Business Management Africa

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sommaire Juillet - Août 2016 N° 08

04 Editorial 06 Leaders - Constant NEMALE-POUANI, programmé pour être le «Rupert Murdoch » de l’Afrique

09 In’entreprise

- Groupe Nana Bouba, d’un petit établissement à un empire en une trentaine d’années

13 Entretien - Olivier Guillaume MADIBA, « Kiro’o Games nourrit la vision de devenir le leader de l’industrie vidéo-ludique en Afrique. »

17 Management - Fleet management, à la découverte d’une solution peu répandue en Afrique

20 Destination Business - Investir au Congo


Édito Cultivez la résilience

I

l y a des trajectoires particulières. Elles enseignent qu’en cas de tempête, il faut non seulement résister, mais surtout garder le cap et continuer d’avancer. Elles montrent qu’on peut partir de l’abîme pour la gloire. Imaginez donc, en guise d’illustration, que des machettes tranchent des têtes devant vous, vous n’avez alors que 02 ans. Pour échapper à cette forme de guillotine, vous devez traverser en marchant dans la forêt, un pays tout entier dont la superficie correspond à 05 fois la France. Finalement, vous découvrez l’école avec du retard. Et, malgré ces handicaps, vous paraphez votre premier contrat de journaliste avec une chaine de télévision panafricaine à 21 ans. Et oui 21 ans seulement. Et comme le destin sait parfois si bien faire des choses, vous présentez les matinales d’informations sur une des antennes radiophoniques les plus écoutées sur le continent africain à 23 ans. Au passage, vous avez réussi à marquer positivement un homme qu’on impressionne que trop rarement : Paul FOKAM KAMMOGNE, PDG du groupe bancaire AFRILAND, dont la notoriété est établie à travers l’espace continental. Qu’un tel patron insiste pour vous garder dans les effectifs de son entreprise, alors que vous n’avez pas 05 ans d’expérience professionnelle, cela mérite qu’on jette un œil à votre parcours. C’est l’histoire de Rémy Fabrice NSABIMANA, un Hutu rwandais, dont vous retrouverez le portrait dans la rubrique « Leaders ». La résilience, cette capacité à poursuivre son objectif, en dépit des mistrals de vent de grande ampleur. Constant NEMALE incarne cette valeur. Formé comme urbaniste, c’est le métier de journaliste qu’il a toujours voulu exercer. Mis à l’écart d’un projet de télévision qu’il a contribué à bâtir, il n’a pas changé de cap. Normal qu’on le retrouve aujourd’hui à la tête d’Africa 24, une marque, un socle sur lequel il souhaite construire un empire médiatique. Ce sera

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AFRICA

Finalement, vous découvrez l’école avec du retard. Et, malgré ces handicaps, vous paraphez votre premier contrat de journaliste avec une chaine de télévision panafricaine à 21 ans.

le plus grand jamais érigé à l’intention du continent africain. Les ambitions du patron d’Afrimedia International, vous les saisirez à travers le portrait que nous lui avons consacré. La résilience. Encore et toujours. On la retrouve aussi bien au sein du groupe Nana Bouba, que chez la multinationale française Somdiaa, ou encore chez les porteurs de la startup Kiro’o Games. Le premier commence comme établissement, traverse la grande crise des années 90, avant de devenir une holding dont les produits se retrouvent dans les paniers des ménagères de toute l’Afrique centrale. Face à la crise que connaît le secteur du sucre à partir de 2013 sur son principal marché, Somdiaa est au bord des nerfs. On passe à côté de la fermeture d’une de ses plus importantes usines. En mal avec ses stratégies, le groupe passe à la tactique. Désormais, c’est sur l’alimentation animale qu’il veut miser. Quant à Kiro’o Games, on la perçoit à ses débuts comme une horde de jeunes voyous qui veulent favoriser la délinquance des jeunes à Yaoundé, à travers la création des maisons de jeux de hasard. Que non, ce sont des programmeurs qui veulent créer des jeux vidéo et dominer l’industrie vidéo-ludique en Afrique. A force de résister, ils ont aujourd’hui la reconnaissance qu’ils méritent. Enfin, le Congo, ce pays pétrolier d’Afrique centrale, subit depuis deux ans, les conséquences négatives de la baisse du prix du baril de pétrole sur le marché international. Son économie tourne au ralenti. Cela ne l’empêche pas de maintenir le cap vers l’émergence à l’orée 2025. La tactique de résilience : sortir de la « pétrole-dépendance » et diversifier les sources de richesse. Pour ce faire, il s’ouvre aux investisseurs. Tout cela est à lire dans ce numéro que vous tenez entre les mains ou qui défile devant vous. Bonne lecture.

Martial EBODE, Directeur de Publication


Les buiz de couloirs Toute l’Afrique Jumia, désormais marque unique des produits d’Africa Internet Group Depuis le 23 juin 2016, Africa Internet Group s’appelle Jumia Group. A l’occasion de ce rebranding, toutes les marques de ce consortium du e-commerce ont également changé de nom pour se regrouper sous l’appellation unique de Jumia. Kaymu devient Jumia Market, Hellofood prend le nom de Jumia Food, Vayago se mue en Jumia Travel, Vendito prend l’appellation de Jumia Deals, Lamudi cède sa place à Jumia House. Les neufs sites de la holding sont ainsi concernés par cette mutation. L’ancien « Jumia » est désormais une boutique en ligne multimarque. D’après Jérémy Hodara, co-fondateur d’Africa Internet Group en 2012 – avec Sacha Poignonnec -, ces mutations opérées visent à orienter les clients de Jumia, plus nombreux, vers tous les autres services offerts par le groupe.

Kenya Liberty Kenya Holdings veut acquérir 10 compagnies d’assurances Liberty Kenya Holdings, filiale kenyane de l’assureur sud-africain Liberty Holdings, déclare qu’elle va procéder à l’acquisition de dix autres assureurs opérant sur son marché. Elle occupe, en ce moment, le 4ème rang dans le classement des compagnies d’assurances au Kenya. Notons que la maison mère a procédé en janvier, au rachat d’une compagnie en Ouganda. En 2015, elle a acquis deux autres au Nigéria.

Cameroun EDF crée une la Nachtigal Hydro Power Company

Burkina Faso Le groupe Orange rachète Airtel

La multinationale EDF a créé le 07 juillet à Yaoundé, la Nachtigal Hydro Power Company, société anonyme au capital de 100 millions F CFA (152 000 euros). Le groupe français détient 40 % du capital, l’Etat du Cameroun et la Société financière internationale (filiale de la Banque mondiale) ont chacun, 30 %. Cette nouvelle entreprise, dont la direction générale a été confiée au Français Olivier Flambard, construira dès la fin de l’année en cours, le barrage hydro-électrique de Nachtigal, dans le centre du Cameroun. Coût des travaux : 656 milliards F CFA (01 milliard d’euros). Dès 2021, l’ouvrage fournira 420 Méga watts d’électricité, soit le tiers des besoins du pays en énergie électrique.

L’information est officielle depuis le 23 juin 2016. Le groupe français des télécommunications Orange a conclu le rachat d’Airtel Burkina Faso, filiale de la multinationale indienne Bharti Airtel International. Deuxième opérateur du secteur de la téléphonie au Burkina Faso - derrière l’Onatel (filiale de Maroc Télécom) et devant Telecel avec 4,6 millions d’abonnés, Airtel Burkina Faso est présenté par Orange comme étant le leader sur le marché des services financiers. Depuis le début de l’année 2016, le groupe français a acquis Airtel Sierra Leone, Cellcom au Libéria et Tigo en République démocratique Congo. Olivier FLAMBARD, DG de la NHPC

Business Management 05 Juillet - Août 2016 AFRICA


Leaders Constant NEMALE-POUANI, programmé pour être le «Rupert Murdoch » de l’Afrique Urbaniste de formation, c’est dans les médias que ce passionné de basketball trouve son chemin. Après un essai mal achevé avec 3A Telesud, le revoilà depuis 2009 avec Africa 24. Les chaines TV, appelées à se multiplier, vont faire du groupe Afrimedia international, la plus diversifiée des holdings médiatiques à vocation panafricaine. Portrait d’un rêveur. Par Tazessong KUMBO

Africa 24, une chaine, une signature.

A

frica 24 Sport. Africa 24 Music. Africa 24 Family. Africa 24 TV en Anglais. Africa 24 TV en Espagnol. Africa 24 en Portugais. Africa 24 en Arabe.

Nemale, qui a le sens des affaires, profite de son statut pour publier deux livres à succès. D’abord « Le livre d’or du Basket », sorti en deux éditions, en 1998 et 1999. Puis, en juin 1998, « Micheal Jordan. Le livre d’or », une sorte de version française de la biographie de la légende américaine de basketball. Là encore, c’est un succès. Management 06 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

Africa 24 Radio. Ainsi se décline l’ambition de Constant Nemale-Pouani, fondateur et président d’Afrimedia International, la holding médiatique qui lance en 2009, la chaine d’information en continu Africa 24. « Mon ambition est de faire de cette marque dont je suis le propriétaire, une signature mondiale, et qui peut se décliner sur tous les supports possibles », affirme-t-il en octobre 2011, dans une interview qu’il accorde au quotidien camerounais L’Actu. Peutêtre, verra-t-on, d’ici quelques mois, les premières sœurs cadettes de la première chaine. En mai 2016, en direct sur les écrans, alors que le PDG - dans une posture de journaliste - interviewe Teodoro Obiang Nguema qui s’apprête à prêter serment pour un unième mandat de président de la Guinée Equatoriale, il fait quelques annonces qui

pour beaucoup, passent inaperçues. Bientôt, la chaine anglophone d’Africa 24 émettra depuis le Nigéria, la chaine « Arabic » destiné au Maghreb et au Moyen Orient depuis le Maroc, les chaines hispanophone et lusophone arroseront les écrans depuis Malabo, où le groupe achève la construction d’un hub opérationnel. « La vision continentale est là », tranche le passionné de basketball. Si son rêve prend corps, il s e r a v u

comme « le Ruppert Murdoch » de l’Afrique. Des médias, Constant Nemale en a toujours rêvés. Il voit le jour le 14 juillet 1967 au Cameroun. Ses études secondaires, il les fait au célèbre collège évangélique de Libamba, un village de l’arrondissement de Makak, dans le département du Nyong-Ekelle, en pays Bassa. Dans cet environnement cosmopolite, il tient déjà le journal scolaire. Une fois le baccalauréat en poche, il fait des études de génie civil, avant de prendre la direction de Tours, en France. Là, il étudie l’urbanisme. Mais sa passion, il la voit ailleurs, dans le journalisme. Tout en étant étudiant, il fait des piges pour La Nouvelle République, un journal de Tours. Il finit par


Leaders obtenir son DEUT, équivalent du Bacc + 2. Le grand bain a lieu en mars 1991. Avec quelques copains, le camerounais lance le magazine « Mondial Basket », lequel appartient aujourd’hui au groupe « Les Editions Le Nouveau Sportif », qui édite également le magazine « Bleu Blanc Foot » dans la capitale française. Il prend le poste de rédacteur-en-chef adjoint. Très vite, la publication fait un carton en Europe, au point de devenir plus tard le magazine officiel de la NBA en France. Nemale, qui a le sens des affaires, profite de son statut pour publier deux livres à succès. D’abord « Le livre d’or du Basket », sorti en deux éditions, en 1998 et 1999. Puis, en juin 1998, « Micheal Jordan. Le livre d’or », une sorte de version française de la biographie de la légende américaine de basketball. Là encore, c’est un succès. 1998, c’est aussi le temps d’un autre projet. La montre de Constant Nemale se met à l’heure de 3A Telesud. Une chaine de télévision portée par l’entreprise dé-

nommée « Télévision par Satellite pour l’Afrique ». Au début, on retrouve dans son capital, outre l’ancien de Mondial Basket : la défunte Elise M’Packo, Pierre Bedou, Yves Bollanga, Sylvie De Boisfleury. Doté d’une expérience dans le champ médiatique, Constant Nemale prend la direction de la chaine de télévision. Dès 2006, un conflit éclate entre les associés. La dispute porte sur les options du nouvel actionnaire majoritaire, le franco-gabonais Eric Ben-

quet. En mars 2007, l’entreprise Wireless and Internet Afromedia, dont il est le principal actionnaire, devient l’éditeur de la chaine de télévision. Nemale claque la porte et embarque avec lui Babylas Boton, le « monsieur interview » du nouveau projet. « J’avais déjà à l’esprit d’initier autre chose. Ce différend a été comme un coup d’accélérateur pour prendre ma liberté, et partir de l’expérience de 3A Telesud », indique-t-il plus tard. D’ailleurs, à ce jour, cette

chaine n’a jamais enterré les querelles entre actionnaires, lesquels viennent et partent. Après avoir quitté la direction opérationnelle de 3A Telesud, l’urbaniste de formation gère pendant un certain temps Etnium, l’agence de marketing et de communication qu’il créé en 2001 et qui sert de régie commerciale à la chaine de télévision. Mais en réalité, son esprit est ailleurs, précisément à Africa 24.

Corriger les erreurs du passé Pour Africa 24, Constant Nemale fait le pari de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec le projet 3A Telesud. D’abord, dans son contenu. Ce sera une chaine d’information en continu. « J’ai beaucoup voyagé et, je ne trouvais pas de chaîne d’information sur l’Afrique », justifie-t-il plus tard. Il lui faut donc proposer « une autre image de l’Afrique : positive, créative et innovante ». Ensuite, dans le montage du capital. Pas question de faire appel à des

actionnaires qui constitueront plus tard un caillou dans la chaussure. Pour matériali-

ser ses idées, il se fait entourer par un groupe restreint, mais compétent : Yacine

Barro (directrice déléguée depuis le départ), Stéphan Noiran (son conseiller spécial), Serge Yanic Nana (banquier). « Nous avons construit l’habillage (simple, moderne et, avec les signalétiques du continent) et les contenus éditoriaux puis, nous avons validé la ligne éditoriale. Puis, il a fallu rendre opérationnelles les équipes de production sur place avec, la dynamique de la formation des jeunes; nos correspondants sont dans 20 pays », indique-t-il. Sauf

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Leaders

Premier conseil d’administration d’Africa 24 à Malabo.

qu’avant, il choisit de faire porter l’ensemble du projet par Afrimedia International, une holding immatriculée au Luxembourg, un espace d’optimisation fiscale. Pour mettre Afrimedia International sur les rails, Constant Nemale fait appel aux personnes, mais aussi aux Etats africains. La Guinée équatoriale souscrit 20 %. Le Cameroun, son pays d’origine, traine les pieds et hésite d’ailleurs à le recevoir. Qu’importe, Africa24 lance ses programmes en février 2009 avec un budget annuel de 05 millions d’euros. La Banque marocaine du Commerce extérieur permet à Afrimedia International plus tard d’entamer la deuxième phase de sa croissance. Au lendemain de l’élection présidentielle camerounaise d’octobre 2011 -la stratégie de couverture de proximité de différentes élections présidentielles en Afrique a fait grimper le taux d’audience -, que la chaine couvre en direct de Yaoundé, le pays dirigé par Paul Biya rejoint le capital du groupe. En mai 2016, à l’occasion de la conférence

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AFRICA

internationale baptisée « Investir au Cameroun. Terre d’opportunités », le PDG affirme lui-même que « le Cameroun est aujourd’hui actionnaire de mon groupe à hauteur de 10 % ». La Guinée Equatoriale aurait à ce jour 15 % des parts de la holding. Constant Nemale rêve d’un tour de table qui permettra de faire grandir l’assiette d’Afrimedia International. Lui-même reste l’actionnaire majoritaire de la holding. Selon lui, celle-ci a investi 40 millions d’euros en sept ans. Et le point d’équilibre vient d’être atteint après des années de perte. Le mastodonte logé au Luxembourg possède à son tour 100 % d’Afrimedia France, une société par actions simplifiées basée à Saint-Cloud à Paris et dont les derniers statuts remontent au 02 mars 2016, selon l’administration française. Son capital, 10.694.100 euros. C’est elle qui édite Africa 24 (environ 90 employés de 23 nationalités à ce jour, 08 millions d’euros de budget en 2015, 7 259 883 d’euros de chiffre d’affaires en 2014).

