HIVER 2024, vol. 20 no 1

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HIVER 2024, vol. 20 n o 1

Le magazine de l’eau au Québec

TAGE REPORLU S I F E XC

Convention de la poste-publications no 41122591

De nouveaux outils pour une planification durable des actifs municipaux en eau Traitement des eaux usées par boues granulaires 101 Redevances sur l’eau : la mise à jour tant attendue

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www.magazinesource.cc


Reprenez le contrôle de votre parc de filières septiques ! OClair Environnement est une entreprise familiale fondée sur la vision d’un microbiologiste qui se passionne pour le domaine des eaux usées. La firme se spécialise dans la création de plateformes collaboratives en santé publique et en protection de l’environnement. La mission d’OClair Environnement est de protéger les populations des contaminants qui nuisent à la santé publique et à l’environnement, et ce, en fournissant des données de qualité en temps réel. OClair Environnement privilégie la transparence dans la communication des informations, le partage entre les différents intervenants, ainsi que l’acceptabilité sociale, qui se trouve à la base même de tout développement durable. La mission d’OClair Environnement est de protéger les populations des contaminants qui nuisent à la santé publique et à l’environnement, et ce, en fournissant des données de qualité en temps réel. OClair Environnement privilégie la transparence dans la communication des informations, le partage entre les différents intervenants, ainsi que l’acceptabilité sociale, qui se trouve à la base même de tout développement durable. L’absence d’un système de surveillance flexible fournissant des données en temps réel, afin d’assurer le respect de la réglementation sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22), combinée au manque d’outils de gestion informatisée performants pour les municipalités afin de faire appliquer cette loi ont justifié, en 2023, la création de l’application

infonuagique Nerri Municipal. Développé en partenariat avec la ville de Rigaud, cette dernière permet une gestion informatisée efficace des filières septiques résidentielles primaires, secondaires avancées et tertiaires. Elle est spécifiquement conçue pour soutenir les inspecteurs municipaux dans l’exercice de leurs fonctions, que ce soit au bureau ou sur le terrain, pour leur facilité la vie et leur permettre de se concentrer sur des projets prioritaires et stratégiques pour leur municipalité. Elle est dotée d’un module de communication intégré pour les intervenants, soit les inspecteurs municipaux, les fabricants, les vidangeurs, ainsi que les citoyens. En simplifiant le travail des acteurs du domaine des eaux usées des résidences isolées résidentielles, Nerri Municipal permet aux inspecteurs municipaux de reprendre le contrôle de la gestion de leur parc de filières septiques. Nerri Municipal est la toute première plateforme web et mobile en temps réel, qui permet la gestion complète de la filière septique, de la fosse (gestion des vidanges) au système tertiaire (UV, analyse de laboratoire), qui intègre un module de communication et un portail dédié au citoyen. Elle centralise l’ensemble des données recensées lors des vidanges, des entretiens, des inspections et des réparations de systèmes septiques. Elle aide également à orienter et à optimiser les stratégies d’action en minimisant les délais dans la mise aux normes d’une installation. OClair Environnement est fier de compter parmi la 2ieme cohorte du programme AquaEntrepreneur de AquaAction, dont la mission est de protéger la qualité de l’eau potable en Amérique du Nord. Nous serons présents à la COMBEQ qui aura lieu au Centre de congrès de Saint-Hyacinthe du 18 au 20 avril 2024 et au Congrès de la COMAQ du 24 au 26 mai 2024 au Centre de Congrès de Québec. Venez nous visiter à notre kiosque !


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HIVER 2024, vol. 20 n o 1

Le magazine de l’eau au Québec

reportage 8

« Au Québec, on parle de 8 à 26 millions de dollars que nous pourrions consacrer à autre chose au lieu de débloquer des conduites et d’acheter des pompes qui déchiquettent. » — Martine Lanoue

chroniques

SOMMAIRE

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LES AMIS DE SOURCE

CERIU DE NOUVEAUX OUTILS POUR UNE PLANIFICATION DURABLE DES ACTIFS MUNICIPAUX EN EAU

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TRAVAUX PUBLICS QUÉBEC LES HÉROS DE L’OMBRE EN SITUATION D’INONDATION ET D’URGENCE

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TRAITEMENT DES EAUX TRAITEMENT DES EAUX USÉES PAR BOUES GRANULAIRES 101

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TRAITEMENT DES EAUX ASSAINISSEMENT AUTONOME : ÉTUDE DE CARACTÉRISATION DU SITE ET DU TERRAIN NATUREL

Éditeur et rédacteur en chef André Dumouchel adumouchel@maya.cc

LE JURIDIQUE

REDEVANCES SUR L’EAU : LA MISE À JOUR TANT ATTENDUE

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ONSS LES B TACT

N S CO

Coordonnatrice à la direction de l’édition Maude Champagne coordination@maya.cc Direction artistique MAYA Designer graphique Sylvain Malbeuf (SymaPub)

Chroniqueurs Maéva Ambros Kathia Brien Clément Cartier Me Thibaud Daoust Christian Vézina Photos de la page couverture et de l’entrevue iStock by Getty Images, Réviseurs linguistiques Benoît Brière Christine Paré Émilie Pelletier

Espace publicitaire André Dumouchel Téléphone : 450 508-1515 adumouchel@maya.cc Abonnement et administration MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (Québec) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@magazinesource.cc www.magazinesource.cc Impression Héon et Nadeau

Journaliste et rédactrice Marie-France Létourneau

Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.

4 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024

© Tous droits réservés. Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent que leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine SOURCE recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine SOURCE est publié trois fois l’an.


TE SI U T EA N E UV E R NO INT


ÉDITORIAL

LES DESSOUS INSOUPÇONNÉS

DE LA CUVETTE Qui n’a pas déjà déposé dans la cuvette de toilette des cheveux, des poils d’animaux, des lingettes humides, des produits d’hygiène féminine ou même de la peinture ?

L

e geste peut sembler banal. Mais il se révèle problématique et coûteux pour les municipalités. Et le phénomène est malheureusement beaucoup plus répandu qu’on le croit. Notre reportage « La toilette n’est pas une poubelle » illustre bien cette situation. Nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme en 2021 dans le cadre d’un dossier sur le fléau économique et écologique que représentent les lingettes à usage unique lorsqu’elles sont jetées à la toilette. Force est de constater que la situation n’a pas réellement évolué. Et les lingettes ne sont pas les seules à causer d’importants problèmes dans les usines d’épuration. Des objets aussi anodins que de la soie dentaire ou même des cheveux endommagent des pompes ; pompes qu’il faut débloquer, réparer et remplacer, affirment des gestionnaires d’infrastructures municipales. D’autres bris d’équipements, voire des refoulements d’égout, sont également causés par tout ce qui est « flushé » à tort et se retrouve dans les systèmes de traitement des eaux usées. Phénomène méconnu, les fatbergs – mot-valise formé des mots fat (gras, en anglais) et iceberg – sévissent dans les égouts de certaines grandes villes, comme Londres, en Angleterre. Amalgame formé par le gras de cuisson déversé dans l’évier de la cuisine et les différents objets jetés dans la toilette (couches, condoms, cheveux, etc.), les fatbergs peuvent atteindre une taille aussi impressionnante que déconcertante.

