Jet Lag ,
®
#6 1
,
hebdo qui dEcoDe
Édition spéciale:
Dans le viseur de Daesh Semaine du 23 novembre 15
juhdydhxxaid-
Sommaire
P3 ESCALES TOUS LES
2 AU DESSUS P4 VOL DE L’ HEXAGONE
LES
CHIFFRES,
UNITÉSFRANÇAISES SPÉCIALES
À RETENIR
ÉTAT D’URGENCE:
TWEET & INFOS
LE PARLEMENT
DONNE SON FEU VERT
P8 CLASSE AFFAIRES
P5 TURBULENCES
CRÉÉ DAESH ?
DAESH & SPIRITUELLES AL- QAÏDA: DE DAESH LES RACINES
DEUX STRATÉGIES DE
ENTRETIEN AVEC
L’HORREUR E.RAZAVI: DE QUOI DAESH EST-IL FAIT?
P10 DUTY FREE
L’INTERVENTION AU SOL: LES INTERNAUTES
P6 FOCUS : A T-ON
PHOTO DE
P12 LA SEMAINE
LYON : LE 8 DÉCEMBRE
RÉUNIS
ILLUMINE LES VICTIMES
LE PEUPLE FRANÇAIS
C’EST POSSIBLE
QUI SONT LES
PARIS EST UNE FÊTE SYMBOLE DE
DE MARIANNE
MOLENBEEK:
EAGLES OF DEATH METAL ?
UNE MAUVAISE IDÉE
SORTIR DE DAESH,
RÉSISTANCE
UNI AUTOUR
IL EST TEMPS D’AGIR
NOTRE EQUIPE Rédacteur en chef : Loris Martin
« Aux armes, citoyens ! »
L
es attentats du 13 novembre dernier à Paris ont non seulement attisé notre colère, simple refuge du « même pas peur, même pas mal », mais surtout fait resurgir nos craintes. Ces actes inqualifiables ont bouleversé notre façon d’être, d’appréhender le quotidien, et fatalement, notre magazine. Continuer de vivre, s’arrêter, ne rien dire, en parler, se résigner, se battre ? Il fallait pour JetLag rendre hommage à ces 130 héros malgré eux, éclaircir cette sombre organisation puis y répondre fermement. C’est tout l’objet de notre édition spéciale. La Marseillaise ayant résonné aux quatre coins du monde, les victimes ont été commémorées de la plus belle des manières. De Madrid aux rues de Montréal, sur la place Rabin à Tel-Aviv, au
Secrétaire de rédaction : Alexandra
Staples Center de Los Angeles en passant par le « Metropolitan Opera » de New York, l’hymne mondial était assurément celui de la France. Ce chant de guerre révolutionnaire, exhortation au combat contre la tyrannie et l’invasion étrangère, appel patriotique à la mobilisation générale mais aussi et surtout, hymne à la liberté. L’ennemi n’est plus l’Autriche mais le sens du Chant des armées du Rhin révolutionnaires reste identique : l’Organisation de l’Etat islamique nous a déclaré la guerre et nous voulons riposter. Ils ont voulu s’attaquer à notre liberté d’expression, à notre liberté de festoyer mais ne pourront jamais s’en prendre à notre liberté de pensée. Il faut continuer à avancer alors « marchons, marchons ! ». a Loris Martin
Pacrot Journalistes : Mathilde Van Heuckelom, Marion Gergely, Angélique Bernard, Romain Chaumier, Grégory Zerbone, Loris Martin, Rémi Métral, Alexandra Parcot, Marlène Thomas, Manon Dognin et Sarah Jobert Maquettiste : Sarah Jobert Edité par Jet Lag Magazine SA 47 Rue Michel Berthet CP606 Lyon cedex 09 Tél. +33(0)4 72 85 71 73 E-mail : jetlaglemag@gmail.com Couverture © DR
Retrouvez-nous sur TWITTER @jetlaglemag
a
3
89
Escales
Jawad Bendaoud est moqué sur les réseaux sociaux depuis plus d’une semaine. L’homme a en effet fourni son logement, rue du Corbillon à Saint-Denis, à des terroristes impliqués dans les attentats de Paris. Il a indiqué à BFM TV, juste avant son arrestation, avoir simplement «rendu service» en mettant ce logement à disposition pour une durée de «trois jours». L’hébergeur a aujourd’hui été déféré devant la justice après une garde à vue prolongée pendant six jours. Ce cas exceptionnel n’est autorisé que pour des affaires relatives au terrorisme.
Saint-Denis a tremblé
1,5 million
C’est le nombre de victimes au Bataclan lors des attentats du 13 novembre. Le groupe Eagle of Death Metal jouait sur la scène de cette salle mythique. C’est à 21h40 que la polo noire des terroristes est arrivée boulevard Voltaire. 1500 spectateurs sont pris en otage pendant près de 2h30. L’opération de la BRI et du RAID a duré de 00h20 à 01h11.
Mercredi 18 novembre, à 4 h 20 du matin, le RAID a mené une opération spéciale dans le quartier de Saint-Denis au nord de Paris. Celle-ci visait à neutraliser des terroristes de l’état Islamique. Au final, trois d’entre eux ont été abattus dont un kamikaze confondu au début avec une femme. Jeudi 19 novembre la police a annoncé avoir identifié le corps d’Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur des attentats de Paris. Durant l’assaut, 5 policiers ont été blessés et un chien du Raid s’est fait tué. Huit personnes ont été placées en garde à vue.
