. Les impacts du changement climatique sur les espaces maritimes sont déjà sensibles. Les unités de la Marine déployées en permanence sur tous les océans en sont les témoins privilégiés. Tout en se positionnant en acteurs éco-responsables, elles ont pour mission d’assurer au quotidien la protection de ces espaces. L’observation et la compréhension de l’environnement sont pour, nous marins, une seconde nature. Les moyens mis en œuvre (service hydrographique et océanogra-
Bâtiment de la Marine nationale française, Le Tenace, en Arctique.
“Nous sommes des acteurs de premier
plan dans l’observation du climat et des impacts de son dérèglement ”
“ We are leading players in the observation of the climate and the impacts of its imbalance ”
Un avion de surveillance maritime de la Marine nationale française en Polynésie française. A maritime surveillance aircraft of the french navy in french Polynesia.
far North...) and our widely-recognized expertise puts us on the front-line of climate change, observing it and its consequences. As environmentally responsible actors we aim to reduce our environmental footprint through a proactive policy of sustainable development. I could quote for instance our energy-saving measures, the implementation of the Marpol convention1, the “clean passport” labeling, the bay contracts in Brest and Toulon and finally, the ecological dismantling of decommissioned ships. We also contribute to the development of renewable energies, in particular within the Naval School’s Research Institute. The monitoring and protection of maritime areas form part of the Navy’s permanent missions. It is heavily involved in the clearance of historic munitions from offshore wind farms sites, making a contribution to the development of renewable marine energies. Not forgetting the daily actions of Navy units at sea who assure the preservation of the marine environment and its resource potential. They act every day to prevent the looting of maritime resources and to enforce the fight against sea pollution. Extreme weather phenomena are a direct consequence of climate change. Their devastating effects put a greater risk on populations, in particular in isolated archipelagoes. This primarily affects our overseas territories as the most recent interventions in Haiti and Vanuatu have shown. First response generally comes by sea. The Navy provides assistance to the populations affected by these phenomena and safeguards human lives at sea, every day.Throughout all of its missions, the Navy contributes to the fight against climate change and to managing the consequences. ■ 1. La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol), adoptée le 2 novembre 1973 à l’Organisation maritime internationale, est la principale convention internationale traitant de la prévention de la pollution du milieu marin, que les causes soient liées à l'exploitation ou à des accidents (Source OMI). The International Convention for the Prevention of Pollution from Ships (Marpol), adopted November 2, 1973 at the International Maritime Organization, is the main international convention dealing with the prevention of marine pollution, the causes being linked to operations or accidents (Source IMO). Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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Acteurs économiques, ONG, Europe :
travailler ensemble pour le climat et l’océan !
Economic stakeholders, NGOs, Europe: working together for the climate and the ocean!
© Thierry Nectoux
Président du Réseau européen des clusters maritimes et de l’association Expédition 7e continent. President of the European Network of Maritime Clusters and of the association 7th Continent Expedition.
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our la COP21, la priorité des priorités est bien de placer la mer au cœur de toute négociation climatique comme ne cesse de le clamer – et de le démontrer – la Plateforme Océan & Climat1. Sans quoi, la COP n’a tout simplement aucune chance d’atteindre ses objectifs. Principal fournisseur d’oxygène de la planète (plus que toutes les forêts !), principal « absorbeur » des gaz toxiques que nous émettons, l’océan est la base de la machinerie climatique de la Terre. À un point tel que le vrai mystère est le « comment » de son oubli par le GIEC (dont les conclusions générales ne sont évidemment pas en cause), et le « pourquoi » de son absence dans les longs travaux préparatoires de cette conférence de Paris. L’urgence est pourtant bien que la préservation des mers soit traitée hic et nunc2, et que le combat pour le respect de la biodiversité marine soit mené de façon résolue et réaliste, dans un esprit de « développement durable », à l’opposé aussi bien de la sanctuarisation des espaces marins que du stakhanovisme aveugle dans leur exploitation. Rappeler d’abord cela était incontournable, surtout pour le président du Réseau européen des clusters maritimes3, qui a communiqué officiellement sur l’importance et l’urgence de ce thème. Des échanges renforcés Mais il est aussi intéressant, à ce stade, de se pencher sur deux aspects peu abordés à l’occasion de la COP21. L’un est la nature de la coopération indispensable entre les professionnels de la mer et
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or COP21 (Paris Climate Conference), the priority above all others is to place the sea firmly at the centre of all climate negotiations as the Ocean & Climate Platform1 never ceases to proclaim – and to demonstrate. The COP has no chance whatsoever of achieving its objectives if this is not done. As the main supplier of oxygen to the planet (more than all the forests!), and the main “absorber” of the toxic gases we emit, the ocean is the foundation of the Earth’s climatic equipment. So much so that the real mystery is how it has been forgotten by the IPCC (whose general conclusions are obviously not in question), and why it has been absent from the long preparatory work for this Paris conference. It is a matter of urgency that the conservation of the seas should be dealt with hic et nunc2, and that the struggle to respect marine biodiversity should be pursued in a resolute and realistic manner, in a spirit of “sustainable development”, while neither turning marine spaces into a sanctuary nor exploiting them in a blindly Stakhanovite way. To remember this above all else is essential, especially for the President of the European Network of Maritime Clusters3, who has sent out an official communiqué on the importance and urgency of this subject.
F
les ONG, l’autre est l’action politique européenne pour le développement conjoint de l’économie et de la protection de l’environnement.
“L’Europe doit préserver
de la concurrence déloyale ses entreprises de qualité” “ Europe must preserve its quality companies from unfair competition”
Il est en effet important de saluer l’accélération du dialogue, au nom du défi climatique, entre les plus ouverts des acteurs de l’économie maritime et des ONG. Des échanges renforcés ont d’abord le mérite de permettre d’identifier les sujets essentiels sur lesquels réfléchir ensemble et de commencer à les traiter en listant les incompréhensions et les oppositions avant que celles-ci ne bloquent tout processus. Le but étant bien d’identifier les solutions nouvelles à promouvoir ensemble, telle, par exemple, celle développée et portée par Armateurs de France sur les conteneurs à la mer. Les ONG manquent, par ailleurs, souvent d’expertise et ces échanges leur permettent de bénéficier de l’éclairage économique de bons professionnels qui peuvent, en retour, avoir accès, grâce à elles, à des études très utiles. La convergence peut ainsi aboutir à des visions partagées, comme c’est le cas pour le dialogue en cours sur la problématique des émissions de gaz par les navires de croisière.
Le voilier de l’ONG Tara Expéditions sur les quais de la Seine pour la COP21.
and to begin to deal with them by listing the misunderstandings and oppositions before these block any proceedings. The aim is to identify new solutions to promote together, such as, for example, that developed by Armateurs de France on containers at sea. Besides, NGOs often lack expertise and these exchanges allow them to benefit from economic light being shed by the real professionals, who can, in return, gain access to very useful studies. Convergence may also lead to shared visions, as is the case with the current dialogue on the issue of gas emissions from cruise ships.
Mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés. Les professionnels ont du mal à comprendre et à gérer les divergences entre des ONG aux stratégies et positionnements si divers, parfois concur-
The yacht of the NGO Tara Expeditions moored in the Seine for the COP21.
But the difficulties cannot be under-estimated. Professionals find it hard to understand and manage the divergences between NGOs into such varying, sometimes competing, strategies and >>
A strengthened relationship But it is also interesting, at this stage, to examine two rarely considered aspects at COP21. One is the nature of the essential cooperation between professionals of the sea and NGOs, the other is European political action for the joint development of the economy and the protection of the environment. It is indeed important to welcome the speeding up of the dialogue, in the name of the challenge of climate change, between the most open of the stakeholders in the maritime economy and the NGOs. Stronger exchanges have the advantage of making it possible to identify the essential subjects on which we must reflect together
© Tara Expéditions
par / by Francis Vallat
COP21 PARIS 2015
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50 PAGES DE SOLUTIONS POUR LE CLIMAT
© Union européenne
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>> rents, ou ergotant sur des nuances totalement byzantines pour le profane. Ce rapport entre le monde très pratique des entreprises et celui parfois irrationnel des ONG, n’est certes pas insurmontable mais il est bien réel. Le mode de fonctionnement des ONG, fondé sur le consensus, paralyse souvent les décisions ou aboutit à des arbitrages parfois mous ou complexes, au terme de processus lents ou de réunions multiples et longues, parfois peu efficaces. Et puis il y a la dimension politique ! Nombre d’ONG adoptent fréquemment des postures bien éloignées des préoccupations purement environnementales, ou, sur un autre plan, redoutent de « se compromettre » en parlant trop avec les acteurs économiques. C’est en ce sens qu’un ensemble comme la Plateforme Océan & Climat, multilatéral et sans enjeu financier, est un bon outil pour progresser. Car le jeu en vaut la chandelle… Nul ne peut nier, en effet, qu’une vision partagée entre le milieu économique et les ONG génère une écoute mutuelle et une force particulière. Pour ce qui concerne l’Europe maritime, il est indéniable qu’elle a de vrais titres à faire valoir. Des trois paquets Erika4 jusqu’à la nomination d’un Commissaire à l’environnement, aux affaires maritimes et à la pêche (le premier Commissaire vert et bleu !), en passant par les zones Seca pour la maitrise des émissions de souffre par les navires marchands 5 , et bien d’autres initiatives, l’Union européenne a été et reste initiatrice. C’est même LE domaine où elle est incontestable. Les bons professionnels maritimes apprécieraient cependant que l’Europe valorise mieux ceux qui sont à l’avant-garde de la protection de l’environnement, et surtout qu’elle se décide à protéger, à l’international, ses entreprises à la pointe du combat pour la qualité plutôt que de les pénaliser par ultra-liberalisme. Ce sera d’ailleurs l’un des chevaux de bataille du Réseau européen des clusters maritimes. ■
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Le Parlement européen. The European Parliament.
positions, or their quibbling over nuances that seem quite byzantine to the layperson. This relationship between the very practical world of business and the sometimes irrational world of the NGO is certainly not insurmountable but it is very real. The way NGOs work, based on consensus, often paralyses decisions or leads to weak or complex compromises, after long processes with many long and sometimes ineffectual meetings. And then there is the political dimension! Many NGOs frequently adopt positions that are very far from purely environmental concerns, or, at another level, fear “compromising themselves” by talking too much with the economic stakeholders. That is why a group like the Ocean & Climate Platform, multilateral and with no financial involvement, is a good tool for making progress. Because the game is truly worth the candle… No-one can deny that, in fact, a shared vision between the economic milieu and the NGOs generates mutual listening and particular strength. As far as maritime Europe is concerned, it is undeniable that it has real credentials to be exercised. From the three Erika packages 4 to the nomination of a Commissioner for the Environment, to maritime and fishing business (the first green and blue Commissioner!), via Seca areas to control sulphur emissions from merchant ships5, and many other initiatives the European Union has been and still is a leading force. It is even THE domain in which it is incontestable. True maritime professionals would however like Europe to support better those in the forefront of environmental protection, and especially that it should undertake to protect, at an international level, its businesses at the forefront of the struggle for quality rather than penalise them out of ultra-liberalism. This will be one of the battle cries of the European Network of ■ Maritime Clusters. En savoir + / For more information www.enmc.eu
1. www.ocean-climate.org 2. Ici et sans délais. Here and now. 3. www.enmc.eu 4. À la suite du naufrage du pétrolier Erika en décembre 1999 puis du Presti, l’Union européenne a pris, sur une décennie, un ensemble de mesures législatives appelées paquets Erika I, II et III pour renforcer la sécurité et mieux protéger les eaux et littoraux européens. Following the sinking of the oil tanker Erika in December 1999 then of the Presti, The European Union took, over a decade, a series of legislative measures called Erika I, II and III packages to reinforce safety and better protect European waters and coastlines. 5. Sulphur Emission Control Area : en Europe, la Manche, la mer du Nord et la mer Baltique. Sulphur Emission Control Area: in Europe, the English Channel, the North Sea and the Baltic Sea.
50 PAGES OF CLIMATE SOLUTIONS
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ÉNERGIE ENERGY
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NAVIRES DU FUTUR SHIPS OF THE FUTURE
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PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
106 VILLES ET LITTORAUX CITIES AND COASTS 112 S’ADAPTER ADAPT 118 CONNAÎTRE KNOWING
Ils sont ingénieurs, entrepreneurs, industriels, élus ou membre d’ONG… Tous, acteurs du monde maritime, se mobilisent – en métropole et outre-mer – pour inventer, innover, développer des solutions au service du climat et des océans. Voyage au cœur de l’intelligence et de la passion…
They are engineers, entrepreneurs, manufacturers, elected representatives or members of NGOs... All, key players in the maritime community, are mobilised – in mainland France and overseas – to invent , innovate and develop solutions for the climate and oceans. This is a journey to the centre of intelligence and passion...
DES SOLUTIONS POUR LE CLIMAT SOLUTIONS FOR THE CLIMATE
COP21 PARIS 2015
“Nous sommes allés à la rencontre d’hommes
et de femmes intelligents, persévérants et enthousiastes ”
“ We went in search of men and women who were intelligent, persevering and enthusiastic”
par / by Jean-Ronan Le Pen
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e Monaco à Dunkerque, les dix escales du Tour de France pour le Climat que nous avons réalisées avec Catherine Chabaud et l’équipe de l’association Innovations Bleues1 à bord du voilier Oceanoscientific Explorer, ont permis de mobiliser les territoires littoraux aux enjeux des changements climatiques et de rencontrer des porteurs de « solutions pour le climat » au cœur de ces territoires. Des rencontres riches et enthousiasmantes avec des collectivités, des acteurs économiques ou associatifs engagés que nous avons voulu valoriser ici comme « ambassadeurs du
oing from Monaco to Dunkerque, we docked with Catherine Chabaud and the team from the Innovations Bleues association1 aboard the sailboat Oceanoscientific Explorer at ten ports of call on the Tour de France pour le Climat , a voyage which enabled us to promote awareness of the challenges of climate change for seaside territories and meet those supporting “solutions for the climate” in those territories. We had productive and stimulating meetings with regional authorities, committed people involved in local economies and communities whom we want to recognize here as “ambassadors of change” so that their example will encourage others to participate in developing these solutions for the future.
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changement » pour que leur exemple encourage d’autres à participer au développement de ces solutions d’avenir.
Expert en communication et événements maritimes. Créateur des Assises de l’économie maritime et du littoral, du salon Euromaritime, coordinateur du Tour de France pour le Climat et de l’Armada pour le Climat pour l’association Innovations Bleues.
Expert in communication and maritime events. Creator of the Assizes of the maritime economy and the coast, of the Euromaritime show, Co-ordinator of the Tour of France for the Climate and The Armada for the Climate for the Blue Innovations association.
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De l’intelligence, de la persévérance et de l’enthousiasme ! Voilà ce que partagent les porteurs de solutions que nous sommes allés rencontrer sur les littoraux métropolitains, d’avril à juillet dernier, et dont vous pourrez découvrir les solutions dans les pages suivantes. Que ce soit pour repenser un modèle énergétique dont on reconnaît aujourd’hui les impasses ou remettre l’Homme et son environnement au cœur du projet
What intelligence, perseverance and enthusiasm! That’s what these people working towards solutions shared with us when we met with them in metropolitan coastal areas last year from April to July, people whom you will learn more about in the following pages. Whether it’s rethinking a current energy model that today finds itself at a dead end or returning humankind and its environment to their pivotal places in societal projects, the ingredients are all the same. Intelligence is about asking questions about a model’s relevance and reinventing our methods of production and consumption to make them more sustainable. Perseverance is about breaking through and adopting in great numbers different ideas, which oftentimes have secondary importance, when
de société, les ingrédients sont les mêmes. L’intelligence, c’est se poser des questions sur la pertinence d’un modèle et réinventer nos modes de production et de consommation pour les rendre plus durables. La persévérance, c’est faire émerger et adopter, par le plus grand nombre, des idées bien souvent minoritaires quand elles sont énoncées. Enfin l’enthousiasme permet de partager la conviction d’aller dans le bon sens. Dans ces pages, vous trouverez des témoignages et des solutions qui illustrent la mobilisation des territoires littoraux
they are first presented. And enthusiasm enables people to share the conviction of going in the right direction. In these pages you will find stories and solutions that illustrate how these seaside areas are motivated in finding ways to answer to climate challenges. These coastal regions are in no way part of the territories and populations on our planet that are the most vulnerable, but they will be on the forefront of metropolitan climate change. Conscious as they are of the overall stakes, they feel it’s their duty to lead by example. The solutions presented respond as much to objectives of mitigation and adaptation as to those concerned with the preservation of ecosystems. Overall, the focus lands
pour trouver des réponses aux enjeux climatiques. Ces régions littorales ne font certes pas partie des territoires et populations les plus vulnérables de notre planète, mais elles seront aux premières loges des changements climatiques de la métropole. Conscients des enjeux globaux, elles se sentent investis d’un devoir d’exemplarité. Les solutions présentées répondent autant à des objectifs d’atténuation, d’adaptation, que de préservation des écosystèmes. Partout, il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre par une meilleure production et consommation d’énergie, de
réduire les impacts des activités sur le milieu naturel littoral et marin afin d’en conserver la biodiversité ou même de la restaurer lorsque cela est nécessaire, d’anticiper et de s’adapter aux effets des changements climatiques pour réduire leurs impacts sur les activités humaines et l’environnement.
d’énergie, le transport, les navires et les ports du futur, le tourisme durable, la pêche, l’aquaculture et la production de produits de la mer, le développement des villes littorales et enfin, l’adaptation aux changements climatiques. Nous remercions nos partenaires ainsi que les villes et acteurs territoriaux et toutes les personnes rencontrées, pour leur confiance et leur accueil à chacune de nos escales. ■
Ces solutions ne sont évidemment pas exhaustives et nous les avons complétées par des témoignages et des exemples supplémentaires afin de couvrir les principaux enjeux des territoires littoraux : la production et la consommation
Retrouvez les vidéos / Find videos www.tourdefrancepourleclimat.com
products, coastal city development, and climate change adaptation. We thank our partners as well as the cities and
territorial players and all the people we met for their confidence and their welcome at ■ each of our ports of call.
