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DES PFAS AU QUÉBEC, MÊME DANS L’EAU POTABLE

Les PFAS utilisent l’air que l’on respire, les sols que l’on foule (dont ceux qui soutiennent l’agriculture), ainsi que l’eau, qu’elle soit brute ou potable, pour contaminer l’environnement. Et au Québec, il n’est pas rare d’en retrouver en faibles concentrations dans l’eau potable et dans les eaux usées, et parfois en concentrations plus fortes dans les biosolides, connus sous les noms de « boues municipales » et « boues industrielles ».

Des PFAS dans l’eau potable ?

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« Même si l’eau potable en contient, ce n’est pas tellement par elle que l’exposition aux PFAS se fait, explique l’ingénieur et biochimiste Jean Paquin. En général, c’est à travers l’alimentation que les contaminations s’exercent. C’est au contact de produits de tous les jours. Par exemple, si vous mettez un sac de popcorn au micro-ondes, puisqu’un enduit dans le sac contient des PFAS, des particules s’échapperont de ce sac et vous en consommerez. Votre exposition aux PFAS sera pas mal plus élevée si vous mangez ce popcorn que si vous buvez de l’eau. »

Heureusement, le type d’industrie qui produit des PFAS n’existe pas sur le territoire québécois. Comme le constate une étude du gouvernement québécois basée sur des suivis réalisés de 2016 à 2021 sur les composés perfluorés dans l’eau potable du Québec :

« [...] ces substances, lorsqu’elles sont détectées, le sont à de faibles concentrations dans l’eau des installations de production d’eau potable. Les concentrations maximales mesurées sont inférieures aux valeurs recommandées par Santé Canada et aux critères provisoires proposés par l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) pour la qualité de l’eau potable ;

Comme les traitements conventionnels de l’eau potable sont inefficaces pour éliminer les composés perfluorés, les concentrations mesurées dans l’eau traitée sont essentiellement les mêmes que dans l’eau brute2. »

« Toutefois, ajoute Jean Paquin, on utilise des PFAS dans plusieurs endroits au Québec, avec un potentiel de contamination pour l’environnement, et ce sont ces comportements qu’il est important d’éradiquer à la source le plus tôt possible. »

Contaminations croisées

Alors, si le Québec ne possède pas sur son territoire d’usines à fabriquer des PFAS, de quelle façon ces substances nocives parviennent-elles à contaminer l’eau ?

Pour répondre à cette question, pensons à la manière dont se faisaient autrefois les exercices de lutte contre les incendies, qui démontre à quel point on se souciait à l’époque très peu des conséquences pernicieuses de ces activités sur l’environnement. Faut-il s’étonner que ces entraînements insouciants aient propagé autant de PFAS dans la nature ?

« Prenons l’exemple classique des mousses antiincendie utilisées sur les bases militaires et dans plusieurs aéroports, explique Jean Paquin. Chez les militaires, on faisait un trou dans le sol, on y mettait de l’eau, et à sa surface, on déposait de l’essence et du diesel pour finalement mettre le feu là-dedans. Cela produisait une grosse fumée noire, puis les gens s’entraînaient à éteindre différents types d’incendies avec des mousses contenant des PFAS... Par conséquent, les hydrocarbures et les PFAS s’infiltraient dans le sol et contaminaient les eaux souterraines. On retrouve dans ces événements une source classique de contamination, ayant lieu surtout sur des bases militaires, mais aussi dans d’autres endroits, comme les aéroports. »

D’autre part, Jean Paquin souligne qu’une contamination provient aussi d’autres sources, comme des enduits. En effet, beaucoup d’enduits antitaches contenant des PFAS ont été utilisés sur des meubles, des tapis, des rideaux et toutes sortes de produits d’utilisation domestique.

« Les usines où se pratique ce genre de traitement sont susceptibles de rejeter dans la nature des effluents contenant des PFAS, avance M. Paquin. Prenons un autre exemple, celui des enduits contenant des PFAS appliqués sur différents types de papier que l’on retrouve dans des papetières qui recyclent des papiers. Dans les boues de ces papetières, on retrouve aussi des concentrations de PFAS. »

Selon une étude récente de l’État du Michigan, 13 sources communes de contamination aux PFAS ont été détectées 3. Ce sont la galvanoplastie et la finition des métaux (chromage), les décharges (ordures et décombres de surface), les installations centralisées de gestion des déchets, les aérodromes (commerciaux, privés et militaires), les installations du ministère de la Défense, les installations de formation du service d’incendie, les blanchisseries industrielles, les sites de pétrole et de pétrochimie, les fabricants de produits chimiques, les fabricants de plastiques, les installations de textiles et de cuir, les fabricants de peinture, et les installations de pâtes et papiers.

Ces rejets industriels pouvant contenir des PFAS et capables de se rendre aux stations d’épuration sont, selon Jean Paquin, les mêmes que l’on retrouve au Québec.

Des solutions ?

Selon Jean Paquin, Santé Canada édicte des normes pour l’acide perfluorooctanoïque (le PFOA) et pour le perflurooctane sulfonate (le PFOS) dans l’eau potable, lesquels sont d’autres types de molécules appartenant à la famille des PFAS. « Cependant, ces critères ont été élaborés il y a presque une dizaine d’années et ils sont actuellement en révision. »

De nos jours, comme les traitements conventionnels de l’eau potable sont inefficaces pour éliminer les composés perfluorés, il n’existe pas au Québec de pratiques systématiques visant à éliminer les PFAS. « Une solution intermédiaire subsiste quand même : l’utilisation du charbon activé en poudre pour améliorer l’eau potable, explique Jean Paquin. Ce procédé est employé en été pour agir contre d’autres problèmes, mais il a aussi la capacité d’enlever la plus grande partie des PFAS dans l’eau. »

Selon M. Paquin, les municipalités du Québec savent maintenant que l’enjeu des PFAS nécessitera probablement une amélioration des méthodes d’exploitation, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont équipées pour faire un dosage de charbon activé lors du traitement habituel de l’eau dans le but d’éliminer ce genre de contaminant.

« Mais dans l’ensemble, ajoute Jean Paquin, il serait plus intelligent d’éliminer les PFAS à la source, donc avec l’autorité du gouvernement fédéral, qui a le pouvoir légal d’autoriser ou non ces composés. Car ceux-ci ne sont pas nécessaires et leur existence n’est pas justifiée. D’autant plus qu’il existe des produits de remplacement qui sont inoffensifs. Il serait drôlement plus économique d’arrêter d’utiliser ces composés et de découvrir les sources de contamination afin de les traiter. »

3 Michigan Department of Environment, Great Lakes, and Energy. (2021). Land Application of Biosolids Containing PFAS: Interim Strategy https://www.michigan.gov/-/media/Project/Websites/egle/Documents/Programs/WRD/Biosolids/PFAS-Biosolids-Strategy.pdf?rev=c81c006 4150d4f45bece88efcf304e3f

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