MÉMOIRE DE PFE / NANOPOLIS / ENSAPM-VAT / JUIN 2014 / Mathilde Lecomte

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NANOPOLIS

SYNOPSIS

Mathilde LECOMTE I Mémoire de PFE I VAT I ENSAPM I 2014

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Directeur d’études : Marc Armengaud Second enseignant : Stéphane Lemoine Mémoire encadré par Anne Bossé


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Rumeur sur une petite ville prochainement impactée par la Ligne à Grande Vitesse

Les représentations des acteurs se construisent, sans que généralement ceux-ci ne s’en rendent compte, avec la réalité qu’ils veulent décrire, l’avenir qu’ils prétendent prévoir. J-F STASZAK, Prophéties autoréalisatrices et géographie, 2000, p.106



RÉCIT



I Chasseur de villes en devenir


NANOPOLIS

Voiture n°7 I Place 82 I Train Paris-Laval I 13 novembre 2009

Il est 20h08, le train va partir d’une minute à l’autre. Les gens se bousculent encore dans l’étroite allée de la voiture 7, se laissent passer, ou se bloquent le passage, successivement. J’entends le signal criard de la fermeture des portes du train, symbole emblématique du départ et de la SNCF. Au bout de quelques minutes, l’agitation des corps s’apaise, chaque voyageur a pris place. Le grognement du moteur nous emporte alors, et nous éloigne de la Gare Montparnasse. La vitesse stabilisée, chacun vaque à ses occupations : une vieille dame au rouge à lèvre débordant extrait de son sac aux mille trésors un petit carnet de mots fléchés. À côté d’elle, un homme appliqué sort soigneusement un ordinateur portable de son sac, tandis qu’une jeune fille dérangée par le courant d’air de l’aération semble mal à l’aise et s’agite. Quant à moi, je suis immobile et parfaitement statique, seuls mes yeux font des allers-retour sur ce tableau de vie courante. Les lieux de transition, ceux qui nous emmènent et nous ramènent, où nos actions sont systématiques : sortir le billet, composter le billet, garder le billet en main, chercher son wagon, monter, chercher sa place, s’asseoir, se divertir, dormir, descendre, arriver, me fascinent. Ce vecteur de déplacement qu’est le train, si usité soit-il, est aussi un vecteur de transformation des villes. Les voyageurs de ce train n’y pensent peut-être pas, ils utilisent ce moyen de transport pour se déplacer, pour vivre leurs tranches de vie successives, le plus rapidement possible, sans perdre de temps entre chacune d’elles. Moi j’y pense, c’est même mon métier, je suis chasseur de villes en devenir, et je pense aux répercussions que l’arrivée d’une infrastructure de transport peut avoir sur une ville, quelque soit sa taille et son statut. Ce carnet de bord parlera de mes questionnements théoriques sur le développement des villes, mais aussi de mes rencontres sur le territoire de Laval, prochainement impacté par l’arrivée de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) prévue -10-


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pour 2017. Je souhaite contribuer au développement de cette ville, changer les représentations négatives que les gens se font de cette ville de campagne et de passage, pour que le territoire saisisse ce levier de développement et devienne une nanopole. Ce terme imaginaire que je souhaite appliquer à la ville de Laval, petite ville de 51 000 habitants en Pays-de-Loire, désigne une métropole de petite échelle, rassemblant l'ensemble des propriétés d'une métropole, version nano. Je suis missionné pour intervenir sur ce territoire en attente d'un événement qui va changer le cours de son histoire : cet événement qui arrivera en 2017, où Laval se trouvera à 1h10 de Paris au lieu de 1h40 actuellement en TGV. Laval s'appellera alors Nanopolis : la première nanopole du monde, le prototype d'un nouveau mode de développement urbain. Il est 21h23, le train s’arrête : « Vous êtes bien arrivés à Laval. Laval, deux minutes d’arrêt ». Je descends du train, et lorsque je pose le premier pied sur le quai de la gare, j’entends derrière moi la voix d’un agent SNCF chuchoter à un voyageur : « Il paraît qu’ils vont construire une nouvelle gare avec l’arrivée de la LGV. Au nord de la ville dans les champs... vous y croyez vous ? » Je comprends dès lors que ma mission commence. Cette rumeur en est le point de départ.

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NANOPOLIS

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II La rumeur


NANOPOLIS

Laval I place de la Trémoille I 22 novembre 2009 I 08h27

Après quelques jours passés à écouter les bruits de couloir, je me suis rendu compte que cette rumeur était au cœur de nombreuses discussions des habitants de la ville. Cette rumeur, amenant autant de peurs que de fantasmes, transporte les gens dans une incertitude qu’ils aiment décrire, autour de laquelle la spéculation gravite. La source, toujours inconnue et insaisissable, ne permet pas d’affirmer ou non l’arrivée de cette gare en zone rurale. En effet, un raccordement est prévu et permettra aux trains de la LGV de desservir la gare actuelle, située au centre ville. Pourtant, j’ai le sentiment qu’il faut saisir cette opportunité pour développer une nouvelle polarité, point de départ d’une impulsion qui se globalisera. Cette nouvelle polarité est essentielle pour que la nanopole existe un jour : elle servirait de modèle de développement urbain d’un nouveau genre, à l’échelle de l’agglomération. Elle permettra aussi d’imaginer un quartier de gare sans gare, dans une zone sans plan directeur, situé dans une zone rurale à l’intersection entre Laval et trois autres communes ( Louverné, Changé, Bonchamp), au niveau du croisement entre la future ligne LGV, et la ligne TGV actuelle. Cette zone, bordant aussi l’autoroute A81, au milieu de nulle part et au centre de tout, doit devenir une nouvelle centralité pour l’agglomération. À côté de moi, sur la terrasse du café de la place de la Trémoille, j’entends une conversation entre deux amis ouvriers d’une quarantaine d’années, travaillant sur le chantier de la LGV. Eux aussi, parlent de rumeurs, de bruits qui courent, concernant l’apparition d’une nouvelle gare : « - Écoute-moi bien Pierrot, moi je pense que c’est le moment d’acheter des terrains. Leur nouvelle gare j’y crois pas vraiment, mais il va forcément se passer quelque chose à cet endroit-là. Crois-moi, je le sens.