1. www.innovations-bleues.org
on reducing greenhouse gas emissions through the best energy production and consumption possible, reducing the impact of certain activities on natural coastal and marine environments in order to conserve their biodiversity or even restore it where necessary, anticipating and adapting to the effects of climate change in order to reduce their impact on human activities and the environment. These solutions are clearly not comprehensive, and we put additional accounts and examples alongside them to address the main challenges found in coastal territories: energy production and consumption, transport, ships and ports of the future, sustainable tourism, fishing, aquaculture and the production of seafood
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SOLUTIONS
ÉNERGIE ENERGY la Garonne avec un courant pouvant atteindre jusqu’à 8 nœuds. Idéal pour la production propre d’électricité. À partir de l’été 2016, quatre premières entreprises, Hydrotube-Énergie (Gironde), Hydroquest (Isère), CNIM (Var) via sa filiale Bertin Technologies et InStream Energy System (Canada), vont venir tester leurs hydroliennes fluviales ou maritimes sur le site. Celui-ci sera capable d’accueillir simultanément trois hydroliennes raccordées au réseau électrique. Des plateformes flottantes d’accueil seront ancrées dans la Garonne et positionnées à quelques dizaines de mètre du pont de Pierre. Les tests dureront de six à vingt-quatre mois afin de bien étudier le comportement des démonstrateurs : efficacité énergétique, suivi mécanique et impacts environnementaux. Ce projet est porté par la SAS SEENEOH, et doté d’un investissement de 2,7 millions d’euros, dont 70% de financements publics (Investissement d’Avenir, Région Aquitaine, Bordeaux Métropole) et 30% de financements privés (EDF groupe, Vinci, Valorem, Cerenis, Énergie de la Lune, Neotek, EVIAA Marine). L’appel à projet Ademe/IA pour le développement, à l’horizon 2019, à l’issue de ces tests, de fermes hydroliennes (fluviales/estuariennes) pilotes, a clairement renforcé la dynamique de ce site d’essais. Avec un potentiel de 3 000 machines dans l’estuaire de la Gironde, équivalant à une production de 106 mégawatts, la filière pourrait ■ créer localement 400 emplois.
DR
En savoir + / For more information www.energiedelalune.fr
par / by Erwan Sterenn
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n site d’essai pour hydroliennes en plein cœur de Bordeaux ! c’est l’ambition formidable d’Énergie de la lune, un cabinet d’ingénierie spécialisé en énergies marines renouvelables (EMR) et en génie océanographique piloté par Marc Lafosse, un océanographe de 34 ans. Le site expérimental a été sélectionnée par France Énergies Marines dans le cadre du programme « Énergie, économie circulaire » des Investissements d’Avenir. Il est l’un des cinq sites d’essais développés en France par France Énergies Marines pour quatre filières : houlomoteur, hydrolien, hydrolien estuarien et éolien offshore flottant. Il met en service trois emplacements d’hydroliennes près du pont de Pierre, à Bordeaux, dont les quinze arches marines provoquent une accélération de
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nergie de la lune [Lunar Energy], run by the 34 year old Marc Lafosse, is an engineering company that specialises in renewable marine energy and oceanographic engineering. The company is the scientific operator of the National experimental estuary site for hydrokinetic trials and optimisation SEENEOH (Site expérimental estuarien national pour l’essai et l’optimisation d’hydroliennes) until the end of 2021, for which the city of Bordeaux in the Gironde region of France was selected by France Énergies Marines as part of the ”Énergie, économie circulaire“ programme of Future Investments. The SEENEOH is one of the five trial sites developed in France by France Énergies Marines for four domains: wave energy conversion, hydrokinetics, estuary hydrokinetics and floating offshore wind energy. The company is putting into service three hydrokinetic sites near the Pierre Bridge at Bordeaux, whose fifteen marine arches cause the
À gauche, la Garonne à Bordeaux. À droite, le pont de Pierre (Bordeaux), où est développé un site expérimental d’hydroliennes. On the left, the Garonne in Bordeaux. On the right, Pierre's bridge (Bordeaux) where an experimental maritime turbine project is being developed. © Thomas Sanson – Office de Tourisme de Bordeaux
Énergie de la lune, l’énergie des fleuves Lunar energy, river energy
River Garonne to accelerate with a current that can reach speeds of up to 8 knots – idea for electricity production purposes. With effect from summer 2016, there will be four initial businesses – Hydrotube-Énergie (Gironde in France), Hydroquest (Isère in France), CNIM (Var in France) via its subsidiary Bertin Technologies and InStream Energy System (Canada) – who will be testing their river and maritime hydrokinetic operations at the site. This site will be able to accommodate three hydrokinetic plants simultaneously that are to be connected to the electricity network. Floating platforms will be anchored in the Garonne and river and positioned several dozen metres from the Pierre Bridge. The tests will go on for six to twenty-four months so that the behaviour of the demonstrators can be properly studied, to include energy efficiency, mechanical monitoring and environmental impact. This project is supported by the SAS SEENEOH, a subsidiary of the SEML Route des Lasers that facilitates the setup of scientific and technological businesses at Bordeaux. The initiative has been allocated 2.7 million euros of investment funding, of which 70% is publicly financed (Investissement d’Avenir [Future Investments], Région Aquitaine [Aquitaine Region], Bordeaux Métropole [Bordeaux Metropolis]) and 30% is privately financed (EDF group, Vinci, Valorem, Cerenis, Énergie de la Lune, Neotek, EVIAA Marine). The Ademe/IA call for projects for development by 2019 following these tests for pilot hydrokinetic (river/estuary) farms clearly reinforces the dynamic mindset of this trial site. With a potential for 3 000 machines in the Gironde estuar y, equivalent to a production of 106 megawatts, the industry could create 400 jobs in ■ the local area.
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SOLUTIONS
ÉNERGIE ENERGY
Geps Techno :
La Seyne-sur-Mer
The thermal energy of the sea
L’énergie thermique de la mer
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a ville de la Seynesur-Mer a décidé d’exploiter l’énergie thermique de la mer pour chauffer et climatiser ses bâtiments à partir d’un échangeur installé sur ses anciens chantiers navals lui permettant ainsi une réduction significative de sa consommation d’énergie et de ses émissions de CO2. Cette technologie exploite la température de l’eau de mer toujours plus stable que celle de l’air : plus chaude en hiver et plus fraîche en été. L’eau de mer, pompée à cinq mètres de profondeur dans la baie de la Seynesur-Mer, est envoyée dans des filtres à sable pour en ôter les impuretés qui pourraient colmater les
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échangeurs. Elle rejoint ensuite les échangeurs thermiques en titane (métal inoxydable) qui transfèrent une partie de cette énergie à une boucle d’eau douce. L’eau douce de la boucle, qui alimente les pompes à chaleur eaueau des bâtiments, circule à une température comprise entre 18 et 21°C, hiver comme été, ce qui constitue une température optimale pour assurer un très bon rendement de la chaîne de production de chauffage et de réfrigération. Cette technologie, rapidement mise en œuvre pour une centaine d’appartements, peut répondre au besoin de 60000 m² de bâtiments ■ publics et privés.
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En savoir + / For more information www.la-seyne.fr
he town of La Seyne-sur-Mer decided to take advantage of the thermal energy produced by the sea to heat and cool its buildings by a heat exchanger installed on its old shipyards enabling the town to significantly reduce its energy consumption and CO2 emissions. This technology exploits the temperature of seawater which is always more stable than air : warmer in the winter and cooler in the summer. Seawater, pumped five meters deep from a bay in La Seyne-surMer, is sent through sand filters to remove impurities that could clog the
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heat exchangers. It then joins the titanium heat exchangers (stainless metal) transferring a portion of this energy to a freshwater system. The freshwater system, which supplies waterwater heat pumps in buildings, circulates at a temperature between 18 and 21° C in winter and summer, which is the optimum temperature to ensure a good return on the heating and cooling production line. This technology, quickly put into action in a hundred or so apartments, can meet the needs of 60 000 m² of public and ■ private buildings.
he company, Geps Techno, based in SaintNazaire (Loire-Atlantique), develops autonomous solutions for supplying clean energy to consumers, up to 500 KW, with two main targets: Oil & Gas, and isolated coastal bases (scientific, military, humanitarian) which generally produce their electricity by gas turbines or diesel generators. Its flagship project, the MLiner©, a compact mobile floating structure used to produce electric energy from multiple sources; solar, wind, wave and tidal. Geps Techno has developed the wave power module for MLiner© for the implementation of a product, called OctoPUSea, on the market now, which provides power to floating platforms, such as marine buoys, of up to 25 KW. It also proposes the implementation of its wave power technology for reducing the fuel consump■ tion of ships.
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En savoir + / For more information www.geps-techno.com www.algosource.com
AlgoSource
Exploiter les microalgues Exploiting microalgae
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énergie est l’une des valorisation possible des microalgues et l’un des axes de développement du groupe AlgoSource, mais pas seulement. Les microalgues sont en effet des organismes qui, à l'instar des arbres, se nourrissent, entre autres, de CO2 et produisent de l’oxygène. Un véritable poumon vert à développer et à promouvoir ! AlgoSource développe ainsi des activités dans la production de microalgues (une vingtaine de souches), la valorisation d’effluents (CO2, chaleur, eaux usées), l’ingénierie de bioraffinage (extraction de la valeur des algues) et la conception de systèmes de production contrôlés (photobioréacteurs). Son savoir-faire couvre l’ensemble des procédés de la production et de la transformation des microalgues pour l’industrie. SymBIO2 (www.symbio2.fr) est l’un des projets phares auquel participe AlgoSource Technologies, l’une des trois branches du groupe AlgoSource. Présenté lors de la COP21, il consiste en la culture contrôlée de microalgues en photobioréacteurs verticaux (concept appelé biofaçades) qui recyclent des déchets environnementaux comme le CO2. ■
© AlgoSource
DR
L
a société Geps Techno, basée à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), conçoit des solutions autonomes permettant d’alimenter en énergie propre des consommateurs, jusqu’à 500 KW, avec deux cibles prioritaires : l’Oil & Gas et les bases littorales isolées (scientifiques, militaires, humanitaires) produisant généralement leur électricité par des turbines à gaz ou des générateurs diesels. Son projet-phare est le MLiner©, une structure flottante nomade compacte servant à produire de l’énergie électrique à partir de plusieurs sources d’énergie, solaire, éolienne, houlomotrice et hydrolienne. Geps Techno a développé le module houlomoteur du MLiner© pour la mise en œuvre d’un produit, baptisé OctoPUSea, aujourd’hui commercialisé, qui permet d’alimenter des plateformes flottantes, comme des bouées marines, jusqu’au seuil de 25 KW. Elle propose aussi la mise en œuvre de sa technologie houlomotrice pour réduire la ■ consommation des navires.
© Geps Techno
alimenter les structures isolées powering isolated structures
he french Group AlgoSource, recognized as one of the major microalgae world expert, offers a full range of services through four main categories: microalgae production (around 20 strains), industrial waste (CO2, heat, waste water) valorisation, biorefinery processes (algae’s value extraction) and conception of controlled production systems (photobioreactor). Its unique expertise covers the entire chain, from production and processing to transformation of microalgae for industry. SymBIO2 (www.symbio2.com) is one of the main projects on which participates one of the three branches of the French group, AlgoSource Technologies. Introduced during COP21 Conference, it consists in the controlled microalgae culture in vertical photobioreactor, a concept called biofaçade which allows to recycle environmental waste like CO2. SymBIO2 develops and implement a sustainable technology : microalgae are organisms which, like trees, capture CO2 and release O2: an alternative bottle of oxygen to be developed and supported! ■
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SOLUTIONS
Courseulles-sur-Mer Le pari de l’éolien en mer
The choice of the blue energies
Going for offshore wind energy
par / by Patrick Poupon Directeur du Pôle Mer Bretagne Atlantique Director of the Brittany and Atlantic Sea Cluster
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ès sa création en 2005, le Pôle Mer Bretagne Atlantique a choisi d’inscrire les énergies marines renouvelables (EMR) dans ses domaines d’actions misant sur le développement d’une filière industrielle d’avenir qui contribue, en outre, à limiter l’impact des activités humaines sur le changement climatique. Il a joué un rôle primordial dans son émergence en accompagnant des projets collaboratifs innovants, mais aussi en initiant de nouvelles formations et la création de l’Institut de Transition Énergétique « France Énergies Marines »1. Dans son rôle d’initiateur et de catalyseur pour l’émergence de projets innovants et collaboratifs entre industriels et chercheurs, le Pôle a soutenu, dès le début, des projets précurseurs dans le domaine de l’hydrolien (Sabella, Megawattforce), de l’éolien flottant (Winflo), de l’houlomoteur (Bilboquet)… Ce secteur entre aujourd’hui dans une nouvelle ère où les services viennent enrichir les solutions industrielles. Le Pôle Mer Bretagne Atlantique accompagne ainsi des projets qui correspondent plus à des activités tertiaires : optimisation des machines industrielles, surveillance de parcs éoliens, maintenance… démontrant ainsi la transversalité de la filière. Les projets sont aujourd’hui plus petits, plus spécialisés, tournés vers l’optimisation, le support, l’assistance, les études d’impact ou de suivi du milieu marin… La filière s’organise en créant les services qui accompagneront les machines industrielles. Les EMR sont au cœur de la croissance bleue car elles irriguent de nombreux secteurs de l’économie maritime comme le naval avec le développement de nouveaux navires de servitudes, l’aménagement portuaire pour l’accueil des infrastructures liées à cette nouvelle activité, la connaissance « océanographique » de zones maritimes ayant un potentiel d’exploitation et devant préserver la co-activité du domaine maritime (pêche, plaisance…). Ces prochaines années, le Pôle Mer continuera à jouer son rôle d’accélérateur d’innovation en détectant et en accompagnant les projets d’énergies bleues qui contribuent à la préservation ■ des océans et du climat.
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ince its creation in 2005, the Pôle Mer Bretagne Atlantique (Brittany and Atlantic Sea Cluster) has chosen to include marine renewable energies (MREs) within its areas of activity aimed at developing an industrial sector of the future that will also contribute to limiting the impact of human activity on climate change. It has played a fundamental role since it appeared on the scene by supporting innovative collaborative projects, as well as initiating new training and the creation of the Institut de Transition Énergétique (Institute of Energy Conversion) “France Énergies Marines”1. In its role as an initiator and catalyst for the emergence of innovative and collaborative projects between industrialists and researchers, the Cluster has supported, from the beginning, cuttingedge projects in the fields of tidal energy (Sabella, Megawattforce), floating wind farms (Winflo), wave energy (Bilboquet), etc. This sector is now entering a new era of services enhancing industrial solutions. The Brittany and Atlantic Sea Cluster therefore supports projects corresponding more to tertiary activities: optimisation of industrial machines, monitoring of wind farms, maintenance, etc., thereby demonstrating the transversality of the sector. Today the projects are smaller, more specialised, oriented towards optimisation, support, assistance, and impact studies that support the industrial machines. The MREs are at the heart of blue growth as they feed into many sectors of the economy such as shipping with the development of new service ships, the design of ports to support the infrastructure related to this new activity, and “oceanographic” knowledge of maritime areas with potential for exploitation and where the other activities of the maritime domain must be preserved (fishing, sailing, etc.). In future years, the Sea Cluster will continue to play its role as a spur to identifying and supporting blue energy projects that contribute to the preservation of the oceans and of ■ the climate.
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1. www.france-energies-marines.org.
© Pôle Mer-Atlantique
Pôles Mer : Le choix des énergies bleues
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n avril 2012, le consortium EDF Énergies Nouvelles/Dong Energy Power/WPD offshore/Alstom a emporté le premier appel d’offre de l’État pour la construction de trois fermes éoliennes : au large de Saint-Nazaire en Loire Atlantique, de Fécamp en Seine-Maritime et de Courseulles-sur-Mer dans le Calvados. La ferme de Courseulles-sur-Mer, construite entre 2016 et 2020, disposera d’un poste électrique en mer et de 75 éoliennes de type Haliade 150, fabriquées par Alstom, hautes de 176 mètres et équipées de pales de 150 mètres d’envergure. Considérées comme les plus puissantes au monde, d’une capacité unitaire de 6 MW – pour une puissance cumulée de 450 MW sur l’ensemble de la ferme –, elles sont conçues pour fonctionner par des vents établis entre 3 et 25 mètres/seconde. Prévue pour être mise progressivement en service entre 2018 et 2020, cette ferme assurera la consommation électrique annuelle moyenne de 630 000 personnes soit 40% des habitants de Basse-Normandie. Les éoliennes, réparties sur un espace de 50 km2 seront situées à 10 km des côtes pour les plus proches, à 16 km pour les plus éloignées. Le raccordement au réseau public RTE (Réseau Transport d’Électricité), se fera par une liaison sous-marine longue de 15 km puis souterraine de 24 km. Ce projet qui a fait l’objet de nombreuses concertations avec les acteurs locaux sur le plan économique et environnemental doit permettre la création de 1000 emplois. Les éoliennes seront construites entre Cherbourg, pour la fabrication des mâts et des pales, et Saint-Nazaire, pour la confection des génératrices et des nacelles. La base de maintenance sera située dans l’avant-port de Caen-Ouistreham. Le bilan carbone réalisé pour le projet éolien de Courseulles-sur-Mer révèle la production d’une énergie quatre fois moins carbonée que l’électricité habituellement produite en France1, et cela sur toute la durée de son cycle de vie : 25 ans, de sa construction à son démantèlement. ■ En savoir + / For more information www.parc-eolien-en-mer-du-calvados.fr
© Marc-Édouard Henry
ÉNERGIE ENERGY
n April 2012, the consortium EDF Énergies Nouvelles/Dong Energy Power/WPD offshore/Alstom won the State tender for the construction of three wind farms: off the coast of Saint-Nazaire in Loire Atlantique, at Fécamp in Seine-Maritime and at Courseulles-sur-Mer in Calvados. The Courseullessur-Mer farm, built between 2016 and 2020, will have an electrical substation in the sea and 75 turbines of the Haliade 150 type, manufactured by Alstom, 176 metres high and equipped with blades with a span of 150 metres. Considered to be the most powerful in the world, with a unit capacity of 6 MW – for a cumulative power of 450 MW over the whole farm –, they are designed to function with winds of between 3 and 25 metres/second. This farm is intended to be brought into service gradually between 2018 and 2020, and will provide the average annual electricity consumption of 630,000 people, that is, 40% of the inhabitants of Basse-Normandie. The wind turbines will be spread over an area of 50 km2, with the nearest being located 10 km from the coast and the furthest at 16 km. Connection to the RTE public grid (Transport Network for Electricity), will be done by a 15 km long undersea link then a 24 km underground connection. This project which was the subject of numerous discussions with local economic and environmental stakeholders should lead to the creation of 1000 jobs. The turbines will be built in Cherbourg, for the manufacture of the towers and blades, and Saint-Nazaire, for the production of the generators and the nacelles. The maintenance base will be located in the outer harbour of Caen-Ouistreham. The amount of carbon produced by the wind farm project of Courseullessur-Mer is four times less than the amount normally produced in electricity production in France1, throughout the whole of its life cycle: 25 years, from its construction to its dismantling. ■
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1. 17,6 g. eq.CO2 par Kwh produit contre 72 g.eq.CO2 par Kwh. 17.6 g. eq.CO2 per Kwh produced as against 72 g.eq.CO2 par Kwh. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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SOLUTIONS
ÉNERGIE ENERGY
L’outre-mer français,
atout majeur de la transition énergétique
French overseas territory,
a major advantage in energy transition Député honoraire, membre du Conseil économique social et environnemental (CESE). Honorary member of parliament, a member of the Economic Social, and Environmental Council (ESEC).