Le pôle français de l’empire de Constant Nemale chapote également « Africa 24 Magazine », un trimestriel en quadrille créé en 2011 et qui tire à 10 000 exemplaires. « On s’est rendu compte que, tout en étant un outil de dialogue et d’échange, la télévision reste un produit de consommation rapide. On ne prend pas le temps de la réflexion en profondeur, on ne laisse pas d’empreinte. Il y avait un vide dans une véritable analyse constructive de l’Afrique. D’où l’idée de créer ce magazine qui devait, naturellement, jouer ce rôle de réceptacle de cette réflexion et de ces analyses des grands défis du continent ». C’est en ces termes que le boss en justifie l’existence. Le 05 octobre 2012, Afrimedia International immatricule à Dakar, au Sénégal, Afrimedia News Agency (ANA 24), une société anonyme à responsabilité limitée au capital de 06, 5 millions F CFA. C’est une agence de production au service de la chaine Africa 24 et qui le sera pour les autres à venir.


Leaders BIO EXPRESS

1967 : Naissance au Cameroun 1991 : Début de l’aventure avec Mondial Basket 1998 : Publication de deux livres (« Le livre d’or du Basket » ; « Micheal Jordan. Le livre d’or ») et Cofondation de 3A Telesud 2006 : Départ de 3A Telesud Des studios aux couleurs africaines de la chaine de télévision Africa 24.

2009 : Lancement de la chaine Africa 24 2011 : Lancement d’Africa 24 Magazine 2012 Création de la « Nemale Holding » ; Création à Dakar d’Afrimedia News Agency (ANA 24) 2015 Conclusion d’un accord avec la Sekunjalo Investments Holdings de Cape Town pour la phase de développement

Plateau d’Africa 24 consacré à Nelson Mandela.

Réception d’Africa 24 « Pas avec autant d’impact ». C’est en ces termes que répond en octobre 2011, Constant Nemale-Pouani, lorsque le directeur de la publication du quotidien camerounais L’Actu lui demande s’il s’attendait à une telle réussite d’Africa 24. La chaine est aujourd’hui diffusée dans 80 pays dans le pays (80 millions de foyers aussi et une première place en Afrique francophone selon le PDG). 07 ans après le lancement, les choses ont évolué. Des concurrents ont fait irruption, à l’instar d’Africanews, filiale d’Euronews. Les publics ont pris goût à la spécialisation des contenus. Des chaines thématiques naissent, à

l’instar de Stad’Afric pour le sport, ou Business Management Africa pour le monde des affaires. La télévision numérique terrestre a changé les habitudes sur le continent. Conscient de tous les bouleversements imposés par le temps, le fondateur et président-directeur du groupe Afrimedia International souhaite accélérer le développement du volet « télévision ». Pour cela, le PDG ne fait pas l’économie des partenariats stratégiques. Comme celui conclu en avril 2015 avec la Sekunjalo Investments Holdings, un fonds d’investissement basé à Cape

Town, en Afrique du Sud. Un vaste recrutement de nouvelles ressources humaines est également en cours depuis un an. L’urbaniste ne souhaite pas laisser la concurrence occuper le terrain. Et malgré ses priorités, il trouve souvent du temps pour élargir ses horizons. Le 15 mars 2012, il met en place à Paris la « Nemale Holding », laquelle est un fonds d’investissement. Alors qu’il n’a pas vraiment pratiqué le métier d’urbaniste pour lequel il a suivi une formation, il est souvent coopté pour siéger dans les jurys des concours d’architectes-urbanistes en herbe. Juste une façon de tendre la main aux jeunes.

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In’entreprise Groupe Nana Bouba, d’un petit établissement à un empire en une trentaine d’années

Du quartier Briqueterie à Yaoundé où il démarre avec une boutique en 1984, à la holding de 09 entreprises qui comporte environ 2000 employés aujourd’hui, Alh Nana Bouba Djoda a gravi des échelons. Itinéraire d’une échoppe devenue un mastodonte industriel. Par Hugues EBACKA

nements tout en garantissant la provenance éco-responsable de l’huile de palme », d’après la direction. Pour tester sa capacité à conduire ce type de projet, le groupe cultive, depuis 2009, du maïs sur plusieurs centaines d’hectares à Wassande, dans l’Adamaoua camerounais. C’est donc désormais comme cela au sein de cet empire des affaires. Rien n’arrête plus la holding. Elle ratisse large. D’ailleurs, en 2014, pour rassembler toutes ses possessions, le grand patron, né en 1948, met en place le groupe qui porte son nom. Sa direction générale se trouve à Douala, la capitale économique du Cameroun. Son capital, 10,5 milliards F CFA. Elle compte 09 filiales, pour un chiffre d’affaires en 2013 estimé à 300 millions de dollars Us. Et elle est en passe de faire oublier la première génération des industriels camerounais, dont Victor Fotso a été pendant longtemps présenté comme étant le porte-étendard.

E

n ce moment, le groupe Nana Bouba parachève la mise en place de sa société anonyme Greenfil. Une entreprise créée en 2013 avec des investissements projetés à 120 millions de dollars US (environ 70 milliards F

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AFRICA

CFA). Elle a acquis des parcelles de terre dans les départements de l’Océan (Sud du Cameroun) et du Nkam (Littoral du Cameroun). Pour cette année 2016, elle souhaite implanter 500 hectares de palmeraies. Elle en aura 1000 en 2030. Objectif, « sécuriser les approvision-

Pour saisir la trajectoire du groupe Nana Bouba, il faut rentrer dans l’histoire. 32 années en arrière. Nous sommes en novembre 1984. C’est la saison sèche à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Une très mauvaise saison sèche, puisque sept mois plus tôt, un coup d’Etat militaire a failli mettre fin au pouvoir

de Paul Biya. A la suite de cet événement, il ne fait pas bon d’être originaire de la partie septentrionale du pays et d’en avoir pleines les poches. C’est dans ce contexte tendu qu’un commerçant, qui a ses origines dans le Mbéré (Région administrative de l’Adamaoua), prend son courage à deux mains et ouvre une boutique à la Briqueterie, un quartier communautaire de la ville aux sept collines où ne vivent en général que des populations musulmanes. L’échoppe mise sur pied a pour statut juridique : établissement. Elle commercialise les produits agro-alimentaires et de consommation de masse. Son nom, Ets Nabo. Le promoteur a alors 36 ans. Très vite, le commerce devient rentable. Le jeune entrepreneur met le cap sur le marché central de Yaoundé. Le business progresse. En dépit de la crise économique qui frappe de plein fouet son pays dès la fin de la décennie 80, Nana Bouba voit grand. Le 18 mars 1991, il met sur pied une société à responsabilité limitée : la Société alimentaire du Cameroun (SOACAM). Elle opère dans la distribution. Non, la très grande distribution. Le patron délocalise la direction opérationnelle à Douala. Une option stratégique qui s’explique par le fait que


In’entreprise les industries qui produisent s’y trouvent. Le terminal d’importation aussi. Elle devient le distributeur exclusif des produits de plusieurs entreprises. Après avoir assis son hégémonie au Cameroun, elle pense, dès l’année 2000, à s’étendre audelà des frontières nationales. D’abord, en commandant les marques internationales. Ensuite, en les distribuant dans la sousrégion Afrique centrale. Selon les services de communication du groupe Nana Bouba, SOACAM, devenue entre temps société anonyme juillet 2008 -, est aujourd’hui le premier importateur de riz au Cameroun, avec plus de 200 000 tonnes l’an. Elle distribue aussi de l’huile raffinée, du sucre, de la farine, des pâtes alimentaires, du savon, entre autres. A l’issue de l’année 2013, la société déclare un chiffre d’affaires de 150 millions de dollars.

La savon Azur est la star dans les foyers d’Afrique centrale.

Dès 2000, SOACAM a des difficultés à se faire approvisionner en produits de savonnerie. Son fournisseur traditionnel, le Complexe chimique industriel camerounais, traverse une mauvaise passe. Le boss décide, après quelques études, de se lancer dans le grand bain. La société Azur voit officiellement le jour en 2001 à Douala, pour produire d’abord le savon Azur, et 07 années après, l’huile de table Azur Gold Dès 2000, SOACAM a des difficultés à se faire approvisionner en produits de savonnerie. Son fournisseur traditionnel, le Complexe chimique industriel camerounais, traverse une mauvaise passe. Le boss décide, après quelques études, de se lancer dans le grand bain. La société Azur voit officiellement le jour en 2001 à Douala, pour produire d’abord le savon Azur,

L’huile de table Azur Glod s’est imposée en Afrique centrale.

Cette eau minérale est désormais la boisson officielle de toutes les équipes nationales de football du Cameroun.

Cap sur l’industrie et 07 années après, l’huile de table Azur Gold. En 2006, son capital s’élève à 12 millions de dollars Us. En 2008, une nouvelle huilerie, d’une capacité de 100 tonnes par jour, démarre ses activités. Grâce à une nouvelle usine de savon ouverte en 2009, la capacité de production est portée à 60 000 tonnes par an. Les consommateurs se ruent sur les deux marques. Celles-ci deviennent leaders au Congo, au Gabon et au Cameroun, puisqu’elles bénéficient de la logistique de SOACAM. Au point que, en fin d’année 2013, avec 560 employés, Azur S.A. déclare un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars Us. Numéro un des exportations en zone CEMAC, l’entreprise reçoit, en février 2016, le prix de la coopération Sud-Sud, décerné lors du Forum international Afrique développement, organisé à Casablanca par Attijariwafa Bank. Mais Nana Bouba ne veut pas s’arrêter là. Avec Azur S.A., le désormais multimilliardaire sait que l’industrie est porteuse, d’autant plus que le Cameroun est dans une phase de relance, après une

quinzaine d’années de morosité. Mais nous sommes encore dans un environnement où la plupart des entrepreneurs optent pour le secteur des services. 2011. Soacam Agro Industries (SAGRI) démarre. Son activité, la production du concentré de tomate sous la marque Neima. La même année, il lance Nabo Beverage Company (NABO). Avec ses usines localisées dans la région anglophone du sud-ouest, elle se lance dans la production de l’eau minérale (Ôpur) et des boissons gazeuses (Vigo). Avec l’eau « Ôpur », NABCO tente de bousculer les habitudes des consommateurs camerounais. Depuis son arrivée, les marques Tangui (Société anonyme des Brasseries du Cameroun) et Supermont (Source Pays) sont obligées de renforcer leurs stratégies marketing. Offensive, NABCO signe le 17 mars 2016, un contrat de sponsoring avec la Fédération camerounaise de Football (FECAFOOT). Elle occupe un vide laissé par la SABC à travers Tangui.

Business Management 11 Juillet - Août 2016 AFRICA


In’entreprise « Il s’agit d’un sponsoring sportif à long terme qui va consister à fournir de l’eau à toutes les catégories des Lions indomptables », renseigne ce jour là, Abdoul Karim Nana Bouba, directeur adjoint de NABCO. Du marketing sportif en fait. Pour ce qui est de l’enve-

loppe financière, le montant n’est pas encore connu. Le président de la FECAFOOT se contente de dire que les ressources financières issues de ce sponsoring permettront de financer les activités du football camerounais. En tout, pour SAGRI et NABCO, le groupe Nana Bouba

investit 12 millions de dollars US au lancement. Pour 2015, il escomptait 21 millions de dollars US de chiffre d’affaires pour les deux sociétés industrielles. Un dernier coup de pied dans l’industrie n’est qu’une bonne chose. Cette fois, c’est encore une affaire d’oléagineux. La société IBI

S.A. naît en 2014. Elle fabrique du savon sous la marque « Jamal ». Non, ce n’est pas destiné au marché camerounais, mais plutôt aux exportations. En 2016, elle entend produire 80 000 tonnes de savon pour une distribution dans une dizaine de pays.

Agriculture et agro-industrie La création de Greenfil, déjà évoquée plus haut, participe d’une volonté de réduire les importations de la matière première destinée aux savonneries. Dans ce secteur agro-pastoral, très névralgique au Cameroun, le groupe Nana Bouba possède aussi Cambeef. Cette fois, c’est de la production animale. Dans l’Adamaoua, la région d’origine du promoteur,

Véritable touche à tout, le groupe Nana Bouba a également ses tentacules dans l’immobilier et les travaux publics. Ici, les fleurons ont pour noms : SCI Krina et Berni S.A. La première, fondée en 2012, s’est déjà faite une réputation dans les travaux de génie civil, la construction des usines, des salles de classe et des villas. Quant à la seconde, la société immobilière Krina, elle gère le patrimoine immobilier de la holding Management 12 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

l’entreprise dispose d’un ranch de plus de 15 000 têtes de bœufs. La construction d’une usine laitière, d’un abattoir, d’une boucherie et d’une tannerie constitue les objectifs poursuivis par cette production animale géante. Véritable touche à tout, le groupe Nana Bouba a également ses tentacules dans l’immobilier et les travaux publics. Ici, les fleurons ont pour noms : SCI Krina et Berni S.A. La première, fondée en 2012, s’est déjà faite une réputation dans les travaux de génie civil, la construction des usines, des salles de classe et des villas. Quant à la seconde, la société immobilière Krina, elle gère le patrimoine immobilier de la holding. Selon la direction du groupe, elle « détient plus de vingt titres fonciers lui appartenant : des terrains nus, des immeubles bâtis situés sur l’ensemble du territoire camerounais. Ces titres fonciers sont libres de tout engagement et constituent ainsi un véritable levier de financement du groupe ». 10 millions de dollars Us, c’est la valeur de ce patrimoine immobilier. Et rien ne dit que l’aventure va s’arrêter là. Tant le Cameroun grouille de niches encore inexplorées.

