Excellence française maritime

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ÉCONOMIE MARITIME

L’excellence française dans le maritime

Industrie parapétrolière offshore,

La France en pointe Aujourd’hui plus de 30 % du pétrole et du gaz mondial est produit offshore. L’industrie française est en pointe dans ce secteur avec des acteurs de dimension internationale qui ont su trouver les solutions pour aller chercher ces hydrocarbures dans les grands fonds et leurs environnements difficiles. Explication. par Dominique Bouvier *

ans les années 80 rechercher et exploiter des gisements au-delà de 500 m de profondeur d’eau semblait impossible. Mais, c’était sans compter sur les progrès et l’innovation de l’industrie pétrolière et parapétrolière et plus particulièrement française qui, par son expertise et sa R&D, a joué un rôle essentiel dans l’évolution des technologies en offshore. La R&D française dans l’offshore pétrolier n’est pas récente. Elle a débuté par la mise en place du Fond de soutien aux hydrocarbures (FSH) et du CEP&M (Le Comité d’études pétrolière marines) dans les années 80. Après la disparition du CEP&M, le GEP AFTP a créé, avec les soutiens financiers de grandes entreprises, le programme CITEPH (voir encadré), un programme qui facilite l’accès à des financements privés de projets de recherche innovants en exploration production des hydrocarbures et principalement offshore. Ce sont ces soutiens qui ont permis de donner à notre industrie une puissante capacité d’innovation et qui ont contribué à l’expertise et à la renommée mondiale des acteurs français dans le domaine de l’offshore.

Photo : Total

À l’heure de la mondialisation et de la raréfaction croissante des ressources terrestres, les océans sont la nouvelle frontière de l’économie mondiale. La France est dans la course et dispose pour cela, dans de nombreux secteurs du maritime, d’entreprises de renommée mondiale. Tour d’horizon d’une Excellence française. 18 MARINE&OCÉANS N° 248 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

Photo : DR

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* Dominique Bouvier

Président GEP AFTP. www.gep-aftp.com

L’OFFSHORE PÉTROLIER : UNE EXPERTISE FRANÇAISE

Notre pays peut s’enorgueillir de détenir de véritables fleurons de l’industrie parapétrolière offshore comme Technip, CGG, Bourbon, GTT ou des entreprises très innovantes comme ECA, Ixblue, Doris Engineering, Vallourec, Courbis, Principia, Bardot group, le groupe Alcen etc. ou des instituts de recherche comme l’Ifremer ou l’IFPEN. De grandes sociétés étrangères, leaders dans l’offshore comme Saipem SA ou Subsea 7 ou encore Cameron, ont choisi de s’établir en France. C’est ainsi que CGG et son imagerie sismique 3D à grandes déviations a permis de trouver au large du Brésil et sous une épaisse couche de sel très corrosive, d’importantes réserves pétrolières. C’est toujours aussi au Brésil qu’une autre entreprise française, Vallourec, a su adapter ses tubes par des épaisseurs plus fortes à l’univers corrosif. D’autres grandes >>


ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE

UN COMITÉ DÉDIÉ AUX OUVRAGES EN MER

Le GEP AFTP, pour encourager et faciliter l’échange des connaissances, développer la R&D et l’innovation, a mis en place les Clubs de liaisons d’actions de réflexion ou de recherche, des comités dédiés à l’expertise technologique ou économique. Parmi ces comités le CLAR-OM (www.clar-om.com), le Club d’action et de recherche dédié aux ouvrages en mer, Le CLAR-OM est un groupement d’organismes de recherche, de compagnies pétrolières et de sociétés parapétrolières déterminés à mener conjointement un ensemble d’actions pour développer les connaissances du comportement des ouvrages en mer et les méthodes de calcul appropriées. Le CLAR-OM a réfléchi, en novembre 2014, aux évolutions nécessaires pour per-

EXPÉRIENCE ET INNOVATION

Le groupe Bourbon a lancé en 2004 l’activité susbsea ; ses navires disposent d’équipements particuliers comme des grues qui permettent de déposer des colis au fond de la mer par 3 000 mètres de profondeur d’eau. En 2014, Bourbon installait en Afrique de l’ouest 276 têtes de puits et réalisait 396 raccordements de puits sous-marins, représentant respectivement 23 % et 33 % des raccordements sous-marins de cette région. C’est aussi en France à Béziers que sont conçus et fabriqués par la société américaine Cameron la plupart des BOP (Blow out preventer), ou blocs obturateurs de puits qui sont des valves de sécurité utilisées sur les appareils de forage de l’industrie pétrolière. Deux entreprises françaises, Bardot et Courbis, sont à l’origine de nouvelles conceptions de mousse pour l’aide à la pose de pipes. Principia, entreprise basée à La Ciotat, va concevoir des logiciels pour analyser le comportement hydrodynamique du matériel offshore et subsea. La branche E&P de GDF Suez, aujourd’hui Engie, met en œuvre de nombreux projets d’exploration-production (E&P) dans le monde entier. Grâce à son expertise 183 puits

