Budget de la défense

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NUMÉRO SPÉCIAL DÉFENSE ET SÉCURITÉ

“ Les Français exigent la vérité, la fermeté. Ils demandent à être protégés ”

Par BRUNO RETAILLEAU Sénateur de la Vendée, président du groupe UMP au Sénat avons assisté, avec l’avènement d’Internet, à l’instauration de ce que les observateurs ont appelé le « village global ». La mondialisation qui, contrairement à certaines idées reçues, n’est pas une idéologie mais un fait qui s’impose à nous, notamment par le développement des nouvelles technologies de l’information, a dessiné une autre carte du monde. Ou plutôt, la carte d’un autre monde. On a vu apparaître une planète connectée en réseaux et, avec elle, la prolifération des sources d’information. L’ubiquité n’est plus l’apanage des dieux de l’antiquité, elle est aussi, désormais, celle du terrorisme. Nos ennemis sont aussi parmi nous, invisibles. Ils sont Irakiens, Pakistanais, Syriens… , mais aussi français, même s’ils sont islamistes avant d’être français. Apatrides, en quelque sorte. Comme toujours, le mal s’est emparé du progrès, prenant quelques longueurs d’avance sur les forces qui protègent nos sociétés. Pour faire face à une guerre qui ne dit pas son nom, les nations désorientées, engoncées dans des structures institutionnelles pluriséculaires, peinent à s’adapter à ces évolutions rapides pour répondre à la soudaineté de nouvelles menaces. En quelques années à peine, on a vu apparaître la faculté, pour une poignée d’individus, de défier une armée, et de se jouer des systèmes de défense les plus sophistiqués. Ainsi n’avons nous pas été en mesure d’empêcher cette tragédie de se produire, alors même que nous étions en mesure de l’éviter. L’immense réaction populaire qui a rassemblé dans la rue plus de 4 millions de Français a montré une nation unie, digne et déterminée, exprimant clairement son refus de subordonner la liberté d’expression à quelque principe que ce soit qui lui serait supérieur. Nous, responsables politiques, avons pris acte de cette réaction populaire à laquelle

es tragiques événements qui ont endeuillé la nation française le 7 janvier dernier, nous ont rappelé, avec autant de soudaineté que de brutalité, l’importance des missions régaliennes dont la représentation nationale assure la charge. À travers la série de meurtres perpétrée au cours de cette terrible journée, les piliers de la démocratie ont été ébranlés : la Défense, la police, la justice ont été mises à l’épreuve pour répondre à une situation d’une ampleur inédite sur notre territoire. Il semble opportun de dire que la France vient de vivre son 11 septembre. Inscrire dans le marbre cette date du 7 janvier 2015 revient à affirmer qu’il y aura un « avant » et un « après ». L’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, de ceux qui les entouraient et les protégeaient, relayé, quelques heures plus tard, par un autre attentat au mobile avéré d’antisémitisme, a montré, s’il en était besoin, que dans l’esprit des islamo-fascistes qui ont agi au cours de cette funeste journée, divers mobiles étaient autant de prétextes à exprimer par la terreur la volonté de domination d’un Islam dévoyé de ses intentions religieuses, mais répondant à un objectif clairement affiché de conquête. La revendication de Daech l’a d’ailleurs confirmé. Il s’agit bien d’une guerre. Qui s’apparente à une guerre froide, dans la mesure où celle-ci n’est précédée d’aucune déclaration officielle – et pour cause : c’est une guerre idéologique, affranchie de la notion traditionnelle de souveraineté des peuples qui a structuré l’humanité moderne, et de la territorialité à laquelle elle était, jusqu’ici, indissociablement attachée. Nous sommes entrés, avec le XXIe siècle, dans l’ère de la communication. En quelques années seulement, nous PHOTO : DR

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mois d’août dernier, j’y ai vu, dans la plaine de la Nivine conquise par Daech, à Mossoul, à Karacoch, grande ville chrétienne, à Erbil, au Kurdistan irakien, s’entasser, par milliers, des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes dans des appartements en construction, sur des terrains vagues ou dans des églises, la peur au ventre et l’effroi dans les yeux, et mesuré ce qu’était l’islamo-fascisme, cette forme de totalitarisme irrigué par la haine de l’autre. Nous sommes devant un impératif de salut public. La France a besoin d’un sursaut national qui rassemble toutes celles et ceux qui, toutes opinions confondues, veulent servir l’intérêt supérieur du pays, à commencer par celui de ses enfants. La permissivité, la complaisance dont nous avons fait preuve à l’endroit de certaines dérives communautaires n’est plus de mise. Cette tragédie a fait aussi apparaître la faiblesse d’un système éducatif inapte à absorber les mu-

un certain nombre de chefs d’États et de gouvernements sont venus s’associer. Chacun sait désormais qu’à travers ces actes symboliques, c’est tout l’Occident qui est menacé. Son mode de vie et ses valeurs qui sont visés Les hommages rendus aux forces de l’ordre, qu’elles fussent civiles ou militaires, par ceux-là même qui les vilipendaient –et c’était bien le cas des journalistes de Charlie Hebdo et de leurs lecteurs – nous ont rassurés. Cette prise de conscience salutaire était sans doute nécessaire pour que ceux qui assurent notre sécurité au péril de leur vie se sentent définitivement soutenus par la nation tout entière. Cette marche, et les élans qui l’ont accompagnée dans une aspiration de concorde nationale inédite depuis la Libération, exprimaient une demande : celle de garantir à chacune et à chacun la liberté d’aller et venir, de penser et de s’exprimer comme bon lui semble. Les Français exigent la vérité, la fermeté. Ils demandent à être protégés. C’est leur droit. C’est notre devoir d’y veiller. Nous devons nous donner les moyens politiques, diplomatiques, juridiques, policiers et militaires, de gagner cette guerre. Devant la menace qui se précise, nous devons réévaluer notre arsenal législatif, notre organisation policière et pénitentiaire, sans doute aussi adapter notre système de défense et de renseignement à cette nouvelle donne. Sur toutes ces questions, je souhaite que le Sénat puisse faire des propositions au gouvernement.

“On ne peut demander à notre armée de se déployer pour défendre nos valeurs sans lui en donner les moyens.”

