à la criée
ÉCRAN(S) expériences & situations
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collection
AVERTISSEMENT POUR MIEUX ASSURER VOTRE SÉCURITÉ, DES DISPOSITIONS ONT ÉTÉ PRISES ET DES CONTRÔLES SONT EFFECTUÉS.
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à la criée 14 rue guy-lelan, 44000 rezé a.la.criee@free.fr http://www.alacriee.org Écran(s), expériences et situations © à la criée - 44 les pieds dans le paf - les auteurs pour chacun de leurs textes nantes, octobre 2011 collection avertissement [...] des contrôles sont effectués isbn 978-2-919635-03-0 La Nuit de l’écriture a reçu le soutien de la Ville de Nantes et l’ensemble du projet éditorial celui de Jeunesse et Sports.
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ÉCRAN(S)
expériences & situations
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http://www.ecran-s.tumblr.com
avertissement de l’éditeur
Archip[ix]els de tous les pays, diversifiez-vous ! Écran(s), expériences et situations est un projet collectif multimédia. Autour de deux associations, à la criée et 44 Les pieds dans le PAF, un groupe de contributeurs aux origines diverses, s’est réuni, d’abord lors d’une Nuit de l’écriture, à Nantes, en octobre 2010, avec des invités « multi-supports » (pourrait-on dire) prestigieux ou discrets. Trace est donnée de cette expérience nocturne dans le présent livre, paru un an plus tard. Un livre sur les écrans qui s’est d’abord construit sur un spectacle vivant, une Nuit de l’écriture, un partage, une expérience commune. L’appel à textes a permis de faire émerger le contenu à lire ici, dans l’ordre ou le désordre. Pas d’exhaustivité, pas de ligne politique, mais un chapitrage d’expériences et de situations vécues très diverses — étude, témoignage, récit, essai, plaidoyer, décryptage, appel — proposées à de nouvelles expérimentations et inventions. Ce livre se veut boîte à outils, accessible à tou-te-s, en invitant au complément (d’autres lectures multimédia, notamment sur le web) et surtout au passage à l’acte du côté des écrans.
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C’est pourquoi nous suggérons ici une lecture collective dans un réseau, local ou non. Faire circuler plusieurs exemplaires du livre dans un réseau de personnes pour préparer « quelque chose quelque part » en rapport avec cette question des écrans. Pour notre part, le passage d’une semaine sans télé à une semaine écran(s), expériences et situations, incluant l’expérience du sevrage et de la production indépendante d’images nous paraît devoir être exploré collectivement. Nous vous y invitons et les contributeurs, présentés en fin d’ouvrage, accessibles directement ou via le blog attaché au livre, peuvent proposer une aide à un montage de projet. Mais d’autres inventions vous attendent, nous attendent. Nous n’en savons encore rien. Le chapitrage cartographique proposé par le collectif d’auteurs rend compte de la richesse de cette matière, de son difficile saisissement comme de son inépuisable source de découvertes et de créations. Bon passage à l’acte, bonne lecture.
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frédéric barbe À propos des écritures et du multimédia workshop
#1 dérouter agiter
transcription document INA 14 février 1974, Roc Tredudon, une heure dix, deux explosions boum david dufresne Prison Valley, World Press Photo 2011
p. 34
splash
catherine ouvrard Du 11 septembre au 11 novembre 2001 : petit discours de la cécité volontaire antidopage
p. 38
benjamin mauduit Les enfants du web natifs catherine lenoble Les mots bleus vintage p. 52
p. 56
p. 60
p. 68 p.20
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laurent neyssensas frédéric barbe Purikura Une semaine sans...
marc vayer Ce qu’il y avait avant
marie de quatrebarbes Ici le A
identité
old school
defrag
pas cap !
#2 produire sousveiller
p. 24
christian gautellier Et l’éducation aux médias ? tout tout de suite
p. 26 camPING n°1 Les doigts dans la boîte à outils p.10
?
p. 28
christophe-emmanuel del debbio Télé bien ordonnée… incarcération
p.12
barbara morovich La culture visuelle des jeunes dans un « quartier populaire » en force p.14 marc vayer Au cœur du processus d’industrialisation des jeux télévisés narcisse
p. 42 p.16
emmanuel lemoine Du contrôle médiatique en général... open data
p. 44 p.18 p. 70 p. 46
marité léachat La télé locale touche le fonds public
p. 72
pépètes julien paugam Dans une classe de CM1 pokémon contre-attaque
#3 sevrer rêver catherine lenoble o(e)uvroir
sylvain paley 4chan vs Tumblr, la guerre n’aura pas lieu (ben si, en fait :D )
clash
non-sens
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#1 dĂŠrouter agiter 8
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À propos des écritures et du multimédia Au sortir d’un workshop écriture, à une heure du matin, il reste quelques survivants. Un fragment d’espace et de temps a été colonisé, deux séries de propositions et passage à l’acte. Bilan Toute expérience est un laboratoire. Octobre. Nuit de l’écriture. À la criée, 44 Les pieds dans le PAF. Maison de quartier de l’île de Nantes. Nous avons invité du beau monde. C’est le lancement même de Écran(s), expériences et situations, le livre — avec le soutien de la Ville de Nantes. Acte de naissance. http://prisonvalley.arte.tv/blog/ le web-documentaire, retour sur une expérience interactive http://www.chloedelaume.net/ l’écriture expérimentale, confrontation avec l’acte de création http://ms-studio.net/ et http://www.petitbain.net/ l’intelligence collective et l’art numérique pour les nuls http://www.tvreze.fr/ et http://www.vlipp.fr/ télévision locale et télévision associative : existe-t-il une télé participative ? Il est une heure du matin, il reste quelques survivants. J’ai parcouru physiquement les quatre ateliers et j’ai collecté en fébrile agent archiviste mots et fragments à l’encre sur mon cahier. Les mots de David Dufresne, Chloé Delaume, Manuel Schmalstieg, Catherine Lenoble, Walter Bonomo et de tous les présents. Plus tard, je regarde à nouveau ces adresses de sites posées sur une feuille de papier. La littérature est-elle au moins aussi narcissique que les mondes des images ? La réponse est oui et, en même temps, ne veut rien dire. L’expérience, c’est d’être dans tous les espaces et d’en franchir les frontières, narguant visa et douane, se montrant et ne se montrant pas à la fois. TAZ pour Temporary Autonomous Zone disent les lettrés du web. Interstices, les autres. Nous sommes paranormaux et fatigués. Il est tard. Notre workshop écriture s’ébroue et s’approprie une maison de quartier. Je mets en discussion deux séries de propositions issues de mon collectage. Depuis ces deux collages, le passage à l’acte est immédiat. L’expérience bifurque, divague. Des textes sont produits, altérés, stockés, oubliés, détruits. Vie et mort d’une expérience. Série A / la règle du jeu 1. poser une règle du jeu. 2. sur un wiki, le procédé est simple : « ouvrir une page et écrire dedans ». 3. quelque chose comme « et pour vous, la peur, c’est quoi ? » 4. mais ça n’a pas marché, je n’ai pas été publié.
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autorisation d’émettre sur un canal unique intervenir dans les parenthèses normalement, vous avez tous un nom et un prénom là, vous êtes paranos on n’a pas de chiffres la bande passante ça coûte le développement flou prototypage textuel rapide
workshop Lorsqu’on finit de déchirer la couture, qu’on y passe le corps entier, que la grande pagaille s’est éloignée, un vent glacé passe. Par delà les allées désherbées du magasin se conjugent déformations et malformations. Les rouages ont claqué, la chair est concassée.
Série B / une alternative 1. il ne faut pas que l’on voie les coutures, il ne faut pas casser le charme d’une histoire, la narration. 2. ou alors utiliser dans wikipédia la catégorie des décès, un générateur de contenus basé sur votre comportement de navigation. 3. ou alors devenir l’auteur de la mécanique, l’auteur du virus, l’auteur du mode d’emploi, devenir son mode d’emploi, devenir la société de contribution ou son fantasme. 3. mais il y a des livres dans lesquels on ne peut pas rentrer, sauf à l’oral ou alors proclamer c’est de la chair, de la carcasse, c’est extrêmement violent, c’est dans la carcasse, c’est dans la matrice. À vous de voir. À l’enfilée, des V-Jays bruitent et projettent. Nous rangeons les ordinateurs, les chaises et la cuisine. Fin de nuit.
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14 février 1974 Roc Tredudon, une heure dix, deux explosions À 1 heure 10, deux explosions ; les 220 mètres de l’émetteur de télévision s’écrasent sur les bâtiments abritant les installations de l’ORTF et des PTT. L’attentat est signé FLB-ARB. Transcription Il a suffit de deux pains de plastic placés par des professionnels pour que plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs de l’Ouest soient complètement privés d’images et de sons. On peut considérer comme un véritable miracle que cet attentat n’ait pas fait de victimes à l’heure même où il s’est produit.
Monsieur Henri habite ici avec sa famille ; cela représente cinq personnes dont trois enfants et au centre PTT, il y avait également des techniciens qui assuraient la permanence et la surveillance des installations la nuit ; ils étaient cinq. Et pourtant l’attentat a fait une victime en la personne de notre camarade Pierre Perron l’adjoint du directeur du centre. Toute la matinée il avait participé aux opérations de nettoyage ; il devait décéder à la suite d’une crise cardiaque dans l’après-midi. Il a le matin même fait part à ses amis de ses sentiments, des sentiments qu’il avait ressentis à la nouvelle de l’attentat, sentiments partagés par ses collègues.
C’est un profond sentiment de tristesse. Cette station fonctionne pour la première chaîne depuis 1961, depuis 1966 pour la seconde chaîne. Elle était l’objet de tous nos soins, nous y étions très attachés comme tous les gens qui exploitent du matériel. Il y a, il faut bien le dire un lien sentimental avec son outil de travail. C’est une profonde désolation, tant pour tout le personnel de l’ORTF que de tout le personnel de Roc Tredudon en particulier. Cette désolation, évidemment est le fait de priver aussi les téléspectateurs de leurs programmes et ils peuvent être assurés que tout sera mis en œuvre au maximum pour assurer la reprise des émissions le plus rapidement possible. Dès lors, les équipes de techniciens de l’ORTF, les équipes du secteur privé vont travailler d’arrache-pied pour rétablir dans les meilleurs délais le fonctionnement des émetteurs car la population du Finistère, d’une partie des Côtes du Nord et du Morbihan est quelque peu décontenancée par les conséquences de l’attentat. Un client d’un bar :
— Ça faisait partie des meubles, quoi, à la maison quoi, la télé le midi, la télé le soir, dès qu’il y avait une émission ouvert, chacun regardait quoi, hein ! Le cafetier :
— Surtout le soir quoi, après la journée, c’était une distraction. Un monsieur au chapeau mou dans la rue :
— Les gens sont complètement décontenancés. Une dame dans sa cuisine :
— Ça nous manque beaucoup. Deux garçons dans un parc :
— Ça distrait ici, en faisant du vélo ou bien au cinéma ou à la piscine. Une vieille dame dans une maison de retraite :
— On lit, celles qui peuvent lire, on écrit, on fait du tricot, hier on a joué aux petits chevaux, mais enfin, ça ne remplace pas la télévision. 12
BOU
Institut National de l’Audiovisuel Bretagne actualités - 14/02/1974 - 04 mn 49 s INA.fr
Le quinze mars, un mois après l’attentat, monsieur Marcellon, Président directeur général de l’Office, accompagné de monsieur Claude Mercier, Directeur adjoint, se rendent sur les lieux. Déjà, la seconde chaîne a été rétablie sur le moignon du pylône et dessert les principales villes.
Je puis assurer que quatre-vingts pour cent des téléspectateurs bretons recevront la télévision dans la deuxième quinzaine de mai, puisque le calendrier des travaux que nous avions mis au point dans les quelques jours qui ont suivi l’attentat de Roc Tredudon a été jusqu’ici respecté à la lettre et parfois même avec quelques jours d’avance sur certaines de ses étapes, nous avons comme vous le savez dans une première phase installé et réorienté quelques ré-émetteurs qui nous ont permis de desservir un certain nombre de localités puis dans une seconde phase ajouté une antenne au moignon qui reste de Roc Tredudon ce qui nous permet à l’heure actuelle de desservir je crois cinquante à soixante pour cent de la population et puis enfin, dans la deuxième quinzaine de mai, grâce à l’antenne provisoire qui est en train de se dresser et qui atteindra cent soixante deux mètres nous desservirons je crois quatre-vingts pour cent de la population. Tandis que les travaux se poursuivent avec la construction d’une antenne provisoire de 160 mètres destinée à recueillir toutes les installations nécessaires à la transmission des images et du son, une partie des téléspectateurs du Finistère capte à nouveau les émissions de la deuxième chaîne. Un paysan ou ouvrier :
— On commençait à s’ennuyer, même, il était temps qu’elle revienne, hein. Surtout quand y a pas les deux chaînes, on est embêté, parce que on peut pas avoir ce qu’on veut. Désormais, les téléspectateurs desservis par Roc Tredudon auront le choix. Dès demain soir ils pourront recevoir les programmes de la troisième chaîne sur le canal 24 et ceci grâce à la conscience professionnelle de nos amis techniciens qui ont souvent travaillé dans des conditions matérielles et météorologiques défavorables mais qui ont démontré de façon éclatante que quelle que soit la société qui les emploie, ils entendent avant tout rester au service du public.