C’est le nombre de dollars par jour que la contrebande de pétrole rapporte à l’État Islamique. Cette semaine, la Russie a annoncé qu’elle ciblerait les camionsciternes de l’EI. Moscou a déjà lancé des raids visant plusieurs quartiers de la capitale provinciale syrienne de Deir ezZor. Cette région renferme d’importants champs pétroliers appartenant à Daesh comme l’a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Après le soutien des politiques et des villes du monde pour la France, le monde du sport a souhaité à son tour rendre hommage aux victimes. Et ce, dès mardi soir avant le match de football Angleterre-France, le mythique stade de Wembley à Londres s’est illuminé aux couleurs de la France avec la devise Liberté, Egalité, Fraternité. La Marseillaise a été chantée par tout le stade, une gerbe de fleurs a également été déposée par le Prince Williams. S’en sont suivis des hommages et minutes de silence ou d’applaudissements tout le week-end. Angleterre, Espagne, Italie, France avant chaque rencontre La Marseillaise a retenti. Un hommage que les Français ont su accepté à sa juste valeur, notamment sur les réseaux sociaux. #NousSommesUnis #PrayForParis
Les trois terroristes du Bataclan ont tous faits l’objet d’une « fiche S » signifiant « sûreté de l’Etat ». Le grand public a tristement l’habitude d’en entendre parler depuis janvier 2015. Ce fichier de signalement recense les personnes à surveiller par les services de renseignement. Il a aussi pour but d’attirer l’attention des forces de l’ordre lorsqu’ils réalisent un contrôle d’identité. Il ne signifie aucunement que l’individu est suivi en permanence ou qu’il répond à un niveau de dangerosité précis. Le nombre de personnes concernées reste très flou.
1233
C’est le nombre de perquisitions qui ont été menées par les forces de l’ordre depuis l’Etat d’urgence décrété le 13 novembre. Ces opérations ont permis d’interpeller 165 individus, dont 124 directement mis en garde en vue. 230 armes ont également été saisies. Ces chiffres ont été annoncés mardi à l’Assemblée nationale par Bernard Cazeneuve. Le procureur de la République, François Molins, a confirmé les craintes des autorités. Abdelamid Abaaoud, tué lors de l’assault de Saint-Denis, prévoyait de commettre de nouveaux attentats après le 13 novembre. L’homme décrit comme le commanditaire des attentats de Paris et Saint-Denis prévoyait de se faire exploser avec un autre complice (qui n’a pas encore été identifié). Le jour des attaques était encore flous : mercredi 18 ou le jeudi 19 novembre ? Côté stratégie, tout était anticipé et organisé en deux temps : le centre commercial les Quatre Temps et le commissariat de la Défense, à Paris, étaient les lieux visés.
Ont participé à cette page : Marion, Gregory, Sarah, Loris et Angélique
Vol au dessus de l’Hexagone
4
L’État d’urgence durera bien 3 mois Après l’Assemblée Nationale, c’est le Sénat qui a adopté vendredi dernier la prolongation de l’état d’urgence. Cette mesure était l’une des principales annonces faites par François Hollande le 16 novembre dernier devant le Congrès. Après l’Assemblée Nationale mercredi, c’est donc le Sénat qui adopte à son tour le projet de loi prolongeant l’état d’urgence. Manuel Valls a fait le déplacement devant les sénateurs pour prononcer un discours. Le Premier Ministre a déclaré que les mesures prises par l’état d’urgence étaient : « Des mesures exceptionnelles, pas des mesures d’exception ». Avec 336 voix en faveur du projet de lois et seulement 12 abstentions, le sénat a lui aussi adopté le projet de façon quasi unanime. Depuis la mise en place de l’état d’urgence, le soir du 13 novembre, les perquisitions et arrestations se sont multipliées partout en France. Autre mesure forte : l’assignation à résidence de personnes dont « l’activité s’avère dangereuse ». Cette mesure va d’ailleurs être étendue à la suite d’un amendement aux personnes dont le « comportement constitue une menace ». Ce qui en théorie voudrait dire que certaines personnes faisant l’objet d’une fiche S pourrait être assignées à résidence. Le rétablissement des contrôles aux frontières fait également partie des changements majeurs qui composent la mise en place de l’état d’urgence. Benard Cazeneuve, le Ministre de l’Intérieur, a annoncé que ces contrôles dureraient : « la France maintiendra le contrôle aux frontières qu’elle a rétabli vendredi dernier aussi longtemps que la menace terroriste le nécessitera ». L’état d’urgence offre aussi la possibilité aux autorités de prendre des mesures exceptionnelles comme l’interdiction de rassemblements ou la mise en place de couvre-feux, une mesure qui a été prise le vendredi 20 novembre dans la ville de Sens dans L’Yonne.
L’état d’urgence, une mesure que (presque) personne ne conteste Du coté des partis politiques, cette mesure a fait l’unanimité. Seule une poignée d’élus sont allés contre l’avis général. Pour les autres, seuls certains amendements ont été débattus, notamment celui sur l’assignation à résidence des personnes faisant l’objet d’une fiche S. Parmi les quelques élus qui n’ont pas voté l’état d’urgence, on trouve des députés PS et EELV, des sénateurs communistes, républicains et citoyens (CRC) et une sénatrice des verts. Cette dernière a consacré une tribune dans le journal Libération
dans laquelle elle explique sa décision. Elle justifie son choix par un avertissement, une mise en garde contre les possibles dérives que pourraient entraîner l’état d’urgence. A l’Assemblée Nationale, Noël Mamère, élu écologiste, avait pris la parole pour expliquer son opposition à ce projet. Pour lui, le prolongement de l’état d’urgence était « un message de résignations face à l’état islamique ». D’autre voix se sont élevées pour remettre en cause le projet du gouvernement. Le syndicat de la magistrature a notamment vivement contesté l’état d’urgence. Pour les magistrats du syndicat, une telle situation modifie dangereusement les pouvoirs des autorités. Un prise de position qui n’a pas du tout plu au syndicat des commissaires de police qui ,lui, a fait part de son « profond mépris » envers le syndicat de la magistrature. a
Romain Chaumier
L
© DR
Manuel Valls devant l’assemblé nationale le 19 novembre
françaises s e t i l é ’ Ve ndre di és d
it 13 novembre 2015, une n u es nouvelle attaque terroriste a ébranlé
la France. Malgré des dégâts humains et matériels considérables et désespérément rapides, les unités spéciales d’interventions ont eu des réflexes qui tiennent du génie. Retour sur ces hommes de l’ombre.