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Son ami, sceptique, le regarde et lui dit d’un air désabusé : - Moi je ne prends pas le risque. De toutes façons ils nous font toujours croire des choses, on ne sait jamais d’où ça vient et où ça nous mène. Si ça se trouve la nouvelle ligne ne va même pas s’arrêter à Laval, c’est juste une rumeur. - Fais comme tu veux. Moi j’ai un ami qui a des terrains à cet endroitlà, il a des élevages. Il est sûr que d’ici deux-trois ans ses terrains vont valoir de l’or. Moi j’y pense, je vois quelque chose arriver à toute vitesse. » Les deux hommes finissent alors d’une traite leur café, s’en suit un long moment de silence, le regard dans le vide, la pensée perdue dans les songes. À ce moment-là, il me semble réaliser quelque chose d’essentiel : tous les individus agissent en fonction d’une opinion, ou d’une représentation qu’ils se font des choses qui les entourent. Celle-ci peut-être erronée ou vérifiée, sa puissance agit sur les choix et les prises de décision. C’est alors que me vient une idée à l’esprit : si je parvenais à amplifier cette rumeur dans l’esprit des habitants, des entreprises, des élus et du grand public, en mettant l’arrivée de cette gare en évidence, alors les transformations du territoire seraient celles que j’aurais décidées en amont ? Cette nouvelle polarité en zone rurale, à un endroit stratégique pour le développement de la ville deviendrait dès lors réelle ? En tant que chasseur, il est donc de mon devoir d’agir sur ces représentations, et d’inventer une manière d’assurer le développement de la future nanopole. Que la gare arrive ou non, il faut créer un effet de masse, et provoquer l’apparition d’un nouveau lieu. Un lieu issu d’une rumeur, se développant autour d’un vide, autour de rien, autour d’une gare imaginaire. . -17-


GARES EXISTANTES

GARE IMAGINAIRE


PASSAGE DE LA FUTURE LGV

VOIES FERRテ右S EXISTANTES Carte de situation


CessonSévigné Noyal-surVilaine Louverné

RENNES

Domagné Domloup

Torcé Louvigné de Bais

Etrelles

Changé Aregntrédu-Plessis

Ruillé-leGravelais

Loiron

Le Pertre St-Cyr-leGravelais Gennessur-Seiche

Brielles

Montjean Beaulieusur-Oudon

St-Berthevin

Argentré Bonchamples-Laval Louvigné

LAVAL

Bazougers

St-Denis-du-Ma

la


III Grande échelle et distance relative

La Bazoge Soulgé-surOuette

La Quinte

La bazougede-Chémeré

Coulanssur-Gée Crannées-enChampagne

Chémeré-le-Roi

aine

Vaillonsur-Gée

a Cropte Préaux

Ballée AUvers-leHamon

Poillé-surVègre

ChantennyVilledieu

Maignée

Joué-l’Abbé

Sillé-le-Philippe

Lombron Savigné-l’ St Saturnin Evêque CONNERRÉ Aigné NeuvilleSt-Corneille La Milesse sur-Sarthe Degré Montfort-leGesnois Ancrage

du raccordement

SoulgnéFlacé

LE MANS

Fontenaysur-Vègree Juignésur-Sarthe

Tracé de la ligne à grande vitesse Bretagne / Pays-de-Loire


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Paris I ENSAPM I 4 janvier 2010 I 18h05

Le mois suivant, je suis retourné à Paris. L’arrivée de la LGV rend possible la manière dont le territoire de la ville de Laval peut devenir central par l’accès rapide depuis la Gare Montparnasse. Le temps de parcours effectué en LGV déplace la perception des distances, car le temps de transit est similaire au temps nécessaire pour se rendre dans certaines villes de banlieue parisienne. Cette relecture permet de renverser le regard et la considération de ce qu’est un territoire central, on peut ainsi exprimer un champ d’attraction polarisé sur la ville de Laval. Considérant que la mobilité exprime alors une centralité, je me suis interrogé sur la manière dont on peut imaginer une stratégie urbaine, axée autour de la réaction de la ville face à l’ arrivée de cette infrastructure de transport. En effet, l’idée d’effectuer une distance maximale en un temps minimal, en contradiction avec la desserte de la banlieue de Paris faisant souvent l’objet d’une distance minimale pour un temps long de transit, est une réelle problématique dans nos pratiques du quotidien. Par ailleurs, l’intérêt de cette question réside aussi dans tout l’imaginaire que cela provoque ; En d’autres termes, une ville comme Laval ayant peu de qualités remarquables, actuellement connue pour ses illuminations de Noël sur le plan national, pourrait affirmer une identité plus attractive, et devenir un nouveau centre névralgique, où les prix du marché sont bas, où il existe du foncier disponible, prochainement à seulement une heure de la région parisienne. La distance relative exprimée par la vitesse du temps de parcours et non par la distance réelle parcourue permet donc d’exprimer une centralité par la mobilité. En considérant cela, Laval détiendra en 2017, lors de la mise en service de la Ligne à Grande Vitesse, un caractère central à l’échelle nationale : à la sortie de l’Ilede-France, à la porte de la Bretagne, juste au-dessus de la LoireAtlantique, accessible en quelques dizaines de minutes depuis les villes-métropoles de Nantes, Rennes, ou le Mans.

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RENNES MÉTROPOLE : EURORENNES Mission : Transformation de la gare en pôle mutimodal, requalification intégrale du quartier Superficie : 58 ha

LE MANS MÉTROPOLE Mission : Projet “Novaxud” d’éco-cité (logements et bureaux) à vocation environnementale et sociale, dans le quartier de la gare Superficie : 100 000m2

PARIS

LAVAL RENNES LE MANS NANTES

ILE DE NANTES Mission : P r o g ra m m a t i o n urbaine Maître d’ouvrage : Samoa Superficie : 337 ha Autres acteurs : Nantes métropole, Quartier de la Création

?

GRAND PARIS Mission : Transformation de l’agglomération Parisienne en métropole mondiale Projet de Grand Paris Express Acteurs : AIGP, Paris Métropole

Carte des grands projets de métropoles


50’

40’

30’

20’ 15 ‘ 10 ‘

RENNES CRV*

8‘ 6‘ 4‘

LOUVERNÉ Gare

Centre ville

LAVAL

ANGERS

NANTES

LE MANS


1h 45’ 30’ 15’ PARIS

Carte temporelle de la centralité par la mobilité

CRV* : Centre de la réalité Virtuelle, projet en cours de construction, agence Muoto, livraison prévue en 2016