André Dumouchel adumouchel@maya.cc

Tout cela représente une facture importante et non négligeable pour les municipalités, qui

doivent entretenir et faire tourner les différents systèmes de traitement d’eau. Ces coûts sont d’ailleurs assumés en fin de compte par les contribuables, par le biais des taxes municipales. À la Ville de Terrebonne, la présence (et les effets négatifs) de lingettes dans les égouts entraîne des dépenses supplémentaires annuelles estimées entre 150 000 $ et 500 000 $, selon des données de Réseau Environnement de 2021. Imaginez ce que cela représente pour l’ensemble des quelque 1 100 municipalités québécoises. La mise en place d’une campagne de sensibilisation nationale pourrait, dans les circonstances, être avisée et justifiée. C’est d’ailleurs ce que prône l’expert en ISÉ en gestion des matières résiduelles, Grégory Pratte. Seuls l’urine, les excréments et le papier hygiénique peuvent se retrouver dans la toilette. Tout le reste est non grata. Mais ce message n’a jamais été propagé, et la population n’a pas été éduquée en ce sens. On a tenu pour acquis, depuis toujours, que les gens savaient. Alors que différentes campagnes d’information et de sensibilisation sont déployées pour démystifier la gestion des différents bacs (bleu, brun, vert), pourquoi n’en vat-il pas de même avec la gestion de l’eau ? Mis à part certaines initiatives menées par des municipalités, dont Terrebonne, il y a peu, voire pas, d’informations véhiculées sur la problématique des déchets jetés dans les toilettes. Pourtant tous y gagneraient si le message était diffusé plus largement. Et pas uniquement d’un point de vue économique, sur le plan environnemental également. Car, comme le souligne le président-directeur général de Réseau Environnement, Mathieu Laneuville, les médicaments qui se retrouvent dans les cours d’eau, après avoir transité par les égouts et les usines d’épuration, ont des répercussions sérieuses sur les écosystèmes. À la lecture du reportage, une conclusion tend à s’imposer : croire que les citoyens ne vont pas jeter n’importe quoi dans la cuvette de toilette relève de la pensée magique. Bref, le sujet mérite qu’on s’y attarde. Et une initiative de sensibilisation nationale n’aurait rien d’une dépense. Ce serait un investissement durable et responsable.

Vingt printemps Difficile par ailleurs de passer sous silence le 20e anniversaire du magazine Source. Cela fait désormais deux décennies que les différents enjeux, défis et bons coups liés à l’industrie des eaux usées et de l’eau potable y sont traités, analysés et soulignés. Et 20 ans plus tard, le sujet de prédilection de Source, l’eau, demeure tout aussi pertinent, sinon plus qu’avant. Cette longévité n’aurait pas été possible sans votre intérêt et appui indéfectible, chers lecteurs et collaborateurs. Merci de votre fidélité au fil des ans. Cet anniversaire sera souligné en 2024 par une refonte de son site Internet. D’ici là, je vous invite à plonger sans tarder dans cette nouvelle édition ! n

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CLÉS EN MAIN MABAREX a remis les clés de l’usine de traitement des eaux du Complexe environnemental de St-Michel à la ville de Montréal !

SEC TEUR D’AC TIVITÉ INDUS TRIE DES MATIÈRES I N DU S TRI E D ES M ATI È RE S RÉSIDUELLES R É S I D U E LLE S T YPE D’E AU LIXIVIAT L I X IV IAT AMPLEUR DU PROJE T 13M$ 1 3M $ MABAREX est spécialisée dans le traitement de l’eau, point !

CONCEPTION R É A L I S AT I O N O P É R AT I O N

mab mabarex.com arex.com | iinfo@mabarex.com nfo@mab arex.com


REPORTAGE

LA TOILETTE N’EST PAS UNE POUBELLE! Par Marie-France Létourneau

Une cuvette de toilette n’a rien de magique. Tirer la chasse d’eau ne fait pas disparaître ce qui s’y trouve. Ça semble être une évidence. Pourtant, des lingettes humides, des produits d’hygiène féminine, des condoms et des cheveux se retrouvent en grande quantité dans les égouts et les systèmes de traitement d’eaux usées. Cette situation se révèle problématique et coûteuse pour les municipalités. En voici un tour d’horizon.

« Il est plus simple de dire ce qui va dans les toilettes que ce qui n’y va pas », laisse tomber le directeur du Service des eaux de la Ville de SaintEustache, Yanick Fortier. Mettons tout de suite les choses au clair : seuls les excréments, l’urine et le papier hygiénique ont leur place dans la toilette. Tout le reste ne devrait jamais s’y retrouver. C’est par exemple le cas des… dentiers trouvés par Yanick Fortier.

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« J’ai personnellement trouvé deux dentiers, lance-t-il. Je dirais que c’est pas mal le top ! Et souvent, quand on intercepte [les intrus], ils sont rendus loin. Ça veut dire qu’ils peuvent avoir passé à travers une, deux ou trois stations de pompage… » Dans la très grande majorité des municipalités, les rejets des toilettes, tout comme les eaux ménagères (cuisine, salle de bain et buanderie) et les eaux pluviales, passent par tout un réseau de conduites de distribution qui les acheminent

jusqu’à une station d’épuration. Ils sont ensuite traités avant d’être rejetés dans les cours d’eau. Ce processus, qui nécessite plusieurs infrastructures et équipements spécialisés, est réalisé en plusieurs étapes, dont le dégrillage, le dessablage, la décantation, le dégraissage, l’aération, le retrait des boues usées (solides retirés des tamis) et divers traitements nécessitant des produits chimiques.


REPORTAGE

Tendance inversée Tout cela est relativement nouveau. Avant les années 1980, les eaux usées municipales, domestiques et industrielles étaient majoritairement rejetées dans l’environnement sans traitement préalable. La création de la Société québécoise de l’assainissement des eaux (SQAE) a cependant permis de renverser la tendance. « Le Programme d’assainissement des eaux du Québec (PAEQ), lancé en 1978, et son successeur, le Programme d’assainissement des eaux municipales (PADEM), ont favorisé la construction de stations d’épuration qui permettent maintenant de traiter les eaux usées de 98 % de la population québécoise raccordée à un réseau d’égouts », indique le Portrait global de la qualité des eaux au Québec 1. Cette démarche relève du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Il s’agissait, à l’époque, d’un grand pas pour l’environnement, confirme le présidentdirecteur général de Réseau Environnement, Mathieu Laneuville. Mais tout n’est pas parfait. « Il y a encore des surverses à des moments qui ne sont pas idéaux, dit celui-ci. Il faut continuer à travailler. C’est pour cela que chez Réseau Environnement, nous avons un gros chantier. Nous avons commencé à l’appeler “Assainissement 2.0”. » Selon M. Laneuville, l’évolution, au cours des dernières décennies, des connaissances en gestion de l’eau, mais également la multiplication des contaminants, justifie ce grand chantier qui vise l’amélioration du niveau de service. Ce travail de fond s’inscrit cependant dans un contexte de sous-financement des infrastructures d’eau. « Près de 20 % de nos infrastructures d’eau, autant pour l’eau potable que pour les eaux usées,

sont en mauvais ou en très mauvais état, souligne le PDG de Réseau Environnement. Cela a des répercussions sur la santé de nos écosystèmes et sur la santé humaine. »

Ces dernières peuvent notamment boucher les égouts, provoquer des refoulements dans les résidences, entraîner des déversements d’eaux usées dans les cours d’eau et obstruer les pompes.