L
es objectifs assignés à l’Outre-mer à l’horizon 2030 dans la loi de transition énergétique sont ambitieux : 50% d’énergies renouvelables dès 2020 dans les quatre DOM1 et 30% à Mayotte. Dans ce contexte, la Réunion, la Martinique ou encore la Polynésie Française ont, depuis déjà plusieurs années, développé des projets innovants d’énergies marines renouvelables notamment autour de l’Énergie Thermique des Mers (ETM). Cette technique très innovante et prometteuse (grâce notamment à une production continue et à une prédictabilité parfaite) vise à produire une électricité par la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes. À titre d’exemples, la Martinique développe, grâce à des fonds européens, un important projet nommé NEMO de centrale pilote d’Énergie Thermique des Mers (ETM) associant le constructeur naval DCNS et l’exploitant Akuo Energy. La centrale atteindra 16 MegaWatts (MW), pourra alimenter 35 000 foyers d’ici 2020 et permettrait la création de 1300 emplois. À la Réunion, le projet Marlin, fruit d’une collaboration entre différents partenaires français (DCNS, Ifremer, Ademe, France Énergies Marines, région Réunion, Université de la Réunion…), doit permettre la création d’emplois directs et indirects pour la construction et l’exploitation de centrales d’Énergie Thermique des Mers d’une capacité installée de 25 à 30 MW par centrale, dès 2018. Dans ce domaine, la France est donc devenue pilote et affiche un savoir-faire industriel grâce à un secteur de recherche et de développement en pointe. Tout cela permet à notre pays, pour peu qu’il en exprime véritablement la volonté politique, d’adopter une stratégie ambitieuse d’autonomie énergétique, au service de nos collectivités ultramarines mais aussi à l’exportation au profit des pays tiers voisins, en forte ■ demande énergétique.
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Marine & Océans n° 249 • Spécial COP21 Paris 2015
France has the second largest maritime area thanks to its overseas territories.
© Philip Plisson
La France possède le deuxième espace maritime mondial grâce à ses territoires ultramarins.
par / by Gérard Grignon
n the law pertaining to energy transition, there are ambitious objectives set forth for France’s overseas departments by 2030: 50% of energy from renewable sources starting from 2020 in four DOM1 departments and 30% in Mayotte. In this context, Réunion, Martinique, and French Polynesia have been developing innovative marine renewable energy projects for several years, especially those based on ocean thermal energy conservation (OTEC). This very promising and innovative technique (thanks in large part to continuous production and total predictability) aims to produce electricity through the difference in temperature between surface water and deep waters. For example, through European funding, Martinique is developing a major project called NEMO, an OTEC pilot plant, which involves the naval manufacturer DCNS and the operator Akuo Energy.The power plant will reach 16 Megawatts (MW) and will be able to power 35,000 homes by 2020 while creating 1,300 jobs. In Réunion, the project Marlin, the result of the collaboration between different French partners (DCNS, Ifremer, Ademe, France Énergies Marines, Regional Council of Réunion, University of La Réunion) should create, as of 2018, direct and indirect jobs for the construction and operation of OTEC power plants with 25 to 30 MW installed capacities. In this sector, France has thus become a trailblazer and boasts industrial knowhow thanks to its cutting-edge research and development sector. Should France express a sincere political desire to do so, it could use all its assets to adopt an ambitious strategy for energy self-sufficiency, one that could serve our overseas communities while also providing power to neighbouring countries that have increasing energy needs. ■
SANS OUBLIER
1. Département d’outre mer. Overseas Departments.
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WITHOUT FORGETTING
NEMO, centrale pilote d’énergie thermique des mers à la Martinique NEMO, the first power plant of heat energy from the sea in Martinique En savoir + / For more information www.akuoenergy.com / www.dcnsgroup.com
Sabella D10, la première hydrolienne française opérationnelle Sabella D10, the first operational marine current turbine in France En savoir + / For more information www.sabella.fr
Les microcentrales hydroélectriques et les panneaux voltaïques de l’agglomération cannoise Hydro-electric micro power units and voltaic panels in the Cannes urban area
En savoir + / For more information www.cannes.com
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NAVIRES DU FUTUR SHIPS OF THE FUTURE
conditions. On board, the commander will be able to choose between the fastest route or one that will be the most economical. Of course, we are aware that this rig cannot equip any ship nor suit sailing in all parts of the world but it definitely finds its place in amateur sailing, maritime cargo and goods transportation, cruising and deep-sea fishing. Thanks to ”SME initiative” funding from Ademe, we are developing a prototype with which we hope to take on deck for the first time in early 2016. Sustainable development is too often a constraining, expensive and frustrating experience. Change will only come about if there is a realisation that it is, instead, an opportunity for a new prosperity and new well-being. It seemed important to me to train young people in this new way of thinking. It was in order to reach this objective that Maurille Lariviere, Patrick le Quément and I created, in 2013, in Nice, The sustainable design school, international school of design and sustainable innovation1 which, this year, has opened its doors to students for the third year running. ■
La propulsion éolienne pour les navires de commerce Wind propulsion for commercial ships
© VPLP Design
1. www.the-sds.com.
Architecte naval, Directeur du cabinet VPLP design Naval architect, Director of the VPLP design firm
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epuis notre participation à la 33e Coupe de l’America gagnée par le trimaran Oracle propulsé par une aile rigide de 38 mètres, je suis persuadé de l’avenir de ce gréement sur d’autres types de navires. Celui-ci ne nécessite en effet que trois réglages – l’incidence, la cambrure et le vrillage –, tous facilement automatisables et n’imposant pas, notamment à bord des navires de commerce, d’équipage supplémentaire dédié à la propulsion éolienne. Une des caractéristiques de ce gréement est qu’il peut fonctionner en mode hybride, c’est-à-dire en assistance d’une propulsion électrique ou thermique. Nous développons actuellement un système de réduction de la surface de façon à pouvoir affronter des météos extrêmes et à pouvoir s’amarrer au port. Près de 90% du transport maritime se fait par bateau. Celui-ci est responsable de 5% des émissions de gaz à effet de serre et plus encore de particules fines et il est prévu que le commerce mondial double d’ici à 2050. Ce propulseur éolien n’est pas un substitut à un mode de propulsion mécanique ou électrique
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ince taking part in the 33rd America’s Cup, won by the Oracle trimaran propelled by the 38-metre-long sail, I am convinced of the future of this rigging on other types of vessels. It requires just three settings – incidence, camber and twist – all easily automated and not imposing, especially aboard merchant vessels with additional crew members dedicated to wind propulsion. A feature of this rig is that is can operate in hybrid mode, meaning, it uses an assisted thermal or electric propulsion. We are currently developing a surface reduction system to cope with extreme weather conditions and to enable docking at the port. Nearly 90% of maritime transport is by boat. This one is responsible for 5% of greenhouse gas emissions as well as emitting fine particles, and it is expected that worldwide trade will double by 2050. This wind propeller is not a substitute for mechanical or electrical propulsion but provides assistance, from our first simulations, it made a gain of 30% to 70% fuel depending on the route and weather
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mais une assistance, il permet, d’après nos premières simulations, un gain de 30% à 70% de carburant selon les routes et la météo. À bord, le commandant sera à même de choisir entre la route la plus rapide ou celle qui sera la plus économique. Bien sûr, nous sommes conscient que ce gréement ne peut pas équiper tout type de navire ni convenir à toutes les régions du monde mais il trouvera sûrement sa place pour la navigation de plaisance, le transport maritime du vrac et du divers, la croisière et la pêche en haute mer. Grace au financement « Initiative PME » de l’Ademe, nous développons un prototype avec lequel nous espérons tirer les premiers bords début 2016. Le développement durable est vécu trop souvent comme contraignant, cher, frustrant. Le changement ne s’opèrera que si l’on prend conscience qu’il s’agit, au contraire, d’une opportunité pour une nouvelle prospérité et un nouveau bien être. Il m’a semblé important de former des jeunes à cette nouvelle façon de réfléchir. C’est pour répondre à cet objectif que Maurille Lariviere, Patrick le Quément et moi-même avons créé, en 2013, à Nice, The sustainable design school, école internationale de design et d’innovation durable1 dont nous avons fait, cette année, la troisième rentrée. ■
© VPLP Design
par / by Marc Van Peteghem
En savoir + / For more information www.vplp.fr
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NAVIRES DU FUTUR SHIPS OF THE FUTURE
Louis Dreyfus Armateurs
Motorisation et hydrodynamisme Motorization and hydrodynamics par / by Hervé Lapierre Directeur département Construction Neuves du Groupe LDA New Construction Department Director for the LDA Group
L © CMA CGM
DA (Louis Dreyfus Armateurs) a commandé en 2011-2013 une série de dix navires vraquiers. Leur efficacité énergétique – donc leurs émissions dans l’atmosphère –, a été améliorée en jouant sur les moteurs et sur l’hydrodynamique. Les moteurs sélectionnés sont de types « électronique » avec injection et échappement contrôlés par ordinateur. Ils sont détarés de 20%1 et réglés à une charge plus faible que précédemment. Au total la consommation est réduite d’environ 7%. Une étrave verticale réduit également la résistance du navire. Des systèmes de tuyères et d‘ailerons en avant de l’hélice, de dispositifs de bulbe de gouvernail ou de capuchon de moyeu d’hélices avec ailerons permettent d’augmenter le rendement de l’hélice. Globalement une réduction additionnelle de consommation de 8 à 12 % est ainsi obtenue. Toutes ces méthodes sont dorénavant utilisées, dans la mesure de leur pertinence, pour tous les nouveaux ■ projets de navire de LDA.
CMA-CGM
à vitesse réduite pour le climat et les océans
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n dix ans, CMA-CGM1 a réduit de 50% ses émissions de CO2 par conteneur transporté sur sa flotte en propriété, objectif atteint grâce à une politique ambitieuse d’innovations environnementales. À titre d’exemple, le Groupe équipe ses navires de bulbes d’étraves optimisés afin d’améliorer leur efficience énergétique. Les bulbes ont un rôle fondamental dans l’efficacité hydrodynamique de la coque grâce à leur influence sur la résistance de vague des navires. Ils avaient été conçus pour des vitesses de 24 nœuds. Aujourd’hui, avec la mise en place du slow steaming, le Groupe fait naviguer ses navires à des vitesses de 16 à 18 nœuds, et a donc redessiné ses bulbes afin de les adapter à ces vitesses. Tous les navires CMA-CGM entrés en service depuis 2014 sont conçus avec des bulbes adap■ tés aux vitesses d’exploitation actuelles.
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n the past ten years, CMA-CGM reduced it’s CO2 emissions by 50 per cent for each container transported by its own fleet, an objective they’ve attained thanks to an ambitious policy built around environmental innovations. For example, the group equips its ships with maximized bulbous bows to improve their energy efficiency. The bows play a fundamental role in the hydrodynamic performance of the hull thanks to their effect on wave drag. They were designed for speeds up to 24 knots. With the implementation of slow steaming, today the group runs its ships at speeds between 16 and 18 knots, and has therefore redesigned its hulls to be better adapted to these speeds. All of the CMA-CGM ships put into service from 2014 on have been designed with ■ hulls adapted to current operating speeds.
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1. CMA-CGM en chiffres : 470 navires desservant plus de 400 ports dans le monde; 12,2 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds) transportés en 2014 ; un réseau de 655 agences dans 160 pays ; 22 000 employés dans le monde dont 2 400 à Marseille où est situé son siege social. CMA-CGM by the numbers: 470 ships serving more than 400 ports in the world; 12.2 million TEU (twenty-footequivalent unit) containers transported in 2014; a network of 655 agencies in 160 countries; 22,000 employees in the world, 2,400 of which are in Marseille where its headquarters is located.
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1. Se dit d’un moteur dont la puissance maximum est réglée en deçà de son véritable potentiel. Referring to a motor whose maximum power is set below its true potential.
© Xxxxxxxxxxxxxxxx
Slowing its pace for the climate and the oceans
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DA (Louis Dreyfus Armateurs) comissioned a series of 10 cargo ships between 2011 and 2013. Their energy efficiency – and their emissions –, has been improved by playing around with the engines and hydrodynamics. The selected engines are the “electronic” sort with computercontrolled fuel injection and exhaust. They are calibrated by 20%1 and adjusted to a lower power ability than before. The total reduction in consommation is around 7%. A vertical bow also reduces the ship’s resistance. The use of Tuyere systems with fins in front of the propeller, bulbous helm features or propeller hub caps with fins can increase the efficiency of the propeller. An additional overall reduction in consummation is made of between 8% and 12%. All of these methods are now used, in accordance to their relevance, ■ in all new LDA vessel projects.
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Voilier du Futur,
laboratoire de la transition écologique et énergétique
Sailboat of the Future a floating lab for energy and ecological transition
Le Crain,
pioneer in electric and wind propulsion par / by Philippe Pallu de la Barrière Directeur du Crain et de Alternatives Énergies Director of Crain and Alternatives Énergies
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ès 1998, j’ai engagé mon équipe du Crain1 dans le développement de solutions navales pouvant améliorer l’environnement. Nous avons d’abord choisi le navire à passagers pour lequel il semblait possible d’utiliser une propulsion électrique alimentée par des batteries et des panneaux photovoltaïques. Nous avons adopté dans la conception une démarche d’économie d’énergie en travaillant le poids, la résistance à l’avancement et le rendement de la propulsion. Nous avons ainsi construit le premier navire à passagers tout électrique exploité comme passeur dans le port de La Rochelle. Depuis, notre société Alternatives Énergies2 dont l’activité a réellement débuté en 2006, a produit quinze navires à passagers sans émission qui naviguent en permanence à Paris, Marseille, La Rochelle, Les Sables d’Olonne et Concarneau. Nous avons également participé à la conception, pour la société Watt&Sea, d’un hydrogénérateur pour voilier permettant une autonomie énergétique complète en navigation. Depuis quelques années, nous développons aussi, au sein du Crain, avec un cofinancement européen et régional, un propulseur éolien qui pourra équiper les navires de commerce en propulsion auxiliaire, leur permettant d’économiser environ 30% de carburant fossile. La production du propulseur sera confiée ultérieurement sous licence à un industriel. ■
1. Centre Recherche pour Architecture et Industrie Nautique. Research Centre for Nautical Industry and Architecture. 2. SAS créée en 1998, spécialisée dans la conception et la production de navires à émissions minimales. SAS (Simplified Joint Stock Company) created in 1998, specialising in low-emissions ship design and production.
En savoir + / For more information http://associationinnovationsbleues.sopixi.fr/ presentation-du-voilier-du-futur.htm
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© Crain
En savoir + / For more information www.craintechnologies.com
pionnier de la propulsion électrique et éolienne The Crain,
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nitié par Catherine Chabaud et Julian Stone en 2011, la démarche Voilier du Futur a pour ambition de construire un démonstrateur de ce que pourrait être le voilier « éco-innovant » de l’avenir. Le projet fédère des PME et des centres de recherche de la façade atlantique, conscients des enjeux de la transition énergétique et écologique dans le secteur de l’économie maritime, et pionniers de sa déclinaison dans la plaisance. Parmi eux : les chantiers Alumarine et Multiplast, l’Université de Bretagne Sud, le Crain, l’architecte Marc van Peteghem, Watt&Sea, Nautix… Ce voilier laboratoire éco-innovant est conçu comme une plate-forme de mise au point des écotechnologies les plus adaptées aux enjeux environnementaux et économiques de la filière nautique et d’autres secteurs clés du maritime. Voilier du Futur intègrera des innovations majeurs dans les secteurs de l’autonomie énergétique (vie à bord), de la propulsion (motorisation, gréement), des biomatériaux et de l’écoconception. Projet phare de l’association Innovations Bleues, Voilier du Futur endossera un véritable rôle d’ambassadeur du développement durable maritime à travers trois missions : • Des missions scientifiques : des opérations de collecte de données océanographiques essentielles à la science permettront aussi de promouvoir les sciences participatives appliquées au milieu marin. • Des missions de sensibilisation à l’éconavigation : pour faire la promotion de pratique de navigation plus respectueuses de l’environnement. • Des actions de promotion de l’éco-innovation : grâce à une tournée des salons et rendez-vous nautiques internationaux pour promouvoir les éco■ technologies développées.
ince 1998 I’ve dedicated the efforts of my team at Crain1 to developing naval solutions that can improve the environment. We first chose a passenger ship that we thought could be adapted to use a photovoltaic panel and batterypowered electric propulsion system. For its design, we adopted an approach focused on energy conservation by focusing on questions of weight, forward motion resistance, and propulsion ouput. We were then able to build the first all-electric passenger ship, which is used as a ferry in the La Rochelle port. Since then our company Alternatives Énergies2, which really went into business in 2006, has produced fifteen emissions-free passenger boats that have been put into full-time use in Paris, Marseille, La Rochelle, Les Sables d’Olonne, and Concarneau. For the company Watt & Sea, we also contributed to the design of a sailboat hydrogenerator, which gives the vessel complete energy self-sufficiency while under sail. For the past several years at Crain, with regional and European cofinancing support, we’ve also been developing a wind-powered engine, which will be able to provide commercial ships with auxilary propulsion, enabling them to reduce fossil fuel usage by about 30%. The production of this engine will subsequently be entrusted ■ under license to a manufacturer.