Avec tout cet empire, l’on comprend que le magazine Forbes Afrique, estime en 2015, la fortune d’Alh Nana Bouba Djoda à 310 millions de dollars, soit 184 milliards F CFA. Reste maintenant l’épineuse question de la pérennité de tout ce qu’il a bâti. Les exemples des groupes qui ont fleuri avant de sombrer dans une agonie ne manquent pas au Cameroun. Quand on a 68 ans, il faut bien se dire qu’on n’a plus forcément beaucoup de temps devant soi. Conscient de cela, l’ancien transporteur s’est beaucoup entouré ces dernières années. D’abord, en ayant recours à plusieurs experts en finances, économie d’entreprise et gestion du patrimoine. D’où la naissance de sa holding en 2014. Ensuite, en procédant en 2015 à un jeu de chaises au sein de l’empire âgé aujourd’hui de 02 ans. Il préfère observer un certain nombre de choses d’un siège de président du conseil d’administration. A Abbo Amadou d’assurer la direction générale du groupe. Mohamadou et Hamidou Nana Bouba, ses fils, occupent chacun, un poste de directeur général adjoint. Le premier est également aux commandes d’Azur S.A et de SAGRI S.A. Le second

dirige au quotidien SOACAM. Le père garde les yeux grandement ouverts. Pour lui, pas question de se mettre complètement à l’écart. Les fistons doivent d’abord donner la preuve de ce qu’ils seront de bons successeurs. Et après, le patriarche verra. BIO EXPRESS

1948 : Naissance 1984 : Ouverture des Ets Nabo au quartier Briqueterie à Yaoundé 1991 : Création de SOACAM 2001 : Création d’Azur S.A. 2011 : Création de SAGRI S.A. et de NABCO S.A. 2012 : Création de SCI Krina et Berni S.A. 2013 : Création de Greenfil S.A. et de Cambeef S.A. 2014 : Création d’IBI S.A. et de la holding « Groupe Nana Bouba » 2015 : Estimation par Forbes Afrique de la fortune à 310 millions de dollars US (180 milliards F CFA)


Entretien Olivier Guillaume MADIBA, « Kiro’o Games nourrit la vision de devenir le leader de l’industrie vidéo-ludique en Afrique. » Entretien avec Landry Pany NANKAP et Hindrich ASSONGO

A

u départ, c’était une petite équipe de la ville de Yaoundé. Pour ceux qui observaient ces jeunes, ils les croyaient en train de créer des studios de jeux, comme on en retrouve dans n’importe lequel des carrefours de la capitale camerounaise. Que non. Il s’est agi d’une entreprise de création des jeux vidéo, la toute première en Afrique centrale. Le prix remporté en cette année 2016 par Kiro’o Games au challenge « Le startuppeur de l’année par Total » à travers son promoteur, a fini par asseoir la notoriété de la startup. Aujourd’hui, avec des actionnaires disséminés dans le monde, elle rêve grand. Entretien avec un PDG constamment en voyage.

Business Management Africa : Vous voyagez beaucoup en ce moment dans le monde. Que recherchezvous ? Olivier Guillaume MADIBA : J’ai fait deux voyages en cette année 2016 pour une même destination, les Etats-Unis. Le premier c’était en mars, je suis allé avec notre éditeur pour participer à la Pax East 2016, un salon de jeux vidéo. Aurion, notre produit, avait été sélectionné pour y être exposé. Le second c’est celui que j’ai effectué il y a quelques jours pour prendre part au Young African Leaders Initiative (YALI), un programme initié par le gouvernement américain et dont l’un des objectifs est de former et d’améliorer les capacités des leaders africains. Comme vous pouvez le constater, mes déplacements sont jusqu’ici à caractère professionnel. Le but étant non seulement de rencontrer des professionnels ou autres entrepreneurs et d’échanger, mais aussi d’accroître notre notoriété et visibilité.

commercialiser Aurion en supports physiques en Afrique. A ce sujet, nous avons récemment lancé une offre de partenariat et recherchons des personnes physiques ou morales qui pourraient nous accompagner dans la production et la distribution de ces DVD à travers le continent. Je prie toute personne intéressée à nous contacter. Quelles sont les particularités de ce jeu ? OGM : Aurion est un jeu inspiré de la culture africaine qui

Kiro’o Games a lancé au mois d’avril 2016, le jeu vidéo « Aurion : L’Héritage des Kori-Odan ». Quel est la suite du processus ? OGM : « Aurion : L’Héritage des Kori-Odan » est disponible sur Steam depuis le 14 avril 2016 en effet. Steam est une plateforme de téléchargement de jeux vidéo en ligne. Compte tenu du fait que le e-commerce n’est pas très évolué sur le continent africain, nous envisageons de

Business Management 13 Juillet - Août 2016 AFRICA


Entretien propose des contenus visuels et sonores très peu rencontrés dans l’univers du jeu vidéo. Comme certains journalistes de la presse spécialisée l’ont dit, «c’est un vent de fraîcheur venu d’Afrique». En termes d’histoire et de scénario, nous abordons des thématiques assez réalistes et actuelles en insérant des maximes, des proverbes africains, un point de vue de camerounais que nous sommes, entre autres. Nous nous situons dans une perspective de valorisation des cultures du continent.

Silence. On travaille à Kiro’o Games.

Quelles sont les réactions de ceux qui l’ont éssayé ? OGM : Elles sont en majeure partie appréciatives. Une œuvre n’étant jamais parfaite, nous recevons également des remarques et suggestions qui nous seront utiles pour les jeux futurs que nous développons. Dans la plupart des pays africains, les jeux vidéo sont plutôt piratés. Dans ce contexte, quel marché visez-vous et pourquoi ? OGM : Nous prendrons, bien évidemment, toutes les dispositions nécessaires afin d’éviter au mieux le piratage. Par exemple, en proposant un prix attractif pour que nos paires fassent le premier pas. Une fois que le jeu sera distribué, quelles seront les conditions pour y accéder ? OGM : Nous espérons d’abord trouver un ou des partenaire(s) pour assurer la production et la distribution de ces DVD. Ensemble, nous établirons les lieux de vente et informerons le public sur toutes les conditions nécessaires pour y accéder. Pour ce qui est du prix par exemple, comme nous l’avons annoncé au sein de l’appel à partenariat récemment lancé, nous comptons vendre le jeu à 10.000 F CFA. Il pourra varier en fonction des monnaies des pays. Il faudra ensuite obligatoirement une connexion Internet pour activer le jeu en ligne, sur Steam, pour des raisons de sécurité. Ensuite, on pourra y jouer hors ligne évidemment.

Management 14 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

Cette réalisation infographique symbolise la synergie qui caractérise le travail à Kiro’o Games.

Aurion, un jeu promis à un bel avenir.

Un esprit de famille règne à Kiro’o Games.


Entretien Vous avez financé la construction de ce jeu grâce un crowdfunding qui vous a permis d’obtenir 182 504 euros. Pouvezvous nous conter l’histoire ? OGM : Au départ, nous avions lancé un Crowdfunding sur Indiegogo mais n’avons pas connu de succès. Il fallait donc repartir à zéro et trouver un autre moyen. C’est ainsi qu’en s’inspirant du mécanisme de fonctionnement des tontines, nous avons pu établir un système de levée de fonds en utilisant Internet pour franchir les barrières géographiques. Sa particularité : donner la possibilité à toute personne désirant investir au studio d’acheter des parts. Plus tard, nous avons appris par des experts en «Venture Capital» que cette technique existe dans le monde sous le nom d’ « Equity Crowdfunding ». C’est donc grâce à une opération dans ce registre que nous sommes fonctionnels aujourd’hui. Le parrainage du ministère des Arts et de la Culture du Cameroun a constitué un tournant majeur dans la recherche des financements. En capitalisant dessus, nous avons utilisé Internet comme média principal pour atteindre des investisseurs potentiels à travers le monde. Cela nous a permis de nous faire connaître sur la scène internationale. Qui sont les souscripteurs et quels droits ont-ils sur ce produit ? OGM : Ce sont des personnes qui ont cru au potentiel du projet et ont bien voulu le soutenir. Nous ne cesserons de leur dire merci. Les actionnaires (qui préfèrent préserver leur anonymat) sont répartis à travers le monde. Nous en avons au Cameroun, en France, aux Etats-Unis, etc. En ce qui concerne les droits, ils en ont autant que le pourcentage d’actions qu’ils possèdent, soit 33% du capital. Kiro’o Games est avant tout une entreprise. Quel en est le capital et qui sont les différents actionnaires aujourd’hui ? OGM : Kiro’o Games est une société à responsabilité limitée (SARL) au capital de 10 millions FCFA. Elle compte 98 actionnaires internationaux. Ceux-ci préfèrent garder l’anonymat. Est-ce qu’au Cameroun, on comprend exactement ce que vous faites ? OGM : Au lancement, pas vraiment. Ils sont nombreux qui pensaient que nous étions en train d’ouvrir une salle de jeux (rires). Cette époque est aujourd’hui passée puisque grâce à l’envergure médiatique du projet, les camerounais comprennent davantage ce que nous faisons. Nous remercions nos compatriotes qui nous suivent et continuent de croire en nous.

Les banques camerounaises sont-elles prêtes à vous suivre ? OGM : A l’époque non, mais avec les changements qui s’opèrent dans le secteur, surtout dans l’entrepreneuriat jeune, les banques camerounaises y songent de plus en plus. Certaines mesures sont en train d’être prises pour adapter leur système au capital-risque.

Kiro’o Games en bref

2015 : Création Siège : Yaoundé (Cameroun) Forme juridique : Société à responsabilité limitée (SARL) Actionnaires : 98 PDG : Olivier Guillaume MADIBA 2013) Capital : 10 millions F CFA (15 225 euros) Nombre d’employés : 20 Objet de l’entreprise : Production des jeux vidéo Jeu produit à ce jour : « Aurion : L’Héritage des Kori-Odan » Site web du jeu : www. aurionthegame. com Site web de l’entreprise : www.kiroogames. com Adresse mail : contact@ kiroogames.com

Vous avez une équipe solide où il est loisible de constater que chacun sait ce qu’il a à faire. Comment l’avez-vous constituée ? OGM : Nous avons suivi le processus recommandé pour tout recrutement de personnel : nous avons lancé un appel à candidature au sein des canaux locaux y afférents, enregistré les dossiers, procédé aux entretiens et enfin aux recrutements. Il était surtout question de pouvoir trouver des jeunes ambitieux et travailleurs qui comprendraient rapidement notre vision. Quels profils recherchiez-vous ? OGM : Nous recherchions essentiellement des dessinateurs et des programmeurs qui constituent les ressources de base pour le game design, mais surtout des personnes ayant une culture générale de l’entertainment très forte et une réelle passion. Quand on parcourt votre page linkedin, on se rend compte que votre management est apprécié. Quels en sont les grands principes ? OGM : En créant Kiro’o, nous avons toujours gardé en tête de chercher à s’améliorer et à chercher des personnes comme nous qui ne se reposent pas sur des acquis. Nous voulions une entreprise efficace mais aussi très humaine, avec en son sein, de la confiance et une bonne entente, avec des leaders qui mettent la main à la pâte et montrent l’exemple. Comment voyez-vous Kiro’o Games dans 10 ans ? OGM : A long termes, le Kiro’o studio a pour ambition de développer d’autres jeux. Il nourrit la vision de devenir leader de l’industrie vidéoludique en Afrique, notamment dans les domaines du jeu vidéo mobile, PC et console, tout en évoluant avec les nouvelles technologies. En parallèle, nous envisageons aussi le développement d’autres produits du domaine de l’entertainment, à l’instar des bandes dessinées et des films d’animations, entre autres.

Business Management 15 Juillet - Août 2016 AFRICA



Management

Fleet management, à la découverte d’une

solution peu répandue en Afrique

Selon les spécialistes de ce secteur très peu connu sur le continent, les grandes entreprises feraient d’énormes économies en sollicitant les compagnies spécialisées dans la gestion de leurs parcs automobiles. Par Emmanuelle TSELLY

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es entreprises spécialisées dans le fleet management, il faut chercher et chercher encore pour en retrouver sur le continent africain. C’est que, cette activité y est embryonnaire. La plupart de ceux qui sont supposés se présenter comme clients ne savent pas vraiment ce que c’est. Du coup, il faut aller principalement dans les pays anglophones – Le Nigéria par exemple -, en Afrique du Nord, ou encore au Cameroun pour retrouver quelques entreprises offrant cette prestation. On peut tenter quelques évocations. En Tunisie, à Tunis, Marouen Ben Jemaa met en place en 2007 la Tunisia Fleet Management, la première compagnie opérant dans le secteur dans ce pays. En Afrique du Sud, l’on peut citer Eqstra Fleet Management. A Mau-

rice, capitale de l’Île Maurice, l’entreprise Fleet Leader, filiale du groupe ABC, voit le jour en 2009. Mais elle trouve quelques concurrents sur le terrain. Au Cameroun, à Douala, Emploi Services, société spécialisée dans le recrutement et la mise à disposition des ressources humaines, crée en 2013 une filiale appelée Driving and Logistics (DAL). Celle-ci, à

Le fleet management, un anglicisme, désigne la gestion des flottes automobiles. Il s’agit donc pour des grandes entreprises en général, de confier leurs parcs automobiles à une autre entreprise dont la gestion de cet instrument de production constitue l’activité.

ce jour, se présente comme la seule qui offre des prestations de fleet management sur le marché camerounais. Et c’est avec le directeur de la structure, Louis Charles Minyang, que nous essayons de comprendre à quoi l’activité renvoie. Le fleet management, un anglicisme, désigne la gestion des flottes automobiles. Il s’agit donc pour des grandes entreprises en général, de confier leurs parcs automobiles à une autre entreprise dont la gestion de cet instrument de production constitue l’activité. Parmi les prestations offertes dans ce registre, on peut en citer 03 : le consulting, la gestion partielle du parc automobile, la gestion totale dudit parc. En ce qui concerne le premier, l’entreprise de fleet management « vous accompagne dans la rationalisation et l’optimisation de la gestion

de votre flotte à travers : un audit, la mise en place des procédures (pour encadrer l’utilisation et l’affectation des véhicules), la formation des intervenants », indique le directeur de DAL. Pour ce qui est de la gestion partielle, « le client reste propriétaire des véhicules. Mais il externalise une partie de la gestion de sa flotte. Cette partie externalisée peut concerner les chauffeurs, la gestion administrative, le tracking des véhicules, la maintenance, pour ne citer que ces aspects ». En quand il y a externalisation complète de la gestion de la flotte, « le client n’est plus propriétaire des véhicules, il attend de l’entreprise de fleet management une prestation de transport. Il paie juste le kilométrage réellement consommé », précise Louis Charles Minyang.

