Business Management Africa Novembre-Décembre 2016

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sommaire

Novembre - Décembre 2016 N° 11

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Jacquis KEMLEU TCHABGOU, l’ange-gardien de l’industrie agro-alimentaire au Cameroun

Leaders 13 Ibrahim Ben Aziz KONATE, le jeune aviculteur ivoirien aux rêves de milliardaire

In’entreprise 27 Nike Inc, le géant industriel américain poursuit sa tactique en Afrique

Management 37 Redresser une entreprise, les clés du succès selon Joël Roux

Cahier thématique 40 Champions nationaux, la clé que suggèrent les économistes aux Etats africains

Business Management 03 Nov - Déc 2016 AFRICA


Édito

Toujours faire mieux qu’hier

A

u moment où nous achevons de mettre sous presse ce dernier numéro de l’année 2016 de votre magazine, toute la rédaction a oublié un événement. Un an écoulé depuis le début de l’aventure éditorial. Déjà un an que tous les mois, nous partageons le quotidien de nos multiples lecteurs à travers le monde sur tous nos supports (numériques, physiques et digital). Que tout est allé vite. D’une idée, au projet puis à la matérialisation, Business Management Africa s’est fait une place au soleil dans l’offre importante de magazine. En apportant un contenu neuf traité de manière impartiale suivant les canons déontologiques, il est parvenu à mettre la lumière sur des entrepreneurs et des pans d’activités méconnus. Tout au long de la première année, le magazine n’a cessé de se remettre en question, il s’est résolu chaque fois à répondre aux besoins de ses lecteurs. Des rubriques aux articles, rien n’a échappé à l’avis des lecteurs qui, comme nous pouvons le constater, sont restés les maîtres de leur titre. Les « cahiers thématiques » en alternance avec « Destination Business» se sont imposés comme de véritables dossiers offerts par la rédaction. Ces deux rubriques ont connu le plébiscite de toutes nos cibles. Au lieu de s’arrêter sur ce qui pourrait à juste titre constituer des motifs de fierté, le magazine va continuer sur le chemin de la modernité et de la réinvention. 2017 sera une année importante pour les économies africaines. Au menu : les APE, la remontée des prix des hydrocarbures, le défi énergétique, les questions sécuritaires et le tourisme, la CAN de football. Tous ces sujets vont certainement avoir un effet de levier dans beaucoup de pays du continent et le magazine devra suivre cette tendance. Pour la deuxième saison, il sera davantage sur le terrain. Nous allons visiter et renforcer les « Destinations Business » pour continuer à mettre en lumière les pays, les entreprises et les secteurs à forte croissance mais mal ou méconnus. Nous allons également davantage renforcer notre offre en statistiques, en chiffres. L’Afrique souffre cruellement d’une absence de données et des statistiques économiques. La rédaction va tenter de diminuer ce déficit organique. L’autre innovation va être le mode de distribution du magazine. Tous nos lecteurs pourront désormais y avoir accès sur toutes les plateformes universelles

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AFRICA

de téléchargement autorisés. Pour ce dernier numéro de l’année, nous avons mis en avant un secteur d’activité ; celui de l’agriculture. Que ce soit Jacquis Kemleu (le très influent secrétaire général de l’Association des Raffineurs d’Oléagineux du Cameroun), ou le jeune ivoirien Ibrahim Ben Aziz Konate et son projet avicole qui lui a permis d’obtenir plusieurs récompenses, le secteur agricole s’impose comme une activité fiable et pérenne pour faire fortune. Pour s’en rendre compte, le Pr Roger Tsafack Nanfosso, le recteur de l’université de Dschang (Couverture) a décidé de montrer le chemin à ses étudiants en créant au sein de l’institution universitaire une société anonyme. Passer de la transmission des connaissances à la pratique, voilà le credo qui soustend ce choix.

Le Pr Roger Tsafack Nanfosso, le recteur de l’université de Dschang (Couverture) a décidé de montrer le chemin à ses étudiants en créant au sein de l’institution universitaire une société anonyme. Passer de la transmission des connaissances à la pratique, voilà le credo qui soustend ce choix.

Le cahier thématique de ce mois se concentre quant à lui sur la problématique de la construction des champions nationaux. Leur rôle dépasse le simple pan de l’économie. Ils sont de véritables ambassadeurs pour leur pays d’origine et surtout un signe de fierté et de vitalité de celui-ci. Au Ghana, la marque automobile Katanka s’est positionnée sur cette voie. Au Cameroun, la banque Afriland First Bank apparaît comme un exemple en dépit des mutations institutionnelles qu’elle a connues ces dernières années. En Côte d’Ivoire, le groupe NSIA sert d’ambassadeur au-delà des frontières. Mais c’est le Maroc qui force l’admniration avec une construction méthodique de ses champions nationaux. Afin que ces structures franchissent le dernier pallié de la reconnaissance mondiale, leurs Etats doivent faire leur part du boulot. L’amélioration continue doit demeurer le levier de croissance des entreprises et des acteurs de l’économie africaine. Demain doit être mieux qu’hier, en s’en inspirant toujours. Voilà ce qui fait la différence avec ceux qui réussissent. Au moment où nous nous apprêtons à fermer définitivement la page de l’année 2016, je joins ma voix à celle de toute l’équipe de la rédaction pour vous présenter mes meilleurs vœux pour la nouvelle année. Qu’elle vous apporte succès et réussite.

Martial EBODE, Directeur de Publication


Les buiz de couloirs Laval Virtual Africa, à Yaoundé en février 2017

Laval Virtual Africa, premier salon africain de réalité virtuelle, aura lieu à Yaoundé (Cameroun), du 08 au 09 février 2017. Pour préparer ce rendez-vous, le directeur de Laval Virtual a fait le déplacement de la capitale politique camerounaise au mois de novembre dernier. Laurent Chrétien y a rencontré les ministres en charge de la jeunesse et des télécommunications pour leur expliquer le bien fondé de l’événement. Laval Virtual est le plus grand salon de réalité virtuelle au monde, organisée chaque année dans la ville française de Laval. Le Cameroun accueille donc la version africaine de l’événement. La réalité virtuelle est une technologie informatique qui permet de créer un espace artificiel à partir des logiciels afin que l’utilisateur l’utilise comme s’il y était physiquement présent. Elle a ses applications dans plusieurs domaines de l’économie.

Nigéria, le groupe Dangote s’associe à l’OCP pour une joint-venture

Honda, le constructeur japonais désormais sponsor de l’Espérance Football Club de Tunis

Honda, la marque automobile japonaise est devenue officiellement le 02 décembre 2016, un des sponsors de l’Espérance Football Club de Tunis, un club de football de la capitale tunisienne créé en 1919. La signature du contrat entre Japanese Motors Company, concessionnaire du constructeur japonais en Tunisie, et le club a eu lieu au siège de l’entreprise à Tunis. Au cours de cette cérémonie, Samir Landolsi, directeur général de la Japanese Motors Company, a indiqué que ce sponsoring fait partie de la stratégie de Honda en Tunisie et sur le plan international. Il a dit tout son espoir de voir le club faire bonne figure sur la scène africaine. Ce contrat de plus devrait permettre au doyen des clubs tunisiens d’accroître ses revenus. Outre Honda, le club dirigé par Mohamed Meddeb a plusieurs autres sponsors : Tunisie Telecom, Flam Batteries, Magic Hotels and Resorts, Libero Peaudouce, Danone. Il faut y ajouter l’équipementier américain Nike.

Signature du contrat entre l’Office Chérifien des Phosphates et le groupe Dangote en présence des chefs d’Etat des deux pays.

Dangote Group, holding du milliardaire nigérian Aliko Dangote et l’Office Cherifien des Phosphates, multinationale publique marocaine, vont produire des engrais phosphatés en joint-venture. Les deux entités ont signé un accord le 02 décembre. Ce partenariat porte sur la mutualisation de leurs usines en construction, respectivement à Jorf Lasfar (Maroc) et Lekki Free Zone au Nigéria. Elles seront alimentées par le gaz nigérian et le phosphate marocain. La fin des travaux de construction des usines est prévue dans une année et demie, selon le président-directeur général d’OCP, Mustafa Terrab.

Business Management 05 Nov - Déc 2016 AFRICA


Leaders

Jacquis KEMLEU TCHABGOU,

l’ange-gardien de l’industrie agro-alimentaire au Cameroun Depuis dix ans, il porte la voix des raffineurs des oléagineux dans ce pays d’Afrique centrale. Le 22 novembre 2016, la filière agro-alimentaire, dans son entièreté, décide de lui confier également la défense de ses intérêts. C’est à cet esprit vif, juriste de formation et formé en hydraulique, que revient la charge de présider le conseil d’orientation du centre technique de l’agro-alimentaire, une sorte de patronat chargé de mettre à niveau les entreprises industrielles du secteur. La rédaction a suivi l’ennemi numéro un des importateurs véreux d’huiles végétales en terre camerounaise. Par Hindrich ASSONGO

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uiconque veut importer des huiles végétales au Cameroun a une alternative : soit il respecte toutes les normes et règles, soit il trouve Jacquis Kemleu Tchabgou sur son chemin. Ceux qui ont cru pouvoir se passer des deux couloirs l’ont appris à leurs dépens. C’est que, celui qui officie comme secrétaire général de l’Association des Raffineurs des Oléagineux du Cameroun a la mine froissée et le verbe profond quand vient le moment de défendre les intérêts des entreprises qui constituent ce micro-patronat. C’est sur ses dénonciations qu’en une dizaine d’années, le marché camerounais s’est débarrassé de la brochette d’huiles végétales importées frauduleusement ou qui ne respectaient pas simplement les normes nationales. Partout où il faut représenter la filière, on le retrouve. Par exemple, du 03 au 05 décembre, il fait partie de la délégation camerounaise invitée au Forum économique Algérie-Afrique. C’est Louis Paul Motaze, le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, qui a insisté pour qu’il fasse partie du voyage. Les oléagineux constituent un pan important

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de l’économie camerounaise. Et c’est toujours bon d’avoir un fin négociateur dans ses valises au moment d’aller à ce type de rendez-vous. Avant de s’envoler pour l’Algérie, Jacquis Kemleu endosse une responsabilité de plus. Les industries de l’agro-alimentaire choisissent unanimement le 22 novembre dernier de porter « Jacki Bauer » - un surnom qui découle de son intransigeance dans ses luttes - à

Après les raffineurs d’oléagineux et les industries de l’agroalimentaire en général, d’autres filières frappent à la porte de Jacquis Kemleu. Elles souhaitent faire défendre leurs intérêts par le quinquagénaire. Sur les rangs, on retrouve le groupement des importateurs de riz du Cameroun. Les aviculteurs de la Région administrative de l’Ouest aussi. Eux qui approvisionnent toute la sous-région Afrique centrale. Jacquis Kemleu, un acteur qui passe sans cesse d’une tâche à une autre.


Leaders

23 novembre 2016, Douala : Jacquis Kemleu préside les assises fondatrices du Centre technique de l’agro-alimentaire du Cameroun./ Copiright : M. Wafo

la tête du Centre technique de l’Agro-alimentaire. Une structure mise sur pied en partenariat avec le gouvernement camerounais, l’Union européenne et l’Organisation des Nations unies pour le Développement industriel (ONUDI). Objectif : mettre à niveau les agro-industries pour leur permettre de faire face aux effets induits par l’entrée en vigueur depuis le 04 août 2016 des Accords de partenariat économique, signés entre le Cameroun et l’UE. Concrètement, Jacquis Kemleu préside le conseil d’orientation de ce qui ressemble à un bureau de mise à niveau et qui sera financé par les partenaires au développement du Cameroun. Dans un premier temps, du moins. On y retrouve les poids lourds du secteur agro-industriel camerounais, à l’instar de Camlait, SC Maya et Cie, La Pasta ou encore la holding Nana Bouba qui compte au moins quatre entreprise dans le secteur. Au Centre technique de l’agroalimentaire, Jacquis Kemleu est à la tête d’une équipe de douze personnes. Elles représentent leurs entreprises ou des organisa-

tions patronales. L’équipe a la charge de faire immatriculer ce groupement d’intérêt économique au registre du commerce et du crédit mobilier, obtenir un siège, définir les profils des ressources humaines à recruter pour faire fonctionner la structure, organiser la rencontre avec le gouvernement et les partenaires, faire lancer le processus des recrutements par le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT). Conscient de son rôle,

le président souligne qu’« après la levée des barrières tarifaires [suite à l’entrée en vigueur des APE, NDLR], c’est celles non tarifaires qui ont trait à la qualité et à la norme qui vont permettre d’échanger avec l’extérieur en ce qui concerne nos produits. Donc, ce centre est un espoir. C’est un vecteur d’innovation et de la compétitivité des entreprises du secteur », précise le président du conseil d’orientation. Après les raffineurs d’oléa-

Tout en s’acquittant de ses tâches dans le cadre du projet « Education II », Jacquis Kemleu travaille parallèlement pour le secteur des oléagineux. Un domaine avec lequel il est entré en contact grâce aux travaux techniques effectués dans les usines de la Socapalm. Il se met à faire des interventions auprès du Premier ministre au profit du Complexe cosmétique de l’Ouest, une entreprise de production de savon et d’huile raffinée installée à Bafoussam et détenue par un ami à lui, Léonard Fomekong. Le promoteur veut obtenir une baisse des tarifs douaniers pour les importations d’huile de palme brute, la matière première qui permet à ses usines de fonctionner.

gineux et les industries de l’agro-alimentaire en général, d’autres filières frappent à la porte de Jacquis Kemleu. Elles souhaitent faire défendre leurs intérêts par le quinquagénaire. Sur les rangs, on retrouve le groupement des importateurs de riz du Cameroun. Les aviculteurs de la Région administrative de l’Ouest aussi. Eux qui approvisionnent toute la sous-région Afrique centrale. « Il y a plusieurs secteurs comme ça qui apprécient ce que je fais au quotidien. Et cela est très encourageant. Ça me conforte dans je mène au quotidien sont appréciées », justifie-t-il. Chaleureux, il sait écouter, mais il sait aussi se montrer intransigeant. Même quand il est question de faire face aux fonctionnaires de l’administration camerounaise – des ministres y compris –, le discours est direct. Le résultat d’un compagnonnage avec le secteur privé. Un univers où les intérêts chiffrés passent avant les positions politiciennes. Pour beaucoup cependant, cet homme grand, toujours réfugié dans ses lunettes transparentes, reste une énigme.

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Leaders

Aux origines d’un leader la Société camerounaises des Palmeraies (SOCAPALM). Le turbo-alternateur de cette usine est déposé sur une plateforme qu’il conçoit. Mais il réalise surtout les ouvrages hydrauliques.

Pour que nous en sachions plus sur lui-même, nous prenons rendez-vous avec Jacquis Kemleu. Après plusieurs tentatives, nous le rencontrons le 15 novembre 2016 dans un hôtel luxueux de Douala, la capitale camerounaise. Difficile d’avoir un échange dépourvu de ruptures avec lui. Le téléphone ne cesse de crépiter. Au bout du fil à chaque fois, un de ces industriels du secteur des oléagineux. De temps en temps, il est question des normes. Un sujet pour lequel il éprouve une aisance certaine. Bref, son portable ne chante à chaque fois que la chanson des raffineurs d’oléagineux. Et quand il s’arrête, notre interlocuteur nous apprend qu’il voit le jour le 18 avril 1964 à Yaoundé dans une famille de dix enfants dont il est le septième né. C’est à l’École publique de Messa, un quartier de la capitale politique camerounaise, qu’il fait ses études primaires et obtient un certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE). Pour le secondaire, il effectue le premier cycle au CES de NgoaEkelle, devenu lycée depuis quelques années. Puis, cap sur Douala. Il atterrit au lycée de Joss pour boucler ses classes de lycéen. En 1984, il obtient un Baccalauréat A à Douala. Un cursus sans redoublement.

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AFRICA

Un fort potentiel dans les langues. Mais aussi dans les disciplines scientifiques. Voici venu le temps de l’enseignement supérieur. Les Camerounais à l’époque ont un seul choix : la grande université de Yaoundé. Après moult hésitations pour savoir s’il doit faire des études supérieures en sciences sociales ou dans les sciences de la matière, le jeune Jacquis Kemleu, alors âgé de 20 ans, opte finalement pour le droit. Une filière dans laquelle, dit-il aujourd’hui, « on redoublait et on grillait facilement les mandats. C’était le calvaire ». Qu’importe, la fusée « Kemleu » passe sans redoublement et avec brio. Son parcours à la Faculté de droit et de sciences économiques s’achève par l’obtention d’un Diplôme d’études approfondies en droit privé. Faire la thèse de doctorat ne l’intéresse pas vraiment. Il préfère immédiatement se mettre au service du monde de l’entreprise. A l’époque, le Cameroun entame une longue traversée du désert. La faute à une crise économique qui le frappe de plein fouet et l’oblige d’ailleurs à opérer quelques bouleversements à l’université. Alors qu’on l’attend dans un

cabinet d’avocat ou au département en charge des affaires juridiques d’une entreprise, c’est dans la technique industrielle pure que Jacquis Kemleu commence sa carrière. Il atterrit dans la zone industrielle de Bonabéri, à Douala, et se met au service de « Le Petit Electroménager » (LEPEM), une entreprise italienne qui y a ses quartiers dans la décennie 90. Elle fabrique des supports pour tubes fluorescents. « On avait une valeur qu’on ajoutait à des éléments qu’on faisait venir de l’extérieur en Complete Knock Down (CKD). En fait, on importait des douilles, du câble, des starters, des ballasses. Mais nous fabriquions nous-mêmes le corps du support à partir de l’acier qu’on coupait, qu’on pliait, qu’on cintrait et qu’on soudait », précise Jacquis Kemleu. En outre, la société fait également de la construction des ouvrages hydrauliques et de la maintenance industrielle. « C’est en travaillant là bas que j’ai compris qu’il fallait que j’aille plus en profondeur », indique ce colosse. Pendant qu’il bosse pour Lepem – l’entreprise a fermé ses portes depuis quelques années –, il a la charge de construire le hangar de l’usine de Kienke, une des unités de production de

A LEPEM, Jacquis Kemleu se passionne d’hydraulique. « Je m’étais rendu compte de ce que c’était un secteur très important pour l’épanouissement de l’être humain », justifie-t-il. Pour approfondir ses connaissances, il décide de faire des études dans le domaine. Il s’inscrit dans une école française et suit les cours en ligne. Une attitude plutôt rare à l’époque. Une fois son diplôme obtenu, des organismes ont rapidement recours à ses compétences. Nous sommes en 2000. Il se retrouve à conduire les études géophysiques et hydro-géologiques dans le cadre du projet « Education II ». Financé par la Banque africaine de Développement, implémenté par le gouvernement du Cameroun, il vise à réduire les inégalités d’accès à une formation de qualité dans le système d’enseignement primaire. Et une de ses composantes consiste à construire les ouvrages hydrauliques dans les écoles. Après avoir mené les études, c’est notre interlocuteur qui reçoit techniquement chaque puits d’eau construit. Pour montrer qu’il maîtrise son sujet, il vous dira par exemple qu’ « un point d’eau est déclaré positif lorsqu’il a un débit qui est égale au moins à 0.87 m3 par heure. Et quand vous n’obtenez pas cela, cela signifie que vous n’avez pas mené une bonne étude. Vous avez cru qu’en allant simplement forer, vous deviez trouver de l’eau. Tout cela demande qu’on soit bien formé ». Il devient donc un ami du gouvernement. Un vrai allié pour lequel il effectue plusieurs missions de contrôle dans les projets d’investissements publics.


