ANNEXE Carnet d’Observations du 104 et de ses usagers, entre Août et Décembre 2017
Marie Antoinette RULLIÉ
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Ce travail prépare la partie II du mémoire. Il est la retranscription de mes observations, de mes croquis et schémas, ainsi que des entretiens. Au début, mes observations étaient peu précises, de simples constats, des descriptions de faits réels. Ces premiers relevés sur le terrain m’ont permis de construire l’objet théorique possible par la méthode de la transduction expliquée dans la première partie du mémoire. En effet, plus j’avançais dans mes relevés, plus j’affinais mes problématiques qui menaient toutes, finalement, à cet objet théorique qu’est l’habitus créatif. L’habitus créatif n’est pas seulement l’attitude de créer dans un espace public et social, c’est aussi l’émulation provoquée par la pratique collective. Ces relevés confirment les trois hypothèses de l’habitus mais enrichissent surtout le sens du terme « créatif » dans une mesure que je n’avais pas tout de suite comprise.
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Le mois d’Août
En vrac
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de Jourdain au 104
Parcours 6
En passant par la ruelle à droite de l’église de Jourdain, la rue Palestine. Rue moyennement étroite, peu bâti, une école, une rue sans issue pour les voitures, rejoignant la rue des Solitaires pour les piétons. Allée de petites maisons mitoyennes sur deux étages, familles qui discutent au milieu de la ruelle piétonne, le soleil brille, les gens semblent contents. Rue des annelets, grand immeuble de logement à droite, avec un alignement différent, laissant place à un jardin : « Jardin et propriété PRIVÉS». Escaliers, la rue de Crimée est une trentaine de marches plus bas. En longeant le parc des Buttes Chaumont, longue descente qui laisse voir plusieurs paysages, plusieurs bâtiments, plusieurs populations. Tout d’abord, rien, à côté des Buttes Chaumont, juste de grands immeubles en face avec des rez-de-chaussée aveugles la plupart du temps, rue Manin, puis des immeubles de 4 étages de part et d’autre de la rue. On voit moins le ciel. Ce tronçon est habité, magasins sur la rue, meubles sur la rue, matelas dans la rue, abris de fortune… Façades tristes, noircies, sans doubles vitrages, puis peu à peu les façades s’éclaircissent. Avenue Jean Jaurès Arrivée sur les quais, ça grouille de monde, c’est samedi après midi, il fait beau. Des gens en voitures, en scooter, à vélo, à pied, avec des écouteurs, sans écouteurs, qui marchent en parlant, qui marchent en téléphonant. Traversée du pont. Il se lève des fois, pour laisser passer les bateaux. Architecture plus récente, avec la Criée, apparition de tours, des boites percée de trous, les trous ce sont les fenêtres. Ça reste ponctuel, mais c’est là quand même. Rue Riquet, vertige, c’est haut, c’est gros, c’est imposant. Il faut lever la tête pour regarder les bâtiments. Résultat de la mégalomanie des années 70 ? Combien de friches détruites pour créer ça ? Voies de garages béantes sur la rue, gamins qui jouent au ballon. Et en arrivant à l’embranchement de la rue Curial, aveuglement. Une tour, plus haute et plus brillante que les autres, accompagnées de ses grues. Elle revêt une robe argentée, une façade d’acier. On ne voit que ça, on ne remarque pas, devant nous, derrière les arbres, la discrète façade du 104, si bien implantée à cet endroit ci, sans dégouliner, sans choquer, sans s’imposer. Le 4 apparaît entre les feuillages. Façade en brique et enduite, hautes fenêtres, menuiseries blanches, grilles, musique, rires.
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dans le 104
Parcours
Beaucoup de personnes, bien plus que dans la rue, et de toutes origines, de tout style, de tout âge. Escaliers, cour à l’anglaise, œuvre en installation. Première halle, avec une placette centrale, décollé des galeries latérales, plus hautes de 5 marches avec une grande hauteur, sous la verrière. Lumineux, monumental, grandiose même. Des danseurs, des jongleurs, contorsionnistes avec leurs écrans noirs réfléchissants pour miroirs. Et dessous, le trou, le trou sous la placette, le trou sous la scène. Avec la rampe, derrière, originalement pour mener les chevaux à l’écurie en sous sol. D’ailleurs, en se penchant pour voir le vide entre le plateau et la galerie, il y a encore les linteaux cintrés en briques, murés aujourd’hui, parkings aujourd’hui. Le trou sous le plateau, il est rempli de cartons, une œuvre de carton. En longeant la placette, les coulisses, ces galeries latérales, de hauteur sous plafond plus basse, moins lumineuses. Elles ne sont pas sous la verrière, elle ne sont pas la scène. Restaurant, garderie, toilettes, distributions, fonctionnalités indispensables mais pas autant célébrées que l’expression artistique pure.
Rue Curial Cour à L’anglaise 8
Placette
Cour de l’H
Horloge
Nouvelle scène, ou plutôt nouvel amphithéâtre, en installation là encore. Des gradins démontables, financés grâce à un budget participatif. Les bancs ont l’air confortable, les gradins ont l’air plutôt simple à monter… ils se plient et se déplient en accordéons, montés sur roulette, on les déplace. Ce chantier d’installation masque la grande porte qui donne sur la cour de l’horloge. À gauche, une petite cabane en bois amovible jaune dans laquelle sont entreposés des livres. Bibliothèque participative, un emprunt égale un retour, de n’importe quel livre. A droite, jardinet, terrasse, danseurs, performeurs, qui s’exercent, encore et encore. C’est bruyant, il y a des transats, des chaises pliantes en bois et en tissus, comme à la plage. Mais comment se détendre dans ce vacarme ? Il y a aussi des bancs, comme dans la rue. Chacun son style, chacun sa musique, chacun sa danse. Dans la halle ouverte d’Aubervilliers résonnent les dissonances. Ambiance très différente de celle du plateau. Au milieu de la halle, « Zone technique en montage ». Œuvre en perpétuelle construction. Au fond de la halle, une sorte de pont roulant, comme on en voit sur les chantiers navals, ou les usines tout simplement. Support de lumières, la seconde halle est aussi une scène, mais extérieure cette fois-ci. Le sol, du béton ciré, avec des points bleus, des blancs, des tirets, des angles, c’est bien une scène. Troisième cours, la cours d’Aubervilliers, déserte.
Rue d’Aubervilliers Halle d’Aubervilliers 9
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Mardi 7 novembre
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16 h 20, Sur la placette
16 h 28, Dans la halle Curial
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Je regarde, comme spectatrice, sur le côté droit de la placette. Il y a deux groupes qui dansent avec une seule musique qui s’élève, assez forte mais pas trop. Il y a beaucoup plus de monde dans la seconde partie de la halle Curial, je crois que je n’ai jamais vu cet espace si bondé. Dans la seconde partie, on entend une musique différente. Les deux musiques, celle de la placette et celle de la seconde partie de la halle ne rentrent pas en conflit, ça va. Une musique = Un espace. Je constate que c’est plus respectueux que ce que j’avais observé cet été en extérieur. Deux grands groupes s’exercent : un premier de cirque et un second de country, avec des petites « mamies » asiatiques. Et quelques acteurs dont on entend les répliques s’élever en passant près d’eux. Les acteurs sont assis par terre, ou debout, discutent ou répètent mais sont principalement sur les côtés, proches des poteaux, accrochés finalement à cet élément structurel. Les jongleurs sont au milieu et s’étalent pour effectuer leurs tours. Les petites dames sont dans le fond, proches de la grande porte, avec là aussi leur propre musique. Finalement, on peut diviser l’espace en trois espaces sonores, qui ne rentrent pas ou très peu en conflit. Certains jongleurs ont des écouteurs, ils se créent leur propre espace sonore. Ils sont trois seulement.