Business Management 17 Juillet - Août 2016 AFRICA


Management Ce que gagnent les clients L’on peut à ce stade s’interroger sur la valeur ajoutée que les grandes compagnies gagnent en confiant la gestion de leurs flottes automobiles à une entreprise spécialisée. « Une structure qui travaille avec nous gagne à plusieurs niveaux. Il y a d’abord l’optimisation de la disponibilité de la flotte. Nous nous assurons de ce que les véhicules sont utilisés à des fins exclusivement professionnelles. Il y a donc suppression des abus », affirme le directeur de DAL. Un point de vue qui peut se justifier par le fait que le personnel des entreprises dans certains pays – francophones notamment – a souvent tendance à utiliser les voitures de service à des fins personnelles. « Il y a ensuite la réduction des charges. Nous veillons au suivi des consommations de carburant, à la réduction des charges de maintenance et des heures supplémentaires, ainsi qu’à la suppression des missions fictives », précise le spécialiste. Il tient à ajouter que le savoir-faire des compagnies de fleet management débouche, pour ses clients, sur une prolongation de la longévité des voitures à travers une réduction des kilométrages et une maintenance préventive efficace. Autres avantages,

Management 18 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

la rationalisation dans le dimensionnement de la flotte des clients et un transport en toute sécurité. En fin de

Autres avantages, la rationalisation dans le dimensionnement de la flotte des clients et un transport en toute sécurité. En fin de compte, “ toute entreprise qui sollicite nos prestations économise sensiblement entre 15 et 30 % sur ses dépenses liées au transport et limite de 99% les risques d’accident de circulation”, conclut le fleet manager

compte, « toute entreprise qui sollicite nos prestations économise sensiblement entre 15 et 30 % sur ses dépenses liées au transport et limite de 99% les risques d’accident de circulation », conclut le fleet manager. Les entreprises opérant dans le fleet management mettent donc un point d’honneur sur la sécurité routière. Elles sont d’ailleurs souvent sollicitées pour cela. Et notre spécialiste de préciser : « Nous nous assurons d’acquérir des véhicules en bon état. Dans l’exploitation, nous avons une équipe technique dont le travail est de suivre de manière rigoureuse l’état technique de nos véhicules (inspection quotidienne, maintenance préventive et corrective). Nos procédures internes viennent renforcer ces actions et nous rassurent que les voitures que nous mettons en route remplissent toutes les conditions de sécurité et de confort. Pour ce qui concerne nos chauf-

feurs, nous développons une culture safety. De manière plus simple, nous avons mis en place une politique de prévention intégrant le risque routier à l’effet d’éviter les accidents de circulation. Il s’agit de la formation en conduite défensive et au perfectionnement en conduite tous les six mois, les roads surveys et l’actualisation des compétences à travers des tool box meetings. Pendant ces sessions, nous abordons la question de la sécurité, que ce soit par rapport à la route ou aux autres usagers. L’accident de circulation est un défaut de qualité, il est générateur de dysfonctionnements qui peuvent impacter les performances d’une entreprise, car il ne faut pas oublier que conduire est un acte de travail ».


Management Satisfaction des clients

Ça bouge chez les managers Rob Shuter, PDG de MTN Group Rob Shuter est le nouveau président-directeur général du groupe MTN. Nommé le 20 juin 2016, il prendra la suite de Phuthuma Nhleko, nommé PDG intérimaire en novembre 2015. Il travaille actuellement chez le britannique Vodafone.

Gérer les parcs automobiles, c’est la spécialité des entreprises de fleet management.

Lorsque des entreprises font appel à des compagnies de fleet management, les employés habitués à utiliser les véhicules de service ne réservent pas toujours un accueil chaleureux au prestataire sollicité. Le DG de DAL indique qu’« il y a des structures au sein desquelles les employés ont développé des tricheries en la matière. Donc, quand nous venons avec le changement, il ne s’accepte pas facilement. Heureusement, nous avons l’appui du top management de ces entreprises. L’expérience que nous avons, c’est que, après trois ou six mois, l’adhésion est totale face à nos résultats ». L’on comprendra donc que DAL, la société qu’il dirige, ait de gros clients dans son portefeuille : COTCO (exploitation pétrolière), MTN, Orange, Standard Chatered Bank, Banque mondiale, GDFSuez, Maersk. Quant à David Ramsay, Business Development Manager de Fleet Leader, entrepri-

se basée à Maurice, il affirme que « nous disposons d’un portefeuille diversifié comprenant quelque 80 clients ‘corporate’ dont les plus importants sont engagés dans le génie civil, la construction, l’énergie, l’édition et le secteur cannier. Nous travaillons en collaboration avec tous les concessionnaires automobiles et en partenariat avec les ‘key players’ dans les secteurs du crédit-bail (leasing) et des assurances ». En 2015, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 37,5 millions de Roupie mauricienne (951 655 euros), contre 03 millions de roupie mauricienne (76 133 euros) en 2010 au moment où son activité démarre. De 40 au départ, la compagnie mauricienne gère aujourd’hui une flotte assemblée de 800 véhicules. Tout cela pour dire que les entreprises africaines ont désormais à leur disposition une solution pour réduire leurs charges de production.

Célestin Monga, viceprésident de la BAD Le Camerounais Célestin Monga est depuis le 10 juillet 2016, le nouveau vice-président de la Banque africaine de Développement (BAD). Il sera chargé de la gouvernance économique et de la gestion du savoir. Il sort de l’ONUDI où il était vice-président depuis 2014. Dolika Banda, directrice exécutive d’ARC Ltd Dolika Banda a été nommée le 11 juillet 2016, directrice executive de L’African Risk Capacity Insurance Company Limited. C’est une mutuelle d’assurance créée par l’African Risk Capacity, laquelle est une agence spécialisée de l’Union africaine. Ancienne directrice des marchés financiers au sein de la SFI, la nouvelle récipiendaire remplace Simon Young. Charles Pythagore Ndongo, DG de la CRTV Charles Pythagore Ndongo, est directeur général de l’Office de Radiodiffusion Télévision camerounaise (CRTV), l’entreprise publique audiovisuelle du Cameroun, depuis 29 juin 2016. Ce journaliste remplace Amadou Vamoulke.

Business Management 19 Juillet - Août 2016 AFRICA


A lire...

Destination Business Congo, la marche vers l’émergence malgré la crise Opportunités, plusieurs niches attendent les investisseurs au Congo Yekolab, la machine qui fabrique des champions congolais du numérique Jean-François BONBHEL, « notre objectif, qu’il y ait une grande assiette de gens passionnés par le développement web en Afrique. Antoine BECART, « CFAO Equipement fournit la gamme complète des véhicules dont les transporteurs congolais ont besoin. » Mohammed MEJBAR, « Crédit du Congo est là pour répondre aux demandes de financements. » Philippe AUDOUIN, « Allianz Congo va participer à l’élévation des standards en matière d’assurance. » BPH Agricole Congo, au secours du déficit en denrées alimentaires Yvonne Adélaïde MOUGANY, « Notre priorité, former des entrepreneurs » Africanews, à Pointe Noire contre tous les pronostics

Management 20 Business Juillet - Août 2016

AFRICA


Spécial Congo

Destination Business

Congo, la marche vers l’émergence malgré la crise 2011. Le chef de l’Etat congolais, Denis Sassou Nguesso, engage ses concitoyens à travailler pour que le pays puisse atteindre son émergence d’ici à 2025. Certes, la morosité subie à l’échelle mondiale par les prix du pétrole a ralenti ce territoire francophone d’Afrique centrale. Deux tactiques désormais : diversifier l’économie et attirer les investisseurs étrangers. Par M. E.

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n Denis Sassou Nguesso souriant aux côtés de son homologue Xi Jimping, à Pékin le 05 juillet 2016. C’est le signe que le séjour du président congolais en Chine produira une moisson abondante. Du 04 au 08 juillet, le chef de l’Etat du Congo a effectué une visite en terre chinoise, le plus important partenaire commercial de son pays. Un déplacement qui se situe dans le cadre de la politique d’attraction des investissements étrangers, une option engagée depuis quelques an-

Cependant, pour ne pas arrêter le bel élan de croissance enregistré entre 2012 et 2014, le Congo souhaite sortir de la “pétrole-dépendance”. Il veut attirer massivement les investisseurs et diversifier son économie. D’ailleurs, la politique d’attrait remonte déjà à plus de 04 ans.

nées. En termes de retombées de ce voyage, l’on sait désormais que la Chine souhaite investir dans l’agriculture et l’aviation au Congo. Pour rendre plus concrète ses intentions, le gouvernement de l’Empire du milieu s’engage à faire un don d’un montant évalué à près de 27 millions d’euros à son l’Etat congolais. L’enveloppe servira à construire un centre de maintenance des aéronefs à Brazzaville, la capitale de ce pays. En 2011, le numéro un congolais, en guise d’annonce phare d’un mandat de 05 ans qu’il entame, fixe un cap : un Congo émergent en 2025. En le disant, il compte sur le pétrole pour générer les ressources, lesquelles seront ensuite nécessaires pour construire ou moderniser les infrastructures de son pays. Le secteur pétrolier représente, pour ne citer que les estimations de 2014, 72% des recettes fiscales, 90% des exportations et 80 % des recettes de l’Etat. Il se trouve que les infrastructures, à l’instar de la route nationale

qui relie Pointe Noire à Brazzaville, sont d’une nécessité absolue pour attirer les investisseurs. Le programme du président s’exécute pendant quatre années, même si la vitesse n’est pas celle souhaitée. En 2012, le taux de croissance se situe alors à 3,8 %, il sera de 3,4 % en 2013. En 2014, il bondit à 6.8 %, à la suite d’une embellie de la production pétrolière. Sauf qu’en 2015, la chute des prix du pétrole sur le marché mondial, enregistrée au second semestre de l’année précédente, freine les ardeurs du pays. C’est le 4ème producteur africain. D’après la Banque mondiale, « les recettes de l’État, qui avaient augmenté de 13 % en moyenne entre 2011 et 2013, ont baissé de 26 % en 20142015 ». A l’issue de l’année 2015, le taux de croissance est de 03 %. Une conjoncture qui met le gouvernement dans l’incapacité d’honorer tous ses engagements. Selon la BM, cette récession devrait se poursuivre jusqu’en 2020.

Business Management 21 Juillet - Août 2016 AFRICA


Destination Business Cependant, pour ne pas arrêter le bel élan de croissance enregistré entre 2012 et 2014, le Congo souhaite sortir de la « pétrole-dépendance ». Il veut attirer massivement les investisseurs et diversifier son économie. D’ailleurs, la politique d’attrait remonte déjà à plus de 04 ans. Pour les autorités congolaises, le moment est venu d’insister sur le concret. Le 16 avril 2016, dans son discours prononcé à l’occasion de sa prestation de serment pour un nouveau mandat de 05 années à la tête de l’Etat, Denis Sassou Nguesso annonce « le renforcement de la diplomatie économique ». L’Etat congolais, dans toutes ses composantes, ne fait plus l’économie des voyages quand il est question d’aller séduire les patrons des multinationales. Il s’agit «d’attirer en grand nombre les investissements directs étrangers couvrant diverses branches », indique-t-il. Dans ce cadre, des incitations fiscales sont prévues, notamment à travers les zones économiques spéciales. Tout un ministère, confié à Alain Atipault Akouala, n’a que cette question dans son portefeuille.

Spécial Congo

Produire pour réduire les importations L’attrait des investisseurs vise à forger sur place un ensemble de biens que le Congo importe traditionnellement, creusant ainsi sa balance commerciale. Dans sa « marche vers le développement » - le slogan qui accompagne le nouveau quinquennat -, le Président veut que les congolais travaillent « à produire pour satisfaire l’essentiel de nos besoins de consommation : nos besoins en aliments, en eau potable, en électricité, en services de santé et d’éducation, en services aux personnes physiques et aux administrations ». La Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Brazzaville, que dirige Paul Obambi depuis 1995, entend participer à la réalisation du vœu présidentiel. Sur le site internet de cette institution consulaire, on trouve aisément une liste de tous les secteurs dans lesquels les investisseurs sont attendus. Ils vont du secteur agricole

Management 22 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

à l’industrie, en passant par les transports, le tourisme et l’hôtellerie. Bref, c’est une véritable économie diversifiée qu’il s’agit de bâtir. L’économie de production que le Denis Sassou Nguesso appelle de tous ses vœux vise à réduire un taux de chômage des jeunes, lequel se situe à près de 50 %, pour une population globale de 4,7 millions d’habitants. Le chef de l’Etat s’engage à : « favoriser l’éclosion des initiatives privées dans tous les secteurs de l’économie, aider au financement direct ou indirect des entreprises, accompagner les entreprises dans leurs stratégies de développement et de pérennisation de leurs activités, encourager de façon spécifique toutes les entreprises qui donnent la chance aux jeunes». Mieux, il veut « poursuivre l’équipement du pays en infrastructures de base modernes ».

C’est précisément dans le domaine des infrastructures que le Congo a beaucoup progressé ces 05 dernières années. La plus attendue, la route nationale qui relie Brazzaville à Pointe Noire, la capitale économique du pays, longue de 535 kilomètres, a enfin été bouclée. Le chef de l’Etat, en personne, a inauguré le deuxième tronçon au début du mois de mars 2016. On l’a trop espérée. Du coup, le trafic entre les deux villes - elles sont les plus importantes du pays- s’est intensifié, au point que les concessionnaires des marques automobiles ont pris leurs quartiers dans le pays, pour commercialiser les bus de transport en commun. Ces dernières années, aéroports, ports, centrales thermiques, pour ne citer que ceux-là, ont changé de visage. De nombreux chantiers sont en cours. Le Congo veut être émergent en 2025, que le pétrole au niveau mondial redevienne normal ou pas.


Destination Business

Spécial Congo

Opportunités, plusieurs niches attendent les

investisseurs au Congo

Agriculture, services, industrie, mines. Tout, ou presque, attend les entrepreneurs en terre congolaise. Pour leur faciliter la tâche, le gouvernement investit massivement dans les infrastructures. Par Tiburce MBOLI

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alenti par la crise que subit le secteur pétrolier dans le monde, le Congo ne veut plus dépendre de cette ressource naturelle. La quasi-totalité des secteurs de l’économie, hors pétrole, attend d’être développée. La Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Brazzaville a pris le soin de répertorier ces opportunités. Il y a d’abord l’agriculture. Le pays importe encore une bonne partie des denrées agricoles qu’il consomme, notamment du Cameroun voisin. Le Congo souhaite aussi voir les investisseurs miser sur l’élevage et la pêche. Avec ses 342 000 Km2 de superficie, un territoire niché au cœur de l’Afrique centrale, le pays peut engendrer la totalité des produits tropicaux du sol. Il dispose de 10 millions d’hectares de terre arable, dont 2 % seulement sont exploitées. Pourtant, sa production actuelle, essentiellement constituée de produits vivriers, n’arrive pas à satisfaire la demande intérieure. Le territoire est arrosé par plusieurs grands fleuves et rivières navigables : le Congo, le Kouilou, le Niari, la Bouenza, l’Alima, la Sangha, la Liouala Mossaka, la Ngoko. La liste n’est pas exhaustive.

L’énergie. Voilà le deuxième grand secteur que le Congo veut voir fleurir sur son territoire. Il est question de produire « le bitume routier, les matières synthétiques, les gaz industriels et domestiques, les lubrifiants et produits pro-chimiques », précise la CCIAM. Mais il y a surtout le défi de l’énergie électrique, un secteur dans lequel ce pays accuse un grand retard. Les investisseurs ici peuvent donc profiter d’immenses ressources en eau pour construire des dizaines de barrages hydroélectriques. Les autorités congolaises font savoir que c’est une priorité pour elles.

Les autorités de Brazzaville ont pris conscience de ce que l’existence d’un certain nombre d’infrastructures conditionne la venue des investisseurs. Surtout les industriels. Pendant longtemps, l’état désastreux de la route nationale entre Pointe Noire et Brazzaville a constitué un handicap pour l’économie nationale. Depuis mars 2016, le linéaire Dans sa quête d’une diversiest bouclé.

fication pour son économie, l’Etat congolais ne veut pas abandonner le secteur extractif. Mais il faudra aller au-delà du pétrole. Le gouvernement souhaite que les multinationales s’intéressent aux mines, des ressources longtemps négligées. Il s’agira de la « prospection et l’exploitation du fer, de la potasse, des phosphates, du zinc, du plomb, du cuivre, du manganèse, de l’or, de l’argent, du diamant », indique la CCIAM. Mais il ne faudra pas exporter ces matières premières en totalité dans leur état brut. D’où, il est prévu des aménagements juridiques avantageux pour les entreprises industrielles.

Business Management 23 Juillet - Août 2016 AFRICA


Destination Business

Spécial Congo

La route nationale entre Brazzaville et Pointe Noire est désormais fonctionnelle.