Il importe ainsi, dit-il, de trouver une façon de financer à long terme ces infrastructures pour assurer leur pérennité.

« Les lingettes humides et les autres choses que l’on envoie dans les toilettes entraînent des coûts additionnels annuels de 250 millions de dollars pour les municipalités canadiennes sur le plan de l’entretien et du remplacement d’équipements », souligne le spécialiste en environnement et exchef du Parti vert du Québec Scott McKay. Celui-ci est l’auteur de l’ouvrage L’aventure du caca : égouts et gestion des eaux publié aux éditions Somme toute.

À l’heure actuelle, les fonctionnaires municipaux réalisent des « miracles » avec les budgets dont ils disposent, calcule Mathieu Laneuville. Selon lui, il en coûte, au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe, de 3 $ à 4 $ par mètre cube pour les services d’eau, soit la production et la distribution d’eau potable, ainsi que la collecte et le traitement des eaux usées. Mais il s’agit d’une moyenne, précise M. Laneuville. Les coûts peuvent ainsi être plus bas dans les grandes villes populeuses, tandis qu’ils peuvent être plus élevés dans les municipalités de plus petite taille ayant des traitements avancés des eaux.

L’Association canadienne des eaux potables et usées milite depuis plusieurs années afin qu’une norme soit adoptée pour obliger les fabricants de lingettes à usage unique à commercialiser des produits qui respectent les normes de dégradabilité dans les égouts. Un comité, auquel siège M. McKay, est consacré à cette question.

Les fameuses lingettes D’importants frais, ultimement assumés par les contribuables à travers les taxes municipales, pourraient malgré tout être évités si tous veillaient à ne pas utiliser la toilette comme une poubelle. Le simple fait d’y déposer des lingettes humides représente un véritable fléau économique et écologique, lisait-on dans le magazine Source en 20212. À l’époque, une enquête réalisée auprès des municipalités membres du Programme d’excellence en eaux usées – Stations de récupération des ressources de l’eau de Réseau Environnement (PEX-StaRRE) avait révélé que 92 % des villes interrogées devaient composer avec le problème des lingettes.

« Les lingettes humides et les autres choses qu’on envoie dans les toilettes entraînent des coûts additionnels annuels de 250 millions de dollars pour les municipalités canadiennes. » — Scott McKay, spécialiste en environnement

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REPORTAGE Les produits devraient être soumis à un banc d’essai afin que l’emballage indique clairement – ce qui n’est pas le cas actuellement – s’ils peuvent être jetés dans les toilettes ou pas, souligne l’ingénieure en assainissement et gestion des eaux à la Ville de Terrebonne Martine Lanoue. Terrebonne a d’ailleurs adopté une résolution en ce sens qu’elle a fait parvenir au gouvernement du Québec. « À Terrebonne, selon les chiffres de Réseau Environnement, en 2021, on comptait 150 000 $ à 500 000 $ de dépenses parce que les gens jetaient les lingettes dans la toilette plutôt que dans la poubelle, dit Mme Lanoue. Au Québec, on parle de 8 à 26 millions de dollars que nous pourrions consacrer à autre chose au lieu de débloquer des conduites et d’acheter des pompes qui déchiquettent. » Martine Lanoue, qui depuis peu représente en outre le secteur de l’eau au sein de Réseau Environnement, souligne d’ailleurs avoir beaucoup de respect pour ses collègues qui doivent pallier les problèmes causés par cette problématique. « Cette situation fait qu’il faut débloquer les pompes et retirer les lingettes prises, expose-t-elle. Ce sont des enjeux de santé et de sécurité. Ce sont des milieux nocifs, avec des maladies véhiculées dans les eaux usées. Il y a aussi des gaz toxiques. Et il faut aller jouer les deux mains dedans… »

Monstre des égouts Outre les dentiers trouvés par le directeur du Service des eaux de la Ville de SaintEustache, d’autres objets inusités sont observés dans les installations de traitement des eaux usées, selon les intervenants sondés dans le cadre de ce reportage. Dans le lot : des jouets, des poupées, des gants de latex, des masques de procédure, ainsi que des bâtons de hockey et des blocs de construction (qui sont glissés dans les grilles d’égout). « Les cheveux n’ont l’air de rien, remarque Scott McKay, qui a étudié en assainissement des eaux. Mais ils font partie des choses qui peuvent vraiment endommager les équipements. Une fois qu’ils sont enroulés autour des pompes, ils demeurent là. Ils ne se décomposent pas. Et avec le temps, il y en a de plus en plus. » Autre matière banale, mais tout aussi mal venue dans la cuvette : la soie dentaire. « La soie bloque des pompes, lance Yanick Fortier, de la Ville de Saint-Eustache. J’ai aussi déjà vu des pompes bloquées par des condoms ou des produits d’hygiène féminine. »

C’est à cet endroit qu’a été découvert en 2017 l’un des plus gros fatbergs jamais observés : un spécimen de 130 tonnes et de 250 mètres de long. Un morceau de celui-ci a même été exposé au Museum of London. Pour déloger ces masses pestilentielles qui se forment dans les égouts, il n’y a pas de solution miracle. Les ouvriers doivent descendre sous les rues pour les réduire en petits morceaux. Un travail long, ardu et coûteux qui pourrait être évité si les couches, lingettes et autres n’étaient pas jetées dans les cuvettes de toilette. Même chose pour le gras de cuisson, qui ne doit pas se retrouver dans le drain de l’évier.

Gare aux médicaments et aux poissons ! Dans cet esprit, il faut également éviter d’évacuer par la toilette des médicaments, relève le président-directeur général de Réseau Environnement, Mathieu Laneuville. Le geste, souvent représenté au cinéma, du flacon de pilules vidé frénétiquement dans la toilette n’est pas sans répercussions.

Ces matières qui ne se dégradent pas, mêlées à des graisses alimentaires, sont par ailleurs à l’origine d’un phénomène méconnu observé dans les égouts : les fatbergs. Issu d’une contraction des mots fat (« graisse ») et iceberg, ce terme désigne véritablement des montagnes de gras.

« Les médicaments se retrouvent dans nos cours d’eau. Et ils peuvent être à l’origine de transformations endocriniennes chez les poissons, y compris ceux que nous mangeons, explique-t-il. À la base, le bon geste, c’est de rapporter nos médicaments à la pharmacie pour qu’ils soient éliminés de façon sécuritaire. »

Ces monstres sévissent particulièrement dans les égouts des grandes villes, dont ceux de Londres.

Le directeur du Service des eaux de la Ville de Saint-Eustache abonde dans le même sens.