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Dans le contexte du projet du Grand Paris et des propositions de l’AIGP visant à inclure des villes de province comme Rouen et le Havre dans l’agglomération parisienne, les problématiques soulevées en rapport avec la mobilité en créant de nouvelles centralités consiste à réduire les inégalités territoriales. En proposant de nouvelles infrastructures de transport, les villes se déplacent et se rapprochent de la capitale dans l’espace vécu, car le temps de parcours pour les atteindre est réduit. Ainsi, il est déjà possible d’interpréter la manière dont l’arrivée de la LGV à Laval influence sa position subjective par rapport aux villes de banlieue parisienne, où le prix du foncier est largement supérieur. À la manière du scénario polycentrique du grand Paris, l’enjeux principal et essentiel est donc de créer une polarité supplémentaire dans l’agglomération grâce à l’arrivée de la Ligne à Grande Vitesse, pour l’inclure réellement dans cette matrice du territoire, présentée ci-contre. Par ailleurs, dans l’ouvrage Junkspace de Rem Koolhaas et dans son projet pour Euralille, la théorie du Bigness1 a attiré mon attention pour le destin incertain de la ville de Laval. Pour que la ville s’étende à l’échelle de l’agglomération en incluant les communes qui l’encerclent, l’apparition d’un Bigness pour la future nanopole à l’emplacement de la gare de la rumeur est théoriquement un moyen de stimuler un développement puissant, un développement qui n’a pas d’impact direct et physique sur l’hypercentre déjà dense, mais qui détient une force d’opposition par sa grandeur, un contraste d’échelle permettant de valoriser indirectement le centre historique. Cette greffe de mégastructure en périphérie de la ville permettrait d’apporter une économie locale et régionale, sans heurter les équilibres en présence, de l’ordre de la petite échelle, présents dans le centre ville. Cela dit, à l’échelle d’un territoire comme Laval, tout doit résider dans le calibrage de cette intervention, qui doit être adaptée à son échelle de nanopole. Comment imaginer un nano-bigness, stimulateur de développement urbain, bénéficiant de l’arrivée d’une infrastructure de transport monumentale et ultrarapide ? 1 Voir étude page 103

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1h30 1h15 Clichy Nanterre

1h

Saint-Denis

45’

Pantin

30’ Suresnes

Rennes

15’

Montreuil

Gare Montparnasse

Le Mans Laval

Vitry-sur-Seine Nantes

Champigny-sur-Marne

Noiseau

Antony

RÉGION PARISIENNE

Matrice subjective de la position géographique des villes en fonction des temps de transit

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La réponse réside dans la mise en place d’un projet qui doit prendre en compte les paramètres en présence, et se servir de cette rumeur de gare pour développer une nouvelle polarité, emblème de la puissance économique et culturelle de l’agglomération, et provoquer la naissance de la première nanopole. J’ai donc réfléchi à différents scénarios possibles. La stimulation du développement par l’introduction de dispositifs d’activation dans la ville, polarisés sur différents lieux, m’a permis d’envisager la manière dont il était possible d’aborder la question du déclenchement de l’urbanisation par la rumeur. Ce travail d’exploration des différents schémas possibles constitue une préparation de mon prochain voyage à Laval qui aura lieu la semaine prochaine. Le scénario retenu permet d’ores et déjà d’enclencher le projet. Dans un premier temps, la rumeur de cette gare aura un impact et constituera un dispositif d’activation à elle-seule : l’intérêt suscité par la possible arrivée d’une gare à cet endroit constitue un levier. Progressivement, les investisseurs lancent des paris sur cette zone. L’urbanisation n’est-elle pas une succession de paris? Une superposition de Timelines que chaque acteur constitue individuellement, en misant sur le développement de certains morceaux de la ville ? Ces morceaux assemblés, juxtaposés, imbriqués, empilés, forment le territoire. La rumeur, elle, se faufile dans les interstices de ces divers assemblages : elle conditionne les représentations, et agit sur les positionnements, les choix, les attitudes... et les croyances personnelles. Pourtant, la rumeur est un phénomène collectif provoquant un effet de masse. Ainsi, elle permet il me sembe de convaincre à l’échelle individuelle, et d’induire une transformation à l’échelle globale.

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5 ,2 K m

4

1 ,3 K m

3

1

2

LAVAL

Activation du développement par la rumeur

Zones d’influence

Rayon d’influence : LAVAL-AGGLOMÉRATION-PREMIÈRE COURONNE

1

Gare actuelle

2

Hypercentre

3

Cité de la Réalité Virtuelle

4

Socle de la nouvelle polarité

Influence du nouveau pôle à l’échelle de l’agglomération

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Il paraît qu’une nouvelle gare va être construite en périphérie de la

ville pour l’arrivée de la LGV”


Temps # 1 : Dispositif d’activation


“

Apparement les entreprises et les promoteurs

s’arrachent les terrains autour de la future gare �


Temps # 2 : Incrustation de nouveaux amĂŠnagements


On m’a dit que Virtualopolis permettrait à la ville

d’atteindre le statut de nanopole


Temps # 3 : Rayonnement et dispersion du p么le


Il semblerait que la société d’économie mixte LNA a entrepris

d’aménager plus d’une dizaine de quartier dans l’agglo


Temps # 4 :Nouvelles polaritĂŠs


J’ai vu aux infos que Nanopolis était classée capitale mondiale de

la réalité augmentée, et qu’il s’agissait de la première nanopole”


Temps # 5 :Globalisation



IV ProphĂŠties autorĂŠalisatrices


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Paris I Cité de l’architecture et du patrimoine I 22 janvier 2010 I 12h14 Afin de mieux comprendre le fonctionnement de la rumeur, plusieurs lectures m’ont permis de saisir ses mécanismes, son pouvoir de dissuasion et de persuasion , sa circulation et son pouvoir dans nos sociétés. Les prophéties autoréalisatrices, consistant à dire que l’annonce d’un événement fait qu’il se produit, peuvent être mises en œuvre dans le cadre d’un projet d’urbanisme. Le géographe Jean-François Staszak exprime dans son article Prophéties autoréalisatrices et géographie1 la possibilité d’envisager ces annonces comme des catalyses de construction ou de déconstruction, que ce soit dans le champ social, économique, politique, ou géographique. Ces annonces peuvent déformer la réalité perçue, et donc susciter des comportements qui rendent l’annonce réelle. À titre d’exemple, en mars 1979, les journaux californiens commencèrent à faire beaucoup de bruit autour d’une importante et et imminente pénurie d’essence ; les automobilistes se ruèrent alors sur les pompes à essence pour remplir les réservoirs de leurs véhicules, ceci représentant douze millions de réservoirs normalement aux trois quarts vides, ce qui épuisa les réserves d’essence disponibles... entraînant la pénurie annoncée, tandis que la livraison de carburant à a Californie avait en fait à peine diminuée.