Industrie, le grand espoir En parlant précisément d’industrie, le secteur est embryonnaire au Congo. Les congolais attendent la production sur leur territoire des matériaux de construction, des engrais pour l’agriculture. Le pays mise davantage sur l’industrie agro-alimentaire pour sortir du bourbier. Il faudra donc, pour les investisseurs, engager « la transformation des produits agricoles, de pêche et de l’élevage ainsi que du bois jusqu’au meuble fini ; l’exploitation des complexes agro-industrielles des palmeraies du Congo; la production des boissons alcoolisées et hygiéniques », dixit la CCIAM. Les services constituent un autre pallié où sont attendus les investissements en terre congolaise. La CCIAM parle des nouvelles technologies de l’information et de la communication, des transports – urbain, interurbain, ferroviaire, fluvial, aérien -, de l’hôtellerie et de la restauration. En matière de tourisme, des projets précis existent même déjà. Il s’agit de la « mise en valeur de l’île Mbamou

Management 24 Business Juillet - Août 2016

AFRICA

(22 Km de long et 15 Km de large), par l’implantation d’un complexe touristique et la construction d’une piste d’atterrissage pour petits porteurs ; la mise en valeur de la baie de Loango par l’implantation d’un complexe touristique et de la construction d’une piste d’atterrissage pour petits porteurs ; l’exploitation des parcs nationaux d’Odzala (Cuvette-Ouest) et Mouabale-Ndoki (Likouala-Sangha), ainsi que des réserves de Lefini et ConkouatI (Kouilou) ». Le gouvernement congolais ne se contente pas de faire du lobbying international pour faire venir les capitaux sur son territoire. Il prend aussi en interne des dispositions pour faciliter la tâche à ceux qui viendront. Par exemple, en 2009, le chef de l’Etat, par décret, crée tout un département ministériel en charge de mettre en place des zones économiques spéciales. Un type d’aménagement qui accorde des avantages fiscaux aux investisseurs et qui a fait ses preuves ailleurs. Les villes de Brazzaville, Pointe-Noire, Oyo-Ollombo et

Ouesso en accueilleront. Les études de faisabilité, effectuées par des cabinets internationaux, sont bouclées. Désormais, il est question de passer à la phase de réalisation. Les autorités de Brazzaville ont pris conscience de ce que l’existence d’un certain nombre d’infrastructures conditionne la venue des investisseurs. Surtout les industriels. Pendant longtemps, l’état désastreux de la route nationale entre Pointe Noire et Brazzaville a constitué un handicap pour l’économie nationale. Depuis mars 2016, le linéaire est bouclé. D’autres routes sont en chantier à travers le pays. Les aéroports des deux capitales, ainsi que celui de Ouesso, ont subi ces dernières années une cure de jouvence. Leur gestion revient depuis 2011 à la société française Egis. Les voyageurs n’ont plus de quoi se plaindre quand ils empruntent des avions qui doivent se poser sur ces plateformes.


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Cure de jouvence pour les ports Les principaux ports du pays bénéficient aussi de la politique offensive de l’Etat en matière infrastructurelle. D’abord, celui de Pointe Noire, le plus important. Un port en eau profonde qui se présente comme la « porte océane de l’Afrique centrale». Inauguré en 1934, en manque de rénovation pendant plusieurs décennies, il a été confié à Congo Terminal en 2009. Cette entreprise est un consortium détenu à 51 % par Bolloré Africa Logistcics. Le danois AP Moller Terminals (filiale de Maesrk) et la Société congolaise de transports (Socotrans) se partagent le reste des parts. Depuis lors, le groupe de Vincent Bolloré a investi pour mettre l’infrastructure portuaire aux normes internationales.

Malgré la crise, le groupe Bolloré, à travers Congo Terminal, va poursuivre ses investissements au port de Pointe Noire “ pour continuer à emmener les navires de grande taille au port de Pointe-Noire”, indique Cyrille Bolloré le 29 juin 2016. Il précise par ailleurs que le port recevra 02 nouveaux portiques en novembre prochain. Ceux-ci viendront s’ajouter aux 04 déjà installés et qui ont permis d’accélérer les opérations sur cette plateforme portuaire.

L’objectif du concessionnaire est « d’en faire la première plateforme de transbordement d’Afrique centrale ». Cyrille Bolloré, le président la branche logistique et transports du groupe Bolloré, le 29 juin à Brazzaville, chiffre ces investissements déjà effectués à 200 milliards F CFA. Malgré la crise, le groupe Bolloré, à travers Congo Terminal, va poursuivre ses investissements au port de Pointe Noire « pour continuer à emmener les navires de grande taille au port de Pointe-Noire », indique Cyrille Bolloré le 29 juin 2016. Il précise par ailleurs que le port recevra 02 nouveaux portiques en novembre prochain. Ceux-ci viendront s’ajouter aux 04 déjà installés et qui ont permis d’accélérer les opérations sur cette plateforme portuaire. D’ailleurs en 2014, le port de Pointe Noire a traité 620 000 conteneurs de 20 pieds. La performance était de 50 000 au début de la décennie 2000. Au bout de 27 ans de gestion, Congo Terminal aura investi 374 milliards F CFA. En 2036, d’après ses prévisions, le port

de Pointe Noire aura 1 500 mètres de quais - dont 800 mètres avec un tirant d’eau de 15 mètres - 38 hectares de terre-pleins et une capacité de traitement de 1 203 000 conteneurs par an. Pendant longtemps en état de décrépitude, le port de Brazzaville est en réhabilitation depuis 2015. Le train de la rénovation a fait un tour au port de Ouesso, dans le nord du Congo. Près de la frontière avec le Gabon, le port de Lékéty a aussi subi une cure de jouvence. A Oyo, le port d’Alima verra le jour. Son objectif, remplacer celui qui fonctionnait avant. Il est devenu trop étroit. Les ports de Mossaka et d’Impfondo vont aussi voir passer l’ange de la beauté. A Liranga, une nouvelle infrastructure portuaire verra également le jour. A Bétou et Dongou, les places portuaires prendront elles aussi un coup de neuf. Ce vaste programme de remise à neuf des infrastructures de transport concerne également le chemin de fer Congo – Océan. Comme quoi, la République se pare pour une émergence à l’échéance souhaitée.

Business Management 25 Juillet - Août 2016 AFRICA



Acteurs, ils travaillent déjà à

l’émergence du Congo

Des congolais ont décidé de prendre en main le développement de leur pays. Le secteur des technologies de l’information et de la communication fait preuve d’un grand dynamisme. Des multinationales, essentiellement disséminées dans les services, ont pris leurs quartiers à Brazzaville, mais davantage à Pointe Noire, pour profiter des opportunités qu’offre cet espace. Bien sûr, il est difficile de faire une revue complète des troupes. On n’insistera pas sur des figures connues, à l’instar de Verone Mankou, le PDG de VMK, l’entreprise qui a mis sur le marché le 30 mai dernier, les tablettes Elikia HD, 05 ans après les Way-C. On ne reviendra pas sur la présence de la multinationale Somdiaa, à travers la Société Agricole de Raffinage Industriel du Sucre industriel du Congo (SARIS), la filiale qu’elle met en place en 1991 sur les décombres de la SIAN. La rédaction a plutôt pensé aux acteurs qui ont élu domicile au Congo ces dernières années et qui ne sont pas encore vraiment connus au-delà de cet Etat.

Business Management 27 Juillet - Août 2016 AFRICA


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Yekolab, la machine qui fabrique des champions congolais du numérique

A Brazzaville, Max Bonbhel, un consultant pour les géants mondiaux de l’internet, à l’instar de Google, a lancé le 17 février 2015, cet instrument. Et quand on lui demande ce que c’est, il le décrit comme le plus grand incubateur et centre d’excellence dans le domaine des technologies de l’information et de la communication en Afrique. Il rêve de donner naissance aux futurs « Marc Zuckerberg » du continent. Par T. M.

Le laboratoire Yekolab est un espace où tout le monde est occupé.

«

Après de longs mois de formation à Yekolab, il me paraît important de vous remercier de m’avoir accueilli dans votre structure, sans laquelle je ne serai pas devenu ce que je suis aujourd’hui : développeur Androïde ».

La missive, datée du 04 juillet 2016, porte la signature de Mac Bolant Ndzindzele, co-fondateur avec Banviri Dick, de la startup Mokano. Celle-ci fait partie du panel des six meilleures de la dernière vague des incubées à Yekolab. Mokano crée des applications mobi-

L’aventure de Yekolab démarre le 17 février 2015 à Brazzaville. En présence de quelques membres du gouvernement, Jean-François Bonhbel présente un nouveau projet qui fait rêver les jeunes : Yekolab. Selon le promoteur, ce vaste centre “peut se résumer en trois choses : la formation des experts, le développement de l’entrepreneuriat, la recherche des développements ”, explique-t-il lorsque l’équipe de Business Management Africa le rencontre dans ses bureaux au début du mois de mai dernier.

Management 28 Business Juillet - Août 2016

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le, web et d’entreprise. Elle « fera la fierté de notre pays et sera créateur d’emplois ici au Congo », souligne le signataire de cette lettre de remerciements. L’aventure de Yekolab démarre le 17 février 2015 à Brazzaville. En présence de quelques membres du gouvernement, Jean-François Bonhbel - il se fait davantage appeler Max – présente un nouveau projet qui fait rêver les jeunes : Yekolab. Selon le promoteur, ce vaste centre « peut se résumer en trois choses : la formation des experts, le développement de l’entrepreneuriat, la recherche des développements », explique-t-il lorsque l’équipe de Business Management Africa le rencontre dans ses bureaux au début du

mois de mai dernier. Il y a donc d’abord la formation. Celle-ci a deux volets. La première est certificative. Elle dure 06 mois et débouche sur des profiles professionnels précis, notamment technologiques. « Les jeunes sont recrutés par concours. La formation est totalement gratuite. Nous faisons venir les experts internationaux. Leur objectif consiste à donner aux apprenants un vrai métier. Nous formons aux applications web, applications mobile, applications en entreprise et applications embarquées (à l’instar des applications pour les drones) », précise-t-il. L’autre aspect de la formation concerne l’entrepreneuriat. « Nous avons ici le plus grand incubateur


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en Afrique centrale. Nous avons la capacité d’accueillir 15 projets d’entreprises. Non seulement nous les accueillons, mais nous les accompagnons technologiquement. Nous nous assurons de ce que leurs idées soient de vrais projets technologiques. La pédagogie

ici est très importante. Nous apprenons aux porteurs de projets la rédaction d’un business plan, la recherche des financements, le leadership. Ce sont des outils dont un manager a besoin aujourd’hui », indique JeanFrançois Bonbhel. Mokano, Ebale, Eyano, Slick Link,

Claude Shopping et Ant App forment la dernière vague des startups qui ont sont sorties du lot à l’issue d’une incubation à Yekolab. Elles ont désormais les aptitudes pour voler de leurs propres ailes. « Une fois qu’elles fonctionnent, nous les initions à la recherche des dé-

veloppements», souligne le promoteur. Lui, qui ne passe en général qu’une dizaine de jours à Brazzaville par mois. Et lorsqu’il n’est pas là, ce consultant de Google, ancien de Fujitsu, dispense des cours à ses compatriotes par visioconférence.

Une nuit de développement d’applications web à Yekolab.

Les startups lauréates de la dernière vagues des incubées à Yekolab.

Business Management 29 Juillet - Août 2016 AFRICA


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Bilan Yekolab se veut donc une sorte de « sillicon valley » du Congo. Un centre dédié à l’innovation qui tient à défendre son bilan. « Nous avons formé gratuitement environ 300 jeunes en développement web et sur les outils numériques d’un manager. Nous en avons certifiés 76 en développement des logiciels. Nous avons environ 300 à 400 personnes qui viennent ici tous les jours. Au départ, ils viennent pour naviguer sur facebook. Deux mois après, vous les retrouvez dans notre centre de formation. Ils apprennent à développer. Six mois plus tard, ils montent des projets qui sont déve-

YEKOLAP FORMATION

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loppés. Cinq mois après, ils créent leurs propres entreprises. Nous avons aujourd’hui 04 entreprises créées et 03 en cours de création par des personnes passées par ici », indique Jean-François Bonbhel. Le globe-trotter

Le globe-trotter prédit d’ailleurs l’avenir : “Parmi ces choses qui sont concoctées dans cet espace collaboratif, vous avez le Facebook de demain, le whatsapp de demain. ”

prédit d’ailleurs l’avenir : « Parmi ces choses qui sont concoctées dans cet espace collaboratif, vous avez le ‘Facebook de demain’, le ‘whatsapp de demain’ ». A Yekolab, à Brazzaville, il est régulier de rencontrer des jeunes qui codent et qui codent encore au beau milieu de la nuit. Le mentor, JFB, leur a appris qu’on ne compte pas les heures quand on a des objectifs à atteindre. Le centre d’incubation collabore avec plusieurs multinationales du secteur des technologies de l’information et de la communication : MTN, Microsoft, Google, Oracle. Des maisons que

Bonbhel connaît bien pour y avoir très souvent fait valoir son expertise. En janvier 2004, il met en place JCertif international, une organisation à but non lucratif qui promeut le développement des applications web à travers l’Afrique. Et c’est elle qui porte le projet Yekolab. Il n’est donc pas exclu que l’expérience soit reproduite dans d’autres pays. En attendant, les congolais en profitent bien. Si la cadence est maintenue, il faudra compter avec eux dans le leadership technologique et numérique du continent. A moins que ce ne soit déjà le cas.

Cérémonie de remise de certificat de la 1ère Génération en Mobile et en réseaux et Système d’information


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Jean-François BONBHEL, « notre objectif,

qu’il y ait une grande assiette de gens passionnés par le développement web en Afrique. » Entretien avec M. E

I

l voulait rentrer dans le monde des technologies de l’information et de la communication. Les études l’ont plutôt conduit sur les sentiers de l’économie. L’autodidactique l’a ramené à sa passion, au point d’en faire en une quinzaine d’années, un collaborateur des multinationales dont la seule évocation du nom suffit à convaincre : Google, Oracle, Fujitsu, Alcatel. Développeur d’applications web, le congolais a décidé de doter les jeunes africains de compétences en la matière. D’où la création de JCertif international en 2004. Yekolab constitue un projet de cette organisation. D’ailleurs, la même année, il met en place l’Africa Java User Groups. Ses concitoyens congolais sont les plus grands bénéficiaires des œuvres de ce globe-trotter. Entretien avec une étoile qui rêve d’un Congo émergent à partir du web BUSINESS MANAGEMENT AFRICA : Comment souhaiteriez-vous qu’on vous présente ? Je pense que tous les pans de ma personnalité sont liés. Être un développeur, un manager, un collaborateur des grandes entreprises, partager toute l’expérience avec différentes associations, tout cela se résume en la même personne. On fait appel aux mêmes principes et aux mêmes valeurs. Je suis un consultant international dans le domaine des nouvelles technologies. J’ai collaboré avec des grandes entreprises comme Google, Fujitsu, Acaltel, ou encore, Oracle. Je le fais encore avec certaines d’entre elles. C’est donc toute cette expérience qui me permet de partager. Parlez-nous de votre parcours Je suis né à Inpfondo, un village de la Lipuala, une région du nord du Congo. Je suis le troisième enfant dans une famille qui en compte neuf : huit garçons et une seule fille. Ma mère était enseignante et mon père militaire. J’ai quitté mon lieu de naissance quand j’avais trois mois. J’ai passé la majeure partie de mon adolescence à Brazzaville. J’ai fréquenté le lycée Savorgnan De Brazza, situé au sud de la capitale congolaise. J’y suis arrivé à 13 ans. A l’époque, c’était très jeune de se retrouver là

Quand je rêvais du métier de développeur, on ne parlait même pas encore de cette compétence. Et je pense que ma famille n’a pas été surprise lorsque j’ai décidé, après mon diplôme en économie, de me tourner vers les technologies de l’information et de la communication.

