Défense, la France fait-elle toujours les bons choix ?

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LE DÉBAT DEMARINE&OCÉANS

Le programme Rafale

Défense

La France fait-elle toujours les bons choix ?

Philippe VITEL

Gwendal ROUILLARD

Contre-amiral Bruno THOUVENIN

Yvan STEFANOVITCH

Député (UMP) du Var

Député (PS) du Morbihan.

Sous-chef d’état-major «Plans-Programmes» de l’état-major de la Marine.

Journaliste

e 6 février dernier, Marine & Océans a réuni à l’Automobile Club de France, place de la Concorde, à Paris 1, M. Philippe Vitel, député (UMP) du Var, vice-président de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale, M. Gwendal Rouillard, député (PS) du Morbihan, secrétaire de la Commission de la Défense, et le contre-amiral Bruno Thouvenin, sous-chef d’état-major « Plan-programmes » à l’état-major de la Marine, pour un échange autour du dernier livre de M. Yvan Stefanovitch Défense française, le devoir d’inventaire – enquête sur les faiblesses de l’armée et les milliards dépensés par l’État (septembre 2013, Éditions du Moment). Cet échange, ramené autour de quatre thèmes – Le programme Rafale, le programme Fremm, le porte-avions et la dissuasion nucléaire – parmi les très nombreux et très intéressants sujets qu’aborde Yvan Stefanovitch dans son ouvrage, avait pour finalité d’apporter quelques éléments de réponse à la question : Défense, la France fait-elle toujours les bons choix ? Pour des contraintes de publication, nous vous en proposons ici les meilleurs extraits.

L

Yvan Stefanovitch a été quinze ans journaliste à l’AFP puis dix ans à l’hebdomadaire VSD au titre duquel il était « accrédité défense ». Spécialisé dans les enquêtes sur les gaspillages français, il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont Aux frais de la princesse (2007), Le Sénat : enquête sur les super-privilégiés de la République (2008), La caste des 500 (2010).

1. La rédaction de Marine & Océans remercie tout particulièrement le capitaine de corvette (H) Jean de La Révelière pour l’organisation de cette rencontre et pour l’accueil qu’il a bien voulu réserver, avec l’amiral (CR) Jacques Lapoyade Deschamps, dans les salons de l’Automobile Club de France, à tous ses participants.

Le programme Rafale a été subtilement imposé, au détriment du Mirage 2000, par un réseau occulte à l’armée de l’Air, au gouvernement et aux parlementaires. (…) « Pour des raisons de stratégie industrielle, explique un rapport d’information du Sénat de juillet 2012, la décision fut prise au plus haut niveau d’interdire à l’Aéronavale d’acquérir des avions militaires américains F18 alors que les vieux Crusader étaient hors d’âge et que le Rafale Marine était loin d’être prêt… » Le coût de ce programme, 43,5 milliards d’euros, a plombé les comptes de la nation au détriment d’autres besoins des armées.

PHOTO : PATRICE DONOT-CPGP

PHOTOS : PATRICE DONOT-CPGP

Yvan STEFANOVITCH

Gwendal ROUILLARD Quand on raisonne par rapport au Rafale ou à d’autres programmes, il faut rappeler les missions et les objectifs que se fixe la France : la protection de sa population, la garantie de sa souveraineté, la garantie de son autonomie stratégique. Nous militons par ailleurs, nous parlementaires et ce, quels que soient

les bancs, pour maintenir une industrie de défense, ce que l’on appelle une Base industrielle technologique de défense (BITD). La défense, c’est 165 000 emplois, à ne pas oublier dans le contexte économique et social actuel. Depuis des décennies notre pays a opéré des choix. Et notre responsabilité est de constater les insuffisances ou les imperfections de ces choix. Le Rafale peut faire partie du débat. Mais moi, je combat le Rafale Bashing parce que cet avion répond à des besoins opérationnels. (…) Depuis plus de dix ans, le constat est qu’en Afghanistan, en Libye, au Mali, le Rafale a rempli ses objectifs. Sur le dossier syrien, quel que soit l’avis des uns et des autres sur la pertinence d’une éventuelle intervention, si nous avions dû le faire, quel était l’outil principal pour intervenir? Le Rafale. (…) C’est l’outil politique et diplomatique qui a fait que, à un moment donné, la parole de la France a été prise en compte. Je ne tiens pas un discours pro-Rafale, mais je constate lucidement ce qui va bien et ce qui va aussi moins bien. (…) Rafale ou F18? Industrie française ou industrie américaine? Vous savez pertinemment que nous avons un lien consubstentiel entre la souveraineté de la France et notre capacité à garder des compétences et des savoir-faire sur l’ensemble du spectre capacitaire et, pour moi, la colonne vertébrale de cette loi de programmation militaire 20142019 que j’ai votée, le choix que nous avons fait et que nous assumons quels que soient les trous capacitaires, c’est bien de tenter – quelles que soient nos

PHOTO : MARINE NATIONALE

■ La Marine nationale possède trente-quatre Rafale Marine. Cet appareil polyvalent, capable d’interventions à long rayon d’action avec ravitaillement en vol, est adaptable à une grande diversité de missions : défense et supériorité aérienne – pénétration et attaque au sol tous temps – attaque à la mer tous temps et à distance de sécurité – reconnaissance tactique et stratégique – dissuasion nucléaire. Grâce à la liberté des mers et à la mobilité du porte-avions Charles de Gaulle, le Rafale Marine représente un outil majeur de projection de puissance. Le porteavions pouvant s’affranchir des frontières et parcourir jusqu’à 1 000 km par jour, il lui permet d’agir en tout point du globe, sous faible préavis, en s’exonérant des contraintes diplomatiques ou géographiques.

limites –, de garder un potentiel opérationnel, industriel, technologique sur l’ensemble du spectre, pas simplement par plaisir, mais parce que c’est pour nous une des clés de la souveraineté de la France et de la protection de notre population qui est la mission première fondamentale. C’est cela notre responsabilité, le sens du suffrage universel.

Philippe VITEL Je crois qu’il est très facile, a posteriori, de remettre toujours les choses en question. Aujourd’hui, le Rafale est un avion qui rend les services qu’on lui demande. Un avion reconnu sur la scène internationale et dont les qualités ne sont plus à démontrer. Il y a psychologiquement un petit barrage, le fait que l’on n’ait pas réussi à le vendre à d’autres pays. Si nous y étions parvenus, le raisonnement serait inverse et l’on considérerait cet avion comme merveilleux, permettant à notre industrie de défense de se pérenniser et d’avoir même, par le biais de l’exportation, les moyens de réfléchir à l’avion du futur. Ce que je vois aujourd’hui c’est que cet avion, qui est considéré comme un avion de quatrième catégorie, ne va bientôt plus être compétitif avec les avions de cinquième catégorie que les Chinois, les Américains, les Russes sont en train de construire, et même totalement déphasé par rapport à l’avenir que représentent les >>

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MARINE&OCÉANS N° 242 - JANVIER-FÉVRIER-MARS 2014

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