3Rve hiver 2011

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HIVER 2011, Printemps/été 2007,vol. vol.63no no31

REPORTAGE

Convention de la poste-publications no 41122591

Recyc-Québec passe au bac L’obsolescence programmée : un mal nécessaire ? Dude et Nina, les protagonistes d’une histoire qui ne finit pas toujours bien… www.maya.cc



PUBLIREPORTAGE

La véritable alternative écoresponsable On compte présentement plus d’un milliard d’ordinateurs en fonction aux États-Unis seulement. De ce nombre, 100 000 sont jetés chaque jour, risquant de libérer des éléments toxiques pouvant nuire à la santé et à l’environnement s’ils ne sont pas gérés adéquatement. Le traitement de tels déchets représente un véritable défi pour l’industrie des produits des technologies de l’information et des communications (TIC), défi que GEEP (Global Electric Electronic Processing), une entreprise canadienne certifiée ISO 9001 et 14001, a réussi à relever avec l’aide de ses 560 employés et de ses 9 installations en Amérique du Nord. GEEP, qui opère à l’échelle internationale, a également des installations au Costa Rica, en Europe et en Asie. Elle offre une solution globale de gestion de matériel électronique en favorisant d’abord le réemploi et en effectuant le recyclage de tout matériel en fin de vie. Le réemploi des produits technologiques prolonge la durée de vie des équipements. Grâce à ses ventes en gros et ses magasins de détail Microsys, GEEP confère une deuxième vie à des unités encore fonctionnelles et dont le niveau technologique correspond aux besoins du marché. Lorsque le matériel technologique arrive à la fin de sa vie utile, parce qu’il est défectueux ou désuet, GEEP le recycle de manière à en récupérer tous les matériaux qui peuvent servir à nouveau comme matières premières, évitant ainsi de disposer de tels produits dans des endroits inappropriés comme les sites d’enfouissement. À cause de leur teneur en métaux lourds et en éléments toxiques, il vaut mieux traiter ces produits plutôt que de les laisser dans la nature ou de les enfouir. S’ils se retrouvent dans l’environnement, ces derniers représentent un danger pour la santé et pour le milieu naturel. De telles pratiques entraînent des conséquences importantes à long terme qu’on ne peut se permettre d’ignorer ou de léguer aux générations futures. Par ailleurs, si l’on compare l’écoefficacité du recyclage par rapport à l’extraction des ressources naturelles par l’industrie minière, le recyclage s’avère un processus durable et beaucoup plus efficace. À titre d’exemple, le recyclage d’une tonne d’aluminium réduit d’environ six tonnes les émissions de dioxyde de carbone par rapport à l’extraction et à la production de cette même quantité par l’industrie minière et par l’aluminerie. Il en va de même pour l’extraction des autres métaux précieux contenus dans le matériel électronique. De telles données démontrent bien la viabilité et la durabilité du recyclage d’un point de vue économique et environnemental. L’extraction à sec telle qu’employée par la technologie GEEP est beaucoup moins énergivore et plus écologique que l’extraction des métaux par le procédé de raffinage minier traditionnel. GEEP a mis en place pour le compte de différents manufacturiers un système de collecte de matériel électronique qui permet aux manufacturiers participants d'offrir à leurs clients les services de reprise de matériel électronique en fin de vie utile sur tout le territoire canadien, sous la bannière GEEP

Un service efficace, professionnel, sécuritaire et vert !

Pour nous joindre :

1 888 326-7972 www.geepecosys.com Montréal • Barrie • Toronto • Calgary • Edmonton • Vancouver Le magazine des matières résiduelles au Québec 3RVE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

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HIVER 2011, vol. 6 no 3

reportage

sommaire CHRONIQUES

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Consommation responsable et écologique

Nouvelle certification des produits à contenu recyclé dès 2012

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En lien avec le ministre

CENTRES DE TRI C E RTI F I C ATI O N D E S C E NTR E S D E TR I : L E D E R N I E R C A D E A U E M P O I S O N NÉ D E R E CYC-Q UÉB E C

RECYC-QUÉBEC a accumulé un surplus de 42 M$ et un excédent budgétaire de 500 000 $. Sa structure administrative était souple, et une gestion serrée de ses budgets a toujours été maintenue. Aujourd’hui, pour « accroître l’efficacité de l’État et réduire des dépenses », selon le communiqué du ministre, le Ministère de l’Environnement avale la société d’État, signant ainsi son arrêt de mort.

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COLLECTE SÉLECTIVE Q U O I D E N E U F S U R L A TA B L E ?

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INFRASTRUCTURES URBAINES

L’O B S O L E S C E N C E P R O G R A M MÉE : U N M A L NÉC E S S A I R E ? U N E O C C A S I O N D E P R E N D R E L E V I R A G E D U DÉV E L O P P E M E NT D U R A B L E

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RECYC-QUÉBEC C O M ITÉ C O NJ O I NT S U R L E S M ATIÈR E S R E CYC L A B L E S : D E S A CTI O N S I S S U E S D’U N E RÉF L E X I O N C O N C E RTÉE

LE JURIDIQUE

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G E STI O N H U M A I N E D E S R E S S O U R C E S

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LE S B O N S C O NTA CTS

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L’ E N V E R S D U D É C O R

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Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.

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ACCEPTATION SOCIALE D U D E ET N I N A, L E S P R OTA G O N I STE S D’U N E H I STO I R E Q U I N E F I N IT PA S TO UJ O U R S B I E N...

Éditeur et rédacteur en chef : André Dumouchel adumouchel@maya.cc Chroniqueurs : Pierre Arcand Cédric Bourgeois Jean-Louis Chamard Dominique Dodier Christine Duchaine Louise Fecteau Frédéric Potvin Jeannot Richard

Direction artistique : MAYA communication et marketing Designer graphique : SʼAMI graphie (Syma) Révision linguistique : Annie Talbot Impression : Carpe diem

Coordination des ventes : Grégory Pratte Tél. : 450 508-6959 gpratte@maya.cc Abonnement et administration : MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (QC) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@maya.cc www.maya.cc

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Le magazine des matières résiduelles au Québec 3RVE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent la responsabilité que de leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine 3Rve recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1 er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine 3Rve est publié 3 fois l’an.



ÉDITORIAL adumouchel@maya.cc

André Dumouchel

Le roi est mort, vive le roi ! Formule classique proclamée à l’occasion de la nomination d’un nouveau monarque, l’expression le roi est mort, vive le roi est de nos jours utilisée pour commenter un changement de garde, voire un renouveau.

Selon plusieurs historiens, cette célèbre déclaration aurait pour la première fois été prononcée en France à l’occasion de l’accession au trône de Charles VII, tout juste après la mort de son père Charles VI en 1422. Traditionnellement, elle était déclamée dès que le cercueil contenant la dépouille du roi précédent était descendu dans la voûte de la basilique Saint-Denis. Ainsi donc, le titre de souveraineté se transférait immédiatement, de façon à ce qu’il n’y ait aucune période de flottement. Qu’en sera-t-il du roi Recyc ? Comme vous pourrez le constater en parcourant cette édition du 3Rve, bon nombre d’articles traitent de l’abolition de Recyc-Québec, ou plutôt de « l’intégration » de l’organisme public au sein du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, comme se plaisent à rectifier les gens du Ministère. Je vous invite particulièrement à lire notre reportage qui dresse les grandes lignes de ce mal-aimé de l’industrie. Puisqu’il s’agit d’un sujet extrêmement chaud et en pleine évolution, il se pourrait que certains passages de ce magazine soient obsolètes au moment où vous le lirez. Nous nous en excusons à l’avance, mais qu’à cela ne tienne, la présente édition de 3Rve démontre bien les sentiments partagés que suscite cet important changement pour les acteurs de notre industrie. Si, à l’occasion de l’annonce, peu d’intervenants ont réagi, il en va tout autrement depuis quelques semaines. Certains crient victoire, alors que d’autres soutiennent qu’il s’agit là d’une bourde monumentale. Quelques intervenants parlent même de détournement de fonds, en ce sens que les dollars accumulés par Recyc-Québec ne seront pas réinvestis à l’endroit initialement prévu, c’est-à-dire dans notre domaine d’activité. Selon eux, Dieu seul sait quel pan de l’économie québécoise bénéficiera de ces deniers publics.

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Ce dernier point m’apparaît fort intéressant, puisqu’à mon avis, les huards font cruellement défaut dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. Alors, s’il fallait que ces sommes soient employées à d’autres fins, nous serions tout à fait en droit de crier au scandale. En ce qui a trait à l’engloutissement proprement dit de Recyc-Québec par le Ministère, je suis personnellement très perplexe. Je le suis surtout en raison des motifs principaux invoqués par le Ministère, à savoir améliorer l’efficacité de l’État et réduire ses dépenses. Honnêtement, je me demande comment un appareil gouvernemental aussi lourd qu’un ministère pourra être plus efficace qu’un organisme proactif comme Recyc-Québec. En ce sens, je partage tout à fait l’avis de notre chroniqueuse Christine Duchaine qui signe une chronique fort intéressante sur le sujet. Comprenez-moi bien, je suis bien prêt à laisser la chance aux coureurs, mais malgré toute leur bonne volonté, les fonctionnaires du Ministère ne savent déjà pas à quel saint se vouer tellement la tâche actuelle est importante. Sur la deuxième motivation de cette action, je vous ferai part simplement de mon incrédulité totale. Combien coûtera selon vous la relocalisation des employés ? Les indemnisations de départ ? Et c’est sans parler de tous les autres frais inhérents à un tel mouvement et même de la baisse de production des employés en raison de l’incertitude qui les ronge. Car soyons francs, tout cela a un coût. Non, vraiment, je crois sincèrement que cet argument ne tient pas la route. Cela étant dit, je suis bien conscient d’avoir été l’un de ceux qui ont décrié certaines politiques et certains agissements de Recyc-Québec. Aussi, je peux avoir l’air de celui qui pleure le départ de sa compagne en ne voyant que les beaux côtés de la relation, mais je suis plutôt d’avis que le geste du gouvernement n’était simplement pas justifié et qu’on nous cache les vraies motivations. En attendant, le roi est mort, vive le roi, mais souhaitons-nous simplement que le prochain souverain trouve le moyen d’être encore plus près de ses sujets que ne l’était le précédent. I