« La prophétie autoréalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement qui la rend vraie.2 » La localisation des activités économiques n’échappe pas aux prophéties autoréalisatrices. Souvent, les entreprises de la même branche (ou de secteurs complémentaires) tendent à se situer les unes près des autres, pour bénéficier d’externalités positives. Une fois qu’une entreprise a choisi telle localisation, par hasard ou

1 Article publié dans “ L’espace géographique, 2000, pp.105-119 2 cf. sociologue R.K. Merton, la prédiction créatrice, 1965

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parce qu’elle lui trouvait des qualités, le lieu retenu, du fait même de la présence de cette première activité économique, devient davantage attractif pour d’autres entreprises qui peuvent espérer profiter d’infrastructures communes, de la proximité d’une clientèle, de fournisseurs, de sous-traitants... Si celles-ci adoptent cette localisation, le lieu se spécialise et devient, peu à peu et de plus en plus nettement, la meilleure localisation pour l’activité en question. L’atout initial du lieu, qui avait motivé la première implantation, ne compte plus guère, peut-être même a-t-il entre temps disparu ou s’est-il transformé en handicap. « Telle localisation est bonne pour telle activité » : voici donc une affirmation à dimension autoréalisatrice, puisqu’elle peut s’avérer exacte du fait même qu’elle ait été énoncée. Dans le cas de la ville de Laval, la prophétie est rendue possible car elle rassemble tous les éléments propices à l’activation du territoire par l’annonce. Laval est aujourd’hui la capitale européenne de la réalité augmentée, une Cité de la Réalité Virtuelle verra le jour en 2017, simultanément à l’arrivée de la LGV. Ce second levier pour le développement urbain doit être pris en compte, car il permettra à la ville de développer un secteur spécialisé et donc d’attirer des entreprises dans le domaine des technologies convergentes. La première mission sera donc de convaincre les entreprises spécialisées dans cette discipline, qu’il est essentiel de s’implanter à Laval, et plus précisément à proximité de la future gare. Ce sera la première étape du développement de cette nouvelle polarité. PROGRAMMATION

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Schéma d’intention : Que serait un quartier de gare sans gare?

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V Fabrique de reprĂŠsentations


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Voiture n°12 I place 32 I Train Paris-Rennes I 12 mars 2010

Suite à ces réflexions, j’ai compris qu’il était devenu indispensable de mettre en place une stratégie d’influence des représentations, en prenant pour cibles quatre acteurs principaux : les entreprises pour le développement économique de la ville, les élus des différentes communes touchées pour la mise en place d’espaces publics et d’accords municipaux, les habitants pour le développement démographique, et enfin le grand public pour l’ascension de la notoriété et de l’identité de la nanopole. Ces quatre angles d’actions suivent une même directive : faire croire en l’arrivée de cette gare, pour le développement d’une nouvelle polarité qu’on appellera Virtualopolis, ou le quartier qui s’est développé autour d’un vide. Je suis gare Montparnasse, il est 10h08. Je pars en direction de Laval, les corps rapides et mécaniques m’enivrent. Je poursuis machinalement le flux de voyageurs qui se dirige vers le quai n°7 duquel le train part en direction de Rennes, en passant par Laval. Ce trajet dans le train va me permettre d’interroger les voyageurs, afin de comprendre quelles sont leurs représentations actuelles concernant la ville de Laval, pour ainsi comprendre à quels niveaux il sera essentiel d’agir pour susciter de l’intérêt pour cette ville. Le train est l’endroit idéal pour effectuer cette première mission : les gens sont immobiles, disponibles, seuls avec leurs pensées. J’en ai donc profité pour distribuer un questionnaire destiné aux voyageurs du wagon n°12. La plupart des voyageurs, surpris d’être interrogés sur une ville portant aussi peu d’intérêt,cette “ville de passage” dont personne ne parle, ville précaire, ville triste, ville désertée, isolée... Laval, la ville où tout le monde passe mais où personne ne s’arrête. Pourquoi tant de mépris, pour une future nanopole prochainement située à une heure de Paris, où les prix du marché sont bas et où il y a du foncier disponible?

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Le problème réside dans les représentations que les gens se font de ce lieu : une ville de campagne où le train marque un arrêt de deux minutes, entre Paris et Rennes, entre le Mans et Rennes, entre Rennes et Paris... Les réponses furent similaires : l’imaginaire de Laval est fade et ne comporte pas d’attrait particulier. C’est une ville d’entre-deux. Malgré tout, le doute est présent, lors de mon passage dans le train pour récupérer les questionnaires, un homme me demande : « - Pourquoi vous vous intéressez à Laval et pas à Rennes? Question à laquelle je réponds : - Parce qu’ à Laval, il y a tout à faire, tout peut se passer. À Rennes, la métropole existe déjà. - Ah bon, mais vous y croyez vraiment, vous? - Oui bien sûr. Vous verrez, bientôt vous vous dépêcherez de descendre quand le train s’arrêtera. Laval n’existera plus, ce sera Nanopolis. Puis, l’homme âgé d’une quarantaine d’années, l’air intrigué me regarde et me dit avec un léger accent anglais : - Cela m’intéresse pour mon entreprise, je recherche à développer une filiale en France, et j’ai entendu dire qu’elle était entrain de développer un pôle spécialisé en réalité virtuelle. Je vais très prochainement me pencher sur la question...» L’homme griffonna dès lors sur la feuille avant de me la remettre : il avait écrit en grosses lettres les mots “avenir incertain” et “ville du futur”. J’avance alors lentement le long de l’allée du wagon, la feuille dans la main, en parcourant du regard les réponses du voyageur ; Je réalise alors que ce parfait inconnu est en fait à la tête de la célèbre entreprise Eon Reality : une célèbre entreprise américaine spécialisée dans la réalité augmentée.

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FÊ T UN

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CIE N N E C O PI

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FAM ILL E

RÉFÉRENCES PERSONNELLES

P R É CA I R E T RI STE IS O LE M E N T

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IRONNEMENT SAIN

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SITUATION GÉOGRAPHIQUE


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ARCHITECTURE/ PAYSAGE

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ITALE RÉGIO NALE I N D U ST R I E L

C O M M E R C ES ÉT UDES D O RTOIR

FONCTIONS

Sphères de représentations de chaque individu sur Laval par thématique Données rescencées lors de l’enquête effectuée dans le train


NANOPOLIS

En un rien de temps et en quelques échanges de paroles rapides, j’étais parvenu à transformer le regard que cet homme portait sur cette ville, en lui donnant de l’intérêt, du mystère, une histoire possible. Cette discussion de courte durée ayant percé le calme inébranlable du wagon, avait provoqué chez les autres voyageurs l’envie de m’interroger lorsque je récupérais les formulaires. Des questions variées, dans lesquelles je comprenais que la première étape de mon travail avait commencée : les usagers du wagon n°7 du TGV Paris-Rennes le 12 mars 2010 se sont simultanément projetés dans des interrogations concernant une ville qu’ils avaient jusqu’à présent toujours considérée comme “de passage”. Cette ville, qu’ils sont en train de construire, dans laquelle ils seront bientôt acteurs, même s’ils ne le savent pas encore. Il est 11h43, le train arrive en gare de Laval. Le plan d’action consiste à agir sur les représentations de quatre cibles : les entreprises, les élus, les habitants et le grand public. La première mission commence après-demain, lorsque j’irai rencontrer les élus de la ville.