Leaders L’entrée dans les oléagineux Tout en s’acquittant de ses tâches dans le cadre du projet « Education II », Jacquis Kemleu travaille parallèlement pour le secteur des oléagineux. Un domaine avec lequel il est entré en contact grâce aux travaux techniques effectués dans les usines de la Socapalm. Il se met à faire des interventions auprès du Premier ministre au profit du Complexe cosmétique de l’Ouest, une entreprise de production de savon et d’huile raffinée installée à Bafoussam et détenue par un ami à lui, Léonard Fomekong. Le promoteur veut obtenir une baisse des tarifs douaniers pour les importations d’huile de palme brute, la matière première qui permet à ses usines de fonctionner. Nous sommes en 2004. Ce lobbying se solde à chaque fois par un succès. Puis, en 2006, tous les industriels du secteur se ruent sur sa personne. « Je dois avouer qu’au départ, je n’avais pas beaucoup de temps pour cela. Mais il a tellement insisté. Et quand les acteurs de cette filière ont senti le besoin d’avoir quelqu’un qui pouvait les accompagner de façon permanente, ils m’ont contacté. Il y a eu des tests. Et ils m’ont dit que j’étais celui qui pouvait les aider dans cette affaire », indique-t-il. Il devient donc ainsi le secrétaire général de l’Association des Transformateurs et Producteurs d’Oléagineux du Cameroun (ATPOC). Il doit donc réactiver ses compétences de juriste pour défendre un secteur qui à ce moment là agonise. L’ATPOC, un patronat spécifique, fait son bonhomme de chemin jusqu’à ce que survient une crise en 2009. « Il y avait une incompréhension

font l’extraction des huiles sur la base des plantes, des graines, des noix. Si vous qui attendez cette huile qui vient de la première transformation et vous ne l’avez pas, vous ne travaillerez pas. C’est pour cela qu’il fallait défendre globalement la filière », explique-t-il.

entre les unités de production du savon et les unités de raffinage d’huile. Ceux qui raffinaient l’huile avant de produire accessoirement du savon ne s’entendaient plus très bien avec ceux qui produisaient uniquement du savon. La divergence a fait qu’il y a eu scission ». Les raffineurs décident donc de poursuivre leur existence dans une chambre nouvelle. Ainsi naît à Douala l’Association des Raffineurs des Oléagineux du Cameroun. Pour des raisons stratégiques, elle installe son siège à Yaoundé. Principale condition pour en faire partir : produire d’abord de l’huile raffinée. Bien sûr, toutes se sont mises aussi à la production du savon, l’objectif étant

de valoriser les résidus dégagés de l’oléine de palme. Dès sa légalisation, la nouvelle entité confie son secrétariat général à Jacquis Kemleu. L’ASROC aujourd’hui, c’est huit entreprises industrielles. « Ses membres détiennent les plus grandes unités de raffinage qu’il y a au Cameroun et produisent 95 % des huiles végétales qu’on consomme sur le territoire national ». Une nouvelle aventure démarre. Dans la réalité, le secrétaire général de l’Asroc défend tout le secteur oléagineux du Cameroun. « Quand vous êtes sur le segment de la deuxième transformation, vous avez besoin d’une première transformation. Celle-ci est faite par les huileries, lesquelles

Le premier défi du SG de l’ASROC consiste à faire face à un déficit de matières premières de ses membres. « Les raffineurs d’oléagineux camerounais ont une capacité de plus 587 000 tonnes par an. La matière brute produite localement avoisine 360 000 tonnes. Il faut donc trouver le différentiel. En outre, pendant que les unités de transformation ne font que s’installer, celles de production régressent », indique-t-il. Il se désole d’ailleurs de ce que les pourvoyeurs nationaux d’huile de palme brute, à l’instar de la Socapalm et de la Cameroon Development Corporation, se soient tournés ces dernières années vers la culture de l’hévéa au détriment du palmier à huile. Pour résoudre le problème, il faut importer une partie de cette matière première de Malaisie. Pour ce faire, le lobbying de l’Asroc pousse le gouvernement à créer un Comité de régulation de la filière des Oléagineux. Evidemment, le SG de l’Asroc porte la voix de l’association dans ce comité. C’est cette instance qui décide de la quantité d’huile de palme brute à importer et fixe le quota que chaque raffineur recevra. Bien sûr, chaque unité industrielle ne reçoit que ce qu’elle peut raffiner.

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Leaders

L’affaire Jadida

L’équipe de Business Management Africa rencontre le SG de l’Asroc le 15 novembre 2015 dans un hôtel de la ville de Douala.

En 2015, Jacquis Kemleu livre son plus gros combat. Les chaines locales de télévision diffusent la publicité de Jadida, une huile de soja importée de Tunisie par l’entreprise Copeqq Sarl. Dans le spot, les acteurs démontrent que le produit peut à la fois servir pour la friture et pour l’assaisonnement. Sans mot dire, l’équipe de l’Asroc se saisit du produit et va le tester en laboratoire. Et le 18 février, elle tient sous la conduite de son secrétaire général une conférence de presse pour dénoncer tous les manquements constatés sur ce produit. « Les importateurs de cette huile y apposaient des autocollants pour dire qu’elle était enrichie en vitamine A, alors que le fabricant ne l’enrichit pas. C’est une atteinte au règlement NC 77 en vigueur au Cameroun. En fait, on a un opérateur véreux qui a voulu faire croire que l’huile de soja commercialisée sous la marque que vous citez était bonne pour l’assaisonnement, la friture et la

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AFRICA

cuisson. C’est extrêmement grave du point de vue de la santé. L’huile de soja, qui est d’origine américaine, est bonne pour la salade. C’est pour cela que les Américains l’appellent “Salad Oil” . Elle ne doit surtout pas monter en température. Si non, elle devient cancérigène. Elle peut conduire au diabète et même à la stérilité », disserte-t-il devant les caméras de télévision. Il fait également savoir que l’importateur n’a pas payé les droits

de douane. D’où les prix bas qu’il propose et la concurrence déloyale qu’il impose aux producteurs locaux. Après la conférence de presse, le SG de l’Asroc saisit l’Agence nationale des Normes et de la Qualité (ANOR) pour que la publicité mensongère s’arrête. Car, c’est cette institution qui a délivré à Coppeq Sarl le certificat de conformité. L’ANOR envoie une lettre aux médias diffuseurs de la publicité. Le spot est retiré de l’antenne.

Quand on lui demande de faire le bilan de son action à la tête de l’exécutif de l’Association des Raffineurs Oléagineux du Cameroun, celui qui est originaire de la ville de Dschang, à l’Ouest du Cameroun, se dit satisfait. Il affirme par exemple que « les 20 000 tonnes d’huiles raffinées qui entraient au Cameroun de façon presque irrégulière sont réduites aujourd’hui à moins de 5 000 tonnes ». Il représente une filière qui a investi environ 650 milliards de F CFA et qui emploie 50 000 personnes.

Malgré les protestations de l’importateur, le ministre du Commerce ordonne le retrait de ce produit du marché. Plus tard, toujours sur les pressions exercées par l’Asroc, le Premier ministre, Phillemon Yang, ordonne au ministre des Finances de procéder à un redressement fiscal de l’entreprise ayant frauduleusement importé Jadida. Coppeq Sarl est vaincue. Jacquis Kemleu remporte une grande victoire. Et il se fait l’ennemi numéro un de tous ceux qui veulent suivre la voie de cette entreprise. Par la suite, il s’attaque à d’autres huiles non conformes et qui viennent systématiquement d’ailleurs . Il pointe du doigt les « fonctionnaires véreux » qui menacent toute une filière en autorisant que ces « poisons » rentrent sur le marché national. « En plus, la santé des Camerounais se trouve menacée ». « Le ministère du Commerce est le gendarme du marché. Mais lorsque le produit frauduleux entre, c’est la douane qui est


Leaders responsable. Celle-ci dépend du ministère des Finances. Il y a certains de ces produits qui ne payent pas les taxes douanières, puisque les auteurs de ces importations réussissent souvent à corrompre des agents douaniers. D’autres par contre font entrer leurs marchandises par la voie de la contrebande », souligne-t-il. Toujours au cours cette année 2015, le Cameroun mène un combat acharné contre Boko Haram dans l’Extrême-Nord du pays, aux frontières avec le Nigéria. A l’Est, le pays doit faire face à une poche d’insécurité à l’Est, à la frontière avec la République Centrafricaine. Jacquis Kemleu rallie les entreprises membres de l’Asroc à la cause de ces combats menés par l’armée. Il est décidé que chaque membre de ce patronat contribue en faisant des dons à partir de ses produits. En fin février 2015, c’est une

cargaison de dix mille cartons d’huile et de savons que le SG de l’Asroc convoie à la base aérienne militaire de Yaoundé et remet au ministre de la Défense d’alors, Edgar Alain Mebe Ngo’o. Valeur estimative : 01 milliard 65 millions F CFA. « Ces crises sécuritaires ont ralenti de 40 % les exportations du savon produit au Cameroun vers les pays de la sous-région. Il était donc d’intérêt pour l’Asroc d’encourager les forces de défense en leur offrant du savon et de l’huile. Après une journée au front, il faut que nos soldats soient capables de se laver la figure au moins. L’huile leur permet d’avoir des petits repas. Donc, c’était notre façon de contribuer à la lutte contre ces ennemis de la paix. Il faut que les corridors douaniers que nous utilisons pour pouvoir mener à bien nos opérations soient libérés. Le corridor d’accès au Tchad, par exemple, était bloqué à cause de cette

guerre. Or, ce pays reçoit la plus grande partie du savon produit au Cameroun et sert aussi de transit pour accéder au Soudan », justifie Jacquis Kemleu. Quand on lui demande de faire le bilan de son action à la tête de l’exécutif de l’Association des Raffineurs Oléagineux du Cameroun, celui qui est originaire de la ville de Dschang, à l’Ouest du Cameroun, se dit satisfait. Il affirme par exemple que « les 20 000 tonnes d’huiles raffinées qui entraient au Cameroun de façon presque irrégulière sont réduites aujourd’hui à moins de 5 000 tonnes ». Il représente une filière qui a investi environ 650 milliards de F CFA et qui emploie 50 000 personnes. Le secteur se situe au troisième rang des exportations du Cameroun. Le pays domine la sous-région Afrique centrale en matière d’approvisionnements en savons

et en huiles raffinées. « Le président de l’association [Hazim Hazim, PDG de SCR Maya et Cie, NDLR] est très satisfait et il me l’a dit personnellement. Ils sont surtout surpris du courage que je mets dans mon travail », dixit le SG. Il milite pour un protectionnisme qui consisterait à interdire pour un certain temps les importations des huiles végétales raffinées au Cameroun. Car, dit-il, les entreprises nationales ont démontré leurs capacités à approvisionner le marché et même à exporter. D’ailleurs, les capacités de raffinage ne font qu’augmenter. Par exemple, Huilerie alimentaire et chimique du Cameroun (HACC), une entreprise qui produisait jusqu’ici du savon de ménage, vient d’achever la construction d’une usine de raffinage d’huile de palme d’une capacité de 100 tonnes par jour. Le début de la production est prévu pour mars 2017.

L’ASROC et le déficit en matière première Quid de l’avenir des raffineurs d’oléagineux ? Leur principal handicap reste le déficit structurel en matière première, notamment l’huile de palme brute importée de Malaisie et, depuis très récemment, du Gabon voisin. Pour commencer à apporter des solutions, le groupe Nana Bouba, lequel possède le raffineur Azur, implante en ce moment Greenfil, sa filiale en charge de la culture et de première transformation du palmier à huile. A terme, elle doit avoir 30 mille hectares de palmeraies. Le Complexe cosmétique de l’Ouest s’est engagé sur cette voie il y a quelques années. L’entreprise de Léonard Fomekong a une palmeraie de 3000 hectares. Mais tout cela ressemble à une goûte d’eau dans l’océan, prévient Jacquis Kemleu. Pour que le pays se tire d’affaires, il faut l’intervention de l’Etat, plaide-t-il. Car, lui seul peut accorder des concessions foncières, le palmier à huile exigeant de vastes étendues de terre. Il y a ensuite la nécessité de construire la base-vie autour de chaque palmeraie. Il s’agit des infrastructures sociales de base qui permettent aux travailleurs de vivre de façon acceptable : écoles, hôpitaux,

églises, routes. Pour l’instant, le défenseur du secteur au Cameroun constate qu’on est très loin de cet idéal. Au-delà des casquettes déjà évoquées, Jacquis Kemleu est aussi un chef d’entreprise. En avril 2007, il crée Afrigroup Engineering Services and Trading. Basée à Yaoundé, cette société à responsabilité limitée opère dans le génie civil, les énergies renouvelables, le génie électrique et surtout le génie hydraulique, le grand amour du promoteur. A l’actif de cette société, des centaines d’ouvrages hydrauliques au Cameroun. En plus de la gérer, le PDG doit également assumer, depuis 2013, des fonctions de conseiller municipal à la commune de Dschang dont il est originaire. Et dans ce conseil municipal, il dirige la commission en charge de la coopération et de la communication. Un organe très stratégique dans une collectivité locale décentralisée dont les deux tiers du budget proviennent des bailleurs extérieurs au Cameroun. Mais l’essentiel de son temps, l’homme de 52 ans le consacre à l’industrie oléagineuse. Une posture dans laquelle il se voit encore

dans dix ans. Ici, dit-il, les enjeux sont trop importants pour le Cameroun. Leader dans l’âme, Jacquis Kemleu déroule ce qui fait sa recette : « Je pense qu’il faut d’abord beaucoup écouter. Il faut croire en ses potentialités et en ses capacités. Il faut mettre le meilleur de soimême dans tout ce qu’on est en train de faire. C’est la clé du succès. Si vous ne croyez pas en ce que vous faites, si vous n’écoutez pas, vous n’avancerez pas ». Le SG de l’Asroc se décrit comme quelqu’un qui a les moyens de faire ce qu’il veut et d’aller où il veut. C’est en tout cas la sueur de plus de deux décennies de travail acharné pour le compte des entreprises industrielles. Et les casquettes vont continuer de s’accumuler. Et tout cela l’oblige à tenir des réunions familiales sur les réseaux sociaux. Il a créé un groupe sur whatsapp sur lequel sont inscrits son épouse, ses enfants et lui-même. Et chacun a l’obligation de donner de ses nouvelles en fin de journée. Management numérique. Le monde a changé. Jacquis Kemleu aussi. Pour le grand bonheur de l’industrie agroalimentaire camerounaise.

Business Management 11 Nov - Déc 2016 AFRICA


Leaders L’ASROC en bref - Date de création officielle : 2009 - Siège : Yaoundé

copyright : M. Wafo

- Nombre d’entreprises membres : 08 - Investissements globaux : 650 milliards de F CFA - Nombre d’emplois permanents : Environ 50 000

BIO EXPRESS : Jacquis KEMLEU TCHABGOU

Jacquis Kemleu, un acteur qui passe sans cesse d’une tâche à une autre.

Les membres de l’ASROC et leurs produits

- 1964 : Naissance le 18 avril à Yaoundé - 1984 : Obtention du Baccalauréat A au Lycée Joss à Douala - 1989 : Obtention d’un DEA en droit privé à l’Université de Yaoundé et début d’activités à Le Petit Electroménager (LEPEM) comme technicien - 2000 : Conduite des études hydro-géologiques et géophysiques dans le cadre du volet hydraulique du projet « Education II », financé par la Banque africaine de Développement - 2004 Lobbying auprès du Premier ministre pour le compte du Complexe cosmétique de l’Ouest (CCO) pour une baisse des tarifs douaniers pour l’importation de la matière première - 2006 Début au poste de Secrétaire général de l’Association des Transformateurs et Producteurs des Oléagineux du Cameroun (ATPOC) - 2007 Création à Yaoundé de Afrigroup Engeneering Trading and Services (Entreprise basée à Yaoundé). - 2009 Début au poste de Secrétaire général de l’Association des Raffineurs d’Oléagineux du Cameroun. - 2016 Début au poste de président du conseil d’orientation du Centre technique de l’Agro-alimentaire du Cameroun.

Management 12 Business Nov - Déc 2016

AFRICA


Leaders

Ibrahim Ben Aziz KONATE, le jeune aviculteur ivoirien aux rêves de milliardaire

Il a 21 ans. L’année 2016, pas encore achevée, lui sourit particulièrement. Déjà deux récompenses dans son escarcelle. D’abord, le prix du meilleur jeune chef d’entreprise de Côte d’Ivoire décerné par le président de la République. Ensuite, le Grand prix de la « Business Plan Competition » attribué par le patronat ivoirien. Et en bonus, de l’argent liquide pour étendre son entreprise qui fait déjà parler d’elle : Volailles d’Or. Et comme l’accumulation des succès est son crédo, il donne des conférences pour le compte de la Banque africaine de Développement et de la Banque mondiale. Le rêve de ce promoteur : avoir les milliards avant 30 ans. Découverte. Par Hindrich ASSONGO

Pour se hisser à la tête du concours organisé par la Confédération générale des Entreprises de Côte d’Ivoire, Ibrahim Ben Aziz Konate supplante une dizaine de finalistes. Et le 06 août 2016, il remet ça. Il fait partie des 74 ivoiriens distingués à l’occasion de la quatrième édition de la journée nationale d’Excellence de la Côte d’Ivoire. Le jeune aviculteur reçoit le prix du meilleur chef d’entreprise de Côte d’Ivoire dans la catégorie « Jeune ».

S

on âge : 21 ans. Son entreprise : Volailles d’Or. Son idole : Bill Gates, le fondateur et président de Microsoft. Son rêve : devenir milliardaire avant 30 ans. Certes, ce n’est sans doute pas pour cette année, mais Ibrahim Ben Aziz Konate semble avoir bien démarré son his-

toire. Toute la Côte d’Ivoire reconnaît déjà en lui les valeurs d’entrepreneur. Le 22 avril 2016, ce jeune à peine sorti de l’adolescence remporte au Sofitel hôtel Ivoire d’Abidjan, la cinquième édition de la CEGECI-Academy. Une compétition de porteurs de projets d’entreprise organisée par la Confédération générale des Entreprises de Côte

d’Ivoire, la plus importante organisation patronale de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Et c’est des mains de Jean Kacou Diagou, 70 ans et président de ce mouvement depuis 2005, que le jeune entrepreneur reçoit le chèque de 10 millions de F CFA qui tient lieu de récompense. Un honneur si l’on se réfère au profil de celui qui lui remet le gros carton. Jean Kacou Diagou est en effet le président-directeur général du groupe NSIA, une multinationale de la banque et de l’assurance présente dans 12 pays du continent africain. Pour se hisser à la tête du concours organisé par la Confédération générale des Entreprises de Côte d’Ivoire, Ibrahim Ben Aziz Konate supplante une dizaine de finalistes. Et le 06 août 2016, il remet ça. Il fait partie des 74 ivoiriens distingués à l’occasion de la

Business Management 13 Nov - Déc 2016 AFRICA


Leaders

Le PDG de Volailles d’Or remporte le 22 aout 2016 le Grand Prix de la Business Plan Competition organisée par le patronat ivoirien.

quatrième édition de la journée nationale d’Excellence de la Côte d’Ivoire. Le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, préside la cérémonie de remise des distinctions dans la salle des Pas Perdus du palais présidentiel. Le jeune aviculteur reçoit le prix du meilleur chef d’entreprise de Côte d’Ivoire dans la catégorie « Jeune ». Et il écoute le numéro un de son pays indiquer dans son allocution que « le prix d’Excellence consacre la ferme volonté de l’Etat de Côte d’Ivoire de promouvoir une société d’excellence dans la quête de son développement ». Celui qui fréquentait encore les bancs du lycée il y a trois années, vole désormais de succès en succès grâce à son audace entrepreneuriale et joue dans la cour des grands. Nous sommes en 2013. Ibrahim Ben Aziz Konate décroche son Baccalauréat « D », une série scientifique où

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les sciences de la vie et de la terre, les mathématiques et la chimie bénéficient des plus gros coefficients. C’est au lycée des garçons de Bengerville, une ville moyenne rattachée au District autonome

d’Abidjan, qu’il achève ainsi ses études secondaires. A ce moment là, il traine déjà une expérience de débrouillard, mais aussi de leader. Il s’est déjà frotté au commerce d’ignames et au travail de

manœuvre sur les chantiers de construction des bâtiments. Côté leadership, il dit avoir toujours été chef de classe et président du conseil scolaire, quoiqu’ayant des résultats académiques moyens. Donc, l’aptitude à conduire des équipes, il l’a dans la peau. Et puis, il se souvient des économies mises de côté grâce à ses différentes débrouillardises. Il réfléchit à la mise en place d’une petite entreprise, sans trop savoir dans quel secteur il a envie de se lancer. Tout ce qu’il sait, ce qu’il tient à devenir très vite son propre patron. « J’ai toujours eu la motivation de créer ma propre structure et de mettre en pratique les apprentissages académiques. Vu qu’en Côte d’Ivoire, l’obtention d’un emploi est très compliquée, j’ai fait le choix de l’auto-emploi qui est une solution », justifie ce bonhomme qui sait également multiplier les « piscine-parties ».