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n 2011, Catherine Chabaud and Julian Stone launched the project Sailboat of the Future, whose aim is to build a demonstrator of what the eco-innovative boat for the future might be. This project brings together small and medium businesses with research centers on the Atlantic coast, all of which are keenly aware of the issues of energy and ecological transition within the maritime economy industry and are pioneering its translation to recreational boats. This eco-innovating floating lab has been designed as a development platform for the eco-technologies best-suited to the environmental and economic stakes of the nautical sector, as well as other key maritime sectors. Sailboat of the Future integrates major innovations in the sectors of energy independence (life on board), craft propulsion (engine, rigging), biomaterials and eco-design. As the flagship project of Innovations Bleues, Sailboat of the Future will act as the ambassador for sustainable maritime development, through three missions: • Scientific missions: operations aiming at collecting essential oceanographic data will also help to promote participatory science applied to the marine environment. • Eco-navigation awareness missions: in order to promote more environmentally-friendly navigation practices • Eco-innovation promotion actions: by attending trade shows and international nautical events to promote the eco-technologies developed by our ■ partners.
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Des navires de pêche innovants Innovative fishing vessels
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Le projet Arpege (Approche Réaliste pour une Pêche Générique) vise à produire un navire de pêche (24, 95 mètres) de nouvelle génération, plus efficace sur le plan énergétique et polyvalent, capable d’adapter ses activités de pêche à l’évolution des quotas et des règlements. L’Arpege bénéficie d’une carène optimisée et d’une propulsion dieselélectrique. Un prototype, fruit de 24 mois d’études et de développement entre le Bureau Mauric et le chantier naval Socarenam, a été mis à l’eau en septembre 2015 à Boulogne-sur-Mer. Ce premier démonstrateur doit permettre de valider le concept et d’acquérir du retour d’expérience pendant six mois d’exploitation en conditions réelles. La production du navire en série est ensuite envisagée avec, en perspective, le marché français et européen où plusieurs dizaines de navires doivent être potentiellement renouvelés dans la décennie à venir. ■
La Frégate III, construit en 2005 par le chantier Socarenam à Boulogne-sur-Mer, est aujourd’hui un démonstrateur destiné à tester des innovations pour le chalutier du futur. Le bateau a été transformé à l’initiative de l’Association France pêche durable et responsable dans le cadre de son projet européen Fish2Eco-Energy sur le thème : « Le premier chalutier hybride pour sauver la pêche de demain ». Une motorisation hybride en remplacement de l’ancien moteur thermique ainsi que des nasses à poissons et des chalut plus sélectifs ont, montré, lors des derniers tests, en octobre 2015, une réduction sensible de la consommation d’énergie et une meilleure préservation de la ressource et des fonds marins. Le projet Filière hydrogène pour la pêche polyvalente (FILHyPyNe) vise à développer un bateau de pêche polyvalent de 12 mètres – destiné à renou-
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La Frégate III : navire-test pour un chalutier plus économe en énergie et respectueux de l’environnement. Test ship for a more energyefficient and more environmentfriendly trawler.
ishermen of today are aware of the environmental and economic issues that impact on their business sector, and are becoming involved in the development of innovative fishing vessels that are clean, more economic with their energy and respectful of marine resources. Frégate III, the Filière hydrogène project and the Arpège are three examples of innovative boats.
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Frégate III was built in 2005 at the Socarenam yard at Boulogne-sur-Mer, and is today a demonstrator whose purpose is to test innovations in trawlers of the future. The boat was transformed at the initiative of the France pêche durable et responsible [Sustainable and responsible French fishing] Association as part of its European Fish2Eco-Energy based on the theme: “The first hybrid trawler to save tomorrow’s fishing”. A hybrid engine unit replaces the old heat engine, and there are also more carefully selected fish traps and trawlers that evidenced a noticeable reduction in energy consumption and better preservation of resources and the sea bed during tests carried out in October 2015. The project Filière hydrogène pour la pêche polyvalente (FILHyPyNe) [Hydrogen Use for Versatile Fishing] is aimed at developing a versatile
Arpege : projet de navire de pêche de 25 mètres de nouvelle génération. Project for a new generation trawler (25 meters).
FILHyPyN : projet de navire de pêche innovant et polyvalent de 12 mètres. Project for an innovative and multi-purpose 12-meter trawler.
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es pêcheurs, aujourd’hui de plus en plus conscients des problématiques environnementales et économiques qui touchent leur secteur d’activité, s’impliquent dans le développement de navire innovants, propres, plus économes en énergie et plus respectueux des ressources marines. La Frégate III, le projet Filière hydrogène et l’Arpège sont trois exemples de bateau novateurs.
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veler la flottille côtière –, doté d’un moteur électrique alimenté par une pile à hydrogène et donc plus économe en énergie. Il a été lancé par un consortium d’acteurs des Pays de la Loire, DCNS Indret / le Corepem (Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins) / le bureau d’architecture navale Mauric / MH2 (association Mission Hydrogène) / le Ricep (Réseau d’informations et de conseil en économie des pêches) et l’ENSM (Ecole nationale supérieure maritime). Son objectif : mettre à la disposition des pêcheurs français, d’ici 2017 ou 2018, un prototype pour des essais en conditions réelles avant une éventuelle phase d’industrialisation.
En savoir + / For more information Frégate III www.francepechedurable.eu www.fish2ecoenergy.eu Filière hydrogène pour la pêche polyvalente www.pole-mer-bretagne-atlantique.com/fr/ naval-et-nautisme/project/2230 Arpege www.mauric.com www.socarenam.fr
12 metres boat, designed to renew the coastal fleet. The boat is fitted with an electric engine powered by a hydrogen battery that is therefore more energy-economic. This was launched by a consortium of entities in the Pays de la Loire region of France, DCNS Indret / the Regional Committee for maritime fishing and fish-farming Corepem (Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins) / the naval architecture company Mauric / MH2 (Mission Hydrogène association) / the Information and advice network for fishing economy RICEP (Réseau d’informations et de conseil en économie des pêches) and the Higher national maritime school ENSM (Ecole nationale supérieure maritime). The aim is to bring to French fishermen a prototype for trials in reallife conditions by 2017 or 2018 prior to its potential mass production. The Arpege (Approche Réaliste pour une Pêche Générique – Realistic Approach to Generic Fishing) aims to produce a next generation 24.95 metre fishing vessel that is more efficient energywise and more versatile, being able to adapt its fishing activity to changes in quotas and regulations. The Arpege benefits from an optimised hull, and diesel-electric propulsion. Following 24 months of research and development with the company Mauric and the Socarenam boatyard, a prototype was created and taken to the water in September 2015 at Boulogne-sur-Mer. This first demonstrator vessel is an opportunity for the concept to be validated and to get some feedback during the six months of operation in real-life conditions. It is expected that the vessel will then go into series production, with several dozen vessels in the French and European market potentially being renewed over the next decade. ■ Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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NAVIRES DU FUTUR SHIPS OF THE FUTURE
SANS OUBLIER
WITHOUT FORGETTING
Notox :
Des planches en matériaux recyclés et renouvelables
Notox: Surf’s up once again
© Philip Plisson
CORICAN, réduire l’impact de la flotte mondiale sur l’environnement Reducing the impact of the world’s fleet on the environment En savoir + / For more information www.corican.fr
TOWT, le transport marchand à la voile Merchant transport by sailboat En savoir + / For more information www.towt.eu
par / by Pierre Pomiers
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es conditions de travail déplorables, des déchets dangereux en grande quantité (environ 6 kg par planche de surf produite : acétone, styrène, résine, fibres de verre), voilà une réalité aux antipodes de l’esprit même du surf mais communément tolérée par les acteurs du surf business. De ce constat est né le projet Notox : proposer une solution alternative, à la fois éthique, environnementale et technologique, ne devant en aucun cas sacrifier la performance des produits, mais bien au contraire, la transcender ! C’est ainsi dans son atelier high-tech,
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que Notox produit aujourd’hui des planches pour le surf, le kitesurf et le stand-up paddle, en utilisant des matériaux recyclés et renouvelables comme le polystyrène expansé (PSE), la fibre de lin et le liège. Notox compte déployer ce concept à l’international, à l’aide de microateliers nomades, modulaires et autonomes en énergie, les Modulab, des containers maritimes reconditionnés qui intégreront tous les équipements nécessaires à la fabrication. Demain, les planches ne seront plus exportées, mais produites et vendues localement sur les plus beaux spots du ■ monde.
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En savoir + / For more information www.notox.fr
En savoir + / For more information www.kairos-jourdain.com
eplorable working conditions and large amounts of dangerous waste (around 6 kg per surfboard produced: acetones, styrene, resin and glass fibre): such is the reality in the Antipodes of the very spirit of surfing that is nevertheless widely tolerated by those in the surfing business. This was the background in which the Notox project was born, a project that involves the proposal of an alternative solution that is ethical, environmentally sound and technologically minded and involves absolutely no loss of product performance – in fact, performance is even enhanced! Today, Notox
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produces boards for use in surfing, kitesurfing and stand-up paddling at its high-tech workshop using recycled materials and renewables such as expanded polystyrene (EPS), flax fibre and cork. Notox is looking to roll out this concept at international level through roaming micro-workshops that are modular and self-sufficient energywise. These are called the Modulabs: they are re-conditioned maritime containers that contain all of the equipment needed to produce the boards. In the future the boards will no longer be exported, but will instead be made and sold locally at the most beautiful locations in the world.. ■
MULTIPLAST, l’enjeu des fibres naturelles The challenge of natural fibres En savoir + / For more information www.multiplast.eu
© P. Le Galloudec
Ingénieur et Docteur en robotique, co-fondateur de Notox Engineer and Doctorate in robotics, co-founder of the Notox company
KAÏROS, développer les matériaux biosourcés Developing bio-sourced materials
EPNAVAL, réduire l’impact écologique du bateau et de la vie à bord Reducing the ecological impact of boats and life on board En savoir + / For more information www.epnaval.com
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© Philip Plisson
PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
Les ports :
acteurs majeurs de la transition énergétique Ports: major forces in the energy transition par / by Nicolas Mat
cess depuis une quinzaine d’années pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Elles ont également su développer une grande diversité de synergies par la mise en œuvre de l’écologie industrielle. À Osaka au Japon ou à Marseille, par exemple, des échanges de flux énergétiques sont réalisés entre les terminaux méthaniers et les industries voisines, fortement consommatrices d’utilités (vapeur, froid, etc.). Au-delà de ces boucles éco-industrielles opérées au sein des zones industrialo-portuaires, on constate aujourd’hui de nouvelles formes de synergies, plus décloisonnées et territorialisées, dans lesquelles le port constitue un véritable levier pour mettre en œuvre des interactions avec les secteurs urbains et agricoles situés à proximité, à l’instar des réseaux de chaleur urbains de Rotterdam aux PaysBas ou de Dunkerque en France, alimentés notamment par les rejets d’énergie thermique d’industries implantées sur la zone portuaire. À Zeeland, aux PaysBas, le projet Warm CO2 récupère 500 000 MWh/an de chaleur contenue dans les eaux usées et émise par les process industriels, mais également 70 000 tonnes/an de CO2 pour alimenter des serres agricoles situées à proximité de la zone portuaire et en augmenter ainsi les rendements de production. Sur un large éventail de sujets (filière Hydrogène, production de gaz méthane de synthèse à partir des rejets locaux en CO2, utilisation des potentiels énergétiques de la mer, etc.), les espaces portuaires constituent donc de formidables terrains d’innovations en termes de gestion des ressources et de lutte contre le réchauffement climatique. Un exemple concret de l’économie circulaire déclinée ■ au littoral.
past fifteen or so years, thereby also reducing their greenhouse gas emissions. Additionally, they were able to develop a great diversity of synergies via the implementation of ecological industrial policies. In Osaka, Japan, or Marseille in France, for example, exchanges of energy flows are accomplished between methane terminals and adjacent industrial complexes that are heavy users of utilities (steam, cold, etc.). Above and beyond these eco-industry feedback loops being operated in the areas around industrialized ports, new, less compartmentalized and territorialized forms of synergies are in evidence today. Ports are being genuinely leveraged to create connections with their nearby urban and agricultural sectors, in the footsteps for exmaple of the urban heating networks of Rotterdam in the Netherlands, or Dunkirk in France, and fueled mostly by the thermal energy waste of industrial operations built inside the port areas themselves. At Zeeland, in the Netherlands, the Warm CO2 Project is capturing 500,000 MWh/year of heat contained in water used and emitted by industrial processes, as well as 70,000 tons/year of CO2, to fuel agricultural greenhouses located near the port area, thereby actually increasing their productivity. Across a wide swath of areas therefore, (hydrogen channels, methane gas production from CO2 waste products, tidal energy, etc.), port areas constitute a highly fruitful domain for innovations in resource management and the fight against climate change. A concrete example of ■ circular economy declined to the coast.
Le port d’Anvers.
Ingénieur énergéticien / Energy engineer
The port of Antwerp.
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Terminal de porteconteneurs dans le port de Hong Kong. Terminal of container ship in the port of Hong Kong.
s key locations for the import, export and transformation of fossil fuels, port areas face the challenges raised by industrial changes, greenhouse gas emissions reductions and energy portfolio diversification. Numerous global-scale initiatives are currently underway at various ports. For example, the practice of plugging in of docked ships to power networks is growing rapidly, especially at Long Beach and Los Angeles in the United States, at Göteborg in Sweden, Marseille in France, as well as in China and South Korea. These efforts have avoided the use of fossil fuels and reduced emissions (particulates, CO2, NOx, etc.) during the periods when ships are parked. The large industries traditionally installed near ports (refineries, petrochemical complexes, cement plants, etc.) have considerably improved their processes over the
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© N. Mat et J. Cerceau
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rincipales places d’exportations, d’importations et de transformation des énergies fossiles, les espaces portuaires sont confrontés aux défis de mutations industrielles, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de diversification du bouquet énergétique. De nombreuses initiatives sont à l’œuvre dans les places portuaires à l’échelle internationale. Ainsi, le branchement électrique des navires à quai se développe fortement, notamment à Long Beach et Los Angeles aux ÉtatsUnis, à Göteborg en Suède, à Marseille en France, mais aussi en Chine et en Corée du Sud, évitant l’usage de carburants fossiles et, de fait, l’émission de polluants (particules, CO2, NOx, etc.) lors des périodes de stationnement des navires. Les grandes industries traditionnellement implantées dans les ports (raffineries, complexes pétrochimiques, cimenteries, etc.), ont considérablement amélioré leurs pro-
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PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
Marseille Fos
“Marseille est le premier port méditerranéen à concrétiser le branchement électrique des navires à quai ”
La recherche de l’exemplarité
“ Marseille is the first port on the Mediterranean Sea to achieve the electric connection of ships alongside the quay ”
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branchement électrique des navires à quai avec la compagnie de ferries La Méridionale dont les trois navires n’utiliseront plus leurs groupes électrogènes pour produire de l’électricité pendant leurs escales générant ainsi moins de bruit et de pollution atmosphérique dans l’environnement proche du port1. Un port ne se résume cependant pas à des quais et à des navires. Il doit sa compétitivité à sa capacité à transporter la marchandise aussi loin que possible à l’intérieur d’un territoire. Si la route assure toujours, à Marseille comme ailleurs, l’essentiel de ce transport, des modes alternatifs, le ferroviaire et le fluvial, existent et sont en croissance au port de Marseille Fos. Les développer concourt à l’efficacité logistique des ports et à la compétitivité de la desserte de l’hinterland, mais Marseille Fos en a également fait un engagement écologiquement responsable. Il a multiplié par trois le transport fluvial de conteneurs depuis 2008 et pas moins de 42 trains partent, chaque semaine, de ses quais pour desservir le territoire français et européen. Mer, air, terre : les initiatives du port de Marseille Fos pour réduire son impact environnemental ne négligent aucun élément car c’est de son exem■ plarité qu’il assurera sa durabilité.
The search for the exemplary par / by Christine Cabau Woehrel Président du Grand port maritime de Marseille President of the Port of Marseille Fos
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Le port autonome de Marseille. The autonomous Port of Marseille.
orts are often viewed as areas offering very little in the way of aquatic life development. However, with their seawalls, ripraps, and protected bodies of water, they form habitats that foster the growth of marine ecosystems. In 2010, the Marseille Fos Port embraced this observation and used it to better the scientific understanding of marine port companies and businesses and limit the impact of their port use. From 2010 to 2014 the research programme Girel (Infrastructure Management for the Ecological Rehabilitation of the Coastline) was carried out in order to transplant seaweed to maritime structures and to design dock coverings and microhabitats that would likely serve as shelter for juvenile fish populations. Other improvements will be incorporated into future port structures like in the port channel in Marseille, which is currently being enlarged. Marseille Fos is also the first port in France and the Mediterranean to establish electrical power supply connections for docked ships. This is done in
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Les grandes nacres de Méditerranée dans le golfe de Fos. Large Mediterranean mother-of-pearl shells in the Fos Gulf.