« LES MÉDICAMENTS SONT VRAIMENT UN PROBLÈME. » Même chose pour les poissons rouges. Oui, oui, les poissons rouges qu’on achète à l’animalerie. — Yanick Fortier, directeur du Service des eaux de la Ville de Saint-Eustache

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REPORTAGE « Nous ne pouvons pas arrêter les médicaments, dit Yanick Fortier. Je n’ai aucune barrière à l’usine d’épuration. Je ne peux rien faire. L’usine n’est pas conçue pour ça. Les médicaments sont vraiment un problème. » Même chose pour les poissons rouges. Oui, oui, les poissons rouges que l’on achète à l’animalerie. « Prenons un exemple et poussons-le à l’extrême, fait valoir Yanick Fortier. Un poisson rouge n’est pas une espèce indigène. Disons qu’il est jeté dans une toilette lors d’un orage, et qu’il y a des surverses. L’animal pourrait continuer à vivre jusque dans un lac et s’y reproduire. Il pourrait faire comme la carpe asiatique et devenir une espèce envahissante. Est-ce que c’est une bonne idée de faire ça ? Bien sûr que non. »

Cet exemple n’est pas farfelu, puisqu’en 2021, au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, la Direction de la gestion de la faune de la Mauricie et du Centre-du-Québec a dû retirer 13 poissons rouges d’un cours d’eau, avait rapporté le quotidien Le Nouvelliste 3. L’histoire ne dit pas comment ils se sont retrouvés à cet endroit. Mais il importe de savoir que les poissons rouges survivent bien aux hivers rigoureux et qu’ils peuvent atteindre une taille impressionnante, en plus de se multiplier à la vitesse grand V et d’être en concurrence avec les espèces indigènes. Bref, leur présence est problématique. Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs recommande d’ailleurs de ne jamais relâcher un poisson rouge dans les toilettes ou dans les cours d’eau.

LE SAVIEZ-VOUS ? JOURNÉE MONDIALE DES TOILETTES 19 NOVEMBRE

Journée nationale des toilettes « Les lingettes, les bâtonnets ouatés (Q-tips), les tampons, les médicaments : ça ne va pas dans les toilettes, tranche Gregory Pratte, expert en ISÉ (information, sensibilisation et éducation) dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. Il n’y a que la matière organique qui sort du corps [qui doit s’y retrouver]. Mais ce n’est pas clair pour tous. Et c’est un problème majeur. » « Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que ça fait augmenter leur impôt foncier, ajoute le chroniqueur et conférencier. Ça multiplie les bris [d’équipements], et il faut augmenter la capacité des usines de traitement. Et les usines ne coûtent pas 2,99 $. Si on trouve que tout nous coûte cher, une bonne façon d’économiser est peut-être de mieux gérer nos matières. » Dans d’autres pays, dont le Mexique, le papier de toilette n’a d’ailleurs pas sa place dans la cuvette. Il doit être déposé dans une poubelle pour éviter de boucher les canalisations. Selon les Nations Unies, « les toilettes sont la pierre angulaire de la santé publique et jouent un rôle essentiel dans la protection de l’environnement 4 ».

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REPORTAGE Or, en 2023, 3,5 milliards de personnes vivaient sans toilettes adaptées et 2,2 milliards sans eau potable, selon des données de l’OMS et de l’UNICEF 5.

Il existe néanmoins des solutions pour économiser l’eau potable et pour prévenir les problèmes de blocage et de bris dans les usines de traitement d’eau.

« Le Québécois moyen tient l’eau potable pour acquise, alors qu’il y a des milliards de personnes qui n’y ont pas accès, réagit Gregory Pratte. Nous, nous y avons tellement accès que nous y lavons notre linge. Nous alimentons nos toilettes et prenons nos douches avec de l’eau potable. Il faut être riches en tabarouette pour faire ça ! »

L’utilisation du bidet, très populaire ailleurs sur la planète, notamment au Japon, en fait partie, citent en exemple Yanick Fortier et Gregory Pratte.

Dans les circonstances, on comprend l’importance d’apprendre à préserver davantage la ressource. Cette dernière n’est d’ailleurs pas infinie, rappelle M. Pratte : « On le voit, les nappes phréatiques s’assèchent et la pollution s’installe ».

« Ça peut être un très bon moyen de réduire notre consommation de papier de toilette et de faciliter le travail de toute la chaîne de valorisation de l’eau », estime M. Pratte. Le bidet, offert en différents modèles et prix, a connu un élan de popularité au Québec avec la pandémie de COVID-19.

« C’est le temps d’expliquer aux citoyens le pourquoi et le comment, et de mettre au pas les entreprises qui font des affichages erronés, mensongers, sur leurs produits, comme pour les lingettes. » — Gregory Pratte, expert en ISÉ (information, sensibilisation et éducation)

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REPORTAGE

Campagne de sensibilisation Pour Gregory Pratte, la mise en place d’une campagne de sensibilisation nationale sur les processus de production d’eau potable et de gestion des eaux usées s’impose. « C’est le temps d’expliquer aux citoyens le pourquoi et le comment, et de mettre au pas les entreprises qui font des affichages erronés, mensongers, sur leurs produits, comme pour les lingettes », estime l’expert en ISÉ. La Ville de Terrebonne n’a toutefois pas attendu qu’une initiative soit mise de l’avant à l’échelle provinciale pour lancer, en 2022, sa propre campagne de sensibilisation sur la problématique des déchets jetés dans les toilettes et les éviers. Le slogan « Devenez la bolle des toilettes » (une référence aux « bollés », ces premiers de classe) donne d’emblée le ton : léger et humoristique. Mais l’exercice n’en est pas moins informatif. Les citoyens sont notamment invités à répondre à un court questionnaire pour tester leurs connaissances. Ils peuvent, à la clé, obtenir le certificat honorifique du « bol d’or ». Même si la campagne vise l’ensemble des citoyens, différentes publicités numériques ont permis de cibler des groupes précis (les familles, la génération Z et les millénariaux, les aînés, etc.), précise Stéphane Champagne, conseiller en design graphique à la Ville de Terrebonne. Ce projet a été piloté par la conseillère en communication Audrey Clément-Robert. Et l’initiative a fait mouche, se réjouit l’ingénieure Martine Lanoue. Les commentaires et les taux de réponse sont très positifs. « Il est difficile de mesurer quantitativement l’effet que la campagne a pu avoir, dit-elle. Par contre, qualitativement, nos employés qui doivent intervenir sur l’entretien du réseau d’égout nous mentionnent qu’ils ont vu une différence. Il y a un peu moins de lingettes et de blocages dans nos postes de pompage. »

Mme Lanoue précise qu’une approche de prévention et de sensibilisation est priorisée pour le moment. Mais on n’exclut pas d’opter pour des mesures plus coercitives, au besoin. Par exemple, le Règlement 2008-47 de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pourrait être appliqué, et une amende de 1 000 $ pourrait être imposée aux contrevenants qui jettent des lingettes dans la toilette. « Je rêve que le Québec devienne un chef de file en sensibilisation, en information et en éducation en matière de gestion de la toilette, lance Gregory Pratte. Le Québec est propre. Nous produisons de l’énergie propre. Gérons bien notre eau. » n

Le top 5 des éléments jetés aux toilettes et qui ne devraient pas s’y retrouver Trop souvent, la cuvette de toilette accueille différents articles du quotidien qui auraient dû prendre un autre chemin, dont ceux de la poubelle ou du recyclage. Or, leur présence dans les égouts et, au bout du compte, dans les systèmes de traitement des eaux usées peut être problématique et entraîner des bris d’équipements ou des blocages de canalisations. Voici quelques exemples de ces éléments : = Les lingettes à usage unique ; = Les cheveux ; = Les produits d’hygiène féminine ; = Les condoms ; = Les médicaments.