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16 h 40
N’importe quel élément dans l’espace peut servir d’accroche, un panneau d’information, un poteau, mais pas un mur. Les murs sont dans la circulation, personne ne stationne dans la circulation.
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16 h 54 Dans la seconde cours
La seconde cours, plus silencieuse encore... Écouteurs, écrans noirs, individualité. Chacun répète son art de son côté, avec soi même. Il fait 9°C.
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Mercredi 15 Novembre
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15 h 24, dans la première cour Les éléments d’accroche : les escaliers, on s’assoit, on observe, on attend, on discute, on fume, on danse. Il y a quatre hommes qui dansent en face. Il y a un homme qui rentre avec une poussette. Il y a une femme qui sort avec un rouleau de carton. Les hommes qui dansent du hip hop mettent «Happy » de Pharrell, et commencent à danser. Dans le même temps, deux jeunes filles rentrent, montent les marches et chantonnent la chanson qui passe. Ils répètent trois fois le même passage. Les deux jeunes filles s’arrêtent, et se mettent à les filmer. Derrière moi, deux amis se prennent en photos, avec les danseurs pour décor : « tu mets sur « Insta » la photo » Les deux jeunes filles (toujours les mêmes), vont voir le groupe de quatre danseurs. Puis les filment, mais sans la musique, ils dansent. Une femme sourde passe devant moi, je le sais puisqu’elle est sur Facetime et qu’elle parle en langue des signes, mais aussi parce que ses deux enfants hurlent pour qu’elle avance et elle ne réagit pas, absorbée par sa conversation téléphonique.
15 h 40 Les danseurs ne dansent plus, la cour est déserte.
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15 h 45, Sur la placette
Je ne peux m’empêcher de remarquer que le centre géométrique de la placette est vide. Les danseurs s’accrochent aux rares éléments qui entourent l’espace et les groupes se déploient plus facilement dans l’espace. Première raison, leurs affaires sont accrochées aux gardes corps, posées sur des petits volumes carrés (à vérifier l’usage), ou bien sur les quelques transats répartis ça et là, dans lesquels sont assis parfois leurs amis. Il y a plusieurs types de danseurs, et plusieurs types de spectateurs. Il y a ceux qui viennent en groupes mais qui dansent solo Il y a ceux qui viennent en groupe mais qui dansent ensemble Il y a ceux qui viennent seuls et qui dansent seuls Il y a ceux qui viennent seuls et qui rencontrent et partagent avec les autres. Dans les spectateurs, Il y a ceux qui passent sur le côté, qui regardent cinq minutes, puis qui continuent. Il y a ceux qui viennent sur la placette, qui s’assoient et qui révisent Il y a ceux qui sont venus avec leurs amis qui dansent, qui attendent, discutent et regardent à l’occasion. C’est majoritairement masculin. Il n’y a que des danseurs sur la placette, et les jongleurs et acteurs sont tous dans l’autre partie de la halle. Je me mets au milieu de la placette. Il y a trois groupes de danseurs, un premier, à ma droite, tous habillés en noir, on dirait qu’ils font du mime, ils s’échauffent, à deux, à trois ou seuls. Un second, à ma gauche, plus du hip hop, en chorégraphie de groupe, ils viennent de finir, ils débrieffent et papotent tout en échangeant quelques astuces. Dans ma diagonale gauche, le troisième groupe, avec là un fan club assez important. Ils sont cinq danseurs à se relayer en impro de break danse.
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Et puis après s’égrènent un, deux, trois danseurs solos, puis un couple de danse de salon. Il n’y a pas d’écran noir.
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16 h 12 Petite aventure
Il y a un câble au dessus de la placette. Il la traverse dans la largeur, un peu décalé du centre, à droite, au dessus des danseurs-mimes. Je comprends maintenant pourquoi les jongleurs ne viennent pas trop sur la placette. Ça n’est pas tant une histoire de place, mais plutôt de praticité. À ce câble est accroché un nunchaku qui ne devrait pas être là normalement. Quelques minutes avant, l’acrobate a dû le lancer un peu trop haut et il est retombé sur ce câble, à quatre mètres de hauteur pourtant. Il revient, avec un monocycle haut, et deux compagnons. L’un a une perche et un chapeau, l’autre, les mains vides. Ils tentent de le décrocher avec la perche d’abord, sous le regard curieux des danseurs. La perche est trop flexible, ça ne fonctionne pas. Ils optent pour une autre solution. Le plus petit des trois monte sur le monocycle, assis et titille le nunchaku avec la perche. Échec là encore. Ils se mettent à trois, le même acrobate monte sur le monocycle encore, les deux autres le maintiennent avec difficulté. Deux danseurs-mimes leur viennent en aide. Le petit se met debout et finit par récupérer l’objet. Tout le monde sourit et applaudit sur la placette. Belle preuve de coopération, d’entente et d’interaction sociale. Et chacun revient à son activité.
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Le temps passe vite sur la placette, il est 16 h 30 Je me balade, vais jusqu’au fond de la halle d’Aubervilliers et reviens. J’ai toujours cette même impression, plus j’avance, plus c’est silencieux. Un peu comme la coupe sensible que j’avais dessinée pour le rendu de septembre.
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Mardi 21 Novembre
Mauvais jour pour dÊcrire l’habitus
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C’est un mauvais jour pour décrire l’habitus créatif du lieu, mais un bon exemple pour confirmer les hypothèses de l’habitus. Aujourd’hui, il y a un salon du numérique, qui prend tout l’espace de la halle Curial, qui chamboule tout, tout le calme habituel du Centquatre. Le calme habituel, c’est à dire la musique, les vers d’un drame, les bruits de pas, de glissades, etc. Aujourd’hui, c’est plutôt un brouhaha. C’est bondé. L’espace central, qui est normalement habité par les danseurs, vide de mobilier mais plein de gestes et de vie, est dorénavant une sorte de showroom géant, où chacun a son stand, avec sa petite pancarte, son ordinateur, et ses trois assises hautes, des tabourets. La placette est le lieu d’accueil des visiteurs et intervenants. L’arrière, un alignement de tables pour chacun des intervenants, jusqu’à une petite scène, devant la porte centrale, où se tiennent de petites présentations que personne n’écoute. Il y a énormément de monde, plutôt des jeunes. Une majorité de 20-25 ans environ, mais aussi beaucoup d’adolescents, en visite scolaire pour le salon. Les danseurs, les acteurs, se cachent ça et là dans les espaces qui restent. On dirait qu’on a poussé tous les meubles pour organiser une grande fête. Les œuvres sont entourées de ruban rouge et blanc de sécurité, les marches, les installations, tout est protégé pour ne pas casser le vase de maman ou détruire le fauteuil de papa. Revenons aux artistes, les occupants originaux du lieu. Ils sont moins nombreux, reclus dans les espaces restants, qui ne sont pas envahis par les visiteurs concernés par le salon du numérique. Deux actrices répètent leur texte dans un coin, accroupies, ce qui leur donne un air vraiment bizarre.