En lien avec le ministre

Consommation responsable et écologique

Nouvelle certification des produits à contenu recyclé dès 2012 M. Pierre Arcand Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs Comme je l’ai annoncé en novembre 2010, les entreprises et les citoyens soucieux de l’environnement et de la qualité de leurs achats pourront bientôt compter sur une nouvelle certification des produits à contenu recyclé. Vous le savez comme moi, un nombre croissant de citoyens et d’entreprises désirent privilégier les produits à contenu recyclé dans leurs achats, mais ils ne peuvent appuyer leurs choix sur des renseignements fiables, car aucun encadrement adéquat n’est assuré pour l’instant. En effet, malgré une hausse constante de l’offre de produits verts sur le marché, l’utilisation de libellés établissant leur caractère écoresponsable ne repose que sur l’unique bonne foi des fabricants. Or, une étude américaine réalisée sur plus de 2 000 produits « verts » a démontré que 98 % de ceux-ci ne respectaient pas les principes de l’écoétiquetage. Je crois qu’il est important que les Québécoises et les Québécois puissent se fier à des renseignements justes et honnêtes pour éclairer leurs choix de consommation, et c’est pourquoi le gouvernement du Québec sera un des premiers gouvernements en Amérique du Nord à accorder une telle certification aux produits à contenu recyclé. L’élab oration du programme de certification a été confiée au Bureau de normalisation du Québec (BNQ), qui restera propriétaire du programme. Pour sa part, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) sera détenteur de la marque de certification et il veillera à sa promotion et à son respect. Le programme de certification devrait entrer en vigueur dès le début de l’année 2012. Je suis convaincu que ce programme aura un double effet d’entraînement. Il contribuera, d’une part, à augmenter la demande de produits verts et encouragera, d’autre part, les fabricants à utiliser 8

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davantage de matières recyclées dans la conception de leurs produits. Il s’agit donc d’un incitatif supplémentaire pour que les entreprises productrices adhèrent aux principes de l’écoconception et pour qu’elles voient les matières résiduelles comme de nouvelles ressources à exploiter. Je tiens à préciser que le rôle premier de cette certification reste toutefois de répondre à un besoin réel exprimé par diverses clientèles, c’est-à-dire les ministères, les organismes publics, Éco Entreprises Québec, les constructeurs de bâtiments durables à haute performance (LEED), ainsi que les entreprises et les citoyens; le but sousjacent est, bien sûr, de lutter contre l’écoblanchiment. En effet, de nombreuses compagnies profitent de l’absence d’encadrement pour redorer leur image en s’attribuant des qualités plus ou moins fondées au chapitre de l’écoresponsabilité. Désormais, les fabricants qui offrent de véritables produits à contenu recyclé pourront être reconnus. Ils pourront déposer leurs demandes de certification au BNQ et, lorsque celles-ci seront approuvées, ils

Il s’agit d’une excellente nouvelle, selon moi, tant pour les clientèles que pour les fabricants qui sont vraiment soucieux du respect de l’environnement. Le mandat et les services de RECYC-QUÉBEC intégrés au MDDEP Je profite de l’occasion pour glisser un mot sur un autre sujet lié aux matières recyclables, soit l’intégration de RECYCQUÉBEC au MDDEP souhaitée le 1er avril 2011. Cette décision découle d’une démarche gouvernementale visant à accroître l’efficacité de l’État et à réduire ses dépenses. Je tiens à assurer à la clientèle que toutes les activités de RECYC-QUÉBEC se poursuivront au sein du MDDEP et que le niveau de service sera maintenu, voire accru, puisqu’elle pourra bénéficier d’un guichet unique pour tout ce qui concerne la gestion des matières résiduelles, en plus de bénéficier des services offerts par les directions régionales déjà implantées partout au Québec.

[…] de nombreuses compagnies profitent de l’absence d’encadrement pour redorer leur image en s’attribuant des qualités plus ou moins fondées au chapitre de l’écoresponsabilité. verront leurs produits inscrits sur la liste des produits certifiés dans un outil de diffusion et de promotion bien encadré par le MDDEP et digne de la confiance des consommateurs québécois. L’instauration de cette certification est l’une des actions prioritaires du Comité conjoint sur les matières recyclables, qui a été constitué pour soutenir l’industrie de la récupération. Le Comité conjoint est composé de représentants de tous les maillons de cette filière d’activité : les centres de tri, l’industrie du recyclage des fibres, du plastique et du verre, les municipalités, Éco Entreprises Québec, les groupes environnementaux, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation.

L’adoption prochaine de la nouvelle Politique québécoise de gestion des matières résiduelles et la mise en œuvre de son plan d’action constituent un moment idéal pour l’intégration du mandat, des services et des ressources de RECYC-QUÉBEC au sein du Ministère. Cette nouvelle Politique comporte des objectifs ambitieux, ce qui nécessite des changements sur le plan organisationnel afin d’assurer une plus grande cohérence et une plus grande complémentarité des interventions, de même qu’une meilleure synergie des actions. L’efficacité et l’efficience gouvernementales s’en trouveront accrues, favorisant de ce fait la gestion optimale des matières résiduelles que nous visons.



reportage

L’abolition de

RECYC-QUÉBEC par Élyse-Andrée HÉROUX et André DUMOUCHEL collaboration de Léo FRADETTE

Nous l’avons appris tandis que les célébrations soulignant le 20e anniversaire de la société d’État RECYC-QUÉBEC battaient leur plein. La nouvelle est tombée. Elle s’est faufilée parmi une multitude d’informations diverses, à un moment où l’attention médiatique était ailleurs. Or, si les réactions du milieu ont été peu nombreuses dans les jours qui ont suivi l’annonce, plusieurs groupes ont, en commission parlementaire, uni leurs voix pour décrier la décision qui, selon eux, serait improvisée. Depuis sa création en 1990, RECYC-QUÉBEC a pour mission de réduire la production de matières résiduelles et d’en promouvoir la mise en valeur. Ainsi, la société d’État œuvre, depuis 20 ans, à changer les comportements et les habitudes de vie des Québécois. Il lui a fallu démontrer, convaincre, concilier, sensibiliser. Un mandat très large qui l’a conduite à développer une expertise unique, au fil d’interactions concrètes avec de multiples intervenants, tant du domaine privé que du domaine public. Aujourd’hui, le bilan de ses activités est probant : une majorité de Québécois ont modifié leurs habitudes de vie et leurs comportements. L’organisme a joué un rôle déterminant dans l’évolution de la sensibilité québécoise aux questions environnementales. Par ailleurs, RECYC-QUÉBEC a accumulé un surplus de 42 M$ et un excédent budgétaire de 500 000 $. Sa structure administrative était souple, et une gestion serrée de ses budgets a toujours été maintenue. Aujourd’hui, pour « accroître l’efficacité de l’État et réduire des dépenses », selon le communiqué du ministre1, le ministère2 de l’Environnement avale la société d’État, signant ainsi son arrêt de mort. Intégrer la société d’État au Ministère peut-il réellement améliorer les services à la population ? RECYC-QUÉBEC a toujours préconisé une approche de type « convaincre » pour distinguer son rôle de celui du ministère, qui est plutôt de « contraindre ». Dans les circonstances, il est légitime de se demander si le Ministère, dont les mandats sont nombreux, pourra maintenir le même rythme de croissance de la mise en valeur des matières résiduelles. De la même manière, pourra-t-il exercer un leadership suffisamment fort pour agir comme catalyseur du changement ?

UN HISTORIQUE À l’origine de la consigne Une légende urbaine raconte que la consigne sur les contenants de boissons gazeuses aurait été implantée à la suite du débordement d’un conteneur, dans le stationnement des bureaux du Ministère à Montréal, qu’on aurait rempli de milliers de ces emballages. Un fonctionnaire avait préparé le coup avec la complicité d’un récupérateur local. Il souhaitait démontrer au ministre de l’Environnement de l’époque, M. Adrien Ouellette, ainsi qu’à des représentants d’organismes sans but lucratif qui étaient contre la consigne, l’énorme proportion3 de matière recyclable que représentaient ces emballages, et qu’une des façons de les récupérer était de les consigner. À l’époque, ces emballages se retrouvaient en quantité de plus en plus importante dans les collectes des ménages, mais aussi éparpillés dans la nature. D’ailleurs, à la fin des années 1970, le gouvernement percevait déjà une taxe de 0,02 $ sur les contenants à remplissage unique de 2 litres. 10

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Toutefois, la consigne s’est imposée au Québec beaucoup plus pour des considérations économiques et sociales qu’environnementales. Des emplois liés aux activités d’embouteillage des boissons gazeuses en région étaient en danger. Les propriétaires des brasseries québécoises étaient menacés par les exportations massives de canettes de bière américaine. En 1983, la première entente avec les brasseurs de bière et les embouteilleurs de boissons gazeuses est signée, puis ratifiée l’année suivante par les détaillants en alimentation. Les années 1980 voient ainsi les premiers balbutiements de ce qui deviendra l’industrie de la récupération et du recyclage. C’est aussi la décennie de la mise en œuvre de la première politique de gestion intégrée des déchets solides (1987). Dans la foulée de la mise en place de la consigne, le Fonds québécois sur la récupération et le recyclage, l’ancêtre de RECYC-QUÉBEC, est constitué. La consigne s’avère une action de masse et constitue une des premières réactions tangibles à la surconsommation et à la surproduction d’emballages.


reportage Cette nouvelle mesure s’impose rapidement dans la population; on constate, en peu de temps, des taux élevés de récupération et de participation populaire. En outre, la consigne de 0,05 $, perçue sur tous les contenants à remplissage unique de boissons gazeuses et de bière mis en marché génère des revenus importants par le biais des contenants non retournés. À la fin des années 1980, le gouvernement jongle avec l’idée de constituer des fonds dédiés à la récupération de multiples produits de consommation. Un premier pour la gestion de la consigne sur les contenants à remplissage unique, un deuxième pour implanter la collecte sélective partout au Québec (environ 90 M$) et un troisième pour créer et gérer une nouvelle taxe à l’achat d’un pneu neuf4. C’est finalement en 1990 que le gouvernement libéral et son ministre de l’Environnement, M. Pierre Paradis, optent pour la création d’une société d’État, la société québécoise de récupération et de recyclage, RECYC-QUÉBEC. Ils s’approprient du même coup des actifs du Fonds québécois de récupération et de recyclage, évalués à 35 M$, pour les transférer dans cette nouvelle société. Parallèlement, en mai de cette même année, un incendie se déclare au dépôt de pneus de Saint-Amable, une banlieue située au sud de Montréal. L’incident marque les esprits par son ampleur, et met au jour le laxisme généralisé face à l’accumulation de pneus usagés, un peu partout au Québec. C’est à la suite de cet incendie que RECYCQUÉBEC marquera des points importants. À l’époque, pratiquement aucun État ne se soucie de la gestion des pneus usagés. Au Québec comme ailleurs, les pneus sont entreposés un peu n’importe comment, sans plan d’intervention. Les différents programmes5 mis sur pied à l’initiative de la société d’État durant la décennie contribueront à la naissance d’entreprises qui, encore aujourd’hui, exportent leurs produits et font travailler des gens d’ici. Le chemin qu’emprunte alors le Québec pour gérer ses vieux pneus suscitera l’admiration des autres provinces canadiennes, et même d’autres pays du monde. Sur le plan organisationnel, toutefois, les premières années d’existence de la société d’État sont difficiles. La gestion des matières résiduelles, à cette époque, n’est pas encore un sujet d’actualité, et la volonté politique d’entreprendre des réformes fait cruellement défaut. Par ailleurs, c’est le bureau du premier ministre qui décide de la nomination du président de RECYC-QUÉBEC. Ainsi, au gré des changements de gouvernement et des remaniements ministériels, un nouveau président sera nommé en moyenne tous les deux ans. La fréquence de ces changements à la direction fragilise la société d’État, précarisant la mise en œuvre d’un plan stratégique, constamment tributaire des décisions que prendra le nouveau président venu. Ces éléments n’assurent en rien la stabilité de l’organisme. Ses activités en seront maintes fois perturbées, au point même d’entacher sa crédibilité auprès des clientèles et de remettre en question son existence. Par exemple, les audiences publiques sur la gestion des matières résiduelles, lancées en 1996, n’aboutiront qu’en décembre 1999, avec la publication de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 , sous l’égide du ministre de l’Environnement, M. Paul Bégin. La modification au Règlement sur les déchets solides6, dont dépendent plusieurs des actions prévues par cette nouvelle politique, ne sera finalement adoptée qu’en 2006. La collecte sélective démarre difficilement Environ 10 ans avant la création de RECYC-QUÉBEC, ce sont de petites communautés en Allemagne et en France, inspirées de pratiques volontaires aux États-Unis et en Ontario, qui ont donné le ton à la gestion des emballages. Ces derniers sont produits en quantité faramineuse et contribuent à surcharger les dépôts d’ordures qui, eux,

