SOURCE hiver 2011

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HIVER 2011, vol. 6 no 3

ENTREVUE avec

Hubert

Convention de la poste-publications no 41122591

Reeves Portrait de notre scientifique tout étoile Pourquoi l’eau sera-t-elle au cœur de la prochaine décennie ? Sept raisons. 2010 : une année de changements climatiques www.maya.cc




Hiver 2011, vol. 6 no 3

tête-à-tête

sommaire CHRONIQUES

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Le domaine de l’eau en pleine effervescence !

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« Il s’est créé autour de cette idée de changements climatiques un groupe de « climatosceptiques ». A priori, ils ont un rôle important. Toutefois, la majorité de ces gens sont des incompétents qui ont discrédité leur groupe, de sorte qu’au lieu d’instiguer un réel débat constructif, on se retrouve avec un débat faussé. Pire encore, ces gens démobilisent la population, ce qui est gravement irresponsable. »

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— Hubert Reeves

LE JURIDIQUE G E STI O N H U M A I N E D E S R E S S O U R C E S

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LE S B O N S C O NTA CTS

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L’ E N V E R S D U D É C O R

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En lien avec le ministre

EAUX USÉES APPELEZ-M O I LYSE… LE MUNICIPAL 2010 : U N E AN NÉE D E CHAN G EM ENTS CLI MATI Q U ES

SUR LE RADAR PO U RQ U O I L’EAU SER A-T-ELLE AU CŒU R D E L A PRO CHAI N E DÉCEN N I E ? SEPT R AISO NS. FAÇO N N ER L’AVEN I R D E L’EAU… À PARTI R D E M O NTRÉAL

Éditeur et rédacteur en chef : André Dumouchel adumouchel@maya.cc Chroniqueurs : Pierre Arcand John Cigana Marc-André Desjardins Dominique Dodier Hervé Pageot Christian Sauvageau

Direction artistique : MAYA communication et marketing Designer graphique : S’AMI graphie (Syma) Photo de la page couverture : Benoit Reeves Photos de l’entrevue : André Dumouchel Révision linguistique : Annie Talbot

Coordination des ventes : Grégory Pratte Tél. : 450 508-6959 gpratte@maya.cc Abonnement et administration : MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (QC) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@maya.cc www.maya.cc

Impression : Carpe diem

Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.

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Le magazine de l’eau au Québec SOURCE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

© Tous droits réservés. Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent la responsabilité que de leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine S O U R C E re c o m m a n d e c e s p ro d u i t s e t s e r v i c e s . C o n v e n t i o n d e l a p o s t e - p u b l i c a t i o n s n o 4 1 1 2 2 5 9 1 . Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1e trimestre 2005. ISSN 1712-9125. Le magazine SOURCE est publié 3 fois l’an.



ÉDITORIAL adumouchel@maya.cc

André Dumouchel

MICHEL LOUVAIN, HUBERT REEVES

et moi

Nous sommes à la fin des années 1970, par une belle matinée de juillet. Je sais que la journée sera merveilleuse, car ma mère, ma cousine et moi partons pour le parc Belmont, mon endroit préféré.

Arrivé sur place, je veux tout voir, tout toucher, tout essayer, mais j’ai peur de manquer de temps. Ma mère, modèle de patience, me dit de ne pas m’inquiéter, que nous resterons jusqu’à la fermeture et que nous aurons, de ce fait, tout le temps voulu pour essayer tous les manèges. « Même le Scénique ? » que je lui demande. « Oh non, pas le Scénique, tu sais bien que maman a peur dans les montagnes russes. Et puis de toute façon, ce manège-là, c’est pour les grands. Tu ne pourrais pas monter. » Voyant mon chagrin, elle m’annonce que nous verrons le spectacle de Michel Louvain en soirée. Michel Louvain… mon chanteur favori ! Les montagnes russes pouvaient bien attendre à l’an prochain, j’allais entendre La dame en bleu, ma chanson préférée. La journée a filé aussi rapidement qu’elle file pour tout enfant au paradis de l’adrénaline. À l’heure du spectacle, on se place dans la première rangée. On le voit parfaitement. Il chante, il danse, il plaisante avec la foule, c’est mon idole ! Au moment d’y aller de son plus grand succès, il invite quelqu’un de l’assistance à monter sur scène pour chanter avec lui. Devinez qui est choisi… Une fois sur scène, il me demande si je connais les paroles de la chanson. Je lui réponds par l’affirmative, mais en petit haïssable que je suis, je lui dis que je chanterai avec lui uniquement s’il m’accompagne dans la grande roue après son spectacle. La foule s’esclaffe, tout comme lui d’ailleurs. On a rendez-vous sur le côté de la scène 15 minutes après son spectacle. Ma mère, ma cousine et moi avons attendu près d’une heure. Il n’est jamais venu. Le lendemain, I was made for loving you du groupe Kiss devint de facto ma chanson favorite. *********** 30 novembre 2010, il neige sur Lyon. Je sens la fébrilité chez les gens Après cette rencontre, je ne me suis pas intéressé davantage à que je croise. Les Lyonnais parlent d’une grosse tempête. « Ce sera le chaos l’astronomie, pas plus qu’Hubert Reeves n’est devenu mon idole. Toutefois, ce soir », me dit l’un d’eux. Qu’à cela ne tienne, je me dirige vers le salon le respect que j’éprouvais pour le scientifique s’est transformé en profonde Polutech, où je dois rencontrer Hubert Reeves pour une entrevue. admiration pour l’être humain que j’ai rencontré. Cette rencontre restera gravée à tout jamais dans ma mémoire, tout comme celle avec Michel J’appréhende devoir interviewer un scientifique inaccessible, mais c’est Louvain, mais pour des raisons bien différentes. Merci, Monsieur Reeves. plutôt un homme d’une grande gentillesse que je rencontre. Après l’entrevue, on nous informe que Lyon est sens dessus dessous en raison des quelques Et pour ceux qui se demandent si je suis finalement monté à bord du centimètres de neige tombés. Monsieur Reeves décide donc de rester Scénique en cette belle journée de 1979, eh bien oui j’y suis allé. Avec ma avec moi dans le chic pavillon d’Export environnement. Coupe de vin à la mère en plus ! Se méprenant sur le manège au bout de la file d’attente, main, je passe près d’une heure trente à discuter seul à seul avec lui de ma mère s’est retrouvée malgré elle à mes côtés et n’a cessé de crier tout choses et d’autres. J’en profite évidemment pour poser des questions à au long du parcours, et ce, dès la vue de la première montée. Encore ce grand savant, mais étonnamment, c’est lui qui en pose le plus. Curieux, aujourd’hui, cette journée me fait sourire. I il fait preuve d’une grande écoute. Quelques heures plus tard, je repars sur un nuage vers mon hôtel, malgré l’interminable trajet qui prend habituellement 10 minutes. J’ai l’impression d’avoir vécu un grand moment.

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En lien avec le ministre Le domaine de l’eau en pleine effervescence ! M. Pierre Arcand Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs

Il y a du mouvement ces temps-ci dans le domaine de l’eau. En effet, plusieurs projets de règlement sont actuellement sur notre planche à dessin ou en consultation publique, sans compter celui sur la redevance sur l’eau, qui vient d’être adopté. Histoire de vous aider à voir plus clair dans toutes ces nouveautés, je profite de l’occasion pour vous présenter les différents projets qui viendront moderniser et renforcer la réglementation québécoise en la matière.