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La halle d’Aubervilliers elle aussi, est toute barricadée, protégée, même les marches sont fermées par un cordon, si bien que les gens qui entrent et qui sortent parce qu’ils travaillent là, sont obligés d’enjamber cette sécurité. À droite, des œuvres sont en installation/désinstallation. Et toute la zone de déménagement, barricadée elle aussi. Ce qui ne laisse plus qu’environ cinq mètres entre le bas des marches et le cordon. Dans cette épaisseur viennent répéter plusieurs groupes : le cirque et leurs acrobates, deux groupes de danseurs, de rares acteurs, et des participants au salon qui viennent manger là. Et des gens traversent la halle. Il fait froid, les acteurs sont couverts. Malgré tout, quelques uns se mettent en chaussettes pour mieux glisser sur le sol de béton lisse et froid.
« J’ai plus d’interactions sociales en venant m’entrainer ici »
« On peut échanger, regarder les uns et les autres, c’est intéressant, mais aujourd’hui, on n’a pas de place et il fait vite froid »
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Employée du 104, 30aine
Entretien
ELLE Vous cherchez quelque chose, je peux vous aider ? MOI Je suis un peu embêtée, j’étais venue pour voir les danseurs, qui
sont sur la placette et dans la halle, et aujourd’hui, il y a ce salon. Ils étaient au courant, les danseurs ?
ELLE Ah vous parlez de la pratique spontanée ?! Oui, c’est vrai, aujourd’hui
ça n’est pas le bon jour, il y en a quand même ici et là, mais ils n’ont pas de place et il fait froid. Normalement, dans cette situation, on leur réserve un atelier, l’atelier 6, mais il était pris pour un spectacle, ce sera mieux demain, je vais vérifier et je vous dis ! Elle va vérifier sur un planning à l’accueil, à côté de nous. Oui demain ça ira mieux, l’événement sera fini, vous pourrez les voir, il y en a plein, des danseurs, des jongleurs…
MOI Et des acteurs ? Et ça se passe bien, toute cette pratique spontanée en même temps ?
ELLE Ah oui, les acteurs aussi ! Oui, ça se passe très bien, tout se fait dans le respect, ils se connaissent tous, s’entraident, c’est très sympa. Mais les acteurs c’est les pires, c’est horrible… Enfin pardon mais, je pense surtout aux premières années ! Le cours Florent est juste à côté vous savez, et du coup, ils viennent répéter ici, mais ils sont nombreux, et il jouent tous du drame et mal. Ils n’ont qu’un seul mot d’ordre, parler fort et articuler et c’est pénible. Heureusement, il y a les danseurs qui arrivent, qui mettent le son et là, ça va tout de suite mieux. Les théâtreux, enfin pardon, les acteurs, on les aime bien hein, c’est juste qu’ils sont beaucoup parfois. Ils peuvent se jeter 25 fois dans les escaliers comme ça, pour le jeu, et on leur dit de ne pas faire ça mais bon... En plus, vous savez, il y a un bar juste au coin qui s’appelle le Zorg, et ils y vont tous parce qu’il y a une grande terrasse, si vous voulez leur parler.
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MOI En tous les cas, c ‘est super d’avoir ouvert un espace comme ça, ça fait combien de temps, ils allaient où avant les artistes qui dansent ici ?
ELLE Ah, on fête nos dix ans bientôt, mais je sais que les trois premières
années ça n’a pas marché, jusqu’à la nouvelle direction de Gonçalo (…), qui a ouvert cet espace à la pratique spontanée. Avant, et encore aujourd’hui, quand il y a trop de monde, les danseurs vont aux Halles. Ils se connaissent tous.
MOI Mais comment on ouvre à la pratique spontanée ? ELLE Je ne sais pas exactement mais je crois que c’est du bouche à oreille,
c’est allé très vite. Comme ils étaient tous aux Halles, ça s’est su très vite. Il y en a, ça fait des années qu’ils viennent ici. Et puis c’est aussi pour ça que le Centquatre est connu aujourd’hui, pour la pratique spontanée. Pour les gens qui viennent danser et les spectateurs qui viennent regarder. L’espace est grand, il était vide, c’était vraiment idéal pour créer ça. Après moi je ne travaille pas ici depuis le début. Revenez demain, ça sera plus calme vous pourrez voir les danseurs !
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Et réflexions ...
Retour
Rappelons les trois facteurs de l’habitus, ses trois hypothèses : Hypothèse 1 : l’habitus est issu du lieu Hypothèse 2 : l’habitus est issu d’une pratique collective Hypothèse 3 : Scission entre conçu et vécu, donc réadaptation. Aujourd’hui, l’évènement a transformé le lieu, il y a eu une rectification de l’espace. Cette transformation de l’espace s’est aussi opérée dans l’espace social. Les usagers du Centquatre ont changé de visages, de centres d’intérêt et surtout, ils n’ont pas la même pratique de l’espace. Le vide, dédié aux créateurs s’est rempli de mobilier et de personnes. Les rares usagers créateurs se sont réfugiés dans les espaces résiduels, et leurs spectateurs étaient distraits par l’événement. L’hypothèse 3 est complètement confirmée. La transformation du lieu a engrangé, d’une part, un abandon partiel. D’une centaine de personnes la semaine précédente, le même jour à la même heure, il n’en restait plus qu’une vingtaine. Deux grands groupes d’une dizaine de personnes, et plusieurs petits de deux ou trois personnes maximum. Et d’autre part, l’événement a induit une rectification : les groupes restants se sont adaptés, en occupant l’espace extérieur qu’il leur restait dans la halle d’Aubervilliers. Au vu des différentes observations, voici un classement des espaces préférés des artistes, à confirmer avec eux :
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Mercredi 22 Novembre
Visite avec ma soeur Charline, 21 ans, Êtudiante en histoire de l’art
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On refait le parcours, depuis Jourdain jusqu’au Centquatre « C’est encore loin ?» On arrive devant Emmaüs, juste en face du Centquatre « C’est encore loin ? Tu m’avais dit à côté de la tour !» C’est vrai que lorsque l’on ne connaît pas, on ne remarque pas la discrète façade du Centquatre, malgré le gros « 104 » écrit en blanc, et le caractère plus ancien du bâtiment par rapport à ses environs. Ce n’est qu’arrivées devant les premières grilles que l’on s’extrait du bruit de la ville et que l’on commence à entendre de la musique, des rires, des conversations, en résumé, de la vie. Deuxième grille, de la musique, deux danseurs de hip hop, un homme une femme. C’est comme si l’on passait devant une vitrine animée. Ma sœur est en joie, fascinée, elle sourit. On rentre, on flâne, je la suis.
CHARLINE Ouah, c’est génial, tu m’en parlais, mais je n’imaginais pas ça comme ça !
MOI J’en parlais mal ? CHARLINE Non, C’est pas ça, c’est juste que c’est la première fois que je vois un endroit comme ça, c’est moi qui l’imaginais mal. »
Espace si original, que même en le lui décrivant, elle ne l’imagine pas. On se dirige directement vers la seconde partie de la halle couverte. Charline me montre le muret derrière nous.