se font rares et sont coûteux à exploiter. Les communautés locales exigent des autorités gouvernementales l’adoption de mesures compensatoires. C’est ainsi que seront instituées des sociétés de gestion7 agréées par l’État. En apposant un logo, le « point vert8», sur l’emballage de leurs produits, des entreprises se font reconnaître comme partenaires et contribuent financièrement à un programme de valorisation des emballages ménagers. Chez nous, la collecte sélective, contrairement à la consigne, peine à prendre de l’ampleur. On en fait d’abord l’expérience dans les municipalités de Victoriaville, L’Ancienne-Lorette et Ville LaSalle, et les premiers bacs roulants sont implantés à Drummondville. Plusieurs individus se lancent alors en affaires, croyant, à tort ou à raison, qu’il y a « de l’avenir dans les poubelles ». Dans les premiers centres de tri, mal équipés, on effectue un tri à la mitaine, matière par matière9. Les matières récupérées y arrivent pêle-mêle et sales. Selon certains récupérateurs, les architectes du Québec vert de l’époque n’ont pas suffisamment l’esprit pratique. Les recycleurs veulent des approvisionnements réguliers, de qualité, et en quantité suffisante. Quelques années plus tard cependant, grâce à l’initiative de certains visionnaires, les centres de tri québécois progressent et s’adaptent aux exigences des marchés. La création de RECYC-QUÉBEC soulève donc des passions, des questionnements, mais laisse néanmoins perplexes plusieurs intervenants, notamment les représentants de l’industrie des emballages qui viennent alors de mettre sur pied Collecte sélective Québec, dont l’objectif est d’implanter la collecte sélective des déchets partout au Québec. Quel est le message du gouvernement ? se demandent-ils. Quelle sera la mission de cette nouvelle société d’État ? Que va-t-on faire des fonds ? Des réponses viendront à partir de 1992 quand, outre l’administration de la consigne, RECYC-QUÉBEC se voit confier le vaste mandat « de promouvoir, de développer et de favoriser la réduction, le réemploi, la récupération et le recyclage de contenants, d’emballages, de matières ou de produits, ainsi que leur valorisation dans une perspective de conservation des ressources » (Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage, article 18). Malgré l’étendue du mandat, les moyens financiers adéquats, qui devraient provenir directement du ministère ou du gouvernement, tardent à être mis à sa disposition. Le véritable élément déclencheur qui donne l’élan nécessaire à l’industrie de la récupération et du recyclage provient des États-Unis, quand plusieurs États américains commencent à exiger une certaine proportion (jusqu’à 50 %, dans certains cas) de pâtes recyclées dans la production des grands journaux américains. Du coup, au Québec, débute la construction d'usines de désencrage, dont la première à Breakeaville, par Cascades. La demande pour les fibres récupérées est ainsi consolidée partout en Amérique du Nord. Il faut attendre le début des années 2000 pour que la mission de RECYC-QUÉBEC se précise davantage, et pour que soient élargis les moyens d’intervention mis à sa disposition. Le nouveau titulaire du ministère, M. André Boisclair, donne alors à la société d’État le mandat de coordonner et d’accompagner les organismes dans la mise en œuvre de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008. Du coup, RECYC-QUÉBEC se retrouve dans une position centrale. En comparaison avec le ministère, la société obtient dès lors une grande visibilité grâce à ses bons coups, mais aussi grâce à la pertinence des informations qu’elle transmet à la population et des programmes qu’elle met sur pied. L’influence de la France Aux yeux de bien des Québécois, les politiques environnementales européennes en matière de recyclage et de récupération sont Le magazine des matières résiduelles au Québec 3RVE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

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reportage beaucoup plus efficaces et avant-gardistes que celles qui ont cours en Amérique du Nord, jugées comme laxistes et à courte vue. Les pays de la communauté européenne ont fait de l’environnement un créneau important de leur économie et de leur mode de vie. Plusieurs technologies dites « vertes » y ont été développées, puis vendues ici et un peu partout dans le monde. L’année 1990 a vu naître en France l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)10, active dans le domaine de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. Ses champs d’intervention sont la gestion des déchets, la préservation des sols, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, la qualité de l’air et la lutte contre le bruit. L’agence française est aujourd’hui devenue un outil majeur de la transformation de la société française. En comparaison, le Québec s’est montré pour le moins ambivalent. Les décisions politiques prises au cours des dernières années dans le domaine de l’environnement en témoignent de manière éloquente. Certes, les Québécois trient et récupèrent davantage à la maison aujourd’hui, mais ce changement est attribuable, en grande partie, aux convictions vigoureuses de quelques individus et groupes qui ont poussé et dérangé les élus, de même qu’à la sensibilité des citoyens, bien plus qu’à l’efficacité d’un quelconque programme gouvernemental. Une gestion gouvernementale ? Depuis le début des années 1980, le Québec privilégie, en matière législative, l’approche de type « volontaire » à l’égard des politiques de gestion des matières résiduelles. Aujourd’hui encore, sur papier, les politiques sont ambitieuses, mais les organismes responsables disposent de peu de moyens11 pour les mener à terme. Les résultats, bien que certaines améliorations soient observables, se font encore attendre. La production des déchets continue d’augmenter, et une proportion importante de ceux-ci est toujours dirigée vers l’enfouissement. Deux politiques adoptées en moins de 20 ans n’ont pas suffi pour engendrer les changements escomptés. Une troisième a été annoncée. Peut-être une quatrième sera-t-elle nécessaire ! Les modes de récupération actuellement en place sont déjà complexes pour les citoyens, qui tentent tant bien que mal de s’y retrouver entre les contenants consignés qui doivent être rapportés dans les commerces et la collecte sélective des matières recyclables. Avec les nombreux produits visés par la nouvelle politique12, celle-ci contribuera-t-elle davantage à semer la confusion qu’à entraîner une meilleure gestion des matières résiduelles ? Le gouvernement du Québec a entre les mains les outils législatifs nécessaires pour gérer efficacement ce secteur, mais encore doit-il faire preuve d’un peu d’audace. Sachant que l’approche volontaire n’a pas donné les résultats escomptés, Québec doit à tout prix revoir ses priorités, puis clarifier et optimiser sa stratégie à l’égard des énergies renouvelables et des changements climatiques. De son côté, RECYC-QUÉBEC, pour opérer, n’a jamais dépendu des crédits du ministère ni de ceux du Conseil du trésor. Cette indépendance relative face aux aléas de la politique québécoise lui a permis de traverser les années et, aussi, nombre de remaniements ministériels et changements de gouvernement. Mais la société d’État était-elle trop indépendante ? Le modèle administratif de RECYC-QUÉBEC s’apparente à celui de l’utilisateur-payeur. Selon la loi actuelle, la société d’État peut facturer des « frais de gestion » pour certains de ses services. Ainsi, l’organisme perçoit des frais pour l’administration de programmes 13 du gouvernement et d’ententes conclues entre entreprises dans le cadre de la mise en œuvre de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, notamment celles visées par la responsabilité élargie des producteurs (REP). 12

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En vertu de la REP, les entreprises ciblées doivent mettre en place un programme de récupération et de valorisation des produits qu’elles mettent en marché. Chaque entreprise est libre d’élaborer son propre programme ou d’adhérer à un programme collectif mis sur pied par un organisme agréé par RECYC-QUÉBEC. Dans le secteur de la peinture, des huiles et filtres usagés, des emballages et des imprimés, la plupart des entreprises ont opté pour des programmes collectifs. Elles se sont ainsi regroupées au sein des organismes Éco peinture, la Société de gestion des huiles usagées (SOGHU), Éco entreprises Québec et Recycle Médias, respectivement. Les frais de gestion ainsi perçus ont permis à la société d’État, en plus d’assurer l’administration des organismes agréés, d’initier, de développer, de mettre en œuvre et de maintenir des activités connexes à son mandat. Par exemple, des activités d’information, de sensibilisation, d’éducation, des travaux de recherche et développement, d’intervention sur les marchés, des programmes d’aides, des bourses universitaires, etc. Jusqu’à tout récemment, la société pouvait percevoir un pourcentage maximum de 10 % pour couvrir ses frais de gestion et ses autres dépenses liées à un régime de compensation. Depuis 2004, en vertu d’un décret qui a déterminé la compensation accordée aux municipalités pour assurer la récupération et la valorisation des emballages et imprimés au Québec, une somme correspondant à 6 % de la contribution exigible était facturée par RECYC-QUÉBEC. Ces sommes étaient soustraites des contributions remises aux municipalités. Au printemps 2010, dans le cadre d’un processus de révision réglementaire, le gouvernement a finalement acquiescé aux demandes répétées des regroupements municipaux et propose de cesser de soustraire ces montants des contributions. Dans les faits, le ministère propose de réduire le pourcentage maximum de frais administratifs pouvant être prélevés par la société d’État de 10 % à 5 %14, et de refiler directement les frais de gestion aux entreprises, plutôt que de les déduire des montants accordés aux municipalités. Le ministère recommande également d’augmenter de 50 % à 100 %, d’ici 2015, la compensation retournée aux municipalités pour les services de collecte sélective. L’environnement : une source de revenus intarissable pour l’État ? La tarification des services aux usagers n’a pas été inventée par la société d’État. D’impensable au moment de sa création, elle est aujourd’hui devenue la norme, et elle constitue une source importante de revenus pour l’État et les ministères. Ainsi, depuis le début des années 2000, pratiquement tous les services du MDDEP sont facturés aux clientèles. Comme le démontre le tableau ci-dessous, moins de 1 % des ressources financières du ministère provient des crédits du gouvernement. Le reste, soit 99,5 % des sommes, est perçu auprès des utilisateurs. Ressources financières du ministère du Développement durable, de l’Environement et des Parcs, 2009-201015 Source Montant (000 $) Pourcentage % Crédit alloué 243 175 0,05 % Droits et permis 9 712 2% Fonds vert 468 458 98 % Total 478 413 100 % La véritable source de financement est dorénavant le Fonds vert, qui engendre 98 % des revenus totaux du ministère. En 2009-2010, un peu moins d’un demi-milliard de dollars y ont transité. Les programmes associés aux changements climatiques, dont les revenus proviennent en majeure partie de la consommation d’essence des automobilistes, ont