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Prison Valley, World Press Photo 2011 david Dufresne, journaliste, raconte ici la genèse et l’élaboration du web-documentaire Prison Valley. Un an et quelques jours après sa mise en ligne, Prison Valley vient de remporter le premier prix Interactif du fameux World Press Photo. L’occasion de partager quelques souvenirs sur cette folle aventure qui s’achève. Prison Valley devait être en ligne depuis trois semaines. Son succès d’audience, d’estime et bientôt en festivals, dépassait toutes nos attentes. Nous étions très très loin de nous imaginer lauréat du World Press Photo 2011 (catégorie multimédia non linéaire). Avec Philippe Brault, mon complice à la caméra, nous voulions simplement chercher, explorer, nous tromper, creuser de nouvelles formes narratives, nous égarer, participer à une écriture en mouvement, en un mot : tenter. Tenter de raconter une histoire qui commencerait par un film, par un il-était-une-fois, pour être mieux déconstruite quelques minutes plus tard avec les armes d’aujourd’hui, les armes du Web, de l’hyper-vidéo comme on dit hyper-texte. De lointains cousins nous guidaient : les bonimenteurs au temps du cinéma muet, chargés dans la salle de lire les inter-titres à tous ceux qui ne savaient pas lire. Bonimenteurs qui, à force, se mirent à interpréter les films au point d’en transformer la trame. Quelques mois auparavant, Alexandre Brachet, notre producteur (Upian) nous avait tendu une carte bleue. On se connaissait à peine. Alexandre avait dit « faites gaffe, c’est la carte de la boîte. » L’aventure Prison Valley démarrait ainsi : par une confiance folle, entre des futurs frères d’armes, des corps de métiers différents, qui allaient fusionner ; entre des développeurs web et des auteurs, des designers et un monteur, des gens venus du journalisme, du cinéma, d’autres de l’internet. Et nous voilà partis au fin fond du Colorado, à Cañon City, une villeprison, où même ceux qui vivent dehors vivent dedans. 36 000 âmes, 13 taules. Trois semaines, donc, étaient passées depuis la mise en ligne de Prison Valley par Arte. Dans notre dispositif, nous proposions aux internautes de discuter directement, par forum interposé, avec les personnages de notre film. Une idée venue lors d’une projection presse de mon film précédent quand journalistes et «personnages» présents dans la salle avaient entamé un débat. À Cañon City, certains habitants contestaient notre Prison Valley ou plus exactement notre vision de leur ville. Ils pouvaient l’exprimer publiquement, dans notre film, cela faisait partie de notre pari fou — donner les outils du débat au cœur même du programme. Une discussion sans frontières avait alors jailli. Elle faisait rage. Certaines de leurs réactions étaient rudes, comme peuvent l’être celles de ceux à qui on emprunte la vie pour en tirer un film. Soudain, l’un de nos témoins à l’écran, gardien de prison à Supermax, l’Alcatraz des Rocheuses, intervint sur le forum. Point par point, l’homme défendit le film. Nous en avions les larmes aux yeux. C’était donc possible : marier le regard d’auteur et l’incroyable force du web ; le cinéma et la discussion. Au fil des mois de son élaboration, Prison Valley s’était construit naturellement comme un objet hybride, ouvert, à la croisée de trois chemins, le photojournalisme (Philippe Brault), le développement Web (Upian) et le documentaire (moi-même). Sébastien Brothier, concepteur chez Upian, nous incitait à aller aussi loin que possible. Au jeu vidéo, nous allions emprunter certains des codes naratifs — il faudrait être aveugle pour ne pas saisir qu’en termes de trouvailles
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scénaristiques, le jeu vidéo est champion toutes catégories depuis quinze ans au moins. Avec les réseaux Facebook et autres Twitter, nous allions jouer aux apprentis sociaux, cherchant à les détourner pour en faire des passeurs d’histoires. C’était simple : dans le sillage d’autres webdocumentaristes qui nous avaient précédés, nous comprenions que la notion même d’auteur était en train de changer. Désormais, il nous fallait aller chercher de nouveaux outils de travail, quitte à les créer nous-mêmes — et quoi de plus beau pour un artisan ? Toute cette liberté soudaine — temps et espaces devenaient infinis ; au diable les formats — était vertigineuse. De nouvelles contraintes pointaient : comment rester juste, comment ne pas sombrer dans la confusion et l’auto-zapping, comment garder le souci de la narration ? Un an plus tard, 20% des spectateurs qui se sont «loggés» dans Prison Valley sont allés au bout de notre récit-épine dorsale. Soit 59 minutes, au moins. De quoi tordre le cou aux experts qui nous assuraient que le web, c’était juste bon pour les vidéos de chats-en-skateboard ou de bébés-qui-rient, en deux minutes, pixels compris. Ces 20%, ce n’est pas rien. C’est signe que le documentaire sur le web peut s’inscrire dans la longueur, et la profondeur. Le mois précédant la sortie de Prison Valley, la lettre de la Scam avait publié une tribune à propos des webdocumentaires, intitulée « Écrans de fumée ». L’auteur y dézinguait le genre — sans avoir vu d’œuvres, juste des bribes, il le reconnaissait — sur le mode plus royaliste que le roi, encore un effort camarades, pas assez révolutionnaire tout ça. La cécité du tribun aurait pu prêter à sourire, tant elle était revendiquée, s’il ne s’était agi de celle de quelqu’un qu’on respecte, et surtout membre de la commission audiovisuelle de la Société civile des auteurs multimédias. Son jugement était en fait un avertissement. Un an durant, de festival en festival, nous allions parfois faire face au même discours. Le webdoc n’est pas du doc. Étrange sensation de voir un monde, celui du documentaire, censé comprendre le monde et en pointer les conservatismes, s’enfermer à son tour dans la frilosité. En embuscade, Joël Ronez, du pôle Web d’Arte, riait. Et puis, à Lussas, deux jours d’atelier sur le webdoc en général et Prison Valley en particulier. Des interrogations, des doutes et, au fil des heures, des envies, des suggestions, des propositions qui venaient de la salle. Et puis, mois après mois, délice de voir Prison Valley nous échapper, vivre sa propre vie, ici ou là, sur les forums et sur les blogs — l’effet longue traîne chère à l’Internet. Joie encore de voir des gens qui ne se parlent jamais se rencontrer via le web autour de la question de l’incarcération de masse : militants, visiteurs de prison, syndicalistes, etc. Bonheur, enfin, de voir un secrétaire d’État à la Justice préposé aux prisons, alors Jean-Marie Bockel, répondre lui-même à des centaines de personnes venues tchater avec lui dans notre vallée de la prison et parmi ces inconnus, des épouses de détenus lui réclamant des comptes : pourquoi ne pouvaient-elles pas apporter livres ou linge propre à leur mari ? Toutes ces femmes, identiques à Brenda la magnifique, épouse d’un prisonnier du Colorado, qui avait bouleversé notre voyage et nous avait donné le titre de notre documentaire. Et puis, en guise d’épilogue, cette rencontre à Montréal avec Peter Wintonick, réalisateur de « Manufacturing Consent : Noam Chomsky and the media », qui nous annonce : « Quel que soit le futur des webdocs, deux certitudes : ce qui a
toujours été déterminant pour le documentaire le restera. Et nous continuerons à regarder les médias du réel comme un montage des passions et des philosophies. Comme une façon de comprendre la réalité de notre monde. » 15
Du 11 septembre au 11 novembre 2001 : petit discours de la cécité volontaire Une télespectatrice abstinante est confrontée à l’invisibilité des images de l’attentat du 11 septembre 2001 à New York. Récit Dans les embouteillages, les infos de 18 h s’excitent sur un évènement exceptionnel dont rien n’est encore parvenu à ceux qui viennent de quitter leur travail. Les commentaires hystériques s’appuient sur des images retransmises par toutes les chaînes de la planète et, de cet écho, on ne discerne que le drame en direct, la mort instantanée, exposée au monde. À peine franchi le seuil de la maison, ma fille de 14 ans m’arrache l’autorisation d’aller voir « ça » chez une copine. Depuis quatre ans en effet nous ne regardons plus la télévision car tout simplement il n’y a pas d’antenne là où nous nous sommes installés. Juste un hasard dont nous avons saisi l’opportunité pour tenter l’expérience d’une vie sans télé. Mais le soir du 11 septembre 2001 pas question pour elle d’être la seule à ne pas mater les avions percutant les Twin Towers. Je comprends bien ce qui se joue pour elle : être présente immédiatement là où ça se passe, devant l’écran planète, le panoramique cathodique. Je comprends. J’ai été moi-même fascinée en novembre 89 par les images du mur de Berlin déconstruit pierre après pierre et comme elle j’ai appelé mes amis à se réunir devant la télévision pour partager le moment historique autant que pour la fusion émotionnelle. On se disait alors que le monde entier visionnait les mêmes images et l’on se demandait ce qu’elles signifiaient à l’Est, à l’Ouest, ailleurs, tandis que tout questionnement ou réflexion critique étaient bannis des commentaires. Le 11 septembre 2001, les yeux braqués sur la même image en boucle, les plus jeunes se laissent convaincre que l’horreur n’a nul besoin de mise en scène, comme si ces faits inédits reléguaient les films catastrophes dans le monde d’avant, aussitôt ringardisé. Une génération qui se pensait impuissante décrochent la timbale, un événement comparable à aucun autre dans l’histoire. Elle part en courant, je me sens exclue de l’ère nouvelle. C’est peut-être ce sentiment ambivalent qui me conduit à éviter à tout prix les premières images du 11 septembre. Comme un refus de céder à la panique, une manière de m’opposer à la déclaration de guerre que l’on sent poindre et qui se nommera « l’après 11 septembre », une désertion qui vaut mutinerie compte tenu des injonctions à penser le monde en termes de Bien ou de Mal. Tout en supposant la difficulté de l’entreprise, je décide de me détourner radicalement des écrans afin de ne pas regarder les multiples petits films qui tous racontent la puissance des médias à (re)produire la terreur, autant que l’impuissance du politique à l’éradiquer. Je sais déjà que pendant des années, d’autres images inédites mais pourtant toutes semblables viendront sans cesse rappeler la prédominance du sensationnel sur l’analyse de l’échec des sociétés de contrôle. Si je résiste à la curiosité du voyeur, j’écoute en silence les descriptions toutes identiques que chacun rapporte et je n’échappe pas aux commentaires, ni aux
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commentaires des commentaires. Mais les innombrables tentatives d’analyses capitulent face au choc des images qui impose à chacun de réduire son vocabulaire aux quelques mots de l’impensable et de conclure au « choc des civilisations ». Affaire rondement menée. Pendant plusieurs semaines, cette cécité volontaire contribue à me protéger de l’impact des écrans, à fissurer leur évidente puissance à maintenir le niveau zéro de la communication. Je suis déterminée à annuler, ou du moins à atténuer l’effet de sidération produit par les images des avions percutant éternellement les deux tours, sachant qu’il se joue de la conscience (que je pense avoir) d’être manipulée. Peut-être pour combler le manque d’images, je lis des dizaines d’articles et j’affiche sur mon lieu de travail un dessin de Cabu qui résume comiquement mon point de vue : « Al Qaïda l’a rêvé, Sony l’a fait. » Il expose en un dessin et quelques mots d’une publicité détournée comment le retentissement de l’acte de terreur, son onde de choc savamment calculée, sont relayés par une technologie « au service de la démocratie », méthode définitive et bien plus efficace que n’importe quel outil de propagande. Quand je finis par céder, plusieurs semaines se sont écoulées, on est en novembre. Je suis familiarisée avec le discours sur ces images et lorsque je les vois enfin, la distance qui s’est installée entre elles et moi me les rend platement réalistes et l’absence d’émotion partagée me les fait accueillir froidement. C’est un fait brut dont j’ai déjà connaissance, un fait de terrorisme sensationnel, mis en images banalement, diffusé spectaculairement. À la violence des évènements succèdent alors les images de leur revendication par un petit homme parlant très doucement, installé avec d’autres barbus sur d’épais coussins ou récitant des sourates au seuil d’une grotte. Je suis frappée par ces images un peu floues, tellement lointaines, par ces lieux étranges où n’apparaît aucun indice d’une modernité dont nul pourtant n’ignore plus l’existence dans l’univers matériel de ces hommes. Comme s’il fallait voir derrière l’écran de fumée une empreinte du temps où la télévision n’existait pas, comme pour mieux brouiller les pistes.
antidopage
« Le caractère fondamentalement tautologique du spectacle découle du simple fait que ses moyens sont en même temps son but. Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l’empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire. » Guy DEBORD, La société du spectacle, chap. 13, 1967
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Les enfants du Web Entre les enfants vieillissants de la télévision et les natifs digitaux, les nouvelles pratiques numériques s’inventent. Plaidoyer Non la génération des natifs digitaux ne regorge pas uniquement de singes savants et de cyber-dépendants irresponsables ou primo-délinquants, ils participent également par leurs pratiques numériques innovantes à la reconfiguration de notre rapport à la culture et de la culture elle-même. Au fil des reportages, interventions d’experts en tous genres et spots préventifs, la télévision a développé — en parallèle avec le discours idéologique émanant du pouvoir politique dominant — une vision familiariste, répressive voire sanitaire des pratiques numériques des jeunes. Un point de vue qui s’attache principalement — en ne s’intéressant qu’aux dérives marginales de la jeunesse : cyber-dépendance, comportements addictifs, exhibition de soi, les prédateurs sexuels à l’affût et autres sujets audimétriques en tous genres — à noircir l’ensemble du tableau. Addictologues, policiers experts en cyber-criminalité, philosophes télégéniques et réactionnaires (sans oublier la doxa journalistique, les représentants médiatiques de l’éducation normative, etc.) sont devenus les nouveaux dénonciateurs et interprètes du « malaise profond » qui ronge la génération des enfants du numérique : internet. Les susmentionnés experts nous dressent le portrait effrayant d’une jeunesse égarée dans cet « asile » incontrôlable qu’est devenue la toile internet. Une génération virtuelle, et donc inconsciente et irresponsable. Et même si les études les plus exigeantes sur le sujet tendent à temporiser le propos, voire à démontrer le contraire, la régulation régalienne en place via la création des lois Hadopi ou Loppsi a décidé de réprimer fort. Plutôt que d’aller à l’écoute de ces jeunes internautes et de les associer au débat, le pouvoir a choisi la menace préventive univoque, au risque de déconnecter définitivement avec les jeunes incriminés. À y regarder de plus près, on s’apercevra que la réalité des pratiques des jeunes sur l’internet est plus complexe qu’il y paraît : il y a bien une pluralité des pratiques comme il existe une pluralité des jeunesses : les uns squattent le mur de leur page Facebook comme on tient le mur de son immeuble ; beaucoup écrivent, postent, bloguent, remixent et commentent, agrègent des contenus d’actualités, rejoignent des communautés virtuelles autour de la musique, des jeux vidéo, etc. ; des réseaux de militants y renouvellent leurs modes de contestation ; enfin, plus en marge, d’autres numérisent et traduisent pour le plus grand nombre des mangas ou des sous titres de séries tv importées du monde entier (du fansubbing à la scanslation !) ; sans oublier ceux qui s’adonnent à créer et recréer des memes (cadavres exquis autour de phénomènes internet dignes des surréalistes). Si internet n’est ni le symptôme généralisé ni la solution aux maux qu’on veut bien attribuer à la jeunesse, le réseau représente aujourd’hui une extension de la vie réelle
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et sociale des jeunes, il participe à leur épanouissement, à la construction de leur identité. Au fil des enquêtes sur les pratiques numériques des natifs digitaux, il transparaît surtout de la part des jeunes un besoin de formation aux outils numériques, pour apprendre à la fois à décrypter le flux d’informations dans lequel ils baignent tous les jours et duquel ils ont souvent difficulté à émerger mais aussi à produire des contenus et ainsi pouvoir s’exprimer pleinement. Les outils technologiques n’ont jamais été aussi abordables, il n’a jamais été aussi aisé techniquement et économiquement de créer ! Pour une société de l’information plus juste et solidaire, à l’heure du règne et de la connivence entre les pouvoirs publics et les médias privés, il serait temps de réfléchir à une éducation aux médias moins élitiste et plus participative. Au sein d’une politique jeunesse globale où transparaîtrait ces thématiques en transversale. Avec une implication réelle des jeunes comme éclaireurs et producteurs critiques de ces nouvelles pratiques qu’ont tellement de mal encore à décrypter les enfants vieillissants de la télévision.