Depuis quelques années la France est une des cibles privilégiées de l’État Islamique. En 11 mois, les Français ont subi deux attaques, de deux organisations terroristes différentes : Aqmi et Daech. Les unités spéciales, préparées pour réagir rapidement à ce genre de menaces sont la BRI, le GIGN et le RAID, qui travaillent souvent en équipe. Elles se chargent des enquêtes, des filatures ou des interventions spéciales, telles que Paris en a eu besoin le 13 novembre. Les hommes de la BRI sont intervenus pour maîtriser les terroristes à la salle de concert du Bataclan. Le GIGN et le RAID ont été les principaux acteurs lors des prises d’otages de l’Hyper Casher, porte de Vincennes en janvier 2015 et de Damartin-en-Goëlle.
Des groupes spécialistes, spécialisés
Bien que ces trois unités travaillent main dans la main, elles ont tout de même des spécialités. La BRI est une unité de la police judiciaire et participe activement au travail d’enquête, notamment dans le domaine terroriste. Fiches S et autres dispositifs de renseignements sont leur apanage. Le RAID et le GIGN se chargent de lutter contre le grand banditisme (trafic de drogues par exemple) et le terrorisme. Créé en 1985, le RAID a mené de nombreuses opérations d’envergure. L’unité a permis de neutraliser en 2012 le terroriste franco-algérien Mohamed Merah, le tueur au scooter de Toulon. 200 agents sont répartis sur toute la France. Plus récemment, les hommes du RAID ont mené l’assaut, mardi 17novembre 2015, en Seine-Saint-Denis. Ils ont abattu trois personnes dont le cerveau présumé des attentats du vendredi précédent.
Explosion de candidatures pour l’armée
Le GIGN fait rêver nombre de jeunes qui veulent devenir militaires. Le GIGN, l’équivalent du RAID, à une échelle militaire, dépend du Ministère de la Défense et non pas de celui de l’Intérieur. L’unité est considérée comme le Saint Graal. Depuis les attentats de Paris, beaucoup de jeunes veulent désormais s’engager dans l’armée. Les attentats ont engendré une véritable vague de candidatures sur le site internet de l’armée. Aujourd’hui, les demandes ont triplé. Les candidats expriment une montée nationaliste (mais pas raciste). Ils se sentent particulièrement touchés par les attentats et sont prêts à défendre leur pays et ses valeurs. a Grégory Zerbone
Turbulences
5
Comment Daesh a ringardisé Al-Qaïda ? Depuis les attentats parisiens du 13 novembre dernier, il n’est pas rare de lire que l’organisation de l’Etat Islamique supplante en termes d’influence son concurrent direct, Al-Qaïda. Toutefois, il est important de noter que ces deux groupes ont a priori des stratégies divergentes.
A
ux yeux du monde occidental Daesh et Al-Qaïda se résument à quelques mots. Terreur, barbarie, massacres. Pourtant, deux générations de Djihadistes s’affrontent. D’un côté « la génération Ben Laden », de l’autre « la génération Zarqawi » ancien chef du groupe Al-Qaïda en Irak, pour reprendre les termes de Romain Caillet, spécialiste de la mouvance salafiste dans une interview accordée au Point. Il s’agit simplement d’observer un clivage entre le djihad afghan en lutte contre les soviétiques des années 1980 et le djihad irakien mené contre les Américains dès 2003. De ces distinctions, les deux organisations tirent malgré tout un point commun évident. Toutes deux ont vu le jour dans le contexte d’une guerre avec l’Occident. Toutes deux ont un leader qui voudrait que le monde entier soit un califat islamique où les femmes n’aient aucun droit et où toutes croyances divergentes soient punies par la peine de mort. Néanmoins, les deux mouvances ne parviennent pas à s’accorder sur les moyens de parvenir à cet « idéal ».
Daesh possède de vrais enjeux territoriaux
La principale stratégie d’Al-Qaïda consiste à appeler les musulmans à frapper l’Occident par le biais d’attentats ciblés. Des attentats dont est censé émané un chaos, duquel pourra naitre dans un second temps le règne de l’Islam radical. Le groupe ne contrôle aucun territoire mais est composé de plusieurs branches régionales autonomes. Notamment au Maghreb (Aqmi) et au Yémen où les frères Kouachi se sont entrainés avant de perpétrer l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier dernier. A l’inverse, le leader de Daesh, Abou Bakr al-Baghdadi, cherche moins s’en prendre à l’Occident directement. Son objectif principal est avant tout de consolider un califat local ancré entre la Syrie et l’Irak. Un territoire qui le cas échéant permettra la conquête du monde. L’organisation de l’Etat Islamique serait parvenue à constituer une armée de 30 000 hommes implantée sur un territoire grand comme le Royaume-Uni d’après un reportage de Canal +.