CHARLINE On peut se poser ? S’asseoir ? MOI hausse les épaules, Si tu veux, je ne sais pas.
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Elle s’assoit, et observe. Elle me fait remarquer que les danseuses à notre droite communiquent en langue des signes et que des acteurs répètent à côté de ces dernières sans les déranger.
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Femme, Acrobate, 25 ans
Entretien
A notre gauche directe, il n’y a pas grand monde. Juste une jeune fille qui parcourt dans sa largeur l’espace entre les poteaux, sur des rollers à quatre roues, montées sur des baskets « Adidas ». Elle est très gracieuse. Plus vers le fond, il y a beaucoup de « circaciens », c’est ainsi que les danseurs les appellent. Ils sont acrobates ou jongleurs, sur rollers, sur monocycle ou sur les mains. Ils s’entrainent en groupes, toujours dans la seconde partie de la halle Curial (lorsqu’il y a de la place), et quasiment tous les jours, je m’en rends compte.
ELLE Ça fait des années que je viens ici, c’est un espace libre et gratuit.
Bon, des fois il y a des salons, des trucs comme ça, mais la plupart du temps c’est libre. On a de la place, on peut venir quand on veut.
MOI Est ce que tu fais partie d’une école de cirque, avec les autres personnes là bas ? En montrant le fond de la halle
ELLE se retourne rapidement - Non, on vient tous s’entrainer indépendam-
ment, et après on se fait des potes à force de venir. Moi j’ai pris des cours particuliers ici, j’en donne aussi parfois, c’est pratique, on rencontre des gens, on crée des liens. Mais non, ça n’est pas une école.
MOI Tu connais tout le monde ? ELLE Non, pas tout le monde ! Même si je viens ici depuis l’ouverture au
moins. Mais il n’y a pas que ça, il y a aussi des spectacles, avec la programmation là bas - elle pointe du doigt le mur en face où sont affichés les évènements de la saison d’hiver 2017-2018
MOI Et les gens qui se produisent ici, ils répètent ici ? (pas compris la question ?)
ELLE
Non, eux ils sont peinards dans les salles de répétitions qu’il y a en bas !
MOI Tu t’es déjà produite ici ? 42
ELLE Non, je n’ai pas ce niveau et je n’ai pas de compagnie. MOI Tu allais où avant le 104 ? Tu connais d’autres lieux comme ça ? ELLE Non, c’est le seul, aussi grand, libre et gratuit, à Paris et même dans le monde entier, vous n’en trouverez pas d’autres comme ça !
Je ressens chez elle une certaine fierté à pratiquer ici, à être coutumière du lieu, à faire partie de cet espace, chez cette jeune femme. Elle nous a répondu avec le sourire, de la gentillesse et nous a très rapidement orientées vers d’autres évènements qui pouvaient se dérouler ici. On se balade, on discute, on observe.
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17 h 38
Charline veut bouger, elle m’entraine vers l’entrée, là où nous avions vu les deux premiers danseurs et elle s’assoit. Visiblement plus à l’aise que moi, elle va spontanément vers les deux danseurs pour leur parler.
CHARLINE Vous dansez super bien, vous m’avez donné envie de rentrer, quand je suis passée devant.
ELLE Ah ! ah ! merci, il est trop ouf cet endroit pour ça. CHARLINE Ouais c’est cool ! C’est toujours comme ça ? ELLE Ouais ouais c’est toujours comme ça, et ils font pas mal de trucs à l’intérieur aussi !
Là encore, les danseurs spontanés (nous les appelerons comme ça dorénavant, suite à l’entretien avec l’employée du Centquatre) nous renvoient aux évènements, en tant que spectatrices. Sourire, rire, décontraction.
MOI On peut vous regarder, ça ne vous dérange pas ? ELLE Non pas du tout ! Et ils se remettent à danser.
18 h 17
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On va prendre un verre, le café est désert. Nous nous plaçons face au bar. Il y a deux personnes à notre droite. Vraisemblablement, elles travaillent au Centquatre, parlent de la programmation artistiques et des prochaines affiches à réaliser. C’est une réunion informelle. Sinon, nous sommes toutes les deux.
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Hors des horaires, de l’espace central
Le cours de théâtre
19 h 30
Rendez-vous pour un cours de théâtre dans un des ateliers du 104 avec La Villette. Je sors du Grand Central. Le Centquatre s’est vidé, il n’y a plus que quatre personnes sur la placette. Il ferme à 19 h, y a t’il eu une annonce ? A voir lors d’une prochaine visite. Quatre autres personnes s’attèlent au nettoyage du sol. Consciencieusement, elles quadrillent le béton lissé de la placette et de l’espace de « pratique spontanée » armées de leurs serpillères. Comme quoi, c’est propre. Je retrouve le groupe devant le contrôle des sacs, à l’entrée. La prof de théâtre s’appelle Rose, elle me demande sur quoi porte mon mémoire. Je lui explique rapidement qu’il s’agit de l’attitude de création dans un espace public, pour faire large et simple.
ROSE Vous allez voir, les ateliers au Centquatre, c’est pas la salle qu’on a à l’école, c’est le luxe. On est posés, c’est vraiment trop bien !
ÉLÈVE Comment ça se fait qu’on puisse répéter au Centquatre ? ROSE C’est parce que mon asso s’est déjà produite ici, donc je connais
bien Sonia, la responsable des relations publiques. On n’est pas vraiment dans la légalité, du genre, c’est pas vraiment réservé, parce que je suis plus en résidence, mais comme je la connais bien. Mais être en résidence ici c’est trop le pied. A part les histoires de cartes qu’il faut pas oublier sinon tu te retrouves coincée. Tous les accès se font à l’aide de pass. On remonte à droite, puis on passe la porte « Accès personnes accompagnées » encore à droite, qui mène à une cage d’escalier. Tout le groupe monte. Il débouche, après une autre porte sans accès contrôlé, sur un salon qui donne directement sur la cours d’entrée. Nous rejoignons le studio 13 par un couloir éclairé par des néons roses.
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L’atelier est grand, rectangulaire, de 5 sur 9 mètres au moins ; on rentre dans un coin, face à la façade. La façade est un pan mansardé. Une hauteur allant de 2,5 à cinq mètres sous plafond au moins. Deux fenêtres, de la taille d’une porte, avec un garde corps. Proche de la façade, de droite à gauche : un portique avec des cintres, deux tables, un vieux canapé vert qui a l’air moelleux en velours. Sur les murs, des panneaux de compressé. Sur le mur opposé à la façade, un système de rideaux avec trois cordes, mais sans rideaux, certainement pour fixer des décors. «Aaah, vous avez de la chance, c’est bien chauffé ce soir. Parce que je me souviens, des fois on se les caillait !» Tout le monde s’extasie sur le volume de la pièce. C’est une expérience intéressante, très différente de l’espace commun et libre. Et ça n’est pas le même habitus créatif que celui de la « pratique spontanée ».