Leaders Et finalement, l’aviculture débouche sur un succès. Le jeune PDG réussit à collecter 02 millions de F CFA de ce qu’il appelle « financements-clients » qu’il rembourse par la suite avec des intérêts. Après deux années de fonctionnement, Volailles d’Or ajoute un nouveau produit à son carnet : les œufs de poule. Le producteur a choisi de rester dans le registre du bio. Et là encore, les livraisons se font gratuitement chez les clients. Le plateau d’œuf se vend à 2200 F CFA et 2500 F CFA en fonction de la grosseur du produit. Dès le début du mois de novembre 2016, la société livre aussi de la viande de lapin à partir 5500 F CFA. Et selon le PDG, le chiffre d’affaires mensuel a traversé la barre de 03 millions de F CFA. Et enfin, le déclic. Un jour, en regardant la télévision, il tombe sur un documentaire qui fait état de ce que la Côte d’Ivoire reste un grand importateur de volaille de combler le vide laissé par une production nationale insuffisante. Il complète ses informations en se renseignant sur les tendances du marché, en fréquentant les aviculteurs et en faisant de l’autodidactique sur internet. Avec 60 000 F CFA de capital, il lance peu avant la fin d’année 2014, Volailles d’Or, une entreprise de production et de commercialisation des produits avicoles. Il installe la ferme à Faya, à l’est d’Abidjan, sur la route menant à Bengerville. Il a alors 18 ans. Pour se démarquer sur le marché ivoirien, Volailles d’Or exploite les failles de ses concurrents. D’abord, dans le choix de production. L’entreprise propose du poulet entièrement bio, un argument qui séduit en ces temps où sévissent les cancers en Afrique. « Oui c’est réel. Nos poulets mangent, en plus du maïs et du soja, les

feuilles de bananier et de la salade. Et ils ont un meilleur goût une fois sur la table », indique le PDG. Puis, au lieu de vendre ses poulets vivants, il les livre déjà déplumés et conditionnés. Et la livraison dans les domiciles des clients est gratuite. Sa cible : les ménages. Par le biais de sa page facebook, Volailles d’Or informe sa clientèle du calendrier des livraisons, avec une indication des prix – de 2100 F CFA à 2500 F CFA– et de la masse du produit, laquelle oscille entre 1,3 et 02 kilogrammes. Par ce canal numérique, les commandes pleuvent. Le succès ne tarde pas à venir. Dès 2015, la société qui emploie 07 personnes à temps plein et 06 contractuels – tous étudiants – affiche un chiffre d’affaires mensuel d’un million de F CFA. Elle devient victime de son succès : « A un moment donné, il y a eu rupture de stock. J’ai créé un contrat d’investissement pour permettre à mes clients d’investir dans l’entreprise », affirme Ibrahim Ben Aziz Konate. Cette opération

Business Management 15 Nov - Déc 2016 AFRICA


Leaders Et demain, les milliards

Les poulets de Volailles d’Or consomment des feuilles de banane et des salades pour un résultat bio.

Déjà millionnaire, le promoteur de Volailles d’Or rêve de devenir milliardaire avant l’âge de 30 ans. C’est du moins ce qu’il affirme dans les conférences sur l’entrepreneuriat qu’il donne pour le compte de la Banque africaine de Développement et de la Banque mondiale depuis le début de l’année 2016. Constamment sur son ordinateur, il a conçu son entreprise comme une multinationale du secteur agroindustriel. Son crédo : rendre la viande bio accessible aux populations africaines. Il considère qu’il se trouve encore au début de l’aventure. « Nous avons commencé avec le poulet de chair. Puis, on a poursuivi avec les œufs. Et il y aura d’autres produits », indique-t-il. Il veut très vite aller à la conquête du marché sous-régional que constitue l’Afrique de l’Ouest. Et pour cela, il multiplie les stratégies. D’abord, l’accumulation des connaissances et des compétences. Parallèlement à la mise en place de son « bébé », il passe une Licence en gestion, comptabilité et finances à l’Institut de technologies et spécialités (ITES 2 Plateaux), un établissement d’enseignement supérieur d’Abidjan. Il poursuit d’ailleurs en ce moment au cycle du Master. Ensuite, l’accu-

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Les oeufs de Volailles d’Or prêts pour la livraison.

mulation d’un riche carnet d’adresses. Il le constitue via ses consultations non payantes pour la BM ou la BAD. Et enfin, via les compétitions auxquelles il participe et qui lui donnent l’occasion d’éprouver ses idées. Quand on demande au patron de Volailles d’Or de donner des conseils aux Africains

Déjà millionnaire, le promoteur de Volailles d’Or rêve de devenir milliardaire avant l’âge de 30 ans. C’est du moins ce qu’il affirme dans les conférences sur l’entrepreneuriat qu’il donne pour le compte de la Banque africaine de Développement et de la Banque mondiale depuis le début de l’année 2016. Constamment sur son ordinateur, il a conçu son entreprise comme une multinationale du secteur agroindustriel.

Le poulet conditionné et disponible pour les livraisons.

qui ont son âge, ça coule : « J’encourage les jeunes à faire comme moi, à débuter dès le bas âge. Pour entreprendre, les grands moyens ne sont pas utiles, il suffit d’une grande volonté qui va nourrir les idées et trouver le financement. Concernant le projet initié, un essai peut être entamé en procédant par une ou plusieurs petites activités pour arriver à un grand projet. L’entrepreneuriat paie mieux que la fonction publique ». Il ne manque d’ailleurs pas de partager son expérience à travers les occasions d’échanges organisées par la Ligue des jeunes entrepreneurs de Côte d’Ivoire. À 21 ans, cet aîné d’une fratrie de 08 enfants est déjà adoubé par la plus haute autorité et le patronat de son pays. Il fait déjà des consultations pour les institutions bancaires internationales, bailleurs de fonds pour la plupart des pays africains. Prochaine étape : les milliards. Comme Bill Gates, l’homme à qui il veut ressembler. Mais Ibrahim Ben Aziz n’a pas encore tranché pour nous dire si ses milliards seront en Francs CFA ou en dollars. Mais il a largement le temps devant lui pour atteindre le cap, quelle que soit la monnaie.

BIO EXPRESS : Ibrahim Ben Aziz Konate Âge : 21 ans Pays : Côte d’Ivoire Entreprise : Volailles d’Or Secteur d’activité : productions animales et commercialisation des produits déjà conditionnés (viande de poulet, viande de lapin, œufs de poule) Date de création : 2013 Localisation : Faya (Est du district d’Abidjan) Capital de départ : 60 000 F CFA Chiffre d’affaires actuel : Plus de 03 millions F CFA par mois Nombre d’employés : 07 permanents et 06 contractuels Diplôme le plus élevé du PDG : Licence en Gestion, Finance et Comptabilité Prix remportés en 2016 : Grand prix de la Business Plan Competition (organisée par le patronat ivoirien) et prix du meilleur jeune chef d’entreprise de Côte d’Ivoire (décerné par le président de la République) Autres activités du PDG : Conférencier pour la BAD et la Banque mondiale Ambitions de Volailles d’Or : Devenir une multinationale agro-industrielle Rêves du PDG : Devenir milliardaire avant 30 ans


Leaders


In’entreprise GIE-UDS, une société anonyme portée par une université et programmée pour être une championne

copyright : Ulrich TADAJEU

Le 23 novembre 2016, l’Université de Dschang a décidé de passer de la théorie à la pratique. L’assemblée générale constitutive de ce qui s’appellera « Groupe international entrepreneurial de l’Université de Dschang » s’est tenue dans cette ville moyenne, située à un peu plus de 300 kilomètres au nord-ouest de Yaoundé. En attendant que le journal officiel du Cameroun rende officielle la nouvelle de la création, on a déjà identifié les domaines de compétences de ce qui apparaît comme une holding : activités agro-sylvo-pastorales, consultance, édition scientifique et d’autres en fonction des opportunités. A la baguette de tout ce manège : le Professeur Roger Tsafack Nanfosso, Recteur de cette institution universitaire. Mais aussi patron du think tank du Groupement inter patronal du Cameroun. Réussite programmée. Par Hindrich ASSONGO

En visite dans les champs d’application de la FASA, le Recteur de l’université de Dschang discute avec les étudiants au cycle des ingénieurs agronomes.

C

ela se passe à Dschang, une ville centenaire du Cameroun connue pour son climat doux. Mais le scénario de début rappelle l’histoire d’Embraer, la firme brésilienne qui se positionne aujourd’hui au troisième rang des constructeurs aéronautiques dans le monde après l’américain Boeing et l’européen Airbus. Avant de créer en 1969 ce qui constitue aujourd’hui le fleuron de l’industrie de ce vaste pays d’Amérique du Sud, les militaires alors au pouvoir mettent en place, dès 1946, le Centre technique aéros-

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AFRICA

patial. Puis, plus tard, au sein de ce dernier, l’Institut technologique aéronautique de Sao Paulo. C’est là que les premiers ingénieurs de construction aéronautique se forment pour mettre en place

Embraer. A Dschang, l’université de la ville a entamé la création d’une holding qu’elle a baptisée : Groupe international entrepreneurial de l’Université de Dschang (GIE-UDS). Une société

Comme deuxième activité, le programme de chasse du GIE-UDS a ciblé l’édition scientifique. La filiale en charge de ce secteur aura pour nom : Presses Universitaires de Dschang. Les enseignants ici sont prolixes. Mais ils butent très souvent sur une absence de structures éditrices locales capables de porter leurs œuvres jusqu’au front international, lieu par excellence de la consécration scientifique. Ils auront bientôt la solution sur place. Pour diriger les PUD, un profil semble bien se dessiner.

anonyme qui veut mettre à profit les compétences des produits que l’institution forme, à l’instar des ingénieurs agronomes qui sortent des moules depuis 1972. Des ressources mal exploitées dans un pays qui les cantonne dans les ministères et leurs démembrements et qui importe une importante partie des denrées alimentaires qu’il consomme. A l’image des ingénieurs de construction aéronautique qui ont fait d’Embraer ce qu’elle est, les ingénieurs agronomes formés à l’Université de Dschang ont pour mission de faire de la première


copyright : Ulrich TADAJEU

In’entreprise

Le Prof. Roger Tsafack Nanfosso, grand croyant en l’agriculture, visite la ferme d’application de la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles.

société anonyme de la ville, une référence internationale dans le domaine agropastoral. L’assemblée générale constitutive du GIE-UDS a eu lieu le 23 novembre 2016 à Dschang. Même si l’institution garde le secret sur les conclusions de ce rendezvous, l’on sait d’ores et déjà que le Prof. Martin Tchamba a été porté de façon provisoire à la direction générale de la société. C’est déjà lui qui gérait le groupement d’intérêt économique de cette université. Maître de Conférences, colonel des eaux et forêts, il officie également comme chef de département de foresterie à la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles de ladite université. Et à cette position, il a géré et gère encore plusieurs projets d’appui au développement financés par les bailleurs de fonds internationaux. C’est donc à un habitué de la gestion des projets que revient la charge de mettre en place

la nouvelle société anonyme. Un as du management des équipes de consultance. Le GIE-UDS est une entité dont le capital social a été arrêté à 30 millions de F CFA, soit 3000 actions d’une valeur de 10 000 F CFA chacune. N’importe qui avait d’ailleurs la latitude de participer au capital. Et d’après un seigneur des amphithéâtres à qui nous avons parlé, « les enseignants ont été invités à souscrire des parts. Ce sont eux qui constituent le gros du capital. L’institution elle-même ne contribue pas ». Quel que soit le montage institutionnel, désormais, il faudra garder un œil ouvert sur le bulletin officiel de la République du Cameroun. Juste pour s’assurer que les instances accréditées valident de façon effective l’existence du GIE-UDS. Et lorsque ce sera fait – cela ne tardera pas –, le consortium deviendra le premier au Cameroun – nous

n’en connaissons pas d’autre en Afrique francophone – qui soit le fruit des entrailles d’un campus universitaire. Le GIE-UDS a déjà ciblé ses domaines d’activités. Chacun d’eux, prédisent de hauts responsables de l’institution que nous avons rencontrés avant l’AG constitutive, pourra faire l’objet d’une filiale. Il y a d’abord la consultance. L’Université de Dschang, dotée de sept établissements – trois sont entièrement professionnels – est souvent sollicitée pour mener divers projets nationaux et internationaux. Il se trouve qu’après la recherche scientifique qui ressort de ses prérogatives, son action directe dans le champ social est souvent limitée par son statut. La mise sur pied de l’entreprise devra donc lui permettre de mieux vendre ses atouts. Et dans ce sillage, l’UDS devrait être un des premiers clients du GIE-UDS, fait-on remar-

quer au campus principal de Dschang. « Il y a des marchés de l’institution qu’on attribuait régulièrement à des entreprises, lesquelles se montraient défaillantes. Or, nous avons en interne des ressources qui sont capables d’exécuter ces marchés, que ce soit dans le génie civil, la construction des serveurs informatiques, la production des semences améliorées, pour ne citer que ces exemples là. Cette nouvelle entité nous permettra donc de soumissionner comme les autres. Mais nous avons les compétences pour nous imposer au-delà du Cameroun », souligne notre interlocuteur. Il fait par ailleurs savoir qu’à la différence des autres universités camerounaises qui sont passées par la voie des marchés publics, l’institution qu’il sert a choisi de construire elle-même son système informatisé de gestion de la scolarité en ligne, avec, précise-t-il, une meil-

Business Management 19 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise Presses Universitaires de Dschang, deuxième filiale

Comme deuxième activité, le programme de chasse du GIE-UDS a ciblé l’édition scientifique. La filiale en charge de ce secteur aura pour nom : Presses Universitaires de Dschang. Les enseignants ici sont prolixes. Mais ils butent très souvent sur une absence de structures éditrices locales capables de porter leurs œuvres jusqu’au front international, lieu par excellence de la consécration scientifique. Beaucoup publient à Paris. D’autres, chez des éditeurs installés à Yaoundé à compte d’auteur. Ils auront bientôt la solution sur place. Pour diriger les PUD, un profil semble bien se dessiner. Dans les couloirs de ce temple du savoir, l’on évoque très souvent un nom : Alexandre Djimeli. A 41 ans, celui qui est pressenti pour diriger les Presses universitaires de Dschang aime à se présenter comme un « journaliste en retrait ». Il mène une carrière d’enseignant d’université qui a l’air d’un train à très grande vitesse. Il se familiarise avec le monde de l’édition en entrant sur concours à l’Ecole supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Com-

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munication de l’Université de Yaoundé II. Nous sommes au dernier trimestre de l’année 1997. Il en ressort en 2000 avec un diplôme en édition et arts graphiques. Sauf que c’est le virus du journalisme qui le pique. Il est recruté au journal Le Messager comme

Les activités agropastorales constituent le couloir où le Groupe international entrepreneurial de l’Université de Dschang pense frapper un grand coup. Ici, sa première arme est l’abondance des ressources humaines. Sa faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles, qui a une présence dans six des dix régions administratives du Cameroun, constitue son fusil d’assaut.

reporter. Il passe entre temps un BTS en journalisme et un Master en communication à l’Université de Douala. Au moment de quitter le quotidien privé camerounais en 2010, il assume les fonctions de directeur de la rédaction et laisse deux livres de reporters qui font date : « Bakassi. Sur les chemins escarpés d’une reconstruction » et « Darfour. Au-delà de la guerre ». A chaque fois, c’est le fruit d’une vie dans le chaudron de ces localités pendant un minimum d’un mois. Recruté dès 2010 à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Dschang comme Assistant pour l’enseignement des sciences de la communication, le journaliste « en retrait » soutient deux thèses de doctorat : la première à Dschang et la seconde à l’Université de Douala. D’abord en Etudes africaines en 2014 avec des travaux sur le discours présidentiel de sortie de crise en Côte d’Ivoire. Puis, en 2016 en sciences de l’information et de communication avec une recherche sur l’économie de la production audiovisuelle au Cameroun. Dans ce

champ, il publie en 2012, un livre scientifique qui analyse les faiblesses de l’économie des médias au Cameroun. Auteur d’une quinzaine d’articles scientifiques dans diverses disciplines alors qu’il n’a que le grade de Chargé de Cours, A. Djimeli, chef de service de l’information et des conférences de l’UDS depuis 2013, séduit par son interdisciplinarité, sa culture générale, sa promptitude à parcourir les manuscrits qui lui sont soumis, son goût prononcé pour la beauté de la typographie, son adaptation au numérique, sa maîtrise de l’économie des entreprises de presse et d’édition et sa rigueur au travail. L’essentiel de ce qu’on demande au patron d’une maison d’édition. Et depuis 2015, cumule ses autres fonctions avec celle de coordinateur du Media Center de l’institution qui l’emploie, une unité qui comporte en son sein une imprimerie. Un domaine convergent avec celui de l’édition.

Le GIE-UDS en bref

- Initiateur du projet : Prof. Roger Tsafack Nanfosso (Recteur de l’UDS) - Directeur général désigné : Prof. Martin Tchamba - 23 novembre 2016 : Assemblée générale constitutive - Capital : 30 millions F CFA - Actionnaires : Travailleurs de l’Université de Dschang - Siège : Dschang - Domaines ciblés : Consultance, activités agrosylvo-pastorales, édition scientifique - Démarrage des activités : Date à déterminer


In’entreprise Agriculture et agro-industrie, le plat de résistance Les activités agropastorales constituent le couloir où le Groupe international entrepreneurial de l’Université de Dschang pense frapper un grand coup. Ici, sa première arme est l’abondance des ressources humaines. Sa faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles, qui a une présence dans six des dix régions administratives du Cameroun, constitue son fusil d’assaut. L’université voit officiellement le jour en 1993. Elle naît des cendres du centre universitaire, lequel comporte depuis 1972 l’Ecole nationale supérieure d’Agronomie. A l’occasion du changement de

1993, celle-ci devient une faculté. Cette mutation permet à l’établissement d’ajouter le volet « recherches doctorales » à ses cordes. Sa notoriété demeure et dépasse le cadre national. C’est donc quatre décennies de formation d’ingénieurs agronomes de diverses nationalités africaines que la FASA affiche à son compteur. Ils sont spécialisés dans les productions animales, les productions végétales, les sciences forestières, celles du sol, de l’eau et de l’environnement. Une fois sortis des moules de l’établissement de for-

mation des ingénieurs du secteur agropastoral, les produits fuient les champs et les fermes. Ils ont une préférence pour les bureaux climatisés de la fonction publique, les fauteuils ministériels et les couloirs des organisations internationales. Yaouba Abdoulaye, Zacharie Pérevet et Clémentine Ananga Messina, tous membres de l’actuel gouvernement de Paul Biya, sont des ingénieurs agronomes formés à la prestigieuse FASA. On ne leur reconnaît pas de grandes prouesses dans l’agronomie. Objectif non atteint, puisque le Cameroun conti-

L’idée d’un recteur très proche du patronat

Quelle mouche a donc piqué les plénipotentiaires de l’Université de Dschang pour qu’elle emprunte aussi directement le chemin de l’entrepreneuriat ? « Cette mouche, pour reprendre votre terminologie, s’appelle Roger Tsafack Nanfosso », répond un enseignant de la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles. Le GIE-UDS est donc une idée de celui qui officie comme Recteur de « la plus nationale des universités du Cameroun », comme on aime à la présenter ici.

Quelle mouche a donc piqué les plénipotentiaires de l’Université de Dschang pour qu’elle emprunte aussi directement le chemin de l’entrepreneuriat ? « Cette mouche, pour reprendre votre terminologie, s’appelle Roger Tsafack Nanfosso », répond un enseignant de la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles qui a exercé comme ingénieur dans plusieurs fermes d’élevage du Cameroun, avant de se consacrer à la recherche universitaire. Le GIE-UDS est donc une idée de celui qui officie comme Recteur de « la plus nationale des universités du Cameroun », comme on aime à la présenter ici. Mais qui est donc Roger Tsafack Nanfosso ? Il appartient à la caste des hommes qui pensent que tout n’est possible que dans l’action et dans l’innovation. Ses actions montrent qu’il attendait d’occuper un siège qui lui donnerait une marge de

manœuvre suffisante pour jouer un rôle de leader et démontrer que le développement économique ne relève pas d’une équation impossible. Une sorte d’entraîneur qui, fatigué de dire aux joueurs comment il faut procéder pour marquer les buts, reçoit la permission de l’arbitre de chausser les crampons et de pénétrer sur la pelouse pour marquer des buts qu’on va comptabiliser. Le Recteur de l’Université de Dschang a 52 ans. Il a fait des études d’économie à l’ex-université de Yaoundé, puis à l’actuelle université de Yaoundé II, institution au sein de laquelle il officie comme enseignant depuis 1994 et enfin, à l’université d’Auvergne. En 2001, il se fait remarquer. Il est reçu au concours d’agrégation CAMES des sciences économiques avec le rang de major. Puis, en 2006, il passe professeur titulaire des universités, le grade

nue d’importer une bonne partie de ce qu’il consomme comme aliments, à l’instar du riz et du poisson frais. A force donc de dire ce qu’il faut faire, l’UDS, à travers sa holding, fera directement ce qu’il faut. En attendant de savoir le nom que prendra la filiale du GIE-UDS en charge du secteur agropastoral, l’on sait que, outre les ressources humaines formées sur place, celle-ci peut compter sur le vaste patrimoine foncier de l’institution-mère réparti entre Dschang, Penka-Michel, Belabo, Ebolowa, Bafang, Maroua et Bafia.