UN BUDGET DE LA DÉFENSE EN TROMPE L’ŒIL Dans ce contexte, celui-ci a logiquement pris la décision de sanctuariser le budget de la Défense, et renoncé à la réductions des effectifs militaires prévus, en maintenant 7 500 postes sur les 25 000 qui devaient être supprimés. Si, en décembre dernier, le groupe UMP du Sénat s’est refusé à voter les crédits de la mission Défense pour l’année 2015, ce n’est évidemment pas pour s’opposer à ces mesures, mais pour dénoncer un budget en trompe-l’œil, insincère, tablant sur des recettes dont le ministre a reconnu lui-même le caractère improbable. C’est donc pour soutenir l’armée que nous nous sommes exprimés, en demandant au chef de l’État d’avoir le courage politique et économique de doter la Défense de moyens à la hauteur des ambitions qu’il affiche. On ne peut demander à notre armée de se déployer pour défendre nos valeurs sans lui en donner les moyens. Nous sommes tous conscients que la réponse à cette forme de terrorisme ne peut être que globale. C’est dans cette logique que le groupe UMP du sénat a répondu positivement à la demande du gouvernement de prolonger l’engagement français en Irak. Il serait en effet irresponsable de ne pas mettre en perspective notre engagement international avec ces attentats perpétrés sur le sol français. À l’impérieuse nécessité d’un tel investissement, il est aussi urgent de renforcer notre action humanitaire. Dans quelques semaines, les agences onusiennes n’auront pas les moyens de soutenir les 2 millions de personnes déplacées, au moment où le froid va sévir en Irak. Ayant été l’un des premier parlementaires français à me rendre en Irak au

tations sociologiques qui ont considérablement changé le visage de la France au cours de ces cinquante dernières années. Notre société est aujourd’hui aux prises avec une nouvelle forme de radicalité. Une radicalité qui infuse et endoctrine sous nos yeux, sur notre territoire, souvent à notre insu. Qui utilise les réseaux sociaux pour convaincre et abuser les esprits en cours de formation d’une jeunesse par essence avide de sensations forte et d’excès, dont on sait la fragilité et la crédulité. Des enfants scolarisés ont refusé d’observer une minute de silence en hommage aux victimes de ces actes intolérables. Devant une telle défaite de notre système d’intégration, on ne peut s’empêcher de songer au temps où le service militaire unissait dans un même amour du drapeau les jeunes gens d’une même génération, à cette France que l’on croyait oubliée, et à laquelle il fau■ drait peut-être, songer à nouveau.

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“ La Loi de programmation militaire devra être intégralement respectée, il en va de la sécurité et de la crédibilité de notre pays ”

à Dakar pour la surveillance maritime ou encore à Abidjan et dans le golfe de Guinée pour la lutte contre la piraterie. Je tiens aussi à rappeler combien la Marine contribue à la sécurité de notre territoire national, de la protection des sites sensibles à l’action de l’État en mer en métropole et dans les Outre-Mer, en passant par la surveillance permanente de nos approches littorales. Cette diversité de missions implique de la part du Politique une réelle prise en compte du maritime pour assurer notre sécurité. Pour autant, je suis bien conscient des tensions sur les effectifs et des risques de «rupture capacitaire» pour reprendre les mots du chef d’état-major de la Marine.

financement des organisations terroristes. Il faut une réponse globale face à une menace qui est à la fois globale et protéiforme. ■ Le

budget actuel donne-t-il à la France les moyens de sa défense ?

Le président de la République a sanctuarisé le budget de la Défense à hauteur de 31,4 milliards d’euros par an. Même si je reste lucide sur nos contraintes budgétaires, je considère que ce choix garantit à la France de rester positionnée sur l’ensemble du spectre capacitaire. Notre ministre de la Défense réaffirme régulièrement cet objectif qui doit permettre à notre pays d’assurer son autonomie stratégique. Nous en reparlerons au mois de juin, au Parlement, lors de l’actualisation de la Loi de programmation militaire 20142019. D’autre part, nous sommes très attentifs à la question des effectifs, aux conditions opérationnelles et au moral de nos femmes et de nos hommes.

Entretien avec GWENDAL ROUILLARD Député (PS) du Morbihan, rapporteur du budget de la Marine nationale ■ Quelle analyse faites-vous des attentats qui ont endeuillé la France début janvier 2015 ?

“Je suis bien conscient des tensions sur les effectifs et des risques de rupture capacitaire.”

■ En dépit de la pause annoncée, est-il finalement sérieux et

raisonnable de vouloir poursuivre la réduction des budget et effectif de la défense ? Ne faudrait-il pas plutôt reconnaître que la Défense n’est pas un service public comme un autre, en réévaluer le budget et le sanctuariser constitutionnellement ?

PHOTO :DR

Nous savions la France prise pour cible par Al Qaeda, Daech et leurs ramifications en Orient et en Afrique. Nos services ont d’ailleurs déjoué plusieurs tentatives d’attentats au cours de ces dernières années. Pourtant, nous venons de vivre dramatiquement cette réalité lors des attentats terroristes du mois de janvier qui ont coûté la vie à 17 de nos compatriotes. Ces actes sont d’autant plus choquants qu’ils ont été commis par des français. Ils révèlent brutalement les connexions qui se développent, d’année en année, entre les différents groupes djihadistes étrangers et certains français. Ils mettent en lumière les fractures profondes de notre société, la force d’attraction de ces groupes, l’impact puissant des réseaux sociaux et le dévoiement intolérable de l’Islam. Les terroristes souhaiL’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la Marine, avec Gwendal Rouillard, tent abattre la démocratie, la liberté et les député du Morbihan, à l’occasion de l’annonce de la nomination de ce dernier comme rapporteur du budget de la Marine nationale. droits humains. Nous répondons par notre unité nationale, la réaffirmation de la Nadère que nous devons approfondir le continuum sécution comme valeur fondamentale et notre détermination à rité/défense puisque les menaces intérieures sont intimecombattre le terrorisme. La République s’est réveillée le 11 ment liées aux menaces extérieures. C’est le sens de l’opéjanvier dernier mais elle doit rester éveillée durablement. ration Sentinelle sur notre territoire qui mobilise 10 500 Le combat sera long et très difficile. Il appelle de notre part militaires. Troisièmement, je partage les choix du gouverune réponse globale avec pour priorités la sécurité et la nement de renforcer significativement les effectifs de nos défense. Il ne s’agit pas d’une guerre des civilisations. Il forces de sécurité et nos moyens en matière de renseis’agit d’un combat de l’humanité contre l’inhumanité, de la gnement, de cybersécurité et de contre-propagande. Qualumière contre l’obscurantisme. trièmement, j’estime que nos partenaires doivent s’impli■ Quelles conclusions en tirez-vous en matière de sécurité quer davantage afin que nous luttions plus efficacement et de défense ? contre le terrorisme. Premièrement, je constate que l’analyse du Livre blanc Je pense, en premier lieu, à l’Union européenne et aux de la Défense nationale et de la Sécurité sur les « menaces États-membres. Enfin, je souhaite que cette mobilisation de la force » et, sur les « risques de la faiblesse », comme générale implique l’ensemble des acteurs politiques et en Centrafrique, était pertinente. Deuxièmement, je consiéconomiques afin d’assécher au maximum les sources de