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d’exploration et d’appréciation ont été forés depuis 2001. Technip c’est aussi le FLNG (Floating liquefied natural gas, ou le gaz naturel liquéfié flottant), un projet gigantesque et la concrétisation de décennies de travail pour le groupe dans les unités de liquéfaction de gaz naturel, les installations offshore flottantes, et les infrastructures sous-marines. Dans les nombreuses zones où le FLNG est appelé à opérer pour refroidir le gaz naturel, il est nécessaire de pomper de l’eau de mer au rythme de 20 000 m3 à l’heure. Dans les prochaines années, ce sera de l’eau des grandes profondeurs dont la température est de 4° qui sera utilisée. Cela se traduira par une économie très importante d’énergies fossiles. N’oublions pas non plus GTT – Gaztransport & Technigaz – qui conçoit des systèmes de confinement à membranes cryogéniques pour le transport par bateaux et le stockage sur terre et en mer du GNL et qui est aujourd’hui leader sur son secteur. Toutes ces entreprises expertes dans l’exploration-production offshore font partie du réseau GEP AFTP qui compte aujourd’hui 250 sociétés et plus de 1 000 personnes physiques. La mission du GEP AFTP est de

LE PROGRAMME CITEPH e programme Concertation pour l’innovation technologique dans l’exploration production des hydrocarbures (CITEPH) facilite l’accès à des financements privés de projets de recherche innovants en exploration production des hydrocarbures. Il contribue à une vision partagée de l’évolution des technologies dans ce domaine industriel porteur et à un partage du risque financier de la R&D. Il aide les PME et sociétés innovantes dans la conduite de projets à finalité industrielle et favorise les relations entre porteurs de projets et sponsors qui sont Total, Technip, Subsea 7 Schlumberger, Saipem SA, Geoservices, Engie, Entrepose, Doris Engineering, CGG et aussi avec la participation de l’IFPEN. Depuis huit ans, 189 projets ont été financés à hauteur de 40 millions d’euros environ. En savoir + : www.citeph.fr

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« De grandes sociétés étrangères, leaders dans l’offshore comme Saipem SA ou Subsea 7 ou encore Cameron (photo), ont choisi de s’établir en France » Dominique Bouvier

« Le FLNG (Floating liquefied natural gas) de Technip, ou gaz naturel liquéfié flottant, un projet gigantesque et la concrétisation de décennies de travail. » Dominique Bouvier

Illustration : Technip

« Depuis l’installation de son premier FPSO (Floating production storage and offloading) sur les eaux angolaises et la mise au jour de champs géants dans le bassin de l’Afrique de l’Ouest, le groupe français Total a réalisé d’importants investissements en R&D. » Dominique Bouvier

mettre à l’industrie de travailler par des profondeurs d’eau allant de 3 000 à 4 000 mètres. L’enjeu est d’importance. Car l’on sait, grâce à la géologie satellitaire, que les zones en mer présentant des épaisseurs sédimentaires suffisantes pour espérer faire des découvertes d’hydrocarbures (au moins 2 500 m environ), sont nombreuses par des profondeurs d’eau comprises entre 2 000 m et 4 000 m (elles sont en revanche réduites entre 4 000 et 5 000 m et quasiment inexistantes au-delà de 5 000 m). Les zones propices se trouvent à environ 200 km des côtes. Ce sont surtout des découvertes d’hydrocarbures liquides (et, surtout, de pétroles relativement lourds) qu’il faut s’attendre à faire dans les grands fonds. Pour pouvoir exploiter par grands fonds, l’industrie devra résoudre différents problèmes technologiques. Les développements commencent à soulever de réelles difficultés au-delà de 2 500 m d’eau, en particulier pour les risers et les appareils de pose de canalisations et modules sous-marins. Le développement du champ Perdido, dans le Golfe du Mexique, est le plus profond à ce jour (avec des puits forés par près de 3 000 m de fond). Les dernières générations de rigs2 de forage permettent de travailler jusqu’à 3 600 m. Deux puits d’exploration ont récemment été forés

Photo : DR

défendre et de promouvoir dans le monde l’excellence technologique et industrielle de notre pays et de ses entreprises dans le domaine des hydrocarbures. Notre industrie parapétrolière réalise 39 milliards de chiffre d’affaires généré depuis la France (chiffre 2013) dont 45 % pour des activités offshore. Pour mener à bien ses missions, le GEP AFTP dispose d’une palette d’outils et de services qu’elle met à disposition de ses membres.

Photo : Total

>> découvertes ont été faites dans le Golfe du Mexique ou encore dans le très riche bassin de l’Afrique de l’Ouest. Depuis l’installation de son premier FPSO (Floating production storage and offloading) sur les eaux angolaises et la mise au jour de champs géants dans le bassin de l’Afrique de l’Ouest, le groupe français Total a réalisé d’importants investissements en R&D. De vastes installations sous-marines ont été déployées par plus de 1 000 m de profondeur d’eau. En 2011 Total réalise une première mondiale en descendant les équipements de pompage directement sur le soussol sous-marin du champ Pazflor, au large de l’Angola. Trois unités sous-marines de séparation du pétrole et du gaz, dites SSU (Subsea separation unit) sont installées ; leur hauteur est celle de l’arc de Triomphe et leur poids de 800 tonnes chacune. Grâce à elles, le gaz remonte tout seul vers le FPSO tandis que le pétrole peut-être pompé. Pour ces profondeurs il faut concevoir des nouveaux risers1 car à une telle distance, les techniques d’isolation thermique dites passives sont insuffisantes, Subsea 7 et Technip vont alors réaliser des câbles électriques chauffants directement intégrés dans les couches dont sont formées les conduites. La distance qui sépare les têtes de puits des équipements du bateau constitue aussi une autre prouesse technologique. La société Coflexip, appartenant maintenant à Technip, a été l’initiateur de la technologie de la conduite flexible au début des années 70. Sa R&D a permis de concevoir, entre autres, l’Integrated production bundle (IPB), ligne de production intégrée multifonctions. Cette technologie assure la bonne circulation des hydrocarbures en conditions difficiles (huile visqueuse, eau profonde et contraintes de pression, etc.) depuis les têtes de puits jusqu’aux unités de traitement en surface.