L’Université de Dschang en bref - Date de création : 19 janvier 1993 (Par transformation du centre universitaire de Dschang) - Présence : Dschang (campus principal) ; Foumban (Institut des Beaux arts) ; Bandjoun (Institut universitaire de Technologies Fotso Victor) ; Bambui (Antenne de la FASA) ; Yaoundé-Nkolbisson (Antenne de la FASA) ; Bafia (Annexe de la FASA) ; Maroua (Antenne de la FASA) ; Ebolowa (Antenne de la FASA). - Nombre d’étudiants : Environ 30 000 (selon les chiffres de l’année 2015-2016) - Profils professionnels formés : Ingénieurs agronomes ; Ingénieurs des eaux, forêts et chasse ; Traducteurs (FrançaisAnglais-Allemand-Italien-Espagnol) ; Archivistes-bibliothécaires ; Ingénieurs des mines et pétrole ; Kinésithérapeutes ; Cadres de santé publique ; pharmaciens ; Ingénieurs juridiques ; Gestionnaires d’entreprises ; Cadres de banques ; Climatologues ; Cadres de l’économie verte ; Gestionnaires des entreprises de tourisme ; Ingénieurs des travaux (génie civil, génie mécanique, génie électrique, mécatronique automobile, génie informatique).

Business Management 21 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise

le plus élevé de l’enseignement supérieur au Cameroun. Pas de nature à se contenter des amphithéâtres camerounais, il développe des compétences qui font qu’on le sollicite dans plusieurs universités françaises, mais aussi africaines. Cependant, c’est en faisant des consultations pour les organisations internationales (Banque des Etats de l’Afrique centrale, agences onusiennes en charge des questions économiques et de développement, Bureau international du Travail) qu’il démontre une vision singulière pour le développement économique de l’Afrique. Le 09 octobre 2003, il est porté à la tête du Programme de Formation en Gestion de la Politique économique (PFGPE), un cadre d’apprentissage hébergé par l’Université de Yaoundé II

Management 22 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

et co-financé par la Banque mondiale et l’African Building Capacity Foundation. Il recycle les fonctionnaires de l’Afrique francophone en charge des questions économiques et des finances dans leurs pays respectifs. A la tête du PFGPE, le Prof. Tsafack Nanfosso multiplie les consultations. Il lui arrive même d’aller jusqu’au Qatar, comme en octobre 2013, pour étaler son savoir. Dans les couloirs des salons huppés de Yaoundé, on le dit très « consulté indirectement par le chef de l’Etat sur les questions économiques », sans que lui-même ne confirme cette posture. Toujours est-il qu’en 2011, dans une conférencedébat tenue à l’amphithéâtre Hervé Bourges de l’Ecole supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication de

l’Université de Yaoundé II, il indique une déception : « La fonction de conseiller est souvent très frustrante. Vous dites ce qu’il faut faire. On sait que vous avez raison. Mais on fait exactement autre chose. On vous a payé pourtant pour donner des conseils. C’est frustrant ». Le propos passe inaperçu. Enfin, pour la majorité des auditeurs, essentiellement étudiants en communication. A la sortie de cet échange à l’ESSTIC, nous faisons partie des deux apprenants du journalisme qui suivent l’économiste pour une discussion prolongée. Nous sommes ce jour là avec Stéphane Kungne, aujourd’hui en charge des questions économiques au sein de la chaîne de télévision panafricaine Africanews, la filiale d’Euronews qui produit ses

programmes à Pointe-Noire. Nous voulons savoir ce qui freine l’économie camerounaise d’après notre interlocuteur. Il prend une trentaine de minutes, alors que son chauffeur a déjà démarré la voiture, et il nous répond : « Les amis, c’est très simple. On ne produit pas, ou du moins pas assez. On dit qu’on est le grenier de l’Afrique centrale. Mais on importe le maïs, le maïs rendez-vous compte! On a du retard en presque tout. On importe tout, y compris les meubles. Or, on a les terres et un climat favorable et des Hommes pas si bêtes que cela. Donc, on ne travaille pas assez. On se contente des discours. Il faut que votre génération passe à l’action ». Fin d’une brève leçon magistrale.


In’entreprise Roger Tsafack Nanfosso, penseur pour les patrons camerounais », « Bâtir une entreprise compétitive », « Bâtir une entreprise offensive » et très récemment « Bâtir une entreprise championne nationale » sont les thématiques qui soustendent les éditions qui se succèdent.

En décembre 2011, André Fotso, jusque là vice-président du Groupement inter Patronal du Cameroun (GICAM), le plus important mouvement de patrons au pays de Paul Biya, en devient le président. Plus ouvert à l’idée des réformes que son prédécesseur, il sollicite le Prof. Roger Tsafack Nanfosso pour la mise en place des « Universités du Gicam », une sorte de forum où les chefs d’entreprises se recyclent. La première édition se tient dès 2012 sous le thème : « Bâtir une entreprise efficace ». Les capitaines des entreprises camerounaises sont conquis. Pour eux, l’aventure doit se poursuivre. « Bâtir une entreprise intelligente

Pour que les assises universitaires du patronat camerounais soient consistantes, l’agrégé met en place le Cercle de Réflexion économique du GICAM (CEREG), une sorte de think tank qui regroupe aussi bien les universitaires exerçant au Cameroun et à l’étranger que les chefs d’entreprises. Evidemment, c’est lui le boss du cercle. Et dans les couloirs du GICAM, on l’appelle « le prince du savoir ». On prend les notes quand il parle. Le 09 janvier 2014, c’est lui qui publie, au nom du GICAM, aux éditions CLE, l’ouvrage intitulé : « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun ». Un livre qui fait ressortir ce qui apparaît pour le patronat comme les secteurs piliers qui devraient porter l’émergence, un cap fixé par le gouvernement camerounais à l’horizon 2035. Dans les ministères, le document est reçu comme un plan de développement. Mais c’est à Paul Biya d’indiquer la marche à suivre. On est dans une république « hyper-présidentialiste ». Le volant de cette voiture se trouve à Etoudi, le quartier qui abrite le palais présidentiel, à Yaoundé.

Roger Tsafack Nanfosso : Bio Express - 1964 : Naissance - 1993 : Soutenance d’un Doctorat en Economie de l’entreprise (Université de Yaoundé II) et début de la carrière d’enseignant dans la même université. - 1997 : Diplôme d’université des Hautes Etudes en Gestion de la Politique économique - 1998 : Certificat de gestion macroéconomique décerné par la Banque mondiale à Abidjan - 2001 : Agrégation CAMES en Sciences économiques (Major du concours) - 2003 : Nomination au poste de directeur du Programme de formation en Gestion de la politique économique (Université de Yaoundé II) - 2006 : Admis au grade de Professeur titulaire des universités au Cameroun - 2012 : Certificat de l’African Building Capacity Foundation en « Gestion axée sur les résultats et le suivi-évaluation » ; Mise sur pied avec le président du Gicam, des « Universités du Gicam ». Il est président du comité scientifique de ce rendez-vous annuel - 2015 : Nomination (le 15 septembre) au poste de recteur de l’Université de Dschang - 2016 : Admission comme membre de plein droit de l’Académie des Sciences du Cameroun et création d’un incubateur d’entreprise à l’Université de Dschang

Et enfin, un poste de pleines décisions Et un jour, le déclic. Le 15 septembre 2015. 17 heures à Yaoundé. Roger Tsafack Nanfosso – il s’appelle aussi Antoine Pépin – est à Libreville, en têteà-tête avec le Recteur de l’Université Omar Bongo. Il est en réalité en mission d’enseignement en tant que professeur invité. Un décret du président de la

République lu au journal de la radio nationale le fait Recteur de l’Université de Dschang. Connecté à un réseau Orange, son téléphone crépite. Il prend peur et croit qu’il est arrivé quelque chose de grave au pays. Mais en fait, ses proches tiennent à l’informer de ce qu’il vient de bénéficier de la « très haute confiance

du chef de l’Etat ». Oui, au pays de Paul Biya, les patrons des universités publiques ont rang de secrétaire d’Etat et bénéficient de la solennité qui va avec, y compris un garde du corps. Mais le prince de l’économie n’est pas de ceux qui aiment jouir « des avantages et intérêts prévus par la réglementation en

Business Management 23 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise

Une vue du décant de la Faculté d’Agronomie et des Sciences agricoles de l’Université de Dschang, l’établissement qui forme les ingénieurs agronomes.

vigueur », le fameux article 2 qu’affectionnent les Camerounais. Pour lui, c’est le travail qu’implique la fonction qui l’intéresse. Son argent, il le gagne à travers ses nombreuses consultations. Le 23 septembre, il est installé et prend la suite d’Anaclet Fomethe, un cousin à lui et qui aura passé dix années au poste. Dès le lendemain, le nouveau récipiendaire imprime sa marque. Le jour suivant sa prise de fonction, le théorico-praticien de l’économie place son règne sous le signe de la « dynamique collective ». Il est le premier à arriver au travail, remet le personnel d’appui à la tâche, institue une rentrée et une clôture solennelles de l’année universitaire, raccourcie ladite

Management 24 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

année à 09 mois, pour laisser le temps aux étudiants d’aller faire autre chose entre début août et fin septembre. En outre, il crée un conseil rectoral qui siège une fois toutes les deux semaines et discute des grandes orientations à adopter, prône une gouvernance numérique – lui-même possède un site internet personnel – qui implique le fait d’envoyer aux étudiants leurs notes académiques par sms. Il replace la recherche scientifique au centre de la vie universitaire. Avec lui, disparaissent les privilèges de certains dignitaires. Pour lui, seules comptent la compétence, la disponibilité et la performance. Il annonce la mise sur pied d’une fondation de l’UDS, dans le but de collecter les fonds afin de financer plusieurs activi-

tés, notamment la recherche scientifique et les infrastructures. Il souhaite que l’institution qu’il dirige contribue à deux secteurs d’avenir au Cameroun : l’agriculture et l’économie numérique. Mais comment ? Celle-ci excelle déjà dans la recherche dans ces domaines. Il faut donc passer à l’offensive, d’où l’idée du Groupe international entrepreneurial de l’Université de Dschang. Le 31 mai dernier, à l’occasion de l’édition 2016 des universités du GICAM à Douala, Roger Tsafack Nanfosso monte au pupitre pour parler des stratégies qui permettent de bâtir « une entreprise championne nationale ». Même le ministre en charge de l’Economie, Louis Paul Motaze, ouvre son carnet et

note deux ou trois choses. Et maintenant que le Professeur met en place le GIE-UDS, tout le monde pense qu’il appliquera à la lettre ce qu’il a toujours enseigné aux managers. Pour faire de la première société anonyme de la ville de Dschang une championne. A tout le moins, une entreprise compétitive, intelligente et offensive. C’est le tarif minimum qu’on puisse attendre. Le 29 octobre dernier, alors que nous venons aux nouvelles, le méticuleux recteur se contente d’indiquer qu’il est trop tôt pour disserter dessus : « Comment voulez-vous que je parle de ce qui n’existe pas ? Ce que je peux vous dire, c’est que la société verra bel et bien le jour. La mise en place va suivre son chronogramme », affirme-t-il.


In’entreprise

Une vue du campus principal de l’université de Dschang.

Un entourage familial très compétent Monsieur le Recteur, initiateur du projet GIE-UDS, personnage réputé discret – une espèce d’ascète –, même dans le cercle familial, bénéficie d’un entourage qui jouit d’un confort intellectuel bénéfique pour l’accompagner dans tout ce qu’il peut entreprendre. Son épouse, Berthe Jeanine Tsafack, est un as des finances publiques. Elle officie comme directrice de la Dépense, des Personnels et de la Solde au ministère camerounais des Finances. Un espace où la moindre erreur peut conduire à des désastres. Madame tient fermement la barque, avec beaucoup de compétences, dit-on dans les couloirs du lieu où se gère le budget de l’Etat. Plus frais est leur progéniture, un certain Rogers Tsafack Nanfosso. L’homonyme du père appartient à la génération Android, davantage soucieuse de se faire une carrière dans les multinationales que de se frotter aux dédales souvent ennuyeux de la fonction publique. Après un Bacca-

lauréat D obtenu au Collège Vogt de Yaoundé en 2007, il passe en 2011 une Licence en Finances et Comptabilité dans le prestigieux Sup de Co à Yaoundé. C’est en France qu’il passe un Master en Finance d’entreprise (ISC de Paris, 2011) et un autre en Audit-Contrôle de gestion et systèmes d’information (Skema Business School, 2015). En termes d’expérience professionnelle, son tableau de chasse affiche déjà quelques étoiles. Il travaille tour à tour comme assistant à la direction financière de CFAO Cameroun, chargé de la clientèle dans une banque, chargé d’études financières à Afreetech Community à Nantes, Assitant Consolidation à MicroCred (Groupe Planet Finance) à Paris, chargé de reporting et consolidation au groupe 3SI à Lille et contrôleur financier pour la même holding. Et avec toute cette expérience, le jeune homme recherche désormais un poste dans le contrôle de gestion. Ses conseils, le

vieux en aura forcément besoin au moment d’évaluer les activités du GIE-UDS. Avant que nous ne quittions la cité très froide de Dschang, un autre responsable de l’institution universitaire lâche : « Cette entreprise n’aura aucun problème pour financer ses projets. La signature du Prof. Roger Tsafack suffit à lever les fonds, c’est une affaire de crédibilité ». Toutes les entreprises camerounaises, surtout les plus jeunes, ne peuvent pas jouir de ce privilège. C’est le fruit de deux décennies d’assistance intellectuelle auprès des plus importants patrons du pays. Le jeune cinquantenaire, qui traine déjà des cheveux blancs, saura conduire l’ensemble des actionnaires du GIE-UDS sur les pistes d’un directeur général compétent, déconnecté des querelles auxquelles on assiste souvent sur les campus camerounais. Pour le reste, les modèles ne manquent pas pour prédire l’avenir. Embraer est adossée sur l’Institut technolo-

gique aéronautique au Brésil. Le constructeur automobile Volkswagen se fait porter par l’Ostfalia University of Applied Sciences de Wolfsburg en Allemagne. Et dans les deux cas, ce sont des mastodontes de l’industrie. Attendons de voir jusqu’où l’Université de Dschang, qui jouit déjà d’une bonne dose de crédibilité au Cameroun et en Afrique, mènera la société anonyme GIE-UDS. Pour montrer toute sa hargne à mener l’université sur le front de l’entrepreneuriat, M. le Recteur, par décision du 24 novembre 2016, créé un incubateur technologique et d’entreprise à l’Université de Dschang. Il s’adresse aux étudiants. Et pour ne pas faire les choses à moitié, un appel à projets a été lancé. Les premiers lauréats seront connus en janvier 2017. L’université fera du lobbying pour que leurs projets soient financés. Roger Tsafack Nanfosso passe de la théorie à la pratique. On vous a prévenu.

Business Management 25 Nov - Déc 2016 AFRICA


Management 26 Business Nov - Dec 2016

AFRICA


In’entreprise Nike Inc, le géant industriel américain poursuit sa tactique en Afrique

En redevenant en avril 2015, le sponsor de la fédération nigériane de football, le leader mondial de l’industrie des équipements de sport a clairement montré qu’il faudra compter avec lui dans les prochaines années sur le continent. Sa méthode : sponsoriser les plus performants. Une remarque : la firme n’a dealé jusqu’à présent qu’en football et avec les pays-locomotives de l’économie continentale. Outre le Nigéria, elle a l’Afrique du Sud dans son escarcelle. Mais aussi des clubs et des concessionnaires de ses produits au Magrheb. Tentative de compréhension d’une stratégie américaine en Afrique. Par Hindrich ASSONGO

L’attaquant nigérian Alex Iwobi pose avec le maillot 2016 des Super Eagles designé par Nike.

P

as de philanthropie. Nike International Corporation fonctionne comme n’importe laquelle des entreprises américaines. Soit l’investissement est productif et à la hauteur des attentes, soit elle foud le camp. Le leader mondial des équipements sportifs – Il ne possède aucune usine mais fait fabriquer ses articles pas des sous-traitants installés pour l’essentiel en Asie – applique ce principe partout, y compris en Afrique. Un continent qui ne pèse pas grand-chose, du moins pour l’instant, dans son chiffre d’affaires. Le tableau cicontre indiquant les zones où la firme fait ses résultats le démontre à suffisance. Cependant, tous les analystes font de l’espace africain une terre d’avenir. Pas question donc de se laisser distancer par ses concurrents

sur ce marché où la marque premium a mis les pieds il y a une vingtaine d’années. Les Etatsuniens ont leurs ailes au Maghreb, au Nigéria et en Afrique du Sud. Pour résumer cette présence, on dira qu’elle ne fait du business qu’avec les économies africaines les plus fortes. Mais aussi avec un football jouissant d’une organisation institutionnelle acceptable. Normal, elle fabrique des produits qui ne sont pas véritablement destinés aux petits revenus. Mais au minimum, à la fameuse classe moyenne

dont tout le monde parle. Pour tout dire, c’est une marque pour la upper class, si on se réfère aux prix des articles une fois importés. Depuis les Jeux olympiques de 1972 à Munich, la clé du succès de Nike se résume en un concept : le sponsoring des clubs, des équipes nationales ou des atlèthes. Toujours s’attacher les plus performants, qu’ils soient ceux de maintenant ou de demain à court terme. Avril 2015. La Fédération nigériane de Football signe à Londres un

Zones géographiques

Pourcentage

Amérique du Nord

45, 5 %

Europe

22, 5 %

Asie

14, 3 %

Autres

17, 7 %

contrat de sponsoring avec l’équipentier Nike. Durée : 03 ans. Le Nigéria sort de 12 années de collaboration avec Adidas. La firme allemande a réfusé de continuer l’aventure avec ce vaste pays d’Afrique de l’Ouest, lequel constitue avec l’Afrique du Sud, la locomotive de l’économie continentale. Entre autres raisons évoquées, le non respect des clauses. Pendant les regroupements, les joueurs des Super Eagles prenaient l’habitude d’arborer fièrement des marques concurrentes. Mais Nike se souvient rapidement de sa collaboration avec le Nigéria entre 1994 et 2003. Pendant cette période, le pays remporte la médaille d’or aux Jeux olympiques de 1996 à Atlanta et se hisse en finale de la CAN des séniors messieurs en 2000, une compétition qu’il co-organise avec le Ghana. En acceptant de revenir, la multinationale

Business Management 27 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise

Le siège de Nike Inc à Beaverton dans l’Oregon aux USA.

américaine mise surtout sur l’avenir. Le Nigéria continue de rayonner dans les coupes du monde des jeunes (U17 et U20). Signe que les coupes d’Afrique des Nations et la coupe du monde des séniors de 2018 qui arrivent vont sans doute lui sourire. Et par ricochet constituer autant d’opportunités de retour sur investissements pour la marque à la virgule. Les chiffres de ce deal entre le Nigéria et Nike matérialisent cette idée d’investissement sur l’avenir, non pas lointain, mais proche. Audelà de l’enveloppe globale dont le montant n’a pas été révélé, on peut retenir que sur la première année, la marque s’engage à fournir à la fédération nigériane de football, des kits d’une valeur de 750 000 dollars US. Puis, d’un million de dollar US sur les deuxième et troisième années. Plus intéressante est la prime que touchera la partie nigériane en cas de qualification des Super Eagles pour la Coupe du monde 2018 en Russie : 500 000 dollars Us. De l’autre côté, le NFF s’engage à développer des boutiques pour écouler les produits dérivés. D’ailleurs, sur sa page facebook, elle annonce le 10 novembre 2016, la disponibilité sur tout le territoire national, des maillots à vendre à l’attention des supporters. Il y a encore de la ferveur pour les équipes