Vous le savez, la protection de l’eau est l’une des priorités de notre gouvernement. C’est pourquoi, afin d’assurer la sauvegarde de cette précieuse ressource, nous sommes constamment à l’affût des nouveaux besoins exprimés par les différents acteurs du milieu. La Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection fait d’ailleurs partie des mesures que nous avons instaurées pour répondre à leurs préoccupations. Elle a été adoptée l’an dernier, mais plusieurs projets de règlement qui y sont liés doivent aussi être adoptés avant qu’elle n’entre pleinement en vigueur. Le projet de règlement concernant le cadre d’autorisation de certains transferts d’eau hors du bassin du fleuve Saint-Laurent est l’un de ces projets qui permettront de poursuivre la mise en œuvre de la loi sur l’eau. Ce projet de règlement interdit les transferts d’eau hors du bassin et détermine certaines exceptions bien précises. Le Québec vient ici remplir les engagements qu’il a pris lors de la signature de l’Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Les exceptions à cette interdiction s’appliquent exclusivement à une municipalité ou à une municipalité régionale de comté dont le territoire chevauche la ligne de partage des eaux du bassin et qui désire faire des prélèvements pour son approvisionnement en eau potable. Deux autres projets de règlement qui vous touchent de près ou de loin ont récemment été soumis à la consultation publique. Examinonsles d’un peu plus près. Tout d’abord, le projet de règlement modifiant le Règlement sur l’application de l’article 32 de la Loi sur la qualité de l’environnement, le Règlement sur le captage des eaux souterraines et le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées. Ce projet de règlement soustrait certains travaux d’aqueduc et d’égout ayant peu d’incidence sur l’environnement à l’obligation d’obtenir une autorisation préalable du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). Il s’assure cependant de la conformité des travaux en exigeant une surveillance adéquate de ceux-ci. Cette modification réglementaire permettra notamment de faciliter et d’accélérer les investissements dans le renouvellement des infrastructures d'aqueduc et d'égout, ce qui est une bonne nouvelle pour le bien-être des citoyens et pour l’économie québécoise. Pour sa part, le Règlement sur la qualité de l’eau potable est d’une importance capitale pour la population, car il vise à garantir que l’eau consommée par les Québécoises et les Québécois est saine et propre. L’importance de ce règlement nous oblige à le modifier régulièrement, afin de tenir compte de tout changement ou progrès en matière de santé publique et de traitement de l’eau. Les mises à jour nous permettent également d’offrir l’une des meilleures réglementations nordaméricaines en matière d’eau potable. Le projet de règlement modifiant le Règlement sur la qualité de l’eau potable permettra de resserrer plusieurs normes de qualité, d'augmenter 8

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les exigences de traitement selon le niveau de dégradation de la qualité de l’eau brute et d’ajuster la fréquence de plusieurs contrôles de la qualité de l’eau en fonction du risque. Il exigera aussi la production d’un rapport annuel sur la qualité de l’eau par chaque responsable d’un réseau d’aqueduc, afin d’assurer une meilleure information au public. Je ne peux passer sous silence l’adoption récente par le Conseil des ministres du Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau. Ce règlement était très attendu, puisqu’il vient vraiment concrétiser le principe de l’utilisateur-payeur si cher à notre gouvernement de même qu’à la société québécoise. De plus, il envoie un message clair aux différents utilisateurs de l’eau : cette ressource est certes présente en grande quantité au Québec, mais il n’en demeure pas moins qu’elle est vulnérable. Puisque la vie ne pourrait exister sans elle, nous devons sensibiliser les préleveurs afin qu’ils préconisent une utilisation responsable de l’eau. Tous ces règlements ont un objectif en commun : fournir un cadre réglementaire qui nous situe parmi les leaders en Amérique du Nord, afin que l’on contribue tous à assurer la protection et la pérennité de l’eau, l’or bleu du Québec.

Il exigera aussi la production d’un rapport annuel sur la qualité de l’eau par chaque responsable d’un réseau d’aqueduc, afin d’assurer une meilleure information au public. En ce début d'année... En terminant, je désire attirer votre attention sur la Stratégie québécoise pour une gestion environnementale des sels de voirie (www.selsdevoirie.gouv.qc.ca), qui a été lancée l’automne dernier. Cette stratégie propose aux administrations publiques et privées une démarche permettant d’optimiser l’utilisation des sels de voirie. Chaque année, 1,5 million de tonnes de sels de voirie sont épandues sur les routes du Québec et ont des effets nocifs sur les écosystèmes aquatiques et terrestres, de même que sur la faune, la flore, les sols, les nappes aquifères et les infrastructures. La Stratégie propose un effort concerté par lequel les actions des administrations participantes contribueront à protéger l’environnement. Elle est le résultat de la collaboration du ministère des Transports du Québec, du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, de l’Union des municipalités du Québec et de la Fédération québécoise des municipalités.



tête-à-tête

Hubert

Reeves Portrait de notre scientifique tout étoile

Entrevue réalisée par André Dumouchel

D’ABORD ET AVANT TOUT PASSIONNÉ DE SCIENCES, H UBERT REEVES EST DEVENU UNE VÉRITABLE ICÔNE MONDIALE DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE. COMMENÇANT SA CARRIÈRE COMME ENSEIGNANT UNIVERSITAIRE, L’ASTROPHYSICIEN JOUIT D’UNE TRÈS GRANDE CRÉDIBILITÉ DANS LE CERCLE DES INITIÉS, AU POINT D’ÊTRE RECRUTÉ PAR LA NASA À TITRE D’EXPERT, PRENANT PART À LA COURSE VERS LA LUNE. HABILE COMMUNICATEUR, IL PARTAGERA PAR LA SUITE L’ÉTENDUE DE SON SAVOIR AU MOYEN DE LIVRES ET DE NOMBREUSES CONFÉRENCES, EN PLUS DE POURSUIVRE L’ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE UNIVERSITAIRES. RESPECTÉ ET ADMIRÉ, LE PLUS CÉLÈBRE DE NOS SCIENTIFIQUES DEVIENDRA UN ARDENT DÉFENSEUR DE L’ÉCOLOGIE, CONTRIBUANT AINSI À SENSIBILISER DES MILLIERS DE GENS AU SORT QUE NOUS RÉSERVONS À NOTRE PLANÈTE. Q UI EST L’HOMME DERRIÈRE CE PERSONNAGE PLUS GRAND QUE NATURE ? Q UEL A ÉTÉ SON PARCOURS ? Q UE PENSE-T-IL DE LA SITUATION DE L’EAU DANS L’UNIVERS ? LE MAGAZINE SOURCE L’A RENCONTRÉ POUR VOUS. En quelle année avez-vous vu le jour ? Je suis né en 1932, à Montréal, et j’ai grandi dans le quartier Côte-des-Neiges, tout près de l’Université de Montréal. Le quartier était-il déjà multiculturel à l’époque ? Pas à cette époque. Il l’est devenu après la guerre. Que faisait votre père ? Il était représentant de commerce. Il vendait des chaussures de luxe pour femme. Votre mère travaillait-elle ? Non, elle n’avait pas d’emploi. Pour paraphraser Yvon Deschamps : « Ma mère, a travaille pas, a l’a trop d’ouvrage. » [Rires.] Elle en avait 10

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bien assez de s’occuper de mes deux frères, de ma sœur et de moi-même. Votre destinée était-elle tracée ? Non, je ne crois pas. Certains de mes oncles pratiquaient le droit et ça aurait certainement pu m’influencer, d’autant plus qu’à cette époque, devenir curé, médecin ou juriste était considéré comme une grande réussite professionnelle. De mon côté, j’ai su dès le début que je voulais faire des sciences. Vos parents vous encourageaient-ils dans cette voie ? Non. Mes parents me disaient : « Qu’est-ce que ça va te donner ? Comment vivras-tu avec la science ? Tu ne pourras être qu’un petit professeur d’école. »

Vous étiez donc un peu rebelle ? Oui, du moins sur ce point. Je voulais faire ce que je voulais, et non ce qu’on voulait que je fasse. Et comme les sciences me plaisaient beaucoup, il n’y avait pas de doutes dans mon esprit. Pour moi, les problèmes des étoiles ont toujours eu plus d’intérêt que ceux des murs mitoyens ou des querelles d’héritage. Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour les sciences ? Chaque été, nous nous rendions à Oka pour rendre visite à un ami de la famille. Généticien et botaniste, il était également frère à la Trappe d’Oka. Et comme la séparation de l’Église et de l’État n’avait pas encore eu lieu à l’époque, les frères Trappiste s’occupaient de l’école de génétique de l’Université de Montréal située