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en Inde par 3045 et 3078 m d’eau. Mais passer par plus de 3 000 m à la phase d’exploitation est autrement plus difficile. Des problèmes se poseront au niveau du design, de la pose, de l’installation, de l’exploitation, ainsi que sur le plan des coûts. Quoi qu’il en soit, les projets n’auront sans doute d’intérêt économique que pour une production d’au moins 50 000 à 100 000 barils par jour. De nombreux défis restent donc à relever pour notre industrie pétrolière et parapétrolière. ■ 1. Conduite utilisée pour relier le fond de la mer avec une plate-forme pétrolière. 2. Navire de forage.


ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE

Photo : Guillaume Plisson

« La construction et réparation navale civile française surfe sur une perspective de croissance de l’ordre de 20 % pour l’année 2015, tirée par les commandes de paquebots géants chez STX (photo). » Hugues d’Argentré

Le formidable potentiel de l’industrie navale française L’industrie navale française, l’une des premières au monde par son niveau technologique, met aussi son expertise au service de l’ensemble des nouvelles activités industrielles en mer. Un formidable atout pour les ambitions de la France dans la conquête des océans. par Hugues d’Argentré *

e XXIe siècle sera en particulier celui de la « gestion de l’encombrement ». Nous sommes entrés, en effet, dans l’ère « du monde fini », avec plus de sept milliards d’individus concentrés sur notre petite planète et qui seront neuf milliards en 2050. Or 60 % de la population mondiale vit sur la grande zone côtière, à moins de 100 km du littoral. Sans même tenir compte du syndrome « Build Absolutely Nothing Around or Near Anybody », c’est un fait que les terres émergées ne sont pas extensibles et que nos sociétés commencent à se sentir à l’étroit. Nous le savons : l’océan est l’avenir de la planète. Voila donc un espace d’extension proche mais relativement difficile d’accès. Les

Photo : T. Nectoux

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* Hugues d’Argentré

Délégué général du Gican.

marins le savent, la mer n’est pas un milieu facile. Cette étendue d’eau salée, toujours en mouvement, est corrosive pour l’acier et ne fait pas bon ménage avec les circuits électriques. Et pourtant, c’est dans cet espace d’avenir que la France se doit d’être présente et performante pour desserrer l’étau et accéder à la « croissance bleue ». La France, on ne le dira jamais assez, a la chance de disposer d’un vaste domaine maritime, le deuxième du monde, plus vaste que l’Europe. Mais l’atout essentiel de la France est ailleurs. La France est un des très rares pays à maîtriser les technologies marines qui permettent de mettre en valeur les océans. Notre industrie navale, une des premières du monde par

son niveau technologique, constitue pour notre pays un formidable, et encore trop méconnu, potentiel de croissance. Au risque d’anticiper un peu… le futur est déjà là. STX France vient d’inaugurer une nouvelle usine à Saint Nazaire baptisée Anemos pour assurer la production de stations électriques destinées… aux champs d’éoliennes en mer et participer ainsi à l’aventure, encore jeune, des énergies marines renouvelables. Une nouvelle usine en France, ce n’est pas si courant pour que nous le passions sous silence ! Avec cette inauguration, une des entreprises phare de la filière industrielle maritime devient un acteur majeur de la transition énergétique et les com-

pétences industrielles développées pour la construction navale à forte valeur ajoutée, sont mises à profit sur d’autres domaines industriels en mer. En effet, tout naturellement la filière navale française s’engage concrètement et utilement dans les EMR sur un marché national et export. L’industrie navale française, moderne et performante est en perpétuelle évolution et est aujourd’hui capable de se positionner sur toute la chaîne de valeur de l’éolien offshore, de l’ingénierie à la maintenance en passant par la fabrication de fondations, l’installation de champs ou la fabrication de stations électriques. L’apport des technologies navales ne s’arrête cependant pas au seul champ des EMR. Ce sont en effet l’ensemble des nouvelles activités industrielles en mer qui profitent déjà, ou vont profiter, des technologies éprouvées aux milieux marin et sous-marin ainsi que de l’ensemble des savoirfaire issus de la construction navale. Trente ans après le développement du pétrole offshore, les énergies marines parviennent au seuil de la démonstration industrielle. Au-delà de ces projets se profilent d’autres ruptures (ultradeep offshore, marine mining, etc.) car la culture intensive des

terres émergées ne pourra sans doute pas nourrir toute l’humanité. Il faudra probablement se tourner vers les océans pour assurer une aquaculture performante et assurer la production de biocarburants. DIX FEUILLES DE ROUTE TECHNOLOGIQUES