Management 28 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

nationales dans ce vaste marché de près de 180 millions d’habitants et donc de potentiels consommateurs d’articles de sport aux couleurs du drapeau national. Surtout que le pays se discute avec l’Afrique du Sud, la position de première puissance écono-

Les chiffres de ce deal entre le Nigéria et Nike matérialisent cette idée d’investissement sur l’avenir, non pas lointain, mais proche. Au-delà de l’enveloppe globale dont le montant n’a pas été révélé, on peut retenir que sur la première année, la marque s’engage à fournir à la fédération nigériane de football, des kits d’une valeur de 750 000 dollars Us. Puis, d’un million de dollar Us sur les deuxième et troisième années. Plus intéressante est la prime que touchera la partie nigériane en cas de qualification des Super Eagles pour la Coupe du monde 2018 en Russie : 500 000 dollars Us.

mique du continent. Quand on fait affaire avec les Américains, il faut savoir se montrer pointilleux. Mais surtout performant. La NFF semble avoir pris un peu à la légère ce côté. Au mois de janvier 2016, les dirigeants de Nike envoient une lettre au président de la fédération nigériane de football. Ils menacent de rompre le contrat. Deux raisons sont évoquées dans cette missive. Premièrement, la marque s’inquiète de la position du Nigéria dans le classement FIFA à l’ouverture de l’année : 66ème. Quand on arrache Chelsea à Adidas, lorsqu’on fait chemin avec le PSG (nouveau riche d’Europe), Cristiano Ronaldo (l’un des deux meilleurs footballeurs de la planète), ou bien qu’on est l’équipementier du Portugal (champion d’Europe en titre) ou du Brésil (puissance éternelle du football), on n’est pas vraiment fait pour faire chemin avec les canards qui rampent. Et la suite n’a pas forcément contribué à arranger les choses, puisque le Nigéria n’a pas pu obtenir sa qualification pour la coupe d’Afrique de 2017, prévue au Gabon. Mais après avoir fait son autocritique, il fait une bonne entame de compétition dans la dernière phase qualificative pour la Coupe du monde de 2018, le rendezvous qui constitue le terrain de la grande bataille entre les

marques. Les verts et blancs d’Abuja comptent 06 points sur 06 après deux journées, après deux victoires, dont une inattendue contre l’Algérie, équipée par le rival de toujours, Adidas. Mais il y a un autre point de divergence entre le Nigéria et Nike. L’équipementier américain affiche sa désaprobation face aux propos tenus par Dilichukwu Onyedinma, présidente de la commission de football féminin et adjointe au président de celle en charge de l’éthique et du fair play. Cette dernière a publiquement affirmé que toute joueuse convaincue de « lesbianisme » sera immédiatement exclue de toute activité liée au football au Nigéria. Une posture discursive vexatoire pour une marque qui soutient les homosexuels aux USA. Le fait que la sélection féminine – les Super Falcons – participe sous les couleurs de Nike à la dixième édition de la CAN des femmes, organisée par le Cameroun entre le 19 novembre et le 03 décembre 2016, est peut-être le signe que les relations se sont apaisées, à défaut de complètement rentrer dans l’ordre. La qualification ou non pour le Mondial russe par la sélection masculine séniore déterminera l’avenir des rapports entre Nike et le Nigéria.


In’entreprise Fin du deal avec la Zambie

Pour montrer qu’il ne badine ni avec la performance, ni avec la transparence, l’équipementier dont le siège se trouve à Beaverton (Oregon, USA), décide, à la mi-2016, de ne pas poursuivre son aventure avec la fédération zambienne de football. Les deux parties font chemin ensemble depuis dix ans. Avec à la clé, le titre de champion d’Afrique pour la Zambie en 2012. La dynamique ne s’est pas poursuivie sur les éditions qui ont succédé. Mais il y a pire. Des responsables à la fédération zambienne, si on en croit la presse locale, faisaient fabriquer en Chine, des produits dérivés de contrebande aux couleurs nationales et sous la marque du sponsor américain. Ils les vendaient ensuite à bas pris et empochaient l’argent. Résultat des courses : un

manque à gagner pour la firme. Conséquence, fin de compagnognage. Les Zambiens s’échignent depuis à entamer une collaboration avec l’italien Kappa. En matière de sponsoringpays du football, c’est sur l’Afrique du Sud que Nike compte le plus. C’est peut-

être le joker de sa stratégie africaine. Au-delà de la conjoncture, le pays semble le seul à suivre le ryhtme impulsé par le Maghreb en matière de professionnalisation dans la gestion des affaires liées au foot. Il dispose d’une économie structurée et qui accorde de l’importance

En matière de sponsoring-pays du football, c’est sur l’Afrique du Sud que Nike compte le plus. C’est peut-être le joker de sa stratégie africaine. Au-delà de la conjoncture, le pays semble le seul à suivre le ryhtme impulsé par le Maghreb en matière de professionnalisation dans la gestion des affaires liées au foot. Il dispose d’une économie structurée et qui accorde de l’importance au sport-business. En janvier 2014, Nike signe avec la South African Footaball Association (SFA), un contrat de sponsoring d’une durée de 05 ans.

au sport-business. En janvier 2014, Nike signe avec la South African Footaball Association (SFA), un contrat de sponsoring d’une durée de 05 ans. Celui-ci s’étend à toutes les catégories d’équipes nationales. Le contrat est activé dès le 05 mars, à l’occasion du match amical entre les Bafana Bafana et la Seleçao du Brésil, un autre de ses précieux bébés. La rencontre, qui se joue à Johannesburg, permet à l’équipementier d’éditer une version limitée des maillots pour les supporters, comme il sait si bien le faire. Même si au finish, l’équipe locale boit la tasse (0-5), le business aura porté pour le sponsor. Ici, on a affaire à un véritable pari sur l’avenir. Car, l’Afrique du Sud est parsemée de centres de formation de réputation internationale, parfois érigés

Business Management 29 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise grâce aux « joint-ventures » entre les clubs locaux et des partenaires européens. L’académie de l’Ajax Cape Town par exemple a été mise en place par l’Ajax d’Amsterdam. Tout cela signifie que dans quelques années, le pays pourrait bien dominer le football continental et se tailler une place de choix sur l’échiquier mondial. Et même si les Bafana Bafana seront absents au Gabon en 2017, Nike a présenté les nouveaux maillots de la sélection il y a quelques semaines à Johannesburg. La preuve que le business continue. Pour montrer tout son intérêt à l’Afrique du Sud, Nike y a ouvert toute une représentation. La seule qu’elle possède sur le continent. Le pays compte plus de 211 centres commerciaux, lesquels occupent plus de 04 millions de mètres carrés. Ces espaces représentent les lieux par excellence d’écoulement des produits de luxe, à l’instar de tout ce que propose Nike. La marque a sponsorisé les Mamelodi Sundows, un club populaire appartenant au milliardaire sud-africain Patrice

Montsepe. Le deal a duré 08 ans (2008-2016). Courant 2016, Puma lui a succédé à cette position en doublant l’enveloppe. Une opération gagnante, puisque le club a finalement remporté la Ligue africaine des champions 2016. C’est son premier trophée continental. Et il participera à la prochaine coupe du monde des clubs. Qu’importe, les Américains ont des attaches solides au pays de Nelson Mandela. Comme ce centre d’entraînement de haut niveau érigé à Soweto et inauguré en 2010, à la veille de la coupe du monde que ce pays d’Afrique australe

a organisée. L’infrastructure peut accueillir jusqu’à 20 000 jeunes par an pour des camps. Le contrat avec la South African Football Association stipule d’ailleurs que différentes catégories de l’équipe nationale pourront s’y retrancher pour des périodes de stage. Mais c’est aussi un point de chute pour tous les clubs et les sélections nationales sponsorisés par Nike, qui serait, pour une raison ou pour une autre, de passage en terre sud-africaine. D’ailleurs, la marque sait faciliter la tenue des rencontres amicales entre les équipes de son écurie.

En janvier 2012, quelques jours avant la CAN de football que le Gabon et la Guinée Equatoriale co-organisent, Nike Afrique du Sud lance une publicité appelée « Nouvelle génération ». Quatre stars sont présentées comme ambassadrices de la marque : l’Ivoirien Gervinho, les Ghanéens Kwadwo Asamoah et André Ayew, le Marocain Adel Taarabt. La marque compte sur ces derniers pour prendre la suite d’ambassadeurs presque en fin de carrière, à l’instar d’Obafemi Martins, Didier Drogba, Micheal Essien. Cette année là, la compétition s’achève plutôt bien pour Nike, puisque la Zambie qu’elle sponsorise rafle le trophée, tandis que Gervinho et Drogba sont en finale. L’équipementier numéro un au monde a décidé d’être désormais, d’une manière ou d’une autre, de toutes les phases finales de coupe d’Afrique des Nations, une tribune de plus en plus populaire au-delà des frontières continentales.

Les données financières de Nike sur les 05 dernières années (en euros)

Année

2011

Chiffre d’affaires

19 094 952 000

Résultat opérationnel

2 576 564 000

Impôts Résultat net

2013

2014

2015

23 168 946 000

25 444 376 000

28 009 042 000

2 782 506 000

2 978 380 000

8 023 504 000

3 821 370 000

650 777 000

695 626 000

739 561 000

5 528 401 000

853 058 000

1 952 331 000

2 034 708 000

2 274 516 000

2 464 898 000

2 995 771 000

Source : www.lesechos.fr

Management 30 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

2012 22 084 316 000


In’entreprise Des clubs maghrebins aux couleurs de Nike

Nike personnalise des godas aux couleurs de l’Espérance de Tunis dont il est le sponsor.

Au-delà des sélections nationales, Nike mène depuis plus d’une décennie une campagne en Afrique du Nord. Avec les clubs. En début d’année 2016, il reconduit son partenariat avec l’Espérance de Tunis, le club le plus populaire de Tunisie. Dans ce pays, il est aussi l’équipementier du Club sportif sfaxien depuis 2012. L’Olympique de Béjà complète le tableau. Au Maroc, il habille Maghreb de Fes, Moghreb de Tétouan et Renaissance de Berkran. En Algérie, la marque travaille avec ASO Chlef. Et enfin, en Egypte, pendant que son grand concurrent Adidas s’est arraché le club le plus titré du monde Al Ahly du Caire, il se contente de s’aligner sur Al Masry. Ce qu’on observe dans cette partie de l’Afrique, c’est que Nike et Adidas, opposés dans le monde entier, y

poursuivent leurs luttes. Il faut cependant reconnaître que les mises financières sont éloignées de ce qu’on peut voir ailleurs. Pour accompagner cet intérêt pour les écuries de football au Maghreb, Nike y travaille avec des relais commerciaux. Le 21 juillet 2013, le plus grand « Nike Store » d’Afrique ouvre

ses portes à Dely-Ibrahim, sis à Alger. Un centre commercial de 750 mètres carrés où ne sont vendus que les articles sous cette marque. Surtout ceux de football et d’athlétisme. Au commencement de la marque, étaient un coureur et son entraineur (voir l’historique). A la baguette du Nike Store d’Alger,

Au-delà des sélections nationales, Nike mène depuis plus d’une décennie une campagne en Afrique du Nord. Avec les clubs. En début d’année 2016, il reconduit son partenariat avec l’Espérance de Tunis, le club le plus populaire de Tunisie. Dans ce pays, il est aussi l’équipementier du Club sportif sfaxien depuis 2012. L’Olympique de Béjà complète le tableau. Au Maroc, il habille Maghreb de Fes, Moghreb de Tétouan et Renaissance de Berkran. En Algérie, la marque travaille avec ASO Chlef.

le groupe Play Mode. Un concessionnaire qui rêve d’inonder l’Algérie des produits de la marque à la virgule. Dans les autres pays de l’Afrique du Nord, c’est le concessionnaire BD International qui s’en charge. BD Morocco, sa filiale au Maroc, a déjà prévu d’alimenter Casablanca, Tanger, Rabat, Marrakech, Agadir et Fès. C’est également à BD Moroco que revient la charge d’alimenter tous les autres pays de cette partie du continent. Nul doute que la bataille pour le sponsoring des équipes nationales du Maghreb va se résumer dans les prochaines années à une partie de ping-pong entre Nike et Adidas, les deux ennemis intimes. Enfin, il y a les yeux doux que Nike fait aux artistes africains. Mais pas aux premiers venus. Seuls les

Business Management 31 Nov - Déc 2016 AFRICA


In’entreprise talentueux peuvent pénétrer les couloirs du géant américain. Comme Laolu Senbanjo, un créateurdesigner nigérian qui travaille désormais pour le numéro un de l’industrie des équipements sportifs. Au mois de mars 2016, au cours de la « Air Max Con », un événement organisé par la multinationale à New York, il customise plusieurs modèles de chaussures proposées par la marque. La particularité de son design : couleurs vives et motifs qui rappellent sa culture Yoruba, le groupe ethnique dont il est originaire. Les prochaines sorties de la très célèbre « Air Max », africanisées, devraient pouvoir séduire les consommateurs du marché sud-africain, un pays où la mixité des couleurs drive les cultures nationales. Mais aussi les Africains en général, où qu’ils soient. Même si les chiffres ne pèsent pas encore ici, Nike ne veut plus laisser l’Afrique à ses concurrents. Et le montre très clairement. C’est peutêtre le terreau fertile de demain. Pour rester leader d’un secteur – les équipements sportifs – qui pèse un peu plus de 125 milliards de dollars US au plan mondial. Si on veut parler comme le Prof. Roger Tsafack Nanfosso, économiste, on dira que Nike Inc. est une entreprise en permanence compétitive, intelligente, offensive et championne.

Management 32 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

Mark Paker, entré comme designer chez Nike et PDG de l’entreprise depuis 2006

Le résultat du travail de Laolu Senbanjo pour Nike.

Pourcentage des produits dans la réalisation du chiffre d’affaires

Produits

Pourcentage

Chaussures

61,4 %

Vêtements

27,9 %

Équipements divers ( ballons, balles, gants, raquettes, sacs)

4,6 %

Autres

6,1 %


In’entreprise

L’histoire de Nike Inc. en quelques dates 1950 : Bill Bowerman (entraîneur d’athlétisme à l’Université d’Oregon) et Philip Knight (étudiant en comptabilité et coureur de demi-fond) importent du Japon des chaussures d’athlètes à Oregon. La marque : Onitsuka Tiger. 1964 : Les deux mettent sur pied la Blue Ribbon Sports (une entreprise) pour maintenir leur crédibilité auprès de leurs clients. Chaque associé met 600 dollars US sur la table. Les Japonais décident eux-mêmes de vendre leurs produits. Bill Bowerman conçoit alors la première chaussure américaine de sport dans la cuisine de son domicile. Elle a des semelles plus légères que les Onitsuka Tiger. 1965 : Jeff Johnson devient le premier employé à plein temps de l’entreprise et conçoit la première stratégie véritable. 1971 : Sur proposition de Jeff Johnson, la marque est rebaptisée et devient « Nike ». Le nom renvoie à la déesse grecque de la victoire. La même année, après 20 heures de travail, Carolyn Davidson, étudiante en art graphique à l’Université d’Oregon, conçoit le logo de Nike (la célèbre virgule) pour 35 dollars US. Elle sera récompensée plus tard par des actions dans le capital de l’entreprise d’une valeur de 640 000 dollars US. 1972 : L’entreprise Blue Ribbon Sports devient Nike Inc et établit son siège à Beaverton (Oregon, USA). Elle se lance dans le sponsoring. Sur les sept premiers de l’épreuve du Marathon aux Jeux olympiques de Munich, 04 sont équipés par Nike. Bon à savoir : Philip Knight reste aujourd’hui l’actionnaire majoritaire du groupe. Il a aujourd’hui 78 ans. En 2006, Il laisse la présidence de l’entreprise à Mark Parker, 60 ans. Il est entré dans la maison il y a une trentaine d’années comme designer. 1981 : Nike devient la première chaussure de sport aux USA. 1982 : L’entreprise lance Air Force One Basketball, une chaussure réservée aux basketteurs. 1984 : La marque signe un contrat de sponsoring avec la légende de Basketball Micheal Jordan, lance la série de chaussures baptisée « Nike Air Jordan » et le basketball devient son sport phare. 1988 : La marque adopte la signature « Just do it ». Elle est inspirée du serial killer Gary Gilmore, qui a dit juste avant d’être exécuté : « Let’s Do It ». 1990 : Nike devient fournisseur du Tour de France, un des événements sportifs les plus célèbres au monde. 1994 : Nike signe son premier contrat de sponsoring avec le Nigéria (celui-ci va durer jusqu’en 2003). Le Brésil, sous ses couleurs, remporte la Coupe du monde de football. 1998 : Bill Bowerman, co-fondateur de Nike Inc., meurt à l’âge de 88 ans. 2003 : Nike Inc rachète Converse Shoes (son concurrent) pour 305 millions de dollars US. 2007 : L’équipementier américain rachète l’Anglais Umbro pour 409 millions d’euros. Il le cède à Iconix Brand Group en 2012 pour 225 millions de dollars US. 2008 : Nike devient sponsor de Mamelodi Sundows (club de première division de football en Afrique du Sud). La firme américaine se retire pendant l’année 2016 et cède son fauteuil à Puma. 2010 : Nike inaugure un centre d’entraînement de haut niveau à Soweto (Afrique du Sud). 2012 : Nike présente en Afrique du Sud, sa nouvelle génération d’ambassadeurs africains. La marque signe un contrat de sponsoring avec le Club sportif Sfaxien (Tunisie). 2013 : Le groupe Play Mode ouvre à Alger le premier « Nike Store » d’Afrique (750 mètres carrés). 2014 : La marque signe un contrat de 05 ans avec la South African Football Association (SAFA). La marque devient au mois de septembre, le premier équipementier mondial de football. 2015 : Nike paraphe avec la Nigeria Football Federation, un contrat d’une durée de 03 années. 2016 : Le club de football basé à Londres, Chelsea, actuellement sous contrat avec Adidas, signe un contrat de sponsoring sur 15 ans avec Nike. Celui-ci prend effet à partir de 2017 et permettra au club londonien de toucher 66 millions d’euros par saison, soit 995 millions d’euros pour les quinze années de contrat. Avec le FC Barcelone, club le plus constant ces dix dernières années, Nike prolonge le contrat jusqu’en 2026. Les Catalans toucheront 100 millions d’euros par saison. Une belle compensation après avoir perdu Manchester United au profit d’Adidas en 2014. Par ailleurs, Cristiano Ronaldo, qui attend d’être sacré meilleur joueur du monde pour la quatrième fois a signé en cette année un contrat à vie avec Nike, un peu comme Micheal Jordan avant lui. Cela devrait lui rapporter 23,6 millions d’euros par saison, selon la presse espagnole. 2017 : A la suite d’un contrat signé en 2015, Nike remplacera Adidas comme sponsor de la NBA, le championnat de Basketball le plus célèbre au monde. Ce sera pour huit ans. Le logo de la marque apparaîtra sur le maillot de toutes les franchises.

Business Management 33 Nov - Déc 2016 AFRICA


Management Ressources humaines, l’argent ne suffit plus quand on veut motiver

Pour maintenir vos équipes en état de produire le maximum, vous devez aller au-delà des primes et des augmentations de salaires. Il y en a d’autres, comme le droit à l’initiative. Par Emmanuelle TSELLY

Kiro’o Games est une équipe de co-actionnaires qui ont renoncé aux carrières pour mettre en place une entreprise qui leur permet d’exprimer leurs talents.

L

es entreprises sont à la recherche de la bonne solution pour recruter et pour conserver leur personnel. L’aspect financier, bien qu’il soit flatteur et alléchant, n’attire qu’à court terme. Ce n’est donc pas cela qui retiendra les employés à moyen, voire à long terme. L’environnement, les possibilités de développement, les défis à relever, les possibilités de travailler en équipe et la reconnaissance attirent davantage qu’une grosse BMW. Plusieurs entreprises aujourd’hui accordent beaucoup d’importance à la

Management 34 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

rétention du personnel compétent. Il s’agit de la main d’œuvre qualifiée, difficile à trouver et pas très compliquée à développer. Et on ne veut pas se la faire voler.