tête-à-tête […] j’ai été sauvé par un groupe de l’époque, une société canadiennefrançaise, un peu nationaliste, qui prêtait des sommes à des étudiants. à Oka. Ce frère m’emmenait dans son laboratoire et partageait ses connaissances avec moi. Pour moi, il était une sorte de magicien. L’aspect religieux vous intéressait-il ? Pas particulièrement. C’est plutôt le côté « connaissances », voire « apprenti sorcier » qui m’intéressait. Quel a été votre parcours scolaire ? J’ai fréquenté le Collège Brébeuf. J’y ai rencontré un professeur pour qui les mathématiques étaient une véritable passion. Il m’a assurément transmis cette passion puisqu’à la fin du collège, je devais faire le choix entre la biologie et la physique, et j'ai choisi la physique en raison des belles mathématiques que comporte ce champ d’études. Qu’en est-il de votre parcours universitaire ? Passionné de mathématiques, de physique quantique et de physique atomique, j’ai fait un baccalauréat en physique à l’Université de Montréal. Par la suite, j’ai fait une maîtrise en physique atomique à l’Université McGill avant d’aller aux États-Unis, plus particulièrement à la Cornell University, à Ithaca, où j’ai fait un doctorat. Pourquoi avoir choisi Cornell pour votre doctorat ? Je voulais aller dans une grande université. J’ai envoyé des demandes d’admission à Berkeley, Yale, Chicago, Cornell et six autres établissements de prestige. Sur les dix, seulement deux m’ont accepté. L’un des deux était Cornell et, par un hasard extraordinaire, il y avait des gens qui y faisaient de l’astrophysique nucléaire. Ils étudiaient les phénomènes nucléaires à l’intérieur des étoiles. Mon choix a donc été facile à faire et je ne le regrette pas du tout, puisque j’ai beaucoup aimé la vie à Cornell. C’était un milieu extrêmement fertile que je n’ai pas retrouvé ailleurs par la suite. Cet endroit était vraiment le meilleur cadre pour étudier. Issu d’un milieu modeste, avez-vous éprouvé des problèmes financiers ? Oui, beaucoup. Mais j’ai été sauvé par un groupe de l’époque, une société canadiennefrançaise, un peu nationaliste, qui prêtait des sommes à des étudiants. Ces prêts étaient appelés « des prêts d’honneur ». La seule contrainte était de vous engager à rembourser votre prêt une fois vos études terminées, ce que j’ai fait. Votre honneur est donc sauf ? [Rires.] Ça me paraissait important ! Ils m’ont vraiment sauvé. Avez-vous travaillé durant vos études ? Oui, je m’occupais des laboratoires, je faisais les travaux pratiques et j’enseignais aux ingénieurs. C’est aussi grâce à ça que j’ai pu vivre à Cornell. Une fois votre doctorat en poche, qu’avez-vous fait ? J’ai passé beaucoup de temps à titre d’invité dans les grandes universités américaines. Mais au même moment, l’Université de Montréal me courtisait intensément afin que je rallie les rangs du département de physique qu’ils développaient. Comme j’avais des enfants et que je ne me voyais pas vivre dans un milieu anglophone toute ma vie en raison de mon attachement pour la culture francophone, j’ai accepté l’offre de cette dernière. Comment en êtes-vous venu à travailler pour la NASA ? En 1960, la NASA développait son programme spatial afin d’atteindre la lune. Puis, les dirigeants ont réalisé que les satellites allaient fournir des montagnes de données qu’ils ne sauraient pas interpréter. Il fallait donc créer de toutes pièces un domaine de connaissances qui permettrait de traiter ces données. Il fallait former des professeurs qui enseigneraient cet art à Berkeley, à Chicago, au M.I.T., etc. C’est alors qu’ils m’ont chargé de cette tâche. J’ai donc fait la navette entre Montréal et New York pendant plusieurs années pour former ces gens. Le magazine de l’eau au Québec SOURCE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

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tête-à-tête Quelle était l’atmosphère ? Pour les États-Unis, l’objectif était de marcher sur la lune avant les Russes. J’enseignais donc dans une ambiance de compétition que je n’appréciais pas beaucoup. C’était tout le contraire de l’entraide que j’avais connue du temps de Cornell. Par contre, il existait une incroyable euphorie pour l’espace à cette époque. C’était une période faste et l’argent coulait à flots. Par exemple, à la fin d’une année, nous avons nolisé un Boeing pour réaliser un voyage sur le terrain. Accompagnés des professeurs et d’une centaine d’étudiants, nous avons fait le tour des installations de la NASA. Nous sommes allés voir un lancement au Cap Canaveral, visiter le laboratoire lunaire en Alabama puis nous nous sommes rendus en Californie. C’était vraiment une belle période, c’était très enthousiasmant ! Quand avez-vous quitté la NASA ? À l’été 1965. J’ai travaillé aux laboratoires nucléaires de Chalk River où j’ai rencontré un chasseur de têtes belge. On m’a invité à Bruxelles pour donner des cours de physique nucléaire. J’ai accepté l’offre et j’y ai enseigné une année. Votre famille vous a-t-elle accompagné ? Oui. Ma femme et mes quatre enfants étaient très enthousiastes. Êtes-vous revenu au Québec par la suite ? Oui, mais pas à temps plein. Parallèlement au contrat de Bruxelles, j’ai obtenu un contrat de type « professeur associé » à l’Université de Montréal. Ce contrat me permettait et me permet toujours de revenir au Québec pour y passer deux mois par année et y donner des cours. Toutefois, après

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Bruxelles, j’ai été embauché au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de France. Aviez-vous un plan de carrière ? Non, je n’avais pas de plan. Je me voyais simplement comme un chercheur en astrophysique nucléaire. Avez-vous un intérêt particulier pour l’eau dans vos recherches ? Non, sinon qu’on a beaucoup étudié les problèmes en relation avec l’origine de l’eau. Le lien avec l’origine de l’oxygène et de l’hydrogène va de soi puisque qu’ils sont les deux éléments constituants. Y a-t-il de la vie sur d’autres planètes ? Oui, mais il n’y a pas de preuve. Alors comment en arrivez-vous à cette conclusion ? Ce n’est qu’une intuition, un sentiment. Mais je peux évidemment me tromper. Qu’en est-il de l’eau ? L’eau est partout et en grande quantité. Le système compte beaucoup de glace. On y trouve donc de l’eau à l’état solide et gazeux. Par contre, l’eau à l’état liquide est extrêmement rare. En fait, à l’échelle cosmique, l’eau est plus rare que l’or. La situation de l’eau sur la Terre est-elle bien connue selon vous ? Ce domaine est hors de ma spécialité. Cependant, je suis d’avis que la situation de l’eau sur la Terre n’est pas très bien connue et qu’il s’agit là d’un domaine qui pourrait nous réserver des surprises en raison, notamment, du manque de connaissances sur l’intérieur de la Terre.


tête-à-tête

Pour entendre des extraits audio de l'entrevue ou des réponses inédites, rendez-vous au www.maya.cc, section SOURCE/entrevue.

Devrions-nous pousser les recherches de ce côté ? Très certainement ! Toutefois, l’intérieur de la Terre, aussi appelé the darkest continent, demeure inconnu. Le problème est lié aux limites technologiques. Par exemple, nous ne pouvons creuser plus profondément que 11 kilomètres. Le mystère perdure également en ce qui a trait à l’histoire des océans et du sous-sol de la Terre. Qu’est-ce qui vous passionne présentement du côté des sciences ? Les exoplanètes que l’on découvre autour des étoiles. Considérant qu’il n’y avait que du gaz carbonique sur la Terre au moment de sa création, serait-il possible de « transplanter la vie » sur une autre planète ? C’est possible ! Il faudrait amener quelques bactéries et les placer dans un contexte favorable pour qu’elles puissent vivre. Ça ne serait pas simple, mais ce n’est pas exclu. Sous quelles formes serait-il idéal de découvrir l’eau sur une planète ? L’idéal serait d’y trouver les trois formes : solide, liquide et gazeuse. La Terre est fertile, car les trois formes y sont présentes. Elle est la seule planète de notre système où l’on retrouve de la glace, de la vapeur d’eau et de l’eau sous forme liquide. C’est une des conditions qui semblent essentielles pour le développement de la vie. Que répondez-vous à ceux qui prétendent que l’eau est une richesse naturelle du Québec au même titre que l’est le pétrole pour l’Arabie Saoudite ? [Long silence.] Tout dépend où l’on se place sur l’échiquier de l’humanité. Pour moi, tous les êtres humains ont droit à l’eau qu’il y a sur la Terre. Et je crois qu’il serait injuste de dire : « L’eau est à nous, on la garde, les autres peuvent mourir de soif. » D’un autre côté, le fait que géographiquement nous ayons le contrôle sur une région donnée, c’est aussi à mettre dans la balance. Il s’agit là d’un problème entier qui nécessitera une jurisprudence forte. Cela dit, on peut se passer du pétrole, mais on ne peut pas se passer de l’eau. Alors que fait-on avec ça ? Une chose est certaine; tout comme pour le pétrole, l’eau n’est pas gratuite. On doit aller la chercher, la traiter, l’acheminer. L’eau potable a un coût et je ne comprends pas pourquoi il y aurait une différence essentielle entre exploiter le pétrole et l’eau puisque les deux demandent une technologie plus ou moins coûteuse pour l’obtenir. Le magazine de l’eau au Québec SOURCE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011

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tête-à-tête

On le cuisine pour vous !