Pour profiter pleinement et durablement de « la croissance bleue » qui s’inscrit en complémentarité et en cohérence avec « la croissance verte » et la transition énergétique, il est nécessaire de capitaliser sur une industrie nationale exceptionnelle et novatrice. L’industrie des technologies marines, dans toutes ses composantes, que ce soit au profit de la construction des marines de commerce, de défense, de pêche, fluviale, de recherche, de service et des nouvelles activités en mer représente aujourd’hui en France un chiffre d’affaire de huit milliards d’euros, pour 40 000 emplois, qui place la France au sixième rang mondial et au deuxième rang européen. Si on se réfère au baromètre d’activité industrielle du Crédit Lyonnais, après avoir affiché une belle progression de 6 % en 2014, la construction et réparation navale civile française surfe sur une pers-

pective de croissance de l’ordre de 20 % pour l’année 2015. Ces chiffres impressionnants, évidemment tirés par les commandes de paquebots géants chez STX, marquent cependant une dynamique qui profite à l’ensemble de l’industrie française des technologies marines. Une industrie ancienne et très diversifiée qui, depuis quelques années, se met progressivement en ordre de marche dans une perspective d’efficacité à l’export et de performance en innovation. Dans cet esprit, soutenu par les pouvoirs publics, la filière navale française s’est dotée d’un Conseil d’orientation pour la recherche et l’innovation dans les constructions et activités navales, le Corican, qui a décliné une dizaine de feuilles de route technologiques pilotées par des industriels : les infrastructures GNL pilotée par l’entreprise GTT, le navire propre par l’entreprise Bertin, les passerelles intelligentes par Sagem, la gestion électrique par Jeumont, la sécurité passive par JLMD, la propulsion vélique par Neoline, les EMR par STX France, les plateformes multi-usages par DCNS, la robotique sous-marine par ECA, les outils de compétitivité >> par STX France.

L’effort réalisé en France dans les différents domaines de recherche Organisme de R&D

Budget en M€

Effectifs

CEA CNRS CNES INRA IFPEN INRIA ONERA IFREMER IFSTAR

4300 3400 1700 850 300 270 250 225 110

16000 25000 2500 8500 1600 4300 2100 1300 1200

Total

11405

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ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE >> L’EXIGENCE DE MOYENS

Énergies marines renouvelables,

À LA HAUTEUR DES ENJEUX

la dynamique française

Photo : SER

par Jean-Louis Bal *

Les acteurs publics et privés sont aujourd’hui totalement mobilisés, en France,pour le développement d’une filière industrielle puissante dans le domaine des EMR. Avec à la clé de premiers succès. Explications. près plus de dix années d’expérience à travers le monde, le déploiement des énergies marines renouvelables est lancé avec les premiers projets concrets d’exploitation et de belles avancées dans notre pays. S’appuyant sur le deuxième gisement européen, grâce à ses 3 500 kilomètres de côtes et au deuxième espace maritime mondial, les acteurs français se mobilisent pour créer une filière industrielle puissante, en France et à l’export, et remportent de premiers succès. Instituts de Recherche, clusters industriels, infrastructures portuaires, pôles de compétitivité, régions littorales, syndicats professionnels historiques du monde maritime et de la filière navale,

A Photo : DR

La France possède donc deux atouts maîtres dans la course mondiale à la conquête des océans. Un espace maritime immense et diversifié avec une richesse inestimable outre-mer et une industrie technologique marine de tout premier plan et bien souvent leader dans son domaine. Elle est parée pour se lancer résolument à la conquête des océans comme elle a pu, hier, se lancer dans la conquête spatiale. Peut être lui manque-t-elle cependant encore une ambition politique sans faille et une volonté stratégique qui pourrait, en particulier, se manifester par un effort appuyé à la recherche dans le domaine maritime. La R&D, en France, est-elle en effet vraiment à la mesure des enjeux océaniques ? L’Ifremer se situe en avant dernière position des financements en matière de recherche (voir encadré). Fautil s’en contenter ? La commission Innovation 2030, présidée par Mme Lauvergeon, avait identifié, parmi les sept ambitions clés pour la France, la nécessité de valoriser les ressources de l’océan (ambition n°3). Nous partageons cette ambition et l’industrie technologique marine française y est bien déterminée, avec le souhait que les moyens qui y seront engagés soient à la hauteur des formidables enjeux comme l’ont été, hier, les moyens dédiés à l’accompagnement des industriels vers la conquête spatiale. Dans cette perspective, le Gican ambitionne de favoriser le développement de l’industrie maritime française pour lui permettre de jouer un rôle de premier plan dans l’exploitation, la valorisation, la sécurisation et la protection des espaces maritimes, aéro-maritimes, sous-marins et côtiers. La conquête durable des océans, soutenue par une industrie nationale puissante et innovante, est une nécessité pour le monde et une chance pour la ■ France.

La filière de l’éolien offshore posé est aujourd’hui la plus mature en France.

* Jean-Louis Bal

Président du Syndicat des énergies renouvelables.

pouvoirs publics, industriels et porteurs de projets, autant d’acteurs avec lesquels le Syndicat des énergies renouvelables et sa Commission Énergies Marines Renouvelables travaillent, au quotidien, dans la volonté partagée d’offrir à notre pays une place parmi les leaders dans cette nouvelle compétition mondiale. La mer est source de multiples formes d’énergie : énergie du vent, énergie des courants, énergie marémotrice, énergie thermique des mers, énergie houlomotrice. Elles font chacune appel à des technologies différentes, que développent nos centres de recherche et nos entreprises. La filière la plus mature aujourd’hui est celle de l’éolien offshore posé. Le gou-

vernement français a lancé deux appels d’offres, le premier en 2011, le deuxième en 2013, pour un total de 3000 MW répartis sur six zones : Courseulles-sur-Mer, Fécamp, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire, Le Tréport et Yeu-Noirmoutier. Les mises en service de ces parcs sont prévues entre 2018 et 2023. Alstom et Adwen (co-entreprise associant Arava et l’espagnol Gamesa) fourniront les plus de 400 éoliennes de ces premiers parcs offshore, et ont déjà permis la création de plusieurs usines dans notre pays. DES ENTREPRISES PERFORMANTES