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. (2000). Portrait global de la qualité des eaux au Québec. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/sys-image/global/global4.htm 2 Des Rochers, G. (2021). Les lingettes dans les cuvettes : un nouveau fléau écologique et économique. Source, 17(3), 8-13. https://magazinesource.cc/archives/magazine-automne-2021-vol-17-no-3/ 3 Lafontaine, M.-E. (2021, 29 novembre). Quand les poissons rouges deviennent une menace. Le Nouvelliste. https://www.lenouvelliste.ca/2021/11/29/quand-les-poissons-rouges-deviennent-unemenace-a7d5030c21e8d3d7586735e09915c33b/ 4 Nations Unies. (s. d.). Journée mondiale des toilettes : 19 novembre. https://www.un.org/fr/observances/toilet-day 5 Ibid. 1

13 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024


DE NOUVEAUX OUTILS POUR UNE PLANIFICATION DURABLE DES ACTIFS MUNICIPAUX EN EAU

CERIU

Maéva Ambros Ing., M. Ing. Directrice de projets en Gestion des actifs, CERIU maeva.ambros@ceriu.qc.ca

Article coécrit avec Yasmine Iguer, chargée de projets, et William Same, rédacteur technique, CERIU

e projet « Outils pour la réalisation d’un plan de gestion des actifs municipaux en eau » représente une avancée importante dans le domaine de la gestion des actifs municipaux au Québec. Celui-ci a été réalisé par le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) et rendu possible grâce à l’aide financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec (MAMH).

L

= À partir du 1er janvier 2027, les municipalités devront avoir réalisé et adopté par résolution du conseil municipal leur PGAEau. La résolution ainsi qu’un sommaire général du PGA-Eau doivent être transmis au MAMH. Les municipalités sont invitées à suivre la progression de leur PGA-Eau et à le mettre à jour. Cette étape devra être réalisée au moins une fois tous les quatre ans à partir de 2030. Toutefois, une municipalité peut également transmettre au MAMH les mises à jour du PGA-Eau selon sa progression. Pour aider les municipalités dans leur gestion des actifs en eau, le projet propose une variété d’outils, tant généraux que spécifiques. Les objectifs de ces outils sont d’améliorer la connaissance des actifs et de faciliter la planification à long terme, ce qui favorisera la prise de décisions éclairées. OUTILS GÉNÉRAUX

Ses objectifs principaux sont d’améliorer la compréhension de la gestion des actifs en eau des municipalités et de faciliter la planification à long terme. Pour garantir le bon fonctionnement et la durabilité des infrastructures liées à l’eau, il est crucial d’assurer un financement adéquat et pérenne. L’ensemble complet d’outils créés donne aux municipalités les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs importants. Le dévoilement des outils a eu lieu lors du congrès INFRA 2023, qui regroupait plus de 1 000 participants du milieu des infrastructures municipales. L’annonce de l’aide financière de plus de cinq millions de dollars attribuée au CERIU pour poursuivre ce projet d’envergure a été marquée par la présence virtuelle de Mme Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales. Cette contribution met en évidence l’engagement du gouvernement à rendre efficaces les systèmes de gestion des actifs municipaux, ce qui souligne l’importance stratégique de ces outils pour l’avenir des communautés locales.

OUTILS SPÉCIFIQUES AUX ACTIFS EN EAU

Capsule vidéo sur les outils

Fiches techniques adaptées aux infrastructures en eau

Guide d’élaboration d’un plan de gestion d’actifs municipaux

Tableur Excel pour l’élaboration d’un plan de gestion des actifs en eau

Document type : Démarche de gestion des actifs municipaux

Document type : Plan de gestion des actifs municipaux en eau

COMMENT COMMENCER ?

CE QU’IL FAUT FAIRE

Le plus urgent est d’entamer la rédaction de la démarche. Ce court document précise notamment les actifs couverts dans le processus, les rôles et responsabilités au sein de la municipalité, ainsi que les activités à considérer pour réaliser le PGA. Le CERIU a préparé un gabarit à remplir pour faciliter la réflexion des municipalités.

Le MAMH invite les municipalités à s’engager dans une démarche de gestion des actifs, à élaborer un plan de gestion des actifs (PGA) et à mettre celui-ci à jour. Notons que le PGA vise en premier lieu les infrastructures en eau (PGA-Eau).

Par la suite, il sera temps de se lancer dans la réalisation du PGA-Eau. Puisque les visuels qui en résultent doivent être intégrés dans le plan type, le tableur Excel devrait être terminé en premier. Tout au long du processus, la lecture du guide servira d’accompagnement.

Voici les dates à retenir pour pouvoir profiter des majorations prévues au Programme d’infrastructures municipales d’eau 2023 (PRIMEAU) :

Tous ces outils peuvent désormais être consultés sur le site du CERIU 1.

= À partir du 1er avril 2024, les municipalités devront être engagées dans la démarche PGA-Eau. Cet engagement se traduit par la préparation d’un document, la démarche de gestion des actifs municipaux en eau, qui doit être adopté par résolution du conseil municipal et transmis au MAMH au moyen du Portail gouvernemental des affaires municipales et régionales (PGAMR), en même temps que le formulaire de transfert de la démarche PGA-Eau.

1

L’équipe de soutien en gestion d’actifs du CERIU a le mandat d’accompagner les municipalités dans l’utilisation de ces outils. Elle est joignable par téléphone au 514 360-6599 ou par courriel à gamunicipal@ceriu.qc.ca. n

CERIU. (2023). Outils pour la réalisation d’un plan de gestion des actifs municipaux en eau (PGA-Eau). https://ceriu.qc.ca/article/outils-realisation-plan-gestion-actifs-municipaux-eau-pga-eau

14 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024

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TRAVAUX PUBLICS QUÉBEC

LES HÉROS DE L’OMBRE EN SITUATION D’INONDATION ET D’URGENCE

Kathia Brien Directrice générale Association des travaux publics du Québec (TPQuébec) info@tpquebec.ca

Texte écrit en collaboration avec Annie Coursol, coordonnatrice à l’amélioration continue au sein du Service des travaux publics de la Ville de Gatineau

S’

il était rare, il y a quelques années, de penser aux équipes d’entretien et de travaux publics lorsque l’on parlait de la gestion de l’eau potable et des eaux usées au Québec, cette affirmation est encore plus vraie concernant la gestion des activités liées aux crues printanières et aux inondations. Pourtant, les inondations, les crues et les pluies torrentielles touchent de plus en plus de villes et de municipalités dans notre province, ce qui fait des équipes d’entretien et de travaux publics des acteurs essentiels des opérations d’urgence. Un exemple concret est le Service des travaux publics de la Ville de Gatineau : depuis les inondations majeures de 2017, celui-ci a élaboré un schéma d’intervention, des procédures et des guides de référence maintenant bien établis.