na tifs 19
Les mots bleus « Rejoignez-nous, soyez branchés. » Huit séniors intrépides poussent la porte d’un atelier web. Expérimentation Ils l’avaient lu dans la presse ou sur une carte postale glissée à la hussarde dans leur boîte aux lettres. Il et elles nous rejoignent donc. Dans la salle, un vidéoprojecteur, quatre ordinateurs, deux clés 3G, un hub, des câbles mais aussi du thé et de délicieuses madeleines. À nous tous réunis on a au moins 600 ans, génial, cela en fait des histoires à se raconter. Quelques mois auparavant j’ai l’occasion d’enseigner « l’histoire de la création numérique » auprès d’étudiants en design. Pas historienne de l’art, plutôt du terrain, je tente néanmoins. L’expérience me fait avancer sans pour autant me stimuler au point de renouveler avec ce public (conquis d’avance, certains fascinés, d’autres blasés). Pas à ma place non plus. Définitivement, la mise en situation n’était pas la bonne. Je cherche alors à partager ces connaissances dans un autre environnement, déplacer l’histoire, mes histoires, dans un autre contexte. Et c’est en quelque sorte l’histoire non officielle de la genèse de ce projet d’ateliers « découverte et création » autour de l’art et de la culture numérique pour les plus de 65 ans. Bien sûr, dès le premier atelier, je les embarque sur mon radeau. Attention aujourd’hui on va naviguer, de liens en liens, et se raconter, tracer des parcourshypertexte. « Hyper-quoi ? » demande Marcelle. Alors je leur parle de Theodor Nelson — papa de l’hypertexte — qui en 1961 reprend le concept du Memex (memory extended) exposé en 45 par Vannevar Bush — papa de la bombe A — dans l’article fondateur Tel que nous pourrions penser. Ted Nelson pose là les bases d’un espace d’écriture et de lecture où textes, images et sons sont reliés électroniquement. Un docuvers (univers de documents) qui n’a plus rien de linéaire, autrement dit, un système d’informations ramifié qui préfigure l’idée du web. Alors, alors, j’en viens aux hyperliens, aux liens hypertextes, que je finis par nommer « mots bleus ». Ces fameux mots bleus qui nous permettent de passer d’une page consultée à une autre en un clic... Le fin mot de l’histoire ? Il et elles « bloggueront » pour la première fois ce jour-là. Bl(e)uffant. Marcelle : Née sur les bords de la Seine, me voici sur les bords de la Loire depuis bien des décennies mais je peux encore lire Tintin de 7 à 77 ans. J’aime correspondre par mail avec mes enfants de Calgary au Canada. Monique : Je m’appelle Monique, j’adore le lyrique. Joëlle : J’aime la randonnée et fais partie d’un club qui s’appelle AND. Alain : Je suis né en 1940. Hier j’ai acheté L’Express il y avait un dossier sur l’histoire de Nantes pendant la guerre. Christiane : Je suis venue pour pouvoir aller sur les sites internet de mes enfants. Mélanie : Je suis née à Orvault en 1920. J’aime aller voir des spectacles à la Cité des Congrès, à Bonne Garde. J’ai fait partie de la Compagnie de théâtre « Les Baladins ». Madeleine : Je suis née dans la farine près du Moulin de Saint-Savin. Je suis religieuse de Grillaud. Je me suis occupée principalement d’accompagner des malades et des enfants en difficulté. Éliane : Nantaise d’origine mais cordemaisienne de cœur, j’aime la lecture, le cinéma et… internet.
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Et l’éducation aux médias ? L’éducation aux médias est un enjeu planétaire dans un contexte consumériste sans limites... Vademecum Le contexte sociétal, si l’on regarde les objets médiatiques ou numériques, est celui d’une société où les enfants et les jeunes sont assaillis en permanence par toutes sortes de données, d’informations dont ils n’ont pas la maîtrise. L’environnement médiatique est fortement marqué par des logiques marchandes, où les liens entre marketing et production des programmes sont de plus en plus étroits, où l’on cherche à « capter du temps de cerveau disponible ». Le marché formé par les enfants et les jeunes entre non seulement dans une logique de type marketing produits mais apparaît surtout comme un positionnement stratégique pour certaines entreprises médiatiques au regard des retombées d’audience globale et de son poids dans les calculs des ressources publicitaires. La « logique de caprice », comme dit Philippe Meirieu, est devenue le moteur de l’organisation économique de nos sociétés, sous le nom de pulsion d’achats. Le désir est transformé en pulsion synonyme d’énergie égoïste répétée à l’infini par les médias et repris par la publicité. La finalité de l’éducation et celle de la sphère médiatique développent ainsi des projets opposés, voire antagonistes. À l’inverse des médias, l’éducation a pour projet de sortir l’enfant de cet état infantile de dépendance voire de soumission à la consommation[1]. Les médias mettent en scène la négation de l’altérité, alors qu’éduquer, c’est accompagner l’enfant pour entrer en dialogue avec cette altérité (l’autre, le monde). L’éducation, c’est le faire passer d’une posture « d’enfant roi » à celle « d’enfant citoyen », c’est la construction du collectif, de la distinction entre savoir et croyance, c’est la mise à distance, alors que les médias accélèrent tout, dans un flux qui submerge la pensée. Cette omniprésence des écrans pose la question de leur influence. Cette tension entre éducation et consumérisme à laquelle elle conduit interroge la construction identitaire des enfants. Certes la télévision et les médias numériques peuvent correspondre à des consommations « passion », choisies, mais beaucoup de médias sont utilisés comme « bouche-trou » ou dans une fonction « tapisserie ». C’est ainsi dans un cadre large, prenant en compte ce contexte fortement consumériste, que l’éducation aux médias doit réaffirmer son projet. L’éducation à la consommation… médiatique doit trouver sa réponse dans une éducation aux médias mettant en avant émancipation, mise à distance et posture critique. Les réponses qu’une éducation aux médias est susceptible d’apporter s’inscrivent dans trois objectifs essentiels : Politique. Meilleure activation de la diversité culturelle et promotion des « 3C » que sont la Critique, la Culture et la Créativité, permettant aux jeunes de choisir entre plusieurs offres de contenus, d’apprécier leur propre culture tout en la comparant à d’autres et de se préparer à être des créateurs de contenus culturels. Démocratique. Soutien aux droits de l’enfant avec les « 3P » (Participation des jeunes, Proposition de contenus à leur destination, Protection de l’enfance) et développent ainsi la prise d’autonomie et de responsabilité des jeunes, pour une prise de conscience citoyenne.
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tout tout de suite
Économique. Préparation des jeunes à occuper les bassins d’emplois de demain, à se familiariser avec les technologies et permettent l’émergence de sociétés de services liées aux loisirs et au divertissement. L’éducation aux médias est encore trop peu présente dans les politiques éducatives. Pourtant, l’évolution et le renforcement de l’environnement médiatique la rendent aujourd’hui encore plus indispensable. Elle doit être présente aussi bien à l’école, de manière transversale et spécifique, que dans les espaces d’éducation non formelle que sont les différents temps de loisirs collectifs.
Il est donc essentiel d’en réaffirmer les principes généraux et les objectifs. • Les médias ne reflètent pas la réalité, ils la représentent. Il faut donc travailler sur ces représentations du réel pour que les enfants accèdent à une meilleure compréhension du monde dans lequel ils vivent et agissent. • Les images médiatiques ne sont pas naturelles. Il faut les déconstruire et pour cela traiter les questions de production et examiner toutes les techniques qui créent l’effet de réel, pour aller au-delà des premières représentations construites par les médias chez les enfants. • Les médias jouent un rôle culturel et idéologique non négligeable. Il faut développer le sens critique, les attitudes de mise à distance des jeunes sur leurs propres utilisations des médias et des écrans. L’objectif est de se construire une autonomie critique citoyenne. • Les médias agissent sur la construction de l’opinion publique. L’éducation aux médias contribue au développement d’une expression réelle de l’intérêt public. Elle participe d’une éducation à la démocratie. • La posture de réception pose la question de la lecture des médias. Cette étude textuelle pluri-médias doit être systématique dans la formation de tous les jeunes. • Les médias sont un système économique. L’avènement de la société de l’information est le fruit d’une organisation économique libérale. L’éducation aux médias doit intégrer un regard critique sur cette dimension économique et son développement planétaire. • Les médias sont au cœur de la diversité culturelle à travers leurs contenus, ils doivent être un espace d’expression démocratique et de respect des droits de l’homme. L’éducation aux médias doit engager un travail sur les contenus et sur l’ensemble de l’offre. En référence aux valeurs de l’éducation populaire et de son projet d’émancipation, les actions mises en œuvre pour cette éducation aux médias sont caractérisées par une approche globale et diversifiée. On y retrouve de manière transversale les six compétences aujourd’hui stabilisées au niveau européen : Compréhension, Critique, Créativité, Consommation, Citoyenneté et Communication interculturelle[2]. [1] Voir les ouvrages de Philippe Meirieu : Pédagogie : le devoir de résister, Paris, ESF éditeur, 2007 ; Une autre télévision est possible, Lyon, Chronique sociale, 2007 ; L’enfant, l’éducateur et la télécommande, entretiens avec Jacques Liesenborghs, Bruxelles, Labor, 2005.
[2] Voir Divina Frau Meigs : « La société civile au Sommet mondial de l’information : vers une militance de catalyse ? », M. Mathien (dir.), Le Sommet mondial sur la société de l’information, et après ? , Strasbourg, Presse de l’Université de Strasbourg, 2007 ; Éducation aux médias : manuel à l’attention des enseignants, des étudiants, des parents et des professionnels, Paris, Unesco, 2007.
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Les doigts dans la boîte à outils En 2010/2011, à Nantes, l’association PiNG met en place un espace de réflexion collective autour de problématiques liées à la culture multimédia, sous la forme d’un rendez-vous trimestriel : les campPiNG. Compte-rendu 1/2 journée par trimestre, des professionnels, bénévoles, curieux, sont invités à participer à un temps de travail et d’échange autour d’une thématique proposée par PiNG. Ces campPiNG constituent ainsi des temps de veille, d’analyse, et de croisement sur des pratiques et usages à l’œuvre dans le champ du multimédia. camPING#1 : MEDIA JE : mercredi 1er décembre 2010 @ 38 Breil, PiNG, Nantes Les progrès des outils de publication web et le développement de réseaux sociaux ont permis au grand public d’apparaitre sur la toile. Participer à des réseaux sociaux, des réseaux d’emploi, publier son blog, collaborer à un site communautaire..., les formes de participation sont nombreuses et nous sommes fortement incités à les mettre en œuvre dans notre vie professionnelle et personnelle. Quelles sont les différentes formes de contribution ? L’auto-médiation n’est-elle pas un leurre ? Comment retrouver des formes de participation collaborative dans une société qui nous pousse à toujours plus d’individualisme dans notre projection personnelle ? Premier camPiNG, premiers chantiers. intro
• premier camping : http://www.marsmultimedia.info/?page_id=1311 • blog JL Raymond : http://jeanlucraymond.posterous.com/le-4e-age-informatiquela-mediatisation-de-ch facebook, canal de diffusion en complément d’un blog • facebook asso startair Montoir : http://www.facebook.com/pages/AssociationStartAir-Jeunes • blog asso Startair : http://www.startair.fr/ • TV Rezé, web TV citoyenne et participative : http://www.tvreze.fr/ emploi, valorisation, auto-promotion, personal branding • linkedin : http://www.linkedin.com/ • do you buzz : http://www.doyoubuzz.com/fr/ usages de la messagerie : msn vs courriel, liste de diffusion, etc. • retour à la netiquette : http://www.sri.ucl.ac.be/SRI/rfc1855.fr.html • recherche documentaire et cultures du numérique (programme EdNA) : htp://www. lecolededesign.com/ vie privée/vie pro - blog d’entreprise ? blog de compétences ? les professionnels qui font du live tweet , etc. • presse citron : http://www.presse-citron.net/ • live tweet de maître eolas : http://twitter.com/maitre_eolas
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? • live tweet et hash-tag devant la télé : http://devantlatele.com/
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média futur ?
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Télé bien ordonnée… Quand on évoque une télévision aux ordres, on pense à la mainmise du pouvoir sur ce média, qu’il s’agisse du processus de nomination du président de France Télévisions, du choix des programmes, en passant par l’éviction ou la promotion de certains journalistes. Et on trouve facilement des exemples antérieurs à la présidence de Nicolas Sarkozy.[1] Or, chaque jour, plus subtilement, la télévision nous donne des ordres. Exposé En premier lieu, la publicité est la plus grande pourvoyeuse d’invitations, de suggestions, d’injonctions à consommer. En 2003, à la fin d’une publicité, on pouvait entendre la voix d’un enfant qui disait : Et dépêche-toi de collectionner tes codes sur tes Danette ! Il y a plein de consoles et des jeux vidéos à gagner. En éducation à l’image, lorsque je demande aux enfants s’ils aiment recevoir des ordres, ils me répondent en chœur par la négative, mais ne voient pas où est le problème si c’est la publicité qui leur en donne, en les tutoyant. Ainsi, au bas des publicités pour l’alimentation figure désormais un bandeau indiquant par exemple : Mange au moins 5 fruits et légumes par jour, Évite de grignoter dans la journée ou bien Pour ta santé, pratique une activité physique régulière.[2] Ce slogan encadre même les pages de publicités de programmes pour enfants sur TF1[3], tout comme l’injonction Bouge pas ! , qui n’est pas sans rappeler le fameux Ne zappez pas ! de Jean-Marc Morandini, à l’époque de l’émission Tout est possible.[4] Inciter les enfants à avoir une activité physique tout en leur intimant l’ordre de ne pas bouger, c’est-à-dire de ne pas zapper, démontre s’il en était besoin que la télévision n’en est pas à une contradiction près.