Parmi les principaux porteurs de projets, on peut citer EDF EN et Engie, qui font appel à de nombreux sous-traitants, notamment dans la filière navale : STX France a ainsi démarré la construction d’une unité pouvant produire en série des fondations et des sousstations. Pour favoriser l’émergence d’un tissu industriel français à même de répondre aux besoins de ces grands donneurs d’ordre,

l’État et le Syndicat des énergies renouvelables ont créé une structure dédiée Windustry France. Sa vocation : accompagner 70 PME, disposant de compétences clefs, vers le marché éolien en les soutenant dans l’adaptation de leur outil industriel. D’ici 2020, l’État s’est engagé à lancer de nouveaux appels d’offres pour 3 000 MW supplémentaires d’éolien posé, qui permettront de pérenniser l’activité et de réduire les coûts de production de la filière. Concernant l’éolien flottant, les acteurs attendent, ce mois-ci (juillet 2015, Ndlr), le lancement d’un appel à projets annoncé par Ségolène Royal, Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui pourrait notamment permettre à l’éolien marin de conquérir la Méditerranée. Aux côtés des grands groupes qui développent déjà leurs projets sur les côtes Atlantique et de la Manche, de nouveaux acteurs entrent dans la course comme DCNS, entreprise historique de

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la filière navale, qui ambitionne de réaliser des fondations flottantes en partenariat avec Alstom. Des PME sont également présentes, comme la société Nénuphar, basée à Lille, qui a conçu une éolienne flottante à axe vertical. Ce concept unique au monde est destiné à offrir une meilleure stabilité à la structure flottante en déplaçant son centre de gravité vers le bas. La technologie a été retenue par EDF EN pour son projet de démonstration, soutenu par la Commission Européenne, en Méditerranée, qui vise à l’installation prochaine d’une ferme pilote au large de Fos-sur-Mer. De son côté, la société Ideol, installée dans le sud de la France, développe une solution de fondation flottante en béton, visant à réduire les coûts des projets. Un premier prototype, équipé d’une turbine du fabricant espagnol Gamesa, va être mis à l’eau dans les mois qui viennent, au large du Croisic, sur le site d’essais SEM-REV géré par l’École Centrale de Nantes. LA MISE EN ŒUVRE DU SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS

De son côté la filière hydrolienne française a commencé à prendre le large. En effet, l’Appel à Manifestation d’Intérêt, lancé par l’Ademe en 2014, a retenu deux projets, tous deux situés au raz Blanchard, où sévit l'un des courants de marée les plus puissants d'Europe. Ce site abrite le deuxième gisement hydrolien mondial, avec un potentiel estimé à cinq gigawatts, et concentre 80 % du potentiel français. Les deux projets seront mis en service à partir de 2018. Le premier, développé par EDF EN avec une technologie DCNS, se compose de sept hydroliennes de deux mégawatts. Le second, porté par Engie avec une technologie Alstom, en compte quatre, d‘une puissance unitaire d’1,4 mégawatt. De son côté, la PME bretonne Sabella, créée il y a plus de dix ans, qui développe >>


ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE

DE GRANDES AMBITIONS

Le foisonnement de ces formes de production d’énergie offre à nos industriels, issus des secteurs de l’énergie et du maritime, qu’ils soient PME, ETI ou grand groupe, la possibilité de proposer tout un panel de solu-

Le projet Nemo de centrale flottante d’énergie thermique des mers développé par Akuo Energy et DCNS : une vitrine du savoirfaire français à l’international.

dans les toutes prochaines années permettront d’engager, là aussi, l’industrie française sur la voie du succès. D’autres technologies, à l’image de l’éolien flottant, de l’énergie thermique des mers ou encore du houlomoteur, permettront de tirer le meilleur profit de cette formidable ressource offerte par le deuxième espace maritime au monde, véritable opportunité pour la diffusion de nos savoirfaire vers l’international. ■

LE SYNDICAT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES e Syndicat des énergies renouvelables (SER) représente près de 400 adhérents, un chiffre d’affaires de dix milliards d’euros et plus de 75 000 emplois. Créée en 1993, le SER à pour vocation de promouvoir les intérêts des industriels et des professionnels du secteur auprès des pouvoirs publics, du parlement et de toutes les instances en charge de l’énergie, de l’industrie, de l’emploi, de l’environnement et de la recherche. Il rassemble les industriels de l’ensemble des filières énergies renouvelables : biomasse, bois énergie, biocarburants, biogaz, éolien, énergies marines, géothermie, hydroélectricité, pompes à chaleur, solaire photovoltaïque, solaire thermique et thermodynamique.

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En savoir + : www.enr.fr

L’industrie du transport et des services maritimes, pivots de l’économie française L’industrie française du transport et des services maritimes est à la pointe de l’innovation avec, à la clé, la défense et la promotion du Pavillon français. Mais à quel prix et pour combien de temps au regard de la concurrence internationale ? Explications.