courantes et la planification de la fin de l’état d’urgence sont également intégrées au processus. Ces mesures permettent une coordination efficace des ressources, une distribution équitable des responsabilités et une transition fluide vers un retour aux activités normales. Chaque membre de l’équipe comprend le rôle précis qu’il doit jouer pendant cette période critique, ce qui renforce la capacité collective à faire face aux défis liés aux situations d’urgence, dont les inondations. Au cours des dix dernières années, la Ville de Gatineau a dû faire face à trois épisodes d’inondations majeures. Elle fera part de son expérience et de sa démarche vers l’établissement d’un processus viable aux membres de l’Association des travaux publics du Québec (TPQuébec) en septembre 2024. Avec les changements climatiques, le visage des interventions évolue au Québec, et aucune ville n’est à l’abri de situations d’urgence liées aux catastrophes naturelles. Les équipes d’entretien et de travaux publics font partie intégrante de la main-d’œuvre de premier ordre au Québec, et leurs nombreuses interventions lors des inondations s’ajoutent à leur expertise pointue, ce qui leur permet d’assurer la sécurité, l’entretien et l’amélioration de nos communautés. n

« En près de dix ans, la Ville de Gatineau est passée d’une situation d’inondations épisodiques à une activité potentiellement récurrente, encadrée par des schémas d’intervention bien précis », indique Yvon Desjardins, directeur des Travaux publics à la Ville de Gatineau. « Pour cela, un travail de collecte et d’interprétation de données était nécessaire. Afin de mener ce projet à bon port, nous avons défini et confirmé les activités clés du Service des travaux publics et nous avons mandaté une équipe interne afin de cartographier le processus d’intervention en cas de crue printanière et d’inondation », précise-t-il. Mme Annie Coursol, coordonnatrice à l’amélioration continue au sein de l’équipe des Travaux publics de la Ville de Gatineau, rassemble toutes les données liées aux champs d’action du Service des travaux publics. Son rôle est crucial pour fournir une aide à la décision, faciliter les interventions et assurer une remise à niveau efficace. La Ville de Gatineau est devenue malgré elle une experte dans la gestion des inondations et elle s’investit constamment dans l’amélioration de ses stratégies d’intervention. Elle demeure ainsi proactive, cherchant à perfectionner ses méthodes pour mieux faire face aux défis actuels et futurs, ce qui démontre son engagement résolu envers la sécurité et le bien-être de ses citoyens. Le déclenchement d’une urgence par le Bureau de la sécurité civile marque le début d’une série d’interventions menées par le Service des travaux publics. Cette phase d’urgence dure de 4 à 16 semaines avant le retour à la normale des activités d’entretien et de travaux publics. DES SEMAINES OÙ CHAQUE EMPLOYÉ CONTRIBUE ET OÙ LE RÔLE DE TRAVAILLEUR DE PREMIER ORDRE PREND TOUT SON SENS En période d’inondation, les équipes d’entretien et de travaux publics se transforment en véritables héros de l’ombre. Les objectifs principaux du service sont de limiter les dégâts, de protéger les infrastructures et de rétablir les accès et les services dans les meilleurs délais possibles. Des activités telles que le contrôle de la circulation, la protection du réseau AEDS (aqueduc, égouts, drainage de surface), la fabrication et la distribution de sacs de sable, le maintien de l’accès d’urgence (rehaussement de chaussées) ainsi que la protection des édifices publics et des autres infrastructures font partie des mesures prises. La gestion des équipes, la révision des activités

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TRAITEMENT DES EAUX

TRAITEMENT DES EAUX USÉES PAR BOUES GRANULAIRES 101

Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com

INTRODUCTION Au Québec, en raison du reserrements à venir des normes de traitement des eaux, la mise en place de nouvelles filières de traitement entraîne plusieurs défis d’importance, principalement en zone urbaine, où l’espace disponible pour de nouvelles installations est limité. Même les traitements secondaires les plus compacts nécessitent une emprise au sol considérable, combinée à des coûts énergétiques importants. Ces difficultés sont vécues ailleurs dans le monde depuis plusieurs décennies et nous avons maintenant, au Québec, la possibilité de nous baser sur l’expérience acquise à l’international afin de concevoir des traitements adaptés et optimisés. Plus particulièrement, l’Europe, ayant des exigences de traitement et un climat similaire, peut nous servir d’exemple. Depuis plusieurs années, une technologie de traitement sort du lot et devient de plus en plus populaire : les boues granulaires. LA BASE La technologie de traitement des eaux usées par boues granulaires a été développée il y a une quarantaine d’années. De façon résumée, cette approche implique la culture de granules d’agrégats de microorganismes épurateurs de 200 à 4 000 microns plutôt que des boues activées conventionnelles, composées de particules beaucoup plus petites. Ces particules ont une concentration très importante en microorganismes et comportent des zones propices au traitement des différents types de polluants : carbone, azote et phosphore. En raison de leur taille, elles ont également l’avantage de décanter très rapidement. Ce type de traitement permet donc d’obtenir des performances équivalentes (ou supérieures) aux traitements par boues activées conventionnelles, tout en réduisant la consommation énergétique et l’emprise au sol. De plus, les boues granulaires n’utilisent pas de support plastique (comme les réacteurs biologiques à garnissage suspendu) ni de produits chimiques pour la coagulation. Cela en fait donc un mode de traitement très avantageux, du moment qu’on est en mesure de produire ces granules. APPLICATION DE LA TECHNOLOGIE La production de boues granulaires est possible à partir de différentes conditions précises d’exposition des boues. Principalement : 1) Les microorganismes doivent être exposés à un cycle festinfamine, afin de favoriser la mise en réserve du substrat organique qui est une caractéristique métabolique des bactéries granulantes ; 2) Il doit y avoir une pression de sélection hydraulique pour retirer les boues les plus légères et enrichir les réacteurs en boues granulaires ; 3) Un long temps de rétention des boues doit être mis en place afin de favoriser la présence de bactéries à croissance lente. Ces trois conditions sont facilement atteignables dans un réacteur biologique séquentiel (RBS). C’est donc pour cette raison que les premières technologies de boues granulaires utilisaient ce type de procédé. Pour un bon fonctionnement de la technologie de boues granulaires, le RBS doit être