Daesh détient un pouvoir financier
Daesh n’est pas seulement une organisation terroriste comme pouvait l’être Al-Qaïda. Ce second groupe a toujours été financé par de riches puissances, ce qui n’est pas le cas de la première. L’organisation de l’état islamique impose des taxes et des impôts sur les populations annexées et sur les territoires qu’elle contrôle. Certains trafics routiers subissent un contrôle rigoureux et pour pouvoir circuler librement sur les territoires administrés par l’organisation terroriste, payer une « taxe de circulation » est une obligation. Il ne faut pas oublier que les combattants de Daesh tirent des ressources conséquentes du racket, du trafic d’êtres humains, de la vente d’esclaves sexuelles, notamment yazidies. La vente du pétrole est une ressource financière importante mais taboue. Le groupe détiendrait une dizaine de champs pétrolifères rentables, au nord de l’Irak et à l’est de la Syrie. Grâce à ces exploitations, Daesh empocherait deux millions d’euros quotidiennement. L’organisation de l’état islamique reste donc bien plus riche et plus organisée que son ancien concurrent.
Daesh fin stratège de la communication
Aux yeux de Romain Caillet, c’est « la communication plus efficace » de Daesh qui lui permet de devancer Al-Qaïda et son chef Ayman al Zawahiri. Le fait que les jeunes djihadistes souhaitant se radicaliser se tournent de plus en plus vers lui en est la preuve. L’organisation de l’Etat Islamique a très rapidement compris l’importance de la propagande et ce même vers les jeunes des pays occidentaux en jouant sur le sentiment d’exclusion au sein de ces sociétés. L’EI est de loin le groupe de djihadistes le plus actif sur Internet. Le groupe a clairement identifié sa cible. Et comme explique à l’AFP Thomas Hegghammer du Centre norvégien de recherches sur la défense : « Le groupe a montré qu’il avait un impact sur le monde réel. Les nouvelles recrues, qui sont jeunes et impatientes, sont attirées par le groupe qui obtient des résultats. » a Alexandra Pacrot et Manon Dognin
Focus : A t-on-créé Daesh ?
Aux origines de Daesh
6
Inspirée par Al Qaida, l’organisation salafiste djihadiste de l’Etat Islamique est née de l’invasion américaine en Irak de 2003. Aujourd’hui, Daesh (acronyme en arabe de « L’Etat Islamique en Irak et au Levant ») contrôle une population de 10 millions d’habitants répartie sur un territoire entre l’Irak et la Syrie, équivalant à la moitié de la France. Retour sur l’apparition de ce groupe et ses origines spirituelles.
F
ondé en Irak en 2004, par le Jordanien Ahmad Fadil dit Abou Moussab al-Zarqaoui, Daesh - nommé tout d’abord L’association de Jihad et towhid (Monothéisme et jihad) - trouve ses racines idéologiques en Al Qaida. Figure importante du groupe terroriste, le créateur de Daesh a quitté l’Afghanistan au début des raids américains, en automne 2001, pour rejoindre l’Irak. Il a alors commencé à recruter auprès des radicaux antiaméricains et notamment auprès des officiers du dictateur irakien Saddam Hussein, auquel il a prêté allégeance. Au-delà de la lutte contre la présence américaine, l’EI a lancé une guerre entre sunnites et chiites. Le fondateur jordanien sera tué, en compagnie de son bras droit, par une frappe aérienne américaine en 2006. L’Irakien Abou Bakr Al-Baghdadi lui succède alors et rompt totalement avec Al-Qaida, ainsi qu’avec sa filiale syrienne le Front al-Nosra. Entre 2004 et 2006, Al-Baghdadi est incarcéré à Camp Bucca, une prison du sud de l’Irak tenue par l’armée américaine. Pour les terroristes les plus radicaux, l’emprisonnement est un excellent moyen d’échanger des informations tactiques et de créer des liens humains stratégiques pour l’avenir. Selon l’historien Jeremy Suri, la prison a constitué, comme le rapporte Newsweek, « un virage pour Al-Baghdadi ».
Le retour du califat islamique La volonté de Daesh, comme l’a annoncé en juin 2014 le chef de l’organisation, est de rétablir un califat islamique disparu depuis près d’un siècle. L’enjeu est d’amener le maximum de musulmans sunnites à prêter allégeance à l’EI, afin d’élargir son influence. Les revendications spirituelles de ce groupe terroriste se fondent sur un retour à « l’âge d’or islamique » : le Moyen-Âge (750-1055). Ainsi, les membres de Daesh prônent un retour à une pratique ancestrale de l’Islam, datant de l’époque du Prophète Mahomet : le salafisme. Ce mouvement rigoriste trouve son origine étymologique dans le mot arabe salaf al-salih signifiant « pieux ancêtres ». Les salafistes veulent revenir à ce qu’ils considèrent comme les origines de l’Islam, en mettant en place une lecture littérale des textes sacrés : le Coran et la Sunna. Leurs pratiques sont ultraconservatrices : le port de la barbe, de la tenue traditionnelle est monnaie courante et les actes d’adoration de leur dieu se multiplient.