Les changements climatiques sont-ils réels ? Je crois qu’ils sont extrêmement réels, malheureusement. La situation est donc gravement menaçante pour l’avenir, et on ne parle pas à long terme, mais plutôt de quelques décennies. C’est donc dire que nous sommes dans une phase critique de l’évolution de l’humanité Les scientifiques ne semblent pas tous sur la même longueur d’onde… Il s’est créé autour de cette idée de changements climatiques un groupe de « climatosceptiques ». A priori, ils ont un rôle important. Toutefois, la majorité de ces gens sont des incompétents qui ont discrédité leur groupe, de sorte qu’au lieu d’instiguer un réel débat constructif, on se retrouve avec un débat faussé. Pire encore, ces gens démobilisent la population, ce qui est gravement irresponsable. Et vous, sur quoi vous basez-vous ? Lorsqu’on n’est pas spécialiste dans un domaine, on doit identifier l’autorité qui nous paraît la plus crédible, celle qui a réalisé le plus grand nombre d’études. Pour ma part, il n’y a aucun doute que l’instance la plus crédible est le GIEC*. Depuis plusieurs années, les meilleurs spécialistes mondiaux de la question se trouvent au GIEC et ont travaillé à départager la contribution anthropique et naturelle au réchauffement de la planète. Dans un rapport déposé en 2008, ils arrivent à la conclusion que les phénomènes naturels ont une incidence négligeable et que l’activité humaine est responsable du réchauffement de la Terre. Il est à noter que cette étude a une crédibilité de 90 %.

Buvez-vous l’eau du robinet ? Oui. On a bien quelques bouteilles à l’occasion, mais généralement, c’est l’eau du robinet que nous buvons. Avez-vous eu un mentor ? J’en ai eu plusieurs au cours de ma vie. Le père trappiste dont je vous parlais précédemment en est un. Il y a également eu deux ou trois professeurs que j’admirais pour leur culture et qui étaient pour moi des modèles.

Combien de langues parlez-vous ? Je parle l’anglais et le français. Je pourrais aussi vivre dans les pays où on parle l’italien, l’espagnol, l’allemand ou le russe, mais mon niveau de maîtrise de ces langues est alimentaire ! Si vous ne deviez habitez qu’un seul endroit, où serait-ce ? Présentement, je vis en France et au Québec. Je pourrais très bien vivre en permanence dans l’un de ces deux endroits parce que je trouve agréable d’y vivre. Vous considérez-vous de gauche ou de droite ? Je suis opposé aux étiquettes. J’aime bien avoir la liberté de dire ce que je pense, à un point donné, devant un problème précis, de ne pas avoir de devoir de réserve. C’est pour cette raison que je n’ai jamais adhéré à un parti politique. Par exemple, je suis d’accord avec les mouvements de gauche favorisant le bien public de la société, je ne souhaite pas que l’on vive dans une société sauvage ou de pure compétition. Mais en même temps, je suis en faveur du développement et des initiatives auxquels s’opposent souvent les mouvements de gauche en raison de leur côté « rétro ». Êtes-vous un libre penseur ? Oui, je déteste la langue de bois ! Pour quel politicien actuel avez-vous le plus de respect ? Barack Obama, Nicholas Sarkozy et Angela Merkel. J’aime les gens qui n’utilisent pas la langue de bois. Et la personnalité politique historique ? Jusqu’à un certain point, le général de Gaulle. Il y a aussi Churchill. Bien qu’il ait été dégueulasse par moment, il a dit non aux nazis, il s’est tenu debout. J’admire sa fermeté et sa persévérance. Quel est le changement social survenu au cours de votre vie qui vous a le plus impressionné ? C’est sans doute ce que l’on a appelé la Révolution tranquille. La vitesse avec laquelle la domination du clergé québécois a fondu m’a impressionné. Que pensez-vous de la tarification de l’eau via les compteurs ? Cela me semble normal. L’eau n’arrive pas par magie sur notre perron. Il y a des gens qui travaillent à la collecter, la traiter et nous l’acheminer. Êtes-vous conséquent dans vos actions quotidiennes en matière d’environnement ? J’essaie, mais je ne me citerais pas en modèle, loin de là.

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Jean Charest a déclaré dernièrement que les parents doivent avoir une plus grande responsabilité à l’égard de l’éducation des enfants. Qu’en pensez-vous ? Je suis d’accord. Le rôle des parents est primordial. Mais je crois aussi que les grands-parents doivent s’impliquer davantage. Avec l’accroissement du nombre de cellules familiales qui éclatent, les enfants n’ont plus la stabilité qu’ils avaient jadis. Les grands-parents peuvent donc jouer le rôle de l’élément stabilisateur. Jouez-vous ce rôle avec vos petits-enfants ? Je ne vois pas assez mes petits-enfants, mais je les vois aussi souvent que je le peux. À mes yeux, il s’agit d’un chapitre important de la vie. Bien sûr, je n’ai pas le même niveau de responsabilité que leurs parents, mais on a un rapport très privilégié. Et puis vous savez, quand les petits-enfants sont chiants, vous les redonnez aux parents et vous rentrez chez vous ! [Rires.] Quelle est votre plus grande réussite personnelle ? Possiblement le fait d’avoir apporté des connaissances aux gens. Pour moi, l’important, c’est de laisser une trace. Si vous le pouviez, feriez-vous un choix de carrière différent ? Non, mais je ferais en même temps une carrière médicale. Avez-vous des regrets ? Je regrette de ne pas avoir appris le violoncelle, et de ne pas pouvoir jouer du Schubert dans un quatuor. C’est une grande frustration. Avez-vous déjà touché au violoncelle ? Non. J’avais commencé à apprendre le piano, mais je ne sais plus pour quelle raison j’ai arrêté. Aujourd’hui, je me contente du rôle de récitant dans des pièces comme Pierre et le loup ou L’Histoire du soldat. Lorsque je vois quelqu’un jouer du piano, pour moi, c’est magique. Ce qui me fait dire que dans ma prochaine vie (je ne sais pas si j’en aurai une, on n’en sait rien), ma première action sera de m’inscrire au conservatoire. Je m’imagine faire de la physique, bien sûr, mais je jouerai aussi du piano. Si vous aviez le pouvoir absolu sur l’humanité, quelle serait votre première action ? De façon concrète, j’imposerais une taxe sur le carbone à l’échelle mondiale, c’est une nécessité. Il est délirant de pouvoir dépenser le gaz carbonique que l’on veut sans en payer le prix.


tête-à-tête Que pensez-vous du terme « développement durable » ? Peut-on réellement faire un développement qui soit durable ? Aujourd’hui, nous sommes presque 7 milliards d’humains sur Terre et, selon les meilleurs démographes, ce chiffre devrait passer à 10 milliards avant de se stabiliser à 9 milliards. La question qu’on doit se poser est si l’on peut offrir une vie convenable à tous ces gens. Il est certain que cela supposerait que tous vivent de façon plus frugale que ce n’est le cas aujourd’hui. Sans retourner vivre dans des cavernes, nous devrons faire d’énormes efforts afin de ne pas rendre la Terre complètement inhabitable. Comment y arriver ? Je n’ai pas de réponse à cette question. Je suis par contre certain que nous devons garder espoir et faire en sorte de ne pas décourager les gens. Les problèmes sont nombreux et gigantesques, mais les gens sont beaucoup plus conscientisés depuis les cinq dernières années. La différence est énorme. Il faut donc entretenir cet espoir. Mais c’est loin d’être gagné. Comment imaginez-vous la planète à la fin de ce siècle ? Alors là, je n’en ai aucune idée. Tout dépendra du niveau de conscientisation que l’humanité atteindra. Mais une chose est certaine, les décisions qui se prennent maintenant auront une influence majeure sur l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Monsieur Reeves, un grand merci pour cette entrevue. I *NDLR : Le GIEC est le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

L’entrevue avec Hubert Reeves a été réalisée à Lyon, en décembre dernier, à l’occasion du salon Pollutec 2010. Monsieur Reeves participait au dévoilement d’une entente avec Technoparc Montréal*. Le scientifique prêtera son nom à un site unique au Canada dédié aux entreprises innovantes du secteur des technologies propres. Ce site de 20 hectares, adjacent au Campus Saint-Laurent et à un parc régional de 26 hectares, portera le nom d’Éco-campus Hubert Reeves et réunira la communauté scientifique internationale en plein cœur d’un habitat naturel préservant la biodiversité et offrant un lieu de travail des plus novateurs en matière d’écoconstruction. Nous tenons à remercier Technoparc Montréal et Export environnement pour avoir facilité la réalisation de cette entrevue. *Technoparc Montréal est un organisme dédié au développement scientifique de Montréal. Tous les détails sur www.technoparc.com.