modifié afin d’inclure : 1) une injection de l’affluent directement dans les boues (festin) en absence d’aération ; 2) de longs cycles d’aération sans apport de substrat nutritif (famine) ; 3) une pression hydraulique, par application d’un court cycle de décantation ou d’une charge hydraulique élevée afin de « lessiver » les boues légères. À travers le monde, près d’une centaine d’usines de traitement des eaux sont actuellement équipées d’une technologie RBS produisant des boues granulaires. Toutefois, cette combinaison ne permet pas très bien de s’adapter aux pointes horaires, et elle implique une décharge par lots, peu flexible pour les procédés en aval (ex. : désinfection). Dernièrement, un développement majeur a été effectué dans le domaine des boues granulaires en combinant cette technologie à un véritable procédé biologique de boues activées en continu, ce qui allie les avantages des boues granulaires à la souplesse d’un système permettant d’absorber les pics de débit journalier. Cette adaptation du concept de boues granulaires implique essentiellement l’utilisation d’un sélecteur physique (séparateur) permettant de retourner en tête de traitement les boues granulaires de façon préférentielle (sans les purger, contrairement aux boues en excès), associée à l’usage d’un sélecteur biologique en tête de traitement (alternance de zone anaérobie et aérobie avec gestion dynamique des temps de séjour hydraulique). Une telle chaîne de traitement des eaux permet d’associer le procédé de boues activées conventionnelles, qui jouit d’une grande souplesse, à un procédé par boues granulaires, peu énergivore et très compact, particulièrement en ce qui a trait au décanteur. Les avantages des boues granulaires sont indéniables : = Emprise au sol : puisque les boues granulaires sont plus concentrées (de 8 000 à 15 000 mg/L), le volume requis pour les réactions biologiques est grandement réduit ; les surfaces de décantation sont également bien moindres, particulièrement pour le décanteur du procédé de boues activées ; = Consommation de produits chimiques : enlèvement du phosphore par déphosphatation biologique, enlèvement des flocs biologiques sans coagulant ; = Consommation énergétique : volume réduit, aération réduite. La technologie présente toutefois des défis dans certaines circonstances : lorsque les affluents sont faiblement chargés, en eau très froide, ou lorsque le substrat organique est difficilement assimilable par les bactéries. La mise en place d’un procédé de boues granulaires demande également une période de démarrage importante. Enfin, les boues granulaires ont aussi besoin d’être bien surveillées pour que leur stabilité soit assurée. Une instrumentation adéquate, combinée au savoir-faire du fournisseur de la technologie, permet d’avoir un procédé stable et efficace à longueur d’année. CONCLUSION Au Québec, les procédés par étangs aérés ont été privilégiés pendant de nombreuses années. Il apparaît maintenant évident que les étangs ne peuvent plus être considérés comme étant la solution, particulièrement pour des stations de traitement d’une certaine envergure ou lorsque l’emprise disponible est limitée. Il est maintenant temps d’examiner ce qui se passe ailleurs dans le monde, et les procédés de boues granulaires sont un très bon exemple de ce qui peut être fait au Québec pour traiter les eaux usées du futur. n

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SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024


TRAITEMENT DES EAUX

ASSAINISSEMENT AUTONOME : ÉTUDE DE CARACTÉRISATION DU SITE ET DU TERRAIN NATUREL

Christian Vézina Ing. Expert - gestion décentralisée des eaux vezina.christian@icloud.com

L

e Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (RETEURI) exige qu’une demande de permis soit déposée à la municipalité locale pour tout projet d’installation d’un dispositif d’évacuation ou de traitement des eaux usées domestiques (DETEU). La demande de permis doit comprendre entre autres une étude de caractérisation du site et du terrain naturel de la propriété sur laquelle sera construit le DETEU. Cette étude constitue une étape fondamentale de la réalisation de tout projet d’assainissement autonome, puisqu’elle fournit les données de base nécessaires pour localiser, sélectionner et concevoir un ouvrage d’épuration par infiltration dans le sol (OEIS). Dans le cadre de cette étude, une description de la stratigraphie du sol du terrain récepteur doit être effectuée afin de fournir les renseignements exigés par le RETEURI. Cette description doit inclure entre autres les caractéristiques suivantes : texture, classe texturale, structure, couleur, consistance, niveau d’humidité, minéralogie. Le professionnel qui réalise cette étude devra également identifier la présence de toute couche limitative pour épurer les eaux usées par infiltration dans le sol et estimer le niveau maximum moyen des eaux souterraines (NMMES) à partir d’observations effectuées lors de la description de la stratigraphie du sol. Ces renseignements lui permettront d’établir l’épaisseur de la couche de sol disponible par rapport aux eaux souterraines, à une couche de roc ou à une couche de sol imperméable. Il devra finalement estimer/mesurer le niveau de perméabilité du sol selon différentes méthodes reconnues au RETEURI, et ce, dans les différents horizons de sol présentant un potentiel d’infiltration pour l’aménagement d’un OEIS. Une démarche structurée scindée en trois phases est proposée dans la fiche d’information de l’article 4.1 du RETEURI pour la réalisation de l’étude. Les travaux de caractérisation du terrain récepteur doivent se réaliser essentiellement aux parties du site où il est possible d’installer un OEIS conforme au RETEURI.

Après la collecte et l’analyse de l’ensemble des informations recueillies, une cartographie du site peut être préparée afin de faciliter la planification des travaux subséquents à effectuer sur le terrain. Cette cartographie permet de repérer de façon préliminaire : 1) Des éléments potentiellement présents sur les sites et pouvant influencer la localisation du DETEU ; 2) Des éléments à vérifier et à localiser sur le terrain lors de la phase 2 ; 3) Des secteurs propices pour l’implantation d’un OEIS ; 4) Des zones probables où des sondages pourraient être réalisés. Cette cartographie permet de vérifier si le site offre la superficie potentielle nécessaire pour recevoir un OEIS selon les données du projet, la nature probable du sol et les exigences du RETEURI. PHASE 2 : RELEVÉ DE TERRAIN ET IDENTIFICATION DES SUPERFICIES DE TERRAIN RÉCEPTEUR POTENTIEL Cette étape vise à faire les observations et les relevés de terrain nécessaires en vue des actions suivantes : 1) Identifier et situer tous les éléments pouvant influencer la localisation ou la construction d’un DETEU ; 2) Appliquer les marges de recul applicables aux éléments visés par des distances minimales prescrites dans le RETEUR I ; 3) Délimiter les superficies de terrain récepteur potentiel ; 4) Orienter la géométrie de l’OEIS ; 5) Définir les travaux de caractérisation de la superficie de terrain récepteur potentiel. Les principales activités ciblées lors de cette phase sont : Observations visuelles de terrain ; Relevés de terrain ; Identification préliminaire du terrain récepteur potentiel ; Planification des puits d’exploration et des sondages à réaliser. PHASE 3 : CARACTÉRISATION DU TERRAIN RÉCEPTEUR La phase 3 consiste à caractériser le terrain récepteur identifié à la phase 2 afin d’établir les conditions limites susceptibles d’affecter le choix et la conception d’un OEIS. Elle comprend les volets suivants : 1) La description de la stratigraphie du sol ; 2) L’établissement du niveau de perméabilité du sol selon les méthodes reconnues par le RETEURI ; 3) La mesure du niveau des eaux souterraines et l’établissement du NMMES. La cartographie du site pourra être finalisée à la suite de la phase 3. PLAN D’ENSEMBLE ET RAPPORT

PHASE 1 : ÉTUDE PRÉLIMINAIRE Cette étape vise à colliger et à analyser des informations relatives au site d’implantation des ouvrages avant d’entreprendre les travaux de caractérisation du site et du terrain naturel. Leur analyse permettra d’estimer les caractéristiques générales du site et de son environnement, de déterminer les emplacements pour les travaux exploratoires et d’avoir une appréciation du potentiel du site pour l’implantation d’un DETEU. Les objectifs de la phase 1 sont les suivants : 1) Identifier les conditions limites probables du site afin d’estimer son potentiel à recevoir un OEIS ; 2) Déterminer de façon préliminaire des emplacements de terrains récepteurs potentiels pour l’aménagement des ouvrages ; 3) Identifier d’autres milieux récepteurs potentiels (cours d’eau, fossé ou autre système de gestion des eaux pluviales) si un OEIS ne peut être envisagé ; 4) Planifier les travaux de caractérisation du site et du terrain naturel en conséquence.