Le salafisme djihadiste comme revendication idéologique L’idéologie salafiste est née du courant wahhabiste. Ce dernier est apparu au XVIIIe siècle, dans la péninsule arabique, sous l’influence du cheikh Mohammed ben Abdelwahhab, lors de l’instauration de l’état Saoudien. En 1932, ce courant est devenu l’idéologie officielle du pays. Mais, si le wahhabisme se satisfait d’un dirigeant local faisant respecter la charia, comme un roi, le salafisme, lui, souhaite revenir au califat pour l’ensemble des croyants. A partir du wahhabisme, trois idéologies salafistes apparaissent : le salafisme quiétiste, réformiste et révolutionnaire. Le mouvement quiétiste - courant le plus représenté - s’engage dans la propagation de la « vraie religion islamique » et rejette la question politique. Les réformistes, inspirés notamment des Frères musulmans égyptiens, se focalisent sur une modification religieuse des institutions politiques. Enfin, le salafisme révolutionnaire constitue la mouvance djihadiste. Les adeptes de ce courant revendiquent une action armée dans le cadre d’une guerre sainte transnationale. Cette mouvance s’est particulièrement développée dans les années 80, lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques (1979). Cette occupation a mené les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite à s’unir pour les combattre. De l’argent et des armes ont été fournis par la CIA à des milliers de salafistes, que l’Arabie Saoudite et le Pakistan s’occupaient de recruter. L’intérêt des djihadistes était de libérer la terre occupée. Parmi eux, Abdullah Azzam, un Palestinien, a été le premier à soutenir la thèse que si un pays musulman est occupé, il est du devoir des musulmans du monde entier de se joindre au djihad sur ce territoire. Lors du retrait des troupes soviétiques, en 1988, les djihadistes venus combattre en Afghanistan ont continué le djihad dans leurs pays respectifs. Al-Qaida a été fondé par Oussama Ben Laden à ce moment-là. Les troupes américaines envoyées en 1990 lors de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein ont eu pour effet de renforcer ces groupes salafistes politiques et djihadistes. En 1996, l’appel à la guerre de Ben Laden contre les Etats-Unis et les régimes alliés, dont l’Arabie Saoudite constitue la dernière étape décisive de leur renforcement. La guerre en Irak suivra, terreau de Daesh. a Marlène Thomas
L’E.I : union sacrée des islamistes et de l’armée de Saddam Hussein Au lendemain des attentats du 13 novembre, les Français sont bouleversés, l’état d’urgence prolongé et la Ve République ébranlée. Alors que grands poncifs, intoxs et infos brutes pleuvent drues, Jet Lag a décidé de prendre un peu de recul. Pour vous, nous avons fait la rencontre d’Emmanuel Razavi, grand reporter et spécialiste du Moyen-Orient. Nous revenons avec lui sur les origines du monstre Daesh ainsi que les terribles évènements qui continuent de nous agiter. Jet Lag : L’Amérique de G.W Bush, le chaos syrien, les pétromonarchies ou même Lawrence d’Arabie… De qui l’Etat Islamique est-il véritablement l’engeance ? E. Razavi : L’Etat islamique est le résultat de l’invasion de l’Irak en 2003. Les américains ont destitué et renvoyé de nombreux personnels administratifs et de hauts cadres de l’armée ira-
kienne, pour la plupart sunnites, au profit des chiites. Cela a d’abord créé une frustration sociale et religieuse, puis une véritable fracture. Ces anciens officiers de l’armée de Saddam se sont retournés contre le nouveau pouvoir irakien et les américains. Plusieurs d’entre eux ont fait l’union sacrée avec les islamistes tels Al Bagdadi. C’est ainsi qu’est né Daesh, et que la frustration dont
Focus : A t-on-créé Daesh ?
7
je parle est devenue le moteur d’une guerre terroriste s’appuyant sur une revendication religieuse. Daesh a profité de l’expérience de ces anciens officiers, qui ont mis en place une véritable structure militaire, qui va du renseignement à l’opérationnel terrain. Daesh a ensuite profité du soutien de certaines familles qataries et des saoudiens. J.L : Beaucoup s’interrogent sur la responsabilité des pouvoirs publics dans la tuerie du 13 novembre. Ce drame aurait-il pu être évité ? E.R : Je ne suis pas un spécialiste de l’anti-terrorisme. Ce que je sais, c’est que les services français font un travail d’enquête formidable. Ils déjouent des attentats régulièrement. Ils ont assurément besoin d’obtenir davantage de moyens, cela est certain. Mais encore une fois, le risque zéro n’existe pas et l’on doit se féliciter d’avoir une police et une armée comme celles que l’on a en France.
cation. Il est toutefois évident que les français doivent renouer avec la fierté du sentiment national. « La nation, c’est une âme », disait Ernest Renan. Charge à nous, journalistes, mais aussi aux politiques, aux enseignants, de transmettre cette fierté à chacun, en lui donnant les outils nécessaires, dès l’école. Chaque français, chaque personne désireuse de devenir française, doit adhérer à notre culture, à notre projet de société, au concept de laïcité, à notre style de vie et doit, bien sûr, parler notre langue. J.L : Kurdes, Russie, Iran…la solution à la crise que nous traversons se trouve-t-elle du côté de nos nouveaux alliés ? E.R : Ils ont évidemment chacun leur place dans l’équation. Le problème est que chaque pays, chaque entité, a des motivations très différentes. Abordez la question Kurde avec l’Iran, et vous comprendrez immédiatement que le point de vue iranien n’a rien à voir avec le point de vue français. a
Les français doivent renouer avec la fierté du sentiment national
J.L : L’abbé Grosjean, Prêtre du Diocèse de Versailles et Secrétaire Général de la Commission Ethique & Politique du Diocèse, a publié ce Tweet il y a quelques jours : « La réponse ne pourra pas être que sécuritaire. La force d’une nation, c’est son histoire, sa culture, son âme. Il faudra aussi retrouver cela... » Qu’en pensez-vous ? L’histoire et la culture sont-elles des réponses possibles à la menace terroriste ? E.R : Cette guerre se gagnera de plusieurs façons. Avec le renseignement, de façon militaire et bien sûr, avec la culture et l’édu-
Propos recueillis par Rémi Métral
Emmanuel Razavi Emmanuel Razavi est Grand reporter et chercheur associé à l’Université du Littoral. Diplômé de sciences politiques (IEP), c’est un spécialiste du golfe Persique. Il a couvert depuis 1997 les grands évènements et conflits du Proche et Moyen-Orient : seconde Intifada en Palestine, révolution du cèdre au Liban, intervention américaine en Afghanistan, révolution du Nil en Egypte…
offensives contre l’Etat Islamique Islamique en enen Irak LesLes offensives contre l’Etat enSyrie Syrieetet Irak
Pas d’offensives Etat Islamique Armée syrienne Rebelles syriens Kurdes Armée irakienne Bombardements de la coalition internationale
© Mathilde Van Heuckelom
Classe Affaires
8
Syrie : l’intervention au sol qui mène à une guerre sans fin
connaissent la région sont ne sont pas une option, ils sont incontournables. Les Kurdes seraient parfait, mais la géopolitique de la région, notamment les tensions avec la Turquie rendent cette collaboration impossible. Actuellement, une intervention au sol serait donc un suicide.