reportage généré à eux seuls 85 % des revenus, suivis de loin par les redevances à l’enfouissement avec un peu plus de 13 % des revenus. Les revenus provenant de la redevance à l’enfouissement augmentent cependant depuis octobre 2010. Pour chaque tonne dirigée vers un lieu d’élimination, une redevance supplémentaire de 9,50 $ s’ajoute à celle de 10,88 $, pour un total de 20,38 $. En 2011, si le taux d’enfouissement des Québécois se maintient, une somme supplémentaire d’environ 63 M$ s’ajoutera aux revenus du ministère, qui totaliseront alors environ 126 M$. Les établissements du secteur industriel, commercial et institutionnel (ICI) seront à toutes fins utiles les seuls à assumer les frais de la redevance supplémentaire, puisque le gouvernement s’est déjà engagé auprès des municipalités à retourner l’équivalent des sommes perçues dans le secteur résidentiel, soit 33 %. De la même manière, le ministère retourne aux organismes municipaux 85 % des revenus de la redevance à l’enfouissement de 10,88 $ la tonne de la façon suivante : 60 % selon le nombre d’habitants par territoire, et 40 % selon des critères de performance. Les modalités pour l’obtention de la subvention sont très larges. Il suffit d’avoir adopté un plan de gestion des matières résiduelles (PGMR), d’engager des dépenses reliées à la gestion des matières résiduelles et d’avoir payé des redevances. Étendre la tarification à d’autres produits et activités ? Grâce au transfert des activités de RECYC-QUÉBEC, le ministère ajoutera à ses revenus les 3 $ perçus à l’achat d’un pneu neuf, ce qui représente une somme entre 15 et 18 M$ par année. Mais qu’en

sera-t-il des autres produits ou activités ciblés par le plan d’action proposé dans le projet de la Politique de gestion des matières résiduelles, horizon 2020 ? Chose certaine, la voie de la tarification est toute tracée. Serionsnous surpris si le gouvernement décidait de puiser dans les fonds ou les programmes dédiés, une fois les cibles atteintes ? Est-ce que le gouvernement cessera de percevoir les sommes provenant des droits environnementaux ou des redevances si les programmes étaient modifiés ou abolis ? Perspectives L’environnement est un domaine porteur de projets. Les retombées économiques, sociales et environnementales associées à la recherche et au développement des technologies du domaine de l’environnement ne sont plus à démontrer. Des créneaux se développent, entraînant du coup la création d'emplois, et contribuent à la richesse collective, notamment lorsque les connaissances et les produits sont exportés. La récupération et le recyclage des matières résiduelles font également partie des projets de notre société. La production de nouvelles sources d’énergie renouvelables à partir des matières organiques est porteuse de promesses pour les prochaines générations. Contrairement à la vocation d’un ministère, le mandat et la nature des activités d’une société d’État comme RECYC-QUÉBEC sont spécifiques et ciblés. Ce sont, au bout du compte, les élus de

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reportage

l’Assemblée nationale qui en choisissent les dirigeants, qui en déterminent le mandat et les budgets. Ne pourrait-on concentrer les activités compatibles aux secteurs du développement durable, de l’économie d’énergie, des changements climatiques, de l’air et de l’eau, et créer une agence de promotion des énergies vertes ? Ne serait-il pas temps de miser sur l’envergure, l’expertise et la fiabilité d’un organisme voué à l’atteinte d’objectifs mesurables en matière d’économie environnementale ? Au moment de la création de RECYC-QUÉBEC en 1990, presque tous les résidus de consommation étaient dirigés vers l’enfouissement. Au fil des ans, la société a développé une expertise aujourd’hui reconnue concernant les problématiques liées aux 3RVE16, et l’a rendue accessible à toute la population. Son approche respectueuse de sa clientèle (surtout constituée d’organismes qui regroupent des producteurs de déchets) a encouragé le gouvernement à confier à la société un rôle de coordination, de concertation et de sensibilisation dans la mise en œuvre de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008. Cette démonstration de confiance était essentielle, dans le contexte où les intérêts des multiples organismes17 visés ou intéressés par cette politique n’étaient pas nécessairement convergents.

distinctes, l’utilité et le rôle stratégique de RECYC-QUÉBEC dans la mise en œuvre de la Politique. Entre autres, la création, par RECYCQUÉBEC, d’un programme d’aide financière19 destiné à l’industrie du recyclage, ainsi que de la Bourse québécoise des matières secondaires, a assurément contribué au développement du domaine des matières récupérées. Le positionnement de RECYC-QUÉBEC à l’égard des multiples intervenants du milieu a permis à la société d’État d’établir, avec l’accord du gouvernement, les balises de ses activités, et d’opérer. Mais peutêtre le mandat de la société est-il allé trop loin et, naturellement, trop vite pour certains groupes ? Il est vrai que les mauvaises performances attribuées aux différents secteurs d’activité, incluant les activités des gouvernements, sont toujours tributaires de la réglementation et des incitatifs, financiers et autres, dont on veut bien les doter. Au cours des 20 dernières années, RECYC-QUÉBEC a développé une expertise reconnue dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. Cette expertise survivra-t-elle une fois que la société aura été intégrée au ministère ? Les organismes qui produisent les déchets, quant à eux, seront-ils mieux servis ? Une réforme de l’institution n’aurait-elle pas été plus logique et profitable pour le développement stratégique du Québec ? I

Deux rapports18 d’analyse des sociétés d’État du gouvernement du Québec ont par ailleurs souligné et reconnu, pour deux périodes

1. 2. 3. 4. 5.

6. 7. 8. 9.

10. 11.

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Le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). Une tonne de cannettes équivaut à environ 60 000 cannettes d’aluminium. Un droit environnemental de 3 $ a été autorisé en 1999. 1993 : lancement du Programme des pneus hors d’usage (début du vidage des lieux d’entreposage); 1997 : Programme de gestion intégrée des pneus hors d’usage (orientation vers la mise en valeur); 1999 : entrée en vigueur du droit environnemental de 3 $ à l’achat de pneus neufs. 1978, c.Q-2, r.13. Adhésion à un programme collectif. Le point vert en Allemagne - Der Grüne Punkt, administré par le Duales System Deutschland GmH (DSD). Le point vert en France est administré par Éco-Emballage. Le financement de la collecte sélective se fera d’ailleurs sur une base volontaire jusqu’en 2005, en vertu du Règlement de compensation pour les services municipaux fournis en vue d’assurer la récupération et la valorisation des matières résiduelles, introduit en 2002 mais appliqué à partir de 2005. Les matières résiduelles visées sont les contenants, les emballages, les imprimés et les médias écrits. Encore aujourd’hui, un peu moins de 50 % des coûts de la collecte sélective sont compensés. L’ADEME est sous la tutelle conjointe du ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et du ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique. Par exemple, le manque d’effectifs et de ressources financières.

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12. Parmi les produits visés par la nouvelle politique de gestion des matières résiduelles, mentionnons ceux liés aux technologies de l’information (TI), les piles et les fluocompacts. 13 Par exemple, le programme de gestion intégrée des pneus hors d’usage et le système de consigne publique sont des programmes du gouvernement administrés par RECYCQUÉBEC. 14. Dans la proposition du ministère, le pourcentage correspond à une moyenne de 3 % pour les années 2010 à 2015, et demeure le même pour les années suivantes. 15. Source : Rapport annuel 2009-2010, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, pages 43-46. 16. 3RVE : Réduction, Réemploi, Recyclage, Valorisation et Enfouissement. 17. À titre indicatif, les organismes municipaux, les entreprises de récupération, de recyclage et de valorisation, les entreprises spécialisées dans les services environnementaux, les groupes sociaux et environnementaux, mais aussi les groupes représentant les entreprises de fabrication, de distribution ou encore celles responsables de la mise en marché des multiples produits de consommation vendus sur le marché québécois. Éco entreprise Québec (produits d’emballage), Écopeinture (la peinture) et la SOGHU (huiles et filtres) sont des exemples de regroupements d’entreprises. 18. Groupe de travail sur l’examen des organismes du gouvernement (1997 et 2005). 19. En novembre 1994, le Programme d’aide au développement de l’industrie du recyclage avait suscité des investissements de près de 21 M$ et la création de 381 emplois, dont un dans une entreprise de recyclage du caoutchouc et un autre dans le conditionnement du verre. (Source : INFO RECYC, vol. 2, no 6).


CENTRES DE TRI

CERTIFICATION DES CENTRES DE TRI : LE DERNIER CADEAU EMPOISONNÉ DE RECYC-QUÉBEC

Frédéric Potvin ing. directeur général Tricentris fpotvin@tricentris.com

Le gouvernement s’apprête à mettre en place une certification basée sur un taux de ventes réalisées localement. A priori, cela semble vertueux. Mais pourquoi donc vouloir ainsi bafouer les lois du marché international ? Et au profit de qui ? Quels sont les principes qui justifient une telle démarche ? Pour comprendre, il faut remonter quelques mois plus tôt. À l’automne dernier, on a assisté à une véritable attaque contre les centres de tri et les citoyens qui recyclent. Ces attaques étaient engagées sur trois fronts. L’un d’eux dénonçait la vente de papier mixte en Chine au détriment du papier journal au Québec. Ensuite, les médias ont décrié la mauvaise qualité des produits des centres de tri pour finalement les traiter d’entreprises subventionnées. La certification aura pour but de contrer une partie de ces accusations. Mais sont-elles seulement fondées ? Les centres de tri vendent des matières dont le prix fluctue. Ils ajustent leur production en fonction de la valeur marchande. Il est parfois plus rentable de produire du papier mixte, parfois plus rentable de faire des ballots de papier journal. C’est le marché des matières recyclables qui dicte cet état de fait. Or, le papier mixte est peu, voire pas acheté en Amérique du Nord, les papetières utilisant davantage le papier journal. Celles-ci se plaignent donc de devoir acheter leur papier journal ailleurs qu’au Québec. L’industrie du tri est atypique. Nous vendons un produit dont nous ne décidons pas du prix. Avant l’arrivée des Chinois sur le marché, les centres de tri ne décidaient même pas à qui vendre. À cette époque, le papier mixte se vendait entre -5 et +5 $. Depuis l’arrivée du marché chinois, le prix se fixe entre 60 et 135 $ la tonne métrique. Nous ne sommes donc plus sous l’emprise d’un marché contrôlé par une petite poignée de joueurs. Les papetières doivent désormais payer le juste prix pour le papier récupéré. S’il faut 10 trieurs de plus par quart de travail pour faire du papier journal, c’est donc de 7 à 12 $ la tonne qu’il faut ajouter à sa valeur. Dans les faits, c’est tout l’inverse, puisque le papier journal vaut moins que le papier mixte. Il y a donc adéquation entre la volonté des papetières et la valeur du produit recherché.