à cet âge. Du coup, j’ai profité de ma naïveté d’adolescent. Les vieux avec qui j’étais ne prenaient pas toujours positivement mon côté amuseur. Mes études, je les ai prises au sérieux, tout en m’amusant. J’obtiens un baccalauréat D (sciences) en 1997, avant de m’envoler pour la France. Là bas, j’atterris à l’Université de Lille. J’y passe une année. Puis, c’est l’Université d’Evry Val d’Essome qui m’accueille. C’est là que je passe en trois années un diplôme en économie qui ne me sert pas beaucoup aujourd’hui. Mais ce que nous apprenons à l’école nous apprend à apprendre. C’est en ce sens que mon cursus universitaire m’est utile en ce moment. Je suis devenu développeur par le biais de l’autodidactique. Tout jeune, à la maison, c’est moi qui réparais le fer à repasser lorsqu’il avait une panne, je démontais le poste radio pour le remonter. Quand je rêvais du métier de développeur, on ne parlait même pas encore de cette compétence. A l’époque, on ne connaissait que « l’informaticien ». Et je pense que ma famille n’a pas été surprise lorsque j’ai décidé, après mon diplôme en économie, de me tourner vers les technologies de l’information et de la communication. Elle savait que j’allais prendre le virage. Globalement, c’est quoi JCertif International ? C’est un rassemblement de gens qui sont passionnés par les nouvelles technologies. Leur

Max Bonbhel dans une posture d’enseignant à Yekolab.

Business Management Juillet - Août 2016

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Destination Business crédo : développer, se développer et aider les autres à se développer. Nous avons choisi de faire grandir les autres. Notre objectif est de faire en sorte que, dans chaque pays en Afrique, qu’il y ait une grande assiette de gens passionnés par le développement web. Nous voulons former des professionnels qui vont développer les outils de demain. Dans plusieurs pays du continent, on parle depuis quelques années d’émergence. Mais il faut savoir que cela ne se décrète pas. L’émergence ne s’importe pas. Pour y arriver, il faut permettre aux jeunes de créer les outils pour demain. C’est pour cela que nous formons les jeunes gratuitement. Nous organisons les conférences et les rencontres d’échanges. Un tel projet nécessite beaucoup de ressources. En avez-vous suffisamment ? La première ressource se résume à l’engagement total. Je passe difficilement une semaine dans un même pays. Le Congo est le seul pays où je passe le plus de temps, une dizaine de jours environ. Chez moi au Canada, c’est difficile. Ceci est donc la preuve que je suis engagé. Et une fois qu’on se rend compte de ce que vous avez effectivement l’engagement dans votre projet, les financements arrivent. Les gens vous font confiance. Et c’est aussi cela le management de demain. Ce n’est pas le financement qui compte. Trois choses sont essentielles : la vision, l’équipe, les principes de partage. Quels sont les faits d’armes de JCertif ? Je parlerais par exemple du projet YekoLab. Il est unique au Congo et en Afrique. JCertif se veut très internationale. En même temps, nous créons des projets fixes dans chaque pays, lesquels deviennent des références. C’est le cas de YekoLab au Congo. Il donne un aspect un peu plus physique à JCertif. Nous avons conçu dans nos laboratoires une application pour drones destinée aux agriculteurs : Kita Mata. Elle fait en sorte que le drone obéit aux voix. Cela peut permettre aux travailleurs de la terre de surveiller leurs plantations. C’est ce type de projet que nous développons à YekoLab. Avant,

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JCertif était portée sur les formations à court terme, les conférences sur les innovations technologiques. Dès qu’une technologie sort, quelle que soit son origine, il faudrait que nous l’ayons à JCertif. Nous voulons réduire la distance entre les pays européens et africains de ce point de vue. Dès

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qu’on a une technologie nouvelle, je prends un avion et je fais le tour des pays africains pour la présenter. J’essaye d’aller très vite. Parce que les choses vont également vite. Les projets que vous développez ont-ils déjà réussi à accrocher une reconnaissance internationale ? Le 28 septembre 2014, une équipe de 05 personnes de JCertif a été invitée à San Francisco aux Etats Unis d’Amérique pour recevoir la Orace Duke’s Choice Award. C’était à l’occasion de la conférence Java One, organisée par Oracle Corp. Cette team recevait ce prix pour avoir développé en 48 heures Kita Mata, cette application qui sert à piloter verbalement les drones. Donc, nous avons d’ores et déjà une reconnaissance internationale. C’est une fierté. Notre projet est très ambitieux. Il nécessite des centaines de millions F CFA. Il faut pouvoir former notre jeunesse pour l’émergence dont on parle. Vous êtes un manager qui est tout le temps parti. Comment réussissez-vous à gérer votre empire en étant absent très souvent ? J’ai un outil essentiel : mon téléphone. C’est fou ce qu’on peut faire avec cet outil. Avec lui, je suis sûr de pouvoir communiquer de façon instantanée avec mes équipes et donner des orientations quand cela est nécessaire. En même temps, j’ai la chance d’avoir des équipes qui sont très solides et autonomes. Les lignes de management pour lesquelles j’ai optées consistent à donner beaucoup d’autonomie aux personnes qui travaillent avec moi. Dans la plupart des projets que je mène, on s’amuse d’abord, on travaille beaucoup ensuite. En procédant ainsi, on travaille mieux et on ne compte pas les heures. Il suffit de recruter la bonne personne et de lui donner les moyens. Avec cela, ça marche. Nous avons dans chaque pays, un manager qui connaît le territoire et qui applique la vision globale de JCertif. Lorsque vous avez une vision, une équipe capable de se l’approprier et surtout à même de comprendre les principes de partage, je crois que vous avez la clé pour pouvoir réussir comme manager.


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Antoine BECART, « CFAO Equipement fournit la

gamme complète des véhicules dont les transporteurs Entretien avec M. E. congolais ont besoin. »

P

Antoine BECART, DG de CFAO Equipement Congo armi les multinationales qui ont de l’influence en terre congolaise, il y a le groupe CFAO -145 filiales opérationnelles dans le monde -, à travers sa filiale CFAO Equipement Congo. Avec sa direction générale installée dans la capitale économique, Pointe Noire, elle constitue l’une des 35 présences de CFAO Equipement en Afrique. Et malgré la crise engendrée par le secteur pétrolier, le directeur général estime que le Congo est un marché d’avenir. La preuve, il s’y trouve et semble vouloir y rester. Pour accompagner le développement de l’agriculture par exemple.

BUSINESS MANAGEMENT AFRICA : Comment présenteriez-vous CFAO Equipement Congo ? Avec 70 collaborateurs, CFAO Equipement Congo s’adresse aux entreprises exerçant dans le secteur du transport, des bâtiments et travaux publics, de l’industrie et de l’immobilier. Pour ce qui concerne particulièrement l’immobilier, nous représentons la marque Otis. A cet effet, nous intervenons surtout dans l’installation des cages d’ascenseurs. Nous faisons de la fourniture et de la maintenance des groupes électrogènes. Pour ce qui est des transports, nous travaillons avec Renault Trucks et King Long. Ce qui nous permet de fournir la gamme complète de véhicules dont les transporteurs congolais ont besoin, que ce soit pour des petites charges ou des grandes. Dans les travaux publics, CFAO Equipement est concessionnaire de la marque JCB. Grâce à cette concession, nous fournissons tous les engins dont les entreprises de BTP ont besoin au Congo. Nous avons également des services associés au transport, à l’instar de la pneumatique. Nous distribuons les marques comme Bridgestone. Nous fournissons donc tout ce qui roule au Congo : petites voitures, camions, tracteurs, engins de manutention portuaire.

Il y a une activité récente que nous avons lancée : c’est la distribution des bus. Depuis l’ouverture de la route entre Brazzaville et les autres villes du Congo, nous avons remarqué que le trafic s’intensifie entre la capitale, Dolisie et Pointe Noire. Pour répondre à ce besoin, nous avons signé avec le groupe King Long, un partenariat qui nous permet de fournir les bus de cette marque au Congo. Parce que nous travaillons avec les marques leaders, nous nous devons d’accompagner ceux qui nous font confiance pendant toute la durée de vie de ce qu’ils acquièrent chez nous. Quel est l’état de santé de cette filiale de CFAO que vous dirigez ? Comme la majeure partie des entreprises congolaises, nous vivons un passage difficile. Cela est dû à la chute du cours du pétrole sur le marché mondial, le Congo étant un important pays producteur en la matière. L’économie nationale se base beaucoup sur cette ressource. CFAO Equipement Congo a pris des mesures pour pouvoir sortir plus fort de cette situation tendue.

Business Management 33 Juillet - Août 2016 AFRICA


Destination Business Cela fait une année que vous êtes à la tête de CFAO Equipement Congo. Avez-vous déjà pris la mesure du marché sur lequel vous intervenez ? Nous avons sept secteurs d’activités. Tous sont en repli. Les pétroliers transportent moins. Il y a une baisse du nombre d’expatriés, et donc, on vend de moins en moins de groupes électrogènes. Il y a moins de déplacements entre Brazzaville et Pointe Noire. Pour s’adapter à ce bouleversement, nous avons adapté nos services à la clientèle, de façon à pouvoir les pousser à créer de nouveaux revenus. On sait que les petites et moyennes entreprises constituent la base de l’économie quand tout va mal. Avez-vous des offres qui s’adressent à cette catégorie d’entreprises ? Nous ne travaillons pas qu’avec les grandes entreprises. Nous travaillons aussi avec les PME. Nous avons de nombreux clients qui ont un ou deux camions. Les PME nous sollicitent aussi dans le secteur de l’immobilier. Nous offrons également nos services aux particuliers, notamment sur la pneumatique ou les groupes électrogènes. On a besoin d’avoir un portefeuille très diversifié de clients. C’est pour cela que nous travaillons beaucoup avec les PME. Le gouvernement congolais s’est lancé dans de vastes projets agricoles. Avez-vous des offres particulières pour accompagner la mise en œuvre de cette politique ? J’ai le sentiment qu’il y a une réelle volonté de développer l’activité agricole au Congo. CFAO Equipement reste vigilent. Nous travaillons avec New Holland pour fournir aux congolais l’ensemble des machines dont ils ont besoin pour cultiver : tracteurs, matériels de protection des cultures, etc.

Un camion Renault Trucks, un produit commercialisé par CFAO Equipement Congo.

Management 34 Business Juillet - Août 2016

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De quelle manière pouvez-vous accompagner le jeune congolais qui veut démarrer son activité et qui dispose de petits moyens, tout en ayant des grands besoins en Les gens peuvent se mettre en groupes, afin de pouvoir mobiliser les partenaires bancaires, lesquels vont mettre les moyens à leur disposition pour l’acquisition des équipements. Nous avons rencontré des clients qui estiment que les solutions que vous proposez sont parfois onéreuses. Est-il possible d’échelonner le paiement chez vous en plusieurs traites ? Nous ne distribuons que des matériels neufs. Lorsque vous en utilisez un pendant cinq ans, il est finalement moins coûteux qu’un produit d’occasion que vous avez acquis à un prix plus bas. Pour les entreprises, le coût s’évalue donc sur le temps. Le Congo s’est lancé dans une campagne d’attrait des investisseurs. Qu’avezvous mis en place de façon spéciale pour accueillir ceux qui arrivent ? Nous travaillons dans une logique d’anticipation des mutations du marché. C’est d’ailleurs l’une des aptitudes du groupe CFAO. S’il y a de nouveaux investisseurs qui arrivent, nous nous organiserons pour leur apporter les services dont ils ont besoin dans les secteurs dans lesquels nous intervenons. Si vous aviez une dernière chose à dire, ce serait laquelle ? Il y a énormément de choses à faire au Congo, que ce soit dans le secteur agricole, au niveau du réseau routier, ou encore dans le domaine de l’énergie. CFAO Equipement accompagnera l’ensemble des entreprises qui interviendront dans ces segments. Nous avons des solutions adaptées à leur apporter.

Un engin de génie civil de la marque JCB. Les entreprises du secteur des BTP peuvent en trouver chez CFAO Equipement.


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Mohammed MEJBAR, « Crédit du Congo est

pour répondre aux demandes de financements. »

Entretien avec M. E.

parmi les banques du Congo et les filiales du groupe Attijariwafa.

Mohammed Mejbar, DG du Crédit du Congo, dans son bureau de Pointe Noire.

A

vril 2002. Le Crédit lyonnais Congo naît. En 2007, la banque prend la dénomination de Crédit du Congo, suite à un rachat du Crédit lyonnais par le Crédit agricole. Puis, en septembre 2009, l’établissement financier passe sous le pavillon de la multinationale marocaine Attijariwafa Bank. Depuis lors, le groupe n’a cessé de multiplier les innovations sur un marché qu’il trouve encore embryonnaire. En d’autres termes, il y a de la place pour poursuivre les développements. En attendant, Crédit du Congo, dont le siège se trouve à Pointe-Noire a affiché la meilleure performance bancaire au Congo en 2015. Entretien avec un directeur général confiant.