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On retrouve ces mises en garde concernant l’activité physique et l’alimentation dans les spots publicitaires pour adultes, le tutoiement en moins. Par exemple, lors de la diffusion de Koh-Lanta sur TF1, le soir du 30 avril 2010, pas moins de huit verbes à l’impératif étaient utilisés dans une coupure publicitaire. [5] Dans Secret Story, l’émission de TF1 qui en est à sa quatrième saison en cette année 2010, on nous demande de voter pour sauver un candidat. Il ne faut pas oublier la polémique née lors de la première diffusion de Loft Story en avril 2001, lorsque l’animateur appelait à voter pour éliminer un candidat. Le CSA a adopté une recommandation pour ne pas valoriser l’exclusion du jeu. [6] Dans Secret Story, celui qui donne des ordres, c’est cette entité mystérieuse qu’on appelle « La Voix ». Elle peut intervenir à tout moment pour récompenser, sanctionner ou soumettre les candidats à des épreuves. Mais lorsque, dans le pré-générique de Secret Story, au milieu des publicités des marques sponsorisant l’émission, on entend « La Voix » faire la publicité de chips [7], on ne peut que s’interroger sur la porosité entre publicité et divertissement. Dans ce cas, il ne s’agit pas directement d’un ordre, mais l’utilisation d’une voix qui symbolise cet ordre dans l’émission, utilisée pour vanter les mérites d’un paquet de chips. Dans le domaine de l’information, sauf exceptions[8], on ne donne pas d’ordres, mais on met de l’ordre. On ordonnance, on encadre, on hiérarchise. Par exemple, à la fin des journaux télévisés, on a vu pendant des années et on voit encore les présentateurs avec leurs fiches, qu’ ils classent
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consciencieusement, pour s’occuper pendant le générique de fin. Un rituel mis à mal par un certain Bruno Roger-Petit, qui commença par faire semblant de classer ses fiches, avant de les jeter en l’air.[9] Cette audace lui valut des remontrances de la part de son employeur, France 2. Cette hiérarchisation est au cœur de l’information, à la télévision comme dans les autres médias. Le média télévisé nous proposer une grille des programmes, composée de cases horaires. Le journal télévisé est un programme parmi d’autres, qui est censé nous dire en condensé ce qui s’est passé sur la planète chaque jour. La phrase finale habituellement prononcée par Laurence Ferrari, c’est :Voilà ce qu’il fallait retenir de l’actualité de ce vendredi .[10] Il y a une dizaine d’années, Claire Chazal ou PPDA le formulaient ainsi : Voilà ce que vous deviez savoir de l’actualité. On a aussi pu entendre PPDA, à l’issue d’une page spéciale du journal consacrée à la libération des camps de la mort, s’adresser à nous et dire : Voilà. Je pense que nous avons dit ce qu’il fallait savoir de la Shoah.[11]
ération Ainsi donc, vous savez ce que vous deviez savoir. N’allez pas sur l’internet, ne lisez pas les journaux, n’écoutez pas la radio, c’est inutile. Nous vous avons donné des informations classées, hiérarchisées, triées, en ordre. Un ordre arbitraire, des choix en fonction des attentes supposées des téléspectateurs, la courbe minute par minute des audiences faisant foi. 30 secondes pour les inondations au Pakistan, 3 mn pour un fait-divers, 5mn pour les médailles françaises en natation. Un monde commenté, analysé, décrypté, expliqué. Pour les sujets géopolitiques ou économiques, on fait appel à des graphiques, des animations en direct ou par écran tactile, au risque de simplifier, d’occulter la complexité ou de générer des erreurs. [12] Mais on se garde bien de nous dire clairement ce qu’on doit penser de tel ou tel sujet, le but affiché étant de nous éclairer, de nous aider à comprendre, de rendre plus intelligible le monde. Des initiatives à but pédagogique prises pour notre bien. Ainsi, depuis quelques années, les journaux télévisés de France 3 d’abord, suivis par ceux de France 2, sont organisés en séquences. À la moitié du journal, on nous annonce les reportages qui vont suivre. Si vous avez manqué les titres du début, vous pouvez connaître le contenu. Un teaser semblable à ceux des émissions de divertissement ou de cinéma, avec cette injonction sous-tendue : ne zappez pas !
Le journal télévisé met en ordre le chaos du monde, au même titre que les chefs d’État affirment pouvoir tout contrôler, maîtriser, réguler, de l’économie aux catastrophes climatiques. Rien n’est pire pour la télévision que d’être débordée, désorganisée, impuissante face au chaos. Qu’il s’agisse du tsunami en Asie qui fit plus de 200 000 morts le 26 décembre 2004, ou du séisme meurtrier du 12 janvier 2010 en Haïti, le journal télévisé digère la surabondance d’informations, y met bon ordre et nous le recrache à 13 h et à 20 h, ou en continu sur certaines chaines d’info, dans une ambiance aseptisée, avec un présentateur qui n’est que rarement pris au dépourvu, sur un plateau qui est une sorte de « sanctuaire », hors du temps et du monde. Seul le 13H de France 2 en semaine, donne à voir l’extérieur depuis le bâtiment de France Télévisions.
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Pourtant, sur le petit écran, le chaos peut surgir à tout moment, provoqué par un incident technique, ou une intrusion en direct sur le plateau. Les exemples sont nombreux, de l’envahissement du plateau de la Star Academy par les intermittents, dont on laisse parler certains en direct, mais dont les autres sont énergiquement refoulés aux portes du studio d’enregistrement [13], aux spectateurs prenant de force le micro d’une émission de divertissement pour faire passer un message. [14] La plupart du temps, la réponse est musclée, et les « envahisseurs » repoussés sans ménagement. Parfois, si on donne la parole aux intrus, c’est pour un temps très limité. Il ne s’agit pas de rompre cet ordre, ce dispositif de distribution de la parole, qui fait que certaines personnes peuvent s’exprimer et d’autres non. En 2006, à la fin de l’émission en direct À vous de juger consacrée aux banlieues, des jeunes ont quitté les gradins en dénonçant le fait de n’avoir pu s’exprimer alors qu’ils avaient été invités pour participer au débat.[15] Des jeunes automatiquement étiquetés par la présentatrice et les téléspectateurs comme des perturbateurs, jeunes de banlieue de surcroît. Qu’il s’agisse d’information ou de divertissement, le cadre est ainsi fixé, laissant peu de place à l’imprévu. À ce sujet, les programmes télévisés sont envoyés aux journaux 21 jours à l’avance, et ce depuis les années 198687, période où la guerre entre TF1 et La Cinq faisait rage, occasionnant des déprogrammations sauvages de films de part et d’autre.[16] À l’occasion de décès de personnalités, ou d’événements particuliers [17], les programmes peuvent être bousculés, mais cela reste exceptionnel. Quant à l’information du jour, qui n’est pas prévisible, hormis les commémorations et anniversaires divers – par exemple, le 30e anniversaire de la disparition de Joe Dassin –, son emballage est normé, encadré, ordonné. Au risque que la grille de lecture devienne un grillage qui fait écran au réel. Pourtant, cet ordre devrait être rassurant pour les téléspectateurs, dans un monde où les interrogations sur l’avenir sont de plus en plus prégnantes, où l’incertitude face à la crise économique est palpable,[18] où les parents sont persuadés que leurs enfants auront une moins bonne qualité de vie qu’eux.[19] Cet ordre de l’information face aux incertitudes, agrémenté d’injonctions à consommer, de mises en gardes ou de suggestions de comportements a-t-il un impact sur nous ? Personne n’a le sentiment d’obéir spontanément à ces ordres, tout comme aucun d’entre nous n’a l’illusion de croire que le monde ressemble à ce que nous en montre la télévision. Mais il faut se méfier, car notre vision de la société et du monde en est affectée, consciemment ou non. On se souvient de la mise en cause des reportages sur l’insécurité ayant précédé l’élection présidentielle de 2002, qui a vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour. Lors des émeutes en banlieue en octobre et novembre 2005, l’image des quartiers populaires a été durablement ternie, et les journalistes ont dû surmonter leurs a priori négatifs. Plus récemment, alors que les dons pour Haïti ont afflué après le séisme de janvier 2010, les dons pour le Pakistan, touché par des inondations catastrophiques, ont des difficultés à être collectés. Le Pakistan présenté depuis septembre 2001 comme un repaire d’« islamistes », un « état voyou », laisserait-il indifférent ?
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Toutes ces injonctions font partie d’un mouvement plus global de la société qui, sous prétexte d’améliorer nos conditions de vie, de prévenir les maladies ou de traquer la délinquance, crée de nouvelles normes, de nouveaux cadres, qu’il s’agisse de comportements jugés comme déviants ou des mises en garde concernant notre santé, en passant par l’utilisation étendue du fameux principe de précaution. Dans le domaine médical, le psychanalyste et professeur de psychopathologie Roland Gori et la directrice de recherches en psychopathologie clinique et psychanalyste Marie-Josée Del Volgo ont bien analysé ce phénomène. [20] Soumis quotidiennement à des ordres et à l’ordre, il semble que nous n’y prêtions plus guère attention. De cases en grilles, de bandeaux publicitaires en normes sécuritaires, prenons garde à ne pas nous laisser enfermer, ni à être aveuglés. La vie n’est pas une grille de mots croisés. De maux croisés, à la rigueur. Notes [1] « Le personnage de L’Instit est né sur un bateau à aubes, à Genève. Pierre Grimblat avait rejoint Roger Hanin sur le lac Léman, où il tournait. Le comédien avait pris à part le producteur, il avait un message du « président ». François Mitterrand avait demandé à Hanin si « son ami » ne pourrait pas trouver une idée « avant les législatives » face à la montée du Front national ». Pierre Grimblat : « Pour Mitterrand, j’ai créé L’Instit », Le Monde Télévision Radio Multimédia, 6-7 juillet 1997, p. 3. [2] Site du programme nutrition santé de l’INPES (Institut National de Prévention et de l’Éducation pour la Santé) – http://www.mangerbouger.fr. [3] Une voix prononce la phrase au début et à la fin de l’écran publicitaire, dans l’émission matinale pour enfants Tfou sur TF1. [4] Émission diffusée sur TF1 de septembre 1993 à juin 1997, qui avait soulevé de nombreuses polémiques, à cause du côté voyeuriste des invités et des thèmes. [5] « Retrouvez Koh-Lanta », « Révélez la déesse qui est en vous », « Plongez dans », « Laissez-vous surprendre par », « Découvrez » « Et laissez-vous surprendre », « Cumulez », « Retrouvez Koh-Lanta ». [6] « Ne pas valoriser, dans le programme Loft Story ou dans les actions de promotion qui lui sont liées, le processus d’exclusion et d’élimination des participants. » (CSA – recommandation du 14 mai 2001) Loft story a été diffusée du 26 avril au 5 juillet 2001 sur M6. [7] « Ici la voix. Ouvrez l’œil ! Les moments croustillants de Secret Story commencent avec Vico . » (Secret Story du 24 août 2010).
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[8] LCI – Direct du 11 septembre 2001. La première tour du World Trade Center s’effondre. Deux journalistes commentent en direct l’évènement, mais restent posés. On entend alors la voix d’un homme, peut-être leur rédacteur en chef, qui leur souffle des mots de vocabulaire plus efficaces. 1er journaliste : « Nous avons des difficultés, bien sûr, à commenter, alors que nous avons peu d’informations depuis Paris. » – voix off : « Forcez un peu le commentaire ! » – 2e journaliste : « Il semble qu’une des tours du World Trade Center se soit écroulée, voilà » – 1er journaliste :
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« Vous revoyez les images d’une catastrophe… » – voix off : « Inimaginable ! » – 1er journaliste : « Inimaginable, qui est une forme en effet d’Apocalypse ». [9] Journal télévisé de France 2 du 19 octobre 1997. Il s’en expliquera dans une interview au mensuel Technikart en 1998 : « Ce soir-là, le JT n’était pas brillant. C’était une manière de dire : « Ce que vous venez de voir, on l’oubliera demain. (…) J’invite les téléspectateurs à faire attention à la réalité partielle et partiale d’un événement. Ils savent que ce qu’on leur montre n’est que la vérité d’un moment. Je n’aime pas ces présentateurs qui viennent et vous disent doctement : « C’est comme ci et comme ça. » Il faut de l’humilité.» (« Son nom est personne », Technikart, n°77, octobre 1998). Suite à cette interview, il sera licencié par la chaîne. [10] Journal télévisé de 20 h de TF1, 28 octobre 2005. [11] Journal télévisé de 20 h de TF1, 26 janvier 2005. [12] Arlette Chabot, à propos de l’écran tactile utilisé par les journalistes du 20H de France 2 lors de la rentrée 2009 : « Le souci de l’évolution du 20 heures, c’est de faire plus de pédagogie, d’explications. Donc, c’est pas un gadget. C’est pas de la mise en scène. C’est pas un présentateur qui l’utilise. Ce sont des journalistes spécialisés qui viennent faire des papiers d’économie, de politique étrangère, et qui viennent expliquer les choses. Et donc, c’est une mise en forme qui doit permettre au téléspectateur de mieux comprendre l’information qu’on vient de leur donner. Donc, c’est pas juste pour jouer, faire joujou avec un truc, c’est pas du tout ça. Il y a une démarche de fond. » (Médias le magazine, France 5, 6 septembre 2009). [13] Star Academy du 18 octobre 2003. Quatre manifestants qui étaient à l’entrée des studios sont mis en examen et jugés pour « violences, menaces de mort, dégradations, atteinte à la liberté de travail, atteinte à la liberté d’expression.» Le délibéré du 16 novembre 2007 les relaxe des faits de violence, atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté du travail, les condamne à 1000 € d’amende pour dégradations de bien privé en réunion et à 1200 € d’amende pour menaces de mort et dégradations de bien privé en réunion. [14] Émission 100 plus grands… délires du 22 janvier 2010 sur TF1, présentée en direct par Christophe Dechavanne. Un jeune homme qui faisait partie du public s’approche de Christophe Dechavanne, empoigne le micro-cravatte de l’animateur pour dire que « Le vaccin H1N1 est un poison », et donner l’adresse du site internet unisfaceauvaccin.org. Il est repoussé sans ménagement vers les coulisses par Christophe Dechavanne. [15] Émission À vous de juger, du 19 octobre 2006 sur France 2. Un jeune se lève, suivi par d’autres. Ils n’ont pas de micro, mais on entend : C’est pas sérieux. Vous invitez les gens à prendre la parole. Faut leur donner la parole ! Bien joué ! Bravo France 2 ! C’est bien la liberté d’expression, ça ! , Vous invitez des gens, vous voulez de la mixité sociale. Vous venez parler des gens, et vous donnez pas la parole à ceux qui sont les principaux concernés. La présentatrice, Arlette Chabot, exaspérée, essaie de donner la parole à Alain Duhamel, puis proclame : C’est comme ça à chaque fois, alors... Chut ! S’il vous plait! Je suis navrée. Vous vous exprimiez tout à l’heure, puis ajoute C’est compliqué le dialogue, on le savait. C’est difficile., pendant que les derniers jeunes quittent le plateau. [16] Le syndicat de la presse magazine et d’information (SPMI) avait fait signer une convention aux chaînes hertziennes. Elles doivent fournir leurs grilles aux hebdos 21 jours à l’avance. Le SPMI collecte les grilles, note l’heure d’arrivée et les renvoie ensuite à la presse télé et aux chaînes.
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« L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L’extériorité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente. C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout. » Guy DEBORD, La société du spectacle, chap. 30, 1967
[17] Par exemple, la libération d’Ingrid Betancourt le 2 juillet 2008 diffusée sur toutes les chaines, ou les obsèques de Philippe Seguin, retransmises sur France 2 et les chaines d’info en continu le 11 janvier 2010. [18] Troisième édition du baromètre du moral économique des Français TNS Sofres : 21% ont confiance dans l’avenir de la situation économique en France, contre 77% qui n’ont pas confiance. (Le moral économique des Français – vague 3, Sondage réalisé par TNS Sofres pour Publicis Consultants/Europe 1/i-télé/Le Monde. Enquête réalisée en face-à-face du 7 au 8 juillet 2010 avec un échantillon de 1000 personnes. Marge d’erreur : environ 3,1%.) (19] Pensez-vous que demain vos enfants vivront globalement plutôt mieux, aussi bien ou plutôt moins bien que vous ? Plutôt mieux : 27% – Aussi bien : 34% – Plutôt moins bien : 39% (Sondage Observatoire des parents d’élèves - PPEP – BVA réalisée par téléphone du 14 au 23 septembre 2009 auprès d’un échantillon représentatif de 807 parents d’élèves âgés de 2 à 20 ans.) [20] « L’exploration du corps humain, le diagnostic précoce des maladies, l’acharnement à les combattre par des traitements douloureux et invasifs, exproprient « pour son bien » le patient de son corps. À travers des protocoles de diagnostic et de soins très standardisés, à travers le contrôle social de nos existences par une surveillance médicale accrue au nom de la santé publique, nos modes de vie se retrouvent toujours plus normalisés. Comment alors restituer au patient sa valeur de sujet et ses droits pour éviter de le transformer en marchandise au profit des industries de santé ? Comment concilier les exigences de la médecine scientifique et sa nécessaire vocation « thérapeutique » , c’està-dire humaniste ? » (Roland Gori et Marie-José Del Volgo, La santé totalitaire, Essai sur la médicalisation de l’existence, Paris, Denoël, 2005).