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EAUX USÉES

A P P E LEZ-M O I LYS E… Marc-André Desjardins ing., Ph.D. vice-président, division Environnement AXOR Experts-Conseils inc. mdesjardins@axor.com

La lyse. Pour le commun des mortels, ce terme n’évoque pas grand-chose. Mais pour les spécialistes en eaux usées, il réfère à un ensemble de techniques permettant d’améliorer les performances des digesteurs anaérobies pour des boues de nature biologique, qui sont plus difficiles à digérer en raison de la présence des flocs qui protègent les cellules et aussi à cause des parois cellulaires des bactéries qui sont difficiles à attaquer, ce qui gêne l’accès au contenu intracellulaire biodégradable. Avec l’essor que connaît actuellement la digestion anaérobie au Québec, l’intérêt pour les techniques de lyse des boues pourrait s’accroître considérablement. Bien que l’expérience dans ce domaine soit surtout européenne, plusieurs technologies sont maintenant disponibles de ce côté-ci de l’océan et des applications sont actuellement évaluées dans plusieurs stations d’épuration au Canada et aux États-Unis. existe toute une variété de procédés de lyse des boues. Les plus connus sont la lyse mécanique (avec ou sans conditionnement chimique), la lyse thermique ainsi que la lyse enzymatique.

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Lyse mécanique La lyse mécanique utilise, comme son nom l’indique, des moyens mécaniques pour briser les cellules biologiques. La destruction des cellules résulte d’effets de cavitation causés soit par dépressurisation (ex. : procédé Crown), soit par l’usage d’ultrasons (ex. : procédés UltraWaves et Sonix). Dans certains cas, un conditionnement chimique préalable est utilisé afin d’affaiblir les parois cellulaires. C’est le cas du procédé MicroSludge dans lequel les boues sont conditionnées au moyen de soude caustique avant d’être soumises à une dépressurisation et à d’énormes forces de cisaillement qui ont pour effet de déchirer les membranes des cellules biologiques. Ce prétraitement liquéfie les boues et assure une digestion anaérobie plus efficace.

Lyse thermique La lyse thermique implique l’oxydation des boues biologiques à haute température et sous pression. Le procédé le plus utilisé est le procédé norvégien Cambi (figure 1) où les boues sont d’abord préchauffées à une température voisine de 100 0C dans un premier réacteur appelé pulpeur. Par la suite, les boues sont transférées dans un second réacteur, appelé réacteur d’hydrolyse, où la température est augmentée à 165 0C et la pression portée à 6 bars. C’est dans ce réacteur que les parois cellulaires sont en majorité détruites. Cette destruction des cellules est finalisée dans un troisième réacteur, appelé réacteur de détente, dans lequel les boues, ramenées à environ 2 bars en fin d’hydrolyse, sont rapidement mises à pression atmosphérique. Ce procédé permet de prétraiter des boues déjà déshydratées (jusqu’à 16 à 18 % de siccité). Les boues hydrolysées résultantes, refroidies et diluées à la siccité voulue, sont ensuite transférées vers les digesteurs dont la performance est ainsi maximisée.

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A P P E L E Z - M O I LY S E …

Utilisée pour prétraiter les boues biologiques avant leur digestion anaérobie, la lyse des boues comporte les principaux avantages suivants : ➢ augmentation de la production de biogaz dans les digesteurs anaérobies; ➢ augmentation de la quantité de matières volatiles détruites dans les digesteurs anaérobies et réduction de la masse des boues; ➢ augmentation de la capacité des digesteurs anaérobies; ➢ boues résultantes plus faciles à déshydrater et moins odorantes. Dans le cas de la lyse thermique ou de la lyse thermochimique, le traitement à haute température assure en outre une destruction totale des germes pathogènes contenus dans les boues, ce qui permet de produire des boues digérées conformes aux exigences de la classe A de la United States Environmental Protection Agency. Figure 1 : Procédé Cambi (source : Degrémont/Cambi)

Lyse enzymatique La lyse enzymatique suppose le recours à des enzymes spécifiques qui sont injectés dans un ou plusieurs hydrolyseurs en amont des digesteurs. La température dans les hydrolyseurs peut atteindre 55 0C en régime thermophile. Grâce à l’action des enzymes, les boues sont liquéfiées et rendues plus facilement bioassimilables dans les digesteurs, ce qui accroît l’efficacité de ces derniers. D’autres procédés de lyse des boues existent également, telle la lyse chimique où de l’ozone est utilisé pour oxyder les membranes des cellules, ou la lyse par électroporation qui utilise des impulsions électriques à haut voltage aux mêmes fins. L’entreprise canadienne Lystek a également développé un procédé de lyse thermochimique qui permet de liquéfier et de pasteuriser des boues déshydratées à l’aide d’hydroxyde de potassium. Les boues traitées au moyen de ce procédé constituent un produit à valeur ajoutée qui peut être valorisé en agriculture.

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Étant donné que les différents procédés de lyse des boues n’ont pas tous la même efficacité et que les coûts peuvent différer considérablement d’un procédé à l’autre, lorsque ce type de technologies est envisagé, il est essentiel de réaliser une analyse technicoéconomique exhaustive avant d’arrêter son choix sur l’une ou l’autre des technologies offertes sur le marché. Des essais pilotes visant à établir avec rigueur les gains prévisibles en termes d’augmentation de destruction de matières volatiles et de production de biogaz devraient normalement être conduits afin d’évaluer l’efficacité d’une technologie donnée pour les boues à traiter. En matière d’évaluation des procédés de lyse, il importe de distinguer les technologies qui permettent une amélioration globale de la digestion anaérobie, se traduisant par une production accrue de biogaz, des technologies qui ne font qu’accélérer la digestion anaérobie, sans augmentation significative de la production de biogaz. Avec la lyse des boues, la digestion anaérobie atteint de nouveaux sommets de performance, notamment en ce qui a trait aux boues biologiques. Les développements en matière d’« Advanced Anaerobic Digestion » suscitent beaucoup d’intérêt et nous n’avons pas fini d’en parler. I



LE MUNICIPAL

2 0 10 : U N E A N N É E D E C H A N G E M E N T S C L I M AT I Q U E S

Christian Sauvageau directeur, Service de l’hygiène du milieu Ville de L’Assomption u s i n e f i l t ra t i o n @ v i l l e . lassomption.qc.ca

Ah ! Les fameux changements climatiques… Depuis le temps que l’on en entend parler, on dirait que c’est seulement cette année que j’en ai personnellement pris conscience… Séismes à Haïti, en Chine et au Chili, vagues de chaleur et feux de forêt en Russie, inondations en Australie et au Pakistan, sécheresses en Éthiopie, tornades aux États-Unis, éruptions volcaniques en Islande, pour ne nommer que ces désastres naturels… Il faut l’avouer, quand on regarde le tout froidement, le scénario apparaît apocalyptique. Selon le groupe allemand d’assureurs privés Munich Re, « … au total, 950 catastrophes naturelles ont frappé la planète, un chiffre bien supérieur également à la moyenne de ces 30 dernières années (615 catastrophes annuelles, 66 000 morts par an, 95 milliards $ de dégâts). L’année a été marquée par une assez rare accumulation de tremblements de terre importants et par un nombre élevé de catastrophes liées au climat, qui semblent indiquer une poursuite du réchauffement climatiquei. » L’Organisation météorologique mondiale signale que l’on vient d’enregistrer la troisième année la plus chaude depuis 160 ans. Mais au Québec et au Canada, comment les changements climatiques en 2010 nous ont-ils affectés ?