bombardements russe
Pre m ie rs
L
’intervention au sol, non ! Il est clair qu’aujourd’hui dans la politique qui se joue face à Daesh l’intervention au sol en Syrie est exclue. Il est facile de réduire le nombre des membres de l’organisation état islamique. Les frappes lancées par la France doivent jouer ce rôle. En plus des pertes humaines Daesh doit essuyer la perte de ses infrastructures car ce sont les centres d’entraînement et autres points de rencontre du groupe qui sont visés. L’envoie de troupe au sol ne permettra pas la destruction de l’organisation. Les membres se disperseront sur les territoires qu’ils occupent actuellement et leur identification n’est pas facile. Les pertes des troupes la grande coalition seraient considérables si une intervention au sol est décidée. Elles ne connaissent pas ou peu le terrain sur lequel elles doivent s’engager, contrairement à Daesh qui s’y entraîne quotidiennement. Des alliés qui
b ie Syr en
Une question se pose suite aux attaques du 13 novembre. Comment réagir ? Des bombardements ont eu lieu directement après les attentats. Envoyer des forces armées en Syrie pourrait être une solution. Mais ce n’est pas la bonne.
Le compromis, la solution ?
Les Kurdes ne sont pas les seuls dont le soutien soit nécessaire. La coalition internationale doit faire un compromis avec les Syriens. Pour le moment, ce compromis semble impossible dans la région, de l’Iran à l’Arabie Saoudite en passant par l’Irak et la Turquie. Des tensions existent et rendent une solution diplomatique improbable. Les Américains, refroidis par leur échec en Irak restent méfiants, voire réticents quant à une intervention au sol. Les Russes, eux, depuis le crash de leur avion dans le Sinaï sont décidés à lutter contre Daesh. Mais l’organisation terro-
© AFP
riste garde un argument de force : les attentats et autres exécutions dont ils se sont faits les spécialistes. Une seule solution semble envisageable : celle de la création d’une coalition internationale menant une action collective. Cette opportunité, plus ou moins mise en place et acquise par tous les pays membres de l’ONU, reste la seule solution envisageable. a Marion Gergely
Daesh : une sortie de secours existe Daesh recrute beaucoup mais tous les membres ne restent pas jusqu’à leur mort. Certains, trouvent la force de quitter ce monde décrit comme idyllique par les terroristes du groupe. Le retour à une vie « normale » n’est pas simple mais reste possible.
Q
uitter Daesh, ils sont nombreux à le faire. Les raisons de ces déserteurs sont multiples. La vie au sein de l’organisation de l’état islamique est décrite, à travers la propagande, comme « le » bonheur. La proximité avec Allah attire les jeunes, des musulmans les plus pratiquants aux néophytes. La déception de ne pas obtenir le mode de vie promis est grande, et c’est ce qui mène les djihadistes vers la porte de sortie.
Les raisons de la fuite
En septembre dernier les experts du Centre International pour l’étude de la radicalisation et de la violence politique (ICSR) ont interrogé 58 déserteurs de Daesh. Issus de 17 pays différents, ils les ont quittés pour rejoindre la Syrie. Plusieurs raison existent. La première concerne évidemment les conditions de vie. A la place de l’opulence promise, la misère est le quotidien des combattants
de l’EI. L’ennui, qui est l’une de ces raisons, est plus étonnant. L’étude de l’ICRS rapporte que « la vie au sein de Daesh est particulièrement ennuyeuse. » La brutalité dont fait preuve l’organisation choque les nouvelles recrues. Exactions contre les civils, otages ou même les membres du groupes accusés de trahison, poussent ces jeunes à fuir. L’une des personnes interrogées a ainsi estimé que le djihad promu par Daesh consistait en réalité opposer les musulmans les uns aux autres.
Témoignage d’une Française.
« Je parle pour ouvrir les yeux à des jeunes filles qui y vont en disant : l’Occident est contre nous, et Daesh, c’est le califat », explique cette jeune femme. Elle ajoute, dans une interview pour Le Point, « qu’en réalité, ce n’est pas un califat, mais une secte ». L’étudiante estime aujourd’hui avoir subi un lavage de cerveau. La menace reste constante au sein du groupe.
Soupçonnée de faire partie de la police française la jeune femme s’est vu répéter « Tu vas mourir ». Effrayée par la prison, la jeune femme a toutefois eu la volonté de quitter Daesh, volonté qui a été plus forte que tout.
La vie après Daesh
Dounia Bouzar, théologienne et spécialiste de l’islam, est l’auteure de La vie après Daesh. Tout en racontant la descente aux enfers de jeunes embrigadés, cette ancienne éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse dévoile surtout sa stratégie pour tenter de «déradicaliser» ces candidats au djihad - stoppés à temps ou tous justes revenus de l’enfer syrien. À travers des histoires vraies, l’anthropologue analyse et décrypte le fonctionnement de la sortie de Daesh. C’est un travail difficile, mais loin d’être impossible.a Marion Gergely
Classe Affaires
9
Molenbeek : refuge des terroristes européens La Belgique est au coeur de l’actualité depuis les attentats de Paris. Pour cause : une partie des terroristes impliqués est originaire de Molenbeek. Attentats de Paris, Madrid (2004), musée juif de Bruxelles, l’attaque du Thalys... Toutes ces attaques remontent à un seul et même endroit : Molenbeek.