Photo : DR

tions adaptées aux multiples enjeux auxquels sont confrontés les territoires. Les îles en particulier, à commencer par nos Outre-mer, constituent d’ores et déjà de véritables laboratoires, au cœur desquels les énergies marines renouvelables occupent une place de choix. Les expériences et succès sont déjà nombreux, et les projets laissent à penser que cette dynamique est désormais bien installée. Fort de ce constat, le Syndicat des énergies renouvelables et ses membres se sont fixés des objectifs à l’horizon 2030 pour les plus matures de ces technologies : 15 000 mégawatts d’éolien posé, 6 000 d’éolien flottant et 3 000 d’énergie hydrolienne. À l’heure où la France pose les jalons et met en place les nouveaux outils de la transition énergétique à travers l’adoption du projet de loi du même nom, et en cette année cruciale de l’organisation à Paris de la COP 21, les énergies renouvelables constituent une voie d’avenir. Elles contribueront à la fois à l’indispensable lutte contre le changement climatique et à la ré-industrialisation de notre pays. Parmi ces formes d’énergies, celles issues des mers et des océans joueront un rôle de premier plan. Il faut rappeler que la filière éolienne offshore française représentera plus de 10 000 emplois d’ici quelques années. Les fermes pilotes d’hydroliennes, qui seront déployées le long de nos côtes

Photo : Nathalie Michel

Photo : Akuo Energy / DCNS

>> sa propre technologie, a mis à l’eau cet été son prototype qui sera raccordé à l’île d’Ouessant dans les prochaines semaines. L’énergie thermique des mers, spécifiquement adaptée aux zones intertropicales et en particulier aux îles, exploite les différences de températures entre les eaux de surface et des profondeurs pour produire de l’électricité. Dans ce domaine, les acteurs français sont parmi les plus actifs. Sélectionné par le fonds européen « NER 300 », le projet Nemo, à La Martinique, associe les entreprises françaises Akuo Energy et DCNS pour mettre en service d’ici 2019 une installation d’une puissance de 16 mégawatts. Cette centrale servira de vitrine pour présenter le savoir-faire français dans le domaine à l’international. Concernant le secteur houlomoteur, qui consiste à exploiter l’énergie des vagues, la Recherche française est à l’œuvre. Ainsi, l’École Centrale de Nantes, qui exploite le site SEM-REV qui accueillera bientôt un prototype d’éolienne flottante, se prépare également à recevoir des démonstrateurs houlomoteurs. De son côté, DCNS évalue actuellement plusieurs technologies houlomotrices, et travaille en partenariat avec l’énergéticien finlandais FORTUM à l’installation d’une ferme pilote de 1,5 mégawatt en Bretagne, en baie d’Audierne. A Saint-Nazaire, la PME GEPS Techno a conçu une technologie unique en son genre, qui a notamment débouché sur une première application sous la forme d’une bouée scientifique, alimentée à 100 % par l’énergie houlomotrice (lire M&O n°247, page 47).

Gildas Maire

Président d’Armateurs de France .

par Gildas Maire

n 2014, le trafic maritime international a franchi la barre symbolique des dix milliards de tonnes de marchandises, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. La croissance forte des échanges maritimes est bien l’un des marqueurs de la mondialisation. Sur quatre milliards de tonnes de vrac sec (charbon, grain, minerai), plus du quart est importé par la Chine, qui est aussi le premier importateur de pétrole. Les grandes routes maritimes relient

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l’Europe et l’Amérique du Nord à l’Asie mais les grandes compagnies regardent aujourd’hui de plus en plus vers l’Amérique du Sud et l’Afrique, qui sont les gisements de croissance de demain. Les armateurs français sont aux avant-postes de ce mouvement. Dans cette situation extrêmement concurrentielle, notre pays dispose d’atouts industriels majeurs, qu’il ne tient qu’à lui de développer ! L’industrie maritime française est d’abord riche

« Une compagnie française, Ponant, a été pionnière sur ce nouveau marché de la croisière dans les eaux polaires, arctiques et antarctiques.» Gildas Maire

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de sa diversité. Elle est représentée dans tous les métiers du transport et des services maritimes : transport de passagers, porte-conteneurs, transport de vrac sec et liquide, activités offshore, recherche sismique, services maritimes portuaires, navires sabliers, câbliers, éoliens… Cette diversité fait sa force car elle maîtrise les métiers d’aujourd’hui comme de demain, du transport comme des services. Autre atout, notre industrie est principale- >>


ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE du monde se font par navire. Elle représente au total 22000 emplois directs et 300 000 emplois induits. Elle contribue à la croissance et au rayonnement de notre pays mais également à la sécurité de nos approvisionnements stratégiques.

prix impitoyable de la part des pays émergents, expliquent ce choix assumé de la modernité et de la performance. De ce fait, l’innovation est présente dans tous les secteurs du transport maritime. Le navire propre est l’une des meilleures illustrations de notre capacité d’innovation. L’objectif est double, à la fois réduire l’empreinte environnementale du transport, et limiter sa facture énergétique. Les derniers navires entrés en flotte sont la preuve des efforts engagés par les chantiers et les armateurs. Ils mettent en œuvre toute une série d’innovations en matière de motorisation, d’hydrodynamisme et de protection de l’environnement. Elles permettent de réduire de 15 % les émissions de CO2 à la tonne transportée, en comparaison de la série précédente, livrée en 2010.