Dans le but de conserver leurs meilleurs éléments, les entreprises ont souvent tendance à proposer des augmentations de salaires ou des primes. Ce n’est pas à négliger. Cependant, il faut

La génération africaine dite androïde - on la situe entre 16 et 35 ans – se constitue en majorité des gens qui ne cherchent pas l’emploi, au sens où l’entend Jacques Chatue. Ils recherchent un cadre de travail au sein duquel ils auront le droit de prendre des initiatives, de concevoir des projets, de les exécuter, de les évaluer.

bien garder à l’esprit que les gens veulent demeurer dans une compagnie qui a du vent dans le voile et a du succès. Ils apprécient qu’elle soit soucieuse de leur sécurité, assume ses responsabilités, laisse de la place à l’initiative et donne l’heure juste. Les gens vont adhérer plus rapidement à la dynamique impulsée par le top management s’ils ont spontanément des commentaires sur leurs performances. Ils se posent en permanence certaines questions : Suis-je correct ? Suis-je entrain de répondre aux attentes placées en moi ?


Management Le droit à l’initiative Abordons plus profondément la question du droit à l’initiative. Pendant toute la période de la crise qui a frappé la plupart des pays africains, notamment à l’ère dite de l’ajustement structurel, les jeunes du continent étaient à la recherche de « l’emploi ». L’épistémologue Jacques Chatue insiste pour qu’on fasse une différence marquée entre ce vocable et le « travail ». Car, si le premier a pour seul objectif l’aboutissement au salaire, le second lui, suppose un ensemble d’efforts à faire pour produire, dans le but de repousser les limites du sous-développement. Les africains des années 90 et du début de la décennie 2000 voulaient donc davantage se sauver du chômage et de la précarité qui va avec. Apporter de façon significative leur pierre à l’édifice n’était pas vraiment leur problème. D’où la sacralisation de la fonction publique, endroit par excellence où on gagne facilement son salaire sans vraiment travailler. Mais disons le sans fioriture. Les temps ont changé. La grande crise est passée. Internet a fait son arrivée, avec une propagation rapide. Le monde a subi une dépolarisation pour devenir un. Du coup, une nouvelle génération d’africains débarque sur le marché du travail. La génération africaine dite androïde - on la situe entre 16 et 35 ans – se constitue en majorité des gens qui ne cherchent pas l’emploi, au sens où l’entend Jacques Chatue. Ils recherchent un cadre de travail au sein duquel ils auront le droit de prendre des initiatives, de concevoir des projets, de les exécuter, de les évaluer. Pour beaucoup, une telle possibilité leur offre plus de bonheur que des millions de Naira, de Rands, de F CFA

ou de Francs congolais dont leur employeur peut les gratifier. On comprendra donc la naissance en cascade des startups. Des têtes bien faites renoncent à des carrières dans les multinationales pour peu qu’on leur propose de prendre la direction d’une petite et moyenne entreprise.. Les jeunes veulent faire exploser leur génie. L’argent ne semble pas vraiment leur but. Ils se comptent désormais par centaines, ces africains qui ont renoncé à des carrières dans des multinationales, juste parce qu’ils n’y avaient pas beaucoup de marges de manœuvre, en termes d’inventivité et d’innovation. La Camerounaise Valerie Neim est de cette génération d’Africains qui ne rêvent que d’une chose : relever le challenge dans une position de décision, quitte à ce que ce soit dans une entreprise de petite taille. Elle a 36 ans en 2016. Après avoir fait des études supérieures en Angleterre, c’est dans ce pays qu’elle commence à travailler. Elle bosse pour la banque Abn Amro et pour le groupe Siemens. Puis, elle

décroche à 28 ans le poste de directrice des grands comptes à UBA Gabon, filiale de la banque nigériane United Bank for Africa. Le 26 novembre 2016, elle prend la parole comme panéliste dans la salle des conférences du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM) à Douala, à l’occasion de la Talk Motivation Conference, un événement mensuel organisé par l’entreprise Afrique Empowernment. Elle affirme que dans cette position à UBA Gabon, elle n’avait affaire qu’aux milliardaires. La progression normale de Valerie Neim aurait donc été d’aspirer à un poste de directrice adjointe d’une filiale d’UBA et plus tard, de directrice générale d’une filiale. Mais en 2011, elle prend la décision de tout arrêter pour prendre la direction générale de CCPC Finance, un établissement de microfinance de deuxième catégorie dont le siège se trouve à Douala. Une option qui lui permet de relever un challenge dans le pays qui l’a vue naître. Cinq années après, elle a la réussite dans le ventre : augmen-

Valerie Neim est de cette génération d’Africains qui ne rêvent que d’une chose : relever le challenge dans une position de décision, quitte à ce que ce soit dans une entreprise de petite taille. Elle décroche à 28 ans le poste de directrice des grands comptes à UBA Gabon, filiale de la banque nigériane United Bank for Africa. Mais en 2011, elle prend la décision de tout arrêter pour prendre la direction générale de CCPC Finance, un établissement de microfinance de deuxième catégorie dont le siège se trouve à Douala. Une option qui lui permet de relever un challenge dans le pays qui l’a vue naître.

tation du capital, multiplication du chiffre d’affaires, multiplication du nombre d’employés par trois, multiplication des agences. Bref, des résultats qui ne lui font regretter en rien la brillante carrière qu’elle aurait eue à UBA, mais sans réel pouvoir d’impulsion. Car, une filiale, quand bien même elle dispose d’une certaine autonomie, appliquera toujours le fil conducteur décidé depuis le siège de la holding. Pas toujours du goût de ceux qui réclament le droit de penser. Alors qu’ils ont aujourd’hui avec eux des collaborateurs qui veulent plus d’autonomie et plus de capacité d’initiative, de nombreux patrons pratiquent du management à l’ancienne sur le continent. Ils dictent tout, contrôlent tout. La moindre des stratégies implémentées doit être le fruit de leur imagination. Ils classent sans suite les propositions de leurs employés. La conséquence suit aussi immédiatement. Le personnel rumine constamment, se plaint sans cesse, vit avec le stress permanent. Les plus courageux claquent la porte pour se mettre à leur propre compte, parfois en faisant un sacrifice : la baisse de leurs revenus. Comme quoi, si l’argent peut apparaître comme un élément de motivation, il n’est pas le plus important. Recrutez des gens qui pensent. Acceptez parfois qu’ils vous disent « non », c’est-à-dire qu’ils vous signifient à un moment donné que vous avez emprunté la mauvaise piste. N’embauchez plus des automates qui ne sont bons qu’à mettre en application vos ordres et désirs. Si non, ils vous aideront à couler votre entreprise si votre vision est erronée. Les temps ont changé.

Business Management 35 Nov - Déc 2016 AFRICA


Management Ça bouge chez les managers Gabriel Ntoungou, nouveau patron de la zone économique spéciale de Nkok Gabriel Ntoungou a pris le 21 novembre 2016, ses fonctions de nouvel admnistrateur de l’Autorité de la Zone économique spéciale de Nkok (Gabon). Titulaire d’un Master en économie industrielle et stratégies d’entreprises obtenu à l’Université de Chicago, ancien de la Citigroup, il était jusqu’ici conseiller du chef de l’Etat gabonais sur les questions d’investissement. Il remplace Sedji Armel Mensah, nommé conseiller du ministre de l’industrie. La ZES de Nkok a déjà 15 entreprises installées.

Madibinet Cissé, nouveau SG d’Ecobank Transnational Incorporated Âgé de 48 ans, l’avocat de nationalité guinéenne Madibinet Cissé a été nommé le 18 novembre au poste de secrétaire général et de conseiller juridique d’Ecobank Transnational Corporated. Il arrive à la suite de la démission du Ghanéen Samuel K. Ayim. Il prendra ses fonctions le 17 janvier 2017.

Emmanuel De Tailly, nouveau DG de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun Dès le 1er janvier 2017, le Français Emmanuel De Tailly prend les commandes de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun (filiale du groupe Castel) dont la direction générale se trouve à Douala. Il a été nommé le 07 décembre à l’issue d’un conseil d’administration tenu à Paris. Il vient de Madagascar où il exerçait comme PDG adjoint des Brasseries Star, une autre filiale de Castel. Il était également le directeur régional Océan indien du groupe Castel. Il remplace Francis Batista, en poste depuis 2013. Entre 2000 et 2003, il a été directeur régional de Maersk pour l’Afrique centrale avec résidence à Douala. Il achève en ce moment sa 12ème année au sein du groupe Castel.

Mahamadi Sawadogo, nouveau président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso Président du cercle des Jeunes chefs d’entreprises du Burkina Faso, Mahamadi Sawadogo a été élu le 30 novembre 2016 au poste de président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso. Il est le patron du groupe Smaf, lequel est présent dans l’immobilier, le pétrole, le commerce du sucre et du riz, les transports, entre autres. Âgé de 53 ans, le nouveau président remplace Alizéta Ouedrago. Il sera secondé par Mahamadi Sanoh, président du conseil d’administration d’Air Burkina.

Management 36 Business Nov - Déc 2016

AFRICA


Management

Redresser une entreprise, les clés du succès selon Joël Roux

On peut le considérer comme un « Afrique-trotteur ». Franco-ivoirien, celui qui dirige aujourd’hui la filiale camerounaise de CFAO Technologies a l’habitude des situations jugées difficiles au départ. Depuis qu’il travaille pour la multinationale française, il est à son quatrième pays. Et à chaque fois, il est envoyé dans un contexte : la crise. Et du coup, la mission qu’on lui assigne ne varie pas : redresser la barre. Et il s’en sort à chaque fois bien. Focus sur les méthodes d’un manager dont le premier atout se résume en ses compétences interculturelles. Par Marie Thérèse BITIND

A

pporter les changements qu’il faut pour sortir une entreprise de la zone rouge. Cette tâche, on ne la confie pas au premier venu. C’est une mission-commando qui ne reviendra qu’à un expert-commando. Et au sein du groupe français CFAO, parmi ceux qui ont prouvé qu’ils ont le galon pour ce type de missions, il y a Joël Roux. Franco-ivoirien, il passe son baccalauréat en Côte d’Ivoire en 1974. Il s’envole ensuite pour la Belgique où il décroche un diplôme d’ingénieur en électronique en 1979. Il fera des études commerciales plus tard. Jusqu’en 2001, il travaille tour à tour en France, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, comme développeur de logiciels pour Unisys. Puis,

en 2001, Cisco lui confie la direction de 21 pays africains (Afrique de l’Ouest et Afrique centrale). C’est en 2004 qu’il rejoint le groupe CFAO, notamment sa branche « Technologies », spécialisée dans la conception et la fourniture des solutions technologiques. Et c’est là que cet esprit attentionné commence sa carriière de redresseur des situations difficiles. A CFAO Technologies, Joël Roux semble en éternelle intinérance. Rendu en 2016, il dirige sa quatrième filiale au sein du groupe. Il aura donc passé 02 années au Sénégal, 03 en Côte d’Ivoire, 05 en Algérie et il est à sa troisième année au Cameroun. Le 26 novembre dernier, il est invité à partager son expérience dans la salle des conférences

du siège du Groupement Inter Patronal du Cameroun (GICAM), à Douala. L’occasion : la 14ème édition des Talk Motivation Conferences, un rendez-vous de développement des capacités des managers, organisé une fois par mois par l’entreprise Afrique Empowernment, fondée par Joseph Kuate et basée à Douala. De l’expérience de l’expert en redressement des situations difficiles, on peut retenir que lorsque le directeur général débarque au Sénégal, le drapeau de CFAO Technologies est en berne. Les chiffres ne cessent de dégringoler. Il y a une fracture entre les employés. Après un diagnostic, il mettra les recalcitrants au changement à la porte. Dès l’année suivante, les

chiffres repartent à la hause. Après deux années, la multinationale l’envoie en Côte d’Ivoire, le pays africain qu’il connaît le mieux. Là encore, la situation de CFAO Technologies n’est pas bonne. Alors que le pays est coupé en deux par la rebellion installée au nord, les employés eux, sont divisés idéologiquement. Il y en a qui sont des Pro-Gbagbo et d’autres des Pro-rebellion, chacun en fonction de ses origines. Un antagonisme qui se ressent dans leurs relations en milieu professionnel. Le DG, qui lui-même a ses origines au nord ivoirien, tient un discours direct : « Avant d’entrer ici, que chacun se décharge de ses convictions politiques. Je ne veux voir que des travailleurs de CFAO Technologies. Après, quand vous sortez de l’entreprise, vous avez le droit de supporter qui vous voulez ». Là encore, ça marche. La filiale ivoirienne ira jusqu’à dépasser le Cameroun en termes de chiffre d’affaires. « Impensable à cette époque », souligne Roux. Il continue sa mission commando en Algérie, un pays plus complexe. Là bas, le problème est institutionnel. L’Etat fixe les marges de chaque entreprise. Le DG trouve des astuces et replace CFAO Technologies dans la zone verte. Et voici venu le temps du Cameroun. La filiale se porte très mal. Des tenors claquent la porte. Le DG confie

Business Management 37 Nov - Déc 2016 AFRICA


Management La méthode Roux qu’avant de mettre les pieds dans ce pays bilingue d’Afrique centrale, tout le monde lui prédisait un cauchemar : « Tu as réussi partout. Mais au Cameroun, ce sera presque impossible ». Et quand il demande à savoir les raisons de ces prévisions alarmistes, on lui répond : « Les Camerounais sont des gens qui ne savent pas travailler ensemble. Le tribalisme est leur problème majeur ». En outre, affirme le DG, « 80 % des employés étaient soupçonnés d’avoir leurs propres entreprises où ils redirigeaient les clients de CFAO Technologies ». Mais pour lui, « le Cameroun restait un pays comme un autre sur la carte du monde ». La mission que lui confie la maison mère de CFAO Technologies consiste à réaliser un chiffre d’affaires sur l’année de 10 millions d’euros. Une fois sur place, il remotive tous les employés. Rendue à troisième année sous l’ère Roux, CFAO Technologies Cameroun fait autour de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. L’entreprise dont la direction générale est à Douala a une croissance de 300 % en 03 ans sur un marché qui lui ne croît que de 03 %. Sur le plan des ressources humaines, elle est passée de 130 employés à 164 actuellement. Et pour couronner, des cadres qui étaient partis ont entre temps fait leur comeback dans la maison. L’expert-commando est donc passé par là.

Management 38 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

C’est quoi la méthode Roux ? L’intéressé la résume en un triptyque : Diagnostic (état des lieux), chemin (stratégie), cible (objectif). Il y a donc d’abord l’état des lieux. Chaque fois qu’il arrive dans un nouveau fauteuil, il prend la peine d’écouter tous les employés, du planton au directeur. Il ne s’agit point d’entretiens express. Mais de réels échanges qui peuvent tirer en longueur. « Il m’est arrivé d’écouter un collaborateur pendant six heures », dit-il. Et à chaque fois, le boss note « 80 % de ce que dit mon interlocuteur ». Et pour décrisper davantage l’atmosphère, il se montre proche de tout le monde dès son installation. A CFAO Technologies Cameroun par exemple, il réaménage son bureau dès son arrivée en mars 2013. Pas pour des raisons d’augmentation de la surface ou d’embellissement. Mais pour mettre une porte supplémentaire « par laquelle tout le monde peut passer pour accéder à moi sans avoir à demander quelque audience que ce soit à la secrétaire ». Bref, une façon de faire tomber le « mur de Berlin » qu’érigent

C’est quoi la méthode Roux ? L’intéressé la résume en un triptyque : Diagnostic (état des lieux), chemin (stratégie), cible (objectif). Il y a donc d’abord l’état des lieux. Chaque fois qu’il arrive dans un nouveau fauteuil, il prend la peine d’écouter tous les employés, du planton au directeur.

souvent les assistantes de direction entre le reste de la troupe et le commandant en chef dans les entreprises et administrations camerounaises. En outre, quoique patron, J. Roux n’aime pas se faire appeler « M. le directeur général », la solennité qu’adorent les Africains francophones. Il impose « Joël » à tous ceux qu’il a la charge d’administrer. Pour tout dire, il prend plaisir à s’affaisser dans la chaise d’un serviteur, plutôt que d’un donneur d’ordre. Et tout cela lui permet de savoir en peu de temps les causes de la crise qui couve avant lui. Après avoir posé le diagnostic, il faut maintenant adopter une stratégie, l’élement fondamental qui différencie un directeur du leader. Pour le DG de CFAO Technologies Cameroun, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Il faut premièrement lire les mutations géographiques, économiques et politiques de l’environnement dans lequel se situe l’entreprise. Le but ici est de s’adapter. Deuxièmement, il y a les objectifs fixés par le conseil d’admnistration. Et enfin, il faut tenir compte des ressources humaines et financières disponibles. Une fois la stratégie conçue, il faut la communiquer à tous les collaborateurs pour susciter leur adhésion. « Mais je ne communique jamais toute la stratégie », prévient J. Roux. Car, indique-t-il, il faut toujours garder une marge de manœuvre. Le plus important, souligne-t-il, est de fédérer un groupe de collaborateurs afin de déployer une stratégie « cohérente et volontariste ». Car, « personne ne peut être brillant tout seul ». La stratégie sert à atteindre les objectifs arrêtés. Et pour ce dessein, il faut se montrer ferme. Les entretiens avec tous les employés permettent au boss de savoir qui rentre dans ses plans. « À un moment, un collaborateur, quoique bril-

lant, peut ne plus rentrer dans la stratégie. Il est mieux de le faire partir », prévient J. Roux. Ceux qui restent et qui sont recalcitrants au changement fniront également à la porte. Pour les volontaires qui ont des difficultés à comprendre les mutations opérées par le top management, la méthode du DG de CFAO Technologies consiste à faire intervenir les psychologues. Cette thérapie d’acceptation des nouvelles méthodes passe également par la mise en place de la pratique du sport en groupe au sein de l’entreprise. Cela permettra aux ressources humaines « de comprendre les sujets compliqués ». Des témoignages positifs, il y en a sur la méthode « Roux ». Paul Vanderbroeck, ancien collaborateur du DG de CFAO Technologies Cameroun et aujourd’hui directeur régional de CFAO Equimement, indique avoir travaillé avec plusieurs managers. Mais celui dont on parle est particulier. « Il accorde la priorité à son équipe de travail. Sa porte est tojours ouverte pour tout le monde. Quel que soit le moment où on a une difficulté, il est toujours là pour nous soutenir et apporter des solutions. J’adore travailler avec lui », affime-t-il en 2008 sur sa page linkedin. Sylvain Andrieux, un autre ancien collaborateur, trouve en lui « quelqu’un qui sait faire partager sa vision et ses décisions à tous les membres de son équipe. Il sait convaincre par le dialogue. J’ai beaucoup appris sur l’importance des relations humaines dans le milieu des affaires ». Didier Lecluse, actuel directeur commercial de la branche Afrique d’Eutelsat a connu J. Roux quand les deux travaillaient pour Cisco Africa. Il le décrit comme « le meilleur manager que cette filiale avait pendant cette période là ». Si vous avez une entreprise en difficulté et vous voulez la redresser, vous pouvez essayer la méthode « Roux ».