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La culture visuelle des jeunes dans un « quartier populaire » Par le biais d’une imagerie monolithique et simpliste et avec des images métaphoriques dégradées et trompeuses, les médias entretiennent un discours ambigu sur les « quartiers poulaires ». Étude La représentation négative des « grands ensembles » est construite de manière semblable à celle des taudis du 19e siècle, signe de la crise sociale et du sentiment anti-urbain, de la violence et de l’insécurité : ils tiennent lieu de bouc émissaire. C’est bien le cas du quartier de Hautepierre à Strasbourg, hautement médiatisé et exposé ici. Nés comme une extension souhaitée de la ville-centre, ces « grands ensembles » ou « cités » ont repris dans l’imaginaire collectif la place qu’accordait Le Corbusier à la banlieue, cette écume débordante et désordonnée qui bat de manière incessante sur les bords de la ville, mettant en danger l’ordre urbain. Les termes liés aux grands ensembles (quartiers à problèmes, difficiles, sensibles, ghettos…) évoquent tout d’abord des images commodes : ils répondraient au besoin d’une classification qui différencie le nous de l’autre, classification qui émane aussi du pouvoir politique et qui est fortement médiatisée, et facilement adoptée par l’opinion publique. Mais cette différenciation entre le nous et l’autre, entre le dedans et le dehors, est utilisée aussi à l’intérieur, elle est revendiquée par des groupes de jeunes qui pratiquent aisément l’appropriation des stigmates. Ceci permettrait tout d’abord de conforter l’image négative et d’incarner le malaise moderne dans un groupe social qui porterait la responsabilité de sa dégradation. Cet imaginaire, nourri par une sélection d’évènements relatés par des médias, par la « sociologie de la galère » fondée par des chercheurs éminents (pour une déconstruction très appropriée, voir Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, 2007), explique et justifie l’exclusion, détourne de l’abandon de l’État décliné sous plusieurs formes : sociale, politique, culturelle, économique. Si l’image dégradée d’un quartier a un pouvoir de contagion et dégrade ceux qui l’habitent, cette image globale et collective a plusieurs variantes internes, plusieurs signes et interprétations : des images qui rappellent l’ordre, qui impriment dans les structures mentales la hiérarchisation spatiale et sociale donnée comme inéluctable à travers des « objets-signes » qui jalonnent l’espace, mais aussi des images nostalgiques ou réappropriées et détournées par ceux qui, en principe, les subissent. La place, aussi bien physique que morale, de l’invention trouve toute sa force dans ces lieux investis par des expressions plus libres car avec peu d’enjeux pour le pouvoir central. Cette force s’exprime par des signes d’appropriation et à travers une compétition pour le marquage des lieux par des groupes sociaux qui, à travers l’image, optent pour des actes éphémères de résistance. Cette invention s’exprime parallèlement dans d’autres lieux, virtuels, et propulse cette société qu’on croit enclavée dans l’imagerie mondiale. Ces discours sont portés par les groupes déjà mentionnés, mais, à l’intérieur des mailles de Hautepierre, l’imagerie se construit surtout à travers des rebondissements, des contrecoups par rapport aux images imposées. Cette culture visuelle « de
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réaction », répond au manque de reconnaissance d’un type de socialisation structurante existant à Hautepierre, celle de la bande de jeunes. La « culture de la rue », présente dans le quartier sous la forme de groupes d’âges différents (préadolescents, adolescents et adultes), est « en résistance » face à une stigmatisation unanime des pratiques des jeunes de la part des pouvoirs, au niveau du quartier et plus largement de la société et face à un certain paternalisme même des associations les plus impliquées. Les jeunes réagissent aussi, et surtout, à l’imagerie négative véhiculée par les médias. Ils s’expriment dans des lieux physiques et virtuels, dans une sorte d’obsession de l’image de soi. Les caractéristiques sont connues : efficacité symbolique de la parole, des gestes, des postures, importance des pratiques adolescentes dans les espaces intermédiaires… Cette culture est désormais accessible sur internet, et c’est d’ailleurs la meilleure manière de prouver que des quartiers comme Hautepierre sont parfaitement désenclavés. Des dizaines (centaines ?) de blogs, de photos ou des vidéos d’amateurs circulent et utilisent un langage qui est un mélange d’argot et de termes internationaux. Un examen de quelques documents peut permettre de tirer des leçons de ces images où le quartier Hautepierre est filmé, traversé, circonscrit, reconnu : c’est le « kartier », le refuge, le lieu connu. On remarque l’importance de marquer sa présence sur les lieux : le besoin de s’identifier aux différents espaces du quartier, de jouer avec les lieux réels (marqués par des signes : les sobriquets, les prénoms) et les images des lieux (la photo du lieu et de la personne devant le signe de sa présence, son nom écrit en graffiti), une redondance, une répétition qui marque la présence comme indélébile. Et, à côté des images, l’utilisation des commentaires sert à se reconnaître, se saluer, se rappeler avec ironie des épisodes vécus ensemble. Les lieux sont définis aussi à travers des sentiments et des images qui reviennent, par exemple certains espaces associatifs, importants pour les jeunes. On met en scène la bande de copains dans tous ses états et ses compositions fluides, pas structurées, non hiérarchiques et mouvantes, dans les commentaires on se moque des uns, on exalte les autres, on admire, on lance des vannes. Les adultes sont quasi absents ou sont relégués, dans les images, à des formes d’opposition : des « keufs » ou des « rageux » qui espionnent les jeunes ; seuls ces derniers existent dans ce monde des images et des signes dont la solidarité du groupe est la base. Les filles ont un langage et des images différents : d’intérieur et d’extérieur, de rage mais aussi d’amour. Pour les deux sexes l’amitié est la valeur suprême. Les images parlent aussi de la violence du quartier et de l’appropriation des stigmates : on se met en image avec des cagoules, parfois (rarement) avec des pistolets et des liasses de billets de banque. Mais en fond sonore, la musique contredit les images. Elle dit la détresse, la désillusion. Selon les codes et les valeurs des jeunes, on met en scène le courage, l’habileté, les prouesses et les dangers. Les courses en motos sont inlassablement filmées pendant de (longues) minutes : on filme l’engin, on filme le conducteur « sapé » qui traverse les mailles dans un geste
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de délimitation symbolique. Là aussi on se reconnaît et on se regarde, car ces vidéos sont visitées des milliers de fois sur internet. Mais comment les producteurs lisent-ils leurs images ? La prise du pouvoir que ces images, souvent caricaturées, met en scène, relève à la fois de l’auto ironie et d’une revanche évidente : les producteurs de l’image, les jeunes euxmêmes, mènent le jeu. La sélection est parlante : les jeunes apparaissent comme victorieux, jamais comme victimes, de ce jeu urbain, de cette société dont ils sont quotidiennement les protagonistes, mais aussi les victimes dans la réalité. Peut-on parler d’une véritable culture visuelle de quartiers et des banlieues ? Sans doute des thèmes reviennent, les mêmes valeurs sont mises en avant dans cette profusion d’images auto-produites. À Hautepierre on remarque une fierté évidente d’appartenir au quartier, fierté que les jeunes partagent avec un grand nombre d’habitants et une importance donnée aux valeurs de la famille et à l’amitié. Les images symbolisent et mettent en forme surtout des liens. L’exemple de Hautepierre montre tout d’abord la complexité de l’image produite par les grands ensembles, des lieux d’expérimentation de pratiques et formes urbaines futures qui payent le prix fort de cette expérimentation à travers la stigmatisation. Si la crise économique et sociale est évidente dans le quartier, elle se manifeste non pas dans une absence, mais dans une profusion d’images qui correspondrait bien à la surabondance spatiale typique de la surmodernité. S’il est vrai que les dominés sont les moins aptes à pouvoir contrôler les représentations et les images d’eux-mêmes car culturellement moins dotés, s’il est vrai qu’ils sont incapables de s’exprimer dans les formes requises par les médias et qu’ils « sont parlés » plus qu’ils ne parlent, s’il est vrai que les images qu’on leur laisse sont surtout celles de la destruction et de la violence, à Hautepierre comme dans d’autres grands ensembles on est également producteur d’images. Ces dernières, souvent éphémères, sont destinées à nourrir des mondes visuels non officiels, porteurs d’innovation et d’effervescence mais aussi de lien.
en fo http://www.htp40.org/v2/
Notes
[1] Avec le grand ensemble de Hautepierre, la Ville de Strasbourg souhaite répondre de manière innovante au problème du logement et d’extension de l’agglomération à l’Ouest. Le maire Pierre Pflimlin validait, à la fin des années 1960, un « type de transition » entre le rural et le métropolitain, selon une vision qui se veut différente et qui porte un intérêt central à la question d’un logement social de taille humaine qui « ne ressemble en rien aux grands ensembles justement critiqués ». Ce projet implique au départ 253 ha pour 40 000 habitants. L’urbaniste Pierre Vivien en esquisse le schéma et l’image globale : un dessin en forme de ruche où chaque alvéole représente une « unité de vie », Hautepierre constitue un bouleversement du paysage pensé à travers la forme civilisatrice de la « maille », où la symbolique de l’abeille porteuse de signes positifs est très présente : le miel sera-t-il produit par des gens volontaires ? Chaque village, symbolisé par le nom d’une femme, est pensé dans une forme utérine et protectrice et des noms communs sont choisis pour nommer ces nouveaux villages, mais la séparation des espaces est nette, la non-mixité fonctionnelle prête à fournir un exemple d’enclavement progressif. D’autres éléments ont progressivement changé le sens du projet, notamment l’absence des équipements collectifs prévus au départ car les quelques commerces ouverts sont finalement réduits au strict minimum dans chaque maille et un centre commercial (Auchan), depuis sa construction, fait péricliter la majorité des quelques commerces de proximité. [2] Notre terrain à Hautepierre a démarré en 2007, à travers l’observation et des entretiens semi-directifs. Nous remercions toutes les personnes, habitants ou non habitants de Hautepierre, ayant répondu à nos questions. [3] Concept développé en premier par Jean Baudrillard : le bien de consommation n’a pas seulement une fonction matérielle mais peut également avoir une fonction sociale, qui permettrait la différenciation entre les individus. Par extension de sa pensée, une construction architecturale, un centre commercial ou une salle de spectacle, lieux de la consommation, sont aussi un lieu de la distinction sociale. [4] Les documents (des vidéos) apparaissent essentiellement sur Skyrock et Dailymotion. Deux blogs ont été plus particulièrement étudiés : celui de « dede » et de « missa d’la eley » sur Skyrock.
orce [5] « Hautepierre en force », « Le rap d’otpierre », « Street of eley and pierrehot », « Fière de vivre à Hautepierre », « Hautepierre en force et pas de jaloux »…. Pour citer seulement quelques unes des phrases.
Au cœur du processus d’industrialisation des jeux télévisés Invité par des étudiants à assister à l’enregistrement d’une émission de divertissement pour Canal+, le narrateur rend compte de sa souffrance. Témoignage Nous avons déjà oublié le nom du jeu télévisé auquel nous avons assisté comme bon public ; les noms de ces jeux sont interchangeables et, des chaînes de télévision du service public aux chaînes de télévision gérées par des structures privées — dont certains marchands d’armes —, le spectacle proposé est toujours le même : mélange des genres entre actualité politique, fais divers et anecdotes médiatiques, peopolisation des invités quand ils ne sont pas eux-mêmes des people, vacuité des questions posées, lobotomie navrante du présentateur et soumission du public, infantilisé jusque dans les temps morts de l’enregistrement. Mais le constat principal reste celui de la mise en œuvre de pratiques manipulatoires chronométrées, de la mise à bas de toute spontanéité et sincérité, de l’abêtissement du public flatté lorsqu’on en a besoin, parqué lorsque les caméras s’éteignent : public kleenex.
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Les vigiles sont des vigiles, les studios sont des studios, les lumières sont des lumières, les techniciens sont des techniciens, mais attention, le présentateur n’est pas un présentateur, les invités ne sont pas des invités, le public n’est pas un public et le chauffeur de salle n’est pas un chauffeur de salle. Toutes ces personnes, qui parfois aiment, mangent, pleurent ou souffrent, sont des avatars, pièces absolument calibrées, drivées, briefées, clones hagards et consentants de citoyens qui, d’ordinaire, sont censés réfléchir avant de mettre un bulletin dans l’urne. Trois personnages sont emblématiques de cette décérébration collective : le
chauffeurdesalle, le présentateur et le stéphanebern. Le chauffeurdesalle moque gentiment le public qu’il est chargé de faire réagir au doigt et à l’œil. Voilà, tout est dit. Ce qui reste, ce sont des vannes faciles, un appel à la coolitude, l’incantation : ce jeu « est vraiment sympa, non ? » et une permanente exhortation à « faire le plus de bruit possible », sur ordre. La fausse spontanéité du public pour saluer les bonnes réponses des candidats, les saillies humoristiques des invités ou les scores abscons pointent le vrai naufrage de la télévision, comme le big-mac est le naufrage de l’alimentation, le triomphe de l’indécence du produit le mieux fini de la chaîne. Et lorsque le chauffeurdesalle , entre deux enregistrements, fait « jouer » certains spectateurs à la place des invités et du présentateur, on atteint le summum de la soumission, entreprenant d’applaudir une mise en abîme du simulacre. Pour les misérables spectateurs-acteurs, alors, le fait de perdre au jeu du ni
« La jeune fille est un absolu : on l’achète parce qu’elle a de la valeur, elle a de
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Narcisse oui - ni non sera simplement un rappel à plus d’humilité dans leurs critiques adressées à ceux qui perdent dans le vrai simulacre. Le présentateur , lui, n’a aucune espèce d’empathie avec le public. Il le considère comme l’ingrédient visuel et sonore sur lequel il s’appuie, techniquement, pour rythmer ses interventions. Il sourit faussement, pose de fausses-vraies questions aux faux-invités/vrais-employés, joue la carte du consensus permanent à coup de fausses indignations et de faux rires en réaction à de fausses blagues spontanées. Le stéphanebern est emblématique de cette vaste supercherie télévisuelle qui voit des présentateurs devenir producteurs, puis écrivains, puis acteurs, puis chanteurs, puis invités permanents de toute une série d’émissions dont ils auraient pu être les présentateurs et dans lesquelles ils vantent leurs propres vertus. En boucle donc tourne le spectacle d’invités qui s’exonèreront de leur permanence sur les écrans, au mieux par une saillie politiquement correcte contre l’homophobie dans le foot, au pire par une répétition sans fin des mêmes phrases courtes, auxquelles ils font semblant de croire. Public soumis, public souffrant nous avons donc assisté-supporté des machines médiatiques telles que le stéphanebern (déjà cité), la MissFrance (jeune fille arrachée à son innocence normande), le grosquicommentelefoot dont le ticket d’entrée pour ces émissions est sa corpulence et sa truculence qu’il déchaîne contre une MissFrance fébrile (pour mieux jouer veulement à la belle et la bête lors d’une photo souvenir de fin d’enregistrement), la présentatricemétéoduGrandjournaldeCanal + (mannequin haut de gamme et muette bouche-trou), le Frédériquelefèvreporteparoledugouvernement (porte-flingue du Président de la République Française en exercice), le ArielWisman (dandy batteleur d’estrade cathodique toujours caustique), le Vincentpeillondéfinitivementantiségolène (qui vint dire en 7 secondes qu’il faudrait du temps pour débattre de questions importantes), la ArielleDombasle (descendue de la Lune, nous ne sommes pas du même Monde), etc. Aux injonctions du chauffeurdesalle, aux discours pré-machés des invités, aux espaces exigus dans lesquels nous avons été contraints, à notre convention de départ de jouer le jeu et à la débauche kitsch, nous avons offert peu de résistance ; du moins savons-nous désormais qu’elle n’est pas née l’émission de télévision dans laquelle nous serons de nouveau bon public.