Comment se porte le Crédit du Congo ? Le Crédit du Congo se porte bien. En 2015, on a fait d’excellents résultats. Ils ont presque coïncidé avec nos objectifs et notre budget. La banque est solide. Le niveau de contentieux, aspect très important dans la marche d’un établissement bancaire, reste très faible chez nous. Les résultats financiers sont les meilleurs

Depuis votre arrivée à la tête du Crédit Congo en 2011, les chiffres ont des tendances positives, avec notamment un taux de croissance de 16 % par an. Comment expliquer ce résultat qui est meilleur que celui du marché sur lequel vous opérez ? Comme vous le dites, la croissance de la banque est supérieure à celle du secteur bancaire congolais et celui de l’Afrique centrale. Il faut expliquer cela par une gestion rigoureuse du portefeuille, une volonté affichée par tout le top management et toutes les ressources humaines d’aller de l’avant et l’ambition d’être le leader du secteur bancaire congolais. C’est une fierté de voir que le Crédit du Congo est l’une des meilleurs banques au Congo, que ce soit en qualité de services rendus, qu’en termes de rentabilité. Quelle est la physionomie du secteur de la banque au Congo ? Le secteur bancaire congolais a encore beaucoup de chemin à faire. Il y a une volonté de le développer, laquelle est affichée par tous les acteurs. Il n’a pas encore atteint la maturité. Le taux de bancarisation reste très faible. Ce qui doit être fait est en train de l’être. Je pense qu’il y a des moyens d’améliorer rapidement ce taux. Dans la plupart des pays d’Afrique centrale, les petites et moyennes entreprises se plaignent du manque du soutien des banques. Est-ce que Crédit Congo finance suffisamment les PME congolaises ? Nous sommes là pour répondre aux demandes de financements. Je pense que le fait de garder de l’argent dans les coffres n’a pas de sens. Notre métier consiste à financer l’économie. Malheureusement, tous les dossiers qui nous parviennent ne sont pas suffisamment étoffés. Les promoteurs qui nous sollicitent manquent d’expérience. Je pense que le secteur de la PME et de la très petite entreprise doit être la locomotive du développement du Congo. Il faut qu’il y ait un mécanisme qui facilite l’octroi de crédit à ces entreprises. Crédit du Congo, par exemple, travaille avec des organismes de garantie. Ceux-ci avalisent des

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Destination Business promoteurs et se portent garants de rembourser le prêt octroyé. Nous allons, dans les jours à venir, signer une convention avec une institution internationale. Cela nous permettre de développer notre portefeuille constitué de PME. Quelle est la stratégie mise en place pour permettre à Crédit du Congo d’être le leader sur son territoire ? Notre stratégie est fondée sur deux fondamentaux. La qualité de service en constitue le premier. De ce point de vue, nous essayons d’être irréprochable et de nous améliorer, afin de répondre aux besoins de nos clients le mieux que nous pouvons. Nous avons d’ailleurs mis sur pied, il y a quelques semaines, une direction de la qualité. La diversification de notre offre constitue l’autre pilier de notre stratégie. Nous essayons de lancer de nouveaux produits qui vont permettre de répondre à certains besoins particuliers qui sont exprimés par certains de nos clients. Nous mettons l’accent sur ce qui n’existe pas encore au Congo. On peut citer quelques exemples : confirming, leasing, crédit à la consommation. Les solutions que vous citez sont majoritairement destinées aux entreprises. Qu’avez-vous prévu pour les particuliers ? Je dois avouer que ce segment du marché bancaire n’est pas du tout développé au Congo. Cette réalité est criarde par exemple dans le sous-secteur du crédit immobilier. Pourtant, les congolais, de manière générale, ont besoin d’être mieux logés et surtout de construire leurs propres maisons. Vous avez aussi le crédit d’équipements pour les nouveaux couples. Là encore, l’offre n’existe pas au Congo. Les banques congolaises répondent aux demandes des clients par le crédit ordinaire. Nous allons donc très prochainement lancer nos offres en guise de réponse à l’absence de ces crédits spécialisés destinés aux particuliers sur le marché congolais. Quel rôle entendez-vous jouer dans le processus d’émergence du Congo ? Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative lancée par le président de la République congolaise. Notre banque sera à ses côtés pour accompagner la réalisation de ce projet. Je pense que l’émergence n’est pas loin de la portée du Congo. Mais il faut surtout travailler et mobiliser tous les acteurs pour qu’ils regardent dans le même sens. Nous attendons les orientations du nouveau gouvernement qui vient d’être formé pour mettre nos moyens à la disposition de l’Etat congolais.

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La chute du prix du pétrole a entrainé la baisse des recettes de l’Etat congolais. Craignezvous une incidence sur vos activités ? Je crois que ce prix n’a pas baissé que pour le Congo. C’est le cas dans le monde entier. Donc, c’est à nous de s’adapter à cette situation. N’oublions pas que celui qui réussit, c’est celui qui sait s’adapter et non qui bénéficie d’un maximum d’avantages. En termes d’emplois, à quel niveau d’offres se situe Crédit du Congo ? Le développement de la banque passe obligatoirement par les recrutements. Nous n’avons jamais arrêté de recruter. Depuis 2009, nous avons recruté 60 personnes. Ce n’est pas rien quand on regarde notre taille. Nous recherchons aujourd’hui des profils pointus qui vont pouvoir prendre en charge certains départements. Le groupe Attijariwafa n’a aucun problème avec l’expatriation des ressources humaines. Nous considérons l’Afrique comme étant que notre pays. En d’autres termes, nous pouvons recruter un camerounais pour la filiale du Congo. Evidemment, nous respectons la législation de chaque pays. Comment voyez-vous l’avenir de Crédit du Congo ? Je suis très serein quant à l’avenir. Depuis la création en 2002, nous avons convaincu tous les acteurs de ce que c’est une banque très sérieuse. Chaque fois que nous avons l’occasion de rencontrer les autorités à qui nos chiffres parviennent, ils nous félicitent toujours pour les réalisations. Je suis certain que cette institution bancaire va continuer de se développer pour servir l’économie congolaise et le développement du Congo. Je sais aussi que le chemin reste encore trop long. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Mes collaborateurs, qu’ils soient expatriés ou congolais, savent que tout est au bout de nos mains.



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Philippe AUDOUIN, « Allianz Congo va participer

à l’élévation des standards en matière d’assurance. » Entretien avec M. E.

Pour accroître notre activité, nous avons internalisé un certain nombre de fonctions, notamment les indemnisations. Tout se gère à quelques pas d’ici. Nous avons mis sur pied les garages agréés, l’expertise rapide avec un jeune ingénieur que nous avons recruté. Enfin, nous avons opté pour des ressources humaines jeunes. Nous avons des collaborateurs dont l’âge varie entre 20 et 26 ans. Ils ont à la base, des Bacc + 2, + 4 ou + 5. Ils ont démarré leurs carrières chez nous. Il y a chez eux une volonté d’apprendre et de s’acclimater aux standards internationaux. Le DG d’Allianz Congo face à l’envoyé spécial de Business Management Africa.

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n 2012, le groupe Allianz, leader mondial du secteur de l’assurance, décide d’installer une filiale en terre congolaise. L’entreprise installe son quartier général à Pointe Noire. Pour son lancement, la multinationale fait confiance à celui qui a dirigé Allianz Burkina Faso de 2004 à 2011. Et avec lui, la rédaction fait le bilan des activités su groupe au Congo et les perspectives qu’offre le marché de l’assurance dans ce pays. Comment se porte Allianz Congo ? Nous avons démarré en 2012, et pour l’instant, c’est un succès. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de plus de 07 milliards de Francs CFA à l’issue de l’année 2015, avec un peu plus de 40 personnes au sein de l’équipe. Nous avons 15 % des parts sur le marché congolais si nous excluons les risques pétroliers. Comment expliquez-vous cette performance ? Je dirais qu’elle est liée aux choix stratégiques que nous avons opérés dès le début de nos activités. Le premier a consisté à s’installer au plus proche des clients, d’où le siège établi à Pointe Noire. C’est ici que se trouve 70 % de l’activité économique. Deuxièmement, nous avons permis à nos clients d’avoir des réseaux de distribution variés. Nous distribuons de manière égalitaire par des bureaux directs, des agents généraux et des courtiers.

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Quelle perception avez-vous du marché de l’assurance-dommage sur lequel Allianz Congo est installé ? Il est relativement un marché restreint, mais sur lequel se situent des oligopoles. Je crois qu’en 2014 et 2015, on s’est situé autour de 70 milliards F CFA. Il y a 05 compagnies qui évoluent sur ce segment. Il y en avait 04 quand Allianz est arrivée. Il y a d’abord eu Axa, première compagnie de la zone couverte par la Fédération des Sociétés d’Assurances de droit national africaines (FANAF) en termes de résultats. Elle détient le monopole sur l’assurance du secteur pétrolier. Vous avez ensuite Assurances Générales du Congo (AGC) qui est un gros et qui se situe d’ailleurs en tête de l’assurance automobile de la zone FANAF. Ensuite, NSIA est arrivée. Allianz est venue en quatrième position. Tout récemment, le marocain Saham a fait son entrée. C’est donc un marché étroit sur lequel on retrouve de grandes sociétés. En ce qui concerne la demande, elle a évolué. Jusqu’à une date récente, elle était la moitié de ce qu’on retrouve dans la zone FANAF de façon générale. Là, elle vient de dépasser ce stade. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, on introduit un dispositif de concurrence suffisamment dynamique pour pouvoir booster l’ensemble du secteur. J’évoquerais en second lieu la


Philippe Audouin, DG d’Allianz Congo, dans son bureau de Pointe Noire.

réinstauration des obligations d’assurance sur les marchandises importées. Ces deux éléments font qu’on a atteint le niveau de ce qu’on retrouve en moyenne dans la zone FANAF. L’indemnisation est au cœur de l’activité d’assureur. C’est pourtant le point faible des assureurs de la zone CIMA. Allianz Congo paie-t-elle les sinistres ? Je sais que c’est difficile de répondre sans être arrogant. Je dirais simplement qu’Allianz Congo paie les sinistres. Certes, nous avons encore des progrès à faire. Mais de façon générale, nous sommes un bon payeur. Il suffit de regarder les chiffres de la direction des assurances du ministère congolais des Finances pour s’en rendre compte. On a tout fait depuis le lancement pour avoir un degré de réactivité qui soit fort. C’est pour cela que nous avons internalisé toute la partie « indemnisation ». Ce qui nous a permis de travailler avec des garages agréés. Nous discutons avec eux pour mettre en place des conventions concernant les délais de règlement. Sur un contrat concernant un matériel, le délai de règlement du sinistre tourne entre 15 et 30 jours. Cela peut souvent être plus rapide ou plus long. Par exemple, on a un camion qui a eu un accident le 25 novembre

2016. Le 15 novembre, nous avions déjà une offre d’indemnité. Nous avons la chance d’avoir démarré sans arriérés. Donc, nous n’avons pas de problème de trésorerie. La trésorerie est très faiblement rémunérée par les banques. Notre intérêt consiste à payer rapidement les sinistres. Quand les clients sont mécontents, ils peuvent se plaindre à notre service de réclamations. Si la plainte arrive par mail, la réponse est donnée en 05 minutes. Et on fait tout pour régler le problème en 48 heures. Aujourd’hui, Allianz Congo est 4ème sur son marché. Est-ce une position satisfaisante ou envisagez-vous de bousculer la hiérarchie ? Nous ne sommes pas forcément dans une logique de puissance. Quand il faut progresser, on progresse. Notre sujet se résume en ceci : le développement dans la rentabilité. On ne prendra pas tout pour le plaisir de prendre certaines choses. Si certains segments du marché ne nous paraissent pas compatibles avec l’objectif de rentabilité, on ne s’y aventurera pas. La sélection se fait sur la valeur intrinsèque du risque. Nous mettons l’accent sur la protection-prévention. Nous faisons tout

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Destination Business pour que le sinistre n’arrive pas. Et quand il arrive, nous travaillons pour en minimiser les effets. Nous allons éditer une newsletter sur le sujet. Il faut que les gens prennent conscience que la prévention est un des facteurs de limitation des sinistres. C’est notre contribution à l’amélioration des conditions de sécurité au Congo. C’est cette touche particulière qu’Allianz veut apporter au Congo. Avez-vous des idées pour augmenter le taux de pénétration de l’assurance au Congo ? C’est vrai que nous sommes là pour accompagner le développement du groupe Allianz. Ce qui constitue notre principal vecteur de développement, c’est le fait que, petit à petit, la croissance économique et le développement humain accouchent de nouveaux consommateurs. On parle d’une classe moyenne qui est en train d’apparaître en Afrique, avec des besoins nouveaux, notamment en matière d’assurance. Tout cela doit être accompagné par des mécanismes et des technologies qui permettent de satisfaire les aspirations des gens. Quel est le niveau de réassurance au Congo par rapport à la zone de FANAF ? La réassurance au Congo est au niveau le plus élevé de la zone FANAF. Cette réassurance est essentiellement pétrolière. Si vous enlevez le pétrole, on retombe dans la moyenne de la zone FANAF, c’est-à-dire autour de 25 à 30 %. La chance ici, c’est qu’on a d’énormes puits de pétrole. Le revers de la médaille, c’est que ce sont les risques les plus élevés de la planète. Sur l’année 2014, sur les 20 plus gros risques de la planète, vous avez la moitié qui se situait dans le secteur pétrolier. Quel rôle entend jouer Allianz Congo dans le processus d’émergence du Cameroun ?

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Marché congolais de l’assurance-dommage au Congo en 2015 Chiffre d’affaires : Environ 70 milliards F CFA Nombre de compagnies : 05 Classement : 1er Axa Congo ; 2ème: AGC ; 3ème: NSIA Congo ; 4ème: Allianz Congo ; 5ème: Saham Congo

Nous allons participer à l’élévation des standards en matière d’assurance. Ensuite, nous pouvons jouer un rôle au niveau de l’attractivité du pays. Quand un investisseur voit qu’il peut retrouver au Congo les mêmes partenaires qu’il a en Chine, aux USA, au Canada ou en Malaisie, il sera plus intéressé à venir.

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Je répondrais simplement que nous contribuerons en faisant correctement notre travail d’assureur. Mais plus fondamentalement, on peut apporter deux choses. D’abord, nous allons participer à l’élévation des standards en matière d’assurance. Ensuite, nous pouvons jouer un rôle au niveau de l’attractivité du pays. Quand un investisseur voit qu’il peut retrouver au Congo les mêmes partenaires qu’il a en Chine, aux USA, au Canada ou en Malaisie, il sera plus intéressé à venir. D’ailleurs, de manière souvent informelle, je rencontre des gens qui me demandent si on peut vraiment réussir au Congo. Je leur réponds en disant que c’est possible. On sait que les assureurs investissent beaucoup dans le but de sécuriser les fonds des assurés. Quelle est la démarche d’Allianz Congo en la matière ? Nous sommes malheureusement sur un marché où il manque d’instruments financiers, à l’instar des obligations ou des actions de marché. Du coup, ce que nous faisons, ce sont des placements bancaires et immobiliers. Ce sont les deux formes d’actifs sur lesquelles nous travaillons. En matière d’immobilier, c’est un peu récent pour nous. Là, nous sommes en train d’acquérir un immeuble pour installer notre siège. Une partie sera mise en location. Quelles sont les perspectives d’emploi chez Allianz Congo ? C’est la confiance que nous feront les congolais en venant vers nous qui fera la différence. Nous irons le plus loin possible. En interne, je dis souvent à mes collaborateurs que nous sommes un groupe international. Et ceux qui voudront se former pour aller plus loin auront la possibilité de le faire.


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BPH Agricole Congo, au secours du déficit

en denrées alimentaires

Lancée en 2005 à Hinda, l’entreprise exerce ses activités dans les productions animales, végétales et….la pêche sportive. Balade au cœur d’une exception congolaise. Par Lydie ABASSOMBE

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Hinda, à 30 kilomètres de Pointe Noire, on trouve BPH Agricole Congo, une entreprise qui se définit comme « un modèle d’agriculture intensive et biologique » sur le territoire congolais. Pas d’engrais chimique. Tout ce qui est naturel. Sur 189 hectares, elle exerce un ensemble d’activités agro-sylvo-pastoraux. Philippe Bounzeki, le porteur de cette révolution verte, a exercé dans le secteur du pétrole, avant d’attraper le virus de la terre. Son ambition, être le porte-flambeau de l’agro-industrie congolaise à moyen terme. Son pays, pour l’instant, ne mange à sa faim que grâce à d’énormes importations qui grèvent d’ailleurs sa balance commerciale. Pour mettre en route son idée ingénieuse, le PDG injecte 100 millions F CFA au démarrage. A son lancement en 2005, BPH Agricole Congo se concentre sur le maraichage. Tomates, concombres, poivrons, piments, aubergines, laitue, pour ne citer que ces produits là, sortent de ses jardins. Ce sont un peu plus de 05 tonnes qui

sont produites chaque mois et écoulées en un tour de main auprès des grossistes qui desservent les marchés de Pointe Noire. En 2008, l’entreprise ajoute la production du maïs à ses activités. Elle cultive cette céréale sur 20 hectares. Le rendement est à la hauteur des attentes : 06 tonnes à l’hectare. « Le maïs grain a un double enjeu pour le Congo. Il est à la fois vital pour la consommation humaine, mais aussi et surtout constitue la base de développement de nos élevages en association avec le soja. Avec l’acquisition progressive

des machines agricoles, le projet présente d’énormes possibilités de développement », précise Philippe Bounzeki, le patron dont les initiaux du nom constituent le nom de l’entreprise. BPH Agricole Congo a aussi pensé à mettre les pieds dans la sylviculture. En 2012, elle engage sur 20 hectares, la production d’eucalyptus citriodora. Objectif : produire les huiles essentielles. Une denrée prisée à travers le monde. D’ailleurs, l’entreprise mise davantage sur les exportations. Grâce au

concours du service national de reboisement, le test d’extraction de ce produit a été effectué en avril 2014. Et d’après le promoteur de la PME, « l’unité d’extraction des huiles essentielles citriodora à l’aide des alambics en inox est prévue pour 2016-2017 ». Ce sera le tout premier producteur en la matière sur le territoire congolais. Le projet, dans une dimension de protection de l’environnement, participe au reboisement, même si le site n’est pas vraiment menacé par les changements climatiques.