© L. Ballesta / Andromède Océanologie
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es ports sont souvent perçus comme des milieux peu propices au développement de la vie aquatique. Ils constituent pourtant, avec leurs plans d’eau abrités, leurs digues et leurs enrochements, des habitats privilégiés pour l’épanouissement des écosystèmes marins. En 2010, le port de Marseille Fos s’est emparé de ce constat pour améliorer les connaissances scientifiques des milieux portuaires marins et limiter l’impact de ses aménagements. Le programme de recherche Girel (Gestion des Infrastructures pour la Réhabilitation Ecologique du Littoral) a conduit, de 2010 à 2014, à rendre opérationnel la transplantation d’algues sur les ouvrages maritimes, à concevoir des revêtements de quai ou des microhabitats susceptibles d’abriter des poissons juvéniles. Des avancées qui seront intégrées dans les nouveaux ouvrages portuaires comme dans la passe du port, à Marseille, en cours d’élargissement. Marseille Fos est aussi le premier port français et de Méditerranée à concrétiser le
partnership with the ferry company La Méridionale, which has three ships that will no longer be using generators to produce electricity while docked in their ports of call, thereby creating less noise and atmospheric pollution in the port’s surrounding environment1. However, a port is not made up solely of its docks and ships. It owes it ability to compete to its capacity to transport merchandise as far as possible into the interior of a territory. While roadways still stand as the main method of transportation, in Marseille just much as in other areas, alternative modes such as railway and waterway transport are in place and expanding at the Marseille Fos Port. The development of these methods contributes to the logistical efficiency of ports and their competitiveness in providing service to the hinterlands, and Marseille Fos has applied to their expansion an ecologically responsible commitment. Since 2008, it has tripled the river transport of containers, and no less than 42 trains leave each week from its docks, destined for French and European territories. Sea, land, and air: the initiatives at the Marseille Fos Port that are in place to reduce its environmental impact do not overlook any detail because it is through its exemplary model that it can ensure its sustainability. ■
1. L’équivalent en émissions de particules (PM10) et de CO2 de plus de 3 000 véhicules/jour et de 65 000 autres/jour pour les oxydes d’azote (NOx) seront éliminées pour chacun des 3 navires (source AirPaca). For every 3 ships, the equivalent in particle (PM10) and CO2 emissions of more than 3,000 vehicles/day and 65,000 others/day for nitrogen oxides (NOx) will be eliminated (source: AirPaca). Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
Le port de Serignan, le choix affirmé de l’éco-conception par / by Sylvain Pioch Océanographe, maitre de conférence à l’université Paul Valéry de Montpellier Oceanographer, lecturer at the University Paul Valéry Montpellier
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e port de plaisance de la ville de Sérignan située dans le département de l’Hérault en région LanguedocRoussillon, poursuit son extension dans une démarche d’éco-conception1 qui lui a déjà valu d’être labellisé « port exemplaire » par l’Appel à projet consacré en 2009, et « éco-port » par le ministère français de l’écologie en 2011. Le projet, porté par le maire de Sérignan et Président de la Communauté d’agglomération Béziers Méditerranée, intègre les pêcheurs (premiers utilisateurs de la biodiversité marine) avec l’appui du Comité régional des pêches du Languedoc Roussillon, et en
he port in the city of Sérignan, situated in the Hérault department within the Languedoc-Roussillon region, continues to expand with an eco-design1 approach which has already earned it the label “best port” by sailor, Catherine Chabaud, in 2009 and “ecoport”by the French Ministry of Ecology in 2011. The project, led by Frédéric Lacas, Mayor of Sérignan and President of the Community of agglomeration Béziers Mediterranean, integrates fishermen (the very first users of marine biodiversity) with the support of Cécile Pagès, General Secretary of the Regional Fisheries Committee for Languedoc Roussillon, and in particular, in partnership with the School of Mines d'Ales. It aims to fully integrate the port into its environment. The specific aim of this sérignanais project is to integrate into a brackish ecosystem (salt and fresh water mix)
partenariat notamment avec l’École des mines d’Ales. Il vise à totalement intégrer le port dans son environnement. La spécificité du projet sérignanais est l’écosystème saumâtre (mélange d’eau salée et douce), riche en biodiversité, qui caractérise l’embouchure de l’Orb où est implanté le port. Il mobilise pêcheurs, usagers et scientifiques dans une même démarche d’aménagement fonctionnel des espaces et de développement de la flore et
de la faune à travers des dispositifs originaux : végétalisation sous-marine pour participer à la filtration de l’eau et à son oxygénation, bio-béton, éco-quais, organisation des usages… Cette approche a déjà été réalisée en France et à l’étranger2 avec pour objectif de créer des ports utiles à l’environnement marin – poumons écologiques, et havre de paix –, protégés et surveillés comme des mini-réserves tout ■ le long du littoral.
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The port of Serignan the definitive choice of eco-design L’éco-port de Sérignan : créer des ports utiles à l’environnement marin. Creating ports that serve the marine environment.
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rich in biodiversity. It mobilizes fishermen, scientists and users in the same practical approach to space and development of the flora and wildlife through beautiful creative ideas: underwater vegetation to participate in water filtration and its oxygenation, bio-concrete, eco-
docks organisation of uses…This approach has already been carried out in France and abroad2 with the objective to create useful ports to the marine environment, ecological lungs, and a peaceful harbour, protected and monitored as mini-reserves along the coastline. ■
1. L’éco-conception portuaire consiste à intégrer, dès la conception d’un projet, des objectifs et des fonctions écologiques aux infrastructures. The eco-design port is to integrate, the design of a project, as well as the objectives and ecological functions into its infrastructures. 2. Concept du Building with nature mis en œuvre notamment aux États-Unis ou au Japon. Concept of Building with Nature, implemented notably in the United States or Japan.
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PORTS DU FUTUR PORTS OF THE FUTURE
© É. Houri – Le Havre développement
et Paris Ile-de-France se sont engagées pour construire,avec les entreprises, le Gateway industriel et logistique de la Vallée de Seine.
Propos recueillis par / Interview by Erwan Sterenn
Entretien avec Vianney de Chalus Interview with Vianney de Chalus
© G. Isaac
Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre President of the Chamber of commerce and industry of Le Havre
■ Le projet Paris Seine Normandie© vise à relier Paris à la mer en construisant un nouvel espace économique, dans la vallée de la Seine. Quels sont les enjeux et le calendrier de ce projet? Le développement de la vallée de la Seine, du Grand Paris à la Normandie, constitue un enjeu supra national, retenu par la Commission Européenne au titre du Maillon Ouest de
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« l’Atlantic Corridor » destiné à améliorer la connectivité est-ouest en Europe. Avec ce projet, la France se donne la possibilité de placer sa capitale et sa richesse au cœur d’un espace économique irrigué par un système multimodal d’envergure mondiale. Un contrat de plan interrégional, doté de près d’un milliard d’euros, a été conclu en 2015 pour financer les investisse-
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L’estuaire de la Seine et le pont de Normandie. The estuary of the Seine and the Normandy bridge.
■ The Paris Seine Normandie© project aims to link Paris with the sea by creating a new economic corridor in the Seine valley. What are the issues and the timeframe of this project? The Seine valley development project is a major national priority. It also boasts a Pan-European dimension, since the European Commission has recognized the Seine valley territory, from Greater Paris to Le Havre and the Normandy shoreline, as a key link of the Atlantic Corridor through which East-West connectivity
within Europe is to be reinforced. A 2015/2020 EUR 1-Bn Master Plan devised and funded by the National and Regional authorities and supported by the EU is under way with the objective of financing the multimodal infrastructure and equipment the territory requires to fully play its part as a visible and successful economic region within the global competition while providing French capital city with an indisputable maritime dimension. A long-term project, The Seine valley development program needs quick wins to gain
ments destinés à renforcer – d’ici à la fin de la décennie et au-delà – les atouts économiques d’un territoire visible, attractif et compétitif, à l’échelon mondial aussi bien qu’au plan local. La réussite à long terme de cette transformation du territoire appelle un enjeu immédiat : la capacité des acteurs à lancer une dynamique collective pour que la vallée de la Seine bénéficie pleinement de ces équipements et de ces infrastructures au service de la compétitivité des entreprises. Tel est le sens de la démarche dans laquelle les CCI de Normandie
■ Quelle est la dimension environnementale d’un tel projet ? La mise en œuvre du projet d’aménagement et de développement de la vallée de la Seine repose sur trois thématiques majeures : concilier environnement et développement, maîtriser les flux et les déplacements, permettre l’émergence d’une économie plus innovante. Ces trois priorités se traduisent par un plan d’action en faveur de la préservation de l’environnement et du cadre naturel, du renforcement du report modal des transports routiers vers des transports à moindre impact environnemental : maritime, fluvial et ferroviaire et enfin, du soutien aux activités économiques issues des énergies renouvelables, du stockage de l’énergie, de l’économie circulaire, des éco-matériaux, toutes filières parties prenantes de la transition écologique et génératrices d’emplois. À travers leurs engagements, les parties prenantes du projet s’inscrivent clairement dans une démarche visant à consolider le Grand Paris comme « ville-monde » en la reliant à la mer par un développement global et solidaire des territoires et par une approche de la vallée de la Seine en tant qu’axe de déplacement et de développement durable. ■
recognition in a short-term society. A key-factor of success is how fast and big all economic public and private stakeholders, businesses in the first place, make the Seine valley their own project: this is exactly what the Chambers of commerce and industry of Normandy and Paris region have been undergoing over the past three years, bringing together industrial, logistics and supply chain management leaders to build the Seine valley Gateway. What is the environmental dimension of such a project? The three pillars upon which the Seine valley development project rests are: balancing economic development and environment preservation, optimizing flows, freight and people moves, enhancing a knowledge-based innovative economy. The 205/2020 Master Plan for the Seine valley consequently includes specific programs aligning with all three priorities: land planning, urban planning, economic zoning, landscape preservation, modal shift from road freight to rail and waterborne freight transport, specific support to economic initiatives based on off-shore and inland renewable energies, circular economy, reusable materials… all industries that allow both environment preservation and job creation. While implementing a collective strategy that consists of providing Paris with the dimension of a 21st century maritime powerhouse, the public and private project’s stakeholders are committed to turning the Seine valley and its territorial components into an efficient and sustainable Logistics and ■ Industry-based Gateway. ■
La Seine au cœur du quartier d’affaires parisien de La Défense. The Seine at the heart of the Parisian business district of La Defense.
En savoir + / For more information www.paris-seine-normandie.fr
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L’enjeu environnemental du projet Paris Seine Normandie The environmental issue of the Seine Normandy Paris Project
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Nice Côte d’Azur
Un engagement pour un tourisme durable A commitment to sustainable tourism
activités pour identifier les bonnes pratiques et proposer à leur autorité un guide de mise en œuvre. Sur le port de Nice, il mesure déjà en temps réel le bruit et la météo et, prochainement, la qualité de l’air. • Dans le domaine du yachting, la CCI a mis en œuvre le projet « zéro rejets » en matière d’eaux usées. Inciter à la collecte dans les ports permet naturellement de préserver la qualité de l’eau et de la flore marine. La mer agit ainsi comme les forêts en absorbant le CO2. Nos prochains objectifs sont notamment d’augmenter la part de déchets valorisés, d’améliorer les zones de tri en apport volontaire, de certifier CWA Port propre le port de Villefranche Darse et de renforcer le monitoring environnemental en développant les alertes temps réels. ■
practice and lend their authority to an implementation guide. In the port of Nice, it is already measuring noise in real time as well as the weather and soon it will be monitoring the air quality. • In the field of yachting, the CCI has set up the “zero waste” project for waste water. Encouraging the collection of waste water in the ports naturally makes it possible to preserve the quality of the water and of the marine flora. The sea acts like the forests in absorbing CO2. Our next objectives are to increase the enhanced value of waste, improve the sorting areas at waste management sites, certify the port of Villefranche Darse as a CWA Port propre and strengthen environmental monitoring by developing real time alerts. ■
En savoir + / For more information www.riviera-ports.com
1. www.medmaritimeprojects.eu/section/mermaid
SANS OUBLIER
WITHOUT FORGETTING
ECO-TANK Préserver l’environnement portuaire Preserving the port’s environment
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BIO-UV, Traiter les eaux de ballast des navires Treating ship ballast water En savoir + / For more information www.bio-uv.com / www.ballast-water-treatment.com
© BioUV
he four ports – Cannes, Golfe-Juan, Nice and Villefranche Santé –, managed by Nice Côte d’Azur Chamber of Commerce, are committed to a continuous improvement approach in environmental matters. The ports of Nice, Villefranche Santé and Cannes have ISO 14001 certification, the port of Golfe-Juan is designated CWA Port Propre (Clean Harbour), and they are all subject to an annual external audit in terms of the environment. Indeed, the actions taken by the CCI all contribute to helping improve the marine environment as well as preserving the “climate”. Here are three flagship examples: • In the area of cruising, the French Riviera cruise club (FRCC) has set up the Green Award to encourage ships to protect the environment and avoid emissions. The Club also has a Green Tour label to offer eco-responsible excursions (walking tours, cycling, electric vehicles in the port city, exploring the history and local heritage, exploring the parks and gardens, etc.) to individual cruise tourists. • In the harbour area, the CCI has taken the lead in the European project Mermaid1 whose aim is to analyse the environmental monitoring systems set up in multi-activity city ports to identify good
LA MÉRIDIONALE, Des navires à quai, branchés et vertueux Ships alongside the quay, connected and clean En savoir + / For more information www.lameridionale.fr
© La Méridionale
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es quatre ports – Cannes, Golfe-Juan, Nice et Villefranche Santé –, gérés par la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur, sont engagés dans une démarche d’amélioration continue notamment sur le plan environnemental. Les ports de Nice, Villefranche Santé et de Cannes sont certifiés ISO 14001, le port de Golfe-Juan CWA Port Propre, et tous font l’objet, en matière d’environnement, d’un audit externe annuel. De fait, les actions menées par la CCI contribuent toutes à améliorer l’environnement marin mais également à préserver le « climat ». En voici trois exemples phares : • Dans le domaine de la croisière, le French riviera cruise club (FRCC) a mis en place un Green Award pour inciter les navires à protéger l’environnement et éviter les émissions. Le Club a également créé un label Green Tour afin de proposer des excursions éco-responsables (balade à pied, vélo, véhicule électrique dans la ville portuaire, découverte de l’histoire et du patrimoine local, découverte des parcs et jardins…) aux croisiéristes individuels. • Dans le domaine portuaire, la CCI est chef de file du projet européen Mermaid1 dont l’objectif est d’analyser les systèmes de monitoring environnementaux mis en place dans les ports urbains multi-
En savoir + / For more information www.ecotank.fr
PORT DE DUNKERQUE / PORT OF DUNKIRK
Valoriser les sédiments marins Valuing marine sediments En savoir + / For more information www.dunkerque-port.fr
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Chef Département Qualité Sécurité Environnement de la direction des ports Head of the Quality, Security and Environment Department of the Ports Management
© Ecotank
par / by Manuella Machado
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VILLES ET LITTORAUX CITIES AND COASTS
Métropoles et océans, un avenir commun Cities and oceans: a common future par / by Marc Simon Directeur du Développement. Délégué Midi-Pyrénées Méditerranée – Groupe Suez Business Development Director. France South West & Mediterranean Region – Suez Group
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oastal cities play a key role in implementing solutions to reduce pollution into the oceans and to guarantee their inhabitants with a sustainable future in a collaborative manner that brings together political and economic players as well as the civil society1. Proven solutions already exist to reduce this very diverse marine pollution (metals, endocrine disruptors, plastics, micro-organisms, etc...) transferred by urban waterways, rainwater overflows as well as by deliberate or accidental discharges into the sea. Growing urbanisation combined with expansion of sealed surfaces reduce the natural infiltration of rainwater into the soil. As a result, serious flooding provoke direct discharge of urban waters into natural ecosystems without any preliminary treatment, causing sudden and massive pollution. In Bordeaux, south-west of France, the Influx2 modelling and supervision system is used to anticipate risks of flooding and rainwater overflows. It manages storage capacities of the sewage system, in the right place and at the right time, to prevent congestion and overflows of untreated wastewater into the sea. Wastewater treatment plants play also a key role in the fight against marine pollution. They form a barrier against most forms of physical, chemical and biological pollutions. In West Basin, California, treated wastewater is reused in local industries and city gardens. A question remains: how to treat textile and plastic microfibers used in clothes manufactures and released by washing machines into the sewage system. In an effort to combat this new form of pollution, the Suez group, which operates and maintains the wastewater treatment plant of the city of Nice, France, has teamed up with the Nice Côte d’Azur metropolitan authority to launch the Ecoseastem3 research program. Harbours polluted flows can also be fully managed by dedicated sewage systems connected to industrial wastewater treatment plants, like in the Shanghai Chemical Industrial Park. In marinas, solutions include
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Étude en temps réel de la pollution littorale . Real time study of coastal pollution.