M
olenbeek-Saint-Jean est l’une des communes de Bruxelles-Capitale. Cette petite ville de 95.000 habitants, est devenue en quelques années le noyau de l’islam radical en Europe. Braquages, trafics d’armes, terroristes, mosquées salafistes, drogues, tous les chemins obscurs mènent à Molenbeek.
Molenbeek : Chômage et salafisme peuvent mener à la radicalisation Molenbeek a toujours été une terre de refuge accueillant de nombreuses vagues d’immigration. Mais la ville s’est rapidement laissé dépasser par les événements. Ses habitants, d’origine étrangère en ont pris le pouvoir et sont aujourd’hui le visage controversé de la commune. Elle fait partie des villes belges où le taux de chômage est des plus inquiétants. 40% des jeunes de moins de 25 ans sont touchés, jusqu’à 60% dans les quartiers Est, où la population y est majoritairement maghrébine. Cette population peine à trouver du travail. La pauvreté, l’échec scolaire, la discrimination à l’embauche sont autant de facteurs qui poussent les jeunes, influençables, à se radicaliser. La Belgique reste le pays européen qui produit le plus de djihadistes, proportionnellement à sa population. Sur 11 millions d’habitants, 494 djihadistes ont été clairement identifiés (selon les services de renseignements). Molenbeek, à elle seule, recense vingt-deux mosquées, dont cinq jugées comme salafistes et dirigées par des imams formés dans les pays du Golfe. La surveillance des lieux de culte, devenue trop importante, pousse les djihadistes à agir dans l’ombre. Le recrutement et la radicalisation se font aujourd’hui dans les associations, les salles de sports, les bars, internet…
Molenbeek, plaque tournante et carrefour européen stratégique Abdelhamid Abaaoud, ainsi que Salah et Brahim Abdeslam, tous originaires de Molenbeek, ont tous les trois joué un rôle majeur dans les attentats de Paris. Une dizaine d’arrestations et des perquisitions en relation directe avec les événements y ont été effectuées. Brahim Abdeslam tenait un bar où se consommait alcool et dro-
gues, incompatibles avec la religion musulmane. Si la Belgique est connue pour sa production et son trafic d’armes massif, c’est également un véritable carrefour européen pour les terroristes. Passer les frontières reste aisé, les forces de l’ordre belges étant parfois trop laxistes. Elles laissent passer nombre de djihadistes à travers les mailles du filet. Le gouvernement, critiqué, est enfin passé à l’action. 400 millions d’euros vont être débloqués pour contribuer à la lutte contre le terrorisme a annoncé le Premier Ministre belge. Les fichés S, mosquées clandestines, imams, sites islamistes principalement visés. a Angélique Bernard
b len Mo
eek
de l ble i c ,
ers jours e ces derni e belg c i l o ap
©DR
res de Eagles of D emb eat m hM ux e e sd
ta l
Le
10
habille sa une aux Lag t e co oJ ul d b eu e h
l de rs
L’
Duty Free
aF
e ranc © DR
Solidarité en ligne Les réseaux sociaux ont joué un grand rôle pendant la nuit du 13 novembre. Bien avant l’AFP, c’est Twitter qui a informé le premier sur les attentats et peu de temps après les fusillades, les internautes se sont réunis sur la Toile.
A
près les fusillades, le mot-clé #PorteOuverte était lancé. De nombreux internautes parisiens ont annoncé sur Twitter leur volonté d’accueillir chez eux des blessés ou des citoyens en détresse. Le hashtag devient trending mondial et vers minuit plus de 200 000 tweets contenant #PorteOuverte ont été publiés. Au total, le mot-clé a été twitté plus d’un million de fois. Dans le feu de l’action, Facebook a lancé son Safety Check, baptisé « contrôle d’absence de sécurité ». L’objectif de cet outil est de rassurer les proches de chacun en indiquant, d’un clic, qu’ils sont en sécurité. Cette année, Facebook l’a déjà activé cinq fois, mais uniquement pour des catastrophes naturelles, comme le tremblement du terre au Népal. C’est la première fois pour ce type d’événement. L’outil a reçu un succès énorme. Quelque 5,4 millions de personnes l’ont utilisé. Le lendemain, Facebook a créé un autre outil avec lequel les utilisateurs pouvaient changer leur photo de profil. Aux quatre coins de la planète, les personnes ont modifié leur photo de profil avec le bleu, blanc, rouge, français. Mais malgré ces bonnes intentions, les habitants du monde arabe sont indignés. Après les attentats à Beyrouth, le Safety Check n’a pas été utilisé et aucun drapeau libanais n’a brillé sur les photos de profil. Mark Zuckerberg a pris en compte ces critiques et le Safety Check sera disponible dans les cas de « désastres humains ». a Mathilde Van Heuckelom
Eagles of Death Metal un groupe pour passionnés Le groupe américain se produisait le 13 novembre dernier au Bataclan devant 1500 personnes. Formé en 1996, ce groupe, méconnu du grand public, connaît cependant une certaine popularité sur la scène rock mondiale.
