M&O n°Hors-Série - SPÉCIAL OUTRE-MER (Complet)

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Hors-Série

MARINE &Océans SPÉCIAL OUTRE-MER GUADELOUPE - GUYANE - LA RÉUNION - MARTINIQUE - NOUVELLE-CALÉDONIE - POLYNÉSIE FRANÇAISE

“Les clusters

DÉCEMBRE 2014

maritimes d’outre-mer sont une chance pour la France”

Francis VALLAT Président du Cluster maritime français


Les pilotes maritimes ÉDITORIAL

Maillons indispensables à la vie en Outre-mer et à l’économie française, les pilotes maritimes guident les navires de marchandises, les paquebots et les navires militaires, dans les eaux resserrées des ports de Guyane, Guadeloupe, Martinique et la Réunion. En France métropolitaine et dans l’ensemble des territoires ultramarins, cette mission d’intérêt général est assurée, 24h/24, 7j/7, 365j/an, par 336 pilotes maritimes et 392 salariés répartis dans 31 stations autonomes.

L’énergie de l’outre-mer français e numéro hors-série de Marine & Océans est doublement symbolique. Il réunit, en effet, pour la première fois, dans un même document, l’ensemble des clusters maritimes d’outre-mer illustrant, en cela, la dynamique de ces territoires qui permettent à la France d’être présente sur toutes les mers du monde. Dynamisme, voilà bien le maître mot de ce numéro qui veut montrer combien exotisme peut aussi rimer avec volontarisme et innovation. Les entretiens et les articles que les principaux acteurs de l’économie maritime ultramarine ont accepté de nous accorder ou de signer dans ces pages, expriment tous la même certitude sur le potentiel que recèle l’outre-mer français, tant pour lui-même que pour la France métropolitaine. Même si nous savons, bien sûr, les difficultés auxquelles sont confrontées les économies ultramarines, ce n’est pas là l’objet de ces pages. Nous avons fait, ici, le choix de l’optimisme et de l’énergie, convaincus qu’il n’est, selon le cé1 lèbre aphorisme de Jean Bodin , de richesses que d’Hommes et que, là où il y a une volonté, il y a un chemin. Des hommes et des femmes d’entreprise et de conviction, l’outre-mer français n’en manque pas. Nous vous laissons découvrir leurs propos qui éclairent les voies offertes pour la poursuite de son développement. Symbolique, ce numéro l’est aussi par sa publication spéciale à l’occasion des dixièmes Assises de l’économie de la 2 mer . Ces Assises qui regroupent, comme à l’accoutumée, les forces vives de l’économie maritime française, revêtent

toutefois, cette année, un caractère particulier. Elles marquent le passage officiel de témoin entre le présidentfondateur du Cluster maritime français, Francis Vallat, et son successeur, Frédéric Moncany de Saint-Aignan. Neuf ans après la création de ce cluster qui a clairement permis l’éclosion – selon son expression – d’une véritable « Place maritime française », l’infatigable avocat de la cause de l’économie maritime passe donc la main, même s’il demeure, excusez du peu, président du réseau européen des clusters maritimes. Marine & Océans tenait, dans et par ce numéro, à saluer, à sa manière, celui pour qui « l’ Équipe de France du maritime » ne pouvait, un seul instant, se concevoir sans les Outre-mer et sans tous les professionnels qui y font vivre, chaque jour, l’économie maritime française. Bonne lecture.

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En couverture : Francis Vallat, Président-fondateur du Cluster maritime français. Président du European Network of Maritime Clusters. Photo : Alexandre Luczkiewicz

1. Philosophe et magistrat français (1530-1596). 2. www.economiedelamer.com

PHOTO : SANDRINE BERTHIER

En Outre-mer, comme en métropole, les pilotes maritimes contribuent à la sécurité des navires, des équipages et des infrastructures portuaires, à la protection de l’environnement et au développement de l’économie locale et nationale.

BERTRAND DE LESQUEN RÉDACTEUR EN CHEF

3 MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014


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Sommaire par Bertrand de Lesquen.

INTERVIEW de Emmanuel Lise, président du Cluster maritime de la Martinique :

Parce que l’union fait la force, par Francis Vallat,

« Notre objectif : promouvoir le potentiel économique de la mer à la Martinique »,

président du European Network of Maritime Clusters, membre de l’Académie de Marine et capitaine de vaisseau de réserve (RC) de la Marine nationale.

par Jean Ballandras, secrétaire général du groupe Akuo Energy, en charge de la stratégie de développement en milieux insulaires et sur les énergies marines.

La France d’outre-mer, un empire à protéger,

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Montantin, présidente de l’Union maritime et portuaire (UMEP) Guadeloupe, membre fondateur et permanent du Cluster maritime Guadeloupe.

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propos recueillis par Erwan Sterenn.

TRIBUNE de Rémy-Louis Budoc, docteur en économie générale, membre du directoire du Grand port maritime de Guyane, conseiller économique social et environnemental représentant la Guyane : Les ports ultramarins

La Guadeloupe et les défis du développement de son économie maritime, par Michèle

PHOTO : PHILIP PLISSON

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« La France dispose avec ses Outre-mer du second espace maritime mondial et peut encore l’agrandir grâce à eux »,

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POLYNÉSIE FRANÇAISE

GUADELOUPE

INTERVIEW de Gérard Grignon, président de la Délégation à l’Outre-mer du CESE :

Les énergies marines renouvelables, clé de l’autonomie énergétique des Outre-mer, par Gérard Grignon.

Martinique, Guadeloupe, l’enjeu du trafic portuaire,

Becca, des solutions au service des acteurs du transport maritime, par Christophe Foucault, directeur général et président du Directoire de la société CEI.BA.

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GUYANE 48

INTERVIEW de Éric Sagne, président du Cluster maritime de Guyane : « Notre Cluster est légitimé

par sa capacité à regrouper les acteurs du secteur maritime », propos recueillis par Erwan Sterenn.

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au carrefour des échanges mondiaux.

Les ambitions portuaires de la Guyane,

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LA RÉUNION

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« Le Cluster maritime de la Réunion doit favoriser l’action de tous les porteurs d’avenir »,

NOUVELLE-CALÉDONIE

par Maurice Cerisola, président du Cluster maritime de La Réunion.

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Demain, le pétrole ?, par Jean-Stéphane Betton.

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INTERVIEW de Lluis Bernabe, président du Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie :

Port Réunion, porte d’entrée de l’Europe en océan Indien, par Alain Gaudin, Henri Dupuis

« Se doter d’une politique maritime est de nature à préparer l’après-nickel »,

et Jean Max Crescence.

propos recueillis par Erwan Sterenn.

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INTERVIEW de Rodolphe Saade, vice-président, directeur général délégué du groupe CMA CGM :

« Le projet de développement du port de La réunion nous a paru le plus convaincant »,

Les atouts et les enjeux d’un pays « doué pour la mer », par Lionel Loubersac, docteur ingénieur, co-fondateur et secrétaire général du Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie, ancien délégué de l’Ifremer en Nouvelle-Calédonie.

propos recueillis par Erwan Sterenn.

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GUADELOUPE

Une aquaculture en devenir,

POLYNÉSIE FRANÇAISE

par Edouard Klotz, président du Groupement des fermes aquacoles de Nouvelle-Calédonie. Cet article a été rédigé en collaboration avec son adjointe, Nathalie Tostin.

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Les microalgues de Nouvelle-Calédonie, un eldorado végétal, cosigné par Ifremer

propos recueillis par Erwan Sterenn.

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Observer les océans, l’expertise Bluecham,

La Polynésie française, acteur majeur des énergies marines renouvelables, par David Wary, co-fondateur de Airaro SAS, société spécialisée en projets d’énergies renouvelables en milieu insulaire.

par Didier Lille, président de Bluecham SAS.

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INTERVIEW de Gérard Siu, président du Cluster maritime de la Polynésie française : « Le rôle

de notre Cluster est de donner à la mer sa vraie place pour l’avenir de la Polynésie »,

& Adecal-Technopole Nouvelle-Calédonie.

par Jean-Stéphane Betton.

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PHOTO: TIM MCKENNA/TAHITIFLYSHOOT

TRIBUNE de Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (Fedom) :

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NOUVELLE-CALÉDONIE

par Jean-Stéphane Betton.

« Nous devons concevoir nos Outre-mer comme de véritables atouts géo-économiques. »

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Le projet Nemo, toute l’énergie de l’outre-mer !,

PHOTO : PHILIP PLISSON

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PHOTO : PHILIP PLISSON

L’économie maritime, avenir du développement des Outre-mer ?,

par Emmanuel Desclèves, vice-amiral (2S,), re membre titulaire (1 section) de l’Académie des Sciences d’outre-mer.

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MARTINIQUE

« La Martinique doit repartir à la conquête de la Plaisance », par Douglas Rapier, président de la société Douglas Yacht Services, président de la Martinique Yachting Association.

Carte : La France d’Outre-mer.

par Thomas Degos, préfet, directeur général des Outre-mer au ministère des Outre-mer.

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propos recueillis par Erwan Sterenn.

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GUYANE

PHOTO : PHILIP PLISSON

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L’énergie de l’outre-mer français,

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PHOTO : PHILIP PLISSON

MARTINIQUE

3 ÉDITORIAL 6

LA RÉUNION

TRIBUNE de André Desplat, président de l’Association des CCI des Outre-mer et de la CCI Nouvelle-Calédonie :

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INTERVIEW de Richard Bailey, président de Pacific Beachcomber :

« La Polynésie française est à la pointe de certaines technologies et développements »,

Les enjeux économiques et stratégiques de l’outre-mer français du Pacifique.

propos recueillis par Erwan Sterenn.

MARINE & OCÉANS. Revue trimestrielle, est éditée par l’Association des Officiers de réserve de la Marine nationale.15, rue de Laborde - CC12 - 75398 Paris Cedex 08. Tél. : 01 53 42 80 39 - Fax : 01 53 42 86 74. E-mail : siege@acoram.fr - site internet : www.acoram.fr - CCP : n° 1042 84 H Paris. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : CV (H) Gérald Bonnier. RÉDACTION : Tél. : 01 53 42 80 23 - Fax : 01 53 42 86 74. E-mail : revue-marine@acoram.fr - RÉDACTEUR EN CHEF : CF (R) Bertrand de Lesquen. RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT : CV (R) Christian Le Borgne. RÉDACTION : CF (H) Joseph Le Gall, CV (H) Jean-Claude Hellot, CF (H) Pascal Cognet. SECRÉTARIAT DE RÉDACTION MAQUETTE : Danielle Le Quéré et Roger Le Quéré. Prix au numéro : 10 euros. Abonnement annuel Métropole 1 an : 38 euros. Abonnement annuel Dom-Tom 1 an : 45 euros. Abonnement annuel Étranger 1 an : 53 euros. Abonnement annuel Métropole 2 ans : 72 euros. Abonnement annuel Dom-Tom 2 ans : 86 euros. Abonnement annuel Étranger 2 ans : 102 euros. Abonnement annuel PDF 1 an : 20 euros. Lecture en PDF 1 numéro : 5 euros . Vente en kiosque 1 numéro: 10 euros. COTISATION ACORAM (abonnement à Marine & Océans non inclus). Membres actifs et associés : taux normal 40 euros; taux «donateur» 80 euros; taux «bienfaiteur» 200 euros. PUBLICITÉ : Revue Marine (tél. : 01 53 42 80 23/ 01 53 42 80 39 - marine-acoram@acoram.fr). Commission paritaire : n° 1114 G 86 639. ISSN : 2262 - 2012. IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne.

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MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014

MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014


OUTRE-MER HORS-SÉRIE

Créé en 2005, le Cluster maritime français a très vite perçu la nécessité d’associer les Outre-mer à sa démarche pour la promotion et le développement de l’économie maritime nationale. Son fondateur et président historique, Francis Vallat, revient sur la genèse de la création des Clusters maritimes d’outre-mer et sur leurs perspectives.

Par

PHOTO : PHILIP PLISSON

Parce que l’union fait la force FRANCIS VALLAT *

PHOTO : JPV-TAHITI INFOS

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réé en octobre 2005 et ayant démarré ses activités en mars 2006, le Cluster maritime français (CMF) a pour vocation d’être l’outil de promotion, de dynamisation, et de renforcement du secteur économique maritime français, en France continentale mais aussi partout où la France est présente, partout où se battent et agissent les professionnels de l’économie maritime française et donc dans et avec « nos » Outre-mer au premier chef. C’est dans cet esprit que le CMF a créé très vite, en 2008, un groupe de travail « Synergie » dédié, appelé tout simplement « GS Outremer ». Ceux qui y participaient alors étaient animés par le souci d’identifier concrètement les synergies et potentialités maritimes à développer entre l’hexagone et les Outre-mer français, naturellement par le dialogue avec – et entre – les Dom-Com de l’époque. L’objectif final était clair pour tous : stimuler l’activité et les solidarités concrètes entre tous les acteurs maritimes français, quelle que

Francis Vallat, président du Cluster maritime français, et son collaborateur Alexandre Luczkiewicz (deuxième à partir de la gauche), accueillis par M. Gérard Siu, président du Cluster maritime de la Polynésie française, lors de la réunion du conseil d’administration de la toute jeune structure, créée en juin 2014. « Le Cluster maritime français a réuni les moyens de promouvoir une véritable Place maritime française s’appuyant à la fois sur la diversité de ses talents et potentiellement sur la deuxième zone économique exclusive du monde due quasi-exclusivement aux Outre-mer… » FRANCIS VALLAT

soit leur origine géographique en se référant, en particulier, à un trait d’union magique : « la mer toujours recommencée »…Au départ, ce groupe réunissait de manière

* Francis VALLAT. Armateur pendant près de trente ans, ancien président de l’Institut français de la

Mer et président-fondateur du Cluster maritime Français, il est à l’heure actuelle président du European Network of Maritime Clusters. Il est membre de l’Académie de Marine et capitaine de vaisseau de réserve (RC) de la Marine nationale.

informelle (c’est aujourd’hui plus organisée !) des responsables économiques « individuels », intéressés par la dynamique qui pouvait être ainsi initiée mais ne sachant pas trop comment avancer, ni même s’il serait possible de dessiner une voie commune. Très vite, en effet, il était apparu que malgré l’engagement personnel de certains représentants de l’État (au

niveau cabinet ministériel), invités dans ce groupe pour aider à réunir quelques outils, nous ne pourrions compter sur aucun matériau exploitable. Il fut, en particulier, rapidement et clairement établi que nous ne disposerions d’aucune information centralisée nous permettant de dégager des approches communes ou même différenciées, qui soient justifiées par des observations économiques pertinentes. Tout simplement parce qu’il n’existait pas, ni n’existe encore, de base de données transversale pour nos Outre-mer, ni même de sources statistiques suffisamment fiables ou suffisamment récentes.

Une écoute et une aide désintéressées Pendant des mois, le groupe de travail éponyme a alors exploré différentes approches mais sans qu’aucune ne retienne l’approbation de tous ou constitue une chance raisonnable de progresser d’un même pas, voire même en ordre dispersé si cela s’avérait plus réaliste. À deux reprises même, le

président du Cluster, avec l’accord du groupe et tout en maintenant l’appel à la réflexion et aux propositions, dut prendre la décision de suspendre les travaux. Étaient alors seulement affichées la volonté de ne pas renoncer et la résolution de se réunir lorsque de nouvelles idées apparaissaient, semblant permettre de tester une ou des voies nouvelles. En un mot, il s’agissait de passer d’une méthode top down , ayant fait la preuve de ses limites, à un esprit bottom up, probablement plus approprié, constituant la dernière chance d’offrir des solutions. Et c’est un peu plus tard que fut émise – à l’initiative notamment d’un armateur basé en hexagone mais actif outre-mer, et d’un responsable « pilote » de la Martinique –, la suggestion de voir émerger des clusters maritimes en outre-mer, certes inspirés de l’esprit et des méthodes du CMF, mais autonomes et s’appuyant sur des équipes locales. Ceci supposant d’abord que les opérateurs maritimes et autres responsables économiques ultramarins voient euxmêmes l’utilité ou la nécessité de

L’espace maritime de NouvelleCalédonie. Le Cluster maritime français a lancé, très vite après sa création, un groupe de travail outre-mer. « Son objectif était clair : stimuler l’activité et les solidarités concrètes entre tous les acteurs maritimes français, quelle que soit leur origine géographique, en se référant, en particulier, à un trait d’union magique : la mer toujours recommencée. » FRANCIS VALLAT

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se regrouper et de s’organiser, et de s’affirmer « officiellement » prêts à s’inspirer des mêmes principes que le CMF. En fait, le schéma était que les Clusters maritimes d’outre-mer exercent leur action selon leurs vœux mais d’une manière telle que cohérence et solidarité soient affichées, permettant ainsi au CMF de soutenir des actions décidées localement ou de « porter vigoureusement les messages » des ultramarins au niveau national, en particulier auprès des instances parisiennes ! Cette idée fut très vite analysée par le président du CMF comme extrêmement positive, dynamique et prometteuse, comme cela lui fut d’ailleurs confirmé lorsqu’il la présenta au cours d’une séance du groupe de travail Synergie « Outre-mer » qui l’accueillit immédiatement très favorablement. Restait cependant à trouver la bonne méthode pour que « l’envie » des acteurs sur place soit infiniment plus motrice que les suggestions pouvant venir de métropole, et que ce soit d’abord les chefs d’entreprise ou cadres ultramarins qui décident de bouger ou >>


OUTRE-MER PHOTO : PHILIP PLISSON

HORS-SÉRIE

>> non, de faire ou de ne pas faire. Ce que le CMF pouvait leur offrir étant la certitude de trouver une écoute et une aide désintéressées s’il les souhaitaient, dès lors que les initiatives proposées s’inscrivaient, avant tout, dans la volonté de faire croître la France maritime dans toutes ses composantes économiques et géographiques, et donc de s’inscrire clairement dans notre « esprit clustérien ».

Les six premiers clusters ultramarins Dans ce cadre, il fut proposé au groupe de travail Synergie « Outre-mer », qui le décida effectivement, que le rôle du CMF (bien aidé par nombre de ses membres dont la Fédération française des pilotes maritimes disposant de représentants actifs dans tous nos territoires), soit d’identifier dans chaque région des personnalités ou organismes susceptibles d’être intéressés par l’initiative, et éventuellement désireux d’en être les préfigurateurs et futurs leaders. Ceux qui allaient devenir les mo-

ving powers locaux en quelque sorte… Ensuite il appartiendrait au CMF de mettre au point les modalités d’application permettant de donner plus de poids à la communication de chacun et d’aider à afficher la détermination commune des acteurs professionnels de la France maritime… Pour les dits moving powers, une autre condition était de se prononcer en ayant à cœur d’intégrer dans le processus aussi bien le développement économique et social que la protection de l’environnement et donc de la remarquable diversité des écosystèmes ultramarins. Autrement dit, c’est bien la notion de « développement durable » qui devait être privilégiée, très loin des stakhanovistes de l’économie aveugle et des fondamentalistes de l’écologie extrême. Le message commun était bien celui de la sauvegarde de la planète et de la protection des générations futures mais sans considérer l’homme comme l’ennemi, et sans mépriser les contraintes de vie et de dignité des générations présentes.

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C’est ainsi que furent créés, avec et par des responsables locaux, mais à chaque fois au terme d’un dialogue confiant, intense, ouvert et constructif avec le CMF, les six premiers clusters ultramarins aujourd’hui en activité : le « Cluster maritime La Réunion » (CMR), lancé en 2010 et officiellement constitué en septembre 2011 ; le « Cluster maritime Guadeloupe » (CMG), né en mai 2011 ; le « Cluster maritime Guyane française » (CMGF) qui a commencé à travailler en mai 2012 ; le « Cluster maritime Martinique » (CMM) qui a démarré en juin 2013 ; le « Cluster maritime Polynésie française » (CMPF) en juin 2014, et enfin le « Cluster maritime NouvelleCalédonie » (CMNC) lancé en août dernier. Pilotés par des ultramarins, réellement autonomes mais coordonnés avec et par le CMF, affichant le même logo afin de souligner la solidarité de tous les « maritimes » français, échangeant leurs bonnes pratiques via le CMF (statuts similaires ; méthodes de travail d’inspiration commune ; pas d’administrations

régaliennes membres, mais éventuellement invitées ou associées ; cotisations minimales fixées localement prouvant l’engagement des membres et donnant des moyens propres à ces nouvelles structures locales), tous ont, au surplus, tenu à associer le CMF à leur création, en particulier en invitant sur place son président et son « coordinateur outre-mer », et en organisant réunions et rencontres avec leurs adhérents, les autorités locales, les représentants des professions… À chaque fois, ce furent de grands moments d’échanges, d’amicale confiance et d’action. Enfin, utilisant le CMF pour relayer et soutenir leurs dossiers à Paris et éventuellement à Bruxelles, les Clusters maritimes d’outre-mer se sont immédiatement mis au travail et – comme le démontrent leurs interventions dans ce hors-série de Marine & Océans – agissent déjà sur tous les fronts pour le développement de l’économie maritime de leur région. De son côté, le CMF anime ce nouveau réseau, maintenant quasi-complet, des Clusters maritimes français hexa-

gonal et des Outre-mer, et le fait, comme prévu, dans le respect de la liberté d’action et des particularités de chacun. Aujourd’hui les Clusters rassemblent près de 280 entités ultramarines et sur le continent environ 360 acteurs (grands groupes, PME, TPE, fédérations professionnelles et associations, Marine nationale…). Il n’est donc pas exagéré de dire que, fort de ces plus de 600 acteurs professionnels, nous pouvons légitimement prétendre structurer transversalement le très dynamique « maritime français », et que nous avons effectivement réuni les moyens de promouvoir une véritable « Place maritime française » s’appuyant à la fois sur la diversité de ses talents et potentiellement sur la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde, due quasi-exclusivement aux Outre-mer… Toujours inspiré par le constat que « l’union fait la force » et que fédérer les uns et les autres pouvait être gagnant pour chacun, le Cluster maritime français a, par ailleurs, pu aborder – toujours en confiance et dans le respect

Le littoral réunionnais. « À l’heure programmée de l’épuisement des réserves terrestres traditionnelles, la formidable réserve de richesses que représente la ZEE attachée à l’ensemble des territoires de la France d’outre-mer constitue un atout stratégique et crucial qui peut ou devrait faire de l’outre-mer un laboratoire exceptionnellement précieux, y compris pour l’hexagone. » FRANCIS VALLAT

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absolu de la liberté d’appréciation et de décision de ses interlocuteurs – des sujets majeurs considérés comme sensibles voire tabous comme, par exemple, les rivalités pouvant exister entre des territoires proches. C’est ainsi qu’ont pu avoir lieu des échanges ouverts – prudents et préliminaires, mais clairs et démontrant que les représentants de l’économie peuvent être plus raisonnables et soucieux de l’intérêt général que certains responsables politiques –, sur la possibilité de futures coopérations dans le Pacifique, entre par exemple la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Un positionnement géostratégique Plus significatif encore à cet égard – car là, le dialogue a commencé avec un groupe de travail commun aux Clusters des deux îles – est le travail d’échange et de réflexion que réalisent depuis quelques mois la Guadeloupe et la Martinique autour de la notion de MUA ou Marché unique antillais. Sur un autre plan, comment ne pas souligner, – ce que beaucoup savent mais en ne réalisant pas toujours à quel point c’est important – le rôle des Outre-mer dans le positionnement géostratégique de la France, même si cela n’est pas vraiment notre sujet, encore que cela pourrait de plus en plus le devenir à l’ère où les routes des échanges, de croisières, du commerce sont de plus en plus sous la menace de la piraterie ou du terrorisme, où les risques de crises internationales se concentrent de plus en plus au niveau régional, et où enfin, les États présents ont intérêt à coopérer au niveau des grands bassins maritimes, comme ceux de l’océan Indien et du Pacifique par exemple. Le positionnement géographique de certains de nos territoires en font, en effet, des sites bien placés au vu de l’évolution des grands flux maritimes comme en témoignent, >>


OUTRE-MER HORS-SÉRIE >> par exemple, l’accroissement de l’activité de transbordement à La Réunion ou les indications que la Martinique et la Guadeloupe pourraient bien devenir un important hub Caraïbes après l’élargissement du canal de Panama.

Une formidable réserve de richesses Je voudrais surtout insister sur la formidable réserve de richesses que représente le total de la ZEE attachée à l’ensemble des territoires de la France d’outre-mer, que ce soit en matière de richesses minérales, de pétrole mais aussi de métaux, y compris métaux précieux et terres rares particulière-

si essentielles au mix énergétique dont la France entière a et aura tant besoin dans l’avenir, et pour lesquelles les Outre-mer sont si merveilleusement placés pour l’expérimentation et la mise en œuvre de certaines d’entre elles. À l’heure programmée de l’épuisement des réserves terrestres traditionnelles, tout cela constitue un atout stratégique et crucial, en tout cas à terme, et qui peut ou devrait faire de l’outre-mer un laboratoire exceptionnellement précieux, y compris pour l’hexagone. En rappelant naturellement que tout ceci n’a de réelle signification que si la deuxième zone économique du monde est effectivement explorée, exploitée de manière respectueuse

Pêcheur à la Martinique. Les Clusters maritimes métropolitain et d’outre-mer s’inscrivent dans une démarche de « développement durable » loin des stakhanovistes de l’économie aveugle et des fondamentalistes de l’écologie extrême.

nos Outre-mer sont encore trop souvent confrontées. Pêle-mêle : le sentiment ressenti par les responsables des économies ultramarines d’un manque de considération – pas toujours de manière justifiée, il faut le reconnaître – avec des concertations parfois tardives, trop rapides ou trop peu prises en compte ; le manque de visibilité de l’outre-mer en général dans les débats métropolitains (même si cela s’améliore) ; l’inadaptation de nombreuses règles, qu’elles soient européennes ou nationales, aux réalités locales ; le manque de moyens dans certains domaines (même si c’est le cas aussi en métropole à l’heure de la crise) ; l’absence de soutien dans les problématiques d’approche des pays voisins ; les lacunes persistantes en matière d’éducation, de formation professionnelle ou de mise à niveau pour accueillir le tourisme, ou encore de préservation de l’environnement local…

ment ceux concentrés dans les mélanges sulfurés comme le démontrent les campagnes actuellement menées à Wallis & Futuna, ou encore en matière de bio-ressources, de biotechnologies, de pêche, d’aquaculture et, bien sûr, d’énergies marines renouvelables

de l’environnement, et bien évidemment sécurisée, ce qui pose la question fondamentale de la présence et des moyens effectifs de la Marine nationale en outre-mer. Difficile enfin de ne pas terminer sans mentionner certaines des problématiques communes auxquelles

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C’est pour échanger sur tout cela, pour déterminer ce que pourraient être les actions à venir, communes à tous les clusters français, que le CMF a organisé une « Journée des Clusters maritimes d’outre-mer », le 5 décembre 2014 à Paris. Fidèle, entre autres, à l’esprit de dialogue permanent, ferme et constructif qui est sa marque, sa motivation n’a jamais été de dresser un cahier de doléances « faciles » ou ne tenant pas compte des réalités du moment, mais bien d’essayer de faire ressortir les avancées qui pourraient être raisonnablement envisagées, en plus naturellement que d’identifier les bonnes pratiques susceptibles d’être développées par tous. Avec, en tête et dans le cœur, les trois sésames qui réunissent tous les professionnels du maritime : la passion de leur métier et de la mer, la foi dans la nécessité du développement ■ durable et… la France !

PHOTO : WWW.PACIFICBEACHCOMBER.COM

PHOTO : PHILIP PLISSON

Identifier les bonnes pratiques

Le paquebot de croisière Paul Gauguin, géré par le groupe Pacific Beachcomber, au large de l'île de Bora Bora, en Polynésie française.


OUTRE-MER HORS-SÉRIE

Superficie totale des Zones économiques exclusives (ZEE) françaises : 11 millions de km2, dont 334 604 km2 pour la France métropolitaine.