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es métropoles littorales ont un rôle clef à jouer dans la mise en œuvre de solutions pour réduire la pollution des océans et garantir à leurs habitants un avenir durable dans un mode collaboratif associant acteurs politiques, économiques et société civile1. Aujourd’hui, des solutions concrètes existent pour lutter contre cette pollution marine multiple (métaux, résidus médicamenteux, plastiques, microorganismes…) issue notamment des cours d’eau, du ruissellement des eaux pluviales ou du rejet volontaire ou accidentel d’objets en mer. L’urbanisation croissante et l’augmentation des surfaces imperméabilisées réduisent l’infiltration naturelle des eaux pluviales dans les sols. Dans le cas d’inondations sévères, les eaux urbaines s’écoulent directement dans le milieu naturel, sans traitement préalable provoquant des pollutions massives. À Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, l’anticipation des risques d’inondation et de déversement des eaux pluviales est assurée par l’outil de modélisation et de supervision Influx2. Celui-ci mobilise les capacités de stockage dans les réseaux, au bon endroit et au bon moment, afin d’éviter leur saturation et les déversements d’eaux usées non traitées en mer. Les stations de traitement des eaux usées jouent également un rôle clef dans la lutte
“Les métropoles littorales ont un rôle clé à jouer pour réduire la pollution de l'océan ” “ Coastal cities have a key role to play in reducing ocean pollution ” contre les polluants marins. Elles constituent un rempart contre les pollutions physiques, chimiques et biologiques les plus importantes. À West Basin en Californie, les eaux usées sont retraitées pour être réutilisées dans l’industrie locale et l’arrosage d’espaces verts. Demeure aujourd’hui la question du traitement des microfibres textiles et plastiques qui entrent dans la composition des vêtements et sont relâchées dans les eaux usées lors des lavages en machine. Afin de lutter contre cette pollution, le Groupe Suez, exploitant de la station d’épuration de Nice, s’est associé avec la Métropole Nice Côte d’Azur pour lancer le programme de recherche Ecoseastem3 afin de trouver des solutions technologiques destinées à traiter ce type de pollution. La pollution des zones portuaires peut également être totalement maîtrisée grâce à des réseaux et à des stations de traitement des eaux usées industrielles comme sur le parc pétrochimique SCIP de Shanghaï. Sur les ports de plaisance, les solutions peuvent intégrer des conteneurs flottants pour les déchets, une collecte des eaux grises par bateaux services ou encore des radeaux pélicans interceptant les déchets flottants sur les fleuves comme à Paris. Tout cela pour réintroduire la biodiversité marine le long des quais comme à Marseille avec le projet Re-Cyst4 qui vise à rétablir l’écosystème de plus de 50 espèces.
La ville de Hong Kong. The city of Hong Kong.
floated containers for waste collection, dedicated vessels for grey water collection and intercepting rafts to catch floated wastes conveyed by rivers like in Paris. All these technics aim at restoring marine biodiversity along the shore, as in Marseilles, France, with the Re--Cyst4 project that will contribute to re-establish an ecosystem with more than 50 species. Protecting the oceans implies also monitoring the quality of seawater on urban beaches. Cowama5 is a solution that analyses in real time the dispersion of sources of coastal pollution, in particular in bathing zones. The system can be used to warn bathers or to assess the impact of sewage overflows, so that local authorities can optimise their plans for new infrastructures. This solution is already operational in France, in the Basque Region and in Marseilles as well as in several Spanish cities along the coast. Raising the awareness of the population and involving people in a collaborative manner is another powerful lever to protect the oceans. An increasing number of local authorities all over the world are organising waste collection events on beaches and riverbeds as well as educational campaigns devoted to sorting wastes. Large cities can generate sources of wealth to protect our natural resources if urban water & waste water, >> Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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VILLES ET LITTORAUX CITIES AND COASTS
Cannes, Une station d’épuration « carboneutre » Optimised treatment of used water
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Protéger l’océan, c’est aussi veiller à la qualité des eaux de baignade en participant à la dépollution des villes côtières. Cowama5 est une solution qui permet d’étudier, en temps réel, la dispersion des sources de pollution littorales, notamment sur les zones de baignade. L’outil peut être utilisé comme système d’alerte pour les baigneurs ou comme outil d’évaluation de l’impact des déversements permettant aux collectivités d’optimiser la planification de nouveaux ouvrages d’assainissement. Cette solution est déjà opérationnelle au pays basque, à Marseille et dans plusieurs villes du littoral espagnol. La sensibilisation et l’implication collaborative des citoyens sont également des leviers puissants de la protection des océans. Des opérations de collecte de déchets sur les plages et le long des rivières, des actions d’incitation au tri des déchets sont ainsi menées par un nombre croissant de collectivités dans le monde. Les villes peuvent être sources de richesse pour préserver les ressources naturelles si les services urbains de l’eau, de l’énergie et des déchets sont pensés de manière intégrée. Le premier outil d’aide à la décision pour la mise en place de services urbains efficients est disponible. Il s’appelle Syracuse. Cet outil permet de mettre en œuvre les synergies et les boucles d’économie circulaire. Comme dans l’estuaire de la Seyne, où le site Ecostu’air transforme les déchets ménagers du territoire pour couvrir 70% des besoins énergétiques de l’industriel voisin. À Strasbourg, ce sont les boues d’épuration des eaux usées qui produisent du méthane réinjecté dans le réseau de gaz naturel pour chauffer 5000 logements BBC. Les sources de financement de ces actions résident finalement dans l’ambition de « qualité de ville » que se fixent ces métropoles littorales dans leur développement ■ face aux changements climatiques.
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La ville de Shanghai. The city of Shangai.
energy and waste services are managed in an integrated manner. The very first decision management system dedicated to the implementation of efficient urban services is now available. It is called Syracuse. This tool aims at maximizing synergies and establishing circular economy loops at the scale of a city. In the Seyne river estuary, France, the Ecostu’air plant transforms household waste from the neighbourhood to supply 70% of the energy requirements of a nearby industrial factory. In Strasbourg, France, waste water sludge are used to produce biogas that is re-injected into the natural gas distribution system to heat 5,000 dwellings. In the end, the financial resources of all these solutions shall come from the ambitious roadmap that coastal cities set to themselves for the benefit of a better quality of life in the face of climate change. ■
1. 85% de la population mondiale habitera dans une métropole d’ici la fin du siècle. 85% of worldwide population will live in a city by the end of the century. 2. Traduction anglaise des débits d’eaux usées et pluviales transitant dans les réseaux urbains. By the name of inflows transferred by sewage systems to waste water treatment plants. 3. Acronyme regroupant les trois dimensions du programme de recherche : écosystème, biodiversité marine et systèmes englobant réseaux et station d’épuration. Research program named by ecosystem, marine biodiversity and sewage system. 4. Du nom des Cystoseira : algues brunes endémiques de Méditerranée servant d’habitat à la biodiversité et indicatrices de la bonne qualité de l’eau de mer. Named by Cystoseira, a Mediterranean marine plant providing habitat for marine life and a good indicator of sea water quality. 5. Acronyme issu de COastal WAter MAnagement signifiant protection des eaux littorales. Named by COastal WAter MAnagement.
ans les Alpes Maritimes, le Syndicat intercommunal d’assainissement unifié du bassin cannois (SIAUBC) a réalisé la première station d’épuration carboneutre au monde. Aquaviva, c’est son nom, inaugurée en 2012, traite ses eaux usées à travers 100 000 m² de membranes, des fibres creuses composées de millions de pores d’un micromètre qui permettent de capter les bactéries, les virus et les particules de pollution. La station traite quotidiennement environ 45 000 m 3 d’eau rejetée ensuite dans la baie de Cannes avec la
qualité reconnue « d’eau de baignade », non potable selon les critères de l’Union Européenne mais garantissant le respect des fonds marins et de la biodiversité (différents programmes de recherche suivent la qualité environnementale de la baie). Un projet « Re-Use » a pour ambition de réutiliser cette eau pour des usages domestiques comme l’arrosage des espaces verts. La station d’origine, construite en 1976, rejetait chaque année 2 600 tonnes de CO2 dans l’atmosphère contre 260 tonnes aujourd’hui, par ailleurs compensés par les murs végétalisés et les espaces verts du site. ■
n the Alpes Maritimes region of France, the Joint Inter-communal sanitation organisation of the Cannes basin (SIAUBC) has completed the world’s first carbonneutral water treatment plant. It is called Aquaviva, and was inaugurated in 2012. The plant treats its used water by way of 100 000 m2 of membranes that are hollow fibres composed of millions of one micrometre pores that capture the bacteria and polluting particles. The plant treats around 45 000 m3 of water a day that is then released into
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the Bay of Cannes as recognised “swimming water quality” that is nondrinkable, in accordance with European Union criteria. The water quality is good for the sea bed and for bio-diversity (there are various research programmes in place that monitor the environmental quality of the Bay). The water is also used for domestic purposes including watering green spaces. The original plant that was built in 1976 released 2600 tons of CO 2 into the atmosphere every year, compared to the 260 tons ■ released today.
En savoir + / For more information www.siaubc.fr
Sablières de l’Atlantique, par / by Agnès Garçon
respecter le milieu marin Respect the marine environment
Chargée des ressources minières au sein des Sablières de l’Atlantique In charge of mining resources for the Sablières de l’Atlantique company
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es Sablières de l’Atlantique exploitent des sables marins au large de l’Estuaire de la Loire pour les secteurs de la construction et du maraîchage. Nous réduisons nos émissions de CO2 par une économie de carburant réalisée à travers la conception hydrodynamique de notre navire, le St Pierre, et l’utilisation des courants de flot et de jusant pour la navigation en Loire. Notre activité fait également l’objet d’un suivi environnemental rigoureux :
études halieutiques avec le Comité régional des pêches des pays de la Loire, prélèvements benthiques pour vérifier la recolonisation du milieu, modélisations hydrodynamiques complexes couplées à des levés morpho sédimentaires et à des bathymétries sur de vastes périmètres. Ces études permettent de calibrer, à un niveau acceptable par le milieu marin, les conditions d’exploitation de toute ressource naturelle et de les adapter ■ au fil du temps..
En savoir + / For more information www.respectocean.com/ressources-minieres
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he Sablières de l’Atlantique Company mines (off-shore) sand off the river Loire Estuary through their STFMO dredging company. The St Pierre dredger supplies coastal areas with offshore sand which is used in the building industry and market gardening. The St Pierre’s hydrodynamic design and the use of both flood and ebb tidal streams while sailing on the river Loire help reduce fuel consumption and consequently carbon emissions. The environmental monitoring of the dredging activ-
ities is performed through studies carried out with scientists: fisheries studies with the Pays de la Loire Regional Fisheries Committee (Corepem), benthic sampling to monitor habitat recovery, complex hydrodynamic modelling with morphosedimentary mapping and bathymetries of large tracts of the estuary floor. These studies are used to determine the conditions for the exploitation of any natural resource to a sustainable level for the marine environment and to adjust ■ them over time.
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Une pépinière de coraux aux Antilles françaises
A coral nursery in the french West Indies par / by Mariane Aimar Responsable pédagogique à l’École de la Mer Guadeloupe Responsible for education at the School of the Sea Guadeloupe
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epuis plus d’un an, l’association Igrec Mer et l’Aquarium de Guadeloupe travaillent à la création d’une pépinière de coraux. Sous l’eau, un spectacle surprenant : des « arbres » en PVC sur lesquels sont suspendus des centaines de boutures de coraux. Deux espèces ont été retenues pour cette expérience de bouturage : l’Acropora Palmata (corail corne d’élan) et l’Acropora Cervicornis (corail corne de cerf). Deux espèces qui ont disparu à plus de 85 % des eaux de la Guadeloupe. Ce sont elles qui structurent nos récifs coralliens et forment la base de la barrière naturelle de nos lagons. Quand ces deux espèces disparaissent, c’est tout l’écosystème qui est menacé, nos récifs sont plus fragiles et ne jouent plus leur rôle protecteur face aux houles cycloniques. En outre, ces récifs dégradés entraînent peu à peu la disparition des poissons qui n’y trouvent plus l’habitat et la nourriture dont ils ont besoin. Le corail est un animal, mais il se bouture comme un végétal. Dans des eaux de bonne qualité, le corail bouturé grandira à son rythme (près de 10 cm par an pour les espèces retenues par Igrec Mer), alimenté naturellement en plancton marin, en calcium et en CO2. L’intervention de l’homme se limite à entretenir ces boutures avec une brosse afin d’éliminer les algues qui se fixent parfois dessus. Un an plus tard, en moyenne, ces boutures sont prêtes à être transplantées sur des sites dégradés. Moins de trois semaines après leur installation sur les arbres à coraux, les boutures étaient en pleine forme. Les coraux corne d’élan ont entamé leur croissance plus lentement mais celle-ci est aujourd’hui visible. Aucune mortalité n’a été enregistrée ■ depuis le démarrage de la pépinière.
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Boutures de corail sur des arbres de soutien en PVC. Coral fragments on PVC supporting trees.
or over a year the Igrec Mer Association and the Guadeloupe Aquarium have been working to create a coral nursery. Underwater, we are faced with a surprising sight: PVC “trees” from which are hung hundreds of coral cuttings. Scuba divers are busy maintaining these precious fragments. Two species were selected for this outplanting experiment : Acropora Palmata (elkhorn coral) and Acropora Cervicornis (staghorn coral). Over 85 % of these two species have disappeared from the waters of Guadeloupe. Those are the species that give structure to our coral reefs and form the basis of the natural barrier of our lagoons. When these two species disappear, it is the entire ecosystem that is threatened, our reefs are more fragile and no longer play their protective role against the cyclonic swells. In addition, these degraded reefs gradually lead to the disappearance of fish that no longer find there the habitat and food they need.
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Corals are animals, but they outplant as vegetables. In good quality waters, coral fragments grow at their own pace (about 10 cm per year for the species selected by Igrec Mer), naturally fed by marine plankton, calcium and CO2. Man’s intervention is limited to maintaining these fragments with a brush to remove algae that sometimes attach themselves to them. A year later, on average, these fragments are ready to be outplanted on degraded sites. Less than three weeks after its installation on coral trees, the fragments were great. Elkhorn corals began to grow more slowly but it is now visible and measured weekly. No deaths have been reported since the start of the nursery. ■ En savoir + / For more information www.igrecmer.org
© Igrec Mer
VILLES ET LITTORAUX CITIES AND COASTS
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nancial choices that typically exceed the means of the regional authorities, the situation in Lacanau being an example of this1. Coastal areas have a collection of land and sea administrative regulations, concerns, risks, and pressures. Therefore a coastal area’s elected officials are at the centre of all decisions that ensure the safety of property and the region’s residents, the economic development and preservation of maritime, coastal, and inland activities, and the provision of services to the population. Many people have committed their efforts to a forwardlooking initiative that includes economic, environmental, and social implications and potentials in order to set up a territory project: maritimerelated sections have been included in numerous SCOT General Plans2 such as those for Lagune de Thau, the Gulf of Saint-Tropez, Vannes, and Terre des Deux Caps. In its effect on the sea, climate change is providing certain opportunities for constructing positive energy territories, thanks to new technologies like renewable marine energy sources: deep water source cooling3 and wind power. This is the challenge that elected officials face for future generations. ■
LittOcéan
Préparer aux effets du réchauffement climatique DR
Preparing for the effects of the global warming Ingénieur hydrographe, membre de l’association LittOcéan, chargé d’affaires chez Stratégies Mer et Littoral. Trained in hydrographic engineering, he’s a member of the association LittOcéan
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aboratoire d’idées dédié au développement de la dimension maritime des politiques publiques, LittOcéan est, en ce sens, directement impliqué dans les réflexions liées au réchauffement climatique. Sur les littoraux métropolitains ou ultramarins, ses effets ne sont plus des risques mais une réalité « durable » qui rebat de manière inéquitable toutes les cartes. Par leurs compétences et leurs responsabilités, les élus des collectivités littorales sont mobilisés tant en réaction qu’en anticipation. Leur stratégie d’aménagement foncier y répond par des révisions réduisant les risques de submersion marine des zones dites « basses » (3 500 km2), en premier lieu dans la région des Pays de Loire, le Poitou Charente mais aussi sur la façade Manche (1 700 km2) avec le Nord Pas de Calais, ou en anticipant l’évolution du trait de côte. Différentes techniques sont pour cela utilisées (protection par des ouvrages, « ré-engraissement » de plages ou reculs stratégiques). Elles requièrent la participation des populations. Dans tous les cas,
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La commune d’Audresselles dans le Pas-deCalais. The municipality of Audresselles in the Pas-deCalais region.
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ittOcéan is a think tank devoted to developing the maritime and coastline dimension of integrated strategies and policies as well as their governance mechanisms. Through these endeavours the association leads an independent inquiry into coastline and maritime policies. In this sense, it is directly involved in various inquiries linked to global warming. With regards to how it affects urban and overseas coastal areas, global warming is not just a threat but an enduring reality that is unfairly shuffling the deck. The officials elected to serve regional authorities in coastal areas are responding to these anticipated changes by bringing their knowledge and their commitment to the table. Their strategy for land use planning and development responds to this need through policy revisions that reduce the risks of coastal inundation in areas deemed “low lying” (3,500 km2) – with the Pay de Loire region sitting at the top of the list followed by the Poitou Charente department as well as the Nord Pas de Calais department that is located on the shoreline of the English Channel (1,700 m2) – or anticipate the coming changes to the coastline. Different techniques are put to use for this purpose (protective infrastructures, sand replenishment, or strategic retreats) and require participation from residents. In any event, they bring about fi-
elles induisent des choix financiers dépassant les moyens des collectivités comme par exemple à Lacanau1. Le littoral concentre enjeux, menaces, pressions et règlements administratifs, maritimes et terrestres. Il place donc ses élus au cœur des décisions pour ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens ; le maintien et le développement économique des activités terrestres, littorales et maritimes ; l’offre de services aux populations. Beaucoup s’engagent dans une démarche prospective intégrant potentiels et enjeux sociaux, environnementaux et économiques pour établir un projet de territoire. Des « volets-mer » sont adjoints à de nombreux Schéma de cohérence territoriale (SCOT)2 comme sur la Lagune de Thau, le golfe de St Tropez, Vannes ou la Terre des 2 caps… Le changement climatique devient aussi, en relation avec la mer, une opportunité pour construire des Territoires à énergie positive grâce, par exemple, aux énergies marines renouvelables : thalassothermie3 ou éolien. C’est le défi de ces élus pour les générations futures. ■
La Pointe de Gatseau en Charentemaritime. The headland of Gatseau in CharenteMaritime.