e la valeur parce qu’on l’achète. Tautologie de la marchandise. » TIQQUN, Premiers matériaux pour une théorie de la jeune fille, Paris, Mille et une nuits, 2001
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« [...] L’analyse sociologique se heurte souvent à un malentendu : ceux qui sont inscrits dans l’objet de l’analyse, dans le cas particulier des journalistes, ont tendance à penser que le travail d’énonciation, de dévoilement des mécanismes, est un travail de dénonciation, dirigé contre des personnes ou, comme on dit, des « attaques », des attaques personnelles, ad hominem (cela dit, si le sociologue disait ou écrivait le dixième de ce qu’il entend lorsqu’il parle avec des journalistes, sur les «ménages» par exemple, ou sur la fabrication — c’est bien le mot — des émissions, il serait dénoncé par les mêmes journalistes pour son parti-pris et son manque d’objectivité). Les gens, de façon générale, n’aiment guère être pris pour objet, objectivés, et les journalistes moins que les autres. Ils se sentent visés, épinglés, alors que, plus on avance dans l’analyse d’un milieu, plus on est amené à dédouaner les individus de leur responsabilité, — ce qui ne veut pas dire qu’on justifie tout ce qui s’y passe —, et mieux on comprend comment ça fonctionne, plus on comprend aussi que les gens qui en participent sont manipulés autant que manipulateurs. Il manipulent même d’autant mieux, bien souvent, qu’ils sont eux-mêmes plus manipulés et plus inconscients de l’être. J’insiste sur ce point, tout en sachant que, malgré tout, ce que je dis sera perçu comme une critique ; réaction qui est aussi une manière de se défendre contre l’analyse. Je crois même que la dénonciation des scandales, des faits et des méfaits de tel ou tel présentateur, ou des salaires exorbitants de certains producteurs, peut contribuer à détourner de l’essentiel, dans la mesure où la corruption des personnes masque cette sorte de corruption structurelle (mais faut-il encore parler de cette corruption ?) qui s’exerce sur l’ensemble du jeu à travers des mécanismes tels que la concurrence pour les parts de marché, que je veux essayer d’analyser. Je voudrais donc démonter une série de mécanismes qui font que la télévision exerce une forme particulièrement pernicieuse de violence 40
symbolique. La violence symbolique est une violence qui s’exerce avec la complicité tacite de ceux qui la subissent et aussi, souvent, de ceux qui l’exercent dans la mesure où les uns et les autres sont inconscients de l’exercer ou de la subir. La sociologie, comme toute les sciences, a pour fonction de dévoiler des choses cachées ; ce faisant, elle peut contribuer à minimiser la violence symbolique qui s’exerce dans les rapports sociaux et en particulier dans les rapports de communication médiatique. » Pierre BOURDIEU, Sur la télévision, LIBER raisons d’agir, Paris, 1996
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Du contrôle médiatique en général et de la mort du journalisme en particulier « Si la télévision disait la vérité, ça fait longtemps qu’elle serait interdite ! » C’est ce qu’affirmait Coluche. Hypothèses D’où viennent les informations données à la télévision ? Disent-elles la vérité ? Et surtout le peuvent-elles ? Sans alimenter une énième théorie du complot, il est simplement bon de rappeler quelques réalités sur les médias, trop souvent absentes... des médias. Que ce soit le « jité » de 20h, le « flash » de la matinale ou les « Breaking news » du midi, les infos qui y sont traitées répondent aux contraintes liées à la massification de la télé. Et de masse, il est bien question. En matière de politique, les trois quarts des Français interrogés[1] s’informent par la télévision et un quart seulement par la presse écrite. Cela démontre l’importance des journaux télévisés dans notre rapport à l’actualité. Mais qu’est-ce finalement que cette « actualité » ? Raconter des histoires Lorsqu’un fait divers, meurtre ou enlèvement, fait la une de l’actualité, il occulte nécessairement tous les autres meurtres ou enlèvement qui ont eu lieu au même moment. Au-delà de la loi du « mort-kilomètrique » (qui veut que l’on s’intéresse davantage aux deux morts dans sa rue, qu’à deux milles morts à l’autre bout du monde), le choix de ce qui « fait l’actualité » répond à la volonté de raconter des histoires. On se souvient de la sombre histoire de meurtres dans une famille nantaise qui a animé les médias durant tout un mois d’avril 2011, où il n’y avait apparemment pas grand chose d’autre à traiter. Tous les détails macabres de cette histoire auxquels on a alors eu droit n’apportaient aucune information, mais permettaient d’attacher émotionnellement les téléspectateurs à leur écran pour les garder jusqu’au bout. Cette technique appelée story-telling est massivement utilisée dans les médias et donne lieu à la dérive de produire de l’actualité, là où il n’y a pas de réelle information. Où peut-on s’informer de façon indépendante ? Évaluer ou quantifier Être indépendant se dit forcément par rapport à quelque chose. Tout organe qui diffuse de l’information dépend d’un financement, ou d’un positionnement éditorial, d’un réseau technique de diffusion, etc. Mais il est un paramètre qui rend les programmes télévisés fortement dépendants, c’est « l’audimat ». Le sacro-saint chiffre donné chaque matin par Médiamétrie qui estime la part d’audience d’une émission en fonction du nombre total de téléspectateur, et fait la pluie et le beau temps dans le paysage audiovisuel français. Ce paramètre est très présent dans les rédactions des grandes chaînes pour évaluer, quasiment seconde par seconde, l’impact de tel ou tel sujet. Non pas pour juger de sa qualité, mais plutôt pour quantifier le nombre de personnes qui recevront les messages publicitaires qui suivront. L’audimat est calculé à l’aide de boîtiers qu’un panel de téléspectateurs volontaire acceptent d’avoir à leur domicile, durant parfois plusieurs années. La machine enregistre les chaînes et les heures où la télé est allumée. Chaque membre du foyer indique sa présence devant l’écran à l’aide d’un bouton qui lui est propre. Un calcul bien aléatoire, qui ne peut tenir compte des moments
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où la télé tourne sans que personne ne la regarde. Et il suppose que le panel est représentatif, or comme le souligne Bertrand Labasse[2], « pour accepter d’être dans le panel, il faut avoir un goût particulièrement prononcé pour la télévision. Ce qui laisse penser que ces personnes sont prédisposées à regarder TF1. »[3] La logique de l’audimat-roi est celle de la loi du marché, on fait ce qui va vendre, ce qui « passe bien ». Selon Bourdieu, dans son ouvrage Sur la télévision[4], si la télévision parle de ces choses futiles, c’est qu’en réalité elles ont une importance cruciale : Au point de vue économique, elles font vendre. Et au point de vue politique, on ne parle pas d’autres choses plus importantes. Imitation et limitation La télévision touche un nombre immense de personnes et elle est soumise à la loi de l’audimat. Cette double constatation permet d’éclairer l’importance du fait divers mentionné plus haut : pour vendre au plus grand nombre, la télévision ne peut se permettre d’être polémique. Parler de choses sans intérêt, qui ne suscitent aucun débat, c’est toucher tout le monde sans vexer personne. La télévision dépolitise, elle représente un danger pour la richesse du débat public. Dans son ensemble, l’univers journalistique, poussé par la logique de la concurrence, finit par proposer une production uniforme et dépolitisée. Au lieu de produire de la différence, la dépolitisation aboutit à tout homogénéiser. L’utilisation massive de la revue de presse, un autre des exercices phare qu’affectionnent les écoles de journalisme, illustre l’uniformisation du travail journalistique. Faire une revue de presse permet de savoir quelle est l’actualité en lisant les autres titres de presse. Les journalistes traitent les mêmes sujets. Pour un média, ne pas parler d’un sujet traité par ses concurrents revient à être « dépassé » par eux – ce qu’il faut éviter à tout prix. Pour se distinguer, il s’agit alors de produire des microdifférences. Pour le journaliste, ce n’est pas le fond qui compte mais la forme. Un journal télévisé va traiter le même sujet que le jité concurrent, mais avec des images supplémentaires ou un plateau en direct d’un lieu différent. Cette volonté de « ne pas passer à côté » et de se distinguer provient de l’idée que ces différences auront un impact réel sur la vente. Idée généralement fausse puisque très peu de gens, à part les journalistes eux-mêmes, perçoivent ces micro-différences. Divertir à tout prix
OPEN DATA
Face à ces contraintes, financières, techniques, concurrentielles, inhérentes à l’univers de la télévision, le journaliste est pris dans une logique de reproduction et cantoné dans un rôle de commentateurs de déclarations. Ce n’est pas la qualité qui tire l’information, mais bien le souci de garder un téléspectateur jusqu’à la prochaine coupure publicitaire, ce qui réduit tristement les informations à un programme de divertissement.
[1] Sondage réalisé en 2009 par Médiapolis, projet de recherche en sciences politiques. [2] Bertrand Labasse est chercheur en Information et Communication au Centre national pour le développement de l’information. [3] « Madame Michu, c’est moi ! », Télérama, n°3013, octobre 2007. [4] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Paris, Liber-Raisons d’agir, 1996. 43
La télé locale touche le fonds public Promises à un avenir qui devait être florissant, les télés locales patinent. Le sauvetage mise sur les publireportages et sur un gros rab de subventions. Exemple à Nantes Il aura fallu moins longtemps que les radios libres pour que les télés locales bradent leur indépendance. La rentabilité n’est pas au rendez-vous. La pub qui devait pleuvoir par millions s’est mise en régime sécheresse. Généraliste ou spécialisée bricolage, électroménager ou jardin, la grande surface devait envahir ces écrans du cru. Avant l’an 2000, on y a cru. Après, beaucoup moins. Le premier enfumage aura été d’accoler le terme « service public » à ces télés de proximité, pour aller mendier des subventions auprès des seigneurs locaux, agglomérations, départements, régions. L’union des Télévisions Locales de Service Public qui regroupe 56 chaînes, « défend la télévision d’initiative locale qui valorise le territoire ». L’oreille de ses maîtres, l’oseille de ses maîtres. TLSP fait du lobbying, rédige des propositions de loi en sa faveur, demande un fonds de soutien permanent rien que pour ses membres. C’est aussi un GIE, portail VOD vendant films et émissions en ligne. Quand on ne fait pas du petit commerce ou des pressions amicales sur les élus, il faut bien se trouver un standing. S’autoproclamer « service public » habille de légitimité la demande de subventions, y compris pour boucher les trous quand les collectivités sont appelées à la rescousse. À Nantes, c’était original, le CSA avait attribué en 2004 une même fréquence à deux chaînes, partage d’antenne entre une structure privée et un projet para-municipal, officiellement vanté comme télé « associative-citoyennisteterritoriale », et donc évidemment de « service public ». Passée sous contrôle du groupe Hersant puis d’Ouest-France, la première, Nantes 7, a fait faillite en novembre 2009 en laissant un trou de 7,4 millions d’euros. Et c’est l’autre, Télénantes, très soutenue par le député-maire Jean-Marc Ayrault, qui a avalé la chaîne commerciale. Ce qui n’aura coûté qu’un euro à poser sur la barre du tribunal de commerce. La seule fois où l’on n’a pas jeté l’argent par la petite lucarne... Depuis 2005, les collectivités, ici toutes à majorité socialiste, ont déjà investi près de neuf millions d’euros dans l’aventure. En mars dernier, le groupe TLSP, claironnant toujours qu’il incarne le « service public » de proximité (histoire de bien faire capter que les stations régionales de France 3 ne sont pas sur le coup), proclame que son créneau est vachement porteur, et que la situation pourrait encore être améliorée avec quelques décisions qui renforceraient le développement d’un secteur qui, contrairement à d’autres médias, ne bénéficie d’aucun soutien spécifique. Gonflée, la thèse du soutien zéro : membre du TLSP, Télénantes dont la présidente Elisabeth Clément est en même temps déléguée générale de TLSP, capte alors quelques 2,1 millions d’euros par an d’argent public... Mais ne parlez pas de télés à la botte. Reprenez seulement la citation d’un administrateur de la chaîne, patron d’une boîte de com’ qui a tous les budgets de la ville : Les médias incarnent l’idée du territoire et contribuent à sa cohérence , puisque une grande ville sans grand média incarnant son identité est infirme sur le plan essentiel de la représentation. À l’écran,
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pépètes tout le monde il est beau : on fait du vélo en souriant, les infirmes sont sympas, on est écolo et solidaire, les débats sont polis, policés, polychromes. Mais côté fric, ça rame. Pour justifier les économies drastiques, Télénantes, chaîne fétiche du maire, est désormais dénoncée comme la télé locale la plus chère de France par ceux-là mêmes qui l’ont allègrement menée à ce record. Les budgets cumulés des deux chaînes réunies sont de 4,5 millions d’euros, pour un effectif de 57 salariés. On en jette 25 par la fenêtre, mais ce n’est pas suffisant pour le sauvetage. Rien qu’en 2010, les deux chaînes ont reçu 2,2 millions de subventions. Pas assez pour colmater les brèches. L’exercice 2010 tablait sur 650 000 euros de rentrées publicitaires, mais ce commerce-là est resté à marée basse, étalant moins de la moitié des objectifs. Les revenus de pub ont été surestimés, lâche après coup le président de Nantes 7, Éric Warin, qui brandit la parade ; des émissions vendues à des « co-éditeurs » : institutions, chambres de commerce, SEM, banques, entreprises intéressées de près au contenu des programmes sous contrôle. Officiellement des contrats de parrainage pluriannuel (1 à 3 ans) avec le secteur économique. La porte ouverte au publireportage et ses thématiques embusquées, ses commandes bien orientées. Indépendance et esprit critique peuvent aller se rhabiller. Autre bouée de sauvetage, les deux chaînes refondues en une seule vont déménager dans les nouveaux locaux d’une école supérieure de communication pour fils à papa (de 5400 à 7250 euros la scolarité annuelle). Ce sens de la proximité offrira un vivier de stagiaires dociles, tout en étant friqués et low cost. Pour justifier le surcroit de perfusions publiques, on a forgé un argument : le devoir d’intervention des collectivités locales, étayé par l’idée que le rendement d’un média par unité d’audience est partout en baisse et le secteur a besoin d’aide pour parvenir à maturité. En octobre 2010, le cabinet Analysys Mason a produit pour le CSA et la Direction générale des médias une étude sur toute l’Europe qui affirme que les télévisions locales ont des rentabilités marginales, voire négatives, et nécessitent pour la plupart des subventions pour perdurer. Christine Lagarde nous avait déjà servi la « croissance négative », voilà la « rentabilité négative ». On nous vantera bientôt les vertus durables et positives du déficit chronique.