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Champions nationaux, la clé que suggèrent les économistes aux Etats africains

De la Côte d’Ivoire au Gabon, en passant par le Cameroun et le Sénégal, c’est toute l’Afrique qui souhaite mettre son horloge à l’heure d’un concept : « les champions nationaux ». Ici et là, sur les conseils d’économistes, les patronats et des think-tank de différents pays réflécissent de plus en plus sur la question et suggère à leurs gouvernements respectifs des politiques volontaristes. Objectif : construire de véritables mastodontes, qui vont dominer le marché national dans leur secteur d’activité, mais aussi écraser à pas de dragons le marché international. Eclairage autour d’une notion en vogue. Par Landry Pany NANKAP

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ersonne ne l’attend vraiment sur la question, quand on sait le degré de dépendance de son économie vis-à-vis des importations. Mais le Gabon veut lui aussi bâtir ses champions nationaux. A la mi-novembre, le ministre en charge des petites et moyennes entreprises et de l’entrepreneuriat national participe à Abidjan, au Champions & SME Africa Forum. Biendi Maganga Moussavou, puisqu’il s’agit de lui, annonce qu’il a fait le déplacement « pour signer une assistance de convention technique entre le gouvernement gabonais et l’African Garantee Fund dans le cadre de la création du fond de garantie des PME du Gabon ». Le but ultime est de « renforcer les capacités capitalistiques, les capacités managériales des entreprises que nous aurons sélectionnées en faisant du capital investissement pour l’émergence d’une cinquantaine au minimum de champions nationaux jusqu’à la fin du mandat du président Ali Bongo ». Rendez-vous donc en 2023 pour le bilan, puisque le chef de l’Etat gabonais sort à peine d’un scrutin présidentiel victorieux. En Afrique centrale, c’est le Cameroun, en grand leader, qui donne le coup d’envoi d’une vraie réflexion sur la notion de « champions natio-

Management 40 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

naux ». Du 31 mai au 03 juin 2016, les cinquièmes assises

de l’Univerité du Groupement Inter Patronal du Came-

En début d’année 2013, l’Etat français décide de faire de Cloudwatt et Numergy, deux entreprises opérant dans le « cloud Computing », de championnes nationales et surtout européennes dans ce domaine stratégique. Leur activité consiste en effet à fournir des solutions informatiques en termes de stockage, puissance de calcul, capacités réseaux et autres. La composante publique, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), investit 75 millions d’euros dans chacune des deux sociétés, soit 33,3 % du capital de chacune des entités.

roun (GICAM) se tiennent à Douala sous le thème : « L’entreprise championne nationale ». Au pupitre, les chercheurs du Cercle de Réflexions économiques, le think-tank de ce patronat, sous la coordination de son président, le Prof. Roger Tsafack Nanfosso. Dans l’auditoire, outre les patrons, on retrouve les membres du gouvernement. Au premier rang de ces derniers, Louis Paul Motaze, ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire. Il prend des notes. Pas pour rien, espèrent ceux qui portent le pays par le


Grand angle

biais de leurs entreprises. Bien avant le patronat camerounais, c’est son équivalent en Côte d’Ivoire qui fait de la question un enjeu stratégique. En début d’année 2016, une équipe de la Confédération générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CEGECI), sous la conduite de son président, le banquier Jean Kacou Diagou – C’est le PDG du groupe NSIA banque et assurances –, rencontre le premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan. Au centre de ce rendez vous : épiloguer sur les stratégies devant permettre l’édicafication des champions nationaux. Le patronat est en réalité allé chez le chef du gouvernement ivoirien pour soumettre le rapport d’une réflexion menée conjointement par les chefs d’entreprises et des représentants de l’Etat sur la question. Une sorte de réponse

Cahier thématique rapide au discours de fin d’année 2014 du président de la République, Alassane Ouattara. Dans cette allocution adressée aux Ivoiriens, l’ancien des institutions de Bretton Woods fait part de la volonté de l’Etat de favoriser l’avènement des entreprises championnes nationales. Le 22 avril 2016, à l’occasion de la CGECI Academy organisée par l’organisation patronale, le ministre en charge du portefeuille de l’Etat, Abdourahmane Cissé fait un exposé sur le financement des champions nationaux. Globalement, le gouvernement prévoit la mise sur pied d’un fonds de garantie et les exonérations fiscales pour impulser le mouvement. Les pays francophones d’Afrique semblent s’être mis tous au même moment au concept de « champion national », comme c’était déjà le cas il y a

05 ans avec celui d’ « émergence à l’horizon… ». Et pendant qu’ils en sont à réfléchir, le Maroc a déjà ses champions avec lesquels il transperse le continent. Ils ont pour nom : Attijariwafa Bank, Office Cherifien des Phosphates (OCP), Ciments d’Afrique, pour ne citer que ceux-là. Quant à l’Afrique anglophone, ici, comme d’habitude, on agit plus qu’on ne disserte vraiment. Les drapeaux des deux locomotives du continent, l’Afrique du Sud et le Nigéria, continuent de se hisser dans plusieurs pays. Dangote Cement et United Bank for Africa (UBA) pour le Nigéria, MTN Group pour l’Afrique du Sud, sans qu’on ne les appelle des champions nationaux au regard de la définition qu’on donne au concept, poursuivent leur conquête de l’espace continental. Sans doute avec la bénédiction des autorités politiques de leurs Etats.

Signification Mais au juste, c’est quoi un champion national ? S’exprimant sur la question à l’occasion de l’édition 2016 des assises du Gicam à Douala, l’économiste Roger Tsafack Nanfosso – il est aussi Recteur de l’Université de Dschang à l’Ouest du Cameroun – esquisse une définition. Il indique en effet que le concept renvoie à « une entreprise généralement choisie par l’Etat pour devenir le producteur ou le prestataire dominant sur le marché national et conquérir les parts significatives sur le marché international ». Pour lui, c’est en procédant ainsi que le Cameroun peut atteindre le cap du développement. Il en profite pour donner quelques exemples : la France, la Russie, l’Inde, le Maroc (voir article plus loin), la Côte d’Ivoire. Prenons donc le cas de la France. L’Union européenne – dont elle fait partie – incite les Etats africains à libéraliser leurs économies en faisant sauter les barrières douanières et en abandonnant progressivement leurs engagements au sein des capitaux des entreprises qu’elles soutiennent encore. Mais elle-même fait le contraire. En début d’année 2013, l’Etat français décide de faire de Cloudwatt et Numergy, deux entreprises opérant dans le « cloud Computing », de championnes nationales et surtout européennes dans

ce domaine stratégique. Leur activité consiste en effet à fournir des solutions informatiques en termes de stockage, puissance de calcul, capacités réseaux et autres. La composante publique, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), investit 75 millions d’euros dans chacune des deux sociétés, soit 33,3 % du capital de chacune des entités. Le cloud computing, d’après les estimations de la commission européenne à la concurrence, devrait générer autour de 160 milliards d’euros de chiffre d’affaires et créer 2,5 millions d’emplois en Europe d’ici 2020. Dans l’esprit du gouvernement français qui a fait appel à un emprunt national, il faut que la France occupe le terrain en Europe. Il ne faut surtout pas laisser Amazon Web Services, IBM et Microsoft Azure, les leaders mondiaux, régner en maîtres absolus sur toute l’étendue de la planète. Cependant, le meilleur exemple de construction des champions nationaux nous est servi par l’Asie, notamment la partie nord-est de ce continent (Chine, Corée du Sud, Japon, Taiwan). Nous avons eu la chance de tomber sur une note de lecture du livre intitulé « How Asia Works », publié par l’économiste britannique Joe Studwell. Ce compte rendu porte l’estampille d’Emmanuel

Leroueil, membre de « L’Afrique des idées », un think-tank qui se veut un réservoir d’analyses pour le progrès du continent. Deux secteurs ont permis de fabriquer les champions dans cette partie du monde : l’agriculture et la l’industrie technologique. Le tout soutenu par une finance fonctionnant selon le diktat de la puissance publique. Dans le secteur agricole, les Etats ont procédé, dit le livre, à la libéralisation du potentiel agricole en redistribuant les étendues de terre détenues par les puissants aux petits paysans. Ceux-ci constituaient en effet la masse des plus pauvres dans ces pays. Il s’est agi de fonder le capitalisme dans l’agriculture en milieu rural. Les paysans ont ensuite reçu des gouvernements un véritable soutien, lequel s’est matérialisé en accès aux crédits, infrastructures de stockage et de distribution. En procédant ainsi, le nord-est de l’Asie a permis à ses pauvres d’accumuler eux-aussi les richesses. Car, ce sont eux qui constitueront plus tard le premier marché de consommateurs pour les industries. Ainsi est née l’agriculture intensive rurale. Résultat des courses : de nombreux pays africains ne mangent que le riz chinois.

Business Management 41 Nov - Déc 2016 AFRICA


Cahier thématique

Grand angle

Entreprises privées sous surveillance de l’Etat Une fois les consommateurs fabriqués par le biais de la réforme agraire au profit des plus pauvres, les dragons de l’Asie ont ensuite créé des sociétés publiques et mis sous surveillance les groupes privés. Objectif : ériger les champions nationaux. Les politiques étatiques ont créé une rude concurrence sur les marchés nationaux entre les opérateurs des mêmes secteurs, dans le but de les pousser à exporter. C’est comme cela que ces derniers sont partis à la conquête du monde. Autre politique : la dictature étatique dans la régulation. Dans les pays cités, l’Etat a obligé les plus petits à se vendre à très bas prix aux plus gros. C’est comme cela par exemple, que Huawei, le géant industriel chinois des technologies liées aux télécommunications, s’est renforcé pour aller ensuite raser d’importantes parts de marché sur le continent africain. Le secteur financier a joué un rôle important dans la fabrication des champions nationaux du nord-est asiatique, selon Joe Studwell. Ici, pas de spéculation. Pas d’investissements à court terme. Pas de place pour la favorisation des groupes étrangers. Tout s’est résumé en la protection de l’industrie locale. Plus l’entreprise industrielle est prformante sur les marchés internationaux, plus elle reçoit des financements à l’intérieur. En bout de course, ce sont donc les plus performantes qui ont reçu les soutiens des banques de leurs pays. Ces institutions financières ont reçu l’ordre des Etats de pré-financer les productions des sociétés nationales pré-achetées à l’extérieur. En contre-partie, ces banques se refinancent auprès des banques centrales au taux zéro. Pour ne prendre qu’une illustration à propos de cette poli-

Management 42 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

tique de pré-financement, l’on comprendra que les entreprises chinoises qui gagnent

Evidemment, tout cela s’accompagne d’une diplomatie économique offensive. Chaque ambassadeur de ces pays étudiés par Studwell, en dehors de Taiwan, ne se préoccupe pas des questions politiques. Son rôle : conquérir les marchés pour les champions nationaux de sa patrie. Et la devise de tout pays producteur de champions nationaux : consommer des produits du pays, quel que soit l’endroit où on se trouve. Difficile de voir un Chinois s’afficher avec du Samsung.

les marchés de construction des infrastructures sportives dans les pays africains n’aient pas besoin de financement des pays demandeurs pour effectuer les travaux. Car, l’enveloppe est débloquée en général par Exim Bank China. L’Etat bénéficiaire a l’infrastructure, mais remboursera l’argent avec intérêt. Le constructeur et la banque, tous chinois, réalisent leurs chiffres d’affaires respectifs. Et pour renforcer cette façon de faire, ces Etats aujourd’hui puissances économiques ont créé des banques publiques, à l’instar de la New Bank of Korea, fondée en 1962 et mise sous tutelle du ministère sud-coréen des Finances. Ces institutions bancaires avaient et ont toujours un seul point dans leur agenda : financer les entreprises selon les priorités arrêtés par le gouvernement. Autre axe de cette politique d’érection des champions nationaux : l’accès rapide à la technologie de pointe. En Asie du nord-est, les dragons en ont fait une opéra-

tion de rattrapage. Pour eux, c’était la clé pour faire partie des géants économiques du monde. Tout le système financier a été mobilisé dans ce dessein, aussi bien les entités publiques que privées. Le bilan de tout cela est que cette partie du monde est devenue le siège mondial de l’industrie lourde et de celle de la technologie. Samsung pour la Corée du Sud et Huawei pour la Chine montrent qu’ils sont le résultat d’investissements à long terme. Tout cela est passé par la mise en place d’une politique nationale de l’enseignement supérieur. Laquelle, pour chacun des pays, a consisté à orienter massivement les apprenants vers l’ingénierie et à financer la recherche technologique et scientifique. Comme par hasard, les plus grandes puissances économiques du monde concentrent également les meilleures universités à vocation scientifique ou technologique.


Cahier thématique

Grand angle

Diplomatie économique Evidemment, tout cela s’accompagne d’une diplomatie économique offensive. Chaque ambassadeur de ces pays étudiés par Studwell, en dehors de Taiwan, ne se préoccupe pas des questions politiques. Son rôle : conquérir les marchés pour les champions nationaux de sa patrie. Et la devise de tout pays producteur de champions nationaux : consommer des produits du pays, quel que soit l’endroit où on se trouve. Difficile de voir un Chinois s’afficher avec du Samsung. Une attitude à l’opposé des consommateurs africains portés vers les produits importés au détriment des productions locales. Par exemple, alors que la Société de Transformation de Bus (Sotrabus), fondée par un Camerounais et installée dans la zone portuaire de Douala, est capable de construire les bus du même standing, le gouvernement camerounais choisit d’en commander chez une entreprise portugaise pour les besoins de transport des équipes pendant la Coupe d’Afrique féminine de football 2016. Le constructeur portugais fournira également les bus pour la nouvelle société de transport en commun, en cours de création à Yaoundé. La presse nationale parle de 150 bus au total. En vérifiant, on se rend compte que le constructeur portugais fabrique ses engins à partir des moteurs commandés chez l’allemand Mercedes et des châssis du suédois Volvo. Sa marque de fabrique en somme réside dans le design du véhicule et la construction de la carrosserie. Exactement ce que fait depuis 2015 Sotrabus à Douala sous la conduite de l’ingénieur

mécanicien, Albert Mbafe Konkou. Ses « 45 places », « 55 places » et « 70 places » en modes classique et VIP sortent de ses usines sous la marque « Bus Mickel ». Au sein de cette jeune entreprise de l’industrie automobile, la déception vis-à-vis de l’Etat du Cameroun est grande. Ses responsables parlent d’un manque de considération du gouvernement camerounaus à leur égard. En résumé donc, les champions nationaux des dragons d’Asie se concentrent dans l’industrie lourde et l’industrie technologique, les deux précédées au départ par une agriculture rurale intensive et le tout soutenu par une finance dont le fonctionnement est dicté par l’Etat. Revenons à l’Afrique. En dehors du Maroc, de l’Afrique du Sud et du Nigéria, les pays africains ont-ils réellement la capacité de fabriquer de véritables champions nationaux ? En l’état actuel des choses, spécialistes et observateurs répondent non. Selon Alioune Gueye, PDG du Groupe Afrique Challenge, organisateur du Forum d’Excellence des Dirigeants, il y a encore trop d’entraves. Il y a d’abord la question de l’enseignement supérieur.

Ici, il note une « absence de recherche et développement et la sous-valorisation des formations techniques et scientifiques. Le continent regorge de docteurs en géographie, de philosophes et autres poètes, mais compte peu d´ingénieurs, d´avocats d´affaires et de capitaines d´industrie. De même, il y a un manque terrible de “Middle management” compétent dans des métiers industriels, comme on en trouve en Allemagne, notamment. » Sur ce volet, il faut souligner que des pays comme le Cameroun et le Sénégal commencent à afficher des politiques certes insuffisantes, mais déjà volontaristes. Pour ce qui est du Cameroun, les instituts de formation d’ingénieurs des mines, du pétrole, du génie industriel, du génie électrique, de l’architecture sont progressivement créés. Il reste à les doter d’infrastructures de pointe. Le second point faible relevé par Alioune Gueye, c’est « l’inadéquation entre les formations délivrées par l’université et le monde industriel. On ne peut plus concevoir que les programmes soient élaborés sans la participation active des professionnels de

l´entreprise, seuls à même d’exprimer les besoins de leur industrie ». Sur cette question, les épistémologues, à l’instar de Jacques Chatue, conseillent de ne pas réduire l’école en une machine de production de diplômés-employés. Cela reviendrait à abandonner la recherche sur le long terme. Le débat continue. Pour Gueye, « le troisième frein est relatif à un écosystème qui ne favorise guère l’émergence de champions nationaux, censés drainer dans leur sillage des PME innovantes. Enfin, le coût et l’instabilité des facteurs de production ne facilitent pas le développement d’industries gourmandes en énergie de qualité, en main d œuvre qualifiée et en infrastructures, logistiques comprises, de classe mondiale ». Au-delà de Gueye, on pourrait ajouter, pour ce qui est de l’Afrique francophone, une grande tendance à valoriser les emplois de la fonction publique, lesquels sont plus consommateurs que producteurs. La chasse aux entrepreneurs idéologiquement opposants, les incertitudes politiques, l’incohérence des politiques gouvernementales, l’incompétence souvent décriée des conseillers des chefs d’Etat ou des ministres par rapport aux réalités d’aujourd’hui et un niveau de corruption encore trop élevé ne pourront pas permettre aux Etats de relever le défi de la construction des champions nationaux. C’est pourtant, semble-t-il, le passage obligé pour cesser d’exporter des grumes de bois à prix minables et d’importer des meubles à prix d’or. Bref, une voie à suivre pour cesser d’être le comptoir du monde entier.

Business Management 43 Nov - Déc 2016 AFRICA


Cahier thématique Découverte

Initiative

Avenir, ces potentiels champions nationaux Elles opèrent dans la construction automobile, la transformation des minerais, la finance, pour ne citer que ces domaines là. Avec une politique protectionniste appliquée par les Etats, ces entreprises devraient pouvoir tout écraser sur leurs chemins. Certaines en tout cas ont déjà commencé à dominer leur environnement immédiat. Evocation dans quelques pays. Par Lydie ABASSOMBE

16 juillet 2015 - Le ministre camerounais des Transports s’apprête à monter abord de l’un des deux « 70 places » déjà prêts à l’usage à l’usine de Sotrabus.

A

u-delà de la définition classique que les économistes donnent au concept de « champions nationaux », il est possible de dire que le continent a déjà des amazones. Il suffit juste de les renforcer par le soutien de la puissance étatique, en appliquant (pourquoi pas ?) les recettes qui ont marché en Asie du nord-est. Dangote Cement et United Bank for Africa (Nigéria), MTN (Afrique du Sud), Afriland First Bank (Cameroun), conquièrent l’espace continental à pas de dragons et font ombrage aux multinationales européennes. Ils n’hésitent plus à installer des agences de relais, pour ce qui est des banques, en Asie, aux Etats-unis et en Europe. Mais à côté de ces congloméras, résultats de la vision de leurs fondateurs, il y a des jeunes loups qui ont besoin de la lime de l’Etat pour avoir des dents davantage tranchantes

Management 44 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

Cameroun : Sotrabus inscrit le nom du pays dans la liste des constructeurs automobiles En 2015, Albert Mbafe Konkou, 50 ans aujourd’hui, ingénieur mécanicien formé à l’École nationale supérieure Polytechnique de l’Université de Yaoundé I, se lance dans la construction automobile. Il crée sa sixième entreprise et il lui donne le nom de Société de Transformation de bus (Sotrabus). L’entreprise, avec un capital de départ d’1 milliard de F CFA, a sa base dans la zone portuaire de Douala. Un site provisoire sur lequel elle construit les bus de 45 places, 55 places et 70 places, dans les options classiques et VIP. Elle a

pour l’instant un rythme de production de 02 bus par mois. Sa marque « Bus Mickel », en référence au nom d’un des fils du PDG, a déjà permis de renouveler la flotte de plusieurs agences de transport en commun opérant sur le territoire camerounais. C’est le tout premier constructeur automobile du Cameroun. Et ses capitaux sont camerounais. A Sotrabus, les difficultés sont nombreuses. Il y a d’abord la celle des ressources humaines. Les deux ingénieurs que l’entreprise emploie


Cahier thématique

Initiative

en ce moment sont de nationalité ivoirienne. Il s’agit d’anciens de Carrosseries de Côte d’Ivoire (CARICI), une entreprise qui opérait à Abidjan. Le Cameroun attend encore de former ses premiers ingénieurs en construction automobile. L’entreprise éprouve pourtant le besoin d’en avoir une trentaine et 250 techniciens dans le domaine. C’est à l’Etat que revient la mission de former. Autre entrave : le foncier. Sotrabus a besoin d’un vaste espace pour construire l’usine qui lui permettra de lancer la production en série, afin d’être capable de sortir au mois 100 véhicules chaque mois. La demande faite à l’Etat n’a pas encore

trouvé de réponse favorable. C’est pourtant une entreprise publique, la Mission d’Aménagement des zones industrielles (MAGZI), qui a octroyé en 2015 un vaste espace à Bonabéri (Douala) au consortium indo-chinois Azad Coach /Youtong, pour la construction de l’usine de la Cameroon Automobile Industry. Ce sera une entreprise d’assemblage de véhicules à capitaux étrangers. A l’observation, le gouvernement camerounais semble plus préoccupé par les opérateurs venus d’ailleurs que par les nationaux. Sotrabus fait également face au défi de l’approvisionnement en matières premières.

L’entreprise importe les moteurs de Mercedes, les châssis de Volvo et les tôles en acier galvanisé d’Allemagne. Les responsables plaident pour la mise en place au Cameroun d’une industrie lourde capable de fabriquer certains de ces composants, afin de réduire la dépendance visà-vis des importations. L’on peut évoquer au passage la question des financements. D’après Joseph Ndjie, directeur par intérim de Sotrabus, les banques camerounaises réchignent à suivre cette initiative. Cependant, la plus grosse déception vient de l’Etat du Cameroun qui a préféré faire confiance au constructeur portugais Irmaos Mota quand il s’est

posé le problème de la fourniture des bus pour l’édition 2016 pour la Coupe d’Afriques des Nations de football féminin. La même enteprise va fournir les véhicules pour la mise en route de la nouvelle société de transport urbain de la ville de Yaoundé. Un vrai uppercut porté au made in Cameroon. A l’opposé de la logique de construction des champions nationaux. Sotrabus peut pourtant dominer une bonne vingtaine de pays africains qui importent ces matériels roulants d’Asie ou d’Europe. Mais il faut un accompagnement conséquent.