Dans notre travail quotidien à la ville de l’Assomption, nous avons vécu trois périodes de crues des eaux lors des quatre dernières années; le débit de la rivière a d’ailleurs atteint des seuils jamais égalés. La différence de ces crues, comparativement à celles des années passées, est que l’on observe maintenant ces phénomènes en dehors des périodes dites « conventionnelles », c’est-à-dire au printemps et à l’automne. En effet, en 2010, encore une fois, les pluies diluviennes survenues cette fois-ci les 3 et 4 décembre derniers ont perturbé l’opération de notre centre de traitement d’eau potable en obstruant complètement la conduite d’approvisionnement en eau brute. Le niveau de la rivière L’Assomption a bondi de trois à huit mètres durant ces deux jours ! L’impact de cet événement a été l’arrêt de la production d’eau potable et l’abrasion par le sable et le gravier des trois pompes de la station de pompage d’eau brute. Cette même situation avait été vécue en 2008 et 2009 et avait d’ailleurs fait l’objet de deux articles dans le magazine Source. Selon Environnement Canada, le Canada n’a jamais connu en 2010 un hiver et un printemps aussi chauds. L’exemple de la température printanière lors des Jeux olympiques de Vancouver confirme cette observation. Le Québec n'est pas en reste, avec les tempêtes historiques, les vents violents et les inondations qui ont récemment touché la Gaspésie. Alors, quels sont les phénomènes à long terme liés aux changements climatiques qui pourraient affecter plus particulièrement la ressource en eau potable du Canada ?

La quantité d’eau douce Pour de nombreuses régions canadiennes, les changements climatiques se traduiront vraisemblablement par une diminution des débits pendant la période estivale (période de pointe de consommation), une élévation des températures de l’eau durant l’été et une augmentation des débits durant l’hiver. Cette projection s’applique plus particulièrement aux endroits alimentés principalement par la fonte des neiges, ce qui est le cas dans la majeure partie du pays. La menace est plus réelle dans les régions les plus sèches du sud des Prairies, qui sont affligées périodiquement par la sécheresse et par de lourds déficits d’humidité dans le sol. Les changements climatiques toucheront non seulement la quantité d’eau de surface, mais aussi la quantité d’eau souterraine. La sensibilité des eaux souterraines aux changements climatiques dépend de leur profondeur et de leur nature. En général, les puits peu profonds seront les plus vulnérables.

La qualité de l’eau douce Un abaissement des niveaux d’eau a tendance à accroître les concentrations de polluants, augmentant ainsi les coûts de traitement en eau potable; l’augmentation des débits et de la fréquence des inondations accentue la turbidité de l’eau et le rejet de contaminants et d’eaux usées dans les bassins hydrographiques. Voici quelques exemples déjà observés au Canada : • intrusion de l’eau salée dans les aquifères (provinces de l’Atlantique); • remontée de la limite de l’eau salée dans le golfe du Saint-Laurent suite à la diminution du niveau d’eau de ce dernier (province de Québec); • dégradation de l’habitat faunique suite à la diminution du niveau d’eau des Grands Lacs (province de l’Ontario); • rupture de canalisations d’eau potable et d’égout causée par la dégradation du pergélisol (Territoires du Nord-Ouest)ii. Le défi est majeur et le fait de résider dans un pays fortement industrialisé comme le Canada ne nous met pas à l’abri des changements climatiques. Au contraire… i Valéry Laramée de Tannenberg, « 2010, l’année catastrophe », Journal de l’environnement, 3 janvier 2011 [http://www.journaldelenvironnement.net/article/2010-l-anneecatastrophe,20859]. ii Ressources naturelles Canada, « Impacts et adaptation liés aux changements climatiques », 2 octobre 2007 [http://adaptation.nrcan.gc.ca/perspective/water_3_f.php].

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SUR LE RADAR

PO U R Q U O I L’EA U S E R A-T-E LLE AU C Œ U R D E LA PR O C HAI N E DÉC E N N I E ? S E P T R AI S O N S.

John Cigana ing., M.Sc. A. vice-président, Développement des affaires et marketing John Meunier inc. filiale de Veolia Water Solutions & Technologies jcigana@johnmeunier.com

Bienvenue en 2011 !

Palmarès des sept tendances dans le domaine de l’eau À la manière de David Letterman, avec son célèbre Top 10 List, on pourrait dresser une liste des sept facteurs qui feront de l’eau une préoccupation majeure entre 2010 et 2020. Cette liste est bien sûr très incomplète et subjective. Pourquoi se limiter à sept facteurs ? On pourrait certainement doubler ou tripler le nombre de raisons justifiant l’importance de l’eau pour la planète. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. L’important, c’est de susciter la discussion. Allons-y !

#7 : Le cycle de l’eau est un cycle fermé

Les partys du temps des fêtes sont terminés, le père Noël est reparti au Pôle Nord et voici la nouvelle année qui commence, une année que je vous souhaite remplie de succès et de bonheur ! Il y a au moins un événement qui est invariablement au rendezvous au début de chaque année calendaire : les prédictions en tous genres ! Tout y passe : prévisions astrologiques, calendrier maya, etc. Partout on annonce en grande primeur ce que la nouvelle année apportera... ou a posteriori expliquer pourquoi les prédictions de l’année précédente ne se sont pas avérées.

Une évidence : le cycle de l’eau, à l’échelle planétaire, est fermé. Des variations locales sont possibles, mais globalement on n’y échappe pas. Simple, mais certainement une vérité dont il faudra se souvenir au cours de la prochaine décennie.

Je ne me livrerai pas ici à un exercice aussi risqué que de tenter de prédire l’avenir; je laisse ça à des spécialistes en la matière ! À défaut de faire des prédictions, un peu de prospective à partir des informations connues aujourd’hui n’a jamais fait de mal. En ce début d’année, il est bon de se rappeler les tendances lourdes qui feront de l’eau, sous toutes ses formes, le centre des préoccupations de la prochaine décennie.

#5 : Usages compétitifs de l’eau

#6 : Resserrement des normes Dans tous les domaines, les avancées de la science amènent un resserrement des normes. Cette réflexion générale s’applique certainement au domaine du traitement des eaux et aux nouvelles réglementations environnementales.

Qu’est-ce qui est le plus important : l’irrigation pour l’agriculture ? le transport de marchandises par voie fluviale ? l’alimentation en eau potable ? la navigation de plaisance ? Voilà une question à laquelle il est impossible de répondre, car toutes ces utilisations de l’eau sont importantes. Les défis reliés aux usages de l’eau ne feront que se multiplier lors de la prochaine décennie, et ce, partout dans le monde.

#4 : L’empreinte de l’eau L’empreinte de l’eau est un indicateur de l’importance de l’eau dans un produit ou un service. Cet indicateur est en plein essor; beaucoup de recherches dans le monde y sont d’ailleurs consacrées afin d’y intégrer des éléments innovants. Cet indicateur mesure en fait la productivité industrielle par rapport à l’utilisation de l’eau. Il faut comprendre que c’est en fait un indicateur de performance. Il est donc facile de prédire (zut, une prédiction !) que cet élément, plutôt discret aujourd’hui, gagnera fortement en notoriété au cours de la prochaine décennie.

#3 : La quantité d’eau disponible Statistiques Canada a produit un rapport en septembre 2010 intitulé L’activité humaine et l’environnement : offre et demande d’eau douce au Canada. Le rapport démontre une baisse de l’apport en eau au cours des 30 dernières années (1971-2004) dans le sud du Canada. Quelle sera la tendance pour la prochaine décennie ?

#2 : Une gouvernance de l’eau complexe Au Canada, la question de la gouvernance de l’eau est extrêmement complexe. Cette situation est peut-être plus adéquate ailleurs dans le monde, mais partout sur la planète, la gouvernance associée à l’eau est un élément capital si on veut améliorer l’accessibilité, la quantité et la qualité de la ressource.

#1 : Les changements climatiques Les changements climatiques sont certainement le facteur le plus imprévisible. Les ressources en eau seraient, directement et indirectement, largement affectées par les variations du climat. Il y a fort à parier que le sujet des changements climatiques sera à l’ordre du jour de plusieurs réunions, nationales comme internationales, au cours des prochaines 10 années.