La Défense est l’assurance vie de la Nation. Je note d’ailleurs que les Français sont très attachés à leurs forces de sécurité et leur sentiment s’est renforcé depuis les attentats de Paris. C’est en ce sens que le président François Hollande a pris plusieurs décisions importantes en Conseil de Défense, notamment la préservation de 7 500 postes au sein de nos armées, dont 1 500 dès 2015. Je relève aussi la création de 250 postes affectés en priorité au renseignement et à la cybersécurité au sein du ministère de la Défense. Plus globalement, je partage votre interrogation sur l’avenir des budgets de la Défense en Europe. Je constate que les 28 États-membres de l’Otan se sont fixés comme objectif, en septembre dernier, à Newport, de consacrer 2 % de leur PIB à leur effort de défense. Ils devront passer aux actes durant ces prochaines années pour faire face à la diversité des menaces dans le monde et pour soutenir leurs industries. En ce qui concerne la France, nous atteignons 1,9 % du PIB en incluant les pensions (normes Otan). Le débat est donc ouvert …

■ Les engagements sur tous les programmes de renouvellement de la Marine seront-ils tenus ?

La Loi de programmation militaire 2014-2019 devra être intégralement respectée car il en va de la sécurité et de la crédibilité de notre pays. Je sais combien les contraintes budgétaires sont fortes mais je constate que l’ensemble des crédits a été consommé depuis 2012 grâce à l’engagement de notre ministre de la Défense. Pour 2015, Jean-Yves Le Drian s’implique, à juste titre, en faveur de la création de sociétés de projets qui concernent potentiellement des moyens opérationnels de la Marine. Je pense, dans l’immédiat, aux frégates multi-missions (Fremm), et à moyen terme, aux frégates de taille intermédiaire (FTI) destinées à la Marine et potentiellement à l’exportation. Je suis également très attentif à l’action de l’État en mer conformément au Livre blanc qui prévoit une quinzaine de patrouilleurs. Je me mobilise afin que les programmes BSAH (bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers) et Batsimar (bâtiment de surveillance et d’intervention maritime) soient mis en œuvre dans les meilleurs délais et je fais toute confiance à notre ministre afin qu’il prenne les bons arbitrages. Il en va de la réussite du projet Horizon Marine 2025, de notre souveraineté sur les mers et les océans, et de notre capacité à faire en sorte que la France préserve son rang de grande nation maritime. Propos recueillis par Erwan Sterenn

■ Vous venez d’être nommé rapporteur du budget de la Marine nationale. La Marine participe avec ses Atlantique 2 et ses sous-marins nucléaires d’attaque à cette course de fond qu’est la collecte du renseignement. Elle participe également, avec ses commandos et son groupe aéronaval, à l’action directe contre les fondamentalistes islamiques qui ont déclaré la guerre à la France. Quel est votre sentiment sur l’outil qu’elle constitue aujourd’hui ?

Nous avons la Marine la plus performante d’Europe et une des meilleures du monde. Nous le devons à la forte implication de l’amiral Rogel et de l’ensemble des personnels de la Marine nationale. J’ai pu le constater ces derniers mois lors de mes déplacements dans le cadre des opérations Chammal et Barkhane. J’ai pu l’apprécier également

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et de défense doit évoluer vers plus de vigilance, d’efficacité, de réactivité et de fermeté ” Par PHILIPPE VITEL Député (UMP) du Var intensité et donc tout simplement de nos ambitions ! Le niveau de notre exigence doit être majeur en ce qui concerne la sécurité de nos troupes et l’efficacité des opérations que nous menons sur les théâtres de crise. Cela nécessite un effort important sur l’entretien programmé des matériels utilisés très intensément dans un environnement très agressif, comme cela nécessite un soutien sans faille à nos soldats immergés dans un contexte physiquement et moralement très hostile. C’est justement ce back office contraint dans la loi de finance à sa juste suffisance qui devient, chaque jour un peu plus, le maillon faible de notre défense. Nous devons sans tarder y consacrer toute notre attention et dégager rapidement les moyens nécessaires. Nous devrons continuer l’effort réalisé sur la cyber sécurité et développer les moyens destinés à nos Forces Spéciales. Nous devrons renforcer nos forces pré-positionnées et notre présence militaire dans nos départements et collectivités d’Outre- Mer. Une accélération de certains programmes d’équipement doit aussi être très rapidement décrétée. Je pense particulièrement à l’acquisition de drones et d’avions ravitailleurs mais aussi de moyens navals et aériens de surveillance maritime. Le président a par ailleurs insisté, lors de ses vœux, sur le rôle majeur que jouait le Groupe aéronaval dans la guerre que nous menons contre le terrorisme. Or, une Interruption périodique pour entretien et réparation (IPER) de notre porte-avions est prévue en septembre 2016 et va l’immobiliser pendant dixhuit mois. Nos capacités opérationnelles seront alors gravement altérées. N’est-il pas temps, à l’aune du retour d’expérience de notre Force aéronavale, de remettre sur le feu l’opportunité de nous doter d’un second porte-avions ? Il est bien sûr

otre nation a été meurtrie et endeuillée en ce début d’année 2015 par les ignobles et sanglants assassinats terroristes qui ont été perpétrés les 7, 8 et 9 janvier. Nous ne tolérerons jamais aucun compromis sur notre mode de vie, sur nos traditions et sur nos libertés. Au moment où le terrorisme djihadiste et son idéologie barbare ont déclaré la guerre à notre République, à notre démocratie mais aussi à notre civilisation, notre détermination à le combattre doit être entière. Aussi face à l’évolution de cette menace, notre dispositif de protection et de défense doit évoluer vers plus de vigilance, d’efficacité , de réactivité et de fermeté. À cet effet, il convient donc sans tarder de redéfinir quels moyens humains et financiers sont indispensable aux fonctions régaliennes de l’État afin de garantir la sécurité des Françaises et des Français. Concernant nos armées, il serait inacceptable et impardonnable de poursuivre la politique de déflation des effectifs et de réduction des ressources financières qu’exprime une Loi de programmation militaire (LPM) déjà insincère dès la seconde année de sa déclinaison. D’ailleurs, le président de la République ne s’y est pas trompé annonçant dans ses vœux aux armées, le 14 janvier, sur le porte-avions Charles de Gaulle, une réduction du rythme des diminutions de postes, annonce confirmée à l’occasion du Conseil de Défense du 21 janvier où a été évoqué une actualisation, avant l’été, de la LPM 2014 - 2019. La nation est unanime à soutenir l’engagement de nos soldats partout où cela est nécessaire. Elle est fière de leur action au Mali, en RCA et en Irak. Elle doit aussi être consciente que le budget que nous consacrons aujourd’hui à ces indispensables opérations extérieures n’est à la hauteur ni de leur durée ni de leur PHOTO : DR