En savoir + / For more information www.littocean.fr www.strategies-marines.fr www.anel.asso.fr
DR
par / by Frédérick Herpers
1. www.mairielacanau.fr/fileadmin/redacteur/Urbanisme/ chiffres_clefs_et_images_de_l_etude_sur_la_relocalisation_a _Lacanau.pdf 2. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification intercommunale, il remplace l’ancien schéma directeur (Source : ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité). SCOT, “schéma de cohérence territorial” (General Plan) is a planning and implementation strategy tool for intermuncipal planning that has replaced the old master plan (Source: Ministry of housing, rurality, and territorial equality). 3. Consiste à aller puiser les calories contenues dans l’eau de mer pour les transporter jusqu’aux installations de chauffage des habitations et commerces de proximité (source : www.mypositiveimpact.org). A process where the calories contained in seawater are pumped into nearby heating and cooling equipment for use in residential and commercial buildings (source : www.mypositiveimpact.org).
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“Le Conservatoire du littoral protège le tiers des mangroves françaises ”
© Frédéric Larrey / Cdl
“ The Coastal protection agency protects the third of France’s mangrove forests”
Le Conservatoire du littoral,
contribuer à l’attenuation du changement climatique
Coastal Protection Agency, contributing to the mitigation of climate change
d’outre-mer. Dans la lignée d’un programme Interreg Licco « living in a changing coast », le Conservatoire a lancé Ad Apto. Ce programme, réalisé en partenariat notamment avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et des universités, permettra, sur une dizaine de sites en métropole et outre-mer, d’étudier les effets du changement climatique à l’œuvre et de tester des scenarios d’adaptation. Il contribuera également à créer un réseau national permettant aux acteurs des territoire confrontés à cet énorme défi d’échanger entre eux. Au travers de ses « maisons » installées sur ses différents sites, le Conservatoire a également pour objectif d’informer les visiteurs sur les enjeux du changement climatique sur le littoral. L’action du Conservatoire sur le littoral est donc une contribution, parmi d’autres, pour atténuer le changement climatique et s’y adapter. À l’occasion de la première rencontre des agences littoral d’Europe et de Méditerranée et de la journée des côtes méditerranéennes organisée à Antibes en septembre 2015, une « déclaration des acteurs du littoral d’Europe et de Méditerranée pour la sauvegarde des côtes face au changement climatique » a été remise à M. Xavier Sticker, ambassadeur délégué à l’environnement dans la perspective de l’agenda des solutions de la COP21. ■
Agency has launched the Ad Apto initiative. This programme was set up in partnership with various entities including the French Bureau of Geological and Mining Research (BRGM) and some universities, and will involve studying the effects of climate change at work and testing adaptation scenarios at a dozen or so sites in mainland and overseas France. It will also contribute to the creation of a national network so that those involved in the territories that are dealing with this enormous challenge can share information. The Agency’s objective is also to give visitors information on issues relating to shoreline climate change, which it does via its ‘offices’ set up at the various sites. So what the Agency does in regards to the shoreline is a contribution, among the other contributions, towards alleviating climate change and adapting to it. On the occasion of the first meeting of coastline agencies in Europe and the Mediterranean and at the Mediterranean Coast Day at Antibes that took place in September 2015, a “declaration by the parties involved in the coastline of Europe and the Mediterranean for the safeguarding of coasts in the face of climate change” was submitted to Mr Xavier Sticker, the French Ambassador for the Environment, as part of the ■ agenda for the solutions of COP21.
par / by Odile Gauthier
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e Conservatoire du littoral acquiert des espaces naturels sur le littoral français pour les protéger de façon définitive et les mettre en valeur. Il est aussi chargé, de façon plus générale, de promouvoir une gestion plus intégrée des zones côtières en faveur d’un développement durable. La préservation des espaces naturels littoraux telles que les zones humides ou les forêts littorales contribue à l’atténuation du changement climatique mais aussi à la réduction des risques, en particulier d’érosion, de submersion rapide ou d’inondations. Le Conservatoire, dans le cadre de la feuille de route pour la transition écologique, protège par exemple le tiers des mangroves françaises qui, outre le stockage de carbone, jouent un rôle tampon sur les littoraux
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En savoir + / For more information www.conservatoire-du-littoral.fr
he Coastal Protection Agency has acquired natural space along the French coast in order to definitively protect it and highlight its value. The Agency’s broader remit is also to promote a more integrated management of coastal zones, encouraging sustainable development. The preservation of natural coastal space such as humid zones and shoreline forest areas contributes to the alleviation of climate change as well as to the reduction of risks, particularly erosion, rapid submersion and flooding. As a roadmap towards an ecologically-orientated transition, the Agency protects various zones including a third of France’s mangrove forests, which act as a buffer zone for coastlines overseas. In line with a programme Interreg Licco “Living in a changing coast“, the
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Directrice du Conservatoire du Littoral Director of the Coastal Protection Agency
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LiCCo,
accompagner les populations côtières Supporting coastal populations par / by Julie Pagny Chef de projet LiCCo LiCCo Project Head
he LiCCo (Littoraux et Changements Côtiers or “Living with a Changing Coast”) project works with coastline populations in seven locations in France and England to better understand, prepare for, and adapt to the effects of climate change. The French side of the project was designed to anticipate the phenomenon of rising sea levels and develop long to midterm coastal adaptation strategies. The Normandy delegation of the Conservatoire du littoral looked at five territories: Sienne Havre, Saire valley, Veys bay, the Orne estuary and the Saâne valley, which are representative of other sites on the Normand coastline in terms of their coastal geomorphology, biodiversity, usage governance. The targeted public were those policymakers and players on the coastline: elected officials (mayors or community chairpersons), managers of Conservatoire du littoral sites, institutional players (public services, water supply agencies, regional councils, departments), economic players (Chamber of Agriculture, Office of Tourism) and organizations specialized in the environmental education. LiCCo thus enabled an improvement in interdisciplinary knowledge thanks to the expertise provided by the scientists associated with the project while looking into all the concerns and expectations of the elected officials and the territories at the different workshops held over the course of the project. Its prospective approach made it possible to envisage the possible developments at the five sites by 2025 and 20501 as well as to understand more about the overall future of the coastal territories (in connection with the French government, local authorities, and Conservatoire du littoral) in order to construct a shared vision. ■
© Conservatoire du littoral
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e projet LiCCo (Littoraux et Changements Côtiers) a accompagné les populations côtières sur sept sites, en France et en Angleterre, pour comprendre, se préparer et s’adapter aux effets du changement climatique. Il a été conçu, côté français, pour anticiper les phénomènes d’élévation du niveau des océans et développer des stratégies d’adaptation du littoral à moyen et long terme. La délégation Normandie du Conservatoire du littoral s’est penchée sur cinq territoires : le Havre de la Sienne, le val de Saire, la baie des Veys, l’estuaire de l’Orne et la vallée de la Saâne, représentatifs d’autres sites du littoral normand en termes de géomorphologie côtière, de biodiversité, de gouvernance et d’usages. Le public ciblé était celui des décideurs, acteurs sur le littoral : les élus (maires et présidents de communauté de communes), les gestionnaires des sites du Conservatoire du littoral, les acteurs institutionnels (services de l’État, Agence de l’eau, conseils régionaux, départements), les acteurs économiques (Chambre d’agriculture, offices du tourisme) et les structures spécialisées dans l’éducation à l’environnement. LiCCo a ainsi permis d’améliorer une connaissance pluridisciplinaire grâce aux expertises menées par les scientifiques associés au projet, et de recueillir les préoccupations et les attentes des élus et des territoires dans le cadre des différents ateliers qui se sont tenus durant le projet. Son approche prospective a permis d’envisager les évolutions possibles des cinq sites d’ici à 2025 et 20501 mais aussi d’appréhender l’avenir des territoires littoraux de manière globale (État, collectivités locales, Conservatoire du littoral) afin de construire des visions partagées. ■
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L’estuaire de l’Orne, un des cinq sites retenu en Normandie pour le projet LiCCo. The Orne Estuary, one of the five sites in Normandy studied by the LiCCo project.
En savoir + / For more information www.licco.eu 1. L’année 2025 correspond à l’échéance de deux mandats politiques et à celle d’un document d’urbanisme (Schéma de cohérence territoriale ou Plan local d’urbanisme). L’année 2050 correspond aux évolutions envisagées par le GIEC sur une élévation conséquente des océans. The year 2025 corresponds to the expiration of two political mandates and a urbanism document (Territorial cohesion diagram or local urbanism plan). The year 2050 corresponds to the developments envisaged by the IPCC in relation to the consequential rise in sea levels.
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© Tara Expéditions
CONNAÎTRE KNOWING
Tara Expéditions La science de la transmission The science of knowledge transmission par / by Romain Troublé Secrétaire général de Tara Expéditions General Secretary of Tara Expeditions
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a recherche a toujours un temps d’avance sur la société, c’est d’ailleurs sa raison d’être et cela même qui passionne les chercheurs. Depuis toujours, on lui demande de proposer des alternatives, voire des solutions aux problèmes d’aujourd’hui et de demain. Bien qu’elle repose sur des concepts et des savoirs inaccessibles au quidam, bon nombre des enjeux soulevés par ces travaux demeurent partageables avec tous à condition de trouver la bonne courroie de transmission. L’aventure Tara est née il y a douze ans de cette envie de transmettre de ses fondateurs, de raconter notre planète à travers des histoires d’hommes, de femmes et de mer. Notre route a, petit à petit, croisé celle de la Science, de l’écologie scientifique en particulier, emportant avec elle l’idée de par-
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esearchhas always been one step ahead of society – in fact this is what research is all about, and is even what enthuses the researcher. We have always asked of researchers that they bring us alternatives, or even solutions to the problems of today and tomorrow. Whilst research draws on concepts and knowledge that are inaccessible to the individual, a good number of issues raised by the work done can still be shared with everyone, provided a good means of transmission can be found.
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The Tara venture was borne twelve years ago out of its founders’ desire to transmit knowledge, to tell the story of our planet using the history of men, women and the sea. Little by little, our route has come to intersect with Sci-
“Il est urgent de faire tomber les barrières ” “ We absolutely have to bring down the barriers ” tager la connaissance de l’environnement. Tara Expéditions organise ainsi, depuis 2003, des expéditions à bord de la goélette Tara, en collaboration avec des laboratoires et institutions scientifiques prestigieuses, pour étudier et comprendre l’impact des changements climatiques et de la crise écologique sur nos océans. De 2006 à 2008, l’expédition Tara Arctic, prise dans les glace dérivantes, a permis d’étudier l’air, l’atmosphère, et la banquise. De 2009 à 2013, Tara Oceans a permis la toute première étude planétaire du plancton marin. En 2014, Tara Méditerranée a eu pour ambition de mieux comprendre les impacts du plastique au niveau de l’écosystème méditerranéen. Après plus de 320 000 kilomètres parcourus autour du globe, Tara partira en 2016 en Asie-Pacifique pour mener une étude sur les récifs coralliens. Oui, j’ai la conviction qu’en ce début de XXIe siècle, il est urgent de faire tomber les barrières entre la science, le grand public, les jeunes, et le politique pour être, tous ensemble, à la hauteur des enjeux. L’implication d’acteurs de la société civile, comme Tara et d’autres, est un rouage indispensable pour rendre ces échanges vertueux et avancer vers la société de demain. Quel défi ! ■
ence and with scientific ecology in particular, bringing with it the concept of sharing knowledge about the environment. To this end, Tara Expeditions has since 2003 been organising expeditions on board the schooner Tara in partnership with prestigious scientific institutions and laboratories to study and better understand the impact of climate change and the ecological crisis that is going on in our oceans. From 2006 to 2008, the Tara Arctic expedition that was undertaken among ice-floats was an opportunity to study the air, the atmosphere and the pack ice. From 2009 to 2013, Tara Oceans was the first ever chance in the world to study marine plankton, and in 2014 Tara Mediterranean was aimed at better understanding the impacts of plastic at Mediterranean eco-system level. After having travelled more than 320 000 kilometres around the world, Tara will in 2016 be travelling in the Asia-Pacific region to carry out a study on coral reefs. Yes, I am convinced that during this early part of the 21st Century, we absolutely have to bring down the barriers between science and the general public and young people and politics so that we can all rise to the challenges we face. The involvement of those in civilian society such as Tara and others is a vital cog in the machine of these positive exchanges, and towards working for the society of tomorrow. A chal■ lenge indeed! En savoir + / For more information www.taraexpeditions.org Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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CONNAÎTRE KNOWING
“Les grands fonds restentencore largement inexplorés ”
© Tara Expéditions
“The ocean depths are still largely unexplored ”
Entretien avec Éric Karsenti © Tara Expéditions
Interview with Éric Karsenti Propos recueillis par / Interview by Erwan Sterenn
Biologiste, Médaille d’or 2015 du CNRS, Directeur scientifique de l’expédition Tara Océans Biologist, recipient of the 2015 CNRS Gold Medal and Scientific Director of the Tara Oceans expedition
Vous avez mené une campagne de recherche sans précédent sur le plancton. Pourquoi et comment s’est-elle organisée ? Le plancton, composé des virus, bactéries, protistes et petits animaux était très mal connu. On ne savait même pas le niveau de diversité qui pouvait caractériser cet écosystème, surtout dans les grands systèmes océaniques, “au large”. On sait également très peu de choses sur la diversité génétique de tels systèmes. Finalement, une description intégrée de ces écosystèmes, des virus aux animaux, corrélée avec leur envi-
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ronnement manquait totalement. D’où le choix du protocole d’échantillonnage qui a aussi suivi un itinéraire permettant d’examiner l’impact de la température, ou d’autres situations comme la concentration en oxygène ou l’acidité de l’océan. La mise en place de l’expédition a duré environ 18 mois et a représenté un travail considérable de la part des scientifiques1 et de Tara Expéditions. Comment avez-vous travaillé et pour quel résultat ? Chacun a fait son job: les marins, les journalistes et les scientifiques
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■ What was the motivation for this Tara Oceans plankton expedition, and how was it implemented? Very little was known about plankton, which is made up of viruses, bacteria, protists and small animals. We did not even know the level of diversity in this ecosystem, particularly in the large, more remote ocean systems. Very little is also known about the genetic diversity of these systems. Finally, an integrated description of these ecosystems, from viruses to animals, correlated with their environment, was completely lacking. Hence the choice for a sampling protocol which also followed an itinerary making it possible to examine the impact of temperature, or other situations such as oxygen concentration or the acidity of the ocean. It
took about 18 months to set up the expedition, and considerable work was required on the part of the scientists1 and Tara Expeditions. How did you work, and what was the result? Each person did their job: sailors, journalists and scientists, who worked with the coordinators of each research area. One of the secrets of this project’s success is the system’s very flat hierarchy. The only social hierarchy we observed was that of competence. It was in this way that we managed to obtain a considerable number of samples, interconnected almost without errors, enabling us to publish five articles in a special issue of Science. The result is an almost exhaustive characterisation of the ecosystems studied in the bodies of water sam-
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animés par les coordinateurs de chaque domaine. La seule hiérarchie sociale respectée a été celle de la compétence. C’est ainsi que nous sommes arrivés à obtenir une quantité d’échantillons considérable, interconnectés quasiment sans erreurs, ce qui a permis de publier cinq articles dans un numéro spécial de Science. Le résultat est une caractérisation quasi exhaustive des écosystèmes étudiés dans les masses d’eau échantillonnées qui couvrent une très grande partie des océans. ■ Quel est l’intérêt de connaître cet écosystème planctonique ? Ces écosystèmes gèrent notre atmosphère, sont la base de la chaine alimentaire océanique et sont à notre origine. Ils représentent une source de gènes inconnus considérables avec des applications potentielles importantes. Ils sont importants pour mieux comprendre l’évolution de la vie.
■ Que reste-t-il à découvrir des océans aujourd’hui ? En ce qui concerne le plancton et la vie océanique, il faudra probablement compléter cette expédition mais nous avons déjà une bonne description des zones en surface et jusqu’à 500 mètres de profondeur. En revanche, les grands fonds restent encore largement inexplorés bien que l’expédition espagnole Malaspina2 ait déjà fait un travail important dans ce domaine. D’une façon générale, l’analyse du fonctionnement de ces écosystèmes reste un grand mystère. Il reste beaucoup de travail d’échantillonnage et surtout d’analyse, de compréhension et de modélisation à effectuer. Il faudra aussi développer des méthodes de monitoring des océans pour suivre l’évolution de ces écosystèmes en fonction du changement climatique mais aussi de l’impact général de l’homme et de l’environnement terrestre sur les océans. ■
« Le plancton était très mal connu. »
pled which cover a very large part of the oceans.
“Very little was known about plankton.” Éric Karsenti
■ What are the benefits
of knowing more about this planktonic ecosystem? These ecosystems manage our atmosphere, form the basis of the ocean food chain and enable our survival. They are a source of a great many unknown genes with important potential applications. They help us to better understand how life develops. ■ What still remains to
be discovered about the oceans today? As regards plankton and ocean life, we will probably have to complete this expedition, but we already have a good
description of surface water and water up to 500 metres deep. However, the ocean depths remain largely unexplored, although the Spanish expedition Malaspina2 has already done a lot of work in this area. In general, the way these ecosystems work is still a mystery. There is still a lot of sampling work to be done, particularly analysis, understanding and modelling. Methods of monitoring the oceans also need to be developed to obser ve the way these ecosystems evolve in response to climate change, but also to the general impact of human activity and of the terrestrial envi■ ronment.