[…] il est fallacieux de prétendre que produire du papier mixte est une forme de mauvaise qualité de papier journal. Ce sont deux produits différents.

La qualité des produits issus des centres de tri a également été critiquée. Or, il est fallacieux de prétendre que produire du papier mixte est une forme de mauvaise qualité de papier journal. Ce sont deux produits différents. Le papier mixte produit au Québec est réputé d’excellente qualité. Quant aux subventions, n’y a-t-il pas plus subventionnée que l’industrie du papier au Québec ? On lui cède le bois gratuitement. On subventionne les chemins forestiers pour qu’elle aille le chercher ! Il est curieux qu’une industrie aussi dépendante des deniers publics nous traite ainsi ! Et de grâce, ne pensez pas que subventionner les centres de tri afin qu’ils puissent produire du papier journal serait la solution ! Ceci ne viendrait en fait qu’ajouter une autre partie de fonds publics à la valeur d’une tonne de papier journal. Il est d’ailleurs grand temps que l’on fasse une vaste étude pour savoir enfin ce que rapporte réellement l’industrie du papier au Québec. En guise de solution, pourquoi certaines papetières, au lieu d’attaquer leurs présents ou futurs partenaires d’affaires, ne les aident-elles pas dans leur quête visant à extraire du bac les sacs de plastique (qui coûtent 1000 $ la tonne à trier !) ? Cette matière nécessite au moins six trieurs par quart de travail pour les séparer du papier journal. Ces mêmes trieurs pourraient ainsi participer au tri du papier journal sans trop augmenter les frais de production. Pourquoi les papetières présentes au Comité conjoint n’ont-elles pas bronché sur l’ajout du plastique numéro 3 à la charte des matières recyclables alors que les centres de tri disaient ne pas avoir de marché ? Si Recyc-Québec initie une quelconque démarche visant la qualité ou la nature des produits des centres de tri, elle le fait de son propre chef, n’ayant pas reçu l’aval des centres de tri au Comité conjoint sur les matières recyclables de la collecte sélective, procès-verbal à l’appui. La solution préconisée par Recyc-Québec, soutenue par l’industrie du papier, consiste donc à créer une certification des centres de tri, laquelle serait octroyée en fonction d’un taux de ventes réalisées auprès d’entreprises québécoises. Les municipalités ne faisant pas traiter leurs matières dans un centre de tri certifié ne recevraient pas leur pleine portion de remboursement des frais de collecte sélective. Tel est le stratagème imaginé par nos décideurs afin de contourner les règles du marché mondial. Or, cette solution ne tient nullement compte de l’adéquation entre la valeur réelle du papier journal par rapport à la valeur des produits concurrents. Si on nous demande de vendre localement au rabais par le biais d’une certification quelconque, ce sont les municipalités qui subventionneront à leur tour la production de papier journal. Jusqu’où iront ces papetières dans leur désir de pérennité ? Après le bois, elles veulent le papier recyclé à rabais. Est-il réaliste de penser pouvoir payer aussi peu pour du papier journal ? Le principe qui régit une telle certification n’est pas environnemental, mais plutôt économique, sinon politique. I

L’argument environnemental a aussi été évoqué, mais rappelons que le transport du papier mixte utilise des bateaux vides qui doivent de toute façon retourner en Chine.

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COLLECTE SÉLECTIVE

QUOI DE NEUF SUR LA TABLE ?

Louise Fecteau M. Sc. présidente, Gaïa Environnement inc. directrice générale, Table pour la récupération hors foyer louise.fecteau@gaia-environnement.com

Près de trois ans après l’annonce de l’allocation de ses premiers fonds, la Table pour la récupération hors foyer pilote encore aujourd’hui de nombreux projets. Avec le renouvellement de l’engagement de chacun de ses 13 membres en 2010-2011, la Table aura reçu plus de 8 millions de dollars en contributions volontaires en 4 ans !

La récupération dans les aires publiques municipales Au cours de la première phase triennale du programme de la Table, 435 villes de toutes les régions du Québec se sont partagé 2 591 000 $ pour le financement de plus de 5800 équipements de récupération installés dans leurs aires publiques ! Devant ce succès sans précédent, une nouvelle ronde de financement a été lancée en octobre dernier. Le programme destiné aux organismes municipaux ciblera cette fois les projets de récupération des matières recyclables dans les parcs et en bordure de rues commerciales et principales.

150 bacs-duo ont été installés sur la rue SainteCatherine, à Montréal, en juin 2010.

Parmi les changements apportés au programme, notons que cette année, la Table financera au demandeur municipal un équipement sur deux jusqu’à concurrence de 675 $ par équipement admissible. De plus, il est nécessaire de desservir la totalité d’un lieu donné, c’est-à-dire que chaque poubelle doit être soit remplacée par un panier à deux voies, soit couplée à un équipement de récupération. Sur les lieux financés, on ne retrouvera donc plus de poubelles orphelines.

[…] cette année, la Table financera au demandeur municipal un équipement sur deux jusqu’à concurrence de 675 $ par équipement admissible. Service de collecte dans les restaurants, bars et hôtels La Table dispose également de fonds pour l’implantation de la récupération dans les restaurants, bars et hôtels. Cette aide financière est octroyée aux organismes municipaux ou aux entrepreneurs de services de récupération pour leurs clients, selon que les établissements sont collectés par le service municipal ou par contrat privé. Les derniers résultats publiés font état de plus de 1800 établissements qui, grâce au programme de la Table, récupèrent désormais toutes leurs matières recyclables. Ces résultats sont largement attribuables aux ententes que nous avons conclues 16

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Ville de Chambly a participé au programme en fournissant aux restaurants de son territoire les bacs nécessaires à une récupération optimale.

avec des organismes des différents milieux (éco-quartiers à Montréal et Conseil régional en environnement à Québec) et les arrondissements et villes concernés, qui permettent des interventions personnalisées et efficaces. En cours à Montréal et à Québec, ce type d’entente se déploiera bientôt dans d’autres régions du Québec. En invitant la population québécoise à faire de la pratique de la r é c u p é r a t i o n u n n o u v e a u c r i t è r e d a n s l e ch o i x d e s établissements qu’elle fréquente, la Table a mis à la disposition du public une adresse Internet menant à une liste de restaurants, bars et hôtels qui font de la récupération : www.tablehorsfoyer.ca/bonnetable. *** Un des objectifs du projet de Politique de gestion des matières résiduelles publié en novembre 2009 est de recycler 70 % du papier, du carton, du plastique, du verre et du métal résiduels. De plus, le Plan d’action 2010-2015 prévoit qu’au plus tard en 2013, le gouvernement interdira l’enfouissement du papier et du carton. Le programme de la Table est en droite ligne avec ces objectifs. Il favorise d’une part l’implantation de systèmes permanents de récupération des matières recyclables dans des lieux de consommation où les matières étaient auparavant éliminées. D’autre part, les projets présentés doivent obligatoirement prévoir la récupération de toutes les catégories de matières sans exception. Avec les conditions rattachées à son programme, la Table favorise la récupération et le recyclage optimaux des matières recyclables dans un lieu donné, sans égard à la valeur ponc t uelle d’ une mat ière ou enc ore à la faci l i té d e conditionnement d’un produit en particulier. L’initiative des membres de la Table a créé un mouvement irréversible au Québec en favorisant l’implantation de systèmes de collecte sélective, privée et publique, dans de nouveaux secteurs d’activité. De plus en plus, les citoyens peuvent reproduire lors de leurs activités de loisir ou au travail les gestes de récupération qu’ils posent instinctivement à la maison. D’autres projets sont en élaboration… On se retrouve pour des nouvelles fraîches bientôt ! I

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INFRASTRUCTURES URBAINES

L’OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE : UN MAL NÉCESSAIRE ?

Jean-Louis Chamard M.Sc. Env. président Chamard et Associés inc. j l . c h a m a rd @ c h a m a rd e t a s s o c i e s . c o m

Il y a un peu plus de 15 ans, nous avons acheté un lave-vaisselle dont la porte était garantie à vie. Cependant, la fermeture du couvercle du porte-savon dans cette porte s’est brisée. On a fait venir le réparateur qui nous a annoncé que ce porte-savon n’était plus fabriqué et que la pièce n’était pas disponible. Résultat, on le conserve avec un porte-savon défectueux, puisque le lavevaisselle fonctionne encore très bien, ou on le change pour un nouveau plus économique, écologique et performant. Dernièrement, l’écran de mon téléphone cellulaire d’à peine trois ans d’usure s’est éteint pour de bon. Essayer de changer un écran sur un téléphone cellulaire de trois ans, c’est comme pour mon porte-savon. C’est impossiblei ! On doit le mettre au rebut ou le recycler. Encore là, où recyclons-nous les téléphones cellulaires qui ne fonctionnent plus ? Je vous laisse deviner ! L’automne dernier, j’ai lu avec intérêt un rapport du Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) et des Amis de la Terre France : L’obsolescence programmée, symbole de la société de gaspillage – Le cas des produits électriques et électroniques ii. Je vous en fais le résumé, car il illustre un phénomène de consommation qui nous frappe également à plus d’un titre.