Conclusion de l’expérience
En effet, -ça n’est pas public, les conditions d’accès sont restreintes -ça n’est pas aux yeux de tous -ça n’est pas pendant les horaires d’ouverture -ça n’est pas pluridisciplinaire -ça n’entraine pas d’interactions sociales avec des personnes d’un autre groupe - ça pourrait être dans n’importe quel théâtre ou salle de répétition. Ce lieu n’est pas un lieu d’habitus créatif public. Faut il rajouter « public », ou alors la notion de public est incluse dans le sens du mot « habitus » ? Il me semble que oui. Ce n’est pas un lieu d’habitus créatif. Ce n’est pas un lieu de pratique spontanée.
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Jeudi 23 Novembre
Entretien
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Deux hommes, danseurs, 30aine
Entretien
Deux danseurs hommes, 35 ans, qui discutent, échangent des avis sur des pas de danse. Un grand, noir et fin, debout, un autre, blanc et assis sur un transat. La phrase d’approche, « Bonjour, je viens de découvrir cet endroit, comment l’avez-vous connu, vous ? Vous êtes avec une école ? »
DEBOUT Moi, j’ai appris par le bouche à oreille, c’est un endroit libre ici, ouvert, pour tout le monde, les danseurs, les « circaciens »…
ASSIS Il y a aussi les cours Florent qui viennent répéter ici. DEBOUT Il y a tout sauf les cracheurs de feu, on peut pas pour des raisons de
sécurité vous comprenez, parce que sinon, il pleut ici, vous savez … avec les trucs là…
MOI Le système incendie ? DEBOUT Oui c’est ça, il y a la structure, et le système incendie, faut pas al-
lumer une cigarette ici, c’est interdit, mais à part ça, tu fais tout ce que tu veux. La dernière fois j’ai vu un mec, il dessinait, il était posé. C’est pluri… comment tu dis, pluridisciplinaire, ouais !
ASSIS Ouais c’est posé ici, tu viens tu danses et tu discutes, tu fais ton truc quoi.
DEBOUT Ouais, la dernière fois je te dis, j’ai vu un mec avec sa sœur, il dessinait, personne l’emmerdait, il était dans son truc. Bon, parfois ça peut être serré, on peut pas trop danser, mais en général ça va, on est posé, on fait ce qu’on veut, il y a des gens qui viennent aussi ici pour les expositions, ou pour manger le dimanche, et puis des familles avec les enfants et tout.
ASSIS Ouais, il y a une bonne ambiance c’est cool. MOI Vous dansiez où avant ? 50
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DEBOUT Avant, je dansais à la Défense, sous la coupole, c’était le paradis, il y avait pas de voyeurisme –il s’adresse à son ami – tu vois tu dansais et personne venait, t’étais tranquille, c’était cool.
MOI De voyeurisme ? DEBOUT Ouais des gens ! Ils viennent avec le téléphone et tout, et il te
demandent : « Hé, fais un truc cool, une démonstration, je te filme », c’est un peu chiant. Moi j’ai dansé de 2007 à 2012, et après j’ai eu le blues du danseur, oui ça existe, et j’ai repris seulement en 2015, ici, et il y en a ici un peu, mais ça va c’est cool, c’est pas comme dans la rue, ou vers Châtelet.
MOI Vous dansiez où ? A châtelet ? ASSIS Bah ouais, maintenant, il y a une place à l’étage, là où il y a Lego et
tout, on va danser là. C’est assez cool, mais pas mal de gens avec leur téléphone et tout.
MOI Ah c’est cool, j’avais pas fait attention, mais sinon, j’ai remarqué que pas mal de gens se connaissaient et tout, vous deux, vous vous connaissiez d’avant le Centquatre ?
ASSIS Non, pas trop, en fait on se croise souvent ici, on fait tous les deux
du hip hop alors vous voyez. Mais c’est vrai ici on peut rencontrer plein de gens, c’est ouvert, c’est posé, bon sauf pour les cracheurs de feu (rires).
MOI Oui, et le lieu est dingue ! Vous connaissez l’histoire de ce bâtiment ? Ce que c’était avant ?
ASSIS Ouais, je connais bien ce lieu parce que je connais les architectes qui
ont fait le projet. En fait c’étaient les anciennes pompes funèbres de Paris. Comme mon père est architecte, il était sur le projet, et j’ai pu visiter le chantier pendant la construction et tout. Et puis j’y suis retourné après, comme je dansais et tout …
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Le grand, debout, est revenu sur la Défense et le fait que chacun pouvait pratiquer son art en toute tranquillité. Je me suis excusée de les avoir dérangés ; ils m’ont dit pas de soucis et sont retournés à leur discussion aussi rapidement que j’ai tourné la tête. Si bien que je n’ai pas tout de suite compris s’il s’adressait encore à moi ou pas. Celui assis a compris mon interrogation, et m’a fait un signe au revoir de la main en souriant pour mettre fin à mon interrogation. Je pense que j’ai été un peu trop intrusive, mais bon … Je m’empresse de tout noter sur mon carnet un peu plus loin, à l’abri des regards.
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Lundi 11 Décembre
L’envers du Centquatre
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Manon D., travaille chez Encore Heureux
Entretien
Manon est l’amie d’amie, elle travaille depuis peu dans l’agence Encore Heureux qui vient récemment de s’installer dans des locaux du Centquatre. C’est au troisième étage, dans le avant-corps de bâtiment côté Curial. L’entrée est sur la cour. Le bureau est au troisième étage. Elle me fait visiter, puis nous nous asseyons dans un petit salon au rez de chaussée.
MOI Tu travailles depuis combien de temps dans cette agence ? Un an ? MANON Euh, là ça fait quatre mois, mais l’année dernière j’avais fait un stage de six mois mais on a déménagé en septembre 20-(hésite)17. Du coup, en gros, j’ai fait deux mois ici et là quatre mois en tout.
MOI Et tu connaissais le Centquatre avant de venir travailler ici ? MANON Euuuh, j’étais venue une fois en tant que touriste, parce que je ne
suis pas de Paris, donc du coup vraiment c’était juste pour voir ce que c’était ...
MOI Quelqu’un t’en avais parlé ? MANON Ma cousine venait souvent pour euuh… MOI Elle danse ? MANON Elle danse pas du tout, elle venait surtout en été, pour s’installer dans les transats et regarder les gens danser…
MOI D’accord, et euh… Comment tu décrirais le Centquatre mais euh… Comme si tu devais le décrire, le défendre en disant à quelqu’un qui le connaît.