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Pisciculture biologique La grande star dans le domaine de la BPH Agricole Congo, c’est la pisciculture. L’entreprise pratique l’élevage principalement de deux espèces de poisson en eau douce : tilapia, clarias. Les étangs occupent une superficie de plus de 2,5 hectares. Pour le top manager, la société se fixe comme objectif de produire 100 à 200 tonnes de poisson par an. Pointe Noire a un grand besoin en produits halieutiques. Pour le faire, elle développe elle-même les alevins. Son usine d’écloserie est fonctionnelle depuis avril 2004. On y retrouve 70 incubateurs de 50 litres chacun, une

La grande star dans le domaine de la BPH Agricole Congo, c’est la pisciculture. L’entreprise pratique l’élevage principalement de deux espèces de poisson en eau douce : tilapia, clarias. Les étangs occupent une superficie de plus de 2,5 hectares. Pour le top manager, la société se fixe comme objectif de produire 100 à 200 tonnes de poisson par an. Pointe Noire a un grand besoin en produits halieutiques.

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unité d’alevinage de 03 bassins, une unité de pré-grossissement pour tilapia et clarias. Celleci occupe d’ailleurs 75 % de la superficie sous eau de toute la ferme. Dans cette savane herbeuse, l’écosystème fait en sorte que l’eau soit disponible toute l’année. Pour former un cycle complet d’agriculture biologique, BPH Agricole Congo a créé une sorte d’interdépendance entre les productions végétales et les productions animales. Dans le cadre de cette synergie, « après la vidange, nos bassins de pisciculture laissent un fond boueux composé des restes d’ali-

ments décomposés que les poissons n’ont pas pu manger. Ce fond boueux riche en azote est récupéré et répandu dans nos zones de production de légumes feuilles et fruits comme engrais naturel ». D’autres fertilisants biologiques sont d’ailleurs cultivés. Ambitieuse, BPH Agricole Congo vient d’intégrer la pêche sportive et le tourisme agricole à ses activités. Désormais, chaque dimanche, dès 09 heures 30, ceux qui ont payé la réservation bien avant, se retrouvent dans cette ferme. Ils pêchent du poisson et le font braiser sur place. Nom de l’activité : « Restaurant

à la ferme ». Et quand des touristes règlent leur ardoise en avance, le domaine organise la pêche sportive. Pour continuer de développer ses idées, Philippe Bounzeki compte sur la dizaine d’employés qui s’échinent quotidiennement à la tâche. Mais il n’hésite pas à prendre l’avion, quand il est question d’aller prendre des leçons chez les spécialistes de l’agriculture biologique. En France, par exemple. C’est avec enthousiasme qu’il accueillera les partenaires financiers au projet. Le Congo vert a donc son porte-flambeau.

Philippe Bounzeki, le DG de BPH Agricole Congo, est un passionné de la terre.


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Yvonne Adélaïde MOUGANY, « Notre priorité, former des entrepreneurs »

M

Entretien avec T. M.

La ministre des PME, de l’Artisanat et du secteur informel du Congo inistre des petites et moyennes entreprises, de l’artisanat et du secteur informel depuis 2007, cette septuagénaire a été maintenue au même poste, le 23 avril 2016, à l’occasion de la formation du gouvernement du nouveau quinquennat. Avec elle, nous parlons des difficultés des PME au Congo, surtout en matière de financement.

BUSINESS MANAGEMENT AFRICA : Quelle est la mission qui vous a été confiée par le Premier Ministre congolais? Le PM a relayé auprès de toute l’équipe gouvernementale les instructions du président de la République, Denis Sassou Nguesso. Globalement, elles portent sur l’exécution de son projet de société : « la marche vers le développement. Allons plus loin ensemble ». Naturellement, en sa qualité de chef de l’exécutif, le Premier Ministre a tenu à préciser et détailler davantage les modalités de travail du gouvernement de la rupture et d’action qu’il dirige. Nous nous sommes déjà mis au travail pour l’exécuter. C’est ce qui est attendu de nous, en particulier nos compatriotes. Aquel niveau se trouve le développement des infrastructures de production des PME ? Il faut commencer par rappeler que c’est la politique d’aménagement du territoire, notamment, à travers la municipalisation accélérée, qui a posé le fondement de ces

infrastructures. Ce sont : les routes construites et réhabilitées, les ports et aéroports érigés, les barrages et les lignes énergétiques implantés et tirés, les équipements de fourniture d’eau installés, les zones économiques spéciales aménagées. Ces infrastructures de base conditionnent dès le départ la décision d’implantation ou de développement des unités de production, quelles qu’en soient la taille et les activités. En effet, ces investissements induisent l’amélioration de la rentabilité des opérations des entreprises. Et les PME n’échappent pas à cette logique. Aujourd’hui, bien plus qu’il ya une décennie, l’Etat a rendu moins contraignantes et surtout plus ouvertes les options grâce à des investissements d’une ampleur sans précédent. Il faut par ailleurs ajouter à ce panorama favorable et incitatif, des mécanismes et outils de gestion qui ont substantiellement relevé le niveau qualitatif de l’environnement de travail de l’entreprenant et de l’entreprise. Je voudrais rappeler que c’est le président de la République qui a déclaré la bienvenue au Congo des entreprises de toutes tailles, origines

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Destination Business et activités. Le travail ne s’arrête pas, même si les conditions de financement se sont dégradées, notamment avec la baisse des prix du pétrole et autres minerais. Comment comptez-vous organiser ce secteur concrètement ? Le gouvernement met en œuvre depuis quelques années les mesures et actions contenues dans la politique de développement des petites et moyennes entreprises et de l’artisanat, adoptée en mai 2010.Tous les aspects y sont pris en ligne de compte : l’établissement de la nomenclature des métiers et l’identification, l’organisation et la formation des acteurs, la construction des infrastructures (pépinières, incubateurs, chambres de métiers etc.), l’opérationnalisation des outils et mécanismes tels que la Maison de l’Entreprise du Congo, l’Agence congolaise pour la Création des Entreprises, l’Agence de Développement des TPE/PME, la Bourse de sous-traitance et de Partenariat d’Entreprise, les Centres de Gestion Agréés, le Fonds d’Impulsion, de Garantie et d’Accompagnement, le fichier thématique et catégoriel logé à une banque de données des PME, etc. Où en est-on concrètement avec la Maison de l’Entreprise du Congo ? L’immeuble-siège sera construit à Brazzaville. Cet important projet co-financé par la République du Congo et le Groupe de la Banque Africaine de Développement suit normalement sa trajectoire. Le contrat de prêt a été dûment signé et fait actuellement son parcours législatif après l’avis favorable de la Cour Suprême. Le site a été déjà identifié. Il y a quelques jours, l’examen des offres techniques et financières a commencé en vue de l’attribution, selon les procédures en vigueur, des lots composant le marché de construction, d’équipement et de connexion de l’immeuble. Il y a des fortes chances que le chantier soit installé d’ici à la fin de l’année 2016. Je rappelle que l’institution fonctionne déjà depuis novembre 2014, en attendant que le siège soit inauguré. La Maison de l’entreprise du Congo (MEC) vise des objectifs bien précis. Il s’agit entre autres, d’œuvrer à la facilitation, la simplification, l’accompagnement ainsi que l’appui aux entreprises qui veulent s’installer au Congo. Le ministère que je dirige est chargé de la supervision du travail de la MEC. Le chômage au Congo inquiète le chef de l’Etat. Par quelles stratégies comptez-

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vous vous y attaquer de manière efficiente ? Pour donner l’essentiel de l’intervention du ministère dans l’objectif de résorber le chômage des jeunes, je vais citer : l’intensification des programmes d’apprentissage dans de nombreux métiers artisanaux ; l’organisation de divers concours et compétitions pour déceler les talents de managers et mettre à jour les opportunités d’entreprendre ; la mobilisation des ressources techniques, humaines et financières de diverses sources en vue de soutenir, selon leurs besoins et leurs attentes, les candidats entrepreneurs, les primo-entreprenants, les opérateurs économiques désireux de croître ou voulant migrer de l’informel vers le secteur structuré, les entrepreneurs décidés à aller à la conquête des marchés extérieurs.

« La Maison de l’entreprise du Congo (MEC) vise des objectifs bien précis. Il s’agit entre autres, d’œuvrer à la facilitation, la simplification, l’accompagnement ainsi que l’appui aux entreprises qui veulent s’installer au Congo.


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Pourquoi les PME ont autant de mal à trouver des financements au Congo ? Dans notre pays, ce n’est pas l’argent qui manque mais plutôt de bons projets bancables. La surliquidité des banques est de notoriété publique. Il est établi que la presque totalité de nos TPE/ PME ne remplissent pas encore les critères- ne futce qu’au minimum- de la symétrie financière sur lesquels repose la décision de financement de la part des établissements bancaires et des investisseurs. C’est pourquoi, au ministère, notre priorité est d’aider à former des entrepreneurs capables de concevoir et présenter ces projets. Il s’agit de leur propre formation aux compétences managériales, en même temps que du renforcement des capacités pour l’élaboration des documents, leur exposition et leur défense devant les banquiers ou autres types d’investisseurs.

». Ainsi, au premier niveau, il y a le portage par l’Etat des « moteurs » d’allumage que sont les pépinières, incubateurs, bourse de sous-traitance et centres agréés adossés à des ressources de subvention. Ici, les entreprises sont aidées à la naissance. On les accompagne dans leur volonté à gagner en expérience. A l’étage suivant, nous pouvons financer le capital ou le quasi-capital dans une synergie de partenariat public-privé avec les établissements bancaires et de crédit. Enfin, à l’étage supérieur, l’exclusivité d’intervention revient au secteur bancaire privé, et/ou en cas de nécessité, à une banque étatique travaillant sur les mêmes paradigmes que le privé. Alors, sans conteste, la banque spécialisée des PME serait opportune et vraiment efficace. Ce schéma, comme d’autres propositions similaires, reste en étude. Nous sommes ouverts à la discussion.

Au ministère, nous envisageons donc une « fusée » à trois étages pour essayer de résoudre ce qui peut paraître comme la « quadrature du cercle

Dans les villes de Pointe Noire et de Brazzaville, l’informel semble prendre le dessus. Comment comptez-vous ramener toutes ces activités dans un registre formel ? Nous ne distribuons que des matériels neufs. Lorsque vous Dans notre pays, ce n’est pas l’argent qui manenNous allons nous appuyer sur que, mais plutôt de bons projets bancables. La l’information et la formation. surliquidité des banques est de notoriété publiNous voulons négocier avec les que. Il est établi que la presque totalité de nos tenants de ces actions informelles une fiscalité adaptée. Nous allons TPE/PME ne remplissent pas encore les critères également rendre disponibles sur lesquels repose la décision de financement certaines infrastructures. de la part des établissements bancaires et des

investisseurs. C’est pourquoi, au ministère, notre priorité est d’aider à former des entrepreneurs capables de concevoir et présenter ces projets.

Quel est l’impact de la chute du prix du pétrole sur le programme de votre département ministériel ? Notre département a bénéficié, dans le cadre des arbitrages budgétaires de l’exercice 2016, d’une hausse substantielle de ses allocations en raison des missions accrues devant être exécutées par l’entreprise et l’artisanat. Il y a une nécessité pour le ministère que je dirige de poser les bases de la de l’économie nationale dans le but de la rendre moins dépendante du pétrole. Nous devons la rendre de plus en plus résiliente aux chocs extérieurs.

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Africanews, à Pointe Noire contre tous les pronostics

Filiale d’Euronews, la chaine de télévision panafricaine produit ses programmes depuis la capitale économique congolaise, au moment où de l’extérieur, on décrie souvent la relative liberté de presse dans ce pays. Par L.P.N.

Jour de lancement officiel d’Africanews en présence du président du directoire d’Euronews.

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0 avril 2016. 17 heures. Le président du directoire d’Euronews, Michael Peters, pousse le bouton symbolique qui lance les programmes de la filiale africaine, Africanews. Nous sommes à Pointe Noire, la capitale économique du Congo. Comme sa sœur ainée basée à Lyon, cette chaine de télévision a une charte éditoriale qui ne transige pas avec les balbutiements de la liberté de la presse : « la liberté d’expression et l’indépendance éditoriale ». C’est la toute première chaine d’information en continu qui soit multilingue et qui ait une vocation panafricaine. Son siège définitif sera érigé à Brazzaville. Elle démarre avec une équipe de 50 professionnels de télévision à Pointe Noire et 45 correspondants disséminés sur le continent africain. Elle émet pour l’instant en Français et en Anglais.

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AFRICA

Alors que les classements mondiaux tendent à faire du Congo un espace de matraquage de la liberté de la presse, Euronews décide d’y installer sa voix africaine. Sur les raisons de ce choix, le président du directoire indique que plusieurs critères ont présidé à cette option. « Le premier d’entre eux étant l’indépendance éditoriale et le fait de nous laisser travailler librement, le deuxième étant la position géographique (centrale) du pays, le troisième (...) d’être à côté de la fibre (optique), et le quatrième, la possibilité du pays de nous accueillir », affirme-t-il. Télé Congo, la chaine publique congolaise, est chargée d’accompagner cette mise en place. L’Etat congolais s’est engagé à construire les locaux définitifs de la chaine dans la capitale politique. « Notre projet stratégique est ambitieux. Ce n’est pas simplement une simple fenêtre africaine, produite

par Euronews, mais plutôt un réseau panafricain à part entière, avec des choix éditoriaux faits en Afrique par les Africains pour un public africain », précise Michael Peters. Filiale à 100 % d’Euronews, Africanews est financée par la publicité et la distribution. Elle mise sur les partenariats de coproduction et de développement des bureaux régionaux pour grandir à grande vitesse. Les ressources humaines viennent d’une quinzaine de nationalités africaines. La Camerounaise Nathalie Wakam et la Ghanéenne Veronica Kwabla chapotent la rédaction. Elles travaillent sous la supervision de François Chignac, lequel assume les fonctions de directeur du développement éditorial. Rappelons que le milliardaire égyptien Naguib Sawiris détient la majorité du capital d’Euronews depuis 2015.




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