La France d’outre-mer

SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON Miquelon

Superficie : 242 km2 Distance de la métropole : 4 600 km Population : 5 888 habitants Saint-Pierre Principales villes : Saint-Pierre et Miquelon-Langlade et Miquelon Productions : pêche, tourisme ZEE : 12 334 km2

Grande Miquelon

OCÉAN ATLANTIQUE

LA GUADELOUPE

Petite Miquelon

Saint-Martin

Superficie : 1 704 km pour 6 îles (Guadeloupe Saint-Barthélémy continentale, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, Guadeloupe Grande- La Désirade Les Saintes, Marie-Galante, La Désirade) Terre Distance de la métropole : 6 700 km Pointe-à-Pitre Population : 422 496 habitants Iles de la Basse-Terre Principales villes : Pointe-à-Pitre et Basse-Terre La Soufrière Petite-Terre Marie1 467 m Productions : agriculture (dont bananes), Galante tourisme pêche, etc. Les Saintes ZEE : 95 978 km2

Montagne Pelée 1397 m

LA POLYNÉSIE FRANÇAISE Superficie : 4 200 km2 OCÉAN PACIFIQUE pour 118 îles (dont Tahiti, Bora Bora, les Marquises…) Papeete Mont Orohena dispersées sur 2 500 000 km2 2 237 m Moorea (l’équivalent de la surface de l’Europe) Tahiti Distance de Presqu'île la métropole : 15 700 km Teahupoo Population : 274 217 habitants Principale ville : Papeete Productions : tourisme, coprah, perliculture, réserves minerais (onshore, offshore) et halieutiques, énergies renouvelables SURINAME ZEE : 4 767 242 km2

Saint-Pierre et Miquelon

Superficie : 274 km2 Distance de Mata'Utu la métropole : 19 500 km Population : 15 289 habitants Principale ville : Mata Utu Productions : agriculture, pêche, tourisme, réserves Île Alofi minerais (onshore, offshore) ZEE : 258 269 km2

Océan Pacifique

Asie

ANTILLES Guadeloupe Martinique Clipperton

OCÉAN îles Bélep PACIFIQUE Mont Panié îles Loyauté 1 629 m

Afrique

Guyane Mayotte Iles glorieuses Tromelin

Amérique du Sud

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Réunion

Océan Atlantique

Océan Pacifique

Wallis et Futuna

Océan Indien

Juan de Nova Europa Bassas Ile Amsterdam da India Ile St-Paul Iles Crozet

Australie

NouvelleCalédonie

Iles Kerguelen

OCÉAN

Saint-Denis INDIEN Cayenne

Terre Adélie

Guyane

M

m bi oza

LA GUYANE Superficie : 83 846 km2 Distance de la métropole : 7 000 km Population : 236 250 habitants Principales villes : Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni, Kourou Productions : bois, pêche, agriculture, centre spatial, or, hydrocarbures, etc. ZEE : 133 949 km2

Mayotte

que

Antarctique

OCÉAN INDIEN Mamoudzou

Grande Terre

Petite Terre

Dzaoudzi

MAYOTTE Superficie : 374 km2 Distance de la métropole : 8 000 km Population : 212 645 habitants Principales villes : Mamoudzou, Dzaoudzi Productions : agriculture, pêche, aquaculture, tourisme ZEE : 63 078 km2

LES ÎLES ÉPARSES Superficie: 43 km2 pour les 5 îles (Tromelin, les Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India, Europa) Distance de la métropole: 8 000 km Population: météorologistes et scientifiques, pas de population autochtone. Dépend du ministère de l’Outre-Mer, qui en confie la gestion administrative au préfet de La Réunion. Production : zone de pêche hauturière ZEE : 640 400 km2

NouvelleCalédonie Nouméa

TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

BRÉSIL

CLIPPERTON Superficie : 7 km2 Distance de la métropole : 11 260 km Population : pas de présence humaine permanente. Dépend du ministère de l’Outre-Mer, qui en confie la gestion administrative au Haut Commisaire de la Polynésie française. Productions : réserves halieutiques et minérales ZEE : 431 263 km2

Europe

al d u

Superficie : 1 128 km2 Martinique Distance de la métropole : 6 858 km Fort-de-France Population : 412 305 habitants Principales villes : Fort-de-France, mer Trinité, Le Marin, Saint-Pierre des Caraïbes Productions : agriculture (dont bananes), tourisme pêche, etc. ZEE : 47 640 km2 Tahiti

Île Futuna

Can

LA MARTINIQUE

WALLIS-ET-FUTUNA OCÉAN PACIFIQUE Îles Wallis

Océan Arctique

Amérique du Nord

OCÉAN ATLANTIQUE

Saint-Pierre

Saint-Pierre

2

Réunion

Piton de la Fournaise 2 631 m

île des Pins

LA NOUVELLE-CALÉDONIE Superficie : 18 575 km2 Distance de la métropole : 18 000 km Population : 249 000 habitants Principale ville : Nouméa, qui rassemble avec ses communes voisines 60 % de la population Productions : nickel, tourisme, agriculture, réserves minerais (onshore, offshore) ZEE : 1 422 543 km2

LES TAAF LA RÉUNION Superficie : 2 512 km2 Distance de la métropole : 10 000 km Population : 839 500 habitants Principales villes : Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre Productions : agriculture, tourisme, pêche,énergies renouvelables ZEE : 315 058km2

TAAF : Terres australes et antarctiques françaises Superficie : 439 391 km2 Les TAAF sont formées par les îles Saint-Paul et Amsterdam, l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen et la Terre Adélie en Antarctique Distance de la métropole : 12 000 km Population : 200 personnes environ, scientifiques pour la plupart. Productions : zone de pêche hauturière, recherche scientifique ZEE : 1 727 000 km2


OUTRE-MER HORS-SÉRIE

THOMAS DEGOS *

Une politique de pêche et d’aquaculture active La réforme de la politique commune de la pêche et le nouveau fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) donnent aux régions ultrapériphériques (RUP) les moyens du développement de la pêche et de l’aquaculture. Les navires de pêche immatriculés dans les RUP bénéficient ainsi d’un accès privilégié aux zones de

PHOTO : PHILIP PLISSON

S

i la partie émergée des Outre-mer français, disséminés sur quatre océans, ne représente en superficie qu’un sixième du territoire terrestre métropolitain, la France dispose en mer de droits souverains et de droits de juridiction sur le deuxième espace maritime du monde, après les États-Unis d’Amérique et devant l’Australie. Elle bénéficie d’une situation maritime exceptionnelle qui lui donne une dimension planétaire : les Outre-mer apportent à la France 97 % des onze millions de km2 de son domaine maritime, soit vingt fois la superficie de la France hexagonale (par exemple : 5,5 millions de km2 pour la Polynésie française, 2,4 millions de km2 pour les Terres australes et antarctiques françaises ou 1,5 millions de km2 pour la Nouvelle Calédonie). Cet atout incontestable lui confère une position privilégiée sur la scène internationale. Il constitue également un potentiel important du développement de la « croissance bleue », prônée par l’Union européenne. Au-delà de ce discours habituel sur la place des Outre-mer, la France s’est aujourd’hui dotée d’outils à même de concrétiser ce potentiel, dans les secteurs d’activité traditionnels comme dans les secteurs d’avenir.

Grande anse d’Arlet à la Martinique. « Les Outre-mer apportent à la France 97% des onze millions de km² de son domaine maritime, soit vingt fois la superficie de la France hexagonale. » THOMAS DEGOS

pêche situées à moins de 100 milles marins de leur territoire jusqu’à fin 2022. La prise en compte des intérêts des RUP sera facilitée par la création d’un conseil consultatif des RUP. Les RUP profiteront de l’importante hausse de la dotation française du FEAMP (+ 70 %) pour structurer les filières existantes et développer l’aquaculture, secteur à fort potentiel outre-mer, notamment à Mayotte. Elles bénéficieront en particulier d’une aide de plus de 86 millions d’euros pour compenser les surcoûts liés à leur ultrapériphéricité. La possibilité de financer à nouveau l’installation de dispositifs de concentration du poisson (DCP) ancrés permettra aux professionnels d’ouvrir leurs possibilités de

* Thomas DEGOS. Préfet, directeur général des Outre-mer au ministère des Outre-mer.

pêche plus au large, ce qui constitue un enjeu particulièrement important aux Antilles. La France et l’Union européenne s’assurent par ailleurs de la prise en compte des intérêts des RUP et des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) et de leurs pêcheurs au sein de la dizaine d’organisations régionales de gestion des pêcheries (ORGP) dont elles sont membres et qui correspondent à la plupart des zones d’intérêt de la pêche française. La France défend, avec la commission européenne, la candidature de la Réunion pour accueillir le secrétariat de l’accord des pêches du sud de l’Océan indien. Les discussions au sein de ces ORGP permettent également de veiller à l’avenir de la pêche française, compte tenu des ressources halieutiques potentielles, pour certaines inexplorées, dans les eaux ultramarines.

Les Outre-mer, «laboratoire» de la croissance bleue Les Outre-mer ne se limitent pas à la gestion active d’un passé maritime. Ces territoires se lancent avec enthousiasme dans les secteurs d’avenir en exploitant davantage les ressources marines. Chantier primordial, la transition énergétique des Outre-mer passe par une baisse forte de leur dépendance aux énergies carbonées. La mer apporte une ressource de substitution de proximité. Les énergies marines renouvelables constituent une filière très prometteuse, dont le développement permettra aux Outre-mer d’offrir une contribution substantielle

PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

Après la mise en place de la réforme des ports maritimes d’outre-mer au 1er janvier 2013, qui s’est traduite par la création de quatre grands ports maritimes dans les départements français d’Amérique et à La Réunion, l’État travaille avec les collectivités à une nouvelle stratégie portuaire pour l’outre-mer. Elle vise en premier lieu à faire des ports maritimes ultra-marins un puissant levier au service de l’économie et de la desserte des territoires, contribuant à la création d’emplois et de valeur. Dans un contexte où l’essentiel des échanges mondiaux de marchandises s’effectue par la voie maritime, les ports ultramarins doivent être capables de rivaliser avec leurs concurrents régionaux. Ils doivent ainsi se préparer à des augmentations de trafic, par exemple aux Antilles et en Guyane dans le cadre du projet d’élargissement du canal du Panama, ou à la consolidation de l’activité de croisières. Le secteur du tourisme de croisière et de plaisance portera à coup sûr la croissance de nos territoires dans les prochaines années. Déjà, les ports français d’outre-mer ont développé les structures d’accueil de plus nombreux navires de croisière. Le potentiel de développement est considérable, si on considère que ce secteur ne cesse de se développer au niveau mondial mais qu’il a perdu dans certains de nos territoires jusqu’à 90 % de ses clients ! La mer apporte là un réservoir d’activités pour nos Outremer que nous nous devons d’exploiter.

Accueil du Queen-Mary 2 à la Martinique. « Les ports français d’outre-mer ont déjà développé les structures d’accueil de plus nombreux navires de croisière. » THOMAS DEGOS

aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que la France s’est fixée. Divers projets de climatisation par les eaux profondes (système « SWAC » qui a fait ses preuves en Polynésie française, à Bora Bora) sont en cours à La Réunion. Ils alimenteront essentiellement les zones urbaines de Saint-Denis, Sainte-Marie et des bâtiments spécifiques (hôpital, aéroports, universités). La Martinique, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont attentives à la progression de ces projets puisqu’elles envisagent d’en conduire sur leurs territoires, pour équiper leurs locaux collectifs. En novembre 2010, le conseil régional de la Martinique a signé une convention avec DCNS pour la réalisation du prototype d’utilisation de l’énergie thermique des mers (ETM), système utilisant un gradient de température pour produire de l’électricité, particulièrement adapté pour les mers chaudes. L’exploitation des ressources minérales profondes (essentiellement

L’hôtel Bora Bora Beachcomber Intercontinental resort. La technique Swac de climatisation par le puisage de l’eau de mer profonde a fait ses preuves dans cet hôtel de Polynésie française et vient d'être installée dans un nouvel hôtel du groupe, sur l’atoll de Tetiaroa. D’autres projets sont en cours à La Réunion suivis de près par la Martinique et la Nouvelle-Calédonie.

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les nodules polymétalliques et les amas sulfurés) est un autre enjeu d’avenir pour les Outre-mer. Afin de s’y préparer et suite au comité interministériel de la mer (CIMER) de décembre 2013, l’expertise scientifique collective (ESCO) a remis ses conclusions en juin dernier et une feuille de route a été établie afin de mettre en œuvre le programme national de recherche et d’accès à ces ressources. A ce titre, la France s’est vue octroyer par l’AIFM (autorité internationale des fonds marins) un permis d’exploration sur les sulfures hydrothermaux de la dorsale atlantique, en juillet 2012. Des campagnes d’exploration des nodules polymétalliques menées par l’Ifremer, dans des partenariats publics-privés, ont eu lieu notamment dans la zone de Clarion, Clipperton et au large de Wallis et Futuna. S’agissant des gisements d’hydrocarbures marins, trois collectivités sembleraient détenir des ressources hydrocarbures en mer : les TAAF (Juan >>

PHOTO : BEACHCOMBER INTERNATIONAL

L’économie maritime, avenir du développement des Outre-mer ?

Une activité portuaire en renouveau


Plisson .com Quand la mer s’affiche, vos murs prennent le large !

OUTRE-MER HORS-SÉRIE >> de Nova), Saint-Pierre-et-Miquelon, pour qui la France a déposé sa demande d’extension du plateau continental auprès de l’AIFM et la Guyane. Les recherches en cours à Juan de Nova ainsi qu’au large de la Guyane font naître autant d’espoir d’exploitation que de retombées économiques, même s’il convient d’être prudents et surtout patients dans ces domaines vastes.

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La biodiversité, un atout d’avenir et un moteur de la croissance

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Le développement de l’économie maritime outre-mer ne peut se faire sans assurer la préservation de la richesse unique de la biodiversité de ces territoires : en effet, grâce aux Outre-mer, la France est le quatrième Etat au monde pour ses récifs coralliens qui représentent 10 % des récifs mondiaux et 20 % des atolls. Or, en l’état actuel de la pression sur l’environnement, 50 % des coraux au niveau mondial seront perdus à l’horizon 2050. 30 % des coraux sont d’ores et déjà dégradés. La préservation de l’environnement marin est indispensable à la pérennisation de bon nombre d’activités maritimes outre-mer : pêche,

aquaculture, plaisance et loisirs nautiques. Elle constitue également un potentiel de développement de nouvelles activités, par exemple en matière de démantèlement des navires. La création prochaine des conseils maritimes ultramarins, chargés de rédiger les documents stratégiques pour chacun des quatre bassins maritimes ultramarins (Antilles, Guyane, Sud océan Indien et SaintPierre-et-Miquelon), doit permettre une gestion intégrée des activités maritimes et littorales d’outre-mer, alliant développement économique et préservation de l’environnement.

La défense de notre souveraineté, une nécessité partagée Enfin, la France se donne les moyens de préserver ses intérêts économiques outre-mer : en luttant contre la pêche illégale en Guyane et contre la piraterie dans l’Océan indien, en s’assurant du

Le récif coralien de l’atoll de Tetiaroa en Polynésie française. « 30 % des coraux mondiaux sont d’ores et déjà dégradés. La préservation de l’environnement marin est indispensable à la pérennisation de bon nombre d’activités maritimes outre-mer : pêche, aquaculture, plaisance et loisirs nautiques. » THOMAS DEGOS

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Le Pourquoi Pas ?. Partagé entre la Marine nationale et l’Ifremer, le navire est, pour la France, un formidable outil d’exploration des océans. Il assure des missions d’hydrographie, de géosciences, d’océanographie physique, chimique et biologique. « L’exploitation des ressources minérales profondes, essentiellement les nodules polymétalliques (photo ci-contre) et les amas sulfurés, est un enjeu d’avenir pour les Outre-mer. » THOMAS DEGOS

respect de la souveraineté française dans l’ensemble de ses territoires. À ce titre, et conformément au dernier CIMER, le contrat d’acquisition par la Marine nationale de trois bâtiments multi-missions pour les Antilles, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie a été notifié. Que manque-t-il donc pour que les Outre-mer deviennent le « nouvel eldorado maritime » ? Sans doute la consolidation d’une économie maritime ultra-marine, qui passe également par l’organisation d’une filière plus structurée, plus puissante, plus à l’affût des opportunités et qui reçoive l’appui des partenaires publics. L’État, tant central que territorial, s’y emploie activement, par exemple en soutenant les clusters d’entreprise ou en préparant l’avenir dans les contrats de plan. Saluons ici les initiatives locales et nationales du Cluster maritime français, qui donne la bonne direction aux engagements de la filière maritime. L’État soutient clairement ce type d’actions, facilitant également le dialogue et la partage d’informations. Décidément, la mer n’est plus seulement ce qu’on aperçoit derrière soi sur la plage… ■

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La France d’outre-mer, un empire à protéger Par

E

lontairement restés dans la République, même si une large autonomie prévaut désormais dans les territoires du Pacifique. Grâce à nos Outre-mer, les nouvelles zones économiques exclusives (ZEE) établies depuis la convention de Montego Bay ont porté l’espace maritime, placé sous juridiction française 1, au deuxième rang mondial, avec plus de 10 millions de km2. Étendue immense, espace de respiration dont la richesse potentielle est considérable. À l’heure où les ressources terrestres s’épuisent, où les populations mondiales en pleine expansion se rapprochent de plus en plus des rivages

maritimes, l’océan se présente comme le nouvel espace vital, un eldorado encore largement vierge et inexploité. Ce potentiel considérable place a priori notre pays dans une situation privilégiée. Nos Outre-mer devraient naturellement en être les premiers bénéficiaires, dans la perspective de les rendre plus autonomes économiquement.

Des ressources convoitées, parfois pillées Pour l’instant, l’immense domaine de nos ZEE outre-mer paraît peu attractif économiquement. On ne sait pas encore le caracté-

miens exploitent d’ailleurs, presqu’en toute impunité, nos eaux riches en crevettes. On pourrait citer le cas de nos ZEE du canal du Mozambique, aux ressources également très prometteuses, où les moyens de surveillance sont quasi inexistants. Les potentialités et les richesses de nos eaux et fonds marins seraient-elles d’une autre nature que celles situées sur la terre ferme ? Par ailleurs, les frontières maritimes de la France ne se situent pas sur le littoral métropolitain. Au travers des mers et océans, seules les limites des eaux territoriales séparent la France de la majorité des pays du monde. Si l’on veut bien les considérer de façon dynamique comme les limites raisonnables de l’endroit - ou du moment - à partir duquel on estime qu’une menace éventuelle ne peut plus être contrée a priori, les vraies « frontières » sont en réalité bien loin de nos côtes. Elles sont situées prin-

« Grâce à nos Outre-mer, les nouvelles zones économiques exclusives (ZEE) établies depuis la convention de Montego Bay ont fait de l’espace maritime placé sous juridiction française une étendue immense, un espace de respiration dont la richesse potentielle est considérable. » VICE-AMIRAL (2S) DESCLÈVES

PHOTO : PHILIP PLISSON

nviron 675 000 km2 : c’est la surface terrestre réelle de la France, à défaut d’être celle de nos souvenirs et de nos manuels scolaires qui indiquent invariablement 550 000. Une erreur significative qui consiste simplement à oublier l’Outre-mer et ses quelque 2 500 000 Français. Des terres, territoires, îles et archipels dont beaucoup sont devenus français bien avant certaines pro- vinces ou villes métropolitaines : Saint-Pierre-etMiquelon en 1534, la Martinique en 1635, la Réunion en 1642, la Guyane en 1676, Kerguelen en 1722, la Terre Adélie en 1840, La Polynésie en 1842, la NouvelleCalédonie en 1853... Perpignan le fut en 1659, la Franche Comté en 1678, Nice en 1860. Le soleil ne s’y couche jamais. Il y a bien longtemps, les Britanniques étaient fiers de caractériser, par cette formule imagée, l’étendue planétaire de leur empire. Aujourd’hui, la France est en réalité le seul pays au monde à pouvoir y prétendre. Cinq, six et même onze heures de décalage négatif vers l’Ouest ; trois, quatre, cinq et jusqu’à onze heures de décalage positif vers l’est. Làbas aux antipodes, la question est de savoir quel est le décalage entre Tahiti et Futuna, par exemple : pas très simple, avec la ligne de changement de date entre les deux. Des circonstances historiques diverses nous ont, autrefois, conduits à prendre la responsabilité de ces archipels et autres îles isolées qui constituent, aujourd’hui, la France d’outre-mer. À la différence notable de ce qui advint dans d’autres nations occidentales, ils sont vo-

EMMANUEL DESCLÈVES *

riser ni a fortiori le valoriser. Certains envisagent même de céder les droits souverains attachés à des îles isolées, comme par exemple Tromelin dans l’océan Indien ou Clipperton dans le Pacifique. Demain, cependant, lorsque les zones côtières surexploitées seront devenues insuffisantes, on se rendra compte de l’importance première de cet immense réservoir de ressources vierges en plein océan, déjà convoité et parfois pillé par d’autres, notamment dans le Pacifique Sud et l’océan Indien. Dès à présent, des centaines de millions sont investies en mer pour rechercher du pétrole au large de la Guyane dont on pense tirer, à terme, plus de trois milliards de dollars de pétrole par an. Ce département d’outre-mer bénéficie d’une ZEE d’une surface comparable à la moitié de celle de la France métropolitaine, mais surveillée par des moyens dérisoires. Les pêcheurs brésiliens et surina-

* Emmanuel DESCLÈVES. Vice-amiral

(2S). Membre titulaire (1re section) de l’académie des Sciences d’outre-mer.

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cipalement dans les ports d’embarquement des passagers ou de chargement des marchandises. Pour en donner une illustration concrète, les Américains mettent en place un processus leur permettant le cas échéant d’interdire in situ, en Chine ou ailleurs, l’embarquement d’une marchandise à destination d’un port américain. Suivre à la trace les marchandises et les hommes « de bout en bout », voilà l’objectif poursuivi en matière de sécurité. Cela étant, on en est encore loin, même pour les trafics « licites » et en particulier en pleine mer. On perçoit bien la réalité de cette menace lorsqu’il s’agit d’immigration clandestine par voie de mer : tant que la personne est dans son embarcation elle n’est pas en situation illicite. Mais elle devient automatiquement, selon les lois de la mer, une victime à secourir obligatoirement si l’embarcation présente un danger ou si elle se met à l’eau.

La police des mers a de l’avenir Aujourd’hui encore, savoir ce qui se passe sur mer est un vrai défi. Une connaissance entretenue en permanence, permettant de tenir à jour de façon fiable un état des activités conduites en mer, est loin d’être acquise a priori, même dans une zone limitée. Sans même évoquer ce qui se passe dans les profondeurs des océans qui eux, ne sont accessibles qu’à un petit nombre et encore de façon limitée. Et une fois cette situation générale connue, encore faut-il en extraire l’information utile en l’occurrence, c’est-à-dire celle qui concerne des situations considérées comme illicites ou >> 1. À la différence de la mer territoriale (12 milles), notons qu’il ne s’agit pas de souveraineté ou de « pleine propriété » dans les ZEE, mais seulement de droits de l’État côtier relatifs à l’exploitation économique de ces zones, dans lesquelles la navigation reste ouverte à tous. Au-delà des ZEE, la haute mer qui couvre environ 65 % des espaces maritimes est l’espace libre par excellence (Res Nullius).


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PHOTO : PHILIP PLISSON

Des moyens de contrôle insuffisants

>> anormales, selon des critères à définir. Après avoir identifié les situations anormales, il faut enfin pourvoir intervenir pour y remédier. Cela demande naturellement des moyens ad hoc maritimes, aériens, spatiaux ou terrestres, ainsi que tout un arsenal de règles juridiques adaptées compte tenu d’un contexte international et transfrontalier complexe. Bref, la « police » des mers a de beaux jours devant elle, surtout dans les immenses zones désertes à l’écart des grandes routes maritimes. Ne nous y trompons pas : la puissance maritime reste au cœur des débats, présents et à venir. Sans système de surveillance et de contrôle des espaces maritimes, sans bâtiment de guerre et moyens 2 de l’État, pas de liberté de circulation, pas d’exploitation contrôlée et responsable des ressources de la mer, pas de maîtrise de la pollution ni de conservation des es-

pèces, pas d’activités de loisirs ni de recherche scientifique. L’exemple de la piraterie – endémique et largement renaissante – montre bien les limites du concept classique d’une mer considérée comme res nullius (qui n’appartient à personne) lorsque les moyens de surveillance et d’action sont réduits. Devant la menace de la piraterie que les marines de guerre peinent à contenir en raison du faible nombre de leurs plates-formes rapporté à l’immensité des océans et à l’intensité croissante du trafic maritime, certains armateurs privés renouent d’ailleurs avec les pratiques anciennes et dotent leurs navires (ou leurs installations offshore) de moyens militaires de défense contre les attaques, avec toutes les dérives que peut engendrer cette privatisation croissante de l’emploi de la force en mer. On constate même, dans certaines

L’île du Salut en Guyane. « Ce département d’outre-mer bénéficie d’une ZEE d’une surface comparable à la moitié de celle de la France métropolitaine, mais surveillée par des moyens dérisoires. » VICE-AMIRAL (2S) DESCLÈVES

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zones, l’arrivée de bâtiments armés privés. Les pays émergents ont tous bien compris l’importance d’une marine puissante pour défendre leurs intérêts. Alors que les Européens semblent se saborder en ordre dispersé, ces pays et ceux qui les entourent engagent d’importants programmes d’extension ou de renouvellement de leurs moyens navals. Conscients des ressources que recèlent les océans qui bordent leurs rivages, certains pratiquent même des stratégies de déni d’accès afin de se tailler la part du lion dans la répartition de richesses dont la «propriété» est encore incertaine. Le Livre blanc chinois énonce ainsi sans détour : « The seas and oceans provide immense space and abundant resources for China’s sustainable development, and thus are of vital importance to the people’s wellbeing and China’s future. It is an essential national

Nouvel eldorado dont les règles de gouvernance et d’usage sont bien peu contraignantes, les océans sont aujourd’hui largement convoités par toute sorte de prédateurs. Quelles que soient les réglementations à venir, il ne fait pas de doute que des gendarmes seront nécessaires pour préserver ces richesses et garantir leur exploitation raisonnable et durable. Des dispositifs de surveillance et des moyens actifs d’intervention seront nécessaires pour couvrir des activités offshore de plus en plus développées et dont la forte valeur ajoutée suscite naturellement la convoitise générale. Le Livre blanc (Ndlr : français) de 2013 rappelle, à juste titre, l’importance de nos ZEE et des voies de communication maritimes. S’agissant de la protection des Outre-mer, il est prévu qu’un « programme quinquennal d’équipements mutualisés avec les ministères civils sera élaboré dès 2013 ». Mais la LPM ne promet pratiquement rien de mieux qu’un difficile voire hypothétique maintien du dispositif actuel, notoirement insuffisant au regard des perspectives très réelles de développement d’activités multiples en mer. À titre de comparaison, le Brésil a lancé un appel d’offres de 4 milliards de dollars pour la mise en place d’un vaste système de contrôle de l’activité dans ses espaces maritimes. Pour contrôler une zone économique outre-mer près de trois fois plus grande que celle du Brésil, la France ne dispose de son côté d’aucun système intégré de surveillance, de rares aéronefs et de quelques patrouilleurs hauturiers anciens qui naviguent assez peu. Environ cent vingt jours par an en ce qui concerne la Marine, voire moins pour les autres

administrations. Ce qui veut dire concrètement que ces navires ne sont utilisés au mieux que le tiers du temps, ou qu’il en faudrait trois pour assurer une permanence à la mer. Faiblement armés, ces moyens navals sont conçus et construits selon les normes civiles. C’est-à-dire qu’ils sont potentiellement capables de naviguer environ trois cent cinquante jours par an, comme les navires marchands de taille équivalente.

Explorer de nouvelles voies Face à la pénurie de moyens navals de l’État et à la difficulté de les renouveler, consacrée par le Livre blanc et la Loi de programmation militaire, la question se pose de savoir s’il n’y a pas lieu de sortir des errements traditionnels pour répondre aux défis posés. Plusieurs voies pourraient être explorées. La première concerne le financement des moyens : on peut passer d’une logique patrimoniale à un système de fourniture de services via des partenariats public-privé ou même envisager la participation financière des collectivités locales, voire des entreprises privées concernées

« Ne nous y trompons pas : sans système de surveillance et de contrôle des espaces maritimes, sans bâtiment de guerre et moyens de l’État, pas de liberté de circulation, pas d’exploitation contrôlée et responsable des ressources de la mer, pas de maîtrise de la pollution ni de conservation des espèces, pas d’activités de loisirs ni de recherche scientifique. » VICE-AMIRAL (2S) DESCLÈVES

par les activités en mer. Dans le domaine de la piraterie on voit ainsi se développer le recours à des sociétés de service privées. On observera par ailleurs que la Gendarmerie a créé sur financement d’EDF des pelotons de surveillance dédiés aux centrales nucléaires. Deuxième axe de réflexion : l’exploitation des moyens. Sur un navire privé opérant sous pavillon national, les marins français au long cours naviguent effectivement (sont à bord) la moitié du temps (plus de cent quatrevingt jours par an); autrement dit, il faut deux équipages pour assurer une activité opérationnelle H24 et trois cent soixante-cinq jours par an. Les différences notoires de régime avec les marins armant les différents navires de l’État, militaires ou civils, mériteraient un examen courageux et lucide. Ce constat est en réalité celui des régimes de la fonction publique en général, au regard des pratiques du secteur privé concurrentiel. >> 2. Cela couvre l’ensemble des moyens pertinents : navires, aéronefs, satellites, drones, dispositifs à terre, renseignement, etc. 3. The Diversified Employement of China’s Armed Forces, The People’s Republic of China, avril 2013, Beijing.