MANON C’est hyper dur, on s’est tous posé la question, par rapport au fait
que le lieu fait partie de la biennale de Venise… Les dix lieux qui ont été choisis on ne sait pas comment les décrire parce qu’on arrive jamais à faire retranscrire exactement le fond du lieu mais du coup … j’sais pas trop… Je dirais un lieu culturel à Paris, mais euh… où les
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gens dansent, qui viennent de partout, il y a des gens qui viennent s’entrainer parce qu’il y a le cours Florent qui est à côté, donc il y a des gens qui viennent s’entrainer, faire du théâtre euh… mais après c’est un grand lieu, c’est immense, avec des grandes halles, hyper ouvertes…
MOI Et toi tu le ressens comment, quand tu rentres dans cet espace? MANON Hyper ouvert et hyper accessible… voilà MOI Tu t’y sens bien ou … MANON Bah du coup, en tant que – travailler ici c’est vraiment hyper agréable – même si on va pas vraiment dans les halles, là haut c’est assez cool, c’est beaucoup plus grand que ce qu’on avait avant. Là on a 300 m2 avant on en avait 70… donc l’agence aussi s’agrandit par rapport à ça. MOI Et le cadre ça joue ? MANON Bah oui, ça joue, rien que pendant la pause midi, quand tu descend manger, et tu te rends compte que t’es dans un endroit assez cool. Aussi, vraiment, tu –t’évacues l’idée d’être à Paris, l’idée d’être en train de bosser et là t’arrives, et t’es avec des gens qui ont l’air de s’amuser – en vrai c’est assez cool . MOI Est ce que ça te donne envie d’y aller aussi, de te mettre à la danse où, à une pratique comme ça MANON Personnellement non moi pas du tout, parce que moi je sais que j’ai deux mains gauches et deux pieds gauche alors moi nan pas du tout, par contre j’adore regarder les gens danser. Il y a aussi beaucoup de spectacles le soir où on a accès, à beaucoup, donc, du coup euh, enfin, par exemple c’est mercredi, on va avec Aurélie Amory voir la pièce de théâtre Espaces,
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c’est trop cool, et ça on a des places gratuites avec l’agence donc c’est trop bien MOI Ah ouais ? MANON ouais on est allé voir le cirque…Mais du coup, c’est hyper agréable, parce qu’il y a aussi des choses qui se passent la nuit, des choses qui se passent toute la journée. Le lundi c’est fermé, c’est à peu près vide, mais je me rends compte, au fur et à mesure, qu’il y a quand même des classes qui viennent, et je ne m’en étais pas forcément rendue compte au début MOI des classes ou des artistes résidents qui sortent de leur atelier ? MANON je crois que c’est des classes mais je ne pourrais pas te dire. Après le mercredi c’est hyper drôle, parce que je pense qu’on a un centre aéré qui est à côté ou je sais pas, mais le mercredi on avait Céline Dion qui était à fond tous les mercredi, et c’était toujours Céline Dion, et c’était des petit, enfin, ils devaient avoir entre six et onze ans, et du coup ils gueulaient sous les fenêtres et ils dansaient et je pensais que c’était un centre aéré MOI Et vous n’êtes pas gêné par le bruit du Centquatre ?
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MANON catégorique Si, il y a beaucoup de monde qui râle. À l’agence le fait que – c’est juste que – il y a des boum-boum qui sont hyper récurrents et forts et surtout, hyper répétitifs. Donc quand tu bosses, et que t’es charrette et que – en fait les gens ils arrivent à 18heures pour danser en général – enfin ceux qui sont là, juste sous la fenêtre. C’est toujours les mêmes, c’est toujours la même musique et à 18 heures, c’est le moment où tu commences à être charrette, ou t’es fatigué, ou t’as déjà
déjà passé la journée, et quand tu restes jusqu’à 22 heures, même si ça ferme à 20 heures, ils sont un peu durs. Moi ça me dérange pas trop mais je sais qu’à l’agence ça râle un peu sur ça. MOI Et à qui est ce qu’ils communiquent quand il y a des choses qui les dérangent ? MANON Euuh, bah je crois qu’on a un contact mais ça je saurais pas te dire. Mais par contre je sais qu’ils vont installer un truc qui note le son, à quel point il est fort ou pas, un déci- un déci- je sais pas comment ça s’appelle, pour mesurer les décibels. Et du coup euh… C’est pour essayer de responsabiliser un peu les gens par rapport au fait qu’ils font beaucoup de bruit mais je sais pas quand est ce qu’ils vont le faire, et je sais pas si ça va vraiment avoir un impact sur les gens qui sont là et qui mettent leur musique. Alors là haut, quand on est là et qu’on leur gueule : « Excusez moi est ce que vous pouvez baisser ? ». Ils baissent cinq minutes et ils remettent fort. MOI Oh noon… MANON Enfin, je crois qu’on a pas réellement d’impact et en même temps c’est le bienfait – c’est normal qu’on ait pas d’impact – enfin le lieu il est pas là pour accueillir des gens – enfin pour accueillir des gens qui travailles. Enfin c’est … Une personne entre et nous salue. Nous la saluons en retour. MANON Je pense qu’il faut qu’on le sache… MOI Ouais … Que vous êtes euh… pas les acteurs principaux 59
MANON Non, moi je trouve ça hyper cool d’avoir un lieu à Paris comme ça où les gens ils sont juste libres de faire ce qu’ils veulent, surtout sur le son donc euh … enfin bon MOI Oui c’est vrai qu’ils ne donnent aucune restriction par rapport au son MANON Il est sensé y en avoir je crois mais euh … baah du coup c’est aussi responsabiliser les gens, le truc qui affiche les décibels – je crois que c’est pour les responsabiliser un peu et normalement pour montrer la limite. Nan, mais déjà nan rien qu’avoir le son un peu fort – tu sais que tu peux pas le faire dans ton appart’ la journée parce que y en a qui râlent toujours… MOI Mais ça ils vont le faire que à l’extérieur non MANON Je sais pas, je sais pas du tout. Bah nous on est vraiment dérangés par les quatre personnes qui sont de là à là – trace deux limites virtuelle à travers la fenêtre – MOI Ah c’est vrai, j’en ai déjà vu plein là, danser sur Happy MANON rit Mais par contre moi ce que j’adore sur le lieu c’est le fait d’avoir 14 musiques mélangées à l’intérieur et les gens ils dansent tous à leur manière alors ça c’est… MOI Oui ! MANON assez sympa MOI Et quand vous mangez, vous manger vers où ? Tout au fond 60
MANON on mange là haut
MOI Ah vous mangez dans le bureau ? MANON On mange souvent là haut, sinon on essaie de sortir du Centquatre. Enfin… C’est pas vraiment lié au fait qu’on est dans le Centquatre ou pas c’est vraiment lié au fait qu’à un moment on a besoin d’une pause et on a besoin de sortir MOI Sortir prendre l’air ? Et sortir dans le Centquatre c’est pas prendre l’air ? MANON Non (non appuyé) Après on mange parfois, enfin quand il fait beau – en été – on mange sur les marches dehors mais… Non, enfin rarement dans le Centquatre. On va au café caché mais euh, sinon rarement au Grand Central, c’est encore plus cher mais sinon, maintenant, nan … On va boire des verres au départ au Grand Central les vendredis soirs, et puis après on s’est rendu compte que quand même, le vendredi soir on avait juste envie de sortir – de partir du Centquatre MOI rit MANON Mais c’est vraiment pas lié au fait que ce soit le lieu, c’est lié au fait que… MOI c’est votre univers de travail et tu as besoin de sortir de ça ? MANON Ouais... Et je pense vraiment que… on le vit pas, pas de la même façon que d’autres. Le site… j’imagine L’entretien a duré encore 10 bonnes minutes, mais l’essentiel était dit.
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L’agence
J’ai pu rapidement dessiner le bureau de l’agence. Il est beau, ils ont eu le droit de tout refaire à l’intérieur. Ils ont un ascenceur qui dessert directement leurs locaux. En sortant, on tombe quasiment directement sur leurs espaces communs : la cuisine, la machine à café. On emprunte ensuite un couloir, tapissé d’anciennes portes avec leurs poignées, pour déboucher sur une salle de réunion, ou pause déjeuner. Elle est éclairée de manière zénithal. Quart de tour à droite, et on tombe sur l’open space, traversant, lumineux, avec au bout, les boss.