M
etal est leur nom, mais rock leur style. Certains parlent même de garage rock ou encore punk rock, styles de musiques apparus au milieu des années 60. C’est avec certains groupes comme les Black Keys par exemple que ces styles ont été réanimés au début des années 2000. Composé de deux membres Jesse Hughes et Josh Homme, Eagle of Death Metal s’est formé en 1996 à Palm Desert en Californie. Le démarrage est compliqué. Il faut dire que Josh Homme a créé un autre groupe en même temps, un groupe qui a connu un succès plus marquant : Queens of the Stone Age. C’est en 2004 avec la sortie de leur album « Peace, Love, Death Metal » que le groupe Eagles of Death Metal connaît son premier succès. Parmi les raisons de cette première notoriété, on retrouve la publicité. En effet, plusieurs musiques de cet album ont été empruntés par des grandes marques dans des spots télévisés. Le groupe décolle réellement avec la sortie de « Hearts on » en 2008. C’est sur celui-ci qu’on retrouve leurs titres les plus connus comme par exemple le titre « Wannabe in L.A. » Cet été, le groupe a sorti un nouvel album, très attendu par les fans. Intitulé : « Zipper down and beyond «, il avait été annoncé en octobre 2013 et est sorti le 2 octobre dernier. Le groupe a alors enchaîné les concerts sur les scènes internationales. Depuis le 13 novembre (et comme pour Charlie Hebdo), le groupe enregistre des ventes records. a Romain Chaumier
11 er uv
ar de P e r tu
is est une fête p ar
Er ne st ng
e ièr
mi He
Co
erreaux durant la F es T ête d e de ac l s p m Lu
La
Duty Free
way
s 20 14
© DR
La Fête des Lumières va rester éteinte cette année Après de nombreuses interrogations, la Fête des Lumières 2015 de Lyon n’aura finalement pas lieu. La traditionnelle manifestation est remplacée par un hommage aux victimes le mardi 8 décembre.
L
es Lyonnais craignaient cette nouvelle depuis plusieurs jours. Le climat d’insécurité qui pèse sur la France aura finalement eu raison du millésime 2015 de la Fête des Lumières de Lyon. Gérard Collomb, le maire de la ville, a considéré que l’événement « ne pouvait se dérouler sous sa forme habituelle, festive, poétique, légère » lors d’une conférence de presse avec le préfet du Rhône. La programmation initialement prévue de plus de 180 artistes sur 79 sites de la ville sera « reportée à l’identique » en 2016 et transformée par une journée d’hommage aux victimes où 200 000 luminions seront mis en vente. Ce choix de raison a des répercussions économiques très lourdes. Les hôtels, restaurants, cafés et autres acteurs du tourisme avait misé énormément sur ces quatre jours et sont les principales victimes de l’ombre. Et ce, d’autant plus que de nombreux établissements avait déjà enregistré des annulations suite aux attentats. Cet événement attire plus de 3 millions de visiteurs chaque année et mobilise un budget d’un peu plus de 5 millions d’euros par édition. La question de la sécurité reste pour autant bancale. La journée de commémoration du 8 décembre va amener une foule importante sur des lieux sensibles de la ville. Le moindre pétard lancé par un individu va entraîner des mouvements de foule, de la panique, et la sécurité ne sera pas forcément assurée. Il paraît contestable de remplacer un événement reporté par un autre, moins important, mais qui s’expose aux mêmes risques. Espérons simplement que les luminions illuminent la ville des Lumières de toutes ces flammes. a Loris Martin
© DR
« L’Hemingwaymania » Après les attentats contre Charlie Hebdo et l’HyperCacher de la porte de Vincennes, le « Traité sur la Tolérance » de Voltaire s’était écoulé à plus de 100.000 exemplaires. Depuis les attentats du 13 novembre, c’est au tour de l’ouvrage d’Ernest Hemingway, de faire un retour stupéfiant en tête des ventes.
V
ous vous souvenez sans doute de Danielle, phénomène créé par BFMTV, qu’on vous présentait comme « la plus chouette du monde » il y a quelques jours. Dans ses mots pleins de sagesse adressés à la caméra de la chaîne d’info continue, une référence littéraire n’a échappé à personne : Paris est une Fête, d’Ernest Hemingway. Cette femme de 77 ans « révoltée contre la stupidité » déclarait au reporter : « C’est très important de voir plusieurs fois le livre d’Hemingway Paris est une fête, parce que nous sommes une civilisation très ancienne et nous porterons au plus haut nos valeurs. Et nous fraterniserons avec 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment. Et nous nous battrons contre les 10 000 barbares qui tuent soi-disant au nom d’Allah. »
Hemingway, symbole de lutte face au terrorisme ? « Paris est une fête », ce livre mythique où Ernest Hemingway revenait sur le bon temps qu’il avait pris, dans les années 1920, entre Lipp, la Closerie et l’île Saint-Louis, à s’amuser, boire et écrire, connaît un irrésistible regain de popularité depuis le drame du 13 novembre. D’habitude, les libraires vendent 10 exemplaires du livre d’Hemingway par jour. « En ce moment, c’est 500 », indique l’attaché de presse de Folio qui publie le texte de l’écrivain américain. Alors que 8.000 exemplaires de « Paris est une fête » sont vendus en moyenne chaque année, l’éditeur a prévu une réimpression de 15.000 exemplaires de l’ouvrage. Plus d’un demi-siècle après sa parution, ce roman, point d’orgue de la carrière d’écrivain d’Ernest Hemingway, a été érigée en symbole de défi face au terrorisme. Mais aucune malédiction de l’histoire ne peut rivaliser avec une bonne bière, nous assure Hemingway. Qu’on se le dise : même à 7 euros le demi de Kronenbourg, nous aurons toujours Paris. a Sarah Jobert
La photo de la semaine
12
© DR
Nous aurions pu sélectionner une photo en couleurs, exposer un monument illuminé et témoigner ostensiblement notre amour au drapeau bleu, blanc et rouge. Mais ces clichés ne font pas seulement rendre hommage aux victimes ; ils sont aussi porteurs d’espoir et de vie. Nous, Jet Lag, voulions uniquement rendre un dernier hommage aux 130 martyrs avant de conclure cette édition spéciale. Sans couleurs ni artifices, mais avec la grisaille d’un dimanche de novembre, une foule importante s’est déplacée pour déposer roses et messages de soutiens au pied de Marianne, rue de la République à Paris. Cette page ne peut être tournée mais nous allons avancer désormais. Loris Martin