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Dans une classe de CM1 On est en mars, c’est le matin. J’interviens pour l’association 44 Les pieds dans le PAF dans une classe de CM1 et, en fin de séance, une élève lève la main : « Mais alors, c’est que des menteurs ? » Décryptage Nous venons de passer une heure à essayer de comprendre comment était fabriquée une quotidienne de la Star Academy et sa question me laisse penser que j’ai atteint quelques-uns de mes objectifs. Mais je ne peux lui laisser croire qu’il y a des « méchants » et des « gentils » à la télévision et qu’ainsi toute vérité est dite. Je me lance donc dans le discours suivant afin de modérer ses ardeurs : Oui… mais non, tout le monde manipule à la télévision, après ce qu’il faut essayer de savoir c’est pourquoi ils font ce genre d’émission. Peine perdue. L’idée que ce ne sont là que des menteurs a fait tilt dans sa tête et malgré mes efforts, je sens bien que j’ai brisé quelque chose dans son imaginaire et que ce n’est pas réparable, pour l’instant du moins. Je rame jusqu’à la sonnerie, ne voulant pas la laisser s’enfermer dans le règne du mensonge télévisuel permanent, une forme du complot dans la société qui dit Mais alors, c’est que des menteurs. Je lui affirme qu’il faut essayer de comprendre si on veut nous informer, nous divertir ou nous vendre des choses. Que ce n’est pas pareil, que ça change tout. La tête de la jeune fille à la sortie de la classe indique que le trouble persiste. Ce que confirment des parents d’élèves. En effet, avoir quelque peu détourné l’attention de certains ados de ce type de programme a fait du bien ici ou là. On me le fait savoir lors d’un débat qui suit l’intervention de l’association dans la classe. Une maman (peut-être celle de la jeune fille) m’interpelle en souriant. Ah, c’est vous qui avez cassé le mythe de ma fille. Oui, mais bon. N’allez pas croire que Les pieds dans le PAF soit une association de terroristes de la télévision, prête à tout pour embrigader nos chères têtes blondes dans une guerre contre le méchant vendeur de cerveaux disponibles. Non, c’est plus simple, la télévision est une construction, nous, nous la déconstruisons. Et il s’avère que cela provoque régulièrement de vives réactions parce que la « télé » est ancrée dans notre quotidien et qu’elle rythme de nombreuses vies. Dans le cas présent, voici comment j’ai procédé à l’époque pour le décryptage de cette quotidienne. La Star Academy, vous vous souvenez, c’est cette émission de télé-réalité produite par TF1 et Universal Music, qui a imbibé la décennie 2000 et que l’érosion des audiences a tué : elle devait revenir au début de cette décennie, mais on n’a rien vu venir. Une dizaine de candidats enfermée dans un château avec plein de caméras partout devait s’entraîner à devenir des stars sous l’œil voyeur du public qui les éliminait à coup de SMS. Une quotidienne de la Star Academy, c’est alors un résumé d’environ vingt minutes de la journée qu’ils viennent de vivre. Il y en a donc toute la semaine jusqu’au vendredi soir plus le show de 21 h en direct autrement appelé : « le prime ». Le gagnant est le dernier à ne pas être éliminé par les textos.
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pokémon contreattaque Pour faire un décryptage de cette émission, lorsque je m’adresse à des enfants, je choisis généralement une quotidienne de fin de saison. Les fins de saison sont, pour les techniciens de TF1, assez pénibles à concevoir et à monter. En effet, lorsqu’on veut faire une émission jeune, avec des images qui arrivent dans tous les sens, des rebondissements, des retournements de situation, des pleurs, des rires, des confidences… bref tous les ingrédients d’une bonne histoire, c’est plus facile avec une dizaine de candidats qu’avec deux ou trois. Ainsi l’histoire étant plus difficile à rythmer, les professionnels de l’audiovisuel bricolent beaucoup plus avec les images et ça se voit. Quand je parle de professionnels de l’audiovisuel, je parle surtout des monteurs et des journalistes, car ce sont eux qui sont au bout de la chaîne. En gros, le journaliste (je dis journaliste parce qu’ils sont souvent issus des rédactions de journaux télévisés) est chargé de construire le résumé et le monteur de le rythmer. L’extrait que j’ai utilisé lors du décryptage C’est que des menteurs est de ce point de vue exemplaire. Il s’agit d’une émission quotidienne de la saison 6 de la Star Academy, avant la finale. Il ne reste donc que deux candidats, Cyril et Dominique, et la production pour les occuper un peu a eu la bonne idée de
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faire revenir deux anciens du jeu, Jérémy et Michal. Dans une séquence, ces quatre jeunes gens se retrouvent dans la cuisine : les candidats préparent à manger pendant que les « anciens » leur prodiguent des conseils éclairés sur leur éventuel avenir dans le show-biz. Et c’est long : il n’y a pas de rythme dans les dialogues, les candidats sont mous et Jérémy accapare la parole. Notre duo journaliste-monteur n’a donc pas grand chose à se mettre sous la dent. Il y a bien quelques dialogues qui rompent la monotonie, mais ils ne se suivent pas forcément dans la conversation. Intervient le monteur et son savoir-faire : il enlève les parties pas intéressantes de la conversation et raccorde les parties intéressantes. Ce raccord est fait de telle façon que le dialogue semble continu et le téléspectateur n’y voit que du feu. Malin, non ? Explication en plans : La fin d’une réponse de Jérémy se passe en deux plans, un plan large (plan 1) avec tous les acteurs dedans et un plan poitrine de Jérémy (plan 2) qui finit sa réponse. Plan suivant, c’est un plan poitrine de Dominique (plan 3) qui pose une nouvelle question. Pour le début de la réponse de Jérémy, nous avons un plan poitrine de Jérémy (plan 4) et un plan large (plan 5). Si l’on s’arrête au dialogue, rien ne choque vraiment et tout semble cohérent. Mais si l’on observe les différents plans cités précédemment, on remarque une chaise manifestement douée de propriétés magiques au bord de la portefenêtre derrière Jérémy dans le plan 2 et qui quelques secondes plus tard dans le plan 5, se retrouve près de notre bon Jérémy, au milieu de la pièce. Cette technique n’est pas une invention de la télé-réalité ; on la retrouve partout dans les journaux télévisés, les talk-shows, les jeux télévisés, mais aussi le texte, la création radiophonique…, bref un universel de tous les médias qui ne sont pas en direct et qu’on appelle le montage. Ce n’est pas un crime, juste un outil technique et artistique. Ici, c’est la finalité du montage qui pose problème, la construction d’un faux sous l’apparence du vrai pour augmenter la rentabilité de la chaîne auprès d’un public jeune et peu formé à l’audiovisuel. Notre duo de choc journaliste/monteur guidé par les consignes de la prod’, peut ainsi à loisir rendre tel ou tel plus méchant, plus bête, plus gentil, plus affectueux, plus talentueux… Et orienter les votes des téléspectateurs pour mieux construire une audience et un audimat producteur de bénéfices publicitaires pour la chaine, propriété d’une des plus grosses entreprises françaises, habituée des contrats publics. Ce n’est pas « raconter une histoire » qui dérange ici, c’est la construction d’une économie du spectacle qui détourne les codes et les gestes de l’art dans un but étroitement lucratif : rendre la chaîne bénéficiaire pour ses actionnaires en ciblant particulièrement un public qui débute dans la connaissance de ces codes et de ces geste de l’art. Décrypter ici, dans une classe de CM1, ce n’est ni dénoncer, ni faire la leçon, c’est rendre apparent, ensemble, des constructions, des usages et des objectifs.
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Purikura : la cabine à exhibition de secrets Au Japon, à l’intérieur des salles d’arcade, on trouve de drôles de photomatons, les purikura. Reportage Le mot — qui désigne à la fois le nom de ce type de photographie et le nom des cabines— viendrait « d’une déformation à la japonaise » (wasei-eigo) de print club.
Les cabines sont généralement couvertes d’affiches répondant aux standards occidentaux de la beauté, chacune comporte un style et un nom en référence à la mode. Une séquence se déroule en plusieurs étapes (prise de vue, retouche et découpage), basée sur un temps et un rythme qui excluent toute personne ne pratiquant pas couramment le japonais.
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Une prise de vue sur une musique japonaise pop avec une voix suraiguë de jeune fille qui décompte Uan, Tsu, Surii, Pouzu (1 2 3 Pose) avant le déclenchement de la prise de vues.
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La sélection des prises de vues à l’aide d’un écran tactile dans une cabine plus petite.
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Grâce à plusieurs stylets et un outil de recherche, il est possible de mettre différents tampons et d’inscrire du texte. Après avoir sélectionné la taille et le nombre d’impressions, libre à chacun de se les expédier sur sa boîte mail.
Le purikura est majoritairement pratiqué par les adolescentes qui se promènent avec des albums de photo purikura afin de se les montrer ou de les échanger. Dans certaines salles d’arcade, des déguisements, des perruques ou des accessoires se louent afin de se travestir en héros de manga à la mode cosplay. Le purikura est fascinant tant sa fonction de rite de socialisation et de construction d’identité est évidente, assumée et glorifiée.
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Une semaine sans... sevrages et réappropriations Dans le milieu des années 90, une ambiance fin de siècle et une « semaine sans télé ». Flashback La semaine sans télé. Le milieu des années 90, une nouvelle frontière. La dénonciation moisie de « l’idiot-visuel » n’a plus cours. Sur le front proliférant des privatisations audiovisuelles, le tsunami de l’expansion médiatique des grands groupes industriels français allié aux innovations techniques plonge les spectateurs dans le tamis de canaux, chaînes et grilles de programmes de plus en plus nombreux et invasifs. C’est le temps de la concurrence et de l’abaissement des exigences, le temps de l’inconstance et de la coupure publicitaire. Nous vivons alors la fin d’une course folle. Nous traversons à pied le grand cycle des deux septennats Mitterrand sous influence berlusconienne et anglo-américaine, un grand bazar populiste et maffieux. Nous observons à l’œil nu la collusion du politique et du capital pour le contrôle partagé de l’information et du divertissement des temps nouveaux. Nous sommes les spectateurs, les fantassins, la piétaille. Nous sommes les parts de marché faussement décrites par les panels. Nous regardons la télévision, quand bien même elle nous regarde peu ou mal et, que, de plus en plus, elle met en scène les plus inconsistants d’entre nous. Nous nous souvenons parfois de l’ancienne télévision publique, l’ORTF, de ses qualités et de ses défauts. Nous nous souvenons des Shadocks ou de l’incroyable à vingt heures, la police vous parle. Nous regardons la télévision.
pas c Nous la regardons de plus en plus longtemps, confortablement, continuellement, en couleur et silencieusement – et aux dépends de qui et de quoi ? Certains nous croient totalement aliénés. Le quatrième élément. Métro, boulot, télé, dodo. Et seule une fraction d’entre nous font un autre choix et ne la regardent pas du tout. On ne sait pas bien dénombrer ces refuzniks de l’autoengendrement télévisuel. La possession d’un téléviseur n’est plus un privilège économique en France. Au contraire, les enquêtes indiquent la multiplication des téléviseurs, notamment dans les foyers populaires, le multi-poste, l’individualisation de la consommation télévisuelle. C’est entre ces deux extrémités apparentes, l’aliénation télévisuelle supposée d’une majorité d’entre-nous et une minorité anti-télé supposée elle-même sectaire, que, à quelques-uns, nous ouvrons au milieu des années 90 un espace de sevrage volontaire et temporaire, la semaine sans télé. Sans budget et sans le soutien de l’institution scolaire, un groupe d’enseignants propose à des collégiens qu’ils connaissent et à des gens qu’ils ne connaissent pas — ailleurs —, de ne pas regarder la télévision pendant une semaine sans pression, sans autre gain que l’expérience elle-même. Malgré (à cause ?) de l’indifférence de l’institution scolaire, la réponse des enfants est extraordinaire au sens où ils réalisent pour la plupart d’entre eux l’expérience, semant la confusion dans les familles – refus de manger devant la télé allumée, la plus emblématique des dissidences, discussion ou engagement des parents, de la fratrie, des voisins sur tout ou partie du sceptre télévisuel. De ce bref moment initial, immortalisé par une dernière page de l’édition nationale de Ouest-France, premier quotidien français, nous nous rappelons d’un abondant courrier de
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témoignages de gens, ici et là, qui, grâce à cet article font l’expérience du sevrage dans leur territoire quotidien, à leurs frais. Chaque expérimentateur a son idée, sa façon, son point de vue. C’est l’expérience même. Une semaine sans télé. Avec les élèves, nous avons accroché au wagon du sevrage, l’idée de travailler la matière télévisuelle elle-même. Les élèves ont enregistré chez eux sur des cassettes VHS – une autre époque, brigadier ! — des extraits d’émissions qu’ils regardent : ce qu’il veulent exactement, liberté totale de choix, un peu du minerai télévisuel qu’ils sortent de la mine. De notre côté, nous, enseignants, avons également sélectionné des extraits. Sur une cassette VHS, extraction d’une séquence Mangez des pommes / Jacques Chirac des Guignols de Canal+. De cette deuxième tranche de travaux, nous, enseignants et élèves, observons avec intérêt et déconstruisons le professionnalisme du monde de la télévision, son économie, ses métiers, ses usages, ses trucs, sa cuisine, ses cuistots expérimentés et ses faussaires patentés. Sevrage et déconstruction, le tout à vil prix, celui de l’expérience vécue pour elle-même, Montaigne et Rabelais auraient-ils fait mieux que nos collégiens banlieusards et ruraux d’une semaine sans télé ?
cap ! Le milieu des années 90, c’est aussi l’ouverture des nouveaux espaces numériques. Après le prophétique et trébuchant minitel, la multiplication des formes d’accès au « cinéma » à domicile (magnétoscope, puis vidéo cd ou dvd, puis home cinéma, téléchargement ou piraterie, plate-formes vidéo en ligne, web-télévision, web-séries, web-documentaire), les premières messageries électroniques, les listes de discussion, les forums et les réseaux sociaux, les jeux vidéo sur pc, en ligne ou mobiles, solitaires ou massivement multi-joueurs, les expansions fonctionnelles des téléphones portables et des ordinateurs embarqués montrent que la bulle télévisuelle que se disputent les grands de ce monde est fragile : attention, baisse tendancielle des niveaux de profit. La télévision oligopolistique est elle-même concurrencée par les nouveaux médias et la bulle de la nouvelle économie gonfle de son auto-célébration. Au bord de ce théâtre d’opération boursier, l’intellectuel paradoxal affirme que le spectateur n’est pas aussi aliéné qu’on veut bien le croire et que se développent des stratégies de variété infinie pour maîtriser, dérouter et rerouter le flux entrant d’images dans le domicile et le corps du spectateur. L’idée du spectateur émancipé, même mal émancipé, met à mal la métrologie des ressources publicitaires qui fonde la nouvelle économie télévisuelle. Comment mesurer la part de cerveau disponible quand le téléspectateur s’échappe et devient insaisissable, quand le spectateur recompose sa propre télé, sa matière, disputée, agglomérée aux nouveaux médias ? La « médiamétrie » et les autres artifices de la mesure d’audience acquièrent peu à peu un statut d’objets techniques douteux et soumis à la vénalité, à la corruption des grands opérateurs. D’autres proclameront la mort de la télévision, même si ce n’est pas vrai et que sa maîtrise, notamment
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auprès des couches les plus âgées de la population, les moins mobiles, est au milieu de la décennie suivante un outil de conquête du pouvoir pour celui qui décidera de nommer lui-même le directeur de la télévision publique. Une semaine sans écran. C’est étendre l’objet de l’expérience et tenter de sevrer nos corps pensants des nouvelles addictions. À la fin des années 2000, des écoles primaires parisiennes tentent la semaine sans écran avec la complicité d’une radio associative. Mais pouvons-nous réellement nous sevrer des écrans tant ils ont envahi notre espace de vie ? Ainsi sevrés, nous n’aurons plus argent, ni informations, ni communications, ni accès à nombre de circulations, plus même de détente, ni de jeu, nous serons data free. Nous entrerons dans la data loose. Nous aurons disparu dans l’espace même de la fracture numérique, pauvres et austères, peut-être riches d’autre chose. Il faudra être imaginatif et persistant. Échapperons-nous, le temps de ce sevrage, aux ruineuses caméras de vidéo-surveillance installées par nos politiciens farfelus et aux puces RFID qu’on nous incruste dans le lard et les avant-bras pour nous connecter bientôt à un nombre effroyable d’écrans ? La question prise au sérieux devient complexe et, à mesure que grandit le nombre d’écrans interconnectés dans la métapole, grandit le risque de l’accident technologique majeur, de l’accident sociétal. Une semaine sans écran ? Un accident majeur ou bien un acte antisocial, pourtant socialement utile, qu’il faudra combiner au travail de déconstruction, d’analyse de la filière des écrans, d’initiation à la sousveillance et à l’usage socialement utile des traçabilités d’intérêt public — la défense de nos droits et souverainetés. Une semaine écran(s), expériences & situations. Au cœur de l’ambivalence technologique, l’esquisse d’un avenir soutenable pour nous-mêmes et nos enfants peut se nourrir de ces expériences sur l’univers puissamment totalitaire des écrans du nouveau siècle.