Maintenant, la durée de vie d’un réfrigérateur est estimée à 10 ans, celle d’une télévision à 8 ans, d’un téléphone cellulaire à 4 ans, d’un ordinateur à 5 ans. Rappelons que, depuis 2005, les déchets d’équipements électriques et électroniques (DE E E) font l’objet d’une réglementation du Parlement européen. Ainsi, en 2008, les Français ont incinéré, traité ou enfoui dans des filières informelles plus de 70 % de leurs DEEE. Du 30 % restant, 2 % a été réemployé, 80 % recyclé et 18 % incinéré… alors que l’on devait privilégier le réemploi et le recyclage ! Mais ils en consomment toujours plus : en 2010, un Français consommait trois fois plus qu’en 1960. Et c’est aussi vrai, sinon plus, pour un Québécois. Mais qu’en est-il de l’obsolescence programmée ? De quoi s’agitil ? « L’obsolescence programmée est un processus par lequel un bien devient obsolète pour un utilisateur parce qu’il n’est plus à la mode ou qu’il n’est plus utilisable. » Cette stratégie est planifiée par les entreprises et le raccourcissement de la durée de vie du produit est pensé dès la conception de celui-ci. Le sujet est tabou et il a fait l’objet d’une enquête de l’émission Envoyé spécial sur France 2 en février 2010. Les produits doivent durer au moins deux ans, car ils sont encore garantis par le fabricant. En outre, les fabricants ajustent leur développement ou leur innovation au seuil psychologique de renouvellement par les utilisateurs de ces équipements, soit entre six et sept ans. Aujourd’hui, les appareils semblent avoir une durée de vie plus courte qu’il y a 50 ans. Durant la dernière décennie, le phénomène a pris de l’ampleur. Maintenant, la durée de vie d’un réfrigérateur est estimée à 10 ans, celle d’une télévision à 8 ans, d’un téléphone cellulaire à 4 ans, d’un ordinateur à 5 ans. Non seulement les produits se complexifient, mais on y ajoute des 18

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fonctions qui sont loin d’être essentielles : accès Internet sur le réfrigérateur, éclairage dans la sécheuse, etc. On électrifie et on électronise de plus en plus de petits appareils manuels tels que la râpe à fromage, le moulin à épices, la friteuse, l’autocuiseur. Quelles sont les formes de l’obsolescence programmée ? Il y en a plusieurs : • L’obsolescence technologique ou technique : des pièces de remplacement de moins en moins disponibles, des produits indémontables, des appareils de plus en plus sophistiqués, des logiciels incompatibles, des appareils moins robustes. Des exemples : mon porte-savon non disponible, le téléphone cellulaire difficilement démontable pour remplacer une pièce, les nouveaux jeux vidéo, des pièces en plastique plutôt qu’en métal. • L’obsolescence écologique : le remplacement d’appareils électroménagers par d’autres moins énergivores, des appareils plus petits utilisant moins d’espace. Des exemples : le remplacement des vieux réfrigérateurs, les téléphones cellulaires de plus en plus petits, les téléviseurs DEL économisant l’énergie, les ampoules à basse consommation privilégiées aux incandescentes. • L’obsolescence esthétique : l’effet de mode, l’attrait pour le nouveau. Des exemples : les appareils électroménagers de couleur, la nouvelle console de jeux, la télévision 3D. Ces différentes formes d’obsolescence programmée servent un modèle économique qui mise sur la production renouvelée de biens et sur le multiéquipement. On ne répare plus les équipements, du moins les plus petits. On ne pense plus à les faire réparer, car on ne sait plus où les faire réparer ni par qui; souvent, c’est aussi coûteux que du neuf. De plus, les pièces ne sont plus disponibles : on ne les garde pas en stock, on en modifie le design ou on propose un nouveau modèle. Quelles en sont les conséquences ? On consomme les ressources de la Terre avec gourmandise, pour ne pas dire gloutonnerie. Si ce n’était que le Québec ou le Canada qui en était malade, ce serait un moindre mal. Nous ne pesons pas lourd dans la balance terrestre. Mais ce mal se répand rapidement aux pays émergents. Les consommateurs de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de la Russie, pour ne nommer que ceux-là, désirent aussi atteindre notre degré de consommation et de « bonheur ». En nombre, ces consommateurs représentent beaucoup plus que nous, consommateurs occidentaux. La pression sur les ressources terrestres n’en sera qu’accentuée avec comme conséquence que les conclusions du Rapport Meadows — Halte à la croissance , réalisé par le Club de Rome en 1972, se concrétiseront peut-être. Mais nous continuerons à produire et à consommer puisque les concepts de développement durable et de durabilité nous réconforteront dans nos choix de valeur et de société. Et, comme le dit le professeur Bourg de l’Université de Lausanne : « … le marché finit toujours par susciter des techniques qui vont nous permettre de nous en sortir. » Ainsi, nous atteindrons des pénuries relatives plutôt qu’absolues pour les ressources terrestres. Elles seront plus coûteuses à extraire en termes d’énergie et avec des concentrations moindres. I i Pourtant, l’article 39 de la Loi sur la protection du consommateur stipule : « Si un bien qui fait l’objet d’un contrat est de nature à nécessiter un travail d’entretien, les pièces de rechange et les services de réparation doivent être disponibles pendant une durée raisonnable après la formation du contrat. » Les tribunaux ont défini, dans le cas de certains biens, que « raisonnable » pouvait s’étendre jusqu’à 10 ans. ii Toutes les citations de cet article sont extraites du rapport, disponible en ligne : www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/RAPPORT_OP_BDEF_2_.pdf

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C O M ITÉ C O NJ O I NT S U R LE S MATIÈR E S R E CYC LAB LE S : D E S ACTI O N S I S S U E S D’U N E RÉFLEXI O N C O N C E RTÉE

RECYC-QUÉBEC

Jeannot Richard vice-président Opérations et développement, Recyc-Québec, jt.richard@recyc-quebec.gouv.qc.ca

Le gouvernement du Québec a annoncé, en janvier 2009, un plan d’intervention incluant sept mesures visant tout particulièrement à soutenir les centres de tri en regard de la chute draconienne des prix des matières recyclables récupérées. De façon plus générale, ce plan d’intervention avait pour objectif d’appuyer tous les acteurs impliqués dans la filière de la collecte sélective des matières recyclables, et ce, en vue d’assurer un développement structurant de cette industrie en pleine croissance.

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ce plan d’action a engendré des résultats très concrets, dont plusieurs méritent d’être mentionnés.

Charte des matières recyclables La Charte des matières recyclables de la collecte sélective a été dévoilée le 5 octobre dernier par le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. Elle vise avant tout à faciliter le travail des citoyens en uniformisant les matières minimalement acceptées dans le bac de récupération à l’échelle du Québec. Cette Charte permettra du même coup d’augmenter la qualité et la quantité des matières reçues par les centres de tri, tout en contribuant à diminuer la contamination des matières sortantes et les rejets. Plusieurs outils de communication ont été rendus disponibles aux municipalités, aux centres de tri et aux autres intervenants afin de favoriser la diffusion de la Charte et l’information des citoyens2.

Plusieurs outils de communication ont été rendus disponibles aux municipalités, aux centres de tri et aux autres intervenants afin de favoriser la diffusion de la Charte et l’information des citoyens

L’une de ces mesures consistait à mettre sur pied un Comité conjoint sur les matières recyclables. Ce Comité est composé d’une trentaine d’intervenants représentant l’ensemble des maillons de la filière de la collecte sélective des matières recyclables au Québec : municipalités, centres de tri, transformateurs et recycleurs, groupes environnementaux, organismes de financement agréés ainsi que le gouvernement. Son mandat est de cibler et de proposer des solutions et des actions permettant d’accroître l’efficacité et la performance de la collecte sélective, tout en renforçant les liens entre les divers intervenants.

Standards de qualité

Un plan d’action1 a été élaboré qui comporte 16 actions prioritaires. Après plusieurs mois de travail, la mise en œuvre de

Des standards de qualité existants pour les matières sortantes des centres de tri ont été adoptés par le Comité conjoint comme

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C O M ITÉ C O NJ O I NT S U R L E S M ATIÈR E S R E CYC L A B L E S : D E S A CTI O N S I S S U E S D’U N E RÉF L E X I O N C O N C E RTÉE

objectifs à atteindre. D’autres travaux seront réalisés au cours de l’année 2011, et ce, en vue de mieux cerner des standards plus adaptés pour le Québec, lesquels tiendraient compte des types de collecte, des technologies utilisées par les centres de tri et des besoins des recycleurs du Québec. Le développement de ces critères de qualité se fera avec la collaboration du Bureau de normalisation du Québec (BNQ). Ces critères, normes ou standards de qualité seront grandement utiles pour les centres de tri, les recycleurs et aussi pour les municipalités qui pourront s’en servir dans leurs devis d’appel d’offres.

vecteurs déterminants dans le choix et la mise en œuvre des mesures adéquates visant à consolider et à renforcer ce secteur d’activité. Cette concertation conjuguée aux initiatives proposées a permis de réaliser des actions structurantes bénéficiant à tous les maillons de la filière. Bien qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir, nous pouvons être fiers de ce bel exemple de concertation et de partenariat qui donne des résultats à la hauteur des efforts consentis par tous les maillons de la filière ! I 1. Disponible au www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/Upload/Publications/CR_Filieres/RapportComiteConjoint.pdf 2. Disponibles au www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/client/fr/gerer/municipalites/charte.asp

Étude de l’impact de la présence de certaines matières Afin de mieux cerner les coûts associés à certaines matières dans la chaîne de récupération et de recyclage, un mandat a été octroyé au Centre de recherche industriel du Québec (CRIQ) pour la réalisation d’une étude d’impact de la présence du verre, des sacs de plastique et des plastiques émergents dans la collecte sélective. Les impacts environnementaux, sociaux et économiques de ces matières sur l’ensemble de la chaîne (de la collecte au recyclage) ont été identifiés en vue d’en déterminer les coûts économiques et opérationnels. L’étude ciblera également des pistes d’amélioration possibles et celle-ci sera complétée vers la fin de 2011.

Certification de produits à contenu recyclé Dans le but de développer les marchés pour les matières récupérées, le Comité conjoint a souscrit à l’idée du développement d’une certification des produits à contenu recyclé. À cet effet, un nouveau mandat a été confié au BNQ. Cette certification devrait être effective au début de l’année 2012. Une promotion soutenue de ces produits sera effectuée une fois cette certification en vigueur, donnant ainsi des repères fiables aux organisations publiques et privées ainsi qu’aux consommateurs désirant acquérir des produits dont les propriétés environnementales sont reconnues.

Comité de travail sur le polystyrène C e r t a i n e s m a t i è r e s p l u s d i f fi c i l e m e n t récupérables et recyclables ont aussi fait l’objet de travaux et c’est notamment le cas du polystyrène. Au cours de 2010, un comité sur le polystyrène a été mis en place et celui-ci travaille actuellement sur des initiatives stratégiques, dont celle de mettre en œuvre deux projets pilotes de récupération. Les conclusions de ces projets pilotes seront connues vers la fin de 2011.

