Budget de la défense

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NUMÉRO SPÉCIAL DÉFENSE ET SÉCURITÉ

“ Les Français exigent la vérité, la fermeté. Ils demandent à être protégés ”

Par BRUNO RETAILLEAU Sénateur de la Vendée, président du groupe UMP au Sénat avons assisté, avec l’avènement d’Internet, à l’instauration de ce que les observateurs ont appelé le « village global ». La mondialisation qui, contrairement à certaines idées reçues, n’est pas une idéologie mais un fait qui s’impose à nous, notamment par le développement des nouvelles technologies de l’information, a dessiné une autre carte du monde. Ou plutôt, la carte d’un autre monde. On a vu apparaître une planète connectée en réseaux et, avec elle, la prolifération des sources d’information. L’ubiquité n’est plus l’apanage des dieux de l’antiquité, elle est aussi, désormais, celle du terrorisme. Nos ennemis sont aussi parmi nous, invisibles. Ils sont Irakiens, Pakistanais, Syriens… , mais aussi français, même s’ils sont islamistes avant d’être français. Apatrides, en quelque sorte. Comme toujours, le mal s’est emparé du progrès, prenant quelques longueurs d’avance sur les forces qui protègent nos sociétés. Pour faire face à une guerre qui ne dit pas son nom, les nations désorientées, engoncées dans des structures institutionnelles pluriséculaires, peinent à s’adapter à ces évolutions rapides pour répondre à la soudaineté de nouvelles menaces. En quelques années à peine, on a vu apparaître la faculté, pour une poignée d’individus, de défier une armée, et de se jouer des systèmes de défense les plus sophistiqués. Ainsi n’avons nous pas été en mesure d’empêcher cette tragédie de se produire, alors même que nous étions en mesure de l’éviter. L’immense réaction populaire qui a rassemblé dans la rue plus de 4 millions de Français a montré une nation unie, digne et déterminée, exprimant clairement son refus de subordonner la liberté d’expression à quelque principe que ce soit qui lui serait supérieur. Nous, responsables politiques, avons pris acte de cette réaction populaire à laquelle

es tragiques événements qui ont endeuillé la nation française le 7 janvier dernier, nous ont rappelé, avec autant de soudaineté que de brutalité, l’importance des missions régaliennes dont la représentation nationale assure la charge. À travers la série de meurtres perpétrée au cours de cette terrible journée, les piliers de la démocratie ont été ébranlés : la Défense, la police, la justice ont été mises à l’épreuve pour répondre à une situation d’une ampleur inédite sur notre territoire. Il semble opportun de dire que la France vient de vivre son 11 septembre. Inscrire dans le marbre cette date du 7 janvier 2015 revient à affirmer qu’il y aura un « avant » et un « après ». L’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, de ceux qui les entouraient et les protégeaient, relayé, quelques heures plus tard, par un autre attentat au mobile avéré d’antisémitisme, a montré, s’il en était besoin, que dans l’esprit des islamo-fascistes qui ont agi au cours de cette funeste journée, divers mobiles étaient autant de prétextes à exprimer par la terreur la volonté de domination d’un Islam dévoyé de ses intentions religieuses, mais répondant à un objectif clairement affiché de conquête. La revendication de Daech l’a d’ailleurs confirmé. Il s’agit bien d’une guerre. Qui s’apparente à une guerre froide, dans la mesure où celle-ci n’est précédée d’aucune déclaration officielle – et pour cause : c’est une guerre idéologique, affranchie de la notion traditionnelle de souveraineté des peuples qui a structuré l’humanité moderne, et de la territorialité à laquelle elle était, jusqu’ici, indissociablement attachée. Nous sommes entrés, avec le XXIe siècle, dans l’ère de la communication. En quelques années seulement, nous PHOTO : DR

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mois d’août dernier, j’y ai vu, dans la plaine de la Nivine conquise par Daech, à Mossoul, à Karacoch, grande ville chrétienne, à Erbil, au Kurdistan irakien, s’entasser, par milliers, des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes dans des appartements en construction, sur des terrains vagues ou dans des églises, la peur au ventre et l’effroi dans les yeux, et mesuré ce qu’était l’islamo-fascisme, cette forme de totalitarisme irrigué par la haine de l’autre. Nous sommes devant un impératif de salut public. La France a besoin d’un sursaut national qui rassemble toutes celles et ceux qui, toutes opinions confondues, veulent servir l’intérêt supérieur du pays, à commencer par celui de ses enfants. La permissivité, la complaisance dont nous avons fait preuve à l’endroit de certaines dérives communautaires n’est plus de mise. Cette tragédie a fait aussi apparaître la faiblesse d’un système éducatif inapte à absorber les mu-