Pour la description de la stratigraphie du sol, les puits d’exploration et les sondages devraient être localisés sur le plan d’ensemble. Les coupes stratigraphiques de ces puits d’exploration et de ces sondages devraient être présentées afin de démontrer que la stratigraphie proposée pour le choix et la conception de l’OEIS est représentative du terrain récepteur. L’épaisseur du dépôt organique devrait y être précisée ainsi que les paramètres suivants, décrits pour chaque horizon de sol rencontré : La profondeur et l’épaisseur ; La classe d’humidité ; La couleur de la matrice ; La couleur, l’abondance et le contraste des marbrures ; La texture et la classe texturale du sol ; La proportion et la classe de fragments grossiers ; Le type, la dimension et le développement (grade) de la structure ; La consistance ; La classe de cimentation ; L’abondance, la dimension et l’orientation des racines ; Le niveau de perméabilité. Les échantillons prélevés et les essais effectués devraient être localisés sur les coupes stratigraphiques. Enfin, le rapport devrait présenter le profil stratigraphique du sol du terrain récepteur retenu et fournir les justifications ayant permis au professionnel de localiser, sélectionner et concevoir l’OEIS proposé au client. n

18 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024

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REDEVANCES SUR L’EAU : LA MISE À JOUR TANT ATTENDUE

LE JURIDIQUE

Me Thibaud Daoust Avocat associé, LL. B. Daigneault, avocats inc. thibaud.daoust@daigneaultinc.com

AUGMENTATION DES TAUX DE REDEVANCE

Rappelons tout d’abord que l’objet principal du RREUE, adopté en 2010, est de créer un régime de redevance que doit payer toute personne dont l’activité entraîne l’utilisation d’un important volume quotidien d’eau, que cette eau provienne d’un système de distribution ou qu’elle soit prélevée directement dans l’eau de surface ou l’eau souterraine.

Une des modifications phares, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, est l’augmentation des taux de redevance. Le taux de base, originalement fixé à 0,0025 $ par mètre cube d’eau (ou 2,50 $ par million de litres), est aujourd’hui fixé à 35 $ par million de litres, soit un taux 14 fois plus élevé. Le taux particulier, pour les entreprises spécifiquement mentionnées au deuxième alinéa de l’article 5 du RREUE, a quant à lui été augmenté de 2,14 fois, passant de 0,07 $ par mètre cube (ou 70 $ par million de litres) à 150 $ par million de litres 6. Ce taux particulier vise sept activités économiques précises, dont la fabrication de pesticides, l’extraction de pétrole et la fabrication de produits minéraux non métalliques, lorsque de l’eau est incorporée au produit. Finalement, un troisième taux est créé spécifiquement pour les personnes utilisant l’eau à des fins de production d’eau en bouteilles ou dans d’autres contenants ou pour le transport d’eau à des fins commerciales. Il est fixé à 500 $ par million de litres, soit un taux 7,14 fois plus élevé que le taux particulier auparavant applicable. Les taux prévus au RREUE feront l’objet d’une indexation automatique de 3 % annuellement 7. Nous ne pouvons que constater que le taux spécial et le nouveau taux applicable aux activités se fondant principalement sur l’utilisation de l’eau n’ont pas fait l’objet d’une augmentation proportionnellement aussi importante que celle visant les autres grands utilisateurs d’eau.

ASSUJETTISSEMENT

CARACTÈRE PUBLIC DES VOLUMES D’EAU UTILISÉS

Plusieurs modifications ont été apportées au RREUE pour clarifier quelles personnes et activités sont assujetties à une redevance pour l’utilisation de l’eau.

Des modifications ont également été apportées pour faciliter la diffusion des volumes d’eau utilisés par les grands utilisateurs d’eau. Les personnes assujetties à la redevance du RREUE et qui sont également des « préleveurs » visés par le Règlement sur la déclaration des prélèvements d’eau 8 devront compiler les volumes d’eau utilisée et rejetée mensuellement et annuellement pour chaque activité qu’elles exercent dans un registre, et les communiquer au ministre 9. Ce dernier publiera sur son site Internet ces volumes en plus d’autres renseignements relatifs à l’utilisation de l’eau, ces renseignements se voyant explicitement accorder un caractère public 10, contrairement à ce qui avait été décidé en 2022 par la Commission d’accès à l’information et la Cour du Québec 11.

L

e 6 avril 2023, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs annonçait la création d’un nouveau fonds spécifiquement affecté aux enjeux environnementaux de l’eau : le Fonds bleu 1. Celui-ci sera non seulement financé par le gouvernement du Québec, mais également par les redevances payées par les entreprises, en vertu du Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau 2 (RREUE). Cette annonce s’est concrétisée par l’adoption en avril 2023 d’un projet de règlement modifiant le RREUE, puis par l’adoption en décembre du règlement modificateur final. Le présent texte présente les mesures phares de ce règlement modificateur.

Tout d’abord, une précision a été donnée afin de circonscrire les utilisations de l’eau qui sont visées par ce règlement. Notamment, le gouvernement a précisé que tout prélèvement d’eau, même lorsque l’eau est retournée dans son milieu d’origine, est considéré comme une utilisation de l’eau visée par le RREUE 3. Ensuite, le seuil d’assujettissement au RREUE a été revu. À l’origine, le RREUE prévoyait que le seuil d’assujettissement était l’utilisation d’un volume quotidien de 75 mètres cubes d’eau (ou 75 000 litres), calculé sur la base de la quantité mensuelle d’eau utilisée et du nombre de jours d’activité. Ce seuil est maintenant atteint lorsqu’un volume de 50 000 litres d’eau est consommé en une journée, et ce, peu importe le volume total consommé durant l’année 4. Une personne qui atteindra ce seuil restera également assujettie à la redevance pour les années suivantes, que sa consommation atteigne ou pas le seuil de 50 000 litres. Il est important de noter que bien que la méthode de calcul soit modifiée dès le 1er janvier 2024, le volume journalier de 75 000 litres sera maintenu pour les fins de l’assujettissement au RREUE jusqu’au 31 décembre 2025 5.

Cabinet du ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. (2023, 6 avril). Pour protéger notre eau - Québec annonce son intention de créer le Fonds bleu. https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/pourproteger-notre-eau-quebec-annonce-son-intention-de-creer-le-fonds-bleu-46908 2 RLRQ, c. Q-2, r. 42.1. 3 Règlement modifiant le Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau, Gazette officielle du Québec, partie II, 6 décembre 2023, p. 5535, art. 3. 4 Ibid., art. 4. 5 Ibid., art. 11 et 12. 1

Les modifications apportées par le règlement modificateur de 2023 ne constituent pas des changements drastiques du régime du RREUE, la plupart étant simplement des précisions ou des clarifications du régime. L’augmentation des taux de redevance, qui n’avaient pas été modifiés depuis 2011, n’a rien d’étonnant, s’agissant de la mise à jour naturelle de ce règlement fondée sur le principe de l’ « utilisateur-payeur ». La modification la plus significative est, à notre avis, l’établissement du caractère public des renseignements liés à l’utilisation d’eau qui avaient, peu de temps auparavant, été considérés comme des secrets commerciaux. Il s’agira là d’une occasion de plus, pour les citoyens, d’avoir accès à l’information de nature environnementale. n

Ibid., art. 5. Ibid., art. 10. 8 RLRQ, c. Q-2, r. 14. 9 Ibid., art. 8. 10 Ibid., art. 8, al. 6. 11 Eau Secours ! La coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau c. Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 2020 6 7

20 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 20 N O 1 HIVER 2024

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