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NANOPOLIS

Laval I Hotel de Ville I Place du 11 novembre I 14 mars 2010 I 09h57

Aujourd’hui, j’ai la chance de rencontrer Monsieur Hervé Biry à la mairie de Laval, responsable à l’urbanisme de la ville. Je suis accueilli par lui et sa collègue Isabelle Laurent, dans une salle aux murs blancs et à l’odeur de papier et d’encre encore chaude. Je me présente alors, et nous prenons place autour d’une table en formica aux bords vieillis. Nous discutons pendant de longues minutes des projets en cours pour la ville et son agglomération, et le débat s’articule autour d’une question : la nouvelle gare permettrait-elle de développer un nouveau pôle ultra-dynamique en dehors de la ville, et former ainsi un lien avec les communes de Louverné, Changé et Bonchamp, dans le but de globaliser les échanges entre Laval et les communes de sa première couronne ? Je décide alors de leur faire une proposition : mettre en place un plan interactif participatif appelé Nanocipe, visant à inviter les habitants à proposer des aménagements dans le lieu de la future gare. La proposition est reçue avec enthousiasme, et la concertation permettra d’envisager de nouveaux aménagements dans cette zone. Je contacte avec eux le bureau d’études en sociologie et urbanisme Repérage Urbain afin de mettre en place une plate-forme cartographique participative conçue pour favoriser les débats citoyens et la concertation sur une ville ou un territoire. Ce support idéal pour la mise en perspective d’une nouvelle polarité dans l’esprit des habitants, et stimulera la mise en place de nouveaux projets d’aménagement.

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Par ailleurs, l’idée est également de faire exister ce nouveau pôle sur l’interface de Google Maps, or ceci est devenu de nos jours un outil pour les représentations du territoire. Par exemple, de nombreuses centrales nucléaires sont floutées ou cachées sur cette interface, tandis que certaines villes sont indiquées alors qu’elles n’existent pas : c’est le cas de la ville d’Agloe, qui était apparue virtuellement dans le but de prouver un plagia cartographique, ce qui a fait exister cette ville sur la toile informatique. À partir de la carte interactive Nanocipe, on pourra dors et déjà entrevoir l’apparition d’un nouveau lieu : celui de Virtualopolis, un lieu incertain dans l’attente d’une gare, victime d’une rumeur.

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NANOPOLIS ÉLUS/POUVOIRS PUBLICS

ND PUBLIC

COLLECTIF

L’R DE

RIEN

Le projet Comment participer

Comment s’y rendre

Click to enter

NANOCIPE2014

Carte participative LAVAL

+/-

Transports

HABITANTS

NANOPOLIS

l’hebdo

Bâtiments Parcs Autre Nouvelle Gare 372

18

UNE NOUVELLE GARE À LA

CHARGER UNE IMAGE Parcourir...

... Concertation

adidas

Les résultats de la concertation du projet Nanocipe lancé par la ville est sans appel : une nouvelle gare verra le jour d’ici 20162017, au Nord-Est de la ville, au croisement de la voie ferrée actuelle et de celle de la future Ligne à Grande vitesse. L’appel d’offre pour le projet est lançé, et il est fort probable que les acteurs de la Cité de la Réalité Virtuelle

Média utilisé pour les élus

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Laval I Le Café du Parvis I Place des Droits de l'Homme I 1 avril 2010 I 07 h31 Quelques jours plus tard, dans la brume opaque matinale, je pars en direction d’une nouvelle mission. Tandis que le projet Nanocipe connaît un immense succès et que tous les regards sont tournés vers Virtualopolis, je me rends au Café du Parvis pour rencontrer Monsieur Laurent Vignais, artiste militant très engagé dans les questions d’urbanisme et dans la presse locale, ayant à plusieurs reprises participé à des projets pour la ville. Après une longue discussion polarisée sur la question du développement de la ville, il me suggère de mettre en place un journal local appelé Nanopolis, journal critique et manifeste prônant la rurbanisation et suggérant des projets atypiques pour le nouveau quartier de la ville, censé voir arriver une gare d’ici quelques années. Ce journal permettrait à la fois de lancer de nouvelles rumeurs, et de conditionner le développement de ce quartier par l’annonce. La cible, les habitants, agiront en conséquence et deviendront acteurs du développement de ce nouveau quartier. Par effet de masse générée par la médiatisation, le quartier va commencer à se transformer. La mission principale d’action sur les représentations à l’échelle locale va enfin pouvoir opérer, le lancement des premiers articles est prévu pour la semaine prochaine. Les habitants continueront ainsi à suggérer de nouveaux aménagements sur Nanocipe car étant influencés par les annonces du journal Nanopolis, ce qui, après concertation, provoquera la mise en place d’espace publics et de nouveaux aménagements. Rappelons que tous les acteurs doivent croire en l’arrivée de cette gare, par différents médias adaptés à leurs attentes, à l’imaginaire qui les transporte et les aspire.

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UNE NOUVELLE GARE À LAVAL Les résultats de la concertation du projet Nanocipe lancé par la ville est sans appel : une nouvelle gare verra le jour d’ici 20162017, au Nord-Est de la ville, au croisement de la voie ferrée actuelle et de celle de la future Ligne à Grande vitesse. L’appel d’offre pour le projet est lançé, et il est fort probable que les acteurs de la Cité de la Réalité Virtuelle

soient également sollicités pour la conception d’une Gare... Virtuelle. Vous avez bien compris, les enjeux économiques et sociaux sont tels que la ville souhaite lancer un concept totalement exclusif, et miser sur la dimension innovante du projet. Pour l’instant on espère une chose, c’est que les horaires du train, eux, ne seront pas trop virtuels...

Média utilisé pour les habitants

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Paris I Mon appartement I 1 avril 2010 I 20h25

Quelques jours plus tard, une chose incroyable se produit : tandis que je zappe sur les différentes chaînes de la télévision en attendant d’entendre le signal du micro-ondes retentir, je tombe sur la célèbre émission du Petit Journal1, consacrant une chronique sur Laval avant les élections municipales :