1. CNRS : Centre national de la recherche scientifique ; CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ; EMBL : European molecular biology laboratory ; ANR : Agence nationale de la recherche. CNRS: French National Centre for Scientific Research; CEA: French Alternative Energies and Atomic Energy Commission; EMBL: European Molecular Biology Laboratory; ANR: French National Research Agency. 2. L’expédition Malaspina, menée en 2010 à l’initiative du Centre supérieur de la recherche scientifique de l’université de Cadix en Espagne, a permis à plus de 400 chercheurs internationaux de récolter près de 200 000 échantillons d’eau, de plancton, de particules atmosphériques et de gaz, jusqu’à 6 000 mètres de profondeur dans 313 endroits de l’océan Indien, du Pacifique et de l’Atlantique. The Malaspina expedition, which was conducted in 2010 on the initiative of the higher scientific research Centre of the University of Cadiz in Spain, enabled over 400 international researchers to collect almost 200,000 samples of water, plankton, atmospheric particles and gas, up to 6,000 metres deep in 313 locations in the Indian, Pacific and Atlantic Oceans. Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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CONNAÎTRE KNOWING
Programme Argo
Le déploiement de 4000 sentinelles du climat par / by Vladimir Ryabinin Secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco Executive secretary of Unesco Intergovernmental Oceanographic Commission (IOC)
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es océans figurent parmi les éléments les plus importants du système climatique et leur observation est nécessaire pour prévoir l’évolution du climat de notre planète. Jusqu’il y a encore seize ans, les connaissances acquises sur les océans l’étaient en grande partie grâce aux mesures prises par des navires de recherche, généralement pendant l’été, à proximité de zones côtières densément peuplées. Certaines régions importantes d’un point de vue
Argo est un réseau mondial de 4000 flotteurs profilants. Argo is a worldwide network of 4000 profiling floats.
climatique telles que l’océan austral faisaient l’objet de peu d’observations. La possibilité d’étudier les couches supérieures des océans de manière permanente et quelle que soit la partie du globe a été un immense défi pour la communauté océanographique internationale pendant de nombreuses années. Pourtant, en 1999, des scientifiques ont réussi à relever ce défi grâce au lancement du Programme Argo : le premier réseau mondial d’observation des océans
sur site qui opère pratiquement en temps réel. Ce programme fait partie du système d’observation du climat mondial/système mondial d’observation de l’océan (GCOS/GOOS) coordonné par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Unesco. Il bénéficie de la collaboration de près de 30 pays à travers le monde qui partagent tous leurs données et les mettent à la disposition des utilisateurs qui le souhaitent
en moins de 24 heures. Argo utilise un réseau global de près de 4 000 flotteurs profilants autonomes permettant de mesurer, librement et avec précision, la température, la salinité et la profondeur des 2 000 premiers mètres des océans libres de glace. Il y a plusieurs années, le Centre de soutien aux programmes d’observation in situ de la Commission technique mixte OMM-COI d’océanographie et de météorologie maritime (JCOMMOPS) a commencé à collaborer avec la société civile afin d’utiliser certains navires civils pour déployer ces flotteurs hors des princi-
pales routes de navigation qui ont déjà largement été étudiées tout en réduisant les frais que ce déploiement engendre.
to any users anywhere in the world, within 24 hours. Argo uses an extensive array of nearly 4000 profiling floats to collect freely high-quality temperature, salinity and depth profiles from surface down to 2000 meters of the ice-free global ocean. Within this context, a couple of years ago, the Joint WMO-IOC Technical Commission for Oceanography and Marine Meteorology in-situ Observations Programme Support Centre (JCOMMOPS) started to work in collaboration with the civil society in order to use opportunity sail-
ing ships to deploy floats away from the main shipping routes that are deeply investigated and at lower cost.
Grâce au Programme Argo, pour la première fois, nous sommes en mesure d’analyser les cycles saisonniers et les changements plus lents en haute mer tout en enregistrant des séries chronologiques longues de grande qualité qui constituent un patrimoine scientifique unique pour les générations futures. En seulement quelques années, ce programme est devenu le pilier du système de vigilance face au ■ changement climatique.
“Argo est devenu le pilier
du système de vigilance face au changement climatique “ Argo has become a pillar of the oceans’ climate warning system ”
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The deployment of 4000 climate sentinels he ocean is one of the most important components of the climate system and observing the ocean is necessary to predict the climate evolution of our planet. Until 16 years ago, most of our knowledge about the ocean came from research ship measurements, mainly conducted during the summer near densely populated coastal zones, leaving some remote but climatically important regions, such as the Southern Ocean, unobserved. The possibility to monitor the upper ocean, continuously and anywhere, was for several years a big challenge for the inter-
© AWI / Germany
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national oceanographic community. Only in 1999, scientists achieved this goal with the launch of the Argo Program: the first worldwide in situ ocean observation network that operates in near real time. Argo is part of the Global Climate Obser ving System/Global Ocean Observing System (GCOS/GOOS) coordinated by the UNESCO’s Intergovernmental Oceanographic Commission (IOC). The program takes advantage of international collaboration of almost 30 countries, all of which share their data and make it available
© Unesco / IOC / JCOMMOPS
Argo Program
Thanks to Argo we can monitor for the first time the seasonal cycles and slower changes anywhere in the open ocean and we can store longhigh quality time series that represent a unique scientific patrimony made available to be of use to the next generation. In a relatively short time Argo has become the pillar of the oceans’ climate warning system. ■
Le programme Argo bénéficie de la collaboration de près de 30 pays à travers le monde. Argo takes advantage of the international collaboration of almost 30 countries all over the world.
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SOLUTIONS
CONNAÎTRE KNOWING
OceanoScientific
“Notre mission, collecter des
Servir la connaissance de l’océan et du climat Serving the understanding of the ocean and climate
données dans des zones peu ou pas explorées scientifiquement”
“ Our mission is to collect data in sea areas subject to little or no scientific exploration”
Président de OceanoScientific President of OceanoScientific
© OceanoScientific
exemple, juste sous la surface de la mer : température et salinité, acidité (potentiel hydrogène – pH), pression partielle en dioxyde de carbone, fluorescence… Dans l’atmosphère : température, pression atmosphérique, humidité, direction et force du vent, etc. Ces données sont automatiquement transmises toutes les heures par satellite, en temps quasi réel, aux plateformes scientifiques des agences de l’Unesco. Le pilotage scientifique du Programme OceanoScientific est contractuellement réalisé par l’Ifremer1, Météo-France, le CNRS (LOCEAN / LOV) et Mercator Océan, avec le concours du JCOMMOPS2. Leurs représentants sélectionnent les capteurs, veillent à leur bonne mise en œuvre dans l’OSC System, contrôlent la qualité des données collectées et concourent à leur transmission à la communauté scientifique internationale – à qui elles sont offertes gratuitement par l’association OceanoScientific. Ils les étudient aussi. Ces chercheurs suggèrent également les développements de l’OSC System et en encadrent la réalisation.
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e Programme OceanoScientific, initié en 2006, permet à la communauté scientifique internationale d’enrichir ses connaissances sur les causes et les conséquences du changement climatique grâce à la collecte répétée de données océanographiques et météorologiques dans des zones maritimes peu ou pas explorées scientifiquement, notamment sous les trois grands caps continentaux : Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn.
Cette collecte est réalisée par l’OceanoScientific Explorer, un voilier de performance en carbone de 16 mètres naviguant sans émission de CO2 et avec zéro déchet. Il est équipé d’un matériel unique : l’OSC System, qui collecte automatiquement toutes les six secondes les données d’une dizaine de paramètres, essentiels à la compréhension des échanges climatiques entre océan et atmosphère. Soit, par
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OceanoScientific Explorer, navigue sans émission de CO2 et avec zéro déchet. OceanoScientific Explorer, a sailing boat without CO2 emission and with no waste.
he OceanoScientific Programme, created in 2006, enables the international scientific community to enhance their knowledge about the causes and consequences of climate change through the repeated collection of oceanographic and meteorological data in sea areas subject to little or no scientific exploration, especially under the three main continental capes: Good-Hope, Leeuwin and Horn.
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This collection is carried out onboard the OceanoScientific Explorer, a 16-meter carbon sailing boat, sailing without CO2 emission and with no waste. She is equipped with a unique material: the OSC System, automatically collecting every six seconds data of about ten parameters. These parameters are essential for a better understanding of climate exchanges between
La Campagne OceanoScientific 2015-2025 est organisée à partir de Monaco sur la base de dix expéditions annuelles de six mois, menées en Méditerranée, Atlantique et dans le courant circumantarctique (autour de l’Antarctique), au départ de Cape Town (Afrique du Sud), base opérationnelle de l’OceanoScientific Explorer. Ces expéditions sont organisées selon les prescriptions de la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’Unesco (COI-Unesco) et de l’Organisation Météorologique Mondiale ■ (OMM).
the ocean and the atmosphere. These are, for example, just under the seawater surface: temperature and salinity, acidity (potential of hydrogen – pH), partial pressure of carbon dioxide, fluorescence… In the atmosphere: temperature, atmospheric pressure, humidity, true wind speed and direction, etc. These data are automatically transmitted every hour by satellite, in almost realtime, to the scientific platforms of Unesco agencies. The scientific management of the OceanoScientific Programme is contractually carried out by the Ifremer1, Météo-France, the CNRS (LOCEAN / LOV) and Mercator Ocean, with the support of JCOMMOPS2. Their representatives choose the sensors, check their good implementation in the OSC System, control the good quality of the data collected and take part in their transmission to the international scientific community – to whom data are offered to free of charge by the OceanoScientific foundation. They study them as well. These scientists also suggest the further developments of the OSC System and lead their carrying out. The OceanoScientific Campaign 2015-2025 is carried out on the basis of ten yearly expeditions of six months leaving from Monaco, led in the Mediterranean Sea, the Atlantic and in the circumpolar current (around the Antarctic), as from Cape Town (South Africa), technical base of the OceanoScientific Explorer. These expeditions are carried out according to the recommendations of the Intergovernmental Oceanographic Commission of Unesco (IOC-Unesco) and the ■ Word Meteorological Organization (WMO).
1. Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. French Research Institute for Exploitation of the Sea. 2. Centre d’opérations et de contrôle de l’Unesco et de l’Organisation Météorologique Mondiale, suit et évalue en temps réel la performance des réseaux globaux d’observation des océans (bouées, profileurs, mouillages, bateaux de recherche et d’opportunité…) – Source : Global ocean observing system. Observing Platform and Support Centre of Unesco and World Meteorological Organization, follows and evaluates global observing networks of the oceans (buoys, profilers, moored buoys, research vessels and ships of opportunity…) – Source: Global ocean observing system.
© OceanoScientific
par / by Yvan Griboval
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CONNAÎTRE KNOWING
L’espace… Space…
Un satellite Galileo. A Galileo Full Operational Capability (FOC) satellite.
par / by Isabelle Duvaux-Bechon Ingénieur, membre de l'Agence spatiale européenne Engineer, member of the European spatial agency
… au service des océans et du climat … helping the oceans and climate
© Nasa
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es satellites permettent de mesurer l’évolution des paramètres de la planète : températures de surface des océans, composition atmosphérique, cartographie des polluants, courants marins, état des calottes glaciaires et des glaces de mer, hausse du niveau des mers… Depuis 1991, en Europe, des données sont ainsi régulièrement engrangées et analysées. C’est, de fait, grâce à une observation spatiale, assurée 24h/24, que les scientifiques sont convaincus de la réalité du réchauffement climatique et de sa relation, pratiquement certaine, avec les activités humaines. Les satellites d’observation sont aussi utilisés pour établir les cartographies du rayonnement solaire et des vents qui permettent d’identifier les meilleurs emplacements pour les centrales solaires et les champs d’éoliennes en mer (ou à terre) favorisant ainsi le développement des énergies renouvelables, plus respectueuses de l’environnement. Ils suivent également l’évolution de la banquise en Arctique là où le réchauffement, deux fois plus important
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atellites allow us to measure the development of the planet’s parameters: ocean surface temperatures, atmospheric composition, pollutant mapping, ocean currents, the state of the ice caps and sea ice, rising sea levels, etc. In Europe, data has been gathered and analysed through these means since 1991. In fact, it’s thanks to 24/7 space-based observation that scientists have become convinced of the reality of global warming and its near certain connection to human activity. Earth observation satellites are also used to track solar radiation and winds and thus identify the best locations for solar power plants and offshore (and onshore) wind farms. These satellites contribute to the development of environmentally friendly renewable energy sources. They also track the development of the Arctic ice pack where global warming is twice as high versus anywhere else on earth. These rising temperatures have an impact on ocean levels and the “physical” survival of numerous countries
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que dans le reste du globe, a un impact sur le niveau des océans et la survie « physique » de nombreux pays et populations. Les satellites météorologiques permettent une alerte avancée des cyclones et l’optimisation des routes maritimes. Les satellites de télécommunications rapprochent les hommes en leur épargnant des déplacements physiques coûteux en impact environnemental et sont aussi une aide au développement (en évitant l’installation d’infrastructures lourdes de communication). Les systèmes de navigation par satellite (dix satellites sont déjà en orbite pour le système européen Galiléo) permettent également d’optimiser la gestion et la sécurité des flottes de navires servant ainsi le transport maritime plus écologiquement vertueux que le transport terrestre. La technologie satellitaire, très économe en énergie et en masse, peut enfin être avantageusement « transférée » pour la mise en œuvre d’applications maritimes (et terrestres) toujours plus respectueuses de ■ l’environnement.
and populations. Meteorological satellites can be used to sound an early alert for cyclones and to plot optimal maritime routes. Telecommunications satellites bring humankind closer together by helping them avoid environmentally wasteful voyages. They also foster development by offering a better alternative to the construction of large communications equipment. Satellite navigation systems (ten satellites are already in orbit for use in the Galileo GNSS) also help to optimize the management and safety of fleets of ships, thus making maritime transport more ecologically conscience than land transport. Satellite technology, being cheaper and less physically imposing, can finally be “applied” to help develop maritime (and land-based) initiatives that are increasingly respect■ ful of the environment.
En savoir + / For more information www.esa.int Marine & Océans n° 249 • Special COP21 Paris 2015
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Le MV Yersin, explorer l’océan The MV Yersin, ocean explorer Le MV Yersin à l’ancre, fin octobre 2015, dans le loch Sunart, en Écosse. The MV Yersin at anchor, end of October 2015, at Loch Sunart in Scotland. Photos Thierry Ameller (www.thierryameller.com)
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onstruit à la demande de M. François Fiat par les chantiers Piriou, à Concarneau, en Bretagne, le MV Yersin est un navire d’exploration océanique de 77 mètres dédié à l’aventure, à la science et à l’éducation. Doté des dernières technologies et entièrement écologique, le Yersin peut naviguer dans tous les milieux, de la haute mer aux Grands lacs en passant par les zones polaires. Dédié à la connaissance des océans, le projet développé par son armateur repose sur un crédo : laisser une empreinte sans laisser de traces. uilt at the Piriou shipyard at Concarneau in Brittany at the request of Mr François Fiat, the MV Yersin is a 77 meters ocean exploration vessel dedicated to adventure, science and education. The Yersin features the very latest technology and is totally ecologically-minded. It travels in all kinds of environments including the high seas, the great lakes and polar zones. The project developed by the shipowner is founded on the belief: leave an imprint without leaving a trace.
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© T. Ameller
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En savoir + / For more information Antoine R. Althaus en charge du développement du projet Yersin Antoine R. Althaus, Yersin project development manager antoine.althaus@gmail.com
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Surfrider Campus Tour 21 :
porter la voix des citoyens lors de la COP21 Carrying the Voices of the People to the COP21 par / by David Dada Responsable du Pôle éducation, Surfrider Foundation Europe, In charge of the Education Pôle, Surfrider Europe
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epuis 25 ans, l’ONG Surfrider Foundation Europe s’est engagée à défendre le littoral, les océans et les usagers. Pour cela, elle a notamment placé l’éducation des citoyens aux problématiques environnementales au cœur de ses missions. Il était donc incontournable pour Surfrider de se positionner sur la question du changement climatique qui a des conséquences cruciales sur les océans. Pour évoquer ce sujet souvent complexe pour les non-initiés, Surfrider Foundation Europe a lancé la 8 juin dernier, à l’occasion de la journée mon-
Le projet artistique « What about you ?» The “What About You?” art project.
he NGO Surfrider Foundation Europe has been defending the coastlines, oceans and their users for 25 years. One of the most important pillars of this work has been the education of the public on environmental issues. It has been absolutely essential for Surfrider to take a stand on climate change, which is having major impacts on the oceans. To make this often complex issue more accessible to non-specialists, Surfrider Foundation Europe launched the Surfrider Campus Tour 21 (SCT21) on the occasion of World Ocean Day on the 8th of June this year, which has been officially recognised by the French government as a COP21 preparation event. Surfrider has thus been meeting with the public to make people aware of the interconnections between Ocean and Climate, and the issues they are now facing. During the various stages of this European journey, we organised conferences and educational programmes, and offered art workshops and training courses. The ulti-
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diale des océans, le Surfrider Campus Tour 21 (SCT21), projet labélisé COP21. Surfrider est ainsi allé à la rencontre des citoyens pour les sensibiliser aux enjeux qui lient Océan et Climat. Conférences, parcours pédagogiques, ateliers artistiques, formations ont ainsi été proposées lors des étapes de ce périple européen. L’objectif du SCT21 est de porter la voix des citoyens lors de la COP21 pour que l’Océan soit enfin entendu et pris en compte dans les négociations internationales. Il s’agit de montrer aux décideurs politiques que les citoyens sont concernés par ces questions et veulent que des mesures concrètes et effectives soient prises. Durant le SCT21, les participants ont notamment pris part au projet « What About You ? », projet artistique qui invite les citoyens à s’engager pour l’océan dans leur quotidien. Tout au long de la COP21, l’équipe de Surfrider sera présente sur le site du Bourget et proposera différentes activités avec notamment la projection de sa web série « Ocean Climax ». L’ONG proposera le 5 décembre à Place To B une conférence placée sous le signe des solutions qu’offre l’Océan face aux défis climatiques. Un happening citoyen se déroulera également dans Paris le 6 décembre. ■
En savoir + / For more information www.surfrider.eu
mate goal of the SCT21 is to carry the voices of the citizens to the COP21 so that the ocean is finally heard and taken into account in the international negotiations. We want to show political decision-makers that European citizens are concerned by these issues, and that there is public support for concrete and efficient measures. In the course of the SCT21, participants took part in an art project under the heading of “What About You?”, which invites citizens to take a stand for the ocean in their daily lives. A Surfrider team will be present at the site of the COP21 in Bourget throughout the conference, offering various activities including a screening of its web series “Ocean Climax”. On the 5th of December, the NGO is organising a conference at Place To B with focus on the solutions the ocean has to offer with regards to the climatic challenges we are facing. We are also looking forward to a public event that will take place in Paris on the 6th of December. ■