un certain nombre de chefs d’États et de gouvernements sont venus s’associer. Chacun sait désormais qu’à travers ces actes symboliques, c’est tout l’Occident qui est menacé. Son mode de vie et ses valeurs qui sont visés Les hommages rendus aux forces de l’ordre, qu’elles fussent civiles ou militaires, par ceux-là même qui les vilipendaient –et c’était bien le cas des journalistes de Charlie Hebdo et de leurs lecteurs – nous ont rassurés. Cette prise de conscience salutaire était sans doute nécessaire pour que ceux qui assurent notre sécurité au péril de leur vie se sentent définitivement soutenus par la nation tout entière. Cette marche, et les élans qui l’ont accompagnée dans une aspiration de concorde nationale inédite depuis la Libération, exprimaient une demande : celle de garantir à chacune et à chacun la liberté d’aller et venir, de penser et de s’exprimer comme bon lui semble. Les Français exigent la vérité, la fermeté. Ils demandent à être protégés. C’est leur droit. C’est notre devoir d’y veiller. Nous devons nous donner les moyens politiques, diplomatiques, juridiques, policiers et militaires, de gagner cette guerre. Devant la menace qui se précise, nous devons réévaluer notre arsenal législatif, notre organisation policière et pénitentiaire, sans doute aussi adapter notre système de défense et de renseignement à cette nouvelle donne. Sur toutes ces questions, je souhaite que le Sénat puisse faire des propositions au gouvernement.

“On ne peut demander à notre armée de se déployer pour défendre nos valeurs sans lui en donner les moyens.”

UN BUDGET DE LA DÉFENSE EN TROMPE L’ŒIL Dans ce contexte, celui-ci a logiquement pris la décision de sanctuariser le budget de la Défense, et renoncé à la réductions des effectifs militaires prévus, en maintenant 7 500 postes sur les 25 000 qui devaient être supprimés. Si, en décembre dernier, le groupe UMP du Sénat s’est refusé à voter les crédits de la mission Défense pour l’année 2015, ce n’est évidemment pas pour s’opposer à ces mesures, mais pour dénoncer un budget en trompe-l’œil, insincère, tablant sur des recettes dont le ministre a reconnu lui-même le caractère improbable. C’est donc pour soutenir l’armée que nous nous sommes exprimés, en demandant au chef de l’État d’avoir le courage politique et économique de doter la Défense de moyens à la hauteur des ambitions qu’il affiche. On ne peut demander à notre armée de se déployer pour défendre nos valeurs sans lui en donner les moyens. Nous sommes tous conscients que la réponse à cette forme de terrorisme ne peut être que globale. C’est dans cette logique que le groupe UMP du sénat a répondu positivement à la demande du gouvernement de prolonger l’engagement français en Irak. Il serait en effet irresponsable de ne pas mettre en perspective notre engagement international avec ces attentats perpétrés sur le sol français. À l’impérieuse nécessité d’un tel investissement, il est aussi urgent de renforcer notre action humanitaire. Dans quelques semaines, les agences onusiennes n’auront pas les moyens de soutenir les 2 millions de personnes déplacées, au moment où le froid va sévir en Irak. Ayant été l’un des premier parlementaires français à me rendre en Irak au

tations sociologiques qui ont considérablement changé le visage de la France au cours de ces cinquante dernières années. Notre société est aujourd’hui aux prises avec une nouvelle forme de radicalité. Une radicalité qui infuse et endoctrine sous nos yeux, sur notre territoire, souvent à notre insu. Qui utilise les réseaux sociaux pour convaincre et abuser les esprits en cours de formation d’une jeunesse par essence avide de sensations forte et d’excès, dont on sait la fragilité et la crédulité. Des enfants scolarisés ont refusé d’observer une minute de silence en hommage aux victimes de ces actes intolérables. Devant une telle défaite de notre système d’intégration, on ne peut s’empêcher de songer au temps où le service militaire unissait dans un même amour du drapeau les jeunes gens d’une même génération, à cette France que l’on croyait oubliée, et à laquelle il fau■ drait peut-être, songer à nouveau.

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MARINE&OCÉANS N° 246 - JANVIER-FÉVRIER-MARS 2015

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