« Nous sommes allés avec notre équipe nous rendre dans une ville de province aux mille vaches en liberté, tenez-vous bien : à Laval, en Pays-de-Loire, là où les agriculteurs se retrouvent avec leur ferme coupée en deux à cause du passage de la Ligne à Grande Vitesse. Nous avons interrogé en exclusivité pour vous chers téléspectateurs Monsieur Jean-Luc Lefèvre, un agriculteur pas vraiment satisfait de la situation : - Bonjour Monsieur, pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe dans votre ville en ce moment ? Demande le journaliste missionné du Petit Journal. - C’est simple Monsieur, avec leur LGV à 4 milliards, ils passent au milieu de tous nos élevages, de nos terrains, et moi ils passent carrément au milieu de ma ferme. En plus regardez ce qu’ils vont faire! Une gare exactement ici, une gare virtuelle! ( L’homme brandit alors le Journal Nanopolis, comprenant en gros titre : Une nouvelle Gare virtuelle à Laval dans les champs) Moi je ne comprends pas. Je reçois des propositions d’achat de mes terres toutes les semaines. Ils veulent nous virer d’ici, personne ne venait nous ennuyer avant qu’ils décident de faire passer leur ligne intergalactique. Il se passe vraiment des choses bizarres ici en ce moment monsieur. J’ai entendu dire que le maire voulait même changer le nom de Laval et que ça devienne Nanopolis. - Très bien Monsieur Lefèvre, alors on reviendra bientôt prendre des nouvelles de votre nouvelle vie de Nanopoli...sien. En tout cas on vous soutient, il ne faut pas vous laisser faire ! 1 Le Petit Journal est une émission de télévision sous forme de chronique diffusée sur la chaîne française Canal+ ; elle est présentée par Yann Barthès depuis 2004

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- Merci pour votre soutien. En même temps, je me dis qu’on a peutêtre besoin de ça pour devenir une ville reconnue, une grande ville vous voyez ! Moi j’aimerais bien que mes petits-enfants trouvent du travail ici et la ville a grand besoin d’un nouveau souffle. Y’en a marre, il ne se passe rien ici. J’espère juste qu’ils ne vont pas faire n’importe quoi... » Le présentateur de l’émission reprend alors la parole :

« En ce qui vous concerne chers téléspectateurs, vous pouvez réagir en ligne sur le site www.nanocipe.com, si vous souhaitez vous exprimer sur ce qui se passe en ce moment à Laval. Nous, on va le faire ! Une gare virtuelle à Laval, on veut voir ça...» Le signal du micro-ondes avait retenti depuis plus de cinq minutes. Je suis resté immobile, les yeux rivés sur l’écran. Je ne pouvais pas bouger, ni croire que la rumeur avait atteint aussi rapidement le niveau national et le grand public. C’est extraordinaire ; La stratégie commence à être effective.

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Laval I Base militaire du 42e RT I 29 mai 2010 I 20h25

Il reste à convaincre les entreprises. Je repense alors à cet homme du train, à la tête de la célèbre entreprise Eon Reality1, qui avait pour projet d’implanter une filiale en France. Comment attirer l’attention des entreprises spécialisées dans la réalité virtuelle, à l’emplacement de la gare de la rumeur ? Une parution dans le journal Les echos permettrait d’attirer l’attention des investisseurs, il faut provoquer une effervescence médiatique également polarisée sur le caractère économique et spécialisé de la future nanopole, pour que le quartier de Virtualopolis existe un jour, et rayonne à l’échelle nationale, voire internationale. Je recherche donc pendant plusieurs jours un moyen de contacter Monsieur Yann Froger, directeur général du groupe américain. Coup d’état. Il m’annonce au téléphone qu’il avait déjà choisi Laval pour installer son centre de développement ludo-éducatif, créant plus de 450 emplois. Le chantier débutera en septembre prochain, au pied du viaduc Quartier (ouvrage d’art monumental prévu pour l’arrivée de la LGV), et surtout, au pied de la gare... de la rumeur.

1 Entreprise américaine fondée en 1999 à Los Angeles, Californie

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03/06/2010 pme & regions - Archives Les Echos

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L'américain Eon Reality promet 450 emplois à Laval En plein essor, l’américain Eon Reality déjà implantée à Göteborg, Manchester, Moscou et Singapour, choisit Laval en Mayenne pour développer son centre de référence européen sur l ’ e d u t a i n m e n t (ludoéducatif). À la clef, la création de 300 emplois d'ici trois ans puis de 450 emplois d’ici cinq ans.

La société, fondée en 1998 par Dan Lejerskar à Irvine (Californie), est spécialisée dans les outils de réalité virtuelle appliqués au marketing. La ville attend avec impatience l’arrivée du grand géant de la réalité augmentée, afin de promouvoir une identité dans cette discipline et attirer de nouvelles entreprises.

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VI Transformations in situ


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Laval I 22 rue Chambord I 12 juin 2011 I 14h12

Un peu plus d’un an s’est écoulé. Le chantier de l’entreprise Eon Reality est presque terminé, et a pris place sous l’immense viaduc, symbole de l’arrivée de la nouvelle ligne dans quelques années. Le quartier est en pleine mutation, de nombreux agriculteurs ont revendu des parcelles aux promoteurs immobiliers misant sur l’arrivée de la gare avant 2016. D’autres ont décidé de revendre l’intégralité de leurs terrains, or la ville a mis des droits de préemptions sur certaines parcelles pour amorcer l’aménagement de nouveaux espaces publics. J’ai retrouvé sur place Monsieur Lefèvre qui, suite à son passage à la télévision et à la polémique causée par cette apparition médiatique, a finalement obtenu la déviation du tracé de la ligne de quelques mètres, pour que les futurs train ne passent pas au milieu de sa ferme. Il a par ailleurs été indemnisé pour la proximité et la nuisance sonore occasionnée par l’arrivée de la ligne, et a investi dans la construction d’un hôtel ; Comptant sur l’arrivée de la gare d’ici quelques années, il a donc choisi d’investir afin d’anticiper l’arrivée d’un flux important de voyageurs. En vue de la proximité de la zone industrielle existante des Touches et du foncier disponible à proximité de la future gare, de nouvelles industries se sont implantées dans le quartier de Virtualopolis. Le périmètre de la future gare étant très incertain et non communiqué de manière officielle, chaque acteur mise sur son emplacement : un quartier se dessine peu à peu, dans une profonde incertitude, planant sur des doutes, sur des lignes virtuelles, des limites qui n’existent pas. Cette situation instable se matérialise par des apparitions très contrastées, entre petites constructions de particuliers de petite échelle, et apparition de grosses infrastructures : chaines commerciales, immeubles de bureaux, hôtels de grande enseigne... le tout prenant place au cœur d’un nœud d’infrastructures, et d’un -64-


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paysage rural infiniment grand, avec une attraction commune : un emplacement de gare indéfini. La rumeur, elle, continue de circuler : il y a ceux qui croient en l’arrivée de la gare et qui construisent, ceux qui n’y croient pas et qui résistent à la pression foncière. Virtualopolis est aujourd’hui un quartier incertain, instable, s’inscrivant dans une étrange mutation. Quant à moi, je poursuis ma mission, la prochaine étant de toucher le grand public.