PHOTO : MARINE NATIONALE

development strategy to exploit, utilize and prospect the seas and oceans, and built China into a maritime power. »3

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TRIBUNE

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Troisième voie, enfin : l’emploi partagé. Il s’agit des navires dont la propriété ainsi que l’exploitation sont partagées entre plusieurs utilisateurs pour mieux les rentabiliser. C’est notamment l’exemple fructueux des navires hydrographiques Beautemps-Beaupré et Pourquoi pas? qui sont partagés entre la Marine nationale et l’Ifremer. Mais poursuivons la réflexion : s’agissant de navires logistiques, de soutien ou auxiliaires, les Britanniques ont depuis longtemps opté pour ceux-ci pour un statut différent de celui des unités de la flotte de combat, de la Royal Navy. Or-

PHOTO : ROYAL NAVY

La France doit trouver de nouvelles voies pour se doter de moyens supplémentaires d’intervention sur et sous les océans. Ci-dessus, le Beautemps-Beaupré, l’un des deux navires hydrographiques avec le Pourquoi Pas ? intelligemment partagés entre la Marine nationale et l’Ifremer. Ci-contre, l’ancien navire de soutien britannique Largs Bay de la Royal fleet auxiliary, cédé en 2011 à la Marine royale australienne. « Alors que le ministère français de la Défense peine à trouver les ressources nécessaires à renouveler un certain nombre de moyens navals de soutien, l’exemple britannique qui a opté dans ce domaine pour un statut différent de celui des unités de la flotte de combat, ne permettrait-il pas de sortir en partie de cette impasse ? » VICE-AMIRAL (2S) DESCLÈVES

>>

est en cours de développement à la MartiIl y a quarante-cinq ans, le 2 février 1969, le génique à la suite de la signature d’une convennéral de Gaulle en visite à Brest le prédisait : tion entre la Région et les entreprises DCNS « L’activité des hommes se tournera de plus en et Akuo Energy pour la réalisation d’un proplus vers la recherche de l’exploitation de la totype ETM de 10 MW, qui pourrait ensuite mer. Et, naturellement, les ambitions des États être adapté à la Réunion et à la Polynésie chercheront à dominer la mer pour en contrôfrançaise. ler les ressources. » Or, aujourd’hui, grâce à la Dans une logique d’amélioration/reconfiguConvention internationale sur le droit de la ration du modèle économique ultramarin, un mer de 1982, – applicable depuis 1994 –, effort accru en recherche et développement l’Outre-mer donne à la France 97 % de son (R&D) permettrait enfin de développer l’exdomaine maritime. La France possède ainsi cellence locale, et serait de nature à promoula deuxième plus grande ZEE du monde. Les voir, au niveau régional, l’exportation de 11 millions de km² de ZEE 1 française sont concepts et de produits ultramarins notamdestinés à être encore accrus de 2,5 millions ment dans le domaine des énergies marines rede km2 dans le cadre du projet Extraplac (lire Par JEAN-PIERRE PHILIBERT nouvelables, des biotechnologies, de l’aquapage 24), ce qui porterait la ZEE française à Président de la Fédération culture. Les DCOM ont ainsi vocation à 13,5 millions de km2. À titre de comparaison, des entreprise d’outre-mer devenir les territoires d’adaptation de l’innola ZEE de l’Allemagne n’est que de 57 500 (Fedom). www.fedom.org vation française au milieu tropical. Dans une km². Nos Outre-mer représentent la totalité logique de valorisation des atouts locaux, un effort accru en R&D des 55 000 km2 des coraux français – 10 % des récifs du monde – via le Cirad, l’Ifremer, l’IRD, l’INRA, le BRGM 4 permettrait , offrant par la richesse de leur biodiversité des perspectives de développement scientifique, et particulièrement pharmaceutique. aussi de développer l’excellence ultramarine. Les dépenses de R&D, qui représentent dans les DOM 0,65 % du PIB en 2010 90 % des marchandises transitant aujourd’hui par la mer, les DCOM 2 devraient être dotés d’infrastructures logistiques de ré(2,24 % en moyenne nationale), doivent donc être augmentées, férence dans le commerce maritime. Pour les ports antillais, l’agranet cet effort sera facilité par l’augmentation bienvenue, dans les dissement programmé du Canal de Panama constitue une chance DOM, du taux du crédit impôt recherche (de 30 % à 50 % : PLF 2015). Il pourra aussi s’inscrire dans le cadre des objectifs fixés par de développement. Le port de La Réunion présente également la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 et, désormais, le projet de loi « Trand’indéniables atouts, dûment reconnus par CMA-CGM (lire page sition énergétique » en cours de discussion au Parlement. Le centre 35). Des potentialités existent également avec l’agrandissement du port de Longoni, à Mayotte, dans la perspective d’un dévede gravité du monde s’est déplacé vers les zones maritimes. Il loppement rapide de l’Afrique de l’Est. L’Outre-mer représente nous faut donc résolument concevoir nos Outre-mer comme de déjà 6 % du trafic portuaire français alors que les 11 DCOM ne véritables atouts géo-économiques. Les investissements d’aureprésentent que 4,1 % de la population de notre pays. jourd’hui dans les DCOM sont les emplois de demain et au final, Dans ces conditions, les Outre-mer doivent trouver de noucela coûtera moins cher à l’État que de gérer le coût social lié au veaux moteurs de croissance et valoriser résolument leurs atouts manque d’investissement. Nous devons, dès lors, nous adapter aux enjeux et potentialités maritimes, sous peine d’être les témaritimes. Lancé en 2009, le Grenelle de la Mer avait pour but de privilégier les territoires ultramarins comme zones de démoins passifs, aigris et résignés d’un développement économique ploiement précoce des technologies d’énergies marines. Le Livre majeur, lequel risquerait d’échapper à une France sans ambition maritime, repliée sur l’Europe en stagnation – et tétanisée par bleu était clair : « L’objectif général d’assurer au plus tôt l’auto■ ses obsessions budgétaires. nomie énergétique des DOM/COM conduira à faire des Outremer la vitrine française des énergies renouvelables marines. » Dans cette perspective, il insistait sur la nécessité d’étudier la faisabilité d’un démonstrateur d’énergie thermique des mers dans chaque 1. Une Zone économique exclusive (ZEE) est, d’après le droit de la mer, un esDOM/COM. L’Énergie thermique des mers (ETM) utilise la difpace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière férence de température entre la surface des océans et les eaux d’exploration et d’usage des ressources. Elle s’étend à partir de la ligne de base profondes froides, avec un fort potentiel outre-mer. Selon de l’État jusqu’à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum. 3 l’Ademe , le grand intérêt de cette énergie est qu’elle est exAu-delà il s’agit des eaux internationales. 2. Départements et collectivités d’outre-mer ploitable toute l’année, nuit et jour, apparaissant de, ce fait, comme 3. Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (www.ademe.fr) une possible alternative aux énergies fossiles. Son exploitation 4. Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le est, en outre, associée à des « sous-produits » intéressants : eau développement), Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), douce, eau froide pour la climatisation à partir du procédé SWAC IRD (Institut de recherche pour le développement), INRA (Institut national de recherche agronomique), BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). (lire page 67), sels nutritifs piégés dans les eaux profondes. L’ETM PHOTO : DR

PHOTO : AMBASSADE DE FRANCE À PRAIA - MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

« Nous devons concevoir nos Outre-mer comme de véritables atouts géo-économiques »

ganisme distinct de la Royal Navy (RN), la Royal Fleet Auxiliary (RFA) regroupe certains navires amphibies ainsi que la totalité des navires de soutien logistique. Ces navires d’État sont construits suivant les normes de la marine marchande et sont armés par des équipages sous statut civil (2300 personnes dont 825 officiers). Outre la partie de la flotte opérationnelle et armée sous responsabilité de la RFA, la marine britannique a confié pour quinze ans la concession de toutes ses servitudes portuaires à la société privée SercoDenholm. En définitive, la flotte

militaire britannique est constituée de deux composantes armées à statuts différents (RN et RFA). Toutes les servitudes sont ainsi assurées par le secteur privé. Cette segmentation s’avère à l’usage fonctionnelle et économe. Alors que le ministère français de la Défense peine à trouver les ressources nécessaires à renouveler un certain nombre de moyens navals de soutien, l’exemple britannique ne permettrait-il pas de sortir en partie de cette impasse? « En période de crise, la seule chose qui nous perdra, c’est de penser comme tout le monde », expose Michel Serres. ■

Cet article a été publié en décembre 2013 dans la revue Défense nationale (n° 765).

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Entretien avec GÉRARD GRIGNON * Président de la Délégation à l’Outre-mer du CESE

ministère de l’écologie, de l’environnement durable et de l’énergie en charge de la mer – n’aient pas répondu à cette consultation.

■ Vous êtes l’auteur d’un rapport sur ce sujet. Quel en est l’objectif ?

Dans un rapport et avis intitulé « l’extension du plateau continental au-delà des 200 milles marins, un atout pour la France », le Conseil économique, social et environnemental s’est emparé de cette question fondamentale pour notre pays et traite de l’ensemble de ces aspects. Fait rare dans cette institution, l’Avis a été voté en assemblée plénière à l’unanimité par les cent quatre-vingt membres présents. Le rapport du CESE fait aussi état des ressources potentielles considérables du plateau continental : hydrocarbures, sulfures hydrothermaux, encroûtements cobaltifères, nodules polymétalliques, hydrogène naturel, terres rares, ressources biologiques, organismes vivants sédentaires. Notons qu’en 2012, à elle seule, la Chine a produit plus de 80 % de la production annuelle d’antimoine, de bismuth, de magnésium, de terres rares et de métaux mineurs. Les spécialistes s’accordent à dire que les res-

■ Dans le contexte actuel de crise économique, la France peut-elle

se permettre de négliger les atouts maritimes dont elle dispose ?

PHOTO : DR

Elle le peut d’autant moins que l’article 76 de la Convention de Montego Bay de 1982 donne aux pays côtiers la possibilité d’étendre leur plateau continental au-delà des 200 milles marins si leur marge continentale se situe au-delà. Concrètement, c’est la possibilité pour la France d’étendre ses droits souverains sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol marins, sur près de 2 millions de km2 supplémentaires dont 99 % grâce à ses territoires ultramarins. Pour ce faire, notre pays a mis en place, en 2003, un programme baptisé Extraplac. Il avait jusqu’au 9 mai 2009 pour déposer ses demandes d’extension auprès de la Commis-

« La France dispose avec ses Outre-mer du second espace maritime mondial et peut encore l’agrandir grâce à eux » Propos recueillis par Erwan Sterenn ■ Cela signifie aussi – et peut-être surtout – l’accès à de nouvelles

PHOTO : PHILIP PLISSON

■ La France a-t-elle conscience du privilège et de l’atout considérables que lui offre sa façade maritime ? L’Europe, elle-même concernée, le réalise-t-elle ?

ressources…

On estime en effet que 90 % des réserves d’hydrocarbures et 84 % des métaux rares se situent dans les fonds marins, de même que 30 % de la production mondiale des hydrocarbures est réalisée offshore. L’Homme a déjà commencé à exploiter l’énergie hydrolienne, l’énergie thermique des mers et certains minerais. Il expérimente et utilise les ressources génétiques marines en cosmétique et pharmacologie. L’économie maritime, y compris le transport maritime qui compte pour 90% dans les échanges internationaux, représente un chiffre d’affaire mondial annuel de 1 500 milliards de dollars, ce qui en fait le deuxième secteur économique après l’agroalimentaire. De nombreux pays, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil, le Japon, le Canada…, sont déjà positionnés sur la recherche et l’exploitation des ressources des fonds marins. En parallèle, alors que la Commission européenne a pris conscience de ces enjeux en lançant, en mars 2014, une consultation publique pour réglementer les activités d’exploitation minière des fonds marins tout en assurant la protection de l’environnement, il est consternant de constater que les autorités françaises compétentes – et tout particulièrement le

La France possède en effet le deuxième espace maritime au monde après les États-Unis et devant l’Australie. Notre pays dispose d’un domaine maritime de 11 millions de km2 dont 10,6 millions grâce à ses territoires ultramarins répartis dans le monde. Notre pays est présent aux frontières actives de territoires et de puissances stratégiques. Il est géographiquement placé à des carrefours clés du trafic maritime international. La France et l’Europe, par leur présence sur tous les océans et par leurs frontières communes avec des pays comme le Brésil, le Surinam, l’Afrique du Sud, Madagascar, l’Australie, les États de la Caraïbes ou ceux du Pacifique, ont ainsi la possibilité de jouer un rôle géostratégique de tout premier plan. * Gérard GRIGNON est député honoraire, membre du Conseil économique social et environnemental (CESE) représentant SaintPierre-et-Miquelon, et président de la Délégation à l’Outre-mer du CESE. Il a été rapporteur de l’Avis « Les enjeux de l’extension du plateau continental, un atout pour la France ».

Vue de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet archipel français d’outre-mer est situé dans l’océan Atlantique, à 25 km au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve. Une demande d’extension de son plateau continental au-delà des 200 milles marins est en attente auprès de la Commission des limites du plateau continental (CLPC).

sion des limites du plateau continental (CLPC), créée par la Convention de Montego Bay. Six cent mille km2 ont déjà été obtenus grâce aux dossiers déposés concernant le golfe de Gascogne, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie (secteur sud-est), les Antilles et les Kerguelen. Deux demandes sont en cours d’examen concernant Crozet et les Îles du Prince Édouard. Cinq demandes sont soit en attente d’examen, soit en attente du règlement de différends diplomatiques : il s’agit de celles de la Réunion, de SaintPaul et Amsterdam, de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie (secteur sud-Ouest) et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Restent à déposer les dossiers de la Polynésie française et de Clipperton. Faute de pouvoir apporter la preuve scientifique d’une extension, la France n’a pas déposé de dossier relatif aux Îles Éparses ainsi que pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

sources du sol et du sous-sol marin, les métaux dits mineurs, les terres rares, sont indispensables aux industries du futur et qu’en l’absence de ces ressources, la France ne peut espérer poursuivre un développement industriel ambitieux à long terme. Encore faut-il qu’au plus haut niveau administratif et politique, les responsables de la France et de l’Europe en soient convaincus. Pour sa part, la Délégation de l’Outre-mer du CESE l’est totalement. Son Avis, adopté le 9 octobre 2013 par la troisième assemblée constitutionnelle de notre pays, émet un ensemble de recommandations visant à nous placer sur la voie d’une grande politique maritime ambitieuse, objectif prioritaire incontournable pour l’avenir de la France dans le cadre d’un développement durable. ■

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Les énergies marines renouvelables, clé de l’autonomie énergétique des Outre-mer Par

dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, sont ambitieux : parvenir à 50 % d’énergies renouvelables, dès 2020, dans les quatre DOM et 30 % à Mayotte. Dans ce contexte, nous avons voulu montrer que le développement outre-mer des énergies marines renouvelables offrait des perspectives très intéressantes, tant pour répondre à l’enjeu de l’autonomie énergétique de nos collectivités ultramarines que pour permettre à nos filières industrielles, à nos PME travaillant dans le secteur, de se développer.

L’énergie osmotique, enfin, est créée par le phénomène de pression existant entre l’eau douce et l’eau salée lorsqu’elles se rencontrent (fleuve ou rivière se jetant dans l’océan). La migration de l’eau douce vers l’eau salée à travers une membrane peut être utilisée pour ac-

(4 ou 5° à – 800 ou 1 000 mètres). Elle consiste à les remonter jusqu’à un local technique constitué d’échangeurs utilisant des pompes, afin de refroidir les eaux d’un réseau secondaire, réseau d’eau glacée classique de climatisation. La Polynésie française a été la première collectivité en France à développer le Swac dans un hôtel haut de gamme, l’Intercontinental de Bora Bora. La technique a une nouvelle fois été mise en œuvre dans le dernier hôtel ouvert par le groupe Beachcomber international sur l’atoll de Tetiaroa (lire page 67 et 69). Le gouvernement polynésien a par ailleurs passé, en aout 2014, un appel d’offre pour la « conception et la réalisation d’un système de production de

frigories 2 à partir d’un puisage océanique en eau profonde (Swac), pour la climatisation du nouveau centre hospitalier de Tahiti ». À La Réunion, un projet Swac de très grande ampleur est en cours de développement. Piloté par le Syndicat intercommunal d’exploitation des eaux océaniques (Sideo), ce projet de 150 millions d’euros a pour objectif de climatiser une soixantaine de bâtiments, publics et privés (aéroport, université, centres commerciaux), des zones urbaines de Saint-Denis et Sainte-Marie et de développer d’autres activités en parallèle. Les travaux devraient dé- >> 1. www.lecese.fr 2. Unité de mesure du froid.

De multiples technologies Les énergies marines renouvelables regroupent cinq sources différentes liées à l’eau (outre les éoliennes installées en mer et la biomasse marine), qui sont encore aujourd’hui essentiellement au stade de la recherche et des études. L’énergie marémotrice utilise l’attraction lunaire sur les océans et peut être exploitée industriellement dans des sites où le mouvement des marées est particulièrement significatif. L’énergie hydrolienne est produite à partir de la force mécanique des courants marins en profondeur. L’énergie houlomotrice utilise l’énergie de la houle et des vagues (après leur formation, les ondes de surface peuvent se déplacer à des milliers de kilomètres avec une faible perte d’énergie), captée par des flotteurs reliés entre eux. L’énergie thermique des mers utilise la différence de température entre la surface des océans – en particulier au niveau des tropiques – et les eaux profondes froides (– 800 à 1 000 mètres).

est député honoraire, membre du Conseil économique social et environnemental (CESE) représentant Saint-Pierre-et-Miquelon, et président de la Délégation à l’Outre-mer du CESE. Il a également été rapporteur de l’Avis « les enjeux de l’extension du plateau continental, un atout pour la France ».

* Gérard GRIGNON

Le lagon et le récif de l’atoll de Tetiaroa en Polynésie française. La Polynésie française est, comme La Réunion et la Martinique, à la pointe de l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables. « Les objectifs assignés à l’outre-mer, à l’horizon 2030, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, sont ambitieux : parvenir à 50% d’énergies renouvelables, dès 2020, dans les quatre DOM et 30% à Mayotte. » GÉRARD GRIGNON

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PHOTO : TIM.MCKENNA.COM

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ans son rapport et Avis intitulé « Les énergies renouvelables outremer : laboratoire pour notre avenir », le Conseil économique, social et environnemental 1 a voulu montrer en quoi les systèmes énergétiques insulaires français représentent un défi majeur et permanent pour le secteur de la production énergétique en raison de leur caractéristique de Zones non interconnectées au réseau national. Les collectivités ultramarines présentent un certain nombre de spécificités, dont l’isolement et l’insularité, mais elles ont aussi, pour la plupart d’entre elles, celle de disposer d’un formidable potentiel énergétique à travers des ressources naturelles, en particulier marines, encore insuffisamment mise en valeur. À ceci s’ajoute une consommation d’énergie en forte croissance, à la fois par l’effet mécanique de l’accroissement des populations mais également par la croissance économique très forte des vingt dernières années, caractérisée par une demande légitime d’accès au bienêtre. En matière de transition énergétique, les enjeux outre-mer peuvent être résumés de la manière suivante : réduire la dépendance aux énergies fossiles en maitrisant notamment la consommation et la demande d’énergie tout en produisant localement toute l’électricité nécessaire, grâce en particulier aux ressources renouvelables locales. Pour ces territoires dépourvus de ressources terrestres énergétiques fossiles locales, les énergies renouvelables représentent déjà une part parfois substantielle de leur bilan énergétique. Les objectifs assignés à l’outre-mer, à l’horizon 2030,

GÉRARD GRIGNON *

tionner une turbine. Compte tenu des enjeux énergétiques propres à l’outremer, certaines collectivités telles que La Réunion, la Martinique ou encore la Polynésie française ont, depuis déjà plusieurs années, développées ces énergies marines avec notamment des projets récents autour de l’énergie thermique des mers, énergie prometteuse à bien des égards : importance de la ressource énergétique potentielle produite, production continue, prédictibilité parfaite. La Polynésie française et La Réunion mettent en œuvre aujourd’hui des projets Swac très intéressants. Le See water air conditionning ou climatisation par eau de mer est une utilisation directe de l’énergie thermique des eaux froides profondes


TRIBUNE

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À peine visibles dans la végétation, les bungalows de l’hôtel The Brando sur l’atoll de Tetiaroa en Polynésie française. Ce tout nouvel hôtel de luxe du groupe Beachcomber international est climatisé par un système de puisage de l’eau de mer profonde (technologie Swac). « Tous ces projets ultramarins, liés au développement des énergies marines, interviennent à un moment clé des débats locaux et nationaux sur la transition énergétique. » GÉRARD GRIGNON

eaux de surface et les eaux profondes, la Martinique va développer un important projet, nommé Nemo, de centrale pilote d’énergie thermique des mers, essentiellement financé par des fonds européens (lire page 40). Cette technique s’appuie sur l’utilisation des eaux de surface chaudes pour vaporiser un fluide, généralement de l’eau ou de l’ammoniaque. Une fois ce fluide vaporisé, il fait tourner une turbine qui génère de l’électricité. L’utilisation de l’eau froide sert à la condensation. Cette technologie se situe à une phase préindustrielle avec une recherche de viabilité économique et scientifique. Mais le potentiel de développement pour nos îles, situées dans la zone intertropicale, est très important, d’autant que cette énergie peut permettre l’essor d’activités parallèles telle que l’aquaculture. Les énergies hou-

Tahiti, et pour un projet d’expérimentation d’une hydrolienne dans la passe de Kaki, sur l’atoll de Hao.

Le projet de loi sur la transition énergétique Il convient de souligner que tous ces projets ultramarins, liés au développement des énergies marines, interviennent à un moment clé des débats na tionaux et locaux sur la transition énergétique. En effet, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la transition énergétique. Grâce à la mobilisation d’un certain nombre de parlementaires et de la société civile (le Conseil économique social et environnemental avait été saisi au printemps dernier de ce projet de loi), ce texte gouvernemental a été amé-

lioré durant les débats en première lecture à l’Assemblée nationale et permet, à ce stade, la prise en compte d’un certain nombre de réalités ultramarines. Certains dispositifs doivent permettre l’essor de projets relatifs au développement des énergies marines. Le projet de loi prévoit, entre autres, que la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Pierreet-Miquelon aient chacun une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) distincte. Cette innovation importante facilitera une prise en compte réelle des spécificités, des potentialités propres à chaque territoire dans le cadre de leurs choix de mix énergétique. Il en va de même s’agissant des habilitations législatives en matière de réglementation énergétique accordées aux Conseils régionaux de Martinique et de Guadeloupe. Cette disposition, permise par la constitution, doit permettre à ces deux collectivités de mettre en place une réglementation énergétique adaptée à leur contexte local. De manière plus générale, le projet de loi prévoit que les collectivités ultramarines des départements d’outre-mer (DOM) seront également davantage associées à la définition des modalités des appels d’offres. De même, lorsque le développement d’une filière de production sera inférieur aux objectifs fixés dans les PPE, les collectivités pourront demander l’organisation d’un appel d’offres pour cette filière. Ces évolutions salutaires suffiront-elles toutefois à donner l’impulsion nécessaire pour une politique ambitieuse de développement, à grande échelle, des énergies marines renouvelables ? Nous pouvons en douter dans la mesure où ce projet de loi n’apporte, à ce stade, que peu de réponses aux nécessaires financements qu’exigent de tels investissements. Les autorités publiques nationales et locales doivent prendre toute la mesure de ces enjeux. Les débats qui vont avoir lieu au Senat, dans le cadre de la suite de l’examen du projet de loi, sont aussi l’occasion de se pencher sur ces questions. L’Ifremer rappelait récemment que les grands fonds recèlent « d’immenses richesses énergétiques, minérales et biologiques » et que nous n’en sommes qu’aux « balbutiements d’une exploration qui a commencé il y a seulement une trentaine ■ d’années »…

Les ports ultramarins au carrefour des échanges mondiaux La loi du 22 février 2012 portant réforme Le Conseil économique social et environneportuaire outre-mer constitue une première mental (CESE) s’est autosaisi de la question étape importante visant à répondre à ces de l’organisation portuaire ultramarine, considéfis. Par cette réforme statutaire d’ampleur, dérant les ports d’outre-mer comme l’un des les nouveaux établissements publics porvecteurs les plus puissants pour le déveloptuaires ont remplacé le port autonome de pement durable de nos collectivités ultrala Guadeloupe, et les trois ports d’intérêt marines. Le transport maritime, l’exploration national concédés aux chambres de comet l’exploitation durable des fonds marins, la merce et d’industrie locales de Fort-depêche et l’aquaculture, la construction naFrance (Martinique), de Dégrad-des-Cannes vale, la défense et la sécurité maritime sont (Guyane) et de Port-Réunion (Réunion). des secteurs d’activité clés pour l’avenir et la La réforme décline dans les départements croissance de l’Union européenne, de la d’outre-mer le modèle des grands ports maFrance et des Outre-mer qui comptent pour ritimes mis en œuvre dans l’Hexagone en 97 % de la superficie maritime de notre pays, 2011, tout en tenant compte des spécificités faisant de la France le premier espace mariinhérentes à la situation locale. time au monde. Par RÉMY-LOUIS BUDOC * La stratégie des ports de l’État en outreDans ce contexte, les ports d’outre-mer béDocteur en économie générale, mer, publiée en juillet 2013, s’inscrit dans ce néficient d’un positionnement géostratégique membre du directoire du Grand cadre et propose une vision plus cohérente déterminant, à la croisée des grands axes Paport maritime de Guyane. de l’action portuaire en outre-mer. cifique-Atlantique et Asie-Europe du transAu-delà de cette première étape statutaire, des interrogaport maritime mondial. C’est le cas notamment dans l’Atlantions subsistent sur les moyens concrets et les outils mis à distique avec la proximité du canal de Panama et du futur Grand position par l’État au profit des territoires pour la mettre en Océanic Canal du Nicaragua prévu à l’horizon 2020. Leur siœuvre. Il faut, en outre, souligner que la réforme ne s’applique tuation est spécifique et bien différente de celle des ports de pas aux ports des collectivités d’outre-mer régies à l’article l’hexagone, même si leur niveau d’activité est largement com74 ou 77 de la Constitution (notamment les deux grands ports parable à celui des grands ports métropolitains. En effet, nos colautonomes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédolectivités ultramarines sont confrontées à l’éloignement, à l’innie). Or, ces territoires français sont également engagés dans sularité pour la plupart d’entre elles et, dans tous les cas, à de la mondialisation et confrontés à des problématiques concurgrandes difficultés de communication avec l’extérieur. rentielles et économiques fortes. De ce fait, chaque grand port d’outre-mer constitue le lieu Dans ce contexte, le travail que nous allons mener au sein unique d’entrée des produits de grande consommation, des de la Délégation à l’Outre-mer du Conseil économique social ressources énergétiques ou encore des biens manufacturés, et environnemental nous conduira, d’une part, à dresser un premais aussi l’unique point de sortie pour les produits d’expormier bilan de cette réforme qui ne concerne que les grands tation. En outre, les ports ultramarins sont essentiels aux ports des quatre départements d’outre-mer historiques, et échanges intérieurs, qu’il s’agisse de cabotage ou de trafic inpasser en revue les évolutions récentes qui ont pu intervenir ter-île. Ils constituent donc des centres vitaux et stratégiques en au niveau des autres ports. termes de développement économique et social. Les platesNotre étude se proposera de dresser, d’autre part, pour formes portuaires en outre-mer se trouvent en position de mol’ensemble des ports ultramarins, des pistes de réflexion afin nopole pour l’approvisionnement des territoires. Leur paralyd’envisager une organisation portuaire plus efficace, structusie entraîne nécessairement celle de toute l’économie et de la rée et compétitive au service de la population et du dévevie locale. Plus qu’ailleurs, la problématique des ports ultraloppement durable des territoires, afin de mieux répondre marins français au cœur de la chaîne logistique d’approvisionaux évolutions du commerce maritime international et à la nement des territoires reste posée. ■ concurrence avec les ports étrangers. Or, les ports d’outre-mer sont confrontés à de nombreux défis économiques, sociaux et environnementaux afin d’améliorer une productivité très inférieure à celle des ports hexagonaux et de renforcer leur capacité à constituer de véri* Rémy-Louis BUDOC est conseiller économique social et environtables plateformes de développement économique face à nemental représentant la Guyane, rapporteur au nom de la Déune concurrence vive de la part de pays tiers et de grands légation à l’Outre-mer du CESE du projet d’étude « Les ports ensembles économiques régionaux (Mercosur, Asean, Cariultramarins au carrefour des échanges mondiaux ». com…) non soumis aux mêmes niveaux de normes. PHOTO : DR

lomotrice et hydrolienne offrent également d’importantes perspectives de développement avec des projets en cours ou à venir. Le gouvernement polynésien a, par exemple, l’intention de lancer un Appel à manifestation d’intérêt (Ami) pour la mise en place d’une centrale houlomotrice sur la côte sud de

PHOTO : TIM.MCKENNA.COM

>> buter mi-2015 pour une mise en service mi-2017. Entre 300 à 400 emplois devraient être créés, notamment pour creuser les 23 km de tranchées nécessaires à l’enfouissement des canalisations. Concernant l’énergie thermique dont la technique vise à produire une électricité par la différence de température entre les

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OUTRE-MER LA RÉUNION

Océan Arctique

HORS-SÉRIE

Europe Asie

Océan Pacifique

Afrique Amérique Océan du Sud Atlantique Océan Pacifique

Océan Indien

Saint-Denis Australie

Aéroport Rolland Garos-Gilot SainteSainte-Marie Clotilde

La Grande Chaloupe La Montagne Saint-François Sainte-Suzanne Rivière des Pluies La Possession Le Brûlé La Bretagne