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Ce qu’il y avait avant Avant l’apparition des écrans qui submergent désormais notre quotidien, il a existé des images projetées et immanentes fabriquées par des artistes et qui excitaient l’imagination des hommes. Exposé
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Écran n°1 : l’espace dans la fresque Cette fresque a été peinte par Fra Angelico vers 1440 dans une cellule du couvent San Marco à Florence. Pour nous, il n’y a presque rien, trois personnages sur un fond et, entre deux d’entre eux, un blanc ; on imagine bien que les personnages ont engagé un dialogue ; c’est la scène de l’Annonciation, un ange annonce quelque chose à un homme. Mais cette scène se révèle être l’écran de toutes les révélations pour les contemporains de Fra Angelico. Georges Didi-Huberman nous la commente dans son livre Devant l’image aux éditions de Minuit :
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Fra Angelico, Annonciation, vers 1440-1441. Fresque. Florence, Couvent San Marco, cellule 3.
school Ce blanc n’est pas « rien ». Il est visuel. C’est un événement. Il est matière. Il n’est en rien abstrait puisqu’il s’offre comme la quasi-tangibilité d’un face à face visuel. C’est « un mur sur le mur ». C’est un phénomène-indice, ce blanc est virtuel. L’histoire de l’art échouera à comprendre l’efficacité visuelle des images tant qu’elle restera livrée à la tyrannie du visible. Puisqu’elle est une histoire et puisqu’elle tâche de comprendre le passé, elle se doit de prendre en compte — au moins pour ce qui concerne l’art chrétien — ce long renversement : avant la demande il y eut le désir, avant l’écran il y eut l’ouverture, avant le placement il y eut le lieu des images. Avant l’œuvre d’art visible, il y a eu l’exigence d’une « ouverture » du monde visible, qui ne livrait pas seulement des formes, mais aussi des fureurs visuelles, agies, écrites ou bien chantées ; pas seulement des clés iconographiques, mais aussi les symptômes ou les traces d’un mystère. Mais que s’est-il passé entre ce moment où l’art chrétien était un désir, c’est à dire un futur, et la victoire définitive d’un savoir qui a postulé que l’art se déclinait au passé ? Cette surface ton sur ton, pierre sur pierre ne trouve-t-elle pas sa correspondance dans la saturation des murs d’images, résultat affiché de nos recherches d’images sur Google ?
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Écran n°2 : la véronique Lors de son chemin de croix vers le Golgotha, Yeshoua, autrement dit Jésus de Nazareth, suant, crachant et épuisé, s’effondre sous le poids de sa charge. Lors d’une de ces haltes, Véronique essuie son visage avec l’un de ses foulards. La légende voudrait que l’image du visage de Jésus se soit miraculeusement imprimée sur cette étoffe et l’imagerie chrétienne perpétue ce mythe, le transformant en icône de la passion. Reproduite des milliers de fois, cette image est appelée une véronique (ou Mandylion) et souvent les dignitaires de l’Eglise la faisait passer comme image archéopoïète, c’est à dire « non faite de la main de l’homme ».
Nous sommes donc devant ces rares, devant ces éminentes icônes ou reliques, comme devant la forme extrême d’un désir, fait image, de sortir l’image hors d’elle même… en vue d’une chair qu’elle glorifie et en un sens voudrait continuer. La structure paradoxale d’une telle exigence conditionne en grande partie l’aspect antithétique du vocabulaire utilisé pour décrire ces images. C’est un vocabulaire qui évoque déjà les avalanches de chiasmes et d’oxymores qui caractériseront toute la théologie négative et la syntaxe des mystiques. Ainsi le Mandylion fut-il, dès l’origine, qualifie de « graphique-agraphique » : façon de réunir en un seul objet des modèles sémiologiques hétérogènes ; façon d’imaginer des miracles sémiotiques, si l’on peut dire. L’effacement relatif — et désiré — de ces icônes avait notamment pour effet de mettre en avant leur caractère indiciaire, leur caractère de traces, de vestiges d’un contact, et donc leur caractère de « relique ».
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Sainte Véronique, Hans Memling (vers 1433–1494)
Sur n’importe lequel de nos écrans contemporains perverti par les procédés publicitaires, Véronique se dit John ou Marilyn. Pensez à cette publicité pour une automobile Citroën en 2010 dans laquelle est détourné le discours d’une interview de Lennon.
Écran n°3 : le monochrome Le roman La vie et les opinions de Tristram Shandy par Laurence Sterne est un OVNI littéraire. Ecrit entre 1759 et 1767, c’est un moment fondateur où la littérature se fait vision et fait apparaître — au cœur du roman dont la majeure partie consiste à faire s’exprimer le héros avant même qu’il ne naisse — une page entièrement noire, noire de l’encre d’imprimerie qui recouvre entièrement la page, sans défaut, sans lacune — le premier monochrome de l’Histoire. C’est un écran noir, un miroir noir dans lequel le lecteur disparaît. Mathieu Samaille, dans un article sur Tristram Shandy, fait cette remarque : Si la recherche du romancier préfigure la préoccupation d’une majorité d’auteurs de notre siècle, c’est qu’il prône la liberté de l’écriture, celle de l’imagination au service d’une représentation de l’existence. Miroir de l’humanité, l’esthétique de Laurence Sterne met en scène les possibilités de langage et montre avant l’heure que le roman peut dépasser l’usage exclusif de la parole qui ne suffit pas à témoigner des moyens d’expression humains. Ainsi intègre-t-il dans Tristram Shandy une page noire, une reproduction de marbrures, des dessins et autres schémas à valeur symbolique (ou simplement concrets !) tout en innovant une typographie qui, sous sa plume, devient un langage à part entière. Où l’on saisit mieux le dévoiement dans lequel nous nous trouvons lorsqu’à notre corps défendant, nous vivons l’immersion dans la couleur orange, celle de la firme Orange qui s’accapare, s’intitule, signe et trade-marque cette couleur.
copie d’écran, film publicitaire Citroën, DS2 2010
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reproduction inédite du monochrome issu du roman « la vie et les opinions de Tristram Shandy » par Laurence Sterne.
Écran n°4 : la camera obscura Roger Bacon (1212-1294) fait partie de ces moines anglais persécutés, grandes figures scientifiques de leur époque. Il est considéré comme un des pères de la méthode scientifique et pour lui, aucun discours ne peut donner la certitude, tout repose sur l’expérience. Il étudie l’optique et décrit dans ce texte des images projetées grâce à des miroirs : Des miroirs peuvent être disposés de telle sorte que des images, de ce
que l’on souhaite, apparaissent dans la maison ou dans la rue. Quiconque les apercevra les considérera comme réelles, et lorsqu’il courra vers le lieu où il les voit, il ne trouvera rien. Car les miroirs seront placés hors de la vue et de façon à ce que la position des images soit à l’extérieur et semble dans les airs au point où les rayons visuels rejoignent la perpendiculaire, et afin que ceux qui les voient courent en direction de l’endroit où ils voient les images et pensent que quelque chose existe où il n’y a rien, qu’une apparition. Ainsi, dans le même ordre d’idées, les points que nous avons évoqués sur la réflexion et d’autres questions semblables pourraient non seulement devenir utiles à nos amis et redoutables pour nos ennemis, mais également une source importante de consolation philosophique car toute la vacuité des fous pourrait être anéantie par la beauté des miracles de la science, et les hommes pourraient jouir de la vérité, et mettre de côté les faussetés des images. David Hockney, le merveilleux peintre de A bigger splash, a procédé à une grande enquête sur les procédés optiques utilisés par les peintres, de Vermeer et de l’ensemble des peintres du début de la Renaissance à Warhol, en passant par Ingres. Cette enquête est retracée dans un livre magistral : Savoirs secrets aux éditions du Seuil. Voici quelques extraits qui font le parallèle entre les procédés optiques anciens et les écrans contemporains.
Au début du vingtième siècle, la plupart des images étaient encore réalisées à la main par les artistes. En ce début de millénaire, seules quelques images sont encore exécutées de cette façon et des millions de gens regardent le monde
Fonctionnement de la chambre obscure, croquis David Hockney
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à travers des images obtenues avec une lentille. Mais ces images sont-elles la représentation fidèle de la réalité, comme on le croyait jadis ? La photographie — considérée longtemps comme vivante et réelle, comme non-affectée par la main de l’homme, a-t-elle engourdi notre vision, affaibli notre aptitude à voir le monde avec clarté ? [...] Les expériences que j’ai menées avec divers instruments et ma conviction que les projections optiques ont joué un rôle considérable dans l’art européen depuis le 15e siècle m’ont permis d’acquérir une vision différente de l’histoire de la représentation. Il existe un fil directeur entre Brunelleschi et les images actuelles. Van Eyck ne serait pas surpris par les images télévisuelles. Il vit des images similaires, en couleurs et qui bougeaient. Même les Chinois, aujourd’hui, regardent le monde à travers la fenêtre d’Alberti ! La projection optique domine le monde, mais elle n’est qu’une seule façon de voir le monde, une manière de voir qui nous sépare du monde extérieur. [...] Le point de fuite a permis l’invention des missiles qui de nos jours peuvent faire exploser la planète. Il se pourrait bien que les deux erreurs majeures de l’Occident soient « l’invention » du point de fuite extérieur et du moteur à combustion interne. Pensez donc à la pollution provoquée par la télévision et les embouteillages ! Écran n°5 : l’imaginaire Concluons par l’écran plat de Lewis Caroll avec 3D intégrée. Lewis Carroll dessine lui-même la Carte de l’Océan pour son livre La chasse au Snark, une carte rectangulaire immaculée, qui contient à elle seule toutes les informations, en tout cas celles que chaque lecteur veut bien imaginer. Les ingénieurs actuels de chez Sony, Samsung, Nokia, Thomson, Panasonic, Compaq, Hewlett Packard, Acer, IBM, et autres Apple sont vraiment des petits joueurs.
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Carte de l’Océan, Lewis Carroll, La chasse au Snark, 1876
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Ici le A « On ne vit pas dans un espace neutre et blanc, on ne vit pas, on ne meurt pas, on n’aime pas dans le rectangle d’une feuille de papier. » Philippe Calderon, Michel Foucault par lui-même, 2003
Des piles enneigées dans la ville. Des piles enneigées et la ville qui bourdonne tout autour. La neige se dépose sur les livres et les imprègne. Rouges. Une ville toute blanche. Des piles enneigées et dedans sont tous les livres. Rien en dedans, tout en dehors. La lettre s’écrit sur les murs, elle s’éclaircit la voix, elle crie. Ici le A. C’est une histoire qu’on lui a racontée. L’histoire d’une femme rencontrée sur internet. Elle écrit des messages qu’elle poste sur les forums, toujours la même histoire, toujours le même sens des mots. L’histoire commence par un appel à l’aide. Tu es la fille qui recherche. Tu ne sais pas encore ce que tu cherches ni si tu le trouveras. Mais il est arrivé quelque chose. Les forêts de pins succèdent aux forêts de pins, hypnotiques et nouvelles à chaque ligne. Les avancées d’arbres tracent des courbes insidieuses, sans que l’on s’en rende compte, la vitesse de la voiture augmente et la lumière chancelle. Tu es perdue dans la forêt profonde, dans les clairières rouges, les chemins coupe-feu se dématérialisent, ils t’apparaissent comme ce qu’ils sont, de larges cicatrices sur la peau, des ruptures dans la densité presque surnaturelle des arbres. Absence de corps, obscure clarté, jeux d’ombres, il existe une cartographie intime que compose une géométrie variable, des formes qui s’imbriquent les unes dans les autres et se distinguent autant par les textures que par les couleurs. Pour celles d’entre elles qui sont les plus éloignées en distance, les plus distinctes dans l’architecture générale, on trouvera des zones intermédiaires, très blanches, des espaces courbes et des espaces recroquevillés qui fonctionnent comme des tunnels dans la structure et permettent aux figures les plus éloignées de se rencontrer, de se découvrir et de s’aimer. Ce serait l’histoire d’une femme et d’une fille qui a à peu près ton âge. Tu fais de mauvais rêves. Les fruits ont poussé un peu partout sous le sommier, sur le lit, dans les draps. Elle ne bouge pas. On fait des récoltes. On aide le fantôme à ramasser les fruits tombés sous les arbres. Le continuum de la pensée, comme ça, sans interruption. Tu es le fil discontinu de tes pensées. Les fruits poussent un peu partout dans ton désir. Tu le suis avec ta main, le retiens encore un peu. Autant que possible. C’est arrivé comme ça. Sans que tu t’en aperçoives. Tout ton chargement de fruits est tombé avec elle. La petite fille caresse la neige noire. Le rouge et le blanc du miroir. Le miroir reflète le monde tel qu’il est. Répond aux questions que l’on ne se pose pas. Ne peut pas mentir. La petite fille est attablée avec sa mère. Elle trempe ses mouillettes dans l’œuf cocotte. La fenêtre tranche nette dans la clarté du dehors. Regarde la neige bouger dans le cadre. Le père a posé sa main sur les cheveux de la petite. Noirs comme l’ébène