Ghana : la Kantanka Automobile Ltd a des allures d’un futur géant de l’industrie automobile

Kantanka. C’est la marque de voiture que le Ghana, ou plutôt que la Kantanka Automobile Ltd met sur le marché en fin d’année 2015. Le constructeur fait de ce pays anglophone de l’Afrique de l’Ouest un pays producteur d’automobile. Et il a trouvé une spécialité : les voitures électriques. Les batteries qu’elles utilisent sont par ailleurs rechargeables par le biais de l’énergie solaire. Les premières à franchir les portes de l’usine installée à Gomoa Mpota (à une soixantaine de kilomètres d’Accra) sont des 4X4 en Pick-Up et en SUV. Rien à envier aux véhicules importées d’Europe et d’Asie. L’usine de produc-

tion emploie 250 personnes. Et contrairement à Sotrabus qui importe encore la quasi-totalité de ses matières premières, la Kantanka Automobile Ltd fabrique ses sièges en cuir, le tableau de bord, les grilles du radiateur et d’autres composants sur place au Ghana. Le constructeur rêve à très court terme de fabriquer lui-même les composants qu’il importe encore. D’ici au début de l’année 2017, des mini-bus estampillés « Kantanka » sortiront de l’usine. Pour montrer son soutien à la Kantanka Automobile Ltd, le gouvernement ghanéen a pris sur lui d’équiper la police

nationale par cette marque. D’ailleurs, le vice-président de la République, Arthur Kwessi Amissah, a passé la commande de 03 véhicules pour ses propres besoins. Le 16 juillet 2016, il effectue le déplacement de l’usine pour recevoir le premier de ces engins. Une façon pour celui qui est la deuxième personnalité du pays de soutenir l’industrie locale. Et à l’occasion, il tient un discours pour appeler les Ghanéens à faire comme lui. Le pasteur Kwadwo Safo Kantanka, le créateur de l’entreprise, a déjà reçu une dizaine de distinctions honrifiques du gouvernement ghanéen. Lui-même pilote l’équipe de recherche et développement. La gestion de son groupe – Il possède tout un congloméra – échoit à son fils, Junior Kwadwo Safo. Mais pour l’Etat, il faudra faire plus que des décorations et des achats. Le gouvernement pourrait commencer par interdire l’importation des véhicules d’occasion.

Business Management 45 Nov - Déc 2016 AFRICA


Cahier thématique Découverte

Initiative

Côte d’Ivoire: Le groupe NSIA assure la présence de la Côte d’Ivoire sur le continent africain (CEGECI) depuis 2005. La holding qu’il pilote à partir d’Abidjan a quatre filiales. Il y a d’abord NSIA Assurances présente dans 12 pays d’Afrique centrale et de l’Ouest : Côte d’Ivoire, Nigéria, Ghana, Cameroun, Bénin, Togo, Mali, Guinée, Guinée Bissau, Congo, Gabon, Sénégal. Il ya ensuite NSIA Finance qui porte la NSIA Banque, laquelle a sa direction générale à Abidjan et une succursale en Guinée. En ce moment, elle s’apprêtre à étendre ses ailes dans les pays où sa sœur du secteur des assurances est déjà installée. Puis, il y a NSIA Technologies, chargée de produire les systèmes pour l’ensemble du groupe. La Société civile immobilire Tchegbao complète le tableau. Créée en 2007, elle se spécialise dans la construction et la mise à disposition des logements. Son plus grand projet, « Les Résidences Camellia », est cours. Il s’agit de 63 logements en haut standing à Cocody (Abidjan). Toutes ces activités ont permis à la holding NSIA de réaliser un chiffre d’affaires de 211 milliards de F CFA en 2015, soit 152 milliards pour le seul pôle des assurances. En soutenant le groupe NSIA, l’Etat ivoirien pourrait lui permettre de financer d’autres champions nationaux potentiels qui exercent dans l’industrie. Pour tout dire, dans le secteur bancaire et celui des assurances, la Côte d’Ivoire a déjà son meilleur joueur. Il faut maintenant en faire un champion national.

«

Bâtir à l’horizon 2017, selon les standards internationaux, le premier groupe financier africain de référence, leader en bancassurance, performant et attractif, qui permet au plus grand nombre d’accéder à des solutions de qualité, adaptées et innovantes ». Tel est l’ambition du groupe NSIA, né en 1995 et porté par l’assureur Jean Kacou Diagou, par ailleurs président de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire

Management 46 Business Nov - Déc 2016

AFRICA


Ça marche

Cahier thématique

Maroc, l’exemple à suivre dans la construction des champions nationaux

Nous n’apprenons rien à personne si nous disons que le royaume marocain est en pleine offensive sur l’Afrique. Ces deux dernières années, le Roi Mohammed VI lui-même porte les mastodontes du territoire dont il a la charge. Ses multiples déplacements sur le continent se soldent toujours par la création de nouvelles filiales des holdings de sa patrie. Une belle leçon Par Hugues EBACKA aux chefs d’Etat amorphes et en panne de stratégie.

Office Cherifien des Phosphates, le fleuron de l’industrie marocaine bien installé sur le globe L’Office Cherifien des Phosphates (OCP) est sans doute le champion des champions nationaux du Maroc. C’est une entreprise à capitaux publics. Créée en 1920, elle se présente aujourd’hui comme le premier exportateur mondial de phosphate sous toutes ses formes, soit 28 % des parts de marché sur la planète. L’entreprise produit les engrais phosphatés, la roche phosphatée, l’acide phosphorique, les compléments alimentaires pour animaux, entre autres. La holding compte en tout 23 entreprises opérant dans 04 grands sous-secteurs. Certaines sont basées en Argentine, au Brésil, au Pakistan, en Inde et même en Europe. En février 2016, en présence du Roi du Maroc, OCP inaugure l’usine d’où sortira l’engrais phosphaté destiné au continent africain.

C

’est une dizaine de pays de l’Afrique que le Roi du Maroc a parcouru depuis le début de l’année 2016. Et partout où il va, Mohammed VI traine toujours dans ses valises les patrons des grandes entreprises de son pays. Ce sont les champions nationaux du Maroc. Fin novembre, le souverain est à Madagascar. Une visite qui prend des allures touristiques et culturelles, avant de virer aux échanges économiques, le principal intérêt de ce royaume d’Afrique du nord. Une délégation de la Confédération générale des Entreprises du Maroc (CEGEM) et les patrons qui forment le Groupement des Entreprises du Maroc (GEM) ont tenu une rencontre à Antananarivo. Toute cette mise en place se conclura sans doute par la création en terre malgache d’une filiale d’un des fleurons de l’économie marocaine. Des têtes de proue du Maroc qui étendent leurs tentacules en Afrique subsaharienne, trois retiennent notre attention : le groupe Attijariwafa Bank, le groupe OCP et Ciments d’Afrique.

L’Afrique ne représente que 9 % dans le chiffre d’affaires d’OCP. Et des produits proposés, les Africains se montrent davantage intéressés par les engrais. Pour répondre donc à cette tendance du marché, le groupe a créé en début d’année 2016, OCP Africa. Il s’agit d’une filiale chargée de développer la présence de la holding sur le continent. En termes de chiffres, Hind Kadiri, responsable du développement commercial de ce nouveau démembrement indique que le but est de les quintupler en Afrique d’ici à 2025. Les filiales d’OCP Africa vont dans la réalité assurer la distribution des produits qui sortiront des usines de l’Africa Fertilizer Complex, son premier démembrement mis en route à Jorf Lasfar cette année. Ces filiales ont déjà commencé à se déployer, notamment au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Ici et là, le marketing consiste à montrer le bien fondé des engrais phosphatés pour l’agriculture. Mostafa Terrab est le président-directeur général du groupe OCP. Il se fait assister par 04 directeurs généraux adjoints. Outre le PDG, le conseil d’administration se constitue de 07 ministres et de la Banque centrale populaire. Tous ces responsables représentent le gouvernement. Une façon de montrer que le Maroc veut garder son leadership dans ce domaine.

Business Management 47 Nov - Déc 2016 AFRICA


Cahier thématique Découverte

Ça marche

Attijariwafa Bank, le mastodonte bancaire du royaume cherifien marocaine à capitaux publics, est déjà implantée dans plusieurs pays africains : Tunisie, Mauritanie, Lybie, Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Niger, Guinée Bissau, Congo, Gabon, Cameroun. En Europe, on la retrouve en France, Italie, Belgique, Allemagne, Espagne, Pays Bas. Selon le présidentdirecteur général du groupe, Mohamed El Kettani, Attijariwafa devrait bientôt s’installer au Tchad. Pour cela, toutes les autorisations sont disponibles. La multinationale bancaire compte 7,4 millions de clients et 16 716 employés dans 24 pays au total.

En fin octobre 2016, Attijariwafa Bank finalise à Kigali le rachat de la Compagnie générale de banque (Cogebanque), une entreprise bancaire rwandaise. Créée en 1999, cette banque permet à la holding financière marocaine de mettre ses

pieds dans un pays décrit comme l’une des meilleures réussites du continent de ces dix dernières années. Attijariwafa, filiale de la Société nationale des investissements, holding

La Société nationale des Investissements du Maroc détient le capital d’Attijariwafa Bank à hauteur de 47,87 %. Les institutionnels nationaux (29 %), la banque Santander (5,26 %), le personnel de la banque (2, 63 %) constituent les autres actionnaires. L’actionnariat flottant se situe à 15, 24 %.

Ciments d’Afrique, sur les traces de Dangote Cement Les cimenteries de Cimaf sont déjà en fonctionnement dans 07 pays : Guinée, Burkina Faso, Congo, Gabon, Ghana, Côte d’Ivoire, Cameroun. Capacité cumulée de production : 4,5 millions de tonnes. Un deuxième complexe devrait voir le jour en terre ivoirienne, notamment à San Pedro. Dans plusieurs autres pays, les chantiers de construction des usines sont en cours : Mauritanie, Mali, Tchad, Guinée Bissau. Capacité totale de production : 2,35 millions de tonnes.

En 2011, pour aller à la conquête du continent, Anas Sefroui, PDG de Ciments de l’Atlas, crée une filiale qu’il nomme Ciments d’Afrique (CIMAF). Bien évidemment, les Marocains ne se considèrent pas comme des Africains. Pas vraiment. Et quand vient l’heure de

Management 48 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

descendre, c’est le moment de mettre une institution sur pied et de lui coller le vocable « Afrique ». Une opération marketing. C’est donc avec cette recette, déjà bien usitée, que ce producteur de ciment marche sur les pas de Dangote Cement. Il enchaine la mise sur pied des filiales.

Dans chaque forum d’affaires organisé par le Maroc avec ses désormais partenaires d’Afrique subsaharienne, Ciments d’Afrique répond présent. Il se pare progressivement pour mener la bagarre avec Dangote Cement sur divers marchés africains. Les consommateurs, qui trouvent le prix du ciment encore trop élevé dans plusieurs pays, devraient se frotter les mains. Les représentations diplomatiques du royaume cherifien ont désormais pour mission de servir la cause « cemafienne », comme celle de tous les autres champions nationaux. Aux Etats qui sommeillent encore de songer à se mettre sur les rails. A moins de vouloir



Focus auto Cette page est offerte par Authohaus VW Cameroon

Moteur et essence, Les raisons de vidanger le

premier et les astuces pour réduire la consommation de la seconde Entretenir le moteur. Consommer moins de carburant. Voilà deux préoccupations des automobilistes dans plusieurs pays africains. Avec Authohaus VW Cameroon, concessionnaire exclusif de la marque Volskwagen en terre camerounaise, on évoque ces deux questions.

Pourquoi faire la vidange de son moteur ?

Vidanger sa voiture consiste à vider le réservoir de son huile usagée pour la remplacer par une huile neuve. Avec le temps et selon l’utilisation des véhicules, les huiles se dégradent et perdent de leurs propriétés. La vidange assure la bonne qualité de l’huile pour le bon fonctionnement de votre moteur, et donc la longévité de votre véhicule. Le rôle de l’huile moteur est multiple : Il lubrifie les pièces du moteur. Il limite les frottements métalliques. Il assure une parfaite compression du moteur. Il évacue les saletés et les impuretés en suspension (résidus de combustion, poussières…) et les dépose dans le filtre à huile. Il faut donc prévoir un changement de filtre à huile tous les 30 000 km au maximum. En outre, cette huile refroidit le moteur et protège contre la corrosion. Un moteur qui n’est pas régulièrement vidangé s’encrasse et se détériore rapidement. Ses performances s’affaiblissent et votre consommation de carburant augmente.Ce manque d’entretien peut engendrer des réparations coûteuses qui peuvent aller jusqu’à l’obligation de changer votre moteur. Faire sa vidange régulièrement est donc une habitude écologique, économique et prudente prendre.

Management 50 Business Nov - Déc 2016

AFRICA


Focus auto Comment réduire sa consommation d’essence ?

Si vous tenez à réduire votre consommation d’essence, nous vous conseillons de changer de vitesse dès que possible lorsque vous accélérez. Les rapports de vitesse les plus élevés sont plus économiques en termes de consommation de carburant. Montez trop dans les tours, et la consommation augmente alors sensiblement ! Il s’agit de démarrer en douceur et de passer un maximum de rapports sans les pousser : la consommation de carburant est moindre en 5e vitesse qu’en 3e, même en ville. Il faut également éviter les accélérations brutales qui sont très mauvaises pour le moteur et surtout pour la consommation. En montée, il est bon de rétrograder le plus tard possible en restant sous les 2.000 tours/minute. Ensuite, la nécessité de trouver le bon rapport et le bon régime s’impose. Il ne faut pas considérer que le régime. Trouver le bon rapport dépend de la disponibilité du couple qui varie selon les véhicules. Sur une voiture essence par exemple, on consomme moins à 2.000 tours qu’à 1.500 tours. Pour les voitures à essence et LPG, le rapport supérieur doit généralement être engagé avant 2.500 tours par minute, mais pas dans tous les cas. Pour les voitures diesel, il doit être engagé avant 2.000 tours par minute. Les moteurs modernes ont des turbos qui s’enclenchent la plupart du temps aux alentours de 2.000 tours également. Être en dessous encrasse le moteur et fait consommer plus de carburant. Ainsi, 2.000 tours est souvent le régime idéal, pas forcément maximal.

Business Management 51 Nov - Déc 2016 AFRICA


Business Management


Découverte Mécatronique automobile, à la découverte d’une Par Par Landry Pany NANKAP filière d’avenir en Afrique

Ce schéma indique que la mécatronique est une discipline-carrefour.

U

n peu partout en Afrique, le business autour de l’automobile prospère. Il y a d’un côté les constructeurs qui commencent à s’installer, à l’instar Sotrabus au Cameroun et de la Kantanka Automobile Ltd au Ghana. De l’autre côté, les concessionnaires des marques importées croissent en nombre. Et enfin, les usines d’assemblage prennent elles aussi corps, comme celle de Renault à Tanger (Maroc). Que ce soit ici ou là, les opérateurs se plaignent de l’absence de mécatroniciens. Une façon de dire que les universités, à travers leurs établissements spécialisés dans la formation aux métiers technologiques, doivent prendre à bras le corps le problème. Exploration d’un métier qui permettra de réduire le chômage sous les tropiques. En ce moment et depuis le début de l’année universitaire 2016-2017, 45 étudiants suivent la formation en mécatronique automobile à l’Institut universitaire des Technologies Fotso Victor de l’Université de Dschang à Bandjoun, à l’ouest du Cameroun. Inscrits en première année, ils préparent le Diplôme universitaire de technologie (DUT), un parchemin qu’ils tenteront de passer à l’issue de deux années de suivi des enseignements. « Après le DUT, nous allons sélection-

ner les meilleurs d’entre eux pour une année supplémentaire d’étude, afin qu’ils obtiennent la licence professionnelle », souligne le Prof. Médard Fogue, le directeur de cet étbalissement. Lancé officiellement le 24 juin 2016, ce cycle de formation en mécatronique automobile est le tout premier en Afrique centrale. L’Osfalia University of Applied Sciences de Wolfburg (Allemagne) parraine le parcours. C’est l’université qui sert de laboratoire de développement de Volk-

swagen, le leader européen de l’industrie automobile. Pour rapprocher l’IUT FV de l’Université de Dschang au Cameroun et l’OUAS de Wolfburg en Allemagne, le Prof. Christian Kouam a mis toute son énergie. Ancien étudiant de la première institution, il part de là pour passer un diplôme d’ingénieur de construction automobile dans la seconde. Puis, travaille 11 années chez Volkswagen à partir de 2003. Il a notamment œuvré à l’avènement de la

« Touareg » en s’occupant des serrures. En 2015, il crée à Douala la Autohaus VW Cameroon, l’entreprise concessionnaire exclusive de la marque automobile allemande au Cameroun. C’est le déficit en mécatroniciens pour intervenir dans le processus de l’aprèsvente automobile qui le pousse à peser de tout son poids pour qu’une formation de niveau universitaire puisse voir le jour dans ce pays de l’Afrique centrale.

Business Management 53 Nov - Déc 2016 AFRICA


Découverte Les fondements de la discipline

Les premiers étudiants en mécatronique automobile à l’IUT FV de l’Université de Dschang.

La mécatronique est une discipline qui intègre la mécanique, l’électronique, l’informatique et l’automatique. « Il y a un grand besoin en mécatroniciens automobiles. Les voitures sont de plus en plus embarquées de systèmes électroniques, automatiques, etc. Beaucoup d’Africains ont par exemple des véhicules dotés de connexion internet par wifi et ils ne savent pas comment cela fonctionne. Bref, ils ne savent pas ce que l’industrie automobile propose en matière de systèmes embarqués », affirme le Professeur Christian Kouam. Une façon de dire que les mécatroniciens sont indispensables dans le service de l’après-vente automobile. Ils constituent les compétences à partir desquelles des usines d’assemblage de véhicules peuvent continuer de prospérer sur le continent. D’après le site mecatronique.fr, « cette discipline dans l’automobile constitue un enjeu stratégique pour toute la chaîne des fournisseurs concernés par cette industrie, car elle concerne la conception du véhicule et de l’ensemble des fonctions ». Les construc-

Management 54 Business Nov - Déc 2016

AFRICA

teurs aujourd’hui conçoivent leurs voitures avec les systèmes mécatroniques. « La conception mécatronique permet un lien intelligent entre les systèmes de liaison directe au sol (roues avec des roulements instrumentés à codage magnétique) et les dispositifs de commande (volant et direction). Tous les paramètres entrent en interactions avec la prise en compte des données physiques réelles (vitesse, angle de la roue) et des commandes générées par le conducteur par le volant et la direction. Le pilotage fin en temps réel et les instructions données par les commandes et les systèmes électroniques dépendent à la fois du comportement réel du véhicule et de la volonté du conducteur. Ces principes constituent le fondement des systèmes de contrôle électronique de stabilité et des directions assistées électriques évoluées », précise ce site internet spécialisé. En 2012, le constructeur français Renault crée à Tanger, au Maroc, Renault Tanger Méditérannée. L’usine, qui emploie un peu plus de

5000 personnes, fait de la carrosserie-montage et de la mécanique. Pour s’assurer d’avoir les compétences nécessaires au vu de la loi du travail en terre marocaine, la multuinationale met en place, dès 2011, l’Institut de Formation des Métiers de l’Industrie Automobile (IFMIA) à Tanger. Dans plusieurs pays africains, la formation n’a pas précédé la venue des concessionnaires ou des constructeurs. La Société de Transformation de bus (Sotrabus), constructeur de bus à Douala, recherche toujours, sans pouvoir les trouver, divers profils de la construction automobile, sans pouvoir les trouver sur le marché camerounais. Il appartient donc aux Etats de créer des parcours de formation dans ce domaine qui, disent les spécialistes, a un avenir en Afrique. La preuve, c’est que les usines d’assemblage prennent corps dans les pays que l’industrie automobile considère comme stratégiques. Réduire le chômage astronomique qui frappe la jeunesse du continent peut pousser le gouvernement à se mettre à jour sur ce segment.





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