Le Port

Antarctique

La Rivière des Galets L'Étang La Plaine Dos d'Ane Bois de Nèfles Aurère Saint-Paul Boucan-Canot Le Guillaume Cayenne Grand Îlet Salazie La Petite France Saint-Gilles-Les-Bains Saint-Gilles-Les-Hauts La Nouvelle Hell Bourg L'Ermitage Les Bains La Saline La SalineLes Trois-Bassins Les-bains Îlet à Cordes

Saint-Leu

La Fenêtre

Le Tévelave Piton Saint-Leu Les Avirons L'Étang-Salé les Bains

Cilaos

Bras Panon Saint-Benoît Sainte-Anne

Sainte-Rose La Plaine des Palmistes

Bourg Murat

Les Makes

La Plaine des Cafres L'Entre-Deux Le Dix-Neuvième Le Quatorzième L'Étang-Salé les Hauts La Ravine des Cabris Le Tampon

Saint-Louis Routes départementales Routes nationales 2 km

10 km

Aéroport Pierrefonds

Saint-Pierre

Océan Indien

Saint-André

Piton Sainte-Rose Piton de la Fournaise 2 631 m

Pointe des Cascades

Pointe du Tremblet Pointe de la Table

Petite île Saint-Joseph

Manapany-Les-Bains

Saint-Philippe

Langevin

« Le Cluster maritime de la Réunion doit favoriser l’action de tous les porteurs d’avenir »

notre Cluster maritime, avec sa trentaine de membres actifs et influents, est de rappeler en permanence : « Et la mer dans tout cela? », d’être présents dans les lieux de décision, d’exiger des adaptations ultramarines aux décrets-lois parisiens, de dire aux gens de La Réunion – qui par leurs ancêtres sont tous arrivés ici par la mer –, que l’avenir se construira avec l’Océan. De lui viendront les richesses, de la même façon que du volcan jaillit la lave. Quatre-vingt-dix pour cent des marchandises qui pénètrent à La Réunion passent par le Grand port maritime de la Réunion. Cet outil, avec son statut récent, est en cours de transformation avec l’allongement à 640 mètres du quai à conteneurs et le creusement, à 15,50 mètres, de la darse. «L’ancienne Route des Indes est devenue une véritable autoroute maritime entre l’Asie, l’Afrique du Sud et l’Amérique du Sud », explique Alain Gaudin, le président de son Conseil de surveillance. L’accord de transbordement récemment conclu avec CMA CGM est un exemple des « opérations de séduction » actuellement en cours. La concurrence est rude avec Port-Louis à l’île Maurice et Durban en Afrique du Sud. Le développement et la compétitivité de nos entreprises industrielles et commerciales passent par une organisation portuaire exemplaire. Nous avons à exporter, innover et investir pour créer de la richesse, et donc des emplois. La fluidité de la circulation des marchandises dans les axes NordPHOTO : PHILIP PLISSON

Amérique du Nord

Sud et Est-Ouest impose d’accueillir les transporteurs maritimes dans les conditions les meilleures possibles, et de créer des liaisons nouvelles, en particulier dans notre environnement proche. C’est une des missions du Cluster maritime de La Réunion que de soutenir ceux qui sont entrepreneurs. La transition énergétique est un dossier majeur. Nous œuvrons pour aller à une quasi-autonomie énergétique en 2030. Nous dépendons à l’heure actuelle à plus de 60 % du fuel et du charbon. C’est donc un énorme effort d’innovation et de créativité qui est en cours. Le Cluster maritime, à la place qui est la sienne, doit intervenir en permanence pour que les opérateurs >>

La Réunion, laboratoire des énergies marines

L

CERISOLA

Président du Cluster maritime de La Réunion

a Réunion, île de l’océan Indien, département-région de la France et région ultrapériphérique de l’Europe (RUP), est un territoire montagneux, volcanique, de 2 500 km2. Ses merveilleux reliefs et paysages sont reconnus par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’Humanité. La population, qui, vers 2030, atteindra le million d’habitants est jeune et constitue une richesse dont tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, détiennent du pouvoir, ont la responsabilité. La France dispose dans l’océan Indien, de l’équateur aux Terres australes et antarctiques (Taaf), d’un espace maritime de 22 millions de km2. Aux onze îles françaises (La Réunion, Mayotte, Europa, Juan de Nova et les Glorieuses), sont associées des zones économiques exclusives de 2,8 millions km2, soit l’équivalent de la Méditerranée ! Avec un tel potentiel, dans le monde tel qu’il est qui cherche à construire un avenir de prospérité, de travail et de paix, il serait irresponsable « de ne pas se bouger » ! C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2010, l’Association pour le développement industriel de La Réunion avec d’autres partenaires tels que les Pilotes maritimes, l’Université et les chercheurs, a débuté un cheminement qui s’est concrétisé par la création, le 22 septembre 2011, du Cluster maritime de La Réunion. Après la Journée de la Mer d’octobre 2010 qui a permis

de rassembler toutes les forces vives du territoire, concernées d’une façon ou d’une autre par notre « caractère marin », nous avons accueilli Francis Vallat, président du Cluster maritime français, infatigable missionnaire de la cause de la mer. Nous nous sommes intégrés aux travaux qui ont conduit à la réalisation du Livre Bleu de la Mer voulu par l’État. Une dynamique est née qui s’est traduite par les Assises de la Mer du 10 décembre 2011 où, en présence des autorités nationales et régionales, a été présenté solennellement le Livre Bleu Sud océan Indien. Avec un tel cadre, notre mission est clairement identifiée. Sur un territoire où le taux de chômage est de 30 %, où 60 % des jeunes sont sans emploi, où la croissance après avoir été de l’ordre de 5 % jusqu’en 2008 est maintenant inférieure à 1 %, comment passer de l’incantation à l’action ? Les Outre-mer sont non pas une charge, mais une chance pour le pays. Il faut le démontrer ! En termes de développement durable, d’énergies renouvelables, d’innovation, d’exploitation de notre potentiel culturel, d’exemplarité dans la mise en œuvre du « vivre ensemble », comment être efficaces et productifs ? Certes beaucoup de choses se font déjà grâce à la solidarité nationale et à notre caractère de RUP. Chacun à La Réunion en est bien conscient. Mais il faut aller beaucoup plus vite. Et le rôle de

Énergie thermique des mers (ETM) DCNS a décroché, début 2014, un contrat pour la mise en place d’une centrale de démonstration… à la Martinique après des essais effectués… à La Réunion. De meilleures conditions climatiques et un meilleur gradient de température ont favorisé la Martinique. Prototype à terre ETM (PAT ETM). Un prototype à échelle réduite (1/150e) a été financé dans le cadre des Investissements d’avenir et installé à l’IUT de Saint-Pierre. Il permet de valider le circuit thermodynamique d’une centrale ETM de taille réelle et de tester différents types d’échangeurs. La Réunion dispose de nombreux sites propices à la mise en place de centrales ETM onshore et offshore. En savoir plus : www.lefigaro.fr/sciences/ 2014/07/07/01008 Sea Water Air Conditioning (SWAC) Cette technique est particulièrement opportune à La Réunion, grâce à un accès rapide à l’eau froide profonde, et d’un intérêt majeur pour l’île eu égard à ses grands besoins en climatisation. Plusieurs projets sont en cours. SWAC de Saint-Denis et de Sainte-Marie. Conduit par GDF Suez énergies services, il prévoit le pompage de l’eau froide à 1 100 mètres de profondeur, à 6 km de la côte, avec pour

objectif de fournir 40 MWfroid via un réseau urbain de 46 km. L’économie d’électricité réalisée sera de 75 % par rapport à un système classique de climatisation. SWAC de Saint-Pierre. Un consortium composé d’EDF, du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Pierre et de l’ADEME étudie l’opportunité d’un SWAC exclusivement réservé au CHU. En savoir plus : www.cinor.fr/FR/Sommaire/ article.php?numero=2504 Énergie des vagues Projet Seawatt (Saint-Pierre) avec la mise en œuvre, par la société réunionnaise Seawatt, de la technologie écossaise Pelamis.

PHOTO : SEAWATT

Par MAURICE

Le système Pelamis, mis en œuvre par la société réunionnaise Seawatt au large de Saint-Pierre, a pour vocation à produire de l’énergie à partir de la houle.

Technologie offshore. Profondeur d’installation : 50 à 150 mètres. Études en cours. En savoir plus : www.seawatt.re Projet «Houles australes» (Saint-Pierre) avec la mise en œuvre, par DCNS et EDF EN, de la technologie australienne CETO. Profondeur d’installation : 25 mètres. Technologie nearshore. Le potentiel en énergie des vagues à La Réunion est bien réel mais les dégâts causés par le cyclone Bejisa, début janvier 2014, sur les installations du projet « Houles australes », montrent que les technologies existantes doivent améliorer la résistance des machines à des événements climatiques extrêmes. En savoir plus : www.zinfos974.com/St-PierreLe-prototype-houlomoteur-CETO et www.lenergeek.com/2014/01/28/energie-houlomotrice Micro algues biocarburant Projet Albius de la société Bioalgostral : l’enjeu, en cours, est de réaliser à La Réunion la première unité européenne de production de biokérosène et de biodiesel à partir de la culture des micro-algues cultivées en photobioréacteurs. En savoir plus : lire impérativement ces deux courts articles sur le sitewww.innovonslareunion.com et sur www.lenergieenquestions.fr

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OUTRE-MER LA RÉUNION HORS-SÉRIE >> de la recherche, les investisseurs, bref, les porteurs d’avenir, soient placés dans des conditions d’intervention optimales et se rencontrent. La filière Pêche, tous intervenants confondus, s’organise depuis cinq ans en une interprofession, à travers l’Association réunionnaise interprofessionnelle de la pêche et de l’aquaculture, pour permettre de satisfaire au mieux un marché qui est très demandeur de poissons frais. L’accompagnement de l’Europe est en grande partie acquis grâce au dynamisme de nos négociateurs. Assurer la fourniture de 25 % de la consommation des ménages est un objectif accessible, qu’avec d’autres, le Cluster doit promouvoir. Quand nous vivons sur un territoire aussi extraordinaire en termes de paysages, de végétation, de diversité culturelle, de gastronomie et de tolérance intelligente, nous voulons partager tout cela avec le monde entier et créer des structures d’accueil

porte d’entrée de l’Europe dans l’océan Indien ; accompagner enfin les secteurs de la pêche, de la croisière et réussir l’interface ville/port avec les collectivités. Pour atteindre ces ambitions, un plan d’investissements de 140 millions d’euros sur cinq ans a été prévu dont 100 millions d’euros consacrés au trafic conteneurisé. Port Réunion ne pouvant, en effet, plus se baser sur l’évolution du seul trafic domestique pour espérer se développer dans les prochaines années, doit faire progresser substantiellement la part de son trafic de transbordement, en devenant un port d’éclatement pour les marchandises à destination de l’Afrique de l’Est et des îles de l’océan Indien. PHOTO : CCI DE LA RÉUNION

pour les touristes de tous horizons. C’est un challenge difficile, à la réalisation duquel le Cluster maritime contribue avec ses moyens. Depuis la surveillance satellitaire, le secours en mer, la lutte contre la pêche illicite, les relations avec les îles voisines via la Commission de l’océan Indien (COI), jusqu’à la présence visible des frégates, l’Action de l’État en mer est le témoignage très fort du rôle de notre pays dans l’Océan Indien. Le Cluster maritime de La Réunion est, dans ce contexte, fier de la qualité de sa relation avec la Marine nationale. Chacun aura compris que La Réunion revendique toute sa place, active et originale, dans la communauté nationale. Sa position dans l’hémisphère Sud, au sud ouest de l’océan Indien, lui confère des atouts que la France et l’Europe doivent utiliser avec vigueur, rapidité et détermination. C’est la vocation de notre cluster ■ naissant que de le rappeler en permanence.

Port Réunion, porte d’entrée de l’Europe en océan Indien PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

P La route des baleines a Réunion a mis en œuvre un projet baptisé la route des baleines visant à préserver la présence de ces mammifères dans ses eaux où leur nombre a considérablement augmenté ces dernières années. Depuis 2008, entre quatrevingt et deux cents baleines remontent chaque année de l’Antarctique pour venir entre fin juin et octobre (l’hiver austral) s’accoupler ou mettre bas dans les eaux chaudes réunionnaises. Leurs sauts spectaculaires à proximité du littoral a ainsi généré une véritable industrie touristique d’observation en mer que les responsables publics et associatifs ont veillé à bien encadrer afin de ne pas

PHOTO : XHENRI ESKENAZI

L

Baleine à bosse au large de l’île Maurice. La préfecture de La Réunion a proposé d’associer l’ensemble des îles de l’océan indien (Réunion, Maurice, Madagascar, Seychelles, Comores) à une candidature de la Route des baleines au classement mondial de l’Unesco.

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nuire aux animaux. La Réunion a proposé d’associer Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores à une candidature de cette Route des baleines au classement mondial de l’Unesco. En 1979, à l’initiative des Seychelles, la zone avait déjà été classée « sanctuaire pour les cétacés ». Cette reconnaissance pourrait être l’occasion, selon certains, de « redorer l’image » de La Réunion où l’interdiction de la baignade sur les principales plages a été reconduite par la Préfecture jusqu’en février 2015 en raison d’un « risque requin » persistant au règlement duquel travaillent autorités et associations.

ALAIN GAUDIN1, HENRI DUPUIS2 3 et JEAN MAX CRESCENCE

ort de commerce, de pêche, de plaisance et de réparation navale, mais aussi troisième port militaire de France, le port de la Réunion est aujourd’hui le premier port de l’Outre-mer en tonnage global, avec plus de 4 millions de tonnes de marchandises traitées annuellement, mais aussi le deuxième port des Régions ultrapériphériques (RUP) de l’Europe après les Canaries, et le quatrième port de France sur le conteneur après le Havre, Marseille et Dunkerque. Port d’intérêt national concédé par l’État à la Chambre de commerce et d’industrie de la Réunion depuis 1955, il a changé de statut le 1er janvier 2013 devenant le Grand Port maritime de La Réunion (GPMDLR), établissement public portuaire créé par la loi du 22 février 2012. Doté depuis lors d’une gouvernance rénovée composée d’un organe décisionnel, le Conseil de surveillance (dix-sept

membres), d’un organe consultatif, le Conseil de développement (vingt membres), et d’un Directoire (trois membres), le GPMDLR dispose d’une organisation lui permettant une plus grande réactivité, à même d’améliorer sa compétitivité par rapport aux autres ports de la zone.

De nouvelles ambitions Depuis le 1er janvier 2013, année de transition, il s’est structuré et a élaboré son projet stratégique de développement pour la période 2014-2018 autour de quatre ambitions : se moderniser pour se positionner comme hub de transbordement régional et spécialiser ses terminaux ; améliorer la compétitivité portuaire et développer les offres foncières pour l’activité logistique et industrielle; se positionner comme la référence environnementale et sociale de la zone,

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L’enjeu du trafic de marchandises conteneurisées Port Réunion est, à ce jour, principalement desservi par les trois premiers armateurs mondiaux que sont CMA CGM, MAERSK, et MSC. La structure actuelle du trafic maritime dans l’océan Indien et en particulier du trafic conteneurisé, s’organise principalement autour des lignes maritimes desservant l’axe Extrême-Orient-Europe qui dominent encore, avec l’axe Extrême-OrientAmérique du Nord, le trafic maritime international. 77 % du trafic conteneurisé de Port Réunion, qui s’est établi à 213 000 EVP en 2013, est issu d’un transbordement maritime opéré à partir des grands ports de transbordement du Moyen-Orient (Dubaï aux Émirats Arabes Unis et Salalah au Sultanat d’Oman) ou à partir de Singapour. La stagnation de la croissance des économies européennes, en contraste avec les perspectives de croissances soutenues des économies africaines et sud-américaines, rend objectif un rééquilibrage des lignes maritimes Extrême Orient-Europe et Extrême Orient-Afrique-Amérique du Sud. La montée en puissance des flux Extrême-Orient-Afrique-Amérique du Sud avec la massification du transport maritime sur cet axe, invite les compagnies maritimes à repenser leur stratégie >> 1. Président du Conseil de surveillance du Grand Port Maritime de La Réunion. 2. Chef du pôle commercial et communication. 3. Responsable de la communication.


Entretien avec RODOLPHE SAADÉ

OUTRE-MER LA RÉUNION

Vice-président, directeur général délégué du groupe CMA CGM

HORS-SÉRIE

Le standard des plus grands ports mondiaux Dans cette perspective, Port Réunion fonde son offre de services sur de réels avantages concurrentiels. Il dispose des infrastructures et d’un outillage aux standards des grands ports mondiaux. Avec la livraison des travaux d’extension du port Est fin 2015, Port Réunion sera l’un des seuls ports de l’hémisphère sud à pouvoir accueillir des porte-conteneurs de plus de 9000 EVP dans des conditions d’exploitation optimales. Deux nouveaux portiques, venant renforcer l’outillage existant, porteront la capacité de manutention « bord à quai » de Port Réunion à un niveau proche des

terminaux de Singapour ou des grands ports du Moyen-Orient comme Dubaï et Salalah. Enfin, la mise en valeur d’une réserve foncière de 85 hectares en zone arrière-portuaire, améliorera son attractivité en permettant la spécialisation des quais et l’installation d’entreprises orientées vers l’exportation ou en lien avec les métiers des transports et de la logistique.

Des atouts nombreux et porteurs Port Réunion jouit, par ailleurs, d’un positionnement géographique favorable. Situé en moyenne à 1300 nautiques des ports du Mozambique, il est en mesure d’offrir à ces derniers une solution logistique plus intéressante que celle qui leur est proposée par les grands ports du Moyen orient, distants de plus de 3 000 nautiques. À cela s’ajoute une disponibilité « climatique » exceptionnelle du port Est. Celui-ci offre aux compagnies maritimes, les conditions d’une escale fiable dans l’océan Indien de par sa situation dans une baie très abritée (trois ou quatre jours d’indisponibilité maximum en cas de cyclone). En comparaison, les restrictions d’accès pour raisons météorologiques des principaux ports d’Afrique du sud, peuvent dépasser quarante jours par an. Autre atout, une main d’œuvre performante. Avec un niveau de formation aux meilleurs standards européens, les personnels en charge du traitement logistique et administratif des marchandises

L’Observatoire Villes Ports océan Indien tructure de droit français basée à La Réunion, l’Observatoire Villes Ports Océan Indien représente un réseau de ports et de villes portuaires de neuf pays (francophones, anglophones et lusophones) de la zone océan Indien. Il est né en 2003 du souhait de quatre maires de villes portuaires de pouvoir disposer, dans la zone océan Indien, d’une structure commune et permanente dédiée à la resolution des problématiques de développement auxquelles sont confrontés les décideurs urbano-portuaires. La Charte fondatrice, ratifiée en 2005, sous l’égide de l’Association internationale des villes et ports (AIVP), fédère les acteurs autour de cette dynamique. Depuis plus de quatre ans, l’Observatoire Villes Ports Océan Indien, œuvre ainsi à la structuration des relations entre les décideurs des ports, des villes, des entreprises ou des organismes publics unis par une même volonté : améliorer le dialogue entre les villes et les ports, favoriser les échanges d’expériences entre les places portuaires, échanger les savoirs pour un développement économique mutuellement bénéfique. La structure bénéficie, depuis sa création, de financements européens permettant la mise en œuvre de dynamiques régionales à vocation collaborative. Contact : Annick Miquel - www.indianocean-aivp.org - www.aivp.org

S

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attestent, de fait, d’un niveau de performance prééminent dans la zone. Dernier atout, une politique commerciale concertée visant à renforcer la « connectivité » de Port Réunion avec les autres ports. Les prestataires de services nautiques du port que sont la station de pilotage de La Réunion et la société Boluda La Réunion titulaire d’un agrément de remorquage et qui assure les prestations d e l a m a n a g e, a c c o m p a g n e n t l e GPMDLR dans la mise en place des mesures tarifaires incitatives visant à attirer de nouvelles lignes maritimes conteneurisées.

PHOTO : DR

>> de transbordement dans la zone océan Indien. Pour optimiser leurs lignes, l’idée d’un croisement des flux entre les lignes en provenance d’Europe et celles venant d’Asie semble émerger. Au carrefour de ces routes, La Réunion possède un atout géostratégique majeur. C’est pourquoi la CMA CGM, troisième armateur mondial pour le trafic conteneurisé, a signé avec le GPMDLR un protocole d’accord visant à faire de Port Réunion le hub maritime du Groupe pour l’ensemble de l’océan Indien dans les douze à dix-huit mois, lui donnant ainsi un nouveau rôle. Port Réunion deviendra un port stratégique où se croiseront les lignes en provenance d’Europe, d’Afrique et d’Asie, et un élément clef dans l’accélération de son développement sur le continent africain où le Groupe CMA CGM a d’ores et déjà des positions fortes.

« Le projet de développement du port de La Réunion nous a paru le plus convaincant »

Un port catalyseur du développement économique Le Port doit également être un moteur pour le développement industriel et la production de valeur ajoutée en favorisant la mise en valeur du potentiel foncier de la zone arrière portuaire à destination des entreprises orientées vers l’exportation et vers les métiers de la logistique internationale. Son exploitation favorisera des solutions de logistiques plus performantes qui renforceront l’attractivité et la compétitivité de Port Réunion pour ses clientèles locales et internationales. Port Réunion est, par ailleurs, un acteur engagé de la protection de l’environnement. Les différents chantiers en cours et à venir, intègrent des mesures compensatoires pour atténuer les impacts environnementaux, valoriser la ressource et prévenir les risques de pollution liés aux activités portuaires. Si le développement du trafic conteneurisé reste la principale ambition du GPMDLR, il lui appartient également d’accompagner la structuration d’une filière tourisme de croisière, dans laquelle Port Réunion est un des maillons participant à l’attractivité de l’île de la Réunion. De la même façon, Port Réunion s’investira en faveur de filières comme la pêche ou des filières du futur comme l’énergie bleue qui constituent autant de réservoirs d’activités et d’emplois correspondant aux enjeux de demain, car elles concourent à l’autosuffisance ali■ mentaire et énergétique de l’île.

Propos recueillis par Erwan Sterenn ■

CMA CGM a choisi La Réunion pour créer un hub « stratégique » de transbordement dans l’océan Indien ? Pourquoi ce port et pas un autre ?

Ce sont donc de nouvelles opportunités de développement de l’activité économique qui pourraient s’ouvrir.

Cette décision est basée sur le fait que La Réunion est placée sur l’axe Asie/Afrique du Sud-Afrique de l’Ouest-Amérique du Sud Côte Est, qu'elle est peu éloignée de l’axe ISC-MEG / Afrique du Sud - Afrique de l’Ouest - Amérique du Sud Côte Est 1, et qu'elle est, enfin, bien placée pour servir les autres iles de l’océan Indien. Outre La Réunion, nous avons également étudié les possibilités offertes par Port-Louis, à l’île Maurice, et divers projets à Madagascar. Mais le projet de développement du port de La Réunion nous paraissait être le plus convaincant. Puis, n’oublions pas que La Réunion, c’est la France et que nous sommes déjà de gros utilisateurs de ce port.

Cette décision sert-elle un projet plus global de CMA CGM dans la région ?

Cette décision permet d’envisager des évolutions destinées à défendre ou même à renforcer la présence de CMA CGM et Delmas en Afrique et dans l’océan Indien. Quelles sont aujourd’hui les grandes routes du commerce maritime mondial ? ■

Ce sont les routes Asie-Europe via Suez, Asie-USWC (Transpacifique), Asie-USEC + USG via Suez ou Panama 2. Mais il est vrai que l’axe Asie-Afrique du Sud est de plus en plus « fréquenté ».

■ Quelles conséquences cette décision peut-elle avoir concrètement pour le port de La Réunion ?

■ Quelle attention portez-vous aux routes maritimes polaires dont on parle tant aujourd’hui, et particulièrement à la route du Nord Est ?

Dans un premier temps, nous allons utiliser le port de La Réunion comme base de transbordement pour la région. Ceci se traduira par un accroissement du nombre d’escales et des volumes régionaux manutentionnés dans le port. Dans un deuxième temps, nous établirons des croisements de lignes avec des échanges de volumes entre lignes long cours.

Nous restons informés mais sur la base des études que nous avons pu faire, nous ne croyons pas que ce soit une solution pour la ligne régulière conteneurisée. Cette route pose d’évidents problèmes opérationnels, environnementaux et même financiers.

Quelles seront les retombées pour l’île sur le plan économique et social ?

■ Quelle est aujourd’hui la situation du transport mondial par conteneurs ?

Au-delà des retombées attendues par l’augmentation du trafic sur l’emploi portuaire, la nouvelle organisation des lignes touchant La Réunion permettra aux acteurs économiques de l’île d’avoir accès directement à de nouvelles sources d’approvisionnement et à de nouvelles facilités pour exporter leurs productions.

Le marché du transport maritime par conteneurs est un marché toujours en croissance, hyper concurrentiel, avec une nécessité de réduire les coûts pour financer le développement. ■ 1. ISC-MEG : India Sub Continent- Middle East Gulf. 2. USWC : US West coast ; USEC : US East coast ; USG : US Gulf.

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OUTRE-MER MARTINIQUE

Océan Arctique

HORS-SÉRIE

Amérique du Nord

Europe Asie

Océan Pacifique

Afrique Macouba Basse-Pointe

Amérique Océan du Sud Atlantique

Grand'Rivière

Océan Pacifique

Le Lorrain L'Ajoupa-Bouillon

Océan Indien Australie

Le Marigot

Le Prêcheur Sainte-Marie

Le Morne-Rouge Saint-Pierre

La Trinité

Fonds-Saint-Denis

Le Carbet

Le Morne-Vert

Belle-Fontaine

Antarctique

Océan Atlantique

Gros-Morne Le Robert

Saint-Joseph

Case-Pilote Le Lamentin

Schœlcher

Le François

Fort-de-France Le Lamentin Ducos

Fort-de-France

Saint-Esprit Le Vauclin

Les Trois-Îlets Rivière-Salée Grande-Anse Rivière-Pilote Le Diamant

Mer des Caraïbes

Le Marin Sainte-Luce

PHOTO : PHILIP PLISSON

Les Anses-d'Arlets

Sainte-Anne

Le littoral martiniquais avec au premier plan le golf des trois îlets. « La quasi-totalité des secteurs de l’économie maritime peuvent être considérés comme porteurs pour le développement économique de nos régions. » EMMANUEL LISE

Président du Cluster maritime de la Martinique

«Notre objectif : promouvoir le potentiel économique de la mer à la Martinique» Propos recueillis par Erwan Sterenn cement, en juin 2013, des Clusters maritimes de Guadeloupe, de la Réunion, de la Guyane et de la Martinique.

■ Quelle est la genèse de la création du Cluster maritime Mar-

tinique ?

En tant que délégué outre-mer de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM), j’ai demandé à participer, en 2009, aux réunions du groupe synergie outre-mer du Cluster maritime français (CMF). Fort du relais que pouvaient représenter les pilotes maritimes dans leurs territoires respectifs pour le développement de la philosophie du CMF, son président, Francis Vallat, a eu l’idée de la création de ces clusters maritimes. J’ai donc profité de la tenue du congrès annuel de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM), en 2010, pour inviter les collègues pilotes à participer à une réunion de présentation du projet. Ceux-ci, adhérant à cette idée, ont à leur tour pris leur bâton de pèlerin, ce qui a abouti au lan-

■ Quelle est la place de la mer à la Martinique ?

En dépit d’une surface maritime de 47 640 km2 pour 1 128 km2 de surface terrestre, on ne peut pas dire que la mer occupe une place importante dans l’inconscient collectif martiniquais. Preuve de cette réalité, l’adage qui voudrait que les Martiniquais n’ont pas le regard tourné vers la mer. Cette réalité se vérifie encore par le fait qu’à ce jour, aucune des institutions, conseil régional, conseil général, communautés d’agglomérations, n’a jugé opportun de créer, en son sein, une véritable direction de la mer. ■ Y a-t-il tout de même une culture de la mer à la Martinique ?

De fait, au-delà des événements fédérateurs comme le tour de la Martinique des yoles rondes, on ne peut pas dire qu’il existe une culture de la mer en Martinique. L’un des objectifs que s’assigne le cluster maritime martiniquais est de mettre en exergue le potentiel économique de cette dimension maritime.

PHOTO : DR

Entretien avec EMMANUEL LISE

Si la culture de la mer n’est pas très développée à la Martinique, celle-ci offre un réel potentiel de développement économique depuis les activités portuaires jusqu’à la plaisance de luxe en passant par les énergies marines.

■ Quels sont, à ce jour, les secteurs porteurs de l’économie ma-

ritime martiniquaise ? ■ Comment

travaillez-vous avec le Cluster maritime français basé à Paris ?

Le principe adopté est une unicité du monde maritime français sur toutes les mers du monde avec un geste fort qu’est le logo commun. Mais notre fonctionnement est autonome, il n’existe aucun lien d’affiliation ni de subordination vis-à-vis du CMF. Affinité et collaboration sont les maîtres mots tant les objectifs sont communs. Nous participons, autant que faire se peut, aux réunions du groupe synergie outre-mer du CMF. Une rencontre des représentants des clusters outre-mer est prévue, chaque année, en métropole.