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Le Centquatre un lundi 64
Environ 15h
Je sors de l’entretien, je reste à flâner, à profiter qu’il n’y ait personne pour prendre des photos du lieu vide. Il est désert, mais pas vide. Il y a une classe, de 8 personnes, 8 adolescents qui occupent la placette. Avec des cordes, ils expérimentent l’espace et la mesure je crois. « Bon, on fait le triangle équilatéral ? - La corde à 12 longueurs identiques alors… - 3x4, 12 !! - On fait des côtés de 4 ! » Derrière la maintenance tape sur des pièces métalliques, fait du bruit. La classe range et s’en va « rejoindre les autres ». Quels autres ? La seconde partie de la halle Curial est encore occupée par une scène et les gradins, je l’avais déjà vue mercredi dernier il me semble.
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Mercredi 13 Décembre &
Samedi 16 Décembre
Représentations
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Représentation de théâtre
Mercredi -
19h45
Il est temps d’assister à une représentation au 104. La représentation se déroule dans la seconde halle. On est en retard (pour changer), c’est l’enfer pour avancer dans le Centquatre. Des dizaines de personnes font la queue pour s’i nstaller dans les gradins rétractables de la scène éphémère, halle Curial. Et nous ? On est où ? Je remarque tout de même qu’il y a encore quelques danseurs sur la placette qui s’exercent. On finit par trouver. C’est une petite salle, je ne saurais dire la taille exacte. Des chaises sur trois niveaux sont disposées sur les 3 côtés d’un espace central, ce dernier qui doit être la scène. « Ils ont tout construit eux même » dit le régisseur à une personne « Ils sont chauds ». On est devant, au même niveau que les acteurs, dans une salle improvisée, éphémère mais totalement équipée pour donner lieu à un spectacle de qualité, sons et lumières inclus. Ça ne décrit pas l’habitus, mais c’est tout de même intéressant et divertissant.
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C’est un échec. Le samedi, c’est différent du mardi, ou du mercredi, les jours où j’ai l’habitude de venir. On sent l’atmosphère différente, les artistes ne changent pas tous, mais ils sont plus nombreux. Les spectateurs surtout, ils sont beaucoup plus nombreux, armés de leurs appareils photos et caméras. Ça m’a fait tiqué en rentrant. Avec leurs objectifs énormes… Ajouté à cela les préparatifs de la Nuit du Centquatre. La placette est fermée, la seconde partie de la halle Curial est restreinte aussi, en raison de la scène. Les techniciens préparent et installent, font les balances et uniformisent la musique à leurs seuls « test test » et rythmes de percussions graves. Les artistes sont tous ramassés dans l’atelier 6, dehors dans le froid, Ou bien encore dans les espaces latéraux, à côté des toilettes… Pour faire le grand saut de l’autre côté, ça n’est pas idéal. On décide de reporter à mardi. En attendant, on profite. Les installations dans la halle d’Aubervilliers sont ouvertes, c’est la première fois que je vois la « passerelle balançoire » (je l’appelle comme ça, honte à moi, je n’ai pas relevé le nom de l’œuvre). Il y a aussi une machine à barbe à papa géante ! Je me rends compte que c’est ce que j’ai vu s’installé le mercredi précédent. Les gens sont fous, dès qu’elle se met à marcher et qu’ils comprennent, ils s’empressent d’attraper un filament de sucre et à l’enrouler autour de leur doigt jusqu’en avoir une énorme boule. Attraper les amuse plus que manger. Ils redistribuent après. Des grands aident les plus petits à attraper les fils, ceux qui ont beaucoup partagent avec ceux qui veulent seulement en manger… C’est très convivial.
Samedi -
14h00
Préparation d’un concert
Première tentative de vécu en tant que créateur au 104.
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Mardi 19 DĂŠcembre
Dessine-moi un Centquatre !
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Installation
14h00
Ça y est, c’est le jour J, le grand saut. Je suis revenue avec Marin. On s’installe, je prends quelques notes, comment est l’espace ? Coupé en deux, il reste quelques vestiges du concert du samedi précédent, en l’honneur de la Colombien. Une énorme structure métallique, épaisseur technique, coupe de la vue de la placette et ferme l’arrière de la halle. Il y a des jongleurs, des danseurs, tout est revenu à la normal ! J’étale mon matériel devant moi et je me mets à dessiner. Mon plan : 1. Me sentir à l’aise 2. Faire une pancarte « Dessine moi un 104 ! » 3. Interpeler les gens s’ils ne viennent pas d’eux mêmes
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Attirer l’usager à soi
Entretiens
1er – Victor, danseur, il s’approche curieusement, il veut dessiner. Je lui explique rapidement ma démarche
VICTOR Ouais ça m’intéresse ouais ! J’aime bien dessiner ! ça fait un mo-
ment que j’ai envie de faire ça pour le Centquatre, mais je savais pas trop comment !
MOI Bah, vas y installe toi, j’ai tout ce qu’il te faut, ici il y a des fonds, il y a tout
VICTOR Je vais chercher mes affaires je reviens. Il revient, s’installe. Il pose sa veste par terre et s’allonge dessus. Je lui montre les différents supports, les calques, il me dit que non, il veut dessiner directement sur les photos. Je les lui donne pour qu’il choisisse.
VICTOR Ok – il regarde les différentes photos MOI Tu veux la placette ? VICTOR Ouais MOI Et… si tu veux j’ai du journal aussi. VICTOR Non, moi j’aime pas couper ou quoi, je veux juste dessiner – je lui tends un crayon qu’il saisit
MOI Tu veux le tailler peut être ? et après j’ai des feutres … VICTOR Et après qu’est ce que vous allez en faire de tout ça ? MOI Je vais le montrer, le mettre dans mon mémoire pour montrer comment toi, qui vient danser ici, tu vois le Centquatre, et aussi pour montrer l’imaginaire que toi et d’autres vous avez du lieu. Ça fait un moment que j’étudie le Centquatre, j’ai mes observations personnelles, mais il fallait aussi que je revienne vers les gens et que je leur demande. 74
VICTOR Ah c’est cool ! Mais tu viens souvent ? Je ne t’ai jamais vu… MOI Si si … mais je sais me faire discrète. C’est la première fois que j’ose me mettre ici et dessiner comme ça, en étalant tout.
VICTOR C’est cool, en plus moi j’adore dessiner Quelques minutes s’écoulent, on dessine
MOI Ça fait longtemps que tu viens ? VICTOR Oui, plutôt, presque trois ans. Après je suis parti un an de Paris et je suis revenu
MOI Et t’as appris à danser… non pardon, tu as commencé à danser au Centquatre ? On apprends pas vraiment à danser c’est vrai …
VICTOR Oui c’est vrai, rit, ouais, non, je dansais chez moi, ça fait super
longtemps que je danse. Mais ici, j’ai appris à amplifier mes mouvements, à être plus sûr de moi. J’ai rencontré les plus belles personnes de ma vie ici ! J’ai progressé… Je suis resté sur Paris grâce à cet endroit !