Conclusion Voilà autant de bonnes raisons, si vous en doutiez, qui influenceront profondément le secteur de l’eau dans la prochaine décennie. En terminant, comme les résolutions ponctuent invariablement chaque début d’année, voici mon vœu : puissent nos résolutions environnementales collectives de 2011 être à la hauteur des défis qui nous attendent ! I 22

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CONTRÔLE DES ACTIVITÉS EXPLORATOIRES DE L’INDUSTRIE DES GAZ DE SCHISTE : LE RÔLE DU MDDEP

LE JURIDIQUE

Me Hervé Pageot avocat en droit de l’environnement, des ressources et du territoire Daigneault, avocats inc. herve.pageot@daigneaultinc.com

Le dossier des gaz de shale, communément nommés « gaz de schiste », a constitué sans aucun doute un des sujets marquants de l’automne 2010. Le barouf médiatique engendré par les premiers forages exploratoires menés par l’industrie gazière a mis en lumière le rôle du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) quant au contrôle des impacts appréhendés de cette activité sur la ressource eau. Outre les pouvoirs qui lui sont confiés en application de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs est responsable de la mise en œuvre de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (Loi sur l’eau) adoptée le 11 juin 2009. Confirmant le caractère collectif des ressources en eau, tant souterraines que de surface, cette loi contient plusieurs principes qui peuvent sans aucun doute trouver leur application relativement aux gaz de schiste, tels que les principes de prévention, de réparation, ou encore d’utilisateurpayeur. Or, les impacts potentiels sur l’eau des activités de l’industrie du gaz de schiste sont multiples, tant au stade de la phase exploratoire que de celle de l’exploitation proprement dite, ce qui constituerait d’ailleurs une des particularités de cette industrie par rapport au milieu minier traditionnel. Cette particularité semble avoir conduit à une certaine

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confusion au sein des directions régionales du MDDEP quant à l’application du régime d’autorisation de la LQE à l’étape des activités d’exploration.

Travaux exploratoires et certificat d’autorisation Selon l’article 22 de la LQE, nul ne peut entreprendre l’exercice d’une activité s’il est susceptible d’en résulter un rejet de contaminants dans l’environnement ou une modification de la qualité de l’environnement, à moins d’obtenir préalablement du ministre un certificat d’autorisation (CA). Cependant, le Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement soustrait les travaux de forage autorisés en vertu de la Loi sur les mines de l’obligation d’obtenir un tel CA, sauf s’ils sont effectués dans une plaine inondable, un cours d’eau ou un milieu humide visé au second alinéa de l’article 22. Au cours de l’automne 2010, le ministre a reconnu publiquement que les modalités de mise en œuvre par le MDDEP de ce régime d’autorisation variaient d’une région administrative à une autre. Aussi, au début du mois d’octobre, le MDDEP a jugé nécessaire de produire, à l’attention des directions régionales, une note d’instructions sur l’« Assujettissement des travaux de complétion des puits gaziers à un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (octobre 2010) ». Selon cette note d’instructions, il « a été décidé que les travaux de complétion des puits gaziers seront assujettis à l’obtention préalable d’un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 » de la LQE, « et ce, au moins jusqu’à la mise en œuvre des recommandations découlant des travaux du BAPE sur le développement durable de l’industrie des gaz de schiste ». Ce que le MDDEP appelle les « travaux de complétion » renvoie à l’ensemble des travaux effectués lors de la mise en production d’un puits et « inclut notamment la stimulation des puits par fracturation hydraulique ou acidification ». Plus précisément, pour évaluer le potentiel de production du puits, on injecte un fluide de fracturation qui serait constitué d’environ

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C O N T R Ô L E D E S A C T I V I T É S E X P L O R AT O I R E S D E L’ I N D U S T R I E D E S G A Z D E S C H I S T E : L E R Ô L E D U M D D E P

90 % d’eau, 9 % d’agent de soutènement et 1 % en poids de produits chimiques. Seule une partie de l’eau injectée pour le fractionnement est récupérée à la surface. Ces travaux surviennent donc entre le forage exploratoire lui-même et la phase d’exploitation. Selon cette interprétation administrative du MDDEP, tous les travaux de complétion seront désormais assujettis à l’obligation d’obtenir un CA en vertu de l’article 22 de la LQE, ce qui permettrait au MDDEP de contrôler notamment la nature et la quantité des produits chimiques utilisés, ainsi que leur impact sur l’eau souterraine, ce qui, on le comprend, n’était pas forcément le cas jusqu’alors. Cela signifie-t-il que les travaux de complétion déjà entrepris et toujours en cours devront faire l’objet d’un CA ? La note d’instructions est muette à ce sujet. Rappelons que l’exercice d’une activité sans détenir le CA requis par l’article 22 constitue une infraction distincte pour chaque jour durant lequel elle se poursuit. L’exploitant pourrait ainsi théoriquement faire l’objet de poursuites pénales pour chaque jour pendant lequel l’activité perdure.

Autres autorisations D’autres autorisations sont cependant requises dès le stade exploratoire en raison des quantités d’eau utilisées ou traitées. Ainsi, l’installation d’une prise d’eau de surface est assujettie à l’autorisation du ministre en vertu de l’article 32 de la LQE, de même que, le cas échéant, l’installation d’un système de traitement des eaux usées. Si l’approvisionnement est réalisé à partir des eaux souterraines, une autorisation est également nécessaire en application du Règlement sur le captage des eaux souterraines. À ce titre, la Loi sur l’eau a introduit dans la LQE un tout nouveau régime pour les prélèvements d’eaux de surface et d’eaux souterraines (nouveaux articles 31.74 à 31.108), qui devrait se substituer au régime actuel dans un avenir proche. Le ministre devra alors exercer son pouvoir d’autorisation de manière à assurer la protection des ressources en eau, notamment en tenant compte du principe de précaution. En outre, toute décision devra viser à satisfaire en priorité les besoins de la population en matière de santé, de salubrité, de sécurité civile et d’alimentation en eau potable et devra viser à concilier les besoins des écosystèmes aquatiques et ceux de l’agriculture, de l’industrie, de la production d’énergie et des autres activités humaines.

Autres contrôles L’absence d’autorisation ou le non-respect des conditions qu’elle contient est une infraction pénale qui peut rendre passible son auteur d’une amende d’au plus 120 000 $. Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une telle infraction, un juge peut également ordonner, aux frais du contrevenant, que celui-ci prenne toutes les mesures nécessaires afin de remettre les choses dans l’état où elles étaient avant que la cause de l’infraction ne se produise. Par ailleurs, la Loi sur l’eau confie au procureur général le pouvoir d’intenter une action en réparation contre quiconque cause, par son fait, sa faute ou son acte illégal, des dommages aux ressources en eau, notamment une altération de leurs propriétés physiques, chimiques ou biologiques, de leur potentiel écologique ou de leur état quantitatif. Ainsi, même en présence d’une autorisation dûment délivrée et dans l’hypothèse du respect des conditions qu’elle contient, un tel recours pourrait être intenté contre l’auteur de ces dommages. Enfin, les personnes physiques et les municipalités disposent également d’un mécanisme de contrôle. En vertu de l’article 19.3 de la LQE, toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l’égard duquel une contravention à la LQE est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu peut demander au tribunal de délivrer une injonction pour stopper toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’exercice de son droit à la qualité de l’environnement, à sa protection ou à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent. Cette demande d’injonction peut également être faite par toute municipalité sur le territoire de laquelle se produit ou est sur le point de se produire une telle contravention. I 1. MDDEP, Les enjeux environnementaux de l’exploration et de l’exploitation gazières dans les Basses-Terres du Saint-Laurent, octobre 2010.

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G E STI O N H U M A I N E D E S R E S S O U R C E S

ÊTR E O U N E PAS ÊTR E TE C H N O ? TE LLE E ST LA Q U E STI O N !

Dominique Dodier directrice générale EnviroCompétence d o m i n i q u e . d o d i e r @ e n v i ro c o m p e t e n c e s . o rg

Internet, ordinateur, iPhone, BlackBerry, iPad (pour ne nommer que ceux-là) sont tous des outils qui devraient en principe faciliter notre vie et notre travail. Pourtant, en écoutant les gens autour de moi, je constate qu’ils ne savent plus où donner de la tête et qu’ils ont, dans les faits, de moins en moins de temps.

Une étude réalisée en France a permis de constater que les cadres des entreprises reçoivent en moyenne de 200 à 300 courriels par jour. Les nouvelles technologies sont certes des outils indispensables et facilitent grandement nos communications en temps réel. Or, la quantité d’information transmise est exponentielle. Comment être efficace avec autant de produits, de services qui nous dérangent tout le temps, à n’importe quel moment, jour et nuit, partout sur la planète ?