Du fait de son positionnement dans la Caraïbe qui apporte quelques atouts comme la proximité du canal de Panama, la plaisance de luxe, l’énergie thermique des mers, la quasi totalité des secteurs de l’économie maritime peuvent être considérés comme porteurs pour le développement économique de nos régions.

tives prises pour la préservation de la bande côtière comme les cantonnements de pêche, les aires marines protégées, le sanctuaire marin. De plus, l’absence criante de manque de moyens des services de l’État ne favorise pas une vraie politique de protection en la matière. ■

■ Les ressources maritimes de la Martinique sont elles suffisamment préservées de la pollution, du braconnage ou du pillage ?

1. Le chlordécone est un polluant organique persistant (POP), considéré comme non biodégradable et dont l’action peut durer jusqu’à quarante-six ans dans les sols. Interdit dès 1976 aux États-Unis, il l’a été en 1990 en France métropolitaine. Utilisé comme insecticide, notamment contre le charançon du bananier, en Guadeloupe et Martinique, il n’y a été interdit qu’en 1993 (source Wikipedia).

Non, pour preuve la récente pollution du littoral martiniquais par le chlordécone 1 et ce, en dépit des multiples initia-

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MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014

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OUTRE-MER MARTINIQUE HORS-SÉRIE

« La Martinique doit repartir à la conquête de la Plaisance» près une période relativement favorable entre 1995 et 2010, les autorités politiques et administratives martiniquaises, tout comme l’État, peinent à continuer à accompagner l’œuvre enta-

rentes sont, à ce titre, éloquentes : le yachting représente 12,6 % du PIB de Saint-Martin contre 9,5 % pour l’activité hôtelière et de restauration. À La Grenade, l’impact du yachting est éva-

PHOTO : DOUGLAS RAPIER

A

DOUGLAS RAPIER *

Le yacht Lady Sheridan sur la côte Est de la Martinique. « Il faut repartir à la conquête de la Plaisance sur la base d’une législation réfléchie, adaptée à la réalité de la demande spécifique de ces navires. » DOUGLAS RAPIER

mée pour promouvoir le secteur du yachting à la Martinique. Ce fait est particulièrement fâcheux compte-tenu de la concurrence acharnée qui sévit dans le milieu du yachting caribéen. Tous les acteurs de cette industrie évoquent pourtant, pour ce secteur, l’opportunité d’une croissance économique dans les années à venir. C’est le message porté par le programme européen Odyssea qui, en décembre 2013, avait choisi la baie du Marin comme projet de Port de l’outremer et ce à juste titre, le Marin constituant la plus grande base de voiliers ouverte toute l’année dans les Caraïbes (entre 1 200 et 1 500 bateaux présents à l’année). Les données des îles concur-

* Douglas RAPIER. Président de la société

Douglas Yacht Services, président de la Martinique Yachting Association.

lué à 130 millions d’Eastern caribbean dollar (EC $), soit 38,6 millions d’euros, quatre fois plus que celui de la croisière (30 millions d’EC $, soit 8,9 millions d’euros). Quand à Saint Kitts, elle a annoncé, au salon de Monaco, en septembre 2014, une nouvelle marina pour les yachts professionnels, ce que l’on appelle la grande plaisance (lire sur www.christopheharbour.com). À la Martinique, quarante-sept professionnels du secteur se sont regroupés au sein de la Martinique yachting association (MYA), dont j’ai l’honneur d’assurer la présidence, pour relancer le développement de la plaisance. Ils proposent une stratégie de conquête de ce marché sur la base d’une législation réfléchie, adaptée à la réalité de la demande spécifique de ces navires. Cela suppose la prise d’un certain nombre de mesures, à leurs yeux incontournables.

Une législation aux conséquences fâcheuses Première mesure, une TVA zéro sur tous les charters au départ des départements d’outre-mer (DOM). Cela suppose une dérogation définitive, pour les départements d’outre-mer, à la directive du 15 juillet 2013 exigeant de la TVA sur tout charter au départ des eaux territoriales françaises. La préfecture, qui a pris en compte les conséquences fâcheuses de cette législation, nous a parfaitement compris. La Direction de la législation fiscale reconnaît elle-même que cette directive est contraire aux doctrines fondamentales car elle exclut la possibilité pour nos entreprises d’être compétitives. Nous demandons le soutien du président du conseil régional de la Martinique et du ministre des Outre-mer pour sortir le décret dérogatoire. Seconde mesure, permettre aux touristes en possession d’un visa Schengen d’accéder aux départements d’outremer. La situation actuelle est particulièrement singulière. Les touristes noneuropéens, détenteurs d’un visa valable pour la France, découvrent à Orly ou à Roissy, qu’ils ne peuvent embarquer à bord d’un avion à destination des départements français d’outre-mer. Cette situation ubuesque consiste, de manière caricaturale, à leur dire : « Vous pouvez rester en France et visiter la tour Eiffel, les châteaux de la Loire, l’aiguille du Midi, Saint-Tropez, voire à certaines périodes de l’année le palais de l’Élysée…, mais si les Caraïbes vous tentent, les autres îles vous accueilleront à bras ouverts… ! » C’est véritablement ubuesque ! En conséquence, nous avons fait une demande de dérogation auprès du ministère de l’Intérieur en mars 2014. Nous demandons, pour la faire aboutir, le soutien du président du conseil régional de la Martinique et du ministre des Outremer auprès des ministères du Tourisme et de l’Intérieur.

La marina du Marin, la plus grande base de voiliers ouverte toute l’année dans les Caraïbes.

Mettre en place une fiscalité réfléchie Troisième mesure, le carburant en détaxe pour tout navire de plaisance en escale dans nos eaux territoriales. La situation est simple. Avec 50 % de différence entre le HT et le TTC (soit 40 centimes d’euro par litre), tous les navires font escale ailleurs que chez nous pour s’approvisionner ! Si le conseil régional de la Guadeloupe a pris la décision (délibération n° 14-580 du 14 juillet 2014) d’accorder la détaxe aux yachts en escale, le conseil régional de la Martinique – auprès duquel nous avons déposé une demande en septembre 2012 – n’a toujours pas réagi ! Quatrième mesure, Duty Free sur les pièces et la main-d’œuvre à bord des yachts en escale chez nous. Les navires de plaisance sont naturellement libres du choix de leurs destinations. Dès lors, sachant les retombées économiques d’une visite, les escales situées dans l’arc Caraïbe rivalisent de séduction et de moyens pour les amener à fréquenter leurs eaux. La véritable magie du Duty Free opère son charme dans le monde entier remplissant les caisses des États qui en exploitent le filon ! Il ne s’agit pas de philanthropie mais bien d’une fiscalité réfléchie car une fois attirée sur place, cette clientèle dont l’effectif grandit de jour en jour, dépense d’autant plus vo-

PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

lontiers qu’elle se sent considérée, assurant, de manière collatérale, un afflux de taxes et d’impôts! Notre bassin de radoub, long de 170 mètres, au port de Fort-de-France est unique dans les Caraïbes et il est automatiquement classé en Duty Free. Nous demandons donc, concernant cette dernière mesure, le soutien du président du conseil régional et du ministre des Outre-mer pour obtenir la publication d’une dérogation appropriée du ministère de l’Économie. Nous demandons également que soient exécutées les décisions d’investissement déjà votées pour deux projets importants. Douze millions d’euros – Feder 1, conseil régional, commune du Marin – ont été votés, en octobre 2012, pour une darse de 80 tonnes et une autre de 440 tonnes permettant la mise à niveau du carénage du Marin, ceci toutefois à la condition que le dossier Feder soit clos le 31 décembre 2015. Un appel d’offres a été lancé en octobre 2014 pour la moitié des travaux alors que pour l’autre moitié, l’étude règlementaire sur la loi sur l’eau est toujours en cours d’instruction. Un projet de pôle de yachting professionnel, de pôle de pêche et de centre d’expression culturelle martiniquaise a également été proposé en 2010 à la mairie du Marin. Les acteurs locaux et l’industrie internationale du yachting reconnaissent que c’est une idée à développer. Cette der-

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nière a même offert, en janvier 2011, un yacht de 60 mètres destiné à faire découvrir la destination Martinique !

Des projets identifiés Ce projet est important car il comblera les carences actuelles en matière d’infrastructure et servira à l’organisation de manifestations festives mixtes, destinées tant aux autochtones qu’aux touristes. Un million d’euros – Feder, conseil régional, commune du Marin – ont été identifiés pour les pré-études de ce projet, votés par la commune et accordés par le conseil régional. Un appel d’offres pour une Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) a été publié en février 2013. Aucun AMO n’a pourtant encore été assigné à l’heure où j’écris ces lignes, et les fonds Feder disparaissent au 31 décembre 2015… Nous demandons que la commune du Marin, les conseils généraux et régionaux ainsi que l’État mettent les ressources et l’énergie nécessaires pour faire aboutir ces deux projets dans les délais fixés. D’autres projets ont été identifiés pour combler la carence notoire d’infrastructures adaptées dans la baie de Fort-de-France. Il est important de les mettre en œuvre car, en matière de yachting, si l’on n’y prend pas garde, on coule ■ en faisant du sur place ! 1. Fonds européen de développement régional.


OUTRE-MER MARTINIQUE

IMAGE AKUO ENERGY/DCNS

HORS-SÉRIE

Le projet Nemo de centrale flottante d’énergie thermique des mers développé par Akuo Energy et DCNS. « Sa mise en œuvre va permettre de participer à la consolidation d’une nouvelle filière industrielle française, très créatrice d’emplois au plan local, tout en répondant aux besoins énergétiques croissants de la Martinique. » JEAN BALLANDRAS

Le projet Nemo, toute l’énergie de l’outre-mer! près un audit de douze mois conduit par la Banque européenne d’investissement, le projet de centrale flottante d’énergie thermique des mers (ETM), baptisé Nemo 1, a été désigné lauréat du programme NER 300 par la Commission européenne. Akuo Energy, développeur du projet, a reçu, le 8 juillet dernier, la confirmation du fonds européen NER 300 pour l’attribution d’une subvention versée au cours des cinq premières années d’exploitation de la centrale Nemo. Partenaire industriel du projet, DCNS est le fournisseur de cette technologie innovante. DCNS et Akuo Energy travaillent depuis plusieurs années avec la Région Martinique pour définir les possibilités et les conditions de mise en place d’une centrale pilote Énergie thermique des mers pouvant alimenter trente cinq mille foyers. Ils vont désormais, ensemble, développer cette centrale ETM offshore

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JEAN BALLANDRAS *

de 16 MW qui sera opérationnelle dans quatre ans. Cette plate-forme flottante, ancrée en mer au large de la commune de Bellefontaine 2, exploitera la différence de température entre l’eau chaude de surface et l’eau froide des profondeurs pour produire une électricité non intermittente et décarbonée sans aucune incertitude sur la ressource (accès, disponibilité, coût). La technologie est basée sur un cycle thermodynamique fermé permettant de générer une électricité continue (lire encadré). La Région Martinique a impulsé très tôt une dynamique visant à développer l’Énergie thermique des mers sur son territoire. En effet, la localisation de l’île sur la ceinture tropicale en fait l’une des 1. Nemo pour New Energy for Martinique and Overseas. 2. Sur la côte Ouest de la Martinique, entre SaintPierre et Schoelcher.

* Jean BALLANDRAS. Secrétaire général du groupe Akuo Energy, en charge de la stratégie

de développement en milieux insulaires et sur les énergies marines.

PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

La ville de Saint-Pierre sur la côte ouest de la Martinique. « La centrale ETM offshore de 16 MW, installée par DCNS et Akuo Energy au large de la commune de Bellefontaine, entre Saint-Pierre et Schoelcher, sera opérationnelle dans quatre ans et pourra alimenter 35 000 foyers. » JEAN BALLANDRAS

zones les plus prometteuses au monde pour l’exploitation de cette énergie renouvelable non intermittente et le développement de cette technologie très respectueuse de l’environnement. L’obtention de ce financement européen marque une étape décisive dans le développement de l’énergie thermique des mers et s’inscrit dans la suite logique des travaux menés par DCNS depuis 2008 sur cette technologie. Après les études de recherche et développement et les études de faisabilité réalisées au profit de La Réunion, de Tahiti et de la Martinique, DCNS a mis en œuvre en 2011 un prototype à terre à Saint-Pierre de la Réunion. Ce prototype a permis aux équipes de travailler sur le système principal de production électrique et de valider la technologie des échangeurs. De ce démonstrateur à la Réunion au projet de centrale pilote en format industriel à la Martinique, l’outre-mer se place ainsi au cœur de la stratégie de développement commercial de la technologie.

En savoir plus www.akuoenergy.com

Une nouvelle filière créatrice d’emploi Aujourd’hui, grâce au financement NER 300, DCNS et Akuo Energy vont pouvoir qualifier la technologie de centrale ETM offshore, participer à la consolidation d’une nouvelle filière in-

dustrielle française très créatrice d’emplois au plan local et contribuer à répondre aux besoins énergétiques croissants de la Martinique. Le potentiel de développement de cette technologie, concentré sur la bande intertropicale, est très important notamment sur les ■ territoires insulaires.

L’énergie thermique des mers e procédé, d’une manière générale, consiste à pomper de l’eau à environ 5°C en grande profondeur (à –1100 mètres pour Nemo), et de l’eau à 25-30 °C en surface. L’eau froide et l’eau chaude sont utilisées comme source froide et source chaude pour faire tourner une turbine dans un cycle fermé de Rankine. L’eau chaude cède sa chaleur pour vaporiser l’ammoniac. L’eau froide récupère la chaleur libérée par la condensation de la vapeur turbinée. Le système contient environ 200 tonnes d’ammoniac, fluide de travail qui fonctionne en cycle fermé. Pour que le système fonctionne correctement, la différence de température entre la source chaude et la source froide doit être d’au moins 20 °C tout au long de l’année. Une unité ETM est constituée : - d’une plate-forme flottante ancrée qui comprend évaporateurs, condenseurs, turbines, génératrices et pompes, ainsi que les entrée et les sorties d’eau chaude; - d’une conduite flexible de pompage d’eau froide d’une longueur de 1100 m et d’un diamètre de 4 à 6 mètres; - de deux conduites flexibles de rejet d’eau froide d’une longueur de 100 mètres à 200 mètres et d’un diamètre d’environ 3 mètres; - d’un câble sous-marin permettant de ramener l’électricité à terre; - d’une station d’atterrage assurant le lien entre l’unité de production ETM et le réseau électrique.

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OUTRE-MER HORS-SÉRIE

Martinique, Guadeloupe, l’enjeu du trafic portuaire E

n 2008, le statut de grand port maritime a remplacé en France métropolitaine celui des anciens Ports autonomes. Ces nouveaux établissements publics ont désormais la charge de la gestion des ports maritimes. Ce changement de statut, inscrit dans la logique libérale des directives de l’Union Européenne de développement durable et de respect des règles de la concurrence, a ouvert depuis cette date la voie à la privatisation des équipements de manutention dont la gestion était jusque-là un monopole des ports autonomes.

Échéance, Panama 2016

JEAN-STÉPHANE BETTON

des océans reliant en permanence l’Asie, l’Europe et l’Amérique. S’agissant des conteneurs, ce sont les armateurs qui décident aujourd’hui de desservir ou non un port. Il s’agit donc, pour les Antilles françaises, d’un enjeu maritime et commercial sérieux.

Capter le trafic des porte-conteneurs géants Concédées depuis 1953 à la chambre de commerce et d’industrie, les installations portuaires de Fort-de-France sont désormais gérées par le Grand Port Maritime de la Martinique. De son côté, le port autonome de la Guadeloupe est devenu Guadeloupe Port Caraïbe. Ces deux nouvelles entités consacrent une part significative de leurs actions et de leurs capacités financières à l’aménagement de leurs installations dans la perspective d’une augmentation prévisible du tonnage en transit par Panama. L’objectif est de rendre ces deux plateformes attractives pour capter et redistribuer une partie du trafic maritime. Chaque

En 2013, la réforme s’est étendue aux établissements portuaires de la France d’outre-mer. Ainsi, les ports antillais de Guadeloupe et de la Martinique sont devenus, à leur tour,des Grands Ports Maritimes avec, en ligne de mire, l’élargissement du Canal de Panama. Initialement prévue pour cette année, l’inauguration du chantier traîne en longueur et l’ouverture de la nouvelle écluse a été officiellement reportée au 26 janvier 2016. C’est en tout cas l’annonce faite, en mai dernier, à Miami, par la Caribean Shipping Association (CSA),le plus gros lobby portuaire anglophone agissant auprès des gouvernements de la zone Caraïbe. Cette échéance 2016 annonce cependant une véritable «révolution portuaire» pour les deux îles françaises des Caraïbes. La Guadeloupe et la Martiniquesont en effet deux départements français placés au centre de l’arc antillais sur l’itinéraire de la grande route maritime mondiale des porte-conteneurs Le port de Fort-de-France. qui, par Malacca, Suez, Gibraltar et Panama, fait le tour

année, Fort-de-France accueille près de 1000 escales de navires de commerce et traite 3,1 millions de tonnes de marchandises dont 80% proviennent de métropole. Le port en eaux profondes, bien protégé de la houle et des vents alizés, est accessible aux navires porte-conteneurs à très fort tirants d’eau. Avec 160000 conteneurs par an, il est aujourd’hui au sixième rang des ports français pour cette activité. Le terminal à conteneur de la Pointe des Grives s’étend aujourd’hui sur une zone de 16 hectares de terre-pleins réservés à la manutention par où transitent plus de 920 000 tonnes de marchandises importées contre 450 000 tonnes exportées. Ce terminal est actuellement l’objet de grands travaux d’extension qui vont permettre, d’ici à 2016, de gagner 12 hectares supplémentaires sur l’eau. La finalité de ce chantier est de fixer et de développer en Martinique une activité spécifique de transbordement de conteneurs qui pourrait être, à brève échéance, une oppor-

PHOTO : DR.

Par

Le port de Jarry, à Baie-Mahault, en Guadeloupe.

tunité pour le développement du trafic. Pour exister sur la route mondiale des porte-conteneurs géants, Fort-de-France doit devenir un «hub secondaire», une plate-forme logistique multimodale de référence de la région Caraïbes.

Développer la croisière Avec la modernisation du terminal conteneur du port de Jarry, à BaieMahault, les objectifs et la stratégie gua-

deloupéenne rejoignent ceux de la Martinique. Guadeloupe Port Caraïbes qui regroupe les cinq sites portuaires de l’archipel dont les principaux sont basés autour de Pointe-à-Pitre, à Basse Terre et à Marie Galante, traite environ 3,8 millions de tonnes de marchandises et presque 900000 passagers chaque année. Les deux îles anticipent également le développement de la Croisière en rénovant les surfaces d’accueil à terre des croisiéristes et répondre à la crois-

1914-2014 : les cent ans du canal de Panama diale et la bataille du Pacifique,lors des guerres de Corée et du Vietnam. Lorsque le Japon s’est affirmé comme puissance industrielle au début des années 1970, la route qui reliait l’Europe et l’Asie passait par Panama. Au début des années 1990, il reste la voie principale entre l’Amérique latine et la Chine. Aujourd’hui, environ 14000 navires, soit 5% du commerce maritime mondial,transitent chaque année par cet endroit. Cependant, Panama subit la concurrence de Suez qui jouit d’une capacité plus importante et qui, avec plus de 20000 navires par an, a capté le trafic entre la Chine et l’Europe au cours des années 1990. Afin de résister, Panama a entrepris des travaux d’élargissement pour permettre le passage de navires dits Post-Panamax transportant jusqu’à 12000 conteneurs contre 5000 actuellement, et doubler le transit à 600 millions de tonnes par an. Un chantier pharaonique de plus de cinq milliards de dollars qui fait face à des problèmes de surcoûts et de contestation sociale. L’inauguration des nouvelles écluses qui devait célébrer triomphalement cette année le centenaire du canal, a finalement dû être reportée à 2016. Un malheur n’arrivant jamais seul, au Nicaragua, les Chinois prétendent construire, au nez et à la barbe de l’oncle Sam, un canal concurrent pour des navires conteneurs géants d’un tonnage qui n’existe pas encore… Deux canaux en Amérique centrale! Les fans de Tintin et du capitaine Haddock entendent, comme moi,le général Alcazar s’exclamer : «Caramba! Dé plous en plous fort!»

e canal transocéanique de Panama a été inauguré le 15 août 1914, il y a tout juste un siècle. Il a été conçu pour compléter le canal de Suez et créer ainsi une voie maritime mondiale évitant le détour par le Cap Horn ou le détroit de Magellan. À partir de 1880, le projet de percer l’isthme de Panama est initialement conduit par le Comte Ferdinand de Lesseps, l’heureux père du canal de Suez. Mais pour l’opinion française, Panama va devenir très vite synonyme du plus grand scandale politicofinancier de la IIIe République naissante, une banqueroute qui coûta la vie à plus de 22 000 ouvriers, victimes de fièvres tropicales au milieu d’une jungle luxuriante. En 1904, les États-Unis qui n’avaient jamais caché leur hostilité foncière à un projet français qui contrariait trop leurs ambitions en Amérique latine et dans le Pacifique, reprennent en main le chantier pour le mener à bien en dix ans au prix de 6 000 morts supplémentaires. De 1914 à 1999, la bannière étoilée flotte sur la zone du canal déclaré d’intérêt vital pour Washington. Depuis, si l’État panaméen a pris officiellement le contrôle de l’ensemble des ouvrages du canal, la puissance américaine veille de près sur sa neutralité et sa sécurité. Ces 80 kilomètres de canaux et d’écluses qui percent l’isthme séparant les deux plus grands océans de la planète, ont révolutionné le commerce mondial en permettant notamment aux États-Unis de faire passer rapidement leur Marine de guerre de l’Atlantique au Pacifique. L’intérêt du canal pour les États-Unis s’est encore confirmé après la Deuxième Guerre mon-

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PHOTO : PHILIP PLISSON

sance de la plaisance. La Caraïbe malgré la concurrence mondiale reste le premier marché pour la croisière. La proximité des aéroports internationaux Aimé Césaire à Fort-de-France ou Guadeloupe Pôle Caraïbe à Pointe-à-Pitre assurant une liaison proche avec Paris ainsi qu’un environnement institutionnel territorial relativement stable constituent une singularité dans cette région et un atout d’avenir pour les Antilles françaises. ■

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MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014


OUTRE-MER GUADELOUPE

Océan Arctique Amérique du Nord Océan Atlantique

HORS-SÉRIE

Europe Asie

Océan Pacifique

Afrique Océan Indien

Amérique du Sud Océan Pacifique

Saint-Jacques

Anse-Bertrand

GRANDEPort-Louis TERRE

Australie

Petit-Canal Antarctique

Deshaies

Lamentin

Pointe-Noire

Pointeà-Pitre

BASSE- Baie-Mahault TERRE

La Soufrière 1467 m

Vieux-Habitants Baillif

Basse-Terre

Saint-Claude Gourbeyre

Saint-François Sainte-Anne

Océan Atlantique Le site de Petite terre. « La Guadeloupe doit développer des initiatives et des projets créateurs d’emplois dans le cadre d’une gestion durable de sa biodiversité. » MICHÈLE MONTANTIN

Capesterre-Belle-Eau

MARIE-GALANTE Saint-Louis

Vieux-Fort Terre-de-Bas Petites-Anses

ÎLES DE LA PETITE TERRE

Sainte-Marie

Trois-Rivières

Mer des Caraïbes

Grande-Anse

Douville

Petit-Bourg Gosier Vernou Goyave

Bouillante

LA DÉSIRADE

Morne-à-l'Eau Moule Blanchet ChâteauGaillard

PHOTO : PHILIP PLISSON

Vieux-Bourg

Sainte-Rose

Grand-Bourg

Terre-de-Haut

LES SAINTES

Capesterre 0

10

20 km

Routes principales

La Guadeloupe et les défis du développement de son économie maritime

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ans un contexte particulièrement préoccupant du point de vue économique, tant local qu’international, la Guadeloupe, archipel Caraïbe, à la croisée des chemins, est dans l’obligation de développer son économie marine et maritime. Il lui faut d’abord, et sans perdre de temps, adapter la capacité en tirant d’eau du port de Jarry afin de lui permettre d’accueillir les porte-conteneurs de nouvelle génération.

L’enjeu capital du développement portuaire On le sait, ce projet est capital pour un archipel qui importe près de 90 % de ses biens de consommation depuis l’Union européenne. Le fait de ne pouvoir accueillir ces navires aurait pour conséquence de priver la Guadeloupe

Par MICHÈLE

MONTANTIN *

de services dédiés en provenance directe de la métropole avec un risque de feedérisation du port, c’est-à-dire de voir nos marchandises livrées à partir d’un autre port dans la Caraïbe (Jamaïque, République dominicaine…), capable, lui, d’accueillir les nouveaux porte-conteneurs et disposant de surfaces de quais nécessaires à l’industrie du conteneur. C’est en effet depuis ces autres ports, points d’appui d’une industrie du transbordement planétaire, que des navires – adaptés à nos capacités limitées d’accueil en tirant d’eau – livreraient nos marchandises à un coût supérieur au prix actuel et dans des délais également supérieurs aux conditions actuelles. Il ne faut pas s’y tromper, la Martinique dont le projet portuaire souffre de la difficulté à disposer de surfaces suffi-

* Michèle MONTANTIN.

Présidente de l’Union maritime et portuaire (UMEP) Guadeloupe, membre fondateur et permanent du Cluster maritime Guadeloupe.

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santes à l’entreposage des conteneurs, court elle aussi ce risque, sachant que c’est la capacité conjuguée de consommation et donc d’importation de la Guadeloupe et de la Martinique qui motive la desserte (majoritairement par CMA CGM), ainsi que leur capacité commune à exporter (principalement la banane). Ces deux projets portuaires sont nécessaires à la Guadeloupe et à la Martinique tant pour le maintien de leur activité en matière d’importation et de transbordement, que pour leur capacité à saisir des opportunités dans leur zone d’influence respective et commune compte tenu des conséquences induites par l’ouverture de la nouvelle écluse du canal de Panama.

Une gestion durable de la biodiversité Autre grand enjeu pour la Guadeloupe, la nécessité de développer des initiatives et des projets créateurs d’em-

ploi tirant parti de sa biodiversité tout en respectant et favorisant sa préservation, particulièrement dans l’aire d’adhésion du Parc national de la Guadeloupe et dans les aires marines protégées. Le Parc national de la Guadeloupe et les aires marines protégées sont de formidables vecteurs de protection de l’environnement tout en constituant des réservoirs de richesses et d’innovations potentielles. Le conflit entre préservation et développement est au cœur de l’actualité en Guadeloupe depuis que le désastre du chlordécone 1 a conduit à interdire la pêche sur une très importante partie de ses côtes. Les associations environnementales ont joué un rôle important, souvent stigmatisé par le monde économique, dans la décision qui a été prise d’interdire l’épandage aérien sur les plantations de bananes. Les conséquences de cette interdiction ont été diverses avec d’un côté, l’abandon de la culture de la banane par un certain nombre de planteurs, de l’autre, l’adaptation et l’évolution de cette culture sans épandage mais à un coût sans doute supérieur, et enfin l’investissement d’autres planteurs, parmi les plus importants, sur le continent africain. Cette forme de confrontation entre les tenants de la préservation et les tenants de la production devrait appartenir au passé. Il faudrait y substituer une forme de dialectique, 1. Le chlordécone est un polluant organique persistant (POP), considéré comme non biodégradable et dont l’action peut durer jusqu’à quarantesix ans dans les sols. Interdit dès 1976 aux États-Unis, il l’a été en 1990 en France métropolitaine. Utilisé comme insecticide, notamment contre le charançon du bananier, en Guadeloupe et Martinique, il n’y a été interdit qu’en 1993.

dont les modalités sont à inventer, établir des règles de bonne conduite et la saisie de données traçables et analysables capables de garantir aux observateurs et aux décideurs la pleine lisibilité des conditions et des conséquences du développement des projets, de telle manière que ceux-ci soient partagés comme des expériences de nos capacités de développement en milieux pro-

tégés ou fragiles, comme c’est le cas sur l’ensemble de notre territoire, particulièrement en milieu marin. Le parc national de la Guadeloupe, qui occupe une part très importante du territoire, a développé une politique d’adhésion en vue de favoriser un développement économique respectueux de l’environnement avec les communes concernées. La mission du PNG a souvent été critiquée par >>


OUTRE-MER GUADELOUPE HORS-SÉRIE

La synergie Guadeloupe-Martinique Dernier enjeu, et pas des moindres, trouver une véritable interface avec la Martinique dans une forme de « coopétition » afin que l’espace de libre échange qui les sépare et les relie à la fois, le Marché unique antillais (MUA), devienne un atout pour leurs économies respectives… et communes. La relation entre la Guadeloupe et la Martinique reste marquée par une opposition directement issue de leur passé commun. La position historiquement dominante de la Martinique par rapport à la Guadeloupe et son développement indus-

triel plus important, ne favorisent pas, même aujourd’hui, les harmonisations et concertations nécessaires à la gestion commune de cet espace de libre échange. Dans les faits, le MUA définit un espace de libre échange dessiné par les « frontières » de chacun des départements. Les marchandises importées sont introduites et déclarées à la « frontière» Guadeloupe ou à la « frontière » Martinique et transitent librement d’un département à l’autre. Pour véritablement faire exister cet espace de libre échange, il faut obtenir l’équité dans les pratiques, l’harmonisation des procédures et des coûts, assurer la traçabilité et la sûreté des échanges dans chaque région concernée. Les questions posées définissent les objectifs à poursuivre autant que les obstacles, d’ores et déjà identifiés : comment faciliter le transit dans l’espace de libre échange, de telle manière que les producteurs et opérateurs de transport disposent, réellement et librement, d’un marché de près d’un millions d’habitants ? ; comment faire en sorte que les pratiques des douanes et des autres administrations concernées soient identiques sur les deux territoires garantissant l’équité des échanges ? ; comment faire en sorte, dans le même temps, d’obtenir une traçabilité parfaite de ces échanges tant du point de vue de la perception de l’Octroi de Mer, que du point

de vue de la sûreté de ces transferts?, etc. L’Union maritime et portuaire Guadeloupe (UMEP) s’est saisi de cette problématique en mettant sur pied un «Atelier de convergence opérationnelle MUA » auquel participent tous les acteurs administratifs et économiques concernés. Le Cluster maritime Guadeloupe (CMG) en partenariat avec l’UMEP, travaille avec le Cluster maritime Martinique (CMM) à investiguer de chaque côté du MUA et à concerner tous les opérateurs. Le but avoué et peut-être rêvé : sortir de l’opposition historique rappelée plus haut, la transformer en une compétition constructive avec un objectif de coopération plus pragmatique et constructive pour parvenir enfin à la notion de « Coo-pétition». En acceptant cette notion de compétition sans plus d’hypocrisie, il est possible d’espérer que chacun défende ses projets, non pour écraser ou faire disparaître ceux de l’autre, mais bien pour qu’ils s’évaluent par rapport à l’offre qu’ils sont, chacun et ensembles, capables d’offrir. C’est seulement ainsi que chaque région améliorera, dans les faits, son offre et stimulera celle de l’autre, sachant que dans le contexte caribéen et eu égard aux investissements structurels majeurs de ces échanges (canal du Panama, canal du Nicaragua), il faudra faire montre de rigueur, d’adap■ tabilité et de réactivité.