>> ment constituée d’entreprises familiales qui investissent à moyen et long terme. Cette permanence explique la forte résilience de nos entreprises depuis 2008, dans un contexte économique désastreux et face à une concurrence exacerbée. Nos armateurs se sont adaptés à l’explosion des échanges mondiaux puis à la crise économique, à la piraterie qui menace nos navires et nos équipages, à la défaillance de nos partenaires bancaires… Ils s’inscrivent dans le temps long. Ils investissent dans des actifs de plusieurs dizaines de millions d’euros que constituent les navires. Leur but est de

Le Piana de la Compagnie La Méridionale (en haut). Le Bourbon enterprise du Groupe Bourbon (en bas).

pérenniser l'entreprise et l’activité, et non de rechercher un profit immédiat, contrairement aux fonds financiers qui investissent dans le maritime depuis quelques années sans stratégie industrielle. Cette tradition familiale explique également l’attachement fort au pavillon français et l’ancrage sur le territoire national, alors qu’il serait facile à ces entreprises d’installer leur activité dans des pays plus attractifs, au sein même de l’Union européenne. Notre industrie est enfin au cœur de l’économie mondialisée : 40 % des échanges intracommunautaires et 90% des échanges avec le reste

Depuis plus de vingt ans, les armateurs français ont misé sur la qualité sociale et environnementale. Ce pari est un choix militant et patriote. C’est aussi un choix économique car, pour continuer à hisser un pavillon qui est 20 % plus cher que le pavillon britannique ou 40 % plus cher que le pavillon danois, il faut miser sur la qualité et non sur les coûts. Grâce à cet engagement, le pavillon français, qui ne vit qu’à travers les armateurs français, est depuis trois ans classé premier sur la liste du Mémorandum d'entente de Paris sur le contrôle des navires par l’État du Port. Ce classement international tient compte des inspections conduites par 27 États européens et nord-américains en matière de droit social, de sécurité du navire et de qualité environnementale. Pour y arriver, les entreprises françaises ont beaucoup investi dans la formation continue, en mer et à terre. Leur savoir-faire et leur expertise sont aujourd'hui reconnus au niveau international. Elles ont aussi énormément investi dans l’innovation. L’efficacité et le faible coût du transport maritime ont permis le développement d’une économie mondialisée. Ce développement n’a été possible qu’en améliorant la sécurité du transport maritime et en limitant son impact environnemental. Depuis dix ans, l’enjeu pour nous, armateurs français et européens, est de construire des navires toujours plus sûrs, plus propres et plus économes en énergie. Le prix du carburant, qui peut représenter jusqu’à 50 % du coût de l’opération, et le pari de l’excellence, face à une concurrence par les

LA QUÊTE DE NOUVEAUX MARCHÉS

C’est en matière de services maritimes que ce choix de l’excellence sociale et environnementale est le plus frappant. Les métiers de service se sont considérablement développés ces dernières années : offshore pétrolier, recherche océanographique, pose de câbles sous-marins, recherche sismique, énergies marines renouvelables. Ils constituent pour notre industrie un gisement considérable d’emplois et de croissance. Les navires de service intègrent

DES EFFORTS RECONNUS

Le Geo Coral, navire de recherche sismique géré par GeofieLD qui associe les groupes CGG et Louis Dreyfus Armateur.

Photo : Ronan Donovan

Photo : DR

Photo : Gilles Martin-Raget

LE PARI DE L’EXCELLENCE ET DE L’INNOVATION

nouveau marché de la croisière car elle a anticipé le durcissement des règles et des contraintes légitimes en matière de sécurité pour les passagers et de protection de l’environnement. Ses navires concentrent les innovations technologiques les plus récentes et appliquent, d’ores et déjà, les normes du nouveau code polaire, qui vient juste d’être adopté par l’Organisation maritime internationale (OMI).

une forte composante technologique et demandent des équipages bien formés, disposant d’un savoir-faire très pointu, ce qui correspond à la formation des officiers. À titre d’exemple, il est possible de mettre en œuvre des navires à positionnement dynamique qui peuvent installer des câbles sous-marins jusqu’à 2 500 mètres de profondeur, ce qui constitue une véritable prouesse technologique. En ce qui concerne la coque, la modélisation des flux hydrodynamiques a conduit à remodeler les fameux bulbes d’étrave, afin de les adapter aux vitesses réduites qui sont actuellement la norme. Enfin, la protection de l’environnement n’a pas non plus été oubliée à bord de ces nouveaux navires. Ils sont équipés de systèmes très innovants de traitement des eaux de ballast pour supprimer le transfert d’espèces invasives d’un port à l’autre, ou de systèmes de récupération d’hydrocarbures en cas de naufrage du navire, dits Fast Oil Recovery System. Innover permet aussi de partir à la recherche de nouveaux marchés. Les eaux polaires, arctiques et antarctiques, peu fréquentées, restent de véritables zones d’exploration. Il suffit pour s’en convaincre de parler avec les commandants de navires ou avec les passagers qui traversent le passage du Nord-Ouest ou naviguent vers les eaux antarctiques. Une compagnie française, Ponant, a été pionnière sur ce