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à un plan d’action anti-radicalisation islamiste en prison. Enfin, nous devrons réaffirmer les valeurs de l’école républicaine qui doit redevenir le lieu d’acquisition des valeurs de la République. Un débat est en train de naître dans le pays sur un illusoire retour au Service national d’antan. La question centrale est de savoir quoi proposer à une classe d’âge de 760 000 jeunes filles et jeunes garçons afin de leur donner un bagage utile au développement de leur citoyenneté et de leur sentiment d’appartenance à une nation démocratique et souveraine. Le service civique pourrait être utilement complété d’une version militaire mais resterait dans le domaine du volontariat car il faut bien prendre conscience que nous n’aurons jamais la capacité de le rendre obligatoire. Considérant le peu d’utilité de la Journée défense et citoyenneté, je proposerai de lui substituer une semaine obligatoire durant laquelle chaque jeune pourra s’imprégner des valeurs régaliennes de la République dans le domaine de la défense, de la sécurité, de la justice, de la mémoire mais aussi de la sécurité civile et de la solidarité. Nous avons assisté, dans les jours suivants ces terribles assassinats, à un sursaut national. Les Françaises et les Français ont compris que nous étions engagés dans une guerre contre des terroristes islamistes fanatisés, très armés et ayant une réelle expérience du combat. Il faut maintenant, sans préjugé et sans faux semblant, faire vivre et donner du sens à cette belle unité nationale retrouvée, et accepter l’effort qui nous sera collectivement demandé. C’est à ce prix que nous pourrons continuer à vivre libre, à vivre en paix, à vivre en totale sécurité après avoir terrassé ceux qui n’aspirent qu’à l’anéantissement de notre civilisation. Ensemble, unis et déterminés, nous sauront relever ce challenge comme la France a toujours su se surpasser dans les moments traLe porte-avions Charle de Gaulle. ■ giques de son histoire. PHOTO : MARINE NATIONALE

“ Notre dispositif de protection

temps de reprendre l’initiative en matière de Défense européenne. On ne peut attendre le prochain Conseil européen de juin 2015 face à l’urgence de la menace que nous connaissons aujourd’hui. Au-delà des moyens militaires le combat contre le terrorisme passe par un effort majeur sur le renseignement. Ce sont des moyens supplémentaires humains, techniques mais aussi juridiques qui doivent être donnés à nos forces de l’ordre. Il conviendra bien sûr de renforcer leurs équipements. La coordination internationale, et en particulier européenne, des services de renseignement doit être améliorée. En ce sens, la mise en place du Passenger Name Record (PNR) qui permettra de mieux suivre les trajets des passagers des compagnies aériennes doit être autorisée par le Parlement européen. Bien sûr nous devrons adapter nos institutions pénitentiaires au péril du fanatisme et réfléchir

“N’est-il pas temps, à l’aune du retour d’expérience de notre Force aéronavale, de remettre sur le feu l’opportunité de nous doter d’un second porte-avions?”

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“ Il faut réagir et réactualiser les moyens consacrés à notre puissance militaire ”

Entretien avec GILBERT LE BRIS Député (PS) du Finistère Président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’Otan pelle qu’il y a eu 10 000 postes en moins dans la police et la gendarmerie lors du précédent quinquennat. On se souvient que nos armées subissent la plus lourde déflation d’effectifs infligée à une institution régalienne (- 54 000 entre 2009 et 2014 et - 26 000 prévus d’ici 2019 !), même s’il est bien que le gouvernement ait décidé de « limiter la casse ». On constate qu’avec nos 1,3 % du PIB pour la Défense à la fin de la LPM on serait loin des 2 % demandés par l’Otan à ses membres. Alors il faut réagir et réactualiser les moyens consacrés à notre puissance militaire. Cela suppose de faire les efforts budgétaires nécessaires. Il est indispensable que nos personnels soient parfaitement équipés et cela ne doit pas se faire en envisageant de procéder à d’hasardeux programmes de financement par « société de projet ». On ne peut pas faire payer les acquisitions actuelles de sécurité à nos descendants ! Je pense que notre position sur la scène internationale, membre du Conseil de sécurité de l’Onu, forte représentation diplomatique, impact de la francophonie et deuxième territoire mondial, est constitutive de notre universalisme. La France est un pays qui a des valeurs à protéger et une histoire qu’elle doit assumer. Ne soyons pas naïfs des luttes de pouvoir qui secouent la planète en ce début de XXIe siècle ! J’observe, en tant que président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, combien nombre de nos partenaires européens ne font pas les efforts militaires nécessaires et se reposent souvent sur nos soldats pour garantir une sécurité qui est pourtant commune ! J’en-

■ Quelle

analyse faites-vous des attentats qui ont endeuillé la France début janvier?

PHOTO : DR

Ce massacre est devenu un symbole des forces qui s’attaquent aux fondements de notre société, qui nous rappellent que nous ne sommes pas en dehors du monde. Nous avons été frappés en plein cœur, là où étaient ces valeurs nationales et républicaines qui nous ont immédiatement fait sortir de chez nous et dire « je suis Charlie ». Pour moi, ils ont touché notre liberté d’expression et notre type de société. « La punition sera plus de générosité, plus de tolérance, plus de démocratie » avait dit le maire d’Oslo à l’époque des attentats d’Anders Breivik. Je trouve que ces deux tueries ont beaucoup plus de similitudes qu’on ne l’a dit. Mais on ne peut pas non plus ignorer les obscurantismes de tous bords, qui s’enflamment souvent sur commande, aux quatre points de la planète, prêts à nous imposer des restrictions puritaines et des interdits communautaires. Face à ces ennemis, il nous faut être forts, et continuer à faire rayonner notre socle de valeurs issues des Lumières. ■ Quelles

conclusions en tirez-vous en matière de sécurité et de défense ?