Le port de Jarry. « Il faut, sans perdre de temps, adapter la capacité en tirant d’eau du port de Jarry afin de lui permettre d’accueillir les porte-conteneurs de nouvelle génération. » MICHÈLE MONTANTIN

Becca, des solutions au service des acteurs du transport maritime Par

é d’une réflexion lancée en 2009, le projet Becca, porté par la société CEI.BA, est aujourd’hui à la disposition des acteurs de la chaîne d’approvisionnement (supply chain). Becca a été cofinancé par les fonds européens à travers le programme Interreg Caraïbe.

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neurisées ou conventionnelles entre les îles États de la Caraïbe et les pays du continent américain bordant ce bassin. Becca exchange, bourse de fret maritime, est une véritable place de marché multilingue électronique qui met en relation l’offre et la demande du transport

permettent ainsi aux opérateurs de transport de trouver du fret complémentaire afin d’optimiser la rentabilité de leur chargement. Beaucoup d’opérateurs voient ainsi en Becca l’outil qui va, enfin, leur permettre de développer les lignes maritimes caribéennes, de multiplier les échanges, de sortir certaines îles ou certains territoires de l’isolement. Les entreprises également, notamment les TPI, voient dans cet outil la possibilité d’accéder au marché export. Le coût d’un conteneur complet ne leur permettait pas, auparavant, de sortir de leur marché interne. Becca leur offre désormais la possibilité de grouper leurs marchandises avec d’autres clients dans un même conteneur.

L’application en ligne Becca exchange. Becca est la première bourse numérique de fret maritime pour la Caraïbe et l’Amérique latine.

Avec l’agrandissement du canal de Panama et parallèlement à l’industrie du transbordement, le cabotage et le shortsea-shipping vont se développer, soutenus par la nécessité de trouver des solutions d’approvisionnement à partir de plates-formes de redistribution implantées dans la zone. À cette fin, CEI.BA propose deux produits, Becca directory et Becca exchange. Becca directory est un moteur de recherche en ligne, totalement gratuit, qui fournit tous les renseignements utiles sur les services disponibles pour le transport maritime de marchandises conte* Christophe FOUCAULT. Directeur général

PHOTO : DR

CHRISTOPHE FOUCAULT *

PHOTOS : CEI.BA

>> le monde économique comme étant trop drastique et ne favorisant pas une approche constructive de projets en « développement-protection ». Pour la première fois cependant, lors de son dernier conseil d’administration le PNG a voté, à l’unanimité moins la voix de son conseil scientifique, la mise en place d’une petite unité d’élevage de poissons dans le grand cul de sac marin. Cette première autorisation est soumise à une obligation d’observation et de transmission de données, capables de permettre le suivi, en temps réel, des conséquences sur le milieu et aura sans doute valeur d’expérience pour d’autres demandes du même type.

et président du Directoire de la société CEI.BA.

maritime pour tous types de fret (conteneur, palettes, big bag, vrac, véhicules…) et de volume. L’application web permet de rechercher une solution de transport en déposant une annonce de fret, et de recevoir des cotations d’opérateurs : transitaires, propriétaires de navires, compagnies et agents maritimes. C’est un outil innovant qui a pour objectif de réduire les coûts de transport, de développer les liaisons maritimes et de stimuler la compétitivité des acteurs maritimes. Le moteur de recherche et l’outil d’alertes favorisent la répartition et la distribution des marchandises et

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MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014

MARINE&OCÉANS - HORS-SÉRIE - DÉCEMBRE 2014

Tout le monde s’y retrouve, les opérateurs de transports voient leur rentabilité optimisée, les exportateurs voient leurs coûts de transport diminués et leur accès à de nouveaux marchés exports facilités. ■

En savoir plus www.ceiba-gp.com


OUTRE-MER GUYANE

Océan Arctique Amérique du Nord Océan Pacifique

Europe Asie

Océan Atlantique Amérique du Sud

Awala-Yalimapo

Océan Pacifique

Afrique Océan Indien Australie

Mana Organabo

Saint-LaurentIracoubo du-Maroni La Forestière Apatou

Océan Atlantique

Sinnamary

Kourou

Cayenne

Citron

Rémire Roura Kaw

Délices Cacao Grand-Santi

Antarctique

Régina

Bélizon

Ouanary Cormontibo

Saint-Georges

Patience

Maripasoula

SURINAM

Ouaqui

Saül

Malavate

Clément Camopi

■ Quels sont, à ce jour, les secteurs porteurs de l’économie maritime guyanaise ?

Le fret, et l’activité portuaire qui y est associée, sont étroitement liés à la croissance démographique de la Guyane. La pêche représente le premier poste d’exportations du secteur primaire de la Guyane qui dispose, grâce à sa façade maritime, d’une zone économique exclusive (ZEE) de 130 000 km2 dont 40 000 km2 sur le plateau continental. Une activité de pêche artisanale peut ainsi se déployer à l’intérieur de la bande côtière. Elle concerne 50 espèces dont, pour l’essentiel, la crevette, le vivaneau et les poissons blancs. Cela correspond à 540 emplois de pêcheurs et 160 dans les activités de transformation. Mais cette surface maritime recèle d’autres potentiels de richesses. La présence de pétrole offshore a été reconnue, à la suite de récentes explorations. Il y a également des possibilités d’énergies renouvelables, nombreuses et importantes, qui ne sont pas exploitées, énergie marémotrice ou énergie thermique des mers par exemple.

Bienvenue ■ Quels sont les secteurs d’avenir et les grands projets en cours ?

BRÉSIL Trois sauts 0

50

100 km

Entretien avec ÉRIC SAGNE Président du Cluster maritime de Guyane

« Notre Cluster est légitimé par sa capacité à regrouper tous les acteurs du secteur maritime »

La recherche pétrolière est actuellement, comme vous le savez, en stand-by. De nouveaux permis ont été attribués et l’on espère une reprise de l’activité début 2016. Dans cette perspective, le Grand port maritime de Guyane souhaite maintenir la mise en place d’une zone de soutien logistique destinée à satisfaire les besoins des pétroliers. ■ Les

ressources maritimes de la Guyane sont-elles suffisamment préservées de la pollution et protégées contre le braconnage et le pillage?

Selon le Comité régional des pêches marines et des élevages marins, les intérêts du secteur de la pêche n’ont pas été pris en compte dans le code minier réformé. Le Comité regrette des informations insuffisantes à destination des représentants du secteur, et l’insuffisance des études sur les res-

sources halieutiques et notamment sur les impacts possibles des travaux sismiques réalisés dans le cadre des recherches pétrolières. Globalement, les stocks de ressources halieutiques sont en bon état en Guyane. Cela s’explique notamment par la protection des milieux très proches de la côte en application de la réglementation européenne qui interdit le chalutage à moins de 30 mètres de fond, et par le fait que l’économie de la pêche guyanaise ne se développe pas. Le bon état de ces stocks représente un potentiel pour la Guyane lui permettant, a priori, de soutenir le développement d’une pêche « durable ». Il souligne, par ailleurs, l’importance des mangroves en tant qu’écosystème indispensable au maintien de ces ressources. La préservation de ces ressources halieutiques dans les eaux côtières est un véritable enjeu pour la Guyane. Elles sont cependant toujours menacées par la pollution dues principalement aux activités aurifères, notamment illégales, pratiquées à l’intérieur des terres et, dans une moindre mesure, par les rejets domestiques. À cela s’ajoute, leur pillage par de nombreux navires non autorisés venant du Brésil, du Surinam et du Venezuela. Ces dernières années, une flottille de deux cents bateaux surinamiens et brésiliens aurait pêché des quantités deux fois supérieures à la production locale. ■ L’État français met-il, selon vous, les moyens nécessaires pour

la surveillance et la protection de la zone économique exclusive dont il dispose avec la Guyane ?

La Marine nationale multiplie les interventions. Environ 25 à 30 navires en situation illégale sont arraisonnés chaque année. Elle a également développé des opérations de coopération opérationnelle régionale dans la lutte contre la pêche illégale avec nos deux voisins, le Brésil et le Surinam. Malgré ces actions, et selon le Comité des pèches de Guyane, le nombre de navires en situation irrégulière serait en croissance et la ■ ressource halieutique en baisse.

PHOTO : PHILIP PLISSON

HORS-SÉRIE

Propos recueillis par Erwan Sterenn concomitance avec les réunions de la Fédération française des pilotes maritimes. Nous parvenons actuellement à réaliser deux à trois rencontres par an au cours desquelles sont abordés les principaux sujets concernant l’outre-mer.

■ Quelle

est la genèse de la création du Cluster maritime de Guyane ?

Le Cluster a séduit ses premiers membres par son concept simple qui consiste à regrouper transversalement tous les acteurs directs et indirects des activités liées à la mer. Cette transversalité donne de la légitimité et de la richesse à ses travaux, à ses propositions et à ses avis. L’action du Cluster est basée sur trois axes d’actions : la communication, le lobbying et la recherche de synergies entre ses membres.

■ Quelle est la place de la mer en Guyane ?

Malgré près de 400km de côtes, la Guyane ne tire pas un grand bénéfice du potentiel que lui offre cette grande façade maritime. La plaisance est peu développée et la pêche se pratique majoritairement de façon artisanale. Le Comité régional des pêches marines et des élevages marins (CRPMEM) rencontre par ailleurs régulièrement les services de l’État en charge de la protection de la zone économique exclusive car le sujet est d’actualité et le préoccupe énormément.

■ Comment travaillez-vous avec le Cluster maritime français basé à Paris ?

Nous entretenons des échanges réguliers avec notre grand frère du Cluster maritime français, ponctués par des réunions relativement régulières à Paris. Celles-ci sont organisées en

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L’enfant perdu en Guyane. « Malgré près de 400km de côtes, la Guyane ne tire pas un grand bénéfice du potentiel que lui offre cette grande façade maritime. » ÉRIC SAGNE


OUTRE-MER GUYANE

PHOTO : DR

HORS-SÉRIE

Le port de Dégrad-des-Cannes, à Cayenne, est le principal port marchand de la Guyane par où transitent 95 % des produits importés.

Les ambitions portuaires de la Guyane a Guyane française partage 1 160 kilomètres de frontières dans la forêt équatoriale avec le Surinam à l’ouest et le Brésil à l’est et au sud-est. Au nord, une façade littorale de 380 kilomètres, parcourue de mangroves, ouvre sur l’océan Atlantique. La superficie du territoire 1 est comparable à celle du Portugal ou de la Hongrie, mais le pays est recouvert à plus de 96 % d’une jungle vide de population. Les 240 000 habitants de ce territoire, coupés du monde par la mer et la végétation dense, sont donc concentrés exclusivement sur l’étroite bande côtière et dans quelques villages clairsemés le long des fleuves qui sont les seules voies de communications de ce pays sans route. La Guyane est la plus vaste région française d’outre-mer et l’unique territoire européen d’Amérique du Sud.

L

Les trois ports de la Guyane La Guyane dispose de trois ports de commerce. Dégrad-des-Cannes est le port de Cayenne, la capitale adminis-

La Guyane est la plus vaste région française d’outre-mer.

rages offshore en 2014, le Grand port maritime de Guyane, avec la plateforme de Dégrad-des-Cannes, se tient prêt à devenir la base logistique des compagnies pétrolières qui opèreront peut être demain, au large, entre le Brésil et le Surinam. Par ailleurs, l’ouverture annoncée des nouvelles écluses de Panama va mécaniquement augmenter les importations asiatiques et diminuer la part des échanges avec la métropole et la vieille

Europe. Depuis l’océan Pacifique, de nouveaux flux de navires porte-conteneurs de très grande capacité transiteront par le canal pour faire escale quelques heures dans un port d’une île de l’arc Caraïbe – la Guadeloupe ou la Martinique dans le meilleur des cas – le temps de transborder ses caisses sur un navire plus petit pour desservir la ■ Guyane. 1. Environ 85000 km2.

Le canal de Panama. « L’élargissement du canal de Panama pourrait bien modifier les flux du trafic maritime vers la Guyane avec une augmentation des importations asiatiques et une diminution de la part des échanges avec la métropole et la vieille Europe. » ÉRIC SAGNE

JEAN-STÉPHANE BETTON

trative, et Pariacabo celui de Kourou et du centre spatial. Depuis 2013, ces deux ports sont sous la juridiction du Grand port maritime de la Guyane. Quant à Saint-Laurent-du-Maroni, c’est le port fluvial de la frontière du Surinam à l’ouest du pays. Il reste géré par la Communauté de communes de l’ouest guyanais qui en est propriétaire depuis 2009. Il traite essentiellement un trafic de cabotage d’engrais, d’aliments pour le bétail, de produits métallurgiques et de matériels de construction. Saint-Laurent est aussi la base de La Gabrielle, le bac qui assure le transit international des passagers et des véhicules vers le Surinam. À l’est, Dégrad-des-Cannes étend ses installations sur 23 hectares à l’embouchure du fleuve Mahury. C’est le principal port marchand de la Guyane par où transitent 95 % des produits importés pour la consommation locale. Deux dessertes transatlantiques hebdomadaires sont assurées avec la métropole, principalement depuis le Havre par quatre petits porte-conteneurs de la CMA CGM et deux de la Marfret.

Le port assure également les liaisons maritimes avec les Antilles. Au début de 2014, les armements desservant la Guyane ont annoncé l’arrivée de nouveaux navires de type « Guyanemax », plus longs et plus larges, offrant une capacité de transport accrue de 30 % mais avec un tirant d’eau limité pour la navigation fluviale. Au centre du pays, le site de Pariacabo est dédié au soutien de la base du Centre spatial guyanais (CSG) protégé par le 3e Régiment étranger d’infanterie de Kourou et le 9e Régiment d’infanterie de Marine de Cayenne. C’est ici que sont acheminés matériels et carburants destinés aux lanceurs Ariane, Soyouz et Véga. L’économie guyanaise reste très dépendante de l’industrie spatiale.

Canal de Panama et projets pétroliers

PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

centrales d’achats basées en Europe. Les importations en provenance des Caraïbes concernent presque exclusivement les hydrocarbures de Trinidad et Tobago. Le développement économique est freiné par les surcoûts liés à l’éloignement de la métropole. Le droit social, les normes et les règlementations européennes qui s’appliquent, génèrent un décalage de compétitivité notable avec les pays voisins dans la perspective future d’une ouverture aux nouveaux marchés émergeant de l’Amérique latine toute proche. L’élargissement prochain du canal de Panama, et surtout l’exploitation pétrolière possible sur le plateau guyanais, pourraient bien modifier prochainement les flux du trafic maritime vers la Guyane. Malgré la suspension des fo-

Le commerce extérieur de la Guyane est étroitement lié à la métropole française et à l’Europe. Les importations en provenance d’Asie s’effectuent par des

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OUTRE-MER GUYANE HORS-SÉRIE

Demain, le pétrole ? Par

n septembre 2011, le consortium pétrolier Tullow Oils conduit par Shell, qui regroupait deux petites compagnies britanniques, Northern Petroleum et Wessex Exploration, et auquel Total participait à 25 %, annonçait avoir découvert les indices d’un vaste réservoir de pétrole non conventionnel au large de la Guyane française. Les pétroles qualifiés de non conventionnels sont regroupés en cinq types : les sables bitumineux, le

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JEAN-STÉPHANE BETTON

plus de 2 000 mètres d’eau et 5 700 mètres de roche à la verticale du puits d’exploration Zaedyus, est sans doute le prolongement géologique du champ pétrolifère Jubilee découvert par la même compagnie, dans le Golfe de Guinée, en Afrique, en 2007. Malheureusement, quatre forages supplémentaires, Zaedyus 2 en décembre 2012, Priodontes en avril 2013, Cebus en juillet 2013 et enfin GM-ES-5, le dernier puits de cette

PHOTO : DR

«La présence de pétrole sous la mer guyanaise est avérée mais de l’exploration à une éventuelle exploitation commerciale, il y a toujours un processus de long terme, pavé d’incertitudes.» JEAN-STÉPHANE BETTON

pétrole lourd, les schistes bitumineux et les produits extraits en conditions polaires ou en offshore profond. Ces derniers, contrairement aux trois premiers, ne sont pas nécessairement de nature différente du pétrole conventionnel pouvant être transporté puis raffiné dans des installations ordinaires. Ils ne sont classés dans la catégorie non conventionnelle qu’en raison de leurs conditions d’extraction difficiles. Les pétroles non-conventionnels sont souvent de qualité inférieure imposant des forages délicats et couteux, en conditions extrêmes, à grande profondeur, sous haute pression et haute température. Pour être économiquement rentable, leur exploitation dépend donc des cours du baril de brut. Le gisement guyanais, enfoui dans l’océan atlantique, à 100 nautiques au nord-est de Cayenne, dans la zone économique exclusive de la France, sous

campagne d’évaluation, n’ont pas permis de confirmer l’annonce de 2011. Les quatre puits forés autour de Zaedyus se sont révélés secs. Ils ont été rebouchés et abandonnés. En novembre 2013, les marchés semblaient déjà avoir rendu un verdict sans appel et ne plus croire à l’eldorado guyanais en sanctionnant durement la valeur de Northern Petroleum et de Wessex Exploration, les deux plus petits partenaires du permis Guyane Maritime. La compagnie Shell a renoncé à effectuer de nouveaux forages en 2014 qui aura donc été une année blanche pour les opérations en mer. Est-ce donc la fin du rêve pétrolier pour la Guyane et pour la France après que cette découverte leur ait permis d’espérer devenir un producteur de troisième ou de second rang d’ici une quinzaine d’année? Pas si sûr.

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Une longue phase d’évaluation Les experts des grosses compagnies pétrolières dont Total, bien que prudents, sont en effet moins catégoriques que les marchés et ne baissent pas les bras si facilement. Le domaine maritime guyanais couvre 130 000 km2 et l’exploration ne s’est, à ce jour, concentrée que sur une petite partie de ce vaste domaine. Trop tôt, donc, estiment les experts, pour tirer des conclusions. Pour eux, nous ne sommes qu’au début d’une longue phase d’évaluation d’un forage que Total considère comme « à fort risque mais aussi à fort enjeux ». La présence de pétrole sous la mer guyanaise est avérée mais de l’exploration à une éventuelle exploitation commerciale, il y a toujours un processus de long terme, pavé d’incertitudes. En mer du Nord, dans les années 1970, il s’était écoulé plus de dix ans avant de voir démarrer la production. À partir des données guyanaises existantes, de nouveaux plans d’exploration vont être déterminés. Les résultats de la campagne de prospection de la compagnie Repsol au large de Georgetown, au Guyana, dans des conditions similaires, sont scrutés de très près. Si ce forage trouvait le même pétrole, ce serait un indice encourageant. La préfecture de Guyane a prolongé jusqu’en juin 2016, le permis Guyane Maritime, de Shell, sur 24 100 km2. En juillet 2014, la Commission de suivi et de concertation sur le pétrole en Guyane (douzième du nom) a réuni le préfet de Région, le viceprésident du Conseil régional et les représentants de Shell et de Total pour l’attribution de quatre « permis SHELF » sur le plateau continental et de trois « permis UDO » en eau profonde. Après étude des candidatures, la Direction générale de l’énergie et du climat a proposé de retenir les consortiums Total/Hardman Petroleum pour le permis SHELF et Total/Esso pour le permis UDO. Le projet pétrolier guyanais est donc toujours en marche. ■


OUTRE-MER NOUVELLE-CALÉDONIE HORS-SÉRIE

Océan Pacifique

Poum Ouégoa Pouébo Koumac

OUVÉA Hienghène

Kaala-Gomen

Fayaoué Touho

NORD Ouaco

Poindimié Voh

Océan Arctique

Koné Pouembout Népoui

Amérique du Nord

Poya

Poro

Europe Asie

Océan Pacifique

LIFOU

Océan Pacifique

Bouloupari

Océan Indien

MARÉ Tadine

SUD

La Tontouta

Païta Dumbéa

Australie Routes principales 0

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TIGA

LOYAUTÉ

Kouaoua Canala

Bourail Farino Sarraméa Thio Moindou La Foa

Afrique Amérique Océan du Sud Atlantique

ÎLES

Ponérihouen Monéo Houaïlou

Nouméa

Yaté

Passe de ÎLE OUEN Lasarcelle

100 km

Antarctique

Vao

ÎLE DES PINS

Entretien avec LLUIS BERNABE Président du Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie

PHOTO : DR

« Se doter d’une politique maritime est de nature à préparer l’après-nickel » Propos recueillis par Erwan Sterenn ■ Quelle

est la genèse de la création du Cluster maritime de Nouvelle Calédonie ?

■ Comment travaillez-vous avec le Cluster maritime français basé à Paris ?

Tout est parti du constat, fait de longue date par tous ceux qui s’intéressent à la mer, qu’en dépit de son caractère îlien et de l’évidente source de richesse que lui confèrent ses immenses espaces maritimes, la Nouvelle-Calédonie ne profite que très modestement de ces possibilités. Certes, les différents acteurs du monde maritime ressentaient intuitivement le besoin de se regrouper. Mais il a fallu que l’idée fasse son chemin progressivement au gré d’une succession de réunions informelles organisées à l’initiative des actuels président et secrétaire général du Cluster maritime de Nouvelle-calédonie (CMNC). Progressivement, la nécessité et l’envie de converger, de fédérer un secteur très éparpillé, d’établir des ponts et des synergies, de dépasser les sensibilités des uns et des autres, se sont imposées à tous les acteurs concernés, publics ou privés. L’assemblée constituante, forte de 34 membres fondateurs et de cinq membres associés, tous acteurs clés du monde maritime calédonien, s’est tenue le 5 août 2014.

Le lien avec le Cluster maritime français (CMF) s’est établi naturellement, dans la mesure où notre secrétaire général en est le correspondant pour la Nouvelle-Calédonie depuis 2008. Ainsi, des informations ont-elles pu remonter, de façon informelle, vers le Groupe synergie outre-mer du CMF avant même la création du CMNC. Nous avons ainsi pu initier bien en amont des échanges rapides, fructueux et efficaces avec nos correspondants du Groupe synergie outre-mer et instaurer les bases d’une relation directe que nous entendons désormais entretenir avec lui. ■ Quelle est la place de la mer en Nouvelle Calédonie ?

L’histoire maritime de la Nouvelle-Calédonie est d’abord celle de son peuplement par la mer, qu’il s’agisse des occupants premiers et leurs “clans de la mer” ou des vagues successives d’immigration. Il en a notamment résulté un usage traditionnel des vastes espaces lagonaires de l’archipel par toutes les composantes de la population. Mais la Nouvelle-Calédonie est

Compétente en matière de pêche, la Nouvelle-Calédonie continue de s’appuyer sur l’État pour la surveillance de sa zone économique exclusive et la conduite des opérations de police afférentes. Avec deux avions de surveillance maritime de type Gardian, une frégate et deux patrouilleurs, la situation peut aujourd’hui être considérée comme satisfaisante, en dépit de l’immensité de la zone à couvrir. Un tel dispositif ne saurait prétendre à une parfaite étanchéité – cet objectif n’étant guère réaliste –, mais il constitue une menace sérieuse et permanente pour les contrevenants potentiels, jouant ainsi un rôle dissuasif tout à fait significatif. L’inquiétude porte sur la capacité de la France à maintenir, demain, son niveau d’engagement alors que les patrouilleurs et les avions déployés en Nouvelle-Calédonie ont dépassé les trente ans de service actif. L’enjeu du renouvellement des capacités est central. Des pistes innovantes

■ Quels sont, à ce jour, les secteurs porteurs de l’économie maritime calédonienne ?

La pêche, hauturière et lagonaire, l’aquaculture, notamment pour les crevettes, le transport maritime – n’oublions pas le rôle essentiel de la mer pour le transport du minerai de nickel, brut ou traité – mais aussi les activités de plaisance et de loisirs dans les lagons (voile, plaisance, motonautisme, apnée, plongée, etc,) sont, aujourd’hui, et depuis longtemps, au coeur de l’économie maritime calédonienne. ■ Quels sont les secteurs d’avenir et les grands projets en cours ?

Ces secteurs de base sont en forte évolution : pêche responsable, diversification aquacole (micro-algues, poissons, holothuries 1 ), biotechnologies, tourisme de croisière (dont le développement est spectaculaire), sports nautiques en explosion, « La Nouvelle-Calédonie est prioritairement tournée vers la mine et vers la terre de sorte petits mais intéressants concepteurs nauque le pays n’a pas encore pris la pleine mesure de ses atouts maritimes tiques, vente, réparation, accastillage, enet du capital naturel qui en découle pour son développement. » LLUIS BERNABE tretien, mais aussi, sur le moyen terme, gestion du patrimoine naturel maritime (aire marine protégée, comme l’outil satellitaire (lire page 62) sont susceptibles de Patrimoine mondial, Parc marin de la Mer de corail), et sur le pallier, en partie, la réduction des moyens aéromaritimes et plus long terme, énergies marines renouvelables et ressources d’optimiser l’emploi de ces derniers. Mais le besoin de capaciminérales profondes. tés d’intervention en mer demeurera, à la fois pour faire respecter les droits de la Nouvelle-Calédonie dans ses eaux mais ■ Les ressources maritimes de la Nouvelle-Calédonie sont-elles aussi pour d’éventuelles opérations de secours au large. Ausuffisamment préservées de la pollution et protégées contre le delà de la question des moyens, une action est également nébraconnage et le pillage ? cessaire pour consolider juridiquement les limites de la zone écoLe pays est peu peuplé et a longtemps fonctionné sans vérinomique exclusive, alors qu’un différend continue d’opposer la tables règles pour la gestion de ses espaces maritimes. Avec France au Vanuatu sur ce point. l’accroissement de la pression humaine dans certains secteurs et la montée des préoccupations environnementales, des codes ■ Quels sont les pays de la région avec lesquels vous entretenez des relations et développez des projets en matière maritime ? de préservation et de gestion responsable ont vu le jour. Dans l’ensemble, le milieu naturel et les ressources sont sains et font La priorité concerne les collectivités de l’outre-mer français, l’objet d’une surveillance et d’un suivi attentifs de la part des Polynésie française et Wallis-et-Futuna, avec qui nous avons autorités, certaines provinces s’étant notamment dotées de des liens naturels. Le second cercle est celui des deux grands voigarde-natures. Ces derniers s’attachent également à combattre sins, Australie et Nouvelle-Zélande, qui se sont également doet à réprimer braconnage et pillage. Toutefois, dans certains tés de clusters maritimes. Le troisième cercle est celui des pesites (mine, urbanisation, agriculture), le milieu marin paraît tits pays voisins vers lesquels nous établirons les liens nécessaires davantage exposé et sa gestion moins transparente. dans un partenariat bien compris. ■ Contact : cluster.maritime.nc@google.com ■ L’État français met-il, selon vous, les moyens nécessaires pour

1. Une holothurie (Holothuroidea) est un animal marin, au corps mou et oblong. Elle est aussi appelée concombre de mer ou bêche de mer, voire biche de mer, par déformation, en Nouvelle-Calédonie.

la surveillance et la protection de la zone économique exclusive dont il dispose avec la Nouvelle-Calédonie?