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Toutes ces améliorations s’inscrivent dans une décennie d’efforts sans précédent pour réduire l’emprunte énergétique du transport maritime et améliorer son efficacité énergétique. En conséquence, la part déjà faible du transport maritime international dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre est passée de 2,6 % à 2,1 % entre 2007 et 2012, alors que le trafic maritime augmentait de 14 %. Le transport maritime est aujourd’hui le mode de transport le plus propre à la tonne transportée. Pour aller encore plus loin, et réduire encore plus drastiquement les émissions atmosphériques issues de la propulsion du navire, les armateurs réfléchissent à de nouveaux modes de propulsion. Dans ce cadre, l'une des solutions les plus innovantes est l’utilisation du Gaz naturel liquéfié (GNL). Le GNL permet de supprimer les émissions de dioxyde de soufre et de réduire les émissions d’oxyde d’azote et même de CO2. Il représente un saut technologique important pour de nombreux intervenants de l’industrie maritime, car il nécessite de réunir des compétences extrêmement variées pour créer les infrastructures de la chaîne logistique, mettre en place un soutage adapté dans les ports et organiser le stockage et l’utilisation à bord du navire. C’est sans doute un virage aussi important que le passage de la voile à la vapeur. Grâce à un âge moyen de sept ans et à sa grande >>


ÉCONOMIE MARITIME L’EXCELLENCE FRANÇAISE

Photo : DR

Photo : Ian Hanning / REA

gétique – et donc le coût – du transport maritime, et à réduire de 30 % les émissions de CO2 à l’horizon 2025 par rapport au niveau de 2010. Il s’agit d’une marche importante à franchir dans les dix ans à venir. Pour y arriver, nous aurons besoin de nouvelles innovations – qui devront être testées et mises en œuvre grâce à une collaboration renforcée entre équipementiers, chantiers navals et armateurs –, mais aussi de financements. Face à nos concurrents, nous devons toujours avoir un coup d’avance. Le transport maritime s’inscrit ici dans une logique de filière industrielle qui engage l’ensemble de la communauté maritime française. C’est à ce prix que nous, armateurs français, resterons dans la course.

Photo : Harald M. Valderhaug

LE GRAND ENJEU DE LA COMPÉTITIVITÉ

>> technicité, la flotte sous pavillon français a été récompensée en 2013, 2014 et 2015 comme la plus sûre et la plus respectueuse de l’environnement au niveau international. Ce résultat a été rendu possible par un profond renouvellement de la flotte et un recours permanent à l’innovation. Ce pari technologique est un choix des armateurs français, confrontés à une concurrence mondialisée qu’ils ne peuvent pas combattre à armes égales sur le terrain du coût. C’est pourquoi les armateurs français sont engagés dans un véritable plan de transition énergétique qui doit conduire à améliorer encore l’efficacité éner-

Des navires de CMA CGM (transport de conteneurs), Brittany Ferries (transport de passagers et de véhicules) et Orange Marine (pose de câble).

« L’industrie maritime française est riche de sa diversité. Cette diversité fait sa force car elle maîtrise les métiers d’aujourd’hui comme de demain, du transport comme des services. » Gildas maire

Le commerce maritime est le miroir d’une mondialisation qui a pris une nouvelle dimension depuis la fin du XXe siècle. Ainsi, en 1994, le trafic maritime, ramené à la population mondiale, représentait 0,8 Mt de marchandises par habitant. En 2014, ce ratio était de 1,5 Mt (million de tonne) et devrait être en 2020 de 1,8 Mt, malgré la crise de 2008. Au sein d’une flotte mondiale qui continue de croître, les armateurs français ont développé un savoir-faire reconnu internationalement. Le pari de l’excellence suffira-t-il ? L’enjeu est aujourd’hui de permettre le développement de notre industrie tout en continuant à créer des emplois français, à terre comme en mer. Sur ce terrain, la qualité ne suffira pas à sauver le pavillon français si nous ne parvenons pas à ramener le différentiel de coût à moins de 10 % avec nos principaux partenaires européens. Les principaux pavillons européens, danois, britannique, allemand ou italien, offrent un label qui se veut comparable au nôtre, car garanti par l’Union européenne. Or leurs

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gouvernements respectifs ont engagés une politique de soutien très active à l’égard de leurs entreprises, dans les limites permises par Bruxelles. Ils jouent ainsi sur les deux tableaux. Un exemple : qui pourrait douter de l’image de probité du pavillon danois, qui pourtant est aujourd’hui 40 % moins cher que le pavillon français, comme le montre un récent rapport parlementaire du député Arnaud Leroy ? Alors que la guerre se fait de plus en plus par les coûts, le renouveau du pavillon français constitue un défi majeur. Nous, armateurs français, restons patriotes, c’est-à-dire attachés à la localisation de nos sièges et de nos emplois en France. C’est le sens du combat que mène Armateurs de France. Grâce à la mobilisation de nombreux élus, la France a, depuis 2002, construit les bases d’une politique volontariste que les mesures adoptées depuis deux ans en matière d’encadrement fiscal et financier, de flotte stratégique ou de protection privée embarquée, semblent confirmer. Sur beaucoup de sujets cependant, elle reste au milieu du gué. Elle exonère une partie des charges sociales mais pas la totalité. Elle soutient le financement dans des navires modernes et innovants mais n’engage pas de démarche globale et refuse au secteur l’appui de la Banque publique d’investissement (BPI). Les grandes mesures du quinquennat destinées à relancer la compétitivité des entreprises, que ce soit le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou le dispositif Macron en faveur de l’investissement, ne sont pas applicables aux entreprises de transport et de services maritimes. En aucune façon, nous ne renierons nos engagements en termes de qualité sociale et environnementale. La seule question posée aujourd’hui est de savoir si nous pourrons continuer à relever ce défi en France. Donnons-nous les moyens de pouvoir répondre « oui ». ■


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