Un actif du Comité conjoint La collaboration dont font preuve tous les représentants au sein du Comité conjoint sur les matières recyclables constitue l’un des Le magazine des matières résiduelles au Québec 3RVE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

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A C C E PTATI O N S O C I A LE

DUDE ET NINA, LES PROTAGONISTES D’UNE HISTOIRE QUI NE FINIT PAS TOUJOURS BIEN…

Cédric Bourgeois M. Env. président Transfert Environnement c b o u rg e o i s @ t ra n s e n v i ro n n e m e n t . q c . c a

Comment gérer ces individus qui, promoteurs ou citoyens, se croient tout permis ?

IL ÉTAIT UNE FOIS… … un entrepreneur du nom de Dude qui projetait d’implanter une usine de biométhanisation près d’un quartier résidentiel vieux d’une dizaine d’années. Son projet respectant le zonage du secteur et les règlements municipaux, ses études confirmant le site techniquement et économiquement optimal, Dude ne s’enquiquina pas à savoir si son projet était acceptable pour la communauté d’accueil. Béton, tuyaux et camions de transport des matières organiques miroitaient déjà dans ses yeux. De l’autre côté de la rue du futur développement vivait une femme du nom de Nina qui, un beau matin, apprit la venue du projet de biométhanisation, dont elle ne connaissait pas les tenants et aboutissants. Malgré tout, en deux temps trois mouvements, grâce aux médias sociaux, Nina avait rassemblé une petite armée de voisins qui, n’étant pas prêts à sacrifier leur qualité de vie, s’opposèrent farouchement au projet de Dude. Le maire de la municipalité, voyant la communauté s’enflammer sur les décisions d’aménagement et les projets ficelés d’avance –

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et constatant aussi l’approche des élections – se mêla de l’affaire, bien qu’il eût déjà rencontré Dude pour discuter affaires... Une petite saga était née !

NIMBY, NIMTOO et compagnie Cette historiette, dont les personnages sont fictifs, caricature les combats de planification et d’aménagement du territoire qui se vivent partout au Québec. Le phénomène NIMBY (Not in my backyard – Pas dans ma cour) intervient maintenant dans tout secteur de développement et toute région : gestion des matières résiduelles dans les grands centres urbains, parcs éoliens, développements commerciaux, etc. Le NIMBY se passe désormais de présentation, mais peut-être pas ses déclinaisons moins connues : NIMTOO, NOPE, BANANA, la liste des dérivés est longue. Le nom des personnages de notre récit n’est d’ailleurs pas étranger à ce nouveau jargon de l’urbanisme : • DUDE – Developer under delusions of entitlement : promoteur croyant posséder tous les droits. • NINA – Ni ici ni ailleurs : refus non seulement de la localisation d’un projet d’aménagement, mais de son essence même. • Le NIMTOO (Not in my term of office : pas pendant mon mandat) réfère quant à lui à l’élu pris de panique à l’idée que l’électorat n’approuve pas le projet. Les acronymes BANANA (Build absolutely nothing anywhere near anything : ne construisez rien nulle part près de quoi que ce soit) et NOPE (Not on planet Earth : pas sur la planète Terre) illustrent le refus total de développement où que ce soit. Certains voisins de Nina en sont peut-être même frappés !

Satisfaire Dude, Nina et les autres ? Dans notre histoire, la piste de solution à privilégier réside dans la volonté de chacune des parties à collaborer : il n’est pas trop tard

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D U D E E T N I N A, L E S P R OTA G O N I STE S D’U N E H I STO I R E Q U I N E F I N IT PA S TO UJ O U R S B I E N…

Bref, les possibilités d’intervention pour une administration municipale sont nombreuses, mais parfois délaissées en raison des charges publiques qui incombent déjà aux décideurs municipaux. pour bien faire les choses et dialoguer. En ce sens, il est encore possible de proposer une démarche pour améliorer le concept. Une autre partie de la solution se situe au niveau des instances gouvernementales. Chacun des paliers a le pouvoir d’innover, que ce soit en matière d’aménagement ou encore dans les processus d’évaluation environnementale des projets. Prenons l’exemple du niveau municipal : quelles auraient été les réactions de nos deux protagonistes si, 10 ans auparavant, lors de l’implantation du quartier résidentiel de Nina, la municipalité avait statué sur un zonage incluant des zones tampons obligatoires en fonction du type d’usage permis ? Ces secteurs « interaffectations » auraient pu être définis en fonction de paramètres tels que le paysage, les odeurs et la conservation de services écologiques. Que serait-il advenu si la municipalité avait conçu le quartier de Nina selon un lotissement de conservation, en densifiant une partie seulement du territoire à développer pour mieux conserver les sites jugés d’intérêt écologique et collectif ? Ou encore si la municipalité avait eu une politique ferme de consultation et de concertation des citoyens ? Bref, les possibilités d’intervention pour une administration municipale sont nombreuses, mais parfois délaissées en raison des charges publiques qui incombent déjà aux décideurs municipaux. Une autre réponse à la question en rubrique réside dans la gestion

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responsable d’une infrastructure, une fois les phases de construction et de mise en service achevées. La pérennité, le caractère durable et les mécanismes de suivi et de surveillance sont tous des éléments intégrés dans ce type de gestion. Tout développement n’est pas mauvais, loin de là ! Pour le croire, les parties prenantes veulent une raison claire et des cas de référence. Toute une culture de l’information transparente et de la participation des publics est donc à développer pour Dude et ses collègues. D’autre part, la fibre activiste de Nina doit être alignée dans une optique constructive, respectueuse et intègre. Promoteurs, instances gouvernementales et citoyens arriveront à bâtir des projets acceptables avec un amalgame de bon vouloir, d’empathie et d’ouverture réciproque… Et vous, avez-vous une Nina ou un Dude dans votre arrière-cour ? I

D’autres acronymes à connaître :

Builders against not in my backyard Activists – Entrepreneurs contre les activistes NINA CAVEmen Citizens against virtually everything – Citoyens en défaveur de tout projet LULU Locally unpopular land use – Utilisation des terres localement impopulaire NIMFOS Not in my field of sight – Pas dans mon champ de vision NIMFYE Not in my front yard either – Pas dans ma cour non plus SLAPP Strategic lawsuit against public participation – Poursuite stratégique contre la participation citoyenne WIIFM What’s in it for me ? – Qu’est-ce que ça m’apporte ? BANYs



LE PROJ ET DE LOI 13 0 ET SES I M PACTS QU E L SE RA L’AVE N I R DE

LE JURIDIQUE

Me Christine Duchaine Avocate en droit de associée chez Sodavex, cabinet juridique spécialisé en environnement cduchaine@sodavex.com

Écrit en collaboration avec Me Mira Gauvin

Vingt ans après la création de Recyc-Québec, le gouvernement a présenté le projet de loi 130 intitulé Loi abolissant le ministère des Services gouvernementaux et la Société québécoise de récupération et de recyclage […]. Malgré l’utilisation du terme « abolition », le gouvernement prétend que Recyc-Québec sera intégrée au sein du MDDEP, permettant des économies récurrentes et une amélioration des services à la population qui bénéficiera « d’un guichet unique » pour tous les services reliés aux matières résiduelles. Plusieurs journalistes et représentants de groupes ont dénoncé le projet de loi, invoquant la mise à mort d’un organisme performant et profitable. Qui a raison ? Rappelons qu’en 1990, le recyclage n’était pas une préoccupation sociale. Seule une faible proportion de la population avait accès à des équipements permettant le recyclage (telles les cloches) et la collecte des matières recyclables était inexistante. Or, le constat venait d’être fait concernant l’inefficacité des méthodes d’enfouissement utilisées et un consensus prenait forme sur la nécessité de sensibiliser la population à l’importance de réduire la quantité de matières résiduelles enfouies. Recyc-Québec a été créée en 1990 afin de mettre en œuvre et de coordonner des activités visant la mise en valeur des matières résiduelles, de développer les connaissances et de mobiliser les différents acteurs pour réduire les quantités de déchets générées et éliminées. Recyc-Québec a contribué à l’éducation et à la sensibilisation de la population sur l’importance des 3RVE et a adopté plusieurs initiatives visant à favoriser l’atteinte des objectifs des politiques de gestion des matières résiduelles du gouvernement. L’approche de Recyc-Québec a toujours été basée sur le volontariat plutôt que sur la coercition, et ses démarches se sont faites en collaboration avec les entreprises et les municipalités concernées. Elle a réussi à le faire non seulement en respectant les budgets qui lui étaient alloués, mais en accumulant un surplus de 40 M$. Le projet de loi 130 prévoit que la loi constitutive de RecycQuébec soit abrogée et modifie la Loi sur le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs afin de prévoir qu’en ce qui a trait à la gestion des matières résiduelles, le ministre puisse « élaborer et mettre en œuvre des mesures ou programmes visant à prévenir ou à réduire la production de matières résiduelles, à promouvoir la récupération et la valorisation de ces matières, de même qu’à favoriser le développement de technologies et d’entreprises liées à ces secteurs d’activités ». Il pourra également « administrer tout système de consignation ». Les dispositions transitoires prévoient que le ministre soit substitué à Recyc-Québec et qu’il en acquière tous les droits et les obligations. Les mesures et les programmes continueront de s’appliquer jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, modifiés ou abrogés tandis que l’aide financière et les subventions actuellement convenues seront réputées avoir été accordées par le ministre. Enfin, les fonds accumulés par Recyc-Québec seront transférés au Fonds vert.

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RECYC-QUÉBEC ? Les journalistes et plusieurs associations voient dans ce projet de loi la fin de Recyc-Québec tandis que le MDDEP y voit simplement une réorganisation visant à offrir des services améliorés à moindres coûts. Qui a raison ? Même si, techniquement, le MDDEP s’est vu octroyer les pouvoirs nécessaires à la poursuite des actions de Recyc-Québec, je suis d’avis que les probabilités que cela se réalise à moyen et long terme sont faibles. Et tout vient du fait que les articles du projet de loi 130 utilisent le verbe « pouvoir » et non « devoir » lorsqu’il est question des pouvoirs du ministre en ces matières. En effet, le ministre se voit imposer plusieurs obligations, dont celle de faire respecter la LQE et ses règlements. À ce titre, il doit entre autres voir à la rédaction des lois et règlements, au respect des lois par le biais d’inspections et d’enquêtes, à l’émission des autorisations requises et à l’approbation des plans de réhabilitation des sols contaminés. Il est proverbial que le MDDEP n’a pas les effectifs et les budgets suffisants pour effectuer les tâches qui lui

[…] il serait étonnant que des efforts constants et importants soient consentis par le MDDEP dans un domaine optionnel où il est question de prévention, d’éducation et de sensibilisation. incombent d’une manière efficace. Tous le déplorent. Ainsi, dans l’optique où le MDDEP ne peut que parer à ce qui est le plus urgent et obligatoire et tant que le gouvernement ne décidera pas de faire de ce ministère une priorité, il serait étonnant que des efforts constants et importants soient consentis par le MDDEP dans un domaine optionnel où il est question de prévention, d’éducation et de sensibilisation. À court terme, le MDDEP respectera sans doute les ententes signées et poursuivra les programmes amorcés. Mais, contrairement à Recyc-Québec, pour qui la sensibilisation et l’éducation étaient les principaux objectifs, il est à prévoir qu’au fil des années, le MDDEP privilégiera les aspects plus coercitifs de son mandat et que nous assisterons à la disparition lente de la plupart des initiatives de Recyc-Québec. En ce qui concerne la prétention du ministre voulant que les services à la population soient améliorés par la mise en place d’un « guichet unique », permettez-moi d’être sceptique. C’est comme si nous décidions de réunir les services sociaux et les services policiers sous un même toit : il est permis de douter de l’efficacité des policiers à aider les personnes en quête d’un soutien psychologique ou de l’envie pour la population de contacter les policiers pour demander de l’aide. En ce sens, la séparation entre Recyc-Québec et le MDDEP permettait un échange d’information que la nouvelle structure est susceptible de rendre plus ardue. Pour l’instant, le projet de loi a seulement été déposé et des auditions publiques ont été tenues par la Commission des finances publiques entre le 19 janvier et le 3 février 2011. Reste à voir s’il sera adopté, avec ou sans modification, à temps pour son entrée en vigueur prévue le 1er avril 2011. I


G E STI O N H U M A I N E D E S R E S S O U R C E S

ÊTR E O U N E PA S ÊTR E TE C H N O ?