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PHOTO : PHILIP PLISSON

ÎLES BÉLEP

prioritairement tournée vers la mine tandis que la population autochtone cultive une relation à la terre extrêmement forte. De sorte que le pays n’a pas encore pris la pleine mesure de ses atouts maritimes et du capital naturel qui en découle pour son développement. Se doter d’une politique maritime permettant de voir au-delà de l’horizon et de construire un futur tirant le meilleur profit de la mer et de la richesse des espaces maritimes, est un enjeu d’autant plus essentiel qu’il est de nature à sortir la Nouvelle-Calédonie de sa large dépendance à l’activité minière et de préparer l’après-nickel.


OUTRE-MER NOUVELLE-CALÉDONIE HORS-SÉRIE beauté offre de magnifiques perspectives de développement touristique. Les recherches menées sur sa biodiversité atypique, dont les bactéries, les plantes halophiles ou encore les microalgues, ouvrent une piste prometteuse pour la découverte de biomolécules d’intérêt. Il est, enfin, source de produits à forte valeur tant en termes de pêche que d’aquaculture. La crevette bleue, cultivée en fermes aquacoles, représente un des rares produits d’exportation en dehors du nickel, un « plus » nutritionnel et culturel local dont la Nouvelle-Calédonie est devenue le premier consommateur par tête d’habitant et qui s’est développée sans impact significatif sur les milieux naturels qu’elle occupe. On citera aussi le crabe de palétuvier, représentatif d’une pêche vivrière importante, ainsi que les huîtres de palétuvier et de roche, l’huître japonaise exploitée avec succès, les élevages de bêche de mer particulièrement appréciée des Asiatiques.

Les atouts et les enjeux d’un pays « doué pour la mer » LIONEL LOUBERSAC *

PHOTO : PHILIP PLISSON

Le port de Nouméa. « La Nouvelle-Calédonie dispose d’une dynamique d’entreprise, d’un tissu industriel et de services dense, d’un niveau de compétences certain, d’un potentiel de recherche et d’innovation qui permettent, si les politiques publiques les prennent bien en compte, de «réinvestir» sur d’autres richesses potentielles, et principalement celles de la mer. » LIONEL LOUBERSAC

L

’avenir de la Nouvelle-Calédonie est des plus prometteurs en matière de valorisation et de gestion intégrée des ressources et de la biodiversité marines. Le territoire dispose en effet d’atouts liés à sa richesse minière (il est l’un des premiers producteurs mondiaux de nickel et de cobalt) qu’aucun autre DOM ou COM ne possède à de tels niveaux – une dynamique d’entreprise, un tissu industriel et de services dense, un niveau de compétences certain, un potentiel de recherche et d’innovation, la mise en place d’outils structurants de planification – qui permettent, si les politiques publiques les prennent bien en compte, de « réinvestir » sur d’autres richesses potentielles, et principalement celles de la mer. Certes, encore éloignée des marchés, la Nouvelle-Calédonie reste trop faiblement peuplée et pâtit

de coûts de production non compétitifs mais cela l’oblige à innover et à se focaliser sur une production « haut de gamme », respectueuse de son capital naturel. La mer calédonienne, entre eaux territoriales et zone économique exclusive, couvre 1 364 000 km2. Plus encore – 1 470 000 km2, sensiblement le bassin oriental méditerranéen –, si l’on considère l’extension juridique du plateau continental au sud de la ZEE, soit plus de 98,5 % du territoire ou 74 fois la surface des terres. À ce jour, 75 % du sol et du sous-sol de cet immense domaine maritime restent totalement inexplorés sur le plan des géosciences, la ZEE calédonienne étant également très peu connue sur le plan de la biodiversité profonde. Cet espace maritime est composé d’un littoral et de zones intertidales 1, de hauts

* Lionel LOUBERSAC. Docteur ingénieur, co-fondateur et secrétaire général du Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie, ancien délégué de l’Ifremer en Nouvelle-Calédonie.

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Une biodiversité corallienne inestimable La Nouvelle-Calédonie est au Sudest du « triangle d’or de la biodiversité » (Philippines-Indonésie-Australie), la ré-

emblématiques (25 espèces), des reptiles marins (19 espèces), plus de 1 695 espèces de poissons, 1 842 d’arthropodes et 2 151 de mollusques, chiffres qui évoluent en permanence, auxquels il faut rajouter ceux des oiseaux marins. Tout cela représente pourtant une part infime de ce que doit être la réelle biodiversité, si l’on se réfère aux groupes cryptiques, parasites, micro algues, bactéries et autres micro-organismes, encore très peu étudiés.

Une responsabilité et de nombreux enjeux La gestion d’un tel patrimoine impose d’abord à la Nouvelle-Calédonie une responsabilité à l’égard de la communauté internationale. La Nouvelle-Calédonie est, dans ce domaine là, en avance. 15 000 km2 de lagons sont inscrits, depuis 2008, au Patrimoine mondial, avec le développement d’un réseau d’aires marines protégées, de réserves intégrales, de réserves coutumières, ou >> 1. Cette expression, tirée de l’anglais tidal (relatif à la marée), désigne l’estran ou la zone de marnage. Il s’agit de la partie du littoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées.

fonds coralliens, de lagons et de récifs, de zones de mer ouverte, caractérisées par l’existence d’un continent englouti. Il présente une géo-diversité exceptionnelle et une multiplicité extrême d’écosystèmes et de formes de vie.

Micro-algues et crevettes bleues L’interface terre-mer néo-calédonien est bien développée. Pour une superficie de 19 332 km2 (l’équivalent d’une région moyenne de métropole), la Nouvelle-Calédonie compte 3 473 km de côte contre 5 853 km pour les 550 100 km2 du territoire métropolitain. Les paysages côtiers sont diversifiés (falaises, platiers, plages, baies, estuaires, zones humides….) avec une marée qui définit une zone intertidale où se développent des marais à mangroves couvrant plus de 35 000 hectares, très riches sur le plan floristique. Ce littoral constitue pour la NouvelleCalédonie un capital inestimable. Sa

« Le littoral néo-calédonien constitue un capital inestimable. Il offre de magnifiques perspectives en termes touristiques mais aussi de pêche et d’aquaculture et ouvre, grâce à sa biodiversité atypique, une piste prometteuse pour la découverte de biomolécules d’intérêt. » LIONEL LOUBERSAC

PHOTO : PHILIP PLISSON

Par

gion la plus riche en diversité spécifique peu profonde. On dénombre entre 400 et 450 espèces de coraux, soit plus de 60 genres contre un peu plus de 30 en Polynésie et 20 aux Caraïbes. En matière de connectivité, la situation est favorable, située, en outre, à l’interface entre zones tropicale et tempérée. Les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie sont reconnus comme étant un hot spot de la biodiversité planétaire. Le récif qui ceinture la Grande Terre calédonienne, sur près de 1 600 km, est un des trois systèmes les plus développés du monde dans un excellent état de conservation. Cette barrière continue de corail délimite et protège les lagons de la Grande Terre qui totalisent 23 400 km2 (sensiblement la taille de la Bretagne) dont 8 000 km2 environ de constructions récifales. À ce grand ensemble, qui constitue le premier lagon du monde, s’ajoutent d’autres constructions remarquables telles que les pseudo-atolls d’Ouvéa et de Beautemps-Beaupré, les deux immenses plateaux des Chesterfield et Bellona, les récifs d’Entrecasteaux, Pétrie, de l’Astrolabe, du Banc de Lansdowne, du Banc de l’Orne… 9 372 espèces y ont été répertoriées dont des mammifères


OUTRE-MER NOUVELLE-CALÉDONIE

« Les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie sont reconnus comme étant un hot spot de la biodiversité planétaire. La gestion d’un tel patrimoine impose une responsabilité à l’égard de la communauté internationale et de savoir répondre à de nombreux enjeux en matière de développement. » LIONEL LOUBERSAC

>> la mise en place d’un Conservatoire des espaces naturels. Cela représente également, pour elle, de savoir répondre à des enjeux de taille. Celui, par exemple, du développement de son savoir-faire en matière d’ingénierie environnementale dans le cadre d’un ambitieux programme de développement durable qui intéresse toutes les échelles géographiques, tant au niveau des municipalités que des provinces, du gouvernement ou de l’inter-collectivité. Celui, aussi, du développement de biotechnologies bleues avec la présence, dans le Sud, d’un hydrothermalisme peu profond ultrabasique, ou la possibilité de tirer des biomolécules intéressantes de l’adaptation de moyens de défense originaux comme le venin de coquillages du genre Conus, de certains poissons ou de serpents marins… Autres enjeux, celui de la diversification aquacole, poissons (picots, pouattes, loches, truites…) ou encore pectinidés

avec la présence probable de microalgues d’espèces variées, source potentielle d’une aquaculture nouvelle aux applications larges dans le domaine des protéines, de la biomasse, des enzymes, des colorants, du piégeage de CO2, éventuellement des biocarburants…; Celui du développement d’une pêche récifolagonaire, encore artisanale et vivrière, représentant environ 1 000 tonnes alors que la pêche récréative est estimée à plus de 5 000 tonnes ; Celui du tourisme avec la poursuite du développement de la plongée, des charters, des escales de grands paquebots, mais aussi des projets intégrés d’éco-tourisme avec une importante fréquentation nautique, récréative et sportive (la Nouvelle-Calédonie compte six fois plus de bateaux par habitants qu’en métropole…) ; celui enfin de la protection et d’une politique de gestion intégrée avec le souci d’harmoniser les règles de partage des avantages…

Hydrocarbures et ressources minérales Le domaine maritime de la NouvelleCalédonie intègre ce que l’on appelle la mer de Corail. Si la biodiversité de cette mer est connue pour sa macro faune pélagique, la génétique des populations pélagiques et les connectivités entre stocks le sont beaucoup moins. La biodiversité benthique 2 a, en outre, encore été très peu étudiée. Des prospections réalisées entre – 200 mètres et – 1 500 mètres environ montrent que plus de 50 % des espèces découvertes, souvent reliques de faunes fossiles, sont totalement inconnues. Avec plus de 300 espèces de coraux dits « froids », la biodiversité de la mer de Corail est l’une des plus élevées au monde en matière de communautés coralliennes profondes. La Nouvelle-Calédonie dispose donc, là aussi, d’atouts majeurs qui supposent des enjeux de connaissance, de mise en

œuvre de hautes technologies d’exploration et l’émergence de filières économiques. On citera ainsi la pêche pélagique encore peu développée (environ 2 500 tonnes de thonidés), la valorisation de la biodiversité profonde citée plus haut, les géosciences. On a ici l’un des plus grands fragments continentaux immergés au monde, la Ride de Lord Howe, qui s’est détachée de l’Australie au moment de la dispersion du Gondwana 3. Un quart de la zone économique exclusive (ZEE) se trouve à des profondeurs inférieures à 2 000 mètres, ce qui est exceptionnel, avec un plateau continental développé (70 000 km2). La région profonde Nouvelle-Calédonie, Australie, Nouvelle-Zélande… est considérée comme une zone super frontier par sa dimension, la couverture de données associée et ses profondeurs d’eau. Les nombreux bassins sédimentaires qui la jonchent ont pu générer des hydrocarbures économiquement exploitables. Les environnements et conditions naturelles sont favorables à la présence d’encroûtements cobaltifères (rides et nombreux monts sous-marins), de dépôts sulfurés à forte teneur en minerais stratégiques (volcanisme actif et ancien et sans doute une dorsale 4) et de nodules polymétalliques (plaines abyssales). On citera, enfin, les gisements en matière d’énergies marines renouvelables dont le potentiel est non réellement évalué : énergie houlomotrice ou

Le Parc naturel de la mer de Corail Par LIONEL GARDES Chef d’antenne de l’Agence des aires marines protégées (AAMP) en Nouvelle-Calédonie.

e Parc naturel de la mer de Corail a été créé le 23 avril 2014. Il couvre, sur près de 1,3 million de km2, la Zone économique exclusive (ZEE) néo-calédonienne incluant les eaux territoriales des « Iles éloignées », lointaines dépendances inhabitées et disséminées dans la ZEE. Cette création fait suite à un important travail de synthèse des connaissances, réalisé dans le cadre d’une « analyse stratégique », qui a permis d’établir une première description globale des enjeux de protection de l’environnement, de gouvernance, de coopération régionale et de développement durable des activités maritimes au sein de ce vaste espace. Le Parc naturel de la mer de Corail a pour ambition de servir de support à une démarche d’appropriation des enjeux de ce territoire exceptionnel par l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils soient professionnels de la mer, usagers, élus, citoyens… réunis au sein d’un « comité de gestion » pérennisant la concertation initiée pour les besoins de l’analyse stratégique. Lieu de rencontre et de dialogue, ce « Parlement de la mer » a ainsi pour vocation une prise en compte des équilibres biologiques et écologiques fragiles dans l’ensemble des politiques sectorielles (pêche, tourisme, transport, exploitation minière ou énergétique…), tout en assurant le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie. Les travaux préparatoires ont permis de dégager huit grandes orientations de gestion qui structureront les travaux d’élaboration du plan de gestion du parc. Dans ce cadre, des réflexions seront prochainement initiées en vue de définir plus précisément les vocations des différents espaces à enjeux identifiés et d’établir, progressivement, un zonage permettant de protéger les éléments les plus remarquables et les plus vulnérables. En savoir plus : www.aires-marines.fr

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hydrolienne dans les passes, énergie thermique des mers tirée des différences de température entre les eaux profondes et les eaux chaudes des lagons… Fort de toute cette richesse, la Nouvelle-Calédonie est en marche pour mieux structurer la recherche et l’innovation au service de la connaissance,

de la protection et de la valorisation de ses ressources marines. Dans le cadre de la réflexion prospective Calédonie 2025, elle a entamé une large réflexion stratégique. Suite à un travail de concertation et de synthèse des connaissances, elle a également mis en place le Parc marin de la mer de corail, immense zone marine protégée de tout premier ordre. Le développement durable basé sur « l’économie bleue », qui est une interpellation actuelle des peuples et des gouvernements des pays côtiers de la planète, représente donc, ici, en Nouvelle Calédonie, un véritable futur à construire. ■

Le centre culturel Tjibaou situé entre les baies de Tina et de Magenta. « La Nouvelle-Calédonie dispose d’atouts majeurs qui supposent des enjeux de connaissance, de mise en œuvre de hautes technologies d’exploration et l’émergence de filières économiques. » LIONEL LOUBERSAC

PHOTO : PHILIP PLISSON

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2. Se dit des organismes vivant sur le plancher (inféodés au fond) des milieux aquatiques, (ex : échinodermes, comme les oursins, crustacés de grande taille, bivalves comme les huîtres ou gastéropodes comme les buccins, certains poissons comme les soles et les raies…), à la différence des organismes pélagiques qui vivent dans la masse d’eau comme le plancton, les méduses et certains poissons (thons)… 3. Le Gondwana est un supercontinent formé tout à la fin du Néoprotérozoïque (– 600 millions d’années) et qui a commencé à se fracturer au Jurassique (– 160 millions d’années). 4. En géologie, une dorsale, ou ride médio-océanique, est une frontière de divergence entre deux plaques tectoniques.


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Une aquaculture en devenir vec plus de 65% de sa superficie inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, le lagon de la Nouvelle-Calédonie offre à l’aquaculture calédonienne un environnement préservé et de qualité. Ne recherchant pas la production de masse, domaine dans lequel elle est peu compétitive, la Calédonie s’est orientée vers des espèces à forte valeur ajoutée et des produits haut de gamme, destinés à l’exportation, comme la crevette bleue (L. stylirostris) et l’holothurie (H. scabra)

riodes les plus défavorables où les pathogènes sont les plus virulents. Ce projet à échéance 2015 s’appuie sur deux expériences préliminaires réalisées par l’Ifremer et ayant démontré un gain sur la survie de l’ordre de 20 % par génération chez des animaux infectés par le pathogène Vibrio.penaecida, et un gain de croissance de 4 % par génération. Dans le futur centre de sélection, conçu pour respecter au mieux les principes de biosécurité, les animaux très jeunes (0,5 g),

45 kg de sédiment en une année. Alors pourquoi ne pas lui demander de nettoyer les bassins de crevettes chargés en matière organique ? Avec le soutien des acteurs publics engagés dans la filière, des essais sont menés pour évaluer la capacité de bioremédiation (emploi d’un procédé biologique pour éliminer les polluants) des milieux aquacoles par l’élevage d’holothuries. L’objectif est double : évaluer la faisabilité technique de la culture en alternance de L. stylirostris et H. Le Laboratoire d’étude des microalgues (Lema), laboratoire calédonien mixte Adecal Technopole-Ifremer, créé à Nouméa dans le cadre du programme Amical, est opérationnel depuis mai 2013.

PHOTO : IFREMER

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EDOUARD KLOTZ *

PHOTO : IFREMER/LE DÉAN

Par

Les microalgues de Nouvelle-Calédonie, un eldorado végétal ans les eaux côtières calédoniennes se cache un potentiel qui attend patiemment d’être valorisé, les microalgues. Dans le monde, environ 72 000 espèces ont été recensées. Ces petites plantes aquatiques à la croissance très rapide, invisibles à l’œil nu, sont de formidables usines à fabriquer des molécules. Avec un atout considérable : cette culture peut faciliter l’épuration des effluents industriels (azote, phosphore, CO2). Pour profiter de cette richesse naturelle, dans le respect de l’environnement, l’Ifremer et Adecal Technopole ont inauguré, en 2013, le premier laboratoire calédonien d’études des microalgues, avec des équipements de pointe, basé à Nouméa, dans les anciens locaux de l’Aquarium des lagons. Le projet a bénéficié de financements de l’État, suite à un appel à projet lance par le Comité interministériel de l’Outremer. Le but du projet AMICAL (Aquaculture microalgues en Nouvelle-Calédonie), animé par des scientifiques de l’Ifremer et d’Adecal Technopole, est la création d’une véritable filière de production et d’exploitation de microalgues dont « le potentiel est considérable »

PHOTO : SOPAC

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L’aquaculture calédonienne s’est orientée vers des espèces à forte valeur ajoutée et des produits haut de gamme, destinés à l’exportation, comme la crevette bleue et l’holothurie (photos), ou au marché local avec le picot rayé et l’huître creuse.

ou au marché local, avec le picot rayé (S. lineatus) et l’huître creuse. Soucieuse de préserver cet environnement, refusant l’utilisation d’antibiotique dans les bassins d’élevage alors que des pathogènes naturellement présents (vibrios) sont susceptibles d’affecter les survies en élevage, la crevetticulture calédonienne s’est engagée dans une démarche de sélection génétique innovante, visant à améliorer la survie et les performances des individus pendant les pé-

infectés par le pathogène (Vibrio) puis sélectionnés pour leur performance de croissance à 15 g et 30 g, seront reproduits pour donner les post-larves sélectionnées, futurs géniteurs de la filière. Une ferme de géniteurs utilisant la technologie du biofloc viendra compléter le dispositif pour assurer l’alimentation de la filière en nauplii 1. Saviez-vous qu’holothuries 2 et crevettes font aussi bon ménage. Détritivore insatiable, la bêche de mer avale jusqu’à

* Edouard KLOTZ.

Président du Groupement des fermes aquacoles de Nouvelle-Calédonie. Cet article a été rédigé en collaboration avec son adjointe, Nathalie Tostin.

scabra et, dans le cadre d’une culture en cascade, déterminer l’influence des rejets en sortie des bassins sur la croissance de scabra et sur l’enrichissement de l’environnement. Si la pêche assure aujourd’hui une production de bêche de mer de 30 tonnes, le marché hongkongais et ses 50 000 tonnes tendent les mains aux producteurs calédoniens. ■ 1. Pluriel de nauplius. La larve nauplius est la larve la plus simple libérée lors de l’éclosion des œufs chez les crustacés. 2. Une holothurie (Holothuroidea) est un animal marin, au corps mou et oblong. Elle est aussi appelée concombre de mer ou bêche de mer, voire biche de mer, par déformation, en Nouvelle-Calédonie.

confirme Adrien Rivaton, directeur du pôle ressources marines à Adecal Technopole 1. « Cueillies » puis sélectionnées et cultivées en bassin, en cuve fermée ou en photobioreacteur, les microalgues représentent, selon les espèces, un potentiel de valorisation dans des domaines tels que l’alimentation humaine ou animale (protéines, acides gras…), la cosmétique, la pharmacie (médicaments et antibiotiques), le traitement des eaux, la réduction du CO2 sans oublier l’énergie (lipides et biogaz pour les biocarburants de troisième génération). Le Lema (Laboratoire d’étude des microalgues), laboratoire calédonien mixte Adecal Technopole-Ifremer, créé à Nouméa dans le cadre du programme AMICAL, est opérationnel depuis mai 2013. En septembre 2014, près d’une douzaine d’espèces de microalgues ont été isolées à partir de prélèvements effectués le long du littoral calédonien. Ces souches ont été rendues monospécifiques, bactériologiquement propres et débarrassées de prédateurs potentiels (protistes). Après avoir été sélectionnées, principalement sur le critère de leur vitesse de croissance, ces pre-

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mières espèces calédoniennes vont être caractérisées sur le plan écophysiologique au laboratoire PBA de l’Ifremer à Nantes, en particulier en évaluant trois principaux paramètres, température-irradiance-pH et avant que des caractérisations biochimiques soient ensuite effectuées. Le deuxième laboratoire, créé dans le cadre du projet AMICAL, le LTMA (Laboratoire technologique de microalgues), est en cours d’achèvement dans la Province Nord. La partie couverte de ce laboratoire sera opérationnelle fin 2014 et la partie extérieure au cours du premier trimestre 2015. Les souches sélectionnées au Lema et caractérisées à PBA seront donc rapidement cultivées dans des bassins extérieurs, ceci afin d’étudier le développement d’une telle filière de production dans le contexte calédonien. ■ 1. Adecal : Agence de développement de la Nouvelle-Calédonie.

Cet article est co-signé par Ifremer & Adecal-Technople Nouvelle-Calédonie.


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TRIBUNE

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Observer les océans, l’expertise Bluecham

PHOTOS : BLUECHAM

de plus en plus précisément (30 cm à la fin de l’année avec WorldView-3), de plus en plus souvent (plusieurs fois par jour), et avec de plus en plus d’acuité (16 bandes début 2015 avec Superspectral). Bluecham SAS, jeune société innovante calédonienne, primée n° 1 au concours national 2007, a relevé ce chal-

Bluecham SAS, jeune société innovante calédonienne, primée n° 1 au concours national 2007, a relevé le challenge de rendre accessible et utile le potentiel des satellites pour les communautés maritimes.

espaces. Pour les appréhender, il est nécessaire de les comprendre, de les diagnostiquer et de les surveiller. Un seul moyen efficace permet de le faire, l’observation vu de l’espace. Plus de quatrevingt-dix satellites recueillent régulièrement des informations sur toute la surface du globe. Mieux, on prévoit, dans les dix années qui viennent, de doubler ce chiffre, qui avait été atteint en quarante ans. Le secteur est en croissance exponentielle. Les satellites permettent, en effet, d’étudier de grandes surfaces, * Didier LILLE. Président de Bluecham SAS.

lenge de rendre accessible et utile le potentiel des satellites pour les communautés maritimes. Grâce à une très forte activité de R&D (supérieure à 50 % de son chiffre d’affaire) et à des partenariats de haut niveau dans le domaine du spatial (Cnes, Esa, Nasa, DigitalGlobe, Deimos), elle a développé la première technologie, baptisée Qëhnelö™ (« Porte d’entrée » en Drehu 1), qui permet l’utilisation fluide des données spatiales dans « le cloud ». Vous avez une liaison internet et un navigateur Web, et le tour est joué. Forte de cette première étape, la société s’est spécialisée dans les problématiques propres à la zone tropicale,

bilan des récifs, surveillance des mangroves, étude du trafic maritime dans le lagon, localisation des nappes d’hydrocarbures, bathymétrie des hauts fonds ou suivi des herbiers sous-marins, indispensables aux populations de dugongs. Le potentiel en haute mer est également avéré, les satellites mesurent la couleur de l’eau (liée à la présence de phytoplancton et à la mise en place de la chaîne trophique), la température de surface de la mer (fortement corrélée à la présence de grands pélagiques) ou l’altimétrie de la surface de la mer (courantologie). Le satellite peut donc être un atout précieux pour permettre la gestion durable des ressources par les pêcheries locales et les autorités. En cas de phénomène naturel catastrophique, l’approche spatiale s’avère également précieuse. Elle permet de détecter et suivre les panaches turbides dans le lagon, qui étouffent les coraux, puis de remonter dans les bassins versants pour identifier les sources de production sédimentaire. Ces informations permettent alors de prioriser la revégétalisation des sites miniers dans le but de minimiser les futurs impacts. Le satellite, contrairement aux idées reçues, est également le moyen le plus rentable de recueillir régulièrement des données sur de grandes surfaces. La présence sur le territoire calédonien d’une startup dans le domaine de l’analyse spatiale peut, sans aucun doute, participer à la dynamique inhérente à la mise en place d’un cluster maritime en Nouvelle-Calédonie. Ce cluster permet ainsi à des hommes d’horizons différents, de se rencontrer pour mieux gérer, exploiter et préserver les ressources maritimes. ■ 1. Le drehu (qene drehu) est une langue appartenant à la famille des langues austronésiennes. Elle est la langue kanak qui comporte le plus de locuteurs.

En savoir plus www.bluecham.net

la cosmétique, de la médecine ou encore Nouvelle-Calédonie, Polynésie française de l’environnement. L’Ifremer, en parteet Wallis-et-Futuna, les trois collectivités nariat avec l’Adecal (1), a également mis d’outre-mer du Pacifique, représentent 62 % de la zone économique exclusive en place un laboratoire d’études des mitotale de la France : sur 11 millions de cro-algues destiné à valoriser une partie km2 de ZEE française plus de 7 millions des écosystèmes du lagon (lire en page 61). de km2 se trouvent dans le Pacifique. Grâce à ces étendues marines, la France Les collectivités d’outre-mer possède la deuxième ZEE du monde, du Pacifique se fédèrent juste derrière les États-Unis et devant L’association des CCI des Outre-mer l’Australie. et la Fédération des entreprises d’outreLes richesses issues de la mer dépassent mer, en partenariat avec les représentacelles que l’on trouve sur terre. Elles sont tions professionnelles, MEDEF et minérales, environnementales, spatiales CGPME, et les chambres de commerce (usages, aires marines protégées). L’écoet d’industrie de Polynésie française, de nomie maritime est aujourd’hui un enNouvelle-Calédonie et de Wallis-etPar ANDRÉ DESPLAT jeu majeur estimé à 1500 milliards de Futuna, ont présenté, le 5 novembre derPrésident de l’Association dollars au niveau mondial (dont un tiers nier, à l’Assemblée nationale, une confédes CCI des Outre-mer en Europe, générant ainsi 5,4 millions rence sur les enjeux économiques et et de la CCI-Nouvelle-Calédonie. d’emplois). L’économie liée à la mer stratégiques de l’outre-mer français du constitue un pivot qui fait appel à des secteurs d’activité Pacifique. L’occasion pour nous de mettre en lumière notre aussi variés que les technologies de l’information et de la situation actuelle et nos contextes géographique, éconocommunication, l’ingénierie navale ou les biotechnologies. mique et humain, qui sont trop souvent méconnus. Mais également une formidable opportunité de faire le point sur nos Le potentiel maritime potentialités qui sont, c’est une certitude, un atout majeur ■ pour nos territoires, comme pour la France. de la Nouvelle Calédonie À l’heure où la volonté affichée des institutions calédo1. Adecal : Agence de Développement de la Nouvelle-Calédonie. niennes est de sortir du modèle économique exclusivement centré sur le nickel, de nombreux projets innovants commencent à émerger et les potentiels liés à l’océan ouvrent des perspectives de développement durable pour le territoire. Les potentialités de la Nouvelle-Calédonie en matière de développement vont en effet bien au-delà de la ressource en nickel. L’explosion industrielle et la multiplicité des initiatives entrepreneuriales de ces dernières années en sont les indicateurs les plus probants. Depuis les initiatives portées par des grappes d’entreprises, tel le tout nouveau Cluster maritime Nouvelle-Calédonie, à la richesse exceptionnelle de la ZEE, le potentiel de développement économique est bien réel. Recherche, innovation, minerais stratégiques, énergies renouvelables, biotechnologies et chimie du vivant, potentiels immenses liés à l’océan, les richesses de la Nouvelle-Calédonie ont une portée aussi bien locale et nationale, que régionale et internationale. Parmi les projets déjà existants pilotés par l’Ifremer et l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, on retrouve notamment les bactéries marines, principal gisement de nouvelles molécules à fort potentiel de valorisation industrielle. Le stade de la recherche est déjà dépassé, ces molécules d’intérêt biotechnologique offrent des débouchés dans les domaines de PHOTO : DR

es zones économiques exclusives des régions françaises d’outre-mer doublent la surface maritime de l’Europe. Cette dimension fait percevoir l’importance que peut représenter la valorisation des ressources marines dans ces régions mais confère également une forte responsabilité aux gestionnaires de ces

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DIDIER LILLE *

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Les enjeux économiques et stratégiques de l’outre-mer français du Pacifique

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OUTRE-MER POLYNÉSIE FRANÇAISE

Océan Arctique Amérique du Nord

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Europe Asie

Océan Pacifique

Afrique Océan Indien

Amérique Océan du Sud Atlantique

Hatutu

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Zone économique des 200 milles (Îles Cook)

Antarctique

Eiao Motu Iti Nuku Hiva

ÎLES

Île haute Île basse (atoll) Zone économique des 200 milles (Polynésie française)

Australie

AR CH IP EL

Ua Uka Fatu Uku Hiva Oa Tahuata Motane Fatu Hiva

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Tepoto Manihi Napuka Ahe Tikehau Rangiroa Takapoto Takaroa Puka Puka Mataiva Arutua Apataki Aratika Tikeï Makatea Fangatau Taiaro Takume Kaukura Toau Kauehi Bellingshausen Tupai Fakahina Niau Raraka Taenga Raroia Maupiti Bora Bora Makemo Scilly Fakarava Katiu Nihiru Tahaa Huahine Faaite Tehuata Mopelia Tetiaroa Raiatea Tahanea Motutunga Marutea Moorea Tekokoto Tatakoto Tauere Îles-sous-le-vent Anaa Haraiki Tahiti Hikueru Maiao Amanu Reitoru Mehetia Marokau Pukarua Hao Akiakio Îles-du-vent Ravahere Reao Nengonengo Paraoa Vahitahi Nukutavake Manuhangi Pinaki Vairaatea Ahunui Hereheretue

ÎLES

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Vanavana

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Nukutipipi Maria

Tematangi Rimatara

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Mururoa Fangataufa

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« La mer joue un rôle économique majeur en Polynésie française contribuant à hauteur de 40 % à ses ressources juste après le tourisme. Le principal défi est donc, avant tout, celui de l’équilibre à trouver entre l’impérative préservation des écosystèmes et des ressources et leur exploitation croissante .» GÉRARD SIU

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ritime français. La rencontre avec son président, Francis Vallat, et Alexandre Luczkiewicz, chargé au sein du Cluster des relations avec l’outre-mer, aura été le catalyseur. Au retour de Stéphane, la décision était prise de créer le Cluster maritime de Polynésie française (CMPF). La première étape fut l’organisation, en avril 2014, avec l’aide du Medef local, du premier Forum de la mer de Tahiti, en avant-première du salon Nautica Porinetia, rassemblant toutes les forces vives, publiques et privées, des différents secteurs maritimes polynésiens. La seconde étape, sur la base des travaux de ce forum, fut de tracer les contours d’une Vision maritime pour le développement économique et de l’emploi en Polynésie française avec, comme premier projet transversal, la mise en place, dès juin 2014, du CMPF.