MOI Ah ouais ! VICTOR Je viens ici, je sais jamais si ça va être ouvert ou fermé, si va y avoir du monde, de la musique ou pas…si je vais me faire chier
MOI Ah ouais ? … Tu t’ennuies des fois ? VICTOR Nan mais il y a des fois ou j’arrive pas à … ou j’arrive pas à danser parce que je me sens … c’est la musique ou le regarde des gens qui m’oppresse des fois, ça marche pas. J’arrive pas à être dans l’ambiance Centquatre, ça marche pas.
MOI Ça dépend des jours… 75
VICTOR Ouais … On dessine
MOI Mais tu viens d’où pour aller au Centquatre ? VICTOR Du XVème MOI Ah ça te fait une trotte quand même VICTOR Ouais, un peu On dessine
VICTOR Mais c’est sur quoi exactement ton mémoire ? MOI
Sur le Centquatre, et la pratique spontanée dans l’espace central… Ça fait plusieurs mois que je viens C’est cool en tous les cas que tu viennes participer merci ! C’est pas facile non plus… Je viens régulièrement, j’observe, je note, je dessine… Là c’est la conclusion du …
VICTOR Je t’avais jamais vue avant … parce que je viens souvent et MOI Je suis très discrète ! VICTOR T’sais genre tu te mettais pas dans l’espace central ? MOI Non VICTOR Parce que si t’étais dans l’espace … je t’ai pas vue avant MOI Je suis restée en retrait et de temps en temps, j’allais vers les gens, poser des questions ou… On dessine 76
MOI Mais rien que là, pour moi c’est pas facile, de venir en plein milieu de l’espace et de dire « Venez les gens ! »…
VICTOR Mais t’sais il est tout petit, moi je l’ai vu parce que j’ai fait attention mais faut que tu fasses un truc grand comme ça
MOI Tu crois ? VICTOR Ouais, même tu mets une affiche sur le mur, même ça –en mon-
trant la petite pancarte par terre – tu devrais l’afficher derrière, en grand, là c’est trop petit…
MOI Ok, vas y je vais le faire VICTOR Tu le met sur une feuille comme ça et tu le met derrière… MOI Carrément VICTOR Moi, tu mets ça, je le vois de l’entrée, je viens tout de suite
On a encore parlé et dessiné pendant presque un quart d’heure, mais tout n’a pas été enregistré, et je n’ai pas tout retranscrit dans la foulée. Le principal était là.
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Interlude Deux employées du Centquatre intriguées par le mot placardé arrivent, me questionnent. Je leur demande si ça ne les dérange pas que j’ai placardé le mot derrière moi, et les rassure en leur disant que je rangerais tout comme il faut. Elles me répondent de ne pas m’inquiéter. Je leur propose de venir dessiner leur Centquatre. « Ah, ça vous donnerait mal à la tête si je le dessinais » répond l’une d’elle en riant. Elle me demande si elles peuvent nous prendre en photo, on accepte. Elle reparte travailler.
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2nde – Mallory, je la vois arrivé, intriguée, je lui sourit, la salue et lui dit de venir se joindre à nous. Elle décline dans un premier temps et disant ne pas savoir dessiner et finalement, elle s’assoit avec nous, discute, et finit par dessiner. Elle est au cours Florent, en deuxième année, elle attend son partenaire pour répéter. Elle vient de l’ile de La Réunion.
MALLORY Je sais pas dessiner moi ! Je sais pas si ça va être très … MOI C’est pas grave …J’ai même des projecteurs si t’as envie, des gens assis …
MALLORY
Ah vas y moi je suis la meuf assise, bien stylée avec ses lunettes de soleil !
MOI On a des mots aussi MALLORY Ok… et alors ça marche ? MOI Ouais … ouais t’es la deuxième… ou la troisième. Il y en a qui viennent, ils regardent, mais ils veulent pas participer !
MALLORY Moi je participe à tout ! MOI Et tu viens ici pour travailler … souvent ? MALLORY Ouais… ouais ouais, bah euh, je fais du théâtre, à côté aux cours Florent… du coup, on vient répéter ici
MOI J’ai des masques pour le théâtre aussi … Je savais pas comment représenter les acteurs
MALLORY Ah trop bien! Bah quand même ! MOI Et tu t’appelles comment ? MALLORY Mallory ! Ah je vais le (le masque) mettre dans un coin comme ça, parce que le théâtre, bah en fait c’est la vie ! Le Centquatre c’est
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c’est la vie aussi Rires
MOI Et depuis combien de temps tu viens au Centquatre MALLORY Bah, je suis arrivée en France il y a deux ans, donc deux ans MOI Ah d’accord, donc dès que t’es arrivée, t’es venue ! MALLORY Ouaip ! Je suis arrivée en métropole pour mon stage… de théâtre,
et pendant le stage on m’a fait découvrir cet endroit, parce qu’on venait répéter et euh, du coup bah… c’est un des premiers endroits que j’ai vu à Paris !
MOI Et tu viens d’où ? MALLORY De la Réunion ! MOI Trop cool ! Pas trop froid ? MALLORY Si, c’est pour ça que j’ai des couches et des couches et des couches, c’est la merde ahah !
On continue de discuter de tout et de rien. Je lui explique ce qu’était le Centquatre avant de devenir tel qu’il est aujourd’hui, elle tombe des nues, c’est très marrant. Et finalement, je lui explique ma démarche, et lui pose la question :
« Comment tu définirais le Centquatre ? »
Entre temps, elle se met à dessiner, elle qui ne voulait pas…
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MALLORY Moi je dirais magique… et que tout est possible… toutes les choses
que les gens font ici … avec du boulot bien sur… il en faut et … c’est comme ça que ça marche, mais avec du boulot, tout est possible ! Par exemple la crèche qu’il y a ici… je trouve ça ouf ! Les gamins, ils grandissent là dedans quoi ! Tous les jours ils sont là …ils parlent… ils voient… ils sont nourris de ça et il y a un truc un peu… un peu magique, un peu de se dire, tout est possible et euh… du domaine du rêve, parce que c’est des performances artistiques et les gens avec leurs boules, et leurs quilles tout ça… les gens qui s’entrainent ils ont pas les trucs allumés mais tu sais qu’ils sont en train de faire les trucs pour faire les trucs de cracheurs de feu et les machins… ouaah Rires
MALLORY OUaah, truc de ouf ! Les circassiens, ouais , ça me… ça me fait
bien délirer les circassiens. Après, même les danseurs je me dis euh …Pis, le fait aussi qu’il y ait pas de retenue, il y a pas de honte, il y a pas de euh … machin, tu fais quarante fois le même mouvement, bah ouais cool, je fais quarante fois le même mouvement et c’est très bien, et personne n’est dans le jugement, je fais mon truc et j’arrête de me regarder cinq minutes … On continue à discuter encore 15-20 minutes et finalement son binôme arrive pour répéter… J’ai encore reçu quatre personnes, deux furtives, qui ont participé rapidement sans que j’ai le temps de discuter, et deux danseuses, Morgane et Aliénor, amies de longue date qui se retrouvaient pour répéter et danser. L’une habite Paris, l’autre l’Allemagne et est juste de passage. L’entretien n’a pas été enregistré en intégralité, aussi je n’ai pas pu le retranscrire. Quoiqu’il en soit, elles en ont plus livré dans leurs dessins, que dans leurs paroles.
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