Dominique Dodier directrice générale EnviroCompétence dominique.dodier@envirocompetences.org

Telle est la question !

Internet, ordinateur, iPhone, BlackBerry, iPad (pour ne nommer que ceux-là) sont tous des outils qui devraient en principe faciliter notre vie et notre travail. Pourtant, en écoutant les gens autour de moi, je constate qu’ils ne savent plus où donner de la tête et qu’ils ont, dans les faits, de moins en moins de temps. Les nouvelles technologies sont certes des outils indispensables et facilitent grandement nos communications en temps réel. Or, la quantité d’information transmise est exponentielle. Comment être efficace avec autant de produits, de services qui nous dérangent tout le temps, à n’importe quel moment, jour et nuit, partout sur la planète ?

Une étude réalisée en France a permis de constater que les cadres des entreprises reçoivent en moyenne de 200 à 300 courriels par jour. Une étude réalisée en France a permis de constater que les cadres des entreprises reçoivent en moyenne de 200 à 300 courriels par jour. Comment être plus efficace si la quantité de courriels, d’appels téléphoniques et de textos augmente sans cesse ? Pour répondre à tous les messages, il faut avoir le temps et, surtout, bien le gérer. Il n’y a pas si longtemps, le seul moyen pour vous joindre était le téléphone ou le rendez-vous en personne. Maintenant, on peut vous joindre aussi au téléphone de votre bureau, sur votre cellulaire, par des applications Internet. Et, en plus, les gens s’attendent à ce que vous répondiez dans un laps de temps très court. La seule façon de s’en sortir gagnant est de fixer des règles et de communiquer celles-ci à vos employés, à vos contacts. Par exemple, vous décidez que deux fois par jour vous lisez vos courriels, que lors de réunions, tout comme le soir, vous fermez votre cellulaire. Avisez vos contacts et vos employés du temps dont vous disposez et demandez-leur d’indiquer si la réponse est urgente ou importante (ce qui est très différent). Une autre solution est d’utiliser à son plein potentiel les logiciels de courrier tels Outlook qui offrent une foule de fonctions de gestion : fixer des rappels, prioriser et catégoriser les courriels entrants, etc. Ces règles et ces moyens de gestion peuvent être suggérés à l’ensemble de vos employés, mais cette politique doit être consignée par écrit soit dans votre manuel des employés, soit dans vos politiques générales, soit dans vos processus. Il faut aussi développer un sens éthique par rapport au téléphone portable. Il convient de développer le réflexe de fermer son appareil, d’enregistrer un message qui stipule que vous ne pouvez répondre en ce moment, mais que vous rappellerez dès que vous serez disponible.

des cellulaires qui sont la propriété du bureau, vous vous devez de les informer du contrat négocié avec le fournisseur de service, en plus de diffuser des règles claires quant à l’utilisation pour des fins personnelles, en cas d’abus, d’appel interurbain, etc. Dans le cas des cellulaires appartenant aux employés, des règles s’appliquent également, car on voit présentement que plusieurs de nos employés sont constamment dérangés pour des raisons personnelles. Même chose pour l’utilisation d’Internet; une politique écrite doit être conçue, qui décrit clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. D’ailleurs, plusieurs entreprises ont mis en place une politique dont tous les employés doivent prendre connaissance et signer. Pour ce qui est des sites visités par vos employés, un bon technicien peut vous aider à limiter ou à interdire l’accès à certains d’entre eux, mais encore une fois, il faut aviser vos employés de cette nouvelle directive. Selon une étude réalisée par la firme de sondage CROP en 2010 pour le compte de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), près de 10 % des travailleurs salariés du Québec seraient tentés de jouer en ligne au bureau. Selon l’Ordre, le manque d’encadrement technologique au bureau est un problème : « En plus de subir une perte de productivité, les employeurs feront face à de nouveaux problèmes de gestion. En 2010, une politique qui encadre l’utilisation d’Internet n’est plus une option dans nos entreprises. » Le Canadian Inter@ctive Reid Report dévoilait en 2003 que le temps consacré à Internet au travail était passé de 8 heures à 15 heures par semaine depuis 2000. « Considérant que 38 % des Canadiens accédaient à Internet au travail, que 88 % d’entre eux l’utilisaient à des fins personnelles et que 29 % de ces 15 heures étaient vouées à des activités privées, on peut affirmer que 1,6 milliard d’heures de travail par an ont été volées aux employeurs canadiens 1. » Il est donc permis de croire que l’apparition des téléphones intelligents et l’augmentation en popularité des réseaux sociaux comme Facebook n’ont fait qu’accroître ces chiffres. Pas surprenant que le nombre de congédiements d’employés augmente en raison de leur utilisation abusive d’Internet. Bref, la technologie et les communications permettent de gagner en efficacité dans la mesure où des règles claires ont été définies et diffusées à l’ensemble des employés. Car partant du principe que l’on ne peut reprocher à ses employés leurs écarts s’ils n’ont pas d’abord été prévenus de la conduite à tenir, nous nous devons, comme gestionnaires, d’informer les gens avant de les sanctionner. Pour terminer, disons que toute chose est bonne si celle-ci ne verse pas dans l’excès; le téléphone cellulaire et Internet n’échappent pas à cette règle. I 1. Florent Francoeur, « Détournement de temps », La Presse, 9 juin 2003.

En ce qui concerne vos employés, la gestion des appels sur leurs téléphones portables devrait être encadrée. Si vos employés ont

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LE S B O N S C O NTA CTS

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LE S B O N S C O NTA CTS

STÉPHEN DAVIDSON, ing. Directeur de projets Environnement 1205, rue Ampère, bureau 310 Boucherville (Québec) J4B 7M6 Tél. : 450 655-9640, poste 237 Téléc. : 450 655-7121 stephen.davidson@bpr.ca www.bpr.ca

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L’ E N V E R S D U D É C O R

Sources : l’équipe de 3Rve.

es, ouvell ets n s e j d des su avez Vous ecdotes ou aire part ? des anêt à nous f tout à d’intér parvenir le Faites aya.cc m @ o f in

EBI FLOTTE AU GNC

NOS CONDOLÉANCES C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de l’épouse de Michel Savard de Gaudreau environnement. Madame Gariépy est décédée le 31 décembre dernier à son domicile. Nous tenons à offrir nos plus sincères condoléances à Michel et à ses proches. Le 3R MCDQ tenait récemment son 14e rendez-vous annuel. L’événement aura permis à plus de 330 intervenants de l’industrie de se réunir et d’échanger, en plus d’assister à des conférences de qualité. Sur la photo, M. Sébastien Richer, président du 3R MCDQ, remet le prix Gino Mastro 2011 à M. Gilles Bernardin, viceprésident du même organisme et directeur, Développement des Affaires de Holcim (Canada) inc. Nous vous invitons à visiter le site Internet de l’association afin de connaître les détails du rendez-vous de l’an prochain. www.3rmcdq.qc.ca

ÇA BOUGE AU C.E.S.E

EBI-Environnement entamera sous peu la conversion au gaz naturel comprimé (GNC) de sa flotte de camions assurant la collecte et le transport des matières résiduelles, devenant ainsi la première entreprise canadienne carboneutre de son genre. Les camions seront fabriqués au Québec par le groupe environnemental Labrie. Pour ce qui est du ravitaillement des véhicules, il sera assuré par Gaz Métro Solutions Transport, filiale de Gaz Métro, qui prévoit aménager des installations de ravitaillement en gaz naturel comprimé dans les régions desservies par EBI. Un bien beau succès en perspective ! Souhaitons que d’autres entreprises lui emboîtent le pas.

UN PEU D’HUMOUR… Tourné e provinciale de la poule!

À NE PAS MANQUER !

La Canadian waste and recycling Expo débarquera à Montréal les 9 et 10 novembre prochains. Seul salon canadien dédié aux acteurs des industries de la gestion des matières résiduelles et des travaux publics, l’événement se tiendra au Palais des congrès. Au programme, des conférences techniques, une vitrine technologique, plus de 200 exposants et, bien sûr, une occasion en or de réseautage. Pour de plus amples renseignements, contactez Arnie Gess en écrivant à arnie.gess@cwre.ca ou visitez le www.cwre.ca.

Après avoir récemment organisé le Forum sur le recyclage des produits électroniques et le premier Colloque sur la gestion des déchets dangereux, sans oublier le gala Envirolys le 9 décembre dernier, le C.E.S.E. récidive en vous offrant une formation sur les exigences environnementales des appels d’offres. La formation sera offerte à Québec le 31 mars, à Montréal le 14 avril et à Sherbrooke le 27 avril. Plus de détails au www.cese.ca.

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Le magazine des matières résiduelles au Québec 3RVE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011



Voyez loin devant

Sherbrooke O.E.M. conçoit, fabrique et installe des centres de tri et des centres multifonctionnels parfaitement adaptés à vos besoins. Grâce à notre sens de l’innovation et à notre expertise, nous pouvons vous offrir une usine clé en main à la fine pointe de la technologie. Notamment à l’aide de nos unités de tri optique, nous sommes également en mesure de modifier vos équipements existants afin de les rendre plus performants. • Diminue vos coûts d'opération • Augmente la qualité de vos produits triés • Augmente la capacité et la performance de votre système

sans frais : 1 866 851.2579 mtremblay@sherbrooke-oem.com Démonstration vidéo à www.youtube.com/oemltd

*Sherbrooke O.E.M est distributeur autorisé des équipements de tri optique de pointe


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