Tureia Tenararo Tenarunga Vahanga Marutea-Sud Vavao Maturei Maria

ÎLES GAMBIER Morane

Mangareva

Timor

Raivavae

200 km

S Rapa

Entretien avec GÉRARD SIU Président du Cluster maritime de Polynésie française

même au moment de la reproduction, menaçant les équilibres économiques et les espèces. La seconde approche est plus « moderne et sociale » avec une mer considérée par les jeunes avant tout comme un espace de loisirs et de sports où ils excellent dans des disciplines telles que le vaa, la pirogue polynésienne, trustant les podiums à chaque épreuve mondiale, mais aussi le surf ou la plongée sous-marine, avec à la clé une activité commerciale induite non négligeable et un phénomène d’ascenseur social pour les meilleurs. La mer joue enfin un rôle économique majeur dans notre « Pays d’outre-mer » contribuant à hauteur de 40 % à ses ressources, juste après le tourisme. Le principal défi est donc, avant tout, celui de l’équilibre à trouver entre l’impérative préservation des écosystèmes et des ressources et leur exploitation croissante. C’est un enjeu de taille car le jeune polynésien connaît très peu son environnement marin. La connaissance de la mer ne fait pas partie de son cursus scolaire. Il ne choisira les métiers de la mer que par contrainte. Le rôle de notre Cluster est de donner à la mer sa vraie place pour l’avenir de la Polynésie, d’en faire à la fois un centre d’activité et un milieu de qualité.

Propos recueillis par Erwan Sterenn

PHOTO : DR

■ Comment travaillez-vous avec le Cluster maritime français (CMF) basé à Paris ?

« Le rôle de notre Cluster est de donner à la mer sa vraie place pour l’avenir de la Polynésie »

Nos échanges sont constants quels que soient les projets ou les dossiers étudiés : grands fonds marins, énergies marines, règlementations et législations, préservation de l’environnement, éducation et formation… L’expérience du CMF, sa solidité, sa crédibilité, ainsi que les méthodes et l’organisation de ses groupes de travail permettent de gagner en temps et en efficacité. Le CMPF a ainsi pu, en quelques semaines, mettre sur pied des ateliers et des équipes thématiques opérationnelles qui lui ont donné toute sa crédibilité. Fort de cela, les organismes publics et institutions du Pays l’ont immédiatement adopté, l’intégrant même au conseil d’administration du Centre des métiers de la mer de Polynésie française, constitué en août 2014.

■ Quels sont, à ce jour, les secteurs porteurs de l’économie maritime polynésienne ?

Par son isolement et la nature de son territoire réparti, sous forme d’îles et d’atolls, sur un espace aussi vaste que l’Europe, le transport maritime – international et inter-îles – destiné à l’acheminement des biens nécessaires à la population et à l’économie constitue une activité majeure en Polynésie, avec les services portuaires afférents. Le tourisme maritime est également un secteur porteur en complément de l’offre touristique classique. La production, la transformation et le négoce des produits de la mer, à travers un produit phare, la perle de Tahiti, mais aussi la pêche et l’aquaculture, constituent les principales activités primaires issues de la mer auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les services, commerces et industries nautiques.

■ Quelle est la place de la mer en Polynésie française ?

avec M. Ollivier Amaru de la station de pilotage de Papeete « Te Ara Tai », on s’est rendu compte que chacune de nos organisations travaillaient pourtant, depuis plusieurs années, à la création de synergies autour de l’économie maritime (groupements interprofessionnels dans la croisière, salon nautique, projet de pôle d’excellence maritime dans le Port de Papeete, etc.). Taimoana décida alors de missionner M. Stéphane Renard, de la société Archipelagoes, aux Assises de l’économie maritime organisées en décembre 2013, à Montpellier, par le Cluster ma-

■ Quelle

est la genèse de la création du Cluster maritime de Polynésie française ?

Conscient de notre potentiel maritime, notamment dans les domaines de la plaisance, du tourisme nautique, de la pêche et de la perliculture et de la nécessité de s’organiser, nous avons créé, en 1997, avec des acteurs de la filière, le syndicat Taimoana, en tahitien Le grand océan. Très rapidement, celui-ci s’est organisé autour de la plaisance, avec la création d’un rendezvous annuel, le salon Nautica Porinetia. Lors d’une rencontre

PHOTO : TIM.MCKENNA.COM

Océan Pacifique

Deux approches coexistent aujourd’hui. Une approche « traditionnelle » avec un rapport à la mer et aux lagons évident pour un pays fortement tourné vers l’horizon depuis plusieurs siècles, qui dispose d’un tel espace maritime, et se confronte, au quotidien, aux enjeux et aux impératifs économiques modernes, ce qui a amené à voir disparaître la pratique ancienne du « Rahui », une forme de gestion durable des ressources. De fait, considérée initialement, par beaucoup d’habitants, comme une source « intarissable » d’alimentation en poissons, la mer est aujourd’hui devenue une source de revenu rapide avec des captures opérées

■ Quels sont les grands projets en cours et les secteurs d’avenir ?

La société chinoise Tian Rui a annoncé un programme d’investissement aquacole d’environ 1,25 milliard d’euros sur 10 ans, destiné à la production de poissons, voire de crevettes, pour l’exportation. La filiale polynésienne a été constituée récem- >>

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OUTRE-MER POLYNÉSIE FRANÇAISE HORS-SÉRIE archipels un réservoir scientifique en général, et biologique en particulier, dont les applications, au travers de la recherche et du développement, peuvent constituer les filières majeures de demain, au plan local comme national. ■ Les ressources maritimes de la Polynésie française sont-elles suffisamment préservées de la pollution et protégées contre le braconnage et le pillage ?

PHOTO : GROUPE PACIFIC BEACHCOMBER

Les progrès à faire dans ces deux domaines sont évidents. La Polynésie constitue toujours un réservoir naturel incontestable, préservé, avec des espèces et des écosystèmes en bonne santé. Néanmoins, la progression de l’urbanisation, d’une exploitation passant d’une approche traditionnelle à des exigences commerciales et semi-industrielles pour intégrer un marché plus large, tout comme la pression exercée par un tourisme appelé à encore se développer, imposent toujours plus de vigilance et de précautions. Même si nous sommes conscients des délicats arbitrages que l’État doit réaliser dans la répartition de ses moyens sur l’ensemble de l’outre-mer français, la surveillance des zones de pêche devrait pouvoir bénéficier de moyens supplémentaires, de même que la sécurité et le sauvetage en mer. La Polynésie représente tout de même, à elle seule, près de la moitié de la zone économique exclusive française dans le monde. L’action de l’État en mer qui dispose de moyens aériens et de relevés VMS (Vessel monitoring system) et AIS (Automatic identification system), n’y a pas constaté de pêche illicite depuis des années mais nous devons rester vigilant car depuis deux ans plusieurs centaines de DCP 2 dérivants y sont constamment aperçus et ce, alors même qu’une aire marine protégée de plus de 700 000 km2 est en cours de validation dans le nord de l’archipel des Marquises. ■ Quels sont les pays de la région avec lesquels vous entretenez

des relations ou développez des projets en matière maritime

Les relations avec les États et les territoires insulaires du Pacifique Sud sont insuffisantes. Des échanges commerciaux lient étroitement notre Pays à la Nouvelle-Zélande, et des échanges culturels nous rapprochent de la Nouvelle-Calédonie et des îles Cook. On ne peut toutefois se satisfaire de cette situation puisque la Polynésie française, au centre du Pacifique Sud, peut et doit pouvoir devenir un pôle maritime bien plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Il y a là à la fois des ambitions économiques polynésiennes légitimes, mais également des enjeux cruciaux pour la place de la France dans cette région du monde qui se situe tout de même au croisement de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud et de toute l’Asie du Sud-Est, Chine compris. Cette position stratégique est à prendre en compte dans les arbitrages et les mécanismes incitatifs nationaux pour que les entrepreneurs polynésiens puissent rayonner bien davantage dans le Pacifique. Au-delà des enjeux nationaux, au vu de la taille de notre espace maritime, de la multitude et de la complexité des investissements nécessaires au développement des filières, la discussion et l’ouverture avec les grands pays de la région, Chine, Etats-Unis, Australie, etc. seront nécessaires pour le futur de la Polynésie française. ■

Le paquebot de croisière Paul Gauguin géré par le Groupe Pacific Beachcomber. « Le Cluster maritime milite, entre autres, pour faire de la Polynésie française, placée sur les grands axes de navigation Asie Pacifique-Amériques, un pôle d’activité important, dans le Pacifique Sud, pour l’entretien et la réparation des grands yachts, ainsi qu’un hub pour des armements à la pêche. » GÉRARD SIU

structures existantes et inexploitées. Un autre secteur d’avenir est celui de l’énergie. Compte tenu de l’étendue et de l’éparpillement de son territoire, le transport et la production d’énergie constituent un frein au développement de la Polynésie. Les énergies marines renouvelables sont donc un axe fort de développement. Le succès de la technique Swac 1dans les hôtels Intercontinental à Bora Bora et dans le nouvel hôtel The Brando, à Tetiaroa, confirme ce potentiel encore sous-exploité. Le développement d’hydroliennes, adaptées à nos îles, pourrait également être exploité pour conquérir le marché des îles du grand pacifique. L’énergie thermique des mers a aussi du potentiel. Une bathymétrie très favorable – on va chercher le différentiel de température moins loin et moins profond que sur les sites actuels ou envisagés –, une zone géographique relativement protégée des cyclones et la cherté actuelle de l’énergie, devraient pouvoir ouvrir la voie à des projets intéressants. Un autre grand secteur d’avenir est, bien entendu, celui de la préservation des écosystèmes et de la ressource, permettant de faire des différents

1. Sea Water Air Conditioning. 2. DCP : Dispositifs de concentration de poissons.

Installation du système de climatisation par puisage profond de l’eau de mer (SWAC) de l’hôtel The Brando à Tetiaroa, en 2011. Ci-dessus, le pipeline du SWAC de l’hôtel Intercontinental Thalasso and Spa de Bora Bora, installé en 2006.

PHOTOS : DAVID WARY-AIRARO SAS

>> ment. La base logistique, l’écloserie, et la première zone de production sont en cours d’installation sur l’atoll de Hao, dans l’archipel des Tuamotu, ancienne base arrière du Commissariat à l’énergie atomique (CEP). Selon la convention signée entre la société Tian Rui et le gouvernement, les phases d’élevage et de grossissement seront assurées par les Polynésiens tandis que la société chinoise assurera l’écloserie, les aliments, les investissements et la commercialisation. Nous sommes favorables à ce projet et veillerons au respect de sa mise en œuvre dans le cadre d’un développement durable. Autre projet d’envergure, celui du complexe touristique Mahana Beach à Tahiti – 5 hôtels, un casino, un cinéma, des boutiques de luxe, un parc aquatique –, lancé par le président Gaston Flosse, au premier trimestre 2014. Évalué à plus de deux milliards d’euros, il est destiné à donner au tourisme polynésien une taille critique susceptible de le relancer et intègre une dimension « grand yachting ». Dans ce domaine, le CMPF milite pour faire de la Polynésie française, placée sur les grands axes de navigation Asie Pacifique-Amériques, un pôle d’activité important, dans le Pacifique Sud, pour l’entretien et la réparation des grands yachts, ainsi qu’un hub pour des armements à la pêche. C’est un enjeu réaliste pour peu qu’elle s’organise et investisse dans la modernisation d’infra-

La Polynésie française, acteur majeur des énergies marines renouvelables Par

a Polynésie française, constituée de 118 îles et atolls disséminés sur une ZEE de 5,5 millions de km2, représente plus de la moitié de la surface maritime de la France. Se tourner vers la mer y est donc naturel voire vital. Avec la Première mondiale qu’a constitué, en 2006, l’installation commerciale d’un système SWAC 1, la Polynésie française s’est positionnée en pionnière sur cette technologie de climatisation par puisage de l’eau de mer, mais également – par comparaison avec l’ensemble des procédés encore en phase de recherche et de développement – en véritable précurseur dans le domaine des énergies marines renouvelables. Ce premier SWAC, installé à l’initiative de la société Tahiti Beachcomber SA, permet de climatiser, à moindre coût, l’hôtel Intercontinental Thalasso and Spa de l’île de Bora Bora, avec une économie de 90 % sur la facture électrique habituellement consacrée à la climatisation, soit 50 à 60 % de

L

DAVID WARY *

la facture électrique totale. D’une puissance de 1,5 MWfroid, il nécessite un puisage d’eau de mer à 915 mètres de profondeur via un pipeline de 2 400 mètres de long et de 400 mm de diamètre. Ce succès a incité Tahiti Beachcomber SA à réinstaller ce système pour la climatisation de l’hôtel The Brando qui a ouvert ses portes en juillet dernier sur l’atoll de Tetiaroa, situé à 53 km au nord de Tahiti. La conception et la réalisation de ce deuxième SWAC mondial se sont étalées entre 2010 et 2014. D’une puissance de 2,4 MWfroid, les pipelines de pompage et de rejet sont d’un diamètre de 450 mm. Le puisage d’eau froide s’effectue à 960 mètres de profondeur pour un linéaire total de 2 300 mètres. L’éloignement de l’atoll et sa configuration (atoll fermé), l’intégration à une infrastructure hôtelière de très haut standing, en autonomie énergétique complète, associés à l’impérative préservation du milieu ont été des chal-

* David WARY. Co-fondateur de Airaro SAS, société spécialisée en projets d’énergies renouvelables en milieu insulaire. David Wary a activement participé à la conception et à la réalisation des deux premières installations SWAC mondiales de Bora Bora et de Tetiaroa, ainsi qu’au montage du projet SWAC de l’hôpital de Tahiti et à celui de la plus importante installation solaire photovoltaïque de Polynésie française.

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lenges permanents auxquels les équipes ont su répondre. Ces deux installations emblématiques ont mis en lumière cette technologie mais également, et plus largement, les énergies marines renouvelables en démontrant leur fiabilité technico-économique. Elles ont également permis de démontrer la capacité des équipes locales à monter, concevoir et conduire ce type de projet dans lesquels, plus que la technique pure, c’est bien la correcte « mise en musique » de métiers très différents (océanographie, ouvrages à la mer, permitting process) qui est primordiale et seule à même de garantir le succès final. En effet, que ce soit sur un SWAC ou sur une hydrolienne, la démarche reste identique. Plusieurs études considérant l’ensemble des archipels ou ciblées sur des sites précis, ont été menées au cours de ces dernières années. Il en ressort que la viabilité d’un projet ne se mesure qu’à la lecture de différents paramètres comme le poten- >> 1. Sea water air conditioning (SWAC) ou Deep water source cooling (DWSC) ou encore, en français, Climatisation à l’eau naturellement froide (CENF) : forme de climatisation de l’air, innovante et écologique, qui utilise une source renouvelable d’eau froide située à proximité (source : www.deprofundis.com).


OUTRE-MER POLYNÉSIE FRANÇAISE

Président du groupe Pacific Beachcomber

« La Polynésie française est à la pointe de certaines technologies et développements »

L’atoll de Tetiaroa situé à 53 km au nord de Tahiti. « Parmi tous les types d’énergies marines renouvelables envisagées pour la Polynésie française, c’est l’énergie thermique des mers qui exploite la différence de températures entre les eaux de surface et les eaux profondes, qui présente aujourd’hui le meilleur potentiel. La Polynésie est l’un des meilleurs sites mondiaux pour sa mise en œuvre. » DAVID WARY

>> tiel exploitable, les conditions particulières du site, les caractéristiques de consommation et l’adéquation de ces valeurs aux machines aujourd’hui développées. Si certaines idées reçues ont la vie dure, notamment sur les potentiels exploitables, la réalité peut être assez éloignée.

Courant, houle et énergie thermique En ce qui concerne l’énergie des courants, les mesures effectuées dans la passe de l’atoll de Hao considérée comme la plus énergétique de Polynésie française, ont démontré une forte disparité des valeurs de vitesses liée à la géométrie de la passe. L’absence de marée significative (inférieure à 0,4 mètres) et le fonctionnement spécifique hydrodynamique des lagons, avec un fort impact des houles incidentes générant l’effet d’ensachage, font par ailleurs que les potentiels de courant sont extrêmement variables et les vitesses suffisantes peu fréquentes. Les conditions de site et les puissances visées sont peu compatibles avec les machines aujourd’hui développées. Plus généralement, les vitesses réduites des courants et leur faible fréquence, mais également les usages et les caractéristiques géométriques des passes, offrent peu d’espoir aux hydroliennes comme solution pé-

renne aux problématiques énergétiques des îles de Polynésie française. L’énergie de la houle, symboliquement portée en Polynésie par la vague mythique de Teahupoo 2, est fréquemment proposée comme alternative aux énergies fossiles. L’étude des potentiels, par archipel, a démontré d’importantes variations entre les îles Australes, impactées directement par les houles remontant de l’Antarctique, et les archipels situés plus au nord, comme la Société ou les Marquises. Les potentiels passent donc de plus de 40 KW/mètre/an 3 à moins de 15 KW/m/an. L’absence de besoin consolidé et certaines spécificités (éloignement, coûts, distance par rapport au lieu de consommation) sur les îles les plus énergétiques font que, tout comme l’hydrolien, les caractéristiques des machines houlomotrices en cours de développement sont très éloignées des conditions des sites polynésiens et des potentiels disponibles. Outre ces deux types d’énergie marine, c’est l’énergie thermique des mers qui offre aujourd’hui en Polynésie française le meilleur potentiel. Ce principe, mentionné par Jules Verne dans 20000 milles lieues sous les mers et développé par Georges Claude dans les années 1930 4, exploite la différence de températures entre les eaux de surface et les eaux profondes pour vaporiser puis condenser un fluide de travail qui actionne une turbine. L’énergie thermique des mers,

contrairement à toutes les autres énergies renouvelables classiques terrestres et marines, présente l’intérêt d’être permanente et de faciliter ainsi la garantie de puissance et l’acceptation par les réseaux, notamment insulaires. La Polynésie française, combinant des profils de températures optimales, une distance à la côte de l’isobathe des 1 000 mètres extrêmement faible, des saisons cycloniques modérées et un prix de l’électricité élevé, est l’un des meilleurs sites mondiaux pour la mise en oeuvre de cette technologie. Son développement fait actuellement l’objet d’une intense rivalité entre les américains de Lockheed Martin, les japonais de Xenesys et les équipes françaises de AKUO et de DCNS, avec comme principale difficulté la remontée des eaux profondes et les diamètres très élevés de canalisations. La technologie mise en œuvre par AKUO et DCNS à Bellefontaine, à la Martinique, devra toutefois être définitivement validée dans les prochaines années avant d’être installée en Polynésie française et permettre à cette dernière de répondre efficacement à ses problématiques énergétiques. ■

Propos recueillis par Erwan Sterenn à de nouvelles technologies. Les conditions d’un cadre général favorable doivent être rassemblées et cela passe aussi, pour nos collectivités d’outre-mer, par les dispositifs d’aide à l’investissement et la défiscalisation métropolitaine. Cette dernière, en particulier, est vitale pour les énergies renouvelables et les nouvelles technologies qui représentent surcoût, délais et aléas, notamment par rapport aux solutions >> conventionnelles.

■ L’hôtel The Brando, inauguré l’été dernier sur l’atoll de Tetia-

roa, illustre-t-il le fait que l’outre-mer puisse être en avance sur la métropole en matière d’innovation ?

Un tel projet montre qu’éloignement et innovation ne sont pas forcément incompatibles. Il illustre qu’effectivement des territoires comme la Polynésie française peuvent et sont à la pointe de certaines technologies et développements. L’innovation est un état d’esprit, elle ne se limite pas

Le nouvel hôtel de luxe du groupe Pacific Beachcomber, The Brando, ouvert en juillet 2014 sur l’atoll de Tetiaroa, à quelque vingt minutes en avion de Tahiti. « Les technologies mises en œuvre pour limiter l’empreinte carbone sont pour certaines particulièrement innovantes, pour d’autres plus conventionnelles, mais leur combinaison et leur mise en œuvre constituent, quoi qu’il en soit, une Première. » RICHARD BAILEY

PHOTOS : TIM.MCKENNA.COM

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PHOTO : DR

HORS-SÉRIE

Entretien avec RICHARD BAILEY

2. Teahupoo, situé sur la presqu’île de Tahiti Iti en Polynésie française, est un spot de surf mondialement célèbre pour ses gauches (source : Wikipédia). 3. La puissance de la houle est donnée en watt par mètre de front d’onde. 4. Physicien et chimiste français (1870-1960).

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OUTRE-MER POLYNÉSIE FRANÇAISE HORS-SÉRIE terminent la faisabilité et la durabilité d’un projet dans son ensemble, comme pour chacune de ses composantes. Il faut une approche pragmatique, au cas par cas, pour apporter les solutions appropriées. groupe Pacific Beachcomber a racheté, en 2009, les croisières Paul Gauguin. Le marché de la croisière constitue-t-il un secteur d’avenir pour la Polynésie ? Quelles en sont les retombées concrètes pour le territoire ?

PHOTO : PACIFIC BEACHCOMBER

■ Le

Le Paul Gauguin est le seul bateau de croisière basé en permanence en Polynésie française, depuis l’origine en 1998, et le groupe Pacific Beachcomber a permis de le conserver dans nos eaux. Les retombées sont immédiates et permanentes, et s’inscrivent dans la durée. Le Paul Gauguin donne une image améliorée et prestigieuse pour la destination touristique Polynésie française et complète l’offre de produits touristiques à côté des hôtels. Paul Gauguin Cruises est par ailleurs le premier client de la compagnie Air Tahiti Nui et contribue de manière significative à son activité. En matière d’hôtellerie, la croisière génère des séjours pré et post-croisières. En termes d’activités, les prestataires d’excursions dans les îles bénéficient des escales du bateau. Celui-ci est également consommateur de services lors de ses escales, notamment à Papeete où des compléments d’avitaillement sont effectués avec une part d’approvisionnements auprès de fournisseurs locaux qui n’a cessé de croître depuis la reprise par Pacific Beachcomber. Fiscalement, la présence et l’activité du bateau génèrent enfin diverses taxes et redevances.

Le Paul Gauguin racheté par le groupe Pacific Beachcomber en 2009. « Le Paul Gauguin est le seul bateau de croisière basé en permanence en Polynésie française. Les retombées de son activité sont immédiates et permanentes et s’inscrivent dans la durée. » RICHARD BAILEY

>>

■ Pouvez-vous

nous détailler toutes les technologies utilisées dans cet hôtel en matière énergétique et plus largement pour son fonctionnement quotidien ?

L’autonomie en énergies renouvelables est remarquable et unique pour un projet et un produit hôtelier de grand luxe, ou aucun sacrifice n’a dû être consenti pour atteindre les objectifs ambitieux de développement durable, d’autonomie en énergie et en eau, et de respect de l’environnement. Les principales technologies mises en œuvre sont la climatisation par le puisage de l’eau de mer des profondeurs (Sea Water Air Conditioning), la production d’électricité avec du photovoltaïque et des groupes électrogènes fonctionnant au biocarburant (huile de coprah/noix de coco produite localement en Polynésie française), et l’usage de batteries à flux. Par ailleurs, la certification LEED 1 en cours d’achèvement, avec le niveau platine, le plus élevé, attestera que la qualité de la construction, la qualité des matériaux et de leur mise en œuvre, ainsi que les ratios de consommation d’énergie et d’eau, ont été prioritaires. Certaines technologies sont particulièrement innovantes, d’autres plus conventionnelles, mais leur combinaison et leur mise en œuvre constituent, quoi qu’il en soit, une Première.

Gauguin est-il écologique ? Avez-vous des projets de bateaux éco-innovant ?

■ Le

Le bateau répond à toutes les normes en vigueur et a subi, depuis qu’il est passé sous notre contrôle, divers améliorations et mises à niveau afin justement d’être toujours plus respectueux de l’environnement et de la mer. Pour notre second navire, le Tere Moana, destiné à la Méditerranée et aux Caraïbes, un système de purification des eaux grises a été mis en place, permettant de produire une eau « propre » quasi potable.

■ Quel en est le résultat tant en termes de consommation que

■ Économie et écologie sont-ils, selon vous, toujours compatibles ?

d’impact sur l’environnement ?

L’empreinte carbone est nettement réduite. L’utilisation de matières nocives, notamment dans la construction, est proscrite, la ressource en eau est préservée. L’un des effets indirects, mais loin d’être négligeable dans le temps, est la démonstration que de telles approches sont possibles, économiquement viables et contribuent ou accompagnent la prise de conscience générale, à l’échelle de la planète, d’une consommation durable et respectueuse.

La compatibilité n’est pas acquise par principe. Pour autant, les deux ne sont pas antinomiques, bien au contraire. C’est tout le défi d’une approche s’inscrivant dans le développement durable où le capital, l’environnement et la communauté doivent être respectés et trouver leur compte en retour. En tout cas, économie et écologie sont, non seulement complémentaires, mais indissociables, en particulier dans nos environnements insulaires fragiles si extraordinaires de beauté et de diversité. C’est en tout cas l’approche du groupe Pacific Beachcomber que ■ de trouver la combinaison gagnante des deux.

■ Est-on là dans une technologie « de laboratoire », « de prototype », ou dans un process applicable à d’autres établissements – pas seulement hôteliers – en Polynésie ou ailleurs ?

1. LEED pour Leadership in Energy and Environmental Design est un système nord-américain de standardisation de bâtiments à haute qualité environnementale, créé par le US Green Building Council en 1998, semblable au label français Haute Qualité Environnementale. Un bâtiment peut atteindre quatre niveaux : certifié, argent, or ou platine. Les critères d’évaluation incluent l’efficacité énergétique, l’efficacité de la consommation d’eau et du chauffage, l’utilisation de matériaux de provenance locale et la réutilisation de leur surplus.

Nous sommes à la frontière entre ces deux domaines pour certaines composantes mais, globalement, le concept et les technologies sont tout à fait transposables et reproductibles. Il ne faut pas oublier, cependant, que des contraintes géographiques, physiques et aussi économiques ou logistiques, dé-

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POUR VOUS,

LA MER, C’EST QUOI ? 71% de la surface de notre planète ? D’énormes flux de biens, de services et de communications ? Un formidable mais fragile réservoir de ressources ? Un écosystème générateur de croissance ? Un champ idéal pour le développement durable ? Un objet de conquête, source de conflits ? Des valeurs partagées par ses professionnels ? L’avenir de la Terre ? Un atout formidable pour la France ?

Pour nous, c’est tout cela à la fois !

Communication institutionnelle Synergies opérationnelles Actions d’influence SOUTENEZ LA FRANCE MARITIME REJOIGNEZ SON CLUSTER ! www.cluster-maritime.fr contact@cluster-maritime.fr


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