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Une étude réalisée en France a permis de constater que les cadres des entreprises reçoivent en moyenne de 200 à 300 courriels par jour. Comment être plus efficace si la quantité de courriels, d’appels téléphoniques et de textos augmente sans cesse ? Pour répondre à tous les messages, il faut avoir du temps et, surtout, bien le gérer. Il n’y a pas si longtemps, le seul moyen pour vous joindre était le téléphone ou le rendez-vous en personne. Maintenant, on peut vous joindre aussi au téléphone de votre bureau, sur votre cellulaire, par des applications Internet. Et, en plus, les gens s’attendent à ce que vous répondiez dans un laps de temps très court. La seule façon de s’en sortir gagnant est de fixer des règles et de communiquer celles-ci à vos employés, à vos contacts. Par exemple, vous décidez que deux fois par jour vous lisez vos courriels, que lors de réunions, tout comme le soir, vous fermez votre cellulaire. Avisez vos contacts et vos employés du temps dont vous disposez et demandez-leur d’indiquer si la réponse est urgente ou importante (ce qui est très différent). Une autre solution est d’utiliser à son plein potentiel les logiciels de courrier tels Outlook qui offrent une foule de fonctions de gestion : fixer des rappels, prioriser et catégoriser les courriels entrants, etc. Ces règles et ces moyens de gestion peuvent être suggérés à l’ensemble de vos employés, mais cette politique doit être consignée par écrit soit dans votre manuel des employés, soit dans vos politiques générales, soit dans vos processus.


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ÊTRE OU N E PAS ÊTRE TECH NO ? TE LLE EST LA QU ESTION !

Il faut aussi adopter un sens éthique par rapport au téléphone portable. Il convient de développer le réflexe de fermer son appareil, d’enregistrer un message qui stipule que vous ne pouvez répondre en ce moment, mais que vous rappellerez dès que vous serez disponible.

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le support de plaque de gel PRʼastis; le panier à regards PRʼobiorue; le système de brumisation pour conduites de ventilation.

En ce qui concerne vos employés, la gestion des appels sur leurs téléphones portables devrait être encadrée. Si vos employés ont des cellulaires qui sont la propriété du bureau, vous vous devez de les informer du contrat négocié avec le fournisseur de service, en plus de diffuser des règles claires quant à l’utilisation pour des fins personnelles, en cas d’abus, d’appel interurbain, etc. Dans le cas des cellulaires appartenant aux employés, des règles s’appliquent également, car on voit présentement que plusieurs de nos employés sont constamment dérangés pour des raisons personnelles. Même chose pour l’utilisation d’Internet; une politique écrite doit être conçue, qui décrit clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. D’ailleurs, plusieurs entreprises ont mis en place une politique dont tous les employés doivent prendre connaissance et signer. Pour ce qui est des sites visités par vos employés, un bon technicien peut vous aider à limiter ou à interdire l’accès à certains d’entre eux, mais encore une fois, il faut aviser vos employés de cette nouvelle directive. Selon une étude réalisée par la firme de sondage CROP en 2010 pour le compte de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), près de 10 % des travailleurs salariés du Québec seraient tentés de jouer en ligne au bureau. Selon l’Ordre, le manque d’encadrement technologique au bureau est un problème : « En plus de subir une perte de productivité, les employeurs feront face à de nouveaux problèmes de gestion. En 2010, une politique qui encadre l’utilisation d’Internet n’est plus une option dans nos entreprises. » Le CanadianInter@ctive Reid Report dévoilait en 2003 que le temps consacré à Internet au travail était passé de 8 heures à 15 heures par semaine depuis 2000. « Considérant que 38 % des Canadiens accèdaient à Internet au travail, que 88 % d’entre eux l’utilisaient à des fins personnelles et que 29 % de ces 15 heures étaient vouées à des activités privées, on peut affirmer que 1,6 milliard d’heures de travail par an ont été volées aux employeurs canadiensi. » Il est donc permis de croire que l’apparition des téléphones intelligents et l’augmentation en popularité des réseaux sociaux comme Facebook n’ont fait qu’accroître ces chiffres. Pas surprenant que le nombre de congédiement d’employés en raison de leur utilisation abusive d’Internet augmente.

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Bref, la technologie et les communications permettent de gagner en efficacité dans la mesure où des règles claires ont été définies et diffusées à l’ensemble des employés. Car partant du principe que l’on ne peut reprocher à ses employés leurs écarts s’ils n’ont pas d’abord été prévenus de la conduite à tenir, nous nous devons, comme gestionnaires, d’informer les gens avant de les sanctionner. Pour terminer, disons que toute chose est bonne si celle-ci ne verse pas dans l’excès; le téléphone cellulaire et Internet n’échappent pas à cette règle. I i. Florent Francoeur, « Détournement de temps », La Presse, 9 juin 2003.

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Le magazine de l’eau au Québec SOURCE VOL. 6 NO 3 HIVER 2011



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L’ARROSEUR

ARROSÉ ! Depuis des millénaires, les Thaïlandais soulignent le Songkran (du sanskrit sankranti, i.e. révolution, celle de la Terre autour du soleil). Fête préférée des Thaïlandais, elle correspond au Nouvel An thaïlandais et au début du nouveau cycle astrologique. La plupart des gens en profitent pour retourner dans leur famille afin de célébrer l’événement, se recueillir et… arroser tout ce qui bouge ! Ce qui n’était au départ qu’une cérémonie pleine de respect est devenue un défoulement collectif débridé et propre qui, paraît-il, fait fuir les mauvais esprits. Dans tout le pays, adultes et enfants se placent en embuscade, prêts à arroser les passants qui osent s’aventurer à découvert. Les festivités peuvent durer une semaine, voire deux semaines dans certaines provinces, après quoi les villes brillent comme un sou neuf ! Quelle sera la première ville québécoise à emboîter le pas et à créer le festival du fusil à eau ?

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Sources : Carnet du Siam, Clubic.com, et l’équipe de SOURCE.

SPLISH, SPLASH, prendre sa douche en chantant ! L’entreprise H2O Power, spécialisée dans les appareils écolos, a récemment mis en marché une radio spécialement destinée à être utilisée sous la douche. Le petit appareil n’est pas banal puisqu’il fonctionne uniquement grâce au débit de l’eau. La H2O Shower Powered Radio se branche entre le robinet et le tuyau du pommeau de douche, de sorte que la turbine intégrée à l’appareil bénéficie d’un flux permanent d’eau pendant que l’utilisateur prend sa douche. Résistante à l’eau, cette radio est annoncée comme étant compatible avec 99 % des modèles de douche du marché. Il n’aura jamais été aussi agréable de chanter sous la douche !

UN PEU D’HUMOUR… Tourné e provinciale de la poule!

DE L’UTILE À L’AGRÉABLE « Je dédie ce livre à mes petits-enfants. En commençant à l'écrire, j’ai pris conscience de la valeur symbolique que je pouvais lui donner : celle d’un testament spirituel. Que voudrais-je leur raconter sur ce grand Univers qu’ils continueront à habiter après moi ? J’ai alors songé à ces conversations avec l’une de mes petites-filles alors que nous observions, étendus sur des chaises longues, le ciel étoilé. Je me suis senti revivre ces soirées d'août avec mes enfants qui me bombardaient de questions pendant que nous attendions les étoiles filantes. » Telles sont les paroles d’Hubert Reeves à propos de son plus récent livre. Pourquoi ne pas vous le procurer pour en faire la lecture à vos enfants ou petitsenfants ? Parions que vous serez aussi intéressé qu’eux par ce que vous y découvrirez…



Déshydratation et séchage des boues Saint-Hyacinthe économise plus de 1 200 000 $ par année en séchant ses boues au biogaz ! Savez-vous qu’à peine 20 % des séchoirs à boues fonctionnent bien ? Évitez l’abrasion, la poussière, les risques d’incendie ou d’explosion. Et sauvegardez votre réputation… Le séchoir de boues municipales et industrielles Fenton Fe enton est le plus populaire en Amérique du u Nord Nord, car iil est le plus fiable L’ultime centrifuge pour la déshydratation des boues. L’ul Gat Gatineau : La plus grande usine à boues activées au Québec am améliore ses rendements ! Capture : 98,5 % Matières sèches : 29 % et plus Polymères : dosage réduit de 50 %

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