Image extraite de la revue numérique STRABIC.FR Déformer la réalité par l’imaginaire

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Strasbourg I Maison des associations I 12 janvier 2012 I 11h42

Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec le Collectif ETC1, un collectif composé de onze jeunes diplômés en architecture ayant pour vocation de questionner l’espace urbain par le biais d’installations éphémères et interactives. J’ai obtenu le soutien financier de la LNA (Laval Nanopole Aménagements) pour ce projet, société d’économie mixte actuellement en place et très fortement impliquée dans le projet de nanopole. Je fais appel à ces jeunes architectes afin de mettre au point un projet très spécifique, consistant à mettre en place une application appelée L’R de Rien. Cette application consisterait à inviter les participants à télécharger la photo d’un objet, et après sélection chaque semaine le collectif construit l’objet à l’échelle architecturale. Chaque installation propose un évènement culturel ou commercial dans Virtualopolis, permettant au grand public de vivre des expériences interactives et innovantes dans cette zone en devenir. L’idée est que ce projet ait un impact à l’échelle nationale, à la manière des machines de Royal de luxe2 pour l’île de Nantes.

1 Le Collectif Etc est une association d’intérêt général de droit local créée à Strasbourg en septembre 2009 2 Royal de luxe est une compagnie de théâtre de rue française, fondée en 1979, à Aix-enProvence par Jean-Luc Courcoult, Véronique Loève et Didier Gallot-Lavallée, basée à Nantes depuis la fin des années 1980

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La société, fondée en 1998 par Dan Lejerskar à Irvine (Californie), est spécialisée dans les outils de réalité virtuelle appliqués au marketing, à l’enseignement, au divertissement (entertainment) et à l’éducatif ludique (edutainment). Eon vise un effectif de 500 salariés dans cinq ans.

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VII L’attente, le crime


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Laval I Virtualopolis I 27 juin 2014 I 15h15

Grâce au projet L’R de Rien, l’apparition d’une rue commerciale aux typologies singulières et surprenantes attire des visiteurs venus de la France entière dans ce lieu étrange, permettant d’intensifier la notoriété nationale de l’agglomération. Mais il persiste un problème de taille : la gare n’arrive toujours pas. Les agriculteurs ayant investi dans la construction de programmes dédiés aux futurs voyageurs en transit manifestent depuis hier. Ils ont teinté la ville de pancartes sur lesquelles il est inscrit en grosses lettres « Pas de gare, pas d’avenir». Une partie du quartier a été désertée par certains promoteurs qui ont trop fortement douté de l’arrivée de la gare, et qui ont pris la décision de s’implanter dans un endroit plus stratégique. Un chantier de construction de logement a même été arrêté en cours de construction. La rumeur, ayant été constructrice jusqu’à présent, commence à être destructrice. De nouveau, je me dois d’intervenir en proposant un plan de relance, pour ne pas devenir un chasseur criminel.

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Laval I Gare I 12 février 2015 I 17h18

Il faut trouver une solution pour que Virtualopolis ne meurt pas. C’est en parcourant la revue numérique STRABIC.fr consacrant un article ironique sur les hologrammes que l’idée m’est venue. Afin de relancer les croyances collectives, j’ai pensé à utiliser l’identité technologique de la ville de Laval, désormais classée capitale mondiale de la réalité virtuelle. J’ai donc sollicité les acteurs de la Cité de la Réalité Virtuelle aujourd’hui en collaboration avec le groupe Eon Reality pour mettre en place un projet totalement inédit. Les financements ont été accordés par la LNA, souhaitant à tout prix trouver une solution pour que ce prototype d’un nouveau mode de développement continue d’opérer et constitue un modèle pour le développement de l’agglomération. Le projet consiste à utiliser les performances en terme de projection ultra-réaliste des ingénieurs pour mettre en place une gare...virtuelle. Une gare illusionniste, projetée sur l’immense viaduc de la LGV, signifiant l’imaginaire, et donnant une présence visuelle à un objet qui n’a existé que dans l’esprit de ceux qui ont cru en son arrivée.

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VIII Nanopolis existe


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Laval I Quai n°2 I Train Nanopolis - Paris Montparnasse 27 juin 2017 I 20h08 Trois ans plus tard. Je regarde une dernière fois l’horizon depuis le quai de la gare, où les mouvements rapides et mécaniques des corps s’agitent, avec frénésie et incertitud­e. Le train va partir d’une minute à l’autre, et je réalise que ma mission est terminée. Voilà maintenant huit ans que l’histoire de Nanopolis a commencée, en novembre 2009. C’est en tant que chasseur de villes en devenir que je me suis penché sur le cas extrêmement singulier de Nanopolis, la première nanopole venue au monde, lorsque j’ai appris que cette petite ville de province allait accueillir la Ligne à Grande Vitesse. Aujourd’hui une page est tournée, car l’équilibre est rétabli, et le déchainement des dynamiques urbaines est enfin apaisé, en attendant le prochain déferlement. Le quartier de Virtualopolis continue de s’étendre, avec ses typologies inhabituelles, et commence à se relever de la crise qui aura durée plusieurs années. Le ministère de l’agriculture a désigné les espaces publics faisant face à la gare Nanopolis pour accueillir le salon de l’agriculture augmentée, un programme atypique visant à manifester contre les nouvelles pratiques d’élevages modifiées par programmation informatique. Parallèlement à cela, les entreprises venues du monde entier spécialisées dans la réalité augmentée ne cessent d’accroître le développement économique de la ville. Le nouveau PLU (Plan Local d’Urbanisme) inclut le mode de développement de ce quartier et souhaite l’appliquer à six autres zones de l’agglomération, visant ainsi à multiplier les polarités en milieu rural et à renforcer la globalisation de l’agglomération. En effet, Laval et ses communes environnantes n’existent plus, aujourd’hui l’agglomération est devenue la nanopole, soit un espace globalisé, détenant un rayonnement à l’échelle nationale.

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Je prends place dans le train, place n°53, et ferme les yeux en repensant à Monsieur Lefèvre, qui a fait fortune avec un hôtel au milieu de son champ d’élevages, et qui est parvenu à résister à la pression foncière. J’entends alors quelqu’un derrière moi dire à son voisin de voyage : « Il paraît qu’ils vont faire un aéroport, car maintenant qu’on est passé au statut de nanopole, il faut voir les choses en grand. Vous y croyez, vous ?» La rumeur est un outil à la production d’urbanisme. Nanopolis existe grâce à une rumeur : celle d’une gare qui ne sera peut-être jamais construite.