La réponse à ces violences est multiple certes, mais il s’agirait d’une grave négligence si nous n’en profitions pas pour nous questionner et réévaluer les moyens dont nous avons besoin pour notre sécurité. Instinctivement, quand nous nous sentons menacés, nous nous retournons vers notre Défense, intérieure ou extérieure. Et là, on se rap-

nos alliés face à leurs responsabilités, la France ne peut pas seule assumer le poids de la protection des intérêts européens au-delà des mers. Je suis favorable aux discussions sur la contribution des Opex françaises au bien collectif européen et sur le niveau d’effort militaire de chaque État. Il ne me semble pas déraisonnable d’exclure ces dépenses du calcul des 3 % de déficit. De même, les contributions nationales engagées dans l’intérêt collectif, comme la protection des frontières face aux flux migratoires et aux trafics illicites pourraient parfaitement constituer des motifs

tends, comme responsable de l’interface entre membres de l’Otan et pays du Maghreb et Moyen-Orient, les appels à l’aide pour intervenir sur des problèmes de sécurité dont personne ne peut prétendre s’extraire. ■ Quels

sont les secteurs à privilégier pour garantir l'efficience de notre outil de défense ?

La crise ukrainienne nous a récemment rappelé que notre défense ne devait pas non plus négliger les menaces conventionnelles venues de l’est ou d’ailleurs. Le plus petit dénominateur commun pour répondre à ces crises, c’est évidemment le maintien d’investissements soutenus dans le renseignement. Mais si nous voulons continuer à peser sur les grandes crises mondiales, il nous faut un outil de défense crédible y compris en dissuasion. De plus, l’application de « Vigipirate » nous rappelle l’intérêt des moyens du ministère de la Défense sur le territoire national, comme à chaque catastrophe naturelle ou non d’ailleurs, et cela suppose de ne pas trop « ponctionner » en personnels de l’armée de Terre. Et puis il faut être capable de préserver nos territoires maritimes ou terrestres, dans le monde entier, par des capacités de souveraineté opérationnelles. Écoutons les chefs de nos armées qui nous mettent en garde contre une troupe mal équipée et échantillonnée au plus juste, sur le modèle de nos voisins européens. Nous avons réussi, au prix d’efforts budgétaires importants, à maintenir une crédibilité relative, il serait paradoxal d’y renoncer aujourd’hui. Je pense que nous devons assumer notre rang et maintenir le spectre des capacités dont nous disposons aujourd’hui.

“Il faut un débat sur notre défense où il sera question d’autre chose que de « sparadraps budgétaires » comme les « sociétés de projet » ou les « recettes exceptionnelles ».” d’exclusion du seuil des 3 %. Il s’agit d’un débat européen dont nous ne pourrons plus faire l’économie. ■ Vous suivez de près les questions de cyberdéfense. Est-on, là encore, dans le bon « tempo » ?

Chaque milieu est rapidement occupé par l’être humain, bon ou mauvais : la terre puis la mer puis l’air puis l’espace et maintenant le cyberespace. Comme la problématique terroriste, les questions de cyberdéfense sortent du prisme habituel avec lequel nous appréhendons les questions de Défense. Il s’agit là de faire face à des menaces qui sont par définition internes et externes dans le même temps. Dans ces domaines, les termes de défense et de sécurité se confondent. En France, c’est le secrétariat général à la Défense et à la sécurité nationale (SGDSN) qui coordonne les actions publiques dans le domaine de la cyber sécurité. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est le fer de lance de notre action. Elle est engagée, au même titre que les services de renseignement en matière de terrorisme, dans une bataille perpétuelle contre les agressions électroniques visant nos infrastructures essentielles. Il s’agit d’un combat de longue haleine pour lequel les budgets nécessaires vont sûrement augmenter de manière exponentielle. Il faut, dès à présent, prendre en compte cette réalité. Et même si je juge aujourd’hui les moyens déployés suffisants, il faudra élever les digues proportionnellement à la menace pour maintenir leur efficacité. Propos recueillis par Erwan Sterenn

■ Est-il finalement sérieux et raisonnable de vouloir poursuivre la réduction des effectifs de la Défense ? Ne faudraitil pas plutôt reconnaître que la Défense n'est pas un service public comme un autre, en réévaluer le budget et le sanctuariser constitutionnellement ?

Nous sommes face à un choix. Nous ne pouvons pas assurer notre protection actuelle en la faisant payer à nos descendants, et il serait suicidaire de désarmer à une époque aussi incertaine et violente. Plutôt que de rogner sur nos libertés pour combattre les liberticides, il serait plus judicieux d’investir pour donner aux gardiens de notre paix les moyens de leurs missions. À ce titre, il faut un débat sur notre Défense, où il sera question d’autre chose que de « sparadraps budgétaires » comme les « sociétés de projet » ou les « recettes exceptionnelles ». C’est en terme de pourcentage du PIB qu’il faut se situer et je dis que l’objectif devrait être de 2 % à la fin de la LPM. Il faut également mettre