FIN

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BIBLIOGRAPHIE

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MERTON, Robert King, La prédiction créatrice / In Merton, 1965, pp. 140-161. MERTON Robert King, La prédiction destructrice / In Merton, 1965, pp. 162-164. OFFICE FOR METROPOLITAN ARCHITECTURE (OMA), Content / éd. Taschen, 2004, 544 p. QUENEAU Raymond, Exercices de style / éd. Gallimard, 1947 STASZAK Jean-François, Propheties autoréalisatrices et géographie / Publié dans l’Espace Géopgraphique, 2000, pp.105-119 STASZAK Jean-François, Détruire Détroit. La crise urbaine comme produit culturel / Annales de géographie, 1999, vol 108, pp.277-299 ZIMM Malin, Losing the Plot / Axl Books Stockholm, 2007, 229 p.


ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES



Voir le site : http://verslepfe.wordpress.com/ RUBRIQUES : > Études de cas > Glossaire > Investigations


Walking a line in Peru, Richard Long, 1972

Extraits de l’exposition Une brève histoire des lignes, Centre Pompidou de Metz,2013

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Tim INGOLD, Une brève histoire des lignes, 2007 Selon l’anthropologue Tim Ingold, qui part du postulat qu’une « étude des hommes et des choses est une étude des lignes dont ils sont faits » alors marcher, écrire ou tisser participent selon lui à une « fabrique de lignes ». La ligne comme trajectoire, la ligne comme vecteur, la ligne continue, discontinue…infinie. Sa traversée laisse une trace, visible ou non, et marque un passage, la trace d’une direction quelconque, matérielle ou sensorielle, réelle ou imaginaire. Les lignes envahissent notre quotidien, une invasion si évidente qu’elle devient banale, invisible et instinctive . Ces croquis cartographiques sont des relevés d’actions, nés d’une expérience ou d’un parcours. Ils sont le fruit de cheminements, de l’enregistrement de flux ou de directions. Les traces dessinées sont les lignes flottantes d’une géographie mouvante et subjective ; des histoires illustrées qui font surgir un territoire vécu. -99-


CrĂŠdits : Rem Koolhaas

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Bigness dans le projet d’Euralille, Rem Koolhaas Ce « Lille délire », répétition miniature du New York délire, se traduit par un espace où la force esthétique de la connexion et de la complexité se perd dans l’inconfort et le caractère inhospitalier des lieux, se dilue dans la démesure apparente de l’écriture architecturale face à la petitesse paradoxale des édifices ou des espaces et la banalité des programmes. « Les énoncés du Bigness révèlent aussi, par extension, l’ensemble de la stratégie urbanistique qui a présidé à la conception d’Euralille. Le projet urbain désigne lui- même l’exercice de la grande dimension, où se confrontent différentes familles de composants paradoxalement libres et enchaînés. A la fois étroitement associés et absolument singuliers, le triangle, la gare T.G.V. et les tours sont contaminés par l’enchevêtrement des programmes et des fonctions ; ils forment, au même titre que Congrexpo, le terrain d’expérience de l’instabilité métropolitaine » Menu I., Vermandel F., Euralille, poser, s’exposer, SEM Euralille, 1995. Si le Bigness mystifie, détruit et reconstruit, si elle constitue une ville à elle seule, ne pouvons-nous pas imaginer qu’elle est une nanopole dans la métropole? -101-


CrĂŠdits : Philippe Gazeau

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Intentions sur le Grand Paris, AIGP, Philippe GAZEAU Produire de l’architecture en travaillant sur le sens des mouvements et travailler avec l’idée qu’il existe des vides où l’on s’arrête, des pleins où l’on passe, sont des problématiques que je trouve intéressantes à développer dans le cadre d’un projet. Les gares sont des prototypes de ces espaces urbains qui fabriquent ces pratiques de l’espace organisé pour passer d’un espace à un autre : un espace de vie par excellence. Cette conférence pose des questions intéressantes et ouvre des perspectives quant au devenir de certaines villes en mutation, qui sont entrain de subir des métamorphoses, dont on ne connait ni les lancés ni les retombées. La question de la délocalisation de la centralité d’ une ville comme Rennes, ou finalement l’agrandissement d’un lieu de passage, d’un lieu assez peu dense où les gens ne font que transiter d’un point à un autre (=une gare), va muter en territoire central, point de départ et de diffusion sur le reste du territoire. Il me semblerait intéressant de travailler sur les répercussions des grands aménagements d’infrastructure de mobilité (comme la LGV) sur une ville comme Laval, une ville de plus petite taille et donc plus ou moins réactive aux effets de ce type d’intervention. -103-


CrĂŠdits : Catherine Jourdan

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Revue numérique STRABIC.FR Dans la mesure où je m’intéresse à la question de la mobilité comme facteur de déformation des territoires, aussi bien dans les espaces ruraux qu’urbains puisque la LGV traverse à la fois des morceaux de paysage mais aussi des villes urbanisées, je trouve intéressant d’aborder différentes manières d’utiliser la cartographie (cf images ci-contre) comme outil de recherche, d’imaginer différentes façons de mettre de l’information dans une carte, même de la subjectivité, pour en extraire un maximum d’hypothèses. Par ailleurs il y avait beaucoup d’articles sur la question de l’imaginaire, notamment l’imaginaire de la transition et du voyage depuis internet (cf Édito 2) , or ces thématiques sont intéressantes à mettre en perspective dans la réflexion liée aux espaces de transit d’une gare, d’un train, voire de l’idée même qu’on se fait d’un transit, qui peut elle aussi finir par construire des lieux. -105-


CrĂŠdits : Vincent Broquaire

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Travaux de Vincent Broquaire, artiste Dessins, animations, performances, installations… Vincent Broquaire s’empare de notre environnement technologique et routinier en interprétant à sa manière les mécanismes ordinaires de notre quotidien. Son trait simple offre un recul rafraichissant qui balance entre humour, poésie et absurde. Ses travaux traitent -en autres- des répercussions de la technologie sur le paysage et de la réalité augmentée par les interfaces que nous utilisons aujourd’hui : tablettes, google maps, logiciel...etc qui changent notre regard et finissent par modifier le territoire lui-même. -107-


Remerciements Je tiens à remercier mes enseignants Marc Armengaud et Stéphane Lemoine pour leurs précieux et lumineux conseils tout au long de l’année. Je remercie également Anne Bossé qui m’a aidée à finaliser la rédaction de ce présent mémoire, ainsi que toutes les personnes m’ayant orientées dans les choix et décisions pour le projet qui vous sera présenté. Par ailleurs, je remercie également Monsieur Hervé Biry travaillant à la mairie de Laval, ainsi que Monsieur Laurent Vignais artiste et urbaniste résidant à Laval, Monsieur Didier Maignant travaillant pour la Cité de la RéalitéVirtuelle et enfin Monsieur Samuel Raynaud ingénieur travaillant pour Eiffage sans qui je n’aurai pas été en mesure de me rendre sur les chantiers de la Ligne à Grande Vitesse.

Note : L’ensemble des documents présentés dans la partie récit ont été réalisés par l’auteur.

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