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“ Réalisme diplomatique,

renseignement et réarmement, les trois réponses aux attentats ” Par AYMERIC CHAUPRADE Député français au Parlement européen (non-inscrit) tégrité des nations, mais la es attentats du début France, reniant sa position d’année ont rappelé au de 2003, ultime chant du gouvernement et d’une cygne gaullien, a préféré démanière plus générale aux truire elle-même le régime Français que leur pays était de Kadhafi pour laisser la en guerre depuis des années place à la nouvelle Mecque (en Afghanistan puis en du terrorisme islamiste, arAfrique) contre le terromer de douteux rebelles syrisme islamique. Cette vériens modérés, et planifier rité, souvent occultée par un une opération de bombardiscours où toute référence dement (qui n’aura pas lieu) à l’islamisme était et decontre Bachar Al Assad… meure banni mais dont la Cette attitude est d’autant réalité quotidienne n’a plus incompréhensible qu’au échappé ni aux agents de moment où tous ces événerenseignement ni aux miliAymeric Chauprade, en décembre 2014, à Pékin, ments se déroulaient, l’artaires français déployés en dans les locaux du China Institute of International Studies. mée française était engagée opérations extérieures, éclamassivement en Afghaniste enfin après des années de tan puis lançait ses raids éclairs en Centrafrique et au Mali dérives diplomatiques et de désarmement de notre syscontre le terrorisme islamiste. Cette diplomatie des bons tème de défense. Le principe de réalité s’est matérialisé sentiments est une faute politique grave. Elle doit être abantragiquement en janvier. La réponse au Djihad qui emdonnée au profit d’un réalisme froid qui commande d’urbrase l’Europe, le Maghreb et le Proche-Orient, sans ougence une batterie de contre-mesures : blier certaines parties de l’Asie, ne peut être que globale – Le soutien massif et coordonné au gouvernement du dans une cohérence d’ensemble : « une diplomatie sans arprésident Sissi : l’Égypte n’est pas seulement dans cet esmée est une musique sans instruments », disait Frédéric II de prit un rempart contre l’islamisme (dans le Sinaï, par Prusse. On pourrait ajouter qu’«une armée sans diplomaexemple), mais une base avancée pour reconquérir la Litie est un instrument sans musique». bye. Les militaires égyptiens sont prêts à soutenir le régime légitime de Tobrouk mais demandent l’aide militaire FACE AUX DÉRIVES DIPLOMATIQUES, LA REALPOLITIK S’IMPOSE française. Il est nécessaire de réparer la faute historique de M. Sarkozy et d’envoyer un signal clair à ceux qui continuent L’abandon progressif de la doctrine d’indépendance naen Libye à soutenir le terrorisme islamiste. tionale, pourtant un héritage de notre longue et sanglante – L’arrêt de toute ingérence européenne et française histoire (des frontières naturelles de Richelieu et de Louis en Syrie : la guerre de Syrie est une guerre civile où la XIV à la puissance de l’atome et au retrait de l’Otan sous France n’a pas à prendre parti pour renverser une autole général de Gaulle), a conduit la France à négliger ses inrité légale. La leçon de Tripoli doit être retenue. térêts propres pour suivre, à la manière d’un « chien crevé – La reprise du dialogue avec Téhéran qui, qu’on le au fil de l’eau », les errements diplomatiques américains veuille ou non, contrôle quatre capitale arabes avec ses supdont la faillite s’étale partout, et la pusillanimité européenne. plétifs chiites : Damas via les Pasdarans, Beyrouth via le Alors que la realpolitik exigeait de s’appuyer sur Tripoli et Hezbollah, Sanaa via les Houtthis, Bagdad via la faction Damas pour juguler le terrorisme islamiste, tout a été enchiite. La France a certes de nombreux contentieux (Liban, trepris méthodiquement pour détruire les fondements de ces nucléaire civile, etc.), mais elle ne peut pas se payer le luxe régimes laïcs. Cet ordre, imparfait certes, avait cependant de négliger une telle influence régionale incontournable. le double mérite de garantir les libertés religieuses et l’inPHOTO : DR

PHOTO : CHRISTOPHE DUBOIS

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Octobre 2011. Combattants anti-Kadhafi à Misrata. « Alors que la realpolitik exigeait de s’appuyer sur Tripoli et Damas pour juguler le terrorisme islamiste, tout a été entrepris méthodiquement pour détruire les fondements de ces régimes laïcs. Cette diplomatie des bons sentiments doit être abandonnée au profit d’un réalisme froid. » AYMERIC CHAUPRADE

– La fermeté de position avec le Qatar : les intérêts français (et pas seulement économiques et financiers) commandent à Paris de ne pas rompre, comme certains le voudraient de manière immature, avec ce pays, mais de renégocier fermement les accords bilatéraux (fiscaux, d’investissements, etc.) dans l’optique d’amener Doha à cesser tout soutien au terrorisme islamiste. La France ne veut plus voir de C-130 (aux couleurs de l’armée de l’air qatarie) sur les aéroports libyens déposer des armes aux terroristes comme elle ne veut pas de financement religieux en France. – L’affermissement et la clarification des relations avec l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis : cet objectif peut paraître contradictoire avec le chemin nécessaire vers Téhéran, mais la diplomatie exige de parler à tout le monde au lieu de prendre des postures intenables, alignées ou mouvantes. Les Saoudiens, par leur poids pétrolier et au sein du Conseil de coopération du Golfe (politiquement, militairement), ont certains objectifs communs avec la France : soutien à l’Égypte, guerre contre Al-Qaeda. À la diplomatie française de leur faire comprendre également que la chute d’Assad n’est non seulement pas pour demain, mais qu’elle n’est pas souhaitable ; que, si Téhéran est l’ennemi abhorré, il vaut encore mieux un régime raisonnable qu’un chaos frontalier permanent que les murs édifiés en Arabie ne contiendront pas longtemps. Les EAU >>

“Jamais l’armée française n’a été autant employée sur les théâtres d’opérations extérieures et jamais le désarmement n’aura été aussi massif.”

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NUMÉRO SPÉCIAL DÉFENSE ET SÉCURITÉ – Comment enfin oublier le Liban, terre si chère à la France ? L’effort français doit se porter sur le renforcement de l’appareil d’Etat de manière concrète : le paquet armement en cours d’exécution 1, y contribue, mais il doit se poursuivre. L’armée française dispose de matériel en surplus, de technologies intéressant directement Beyrouth (guerre électronique, vision nocturne, etc.) : la France ne peut laisser les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie et d’autres pays, prendre la place que les Libanais souhaitent lui donner. Au-delà du Golfe, la realpolitik impose de se rapprocher d’acteurs majeurs, au premier rang desquels se trouve la Russie. Quelle que soit l’opinion que l’on se fasse des dirigeants russes, leur politique étrangère est sans conces-

Les drones sont une priorité pour la défense française. Ci-contre le démonstrateur Neuron conçu par Dassault Aviation, Ci-dessous, le Dixmude et sa conserve l’aviso escorteur Commandant L’Herminier, en 2012. Les deux visages d’une Marine en cours de renouvellement. PHOTO : DGA

>> avec qui les accords de défense vont très (trop ?) loin, sont des alliés en Égypte aujourd’hui et pour la Libye, demain. Il serait bon de rappeler cependant à Abu Dhabi que la France participe de la défense des EAU (base aéro-terrestre et engagement régional contre Daech) mais attend, en échange, un retour sous forme de contrats (Rafale, par exemple), preuves de réciprocité diplomatique… – Un rapprochement avec Oman ; ce petit sultanat, en pleine succession actuellement en raison de la santé

PHOTO : MARINE NATIONALE

« Le renseignement est en première ligne contre le terrorisme. » AYMERIC CHAUPRADE

PHOTOS : DGSE-DR

“La Loi de programmation militaire doit être sanctuarisée par un article de la Constitution prévoyant son exécution intégrale.” du sultan Qaboos, est une pièce maîtresse dans l’échiquier régional. Veillant jalousement à son indépendance, peuplé à 70 % d’Omanais, regroupé autour de la personne du sultan, Mascate a toujours veillé à adopter, en toutes circonstances, une politique étrangère équilibrée entre les autres membres du Conseil de coopération du Golfe et l’Iran. C’est un pays négligé dans la situation régionale actuelle or c’est un canal diplomatique de premier plan.

sion pour le terrorisme, non seulement au Proche-Orient mais dans leur arrière-cour du Caucase, foyer d’un djihadisme virulent. Le Maroc, ensuite, actuellement sacrifié au profit unique de l’Algérie, allié douteux et peu maniable, et où il est urgent de renouer des liens de confiance afin de disposer de son entregent diplomatique (sur l’Arabie et le Maghreb notamment). Cette realpolitik est une urgence afin de restaurer des canaux diplomatiques qui font défaut à la France.

La première réforme est d’agir sur le cadre diplomatique. La realpolitik décrite ci-dessous a pour objectif de restaurer la confiance essentielle aux échanges d’informations. Aux services de renseignement français d’en profiter sans exclusive. Outre les relations avec les services amis traditionnels, les liens avec les services russes, syriens, égyptiens, iraniens, saoudiens, émiriens, marocains, omanais, jordaniens sont absolument vitaux. La seconde action urgente est d’augmenter le budget. Tous les DG de la DGSE insistent sur le fait que le service a besoin d’accroître ses capacités. Or le budget – officiel – de la DGSE n’est que de 1,3 % de l’effort de Défense, soit à peine le prix d’une Fremm… Le budget doit être augmenté afin d’être en permanence capable de recruter les meilleurs Français, de s’adapter à la course technologique (cryptologie, par exemple) et de contrer le cyber-djihadisme, canal de recrutement, de financement et de propagande. La troisième priorité est d’améliorer le statut des agents de la DGSE. Malgré de nombreux rapports, parlementaires ou confidentiels, les contraintes spécifiques à leur métier – secret professionnel, restrictions familiales et professionnelles, etc. – ne sont toujours pas prises en compte. Il y a là un véritable problème de gestion des agents et de leur carrière qui nuit au recrutement de qualité et à la conservation des meilleurs. La protection de leur identité est également un problème récurrent inacceptable dans la >>

LE RENSEIGNEMENT, EN PREMIÈRE LIGNE Stratégique tout autant que tactique, le renseignement a des capacités clandestines et d’entrave essentielles. Il est en première ligne contre le terrorisme. La DGSE sort d’un cycle de réformes (2009-2014) durant lequel ses moyens ont été renforcés mais, outre le fait que ces actions n’étaient qu’un rattrapage nécessaire, elle apparaît encore handicapée dans ses missions par de nombreux freins sur lesquels il est urgent d’agir.

1. Rééquipement de l’armée libanaise avec du matériel français financé par l’Arabie saoudite.

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FACE AU DÉSARMEMENT BUDGÉTAIRE, HUMAIN ET INDUSTRIEL, LE RÉARMEMENT ! La situation actuelle est un tragique paradoxe : jamais l’armée française n’a été autant employée sur les théâtres d’opérations extérieures et jamais le désarmement n’aura été aussi massif ! Étrillée par des décennies de restructurations, de réformes, de régulations budgétaires, l’armée

“2% du PIB pour la Défense est un objectif ad minima pour restaurer les capacités d’intervention de la France chez elle et dans les zones de conflit.” française sort lessivée et démoralisée. Réalisant, avec le Royaume Uni, l’essentiel des dépenses de défense de l’Union européenne, et avec ses Opex, l’essentiel de sa défense tout court, la France ne dépense péniblement que 1,6 % de son PIB à la défense. En raison de l’emprise d’un État social inefficace, les gouvernements de droite comme de gauche n’arrivent plus à mobiliser pour la Défense les crédits nécessaires. La loi de programmation militaire 20142019 est ainsi la première, depuis le général de Gaulle, à tabler sur des ressources mercenaires, aléatoires et extraordinaires pour financer les armées françaises ! Elle met la sécurité de la France à la merci d’exportations hasardeuses car politiques (Rafale en Inde, au Qatar ou en Égypte ; Fremm en Arabie saoudite ou au Qatar, etc.) ; elle repose

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et du canal de Mozambique, zone stratégique pour les intérêts français. Enfin, le programme des avions de surveillance et d’intervention maritime (Avsimar) destiné à remplacer les Falcon 50 et Falcon 200 (Gardian) n’est prévu qu’à la fin de la LPM avec des livraisons calées après 2020. La NouvelleCalédonie et la Polynésie française sont ainsi sans réelle surveillance aérienne… Face à cet affligeant constat, il est impératif de planifier le lancement rapidement de tous les programmes destinés à la défense de notre domaine maritime : Batsimar, frégates de surveillance NG et Avsimar. Les designs des chantiers français (Kership, CMN, STX France, notamment) sont innovants et parfaitement adaptés aux besoins de renouvellement de notre flotte outre-mer.

en guerre, dit-on, mais ses dirigeants successifs n’apportent aucune réponse globale et cohérente aux défis du terrorisme islamiste. Après avoir détruit la Libye, ils sont obligés d’en assumer les conséquences militaires au Mali et au Niger et n’auront pas d’autre choix que d’envisager une nouvelle opération, longue, aléatoire et sanglante pour bouter les islamistes hors de leur nouvelle Mecque. Après avoir livré des armes aux islamistes modérés de Syrie et envi-

VERS UN NOUVEAU MODÈLE D’ARMÉE À bien des égards, il semble inutile de réinventer en permanence des modèles d’armée : les état-majors s’épuisent à formater un modèle X, Y voire Z. Sans esprit partisan, je considère que le modèle d’armée votée en 1996 et Hawkeye en phase de catapultage sur le porte-avions Charles de Gaulle. portant sur la période 1997-2015 ap« Le deuxième porte-avions s’impose afin de disposer d’une capacité aéronavale paraît pertinent encore de nos jours : permanente. » AYMERIC CHAUPRADE les choix capacitaires effectués par les sagé de bombarder Damas, ils sont obligés de combattre le états-majors se sont en effet révélés parfaitement adaptés même ennemi que leur ennemi : l’État islamique… Après aux Opex de l’armée française. La polyvalence des platesavoir désarmé l’armée française comme jamais depuis 1936 formes (BPC, Rafale et demain Fremm) et de leurs armemais l’avoir employée sur tous les fronts, ils gèlent les baisses ments (A2SM, Aster, Scalp, Meteor) a démontré toute son d’effectifs, mais sans être capable de les financer ni de reefficacité. Les doctrines d’emploi sont, elles, pleinement mettre en cause un modèle capacitaire exsangue et tragivalidées à l’épreuve des guerres menées par l’armée franquement insuffisant… Un tel aveuglement est un cas d’école çaise. Des inflexions seront cependant nécessaires. rare dans notre Histoire pourtant longue. Sans prétendre à être exhaustif, et pour rester dans la La seule réponse efficace repose dans la conduite d’une riposte contre le terrorisme islamiste fortement armé, citons realpolitik, débarrassée de l’obsession anti-russe et du suiles suivantes : visme américain et qui retrouve le chemin de Moscou, de – le deuxième porte-avions s’impose afin de disposer Téhéran et de Damas sans oublier Mascate, Rabat et Le d’une capacité aéronavale permanente. La guerre contre Caire. Cette nouvelle diplomatie, fondée sur une froide Daech le démontre ; analyse des soutiens et adversaires de l’islamisme terro– la commande d’un 4e BPC pour accroître les capaciriste, ouvrira sans nul doute des canaux d’échanges pour tés de projection interarmées et d’évacuation de nos resnotre renseignement dont la réforme n’est pas achevée. sortissants ; Enfin, la France n’aura pas d’autre choix que de réarmer : – les drones de surveillance et les drones armés sont 2 % du PIB pour la Défense est un objectif ad minima devenus incontournables pour éclairer le champ de bapour restaurer les capacités d’intervention de la France taille et frapper ; chez elle (en métropole comme dans ses DOM-TOM) et – la création d’une force de rivière sur le modèle des ridans les zones de conflit. verine forces du corps des Marines américains apparaît néDans une période également tragique, Jacques Baincessaire pour mieux contrôler nos estuaires (Guyane, méville écrivait dans Histoire de deux peuples continuée justropole) et en Opex pour frapper loin dans la profondeur qu’à Hitler (1933) que « l’honneur de la nation française, les havres des terroristes comme les Marines l’ont démontré à travers ses distractions et ses faiblesses, est d’avoir touen Irak et, plus loin dans le passé, l’armée française en Injours gardé irréductibles l’idée de son indépendance et le dochine. sentiment de ses devoirs ». Espérons-le de nouveau. Il n’est Realpolitik, renseignement, réarmement sont les seules ■ que temps. réponses cohérentes au terrorisme islamiste. La France est

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ensuite sur une exécution parfaite sans tenir aucun compte des régulations budgétaires opérées par Bercy. Le constat est sans appel : cette LPM est ainsi livrée au hasard des ressources extraordinaires et dépend des aléas des exportations. Le réarmement budgétaire devra donc être d’ampleur : au moins 2 % du PIB, soit entre 40 et 45 milliards d’euros annuels. Mais cet objectif n’est pas suffisant. Pour éviter de tomber dans le travers des LPM antérieures, la LPM post-2017 devra inclure des dispositions majeures et novatrices : – Elle devra être exactement calée sur le mandat du gouvernement : cinq ans. L’exercice d’un Livre blanc, qui permet de justifier a priori les coupes dans le budget, est inutile pour trois raisons : les menaces sont connues ; les capacités nécessaires pour les contrer sont toutes déjà planifiées par des états-majors compétents et il fait perdre un an à l’exécutif sur les cinq – courtes – années de son mandat politique. – La LPM doit être sanctuarisée par un article de la Constitution prévoyant son exécution intégrale. Cette « règle d’or » est nécessaire pour contrer les efforts de Bercy et permettre un réarmement pluriannuel. Possédant le deuxième domaine maritime mondial avec 11 millions de km2, la France n’est plus en état de veiller à son intégrité territoriale face à la montée des trafics et de la piraterie. La Marine française ne possède que des moyens vieillissants et insuffisants pour défendre ce vaste domaine. Ainsi, si le programme B2M (B2M pour bâtiments multimissions en remplacement des vieux Batral) a été lancé, il a été amputé d’une unité ; si les deux patrouilleurs légers pour la Guyane (PLG) ont été octroyés au chantier boulonnais Socarenam, leur capacité est inférieure à ce qui était imaginé par la Marine et loin des performances d’un véritable patrouilleur hauturier (type OPV-75 de Kership, société commune de DCNS et Piriou, ou Vigilante 400 CL-52 des CMN). Enfin, ce programme si nécessaire à la lutte contre la contrebande a été décorrélé du programme Batsimar (bâtiments de surveillance et d’intervention maritime pour le remplacement des P-400 des CMN). Faute de crédits en effet, le programme Batsimar est reporté à la LPM suivante (2020-2025) : la Marine va donc être contrainte de maintenir en activité pendant quarante ans des unités destinées à être remplacées au bout de 25 ans… Le programme de frégates de surveillance nouvelle génération est reporté en 2026. Or l’incendie du Nivôse (fin septembre 2014) a démontré la grande fragilité de la flotte vieillissante des frégates de surveillance à la merci d’un incident. Ses missions, comme son sistership, le Floréal, sont pourtant essentielles puisqu’elles englobent le contrôle des

>> guerre secrète livrée contre le terrorisme, comme l’affaire somalienne l’a largement démontré… Le déploiement géographique est une quatrième piste de réflexion. Traditionnellement forte en Afrique francophone, la DGSE reconnaît elle-même des lacunes en Asie du Sud-Est. Qu’en est-il de l’Afrique anglophone, de l’Amérique latine et du Maghreb ? Enfin, rien ne serait utile sans les deux valeurs ajoutées d’un renseignement efficace : l’orientation du renseignement, ce qui implique que le gouvernement doit fixer des priorités stratégiques à la DGSE, et la capacité d’analyse, qui exige des recrutements de qualité et diversifiés. Malgré la compétence reconnue de la DGSE, le problème vient souvent d’un milieu gouvernemental et administratif incapable d’exploiter l’information obtenue. À cet égard, une culture du renseignement est primordiale et doit être diffusée systématiquement dans les grandes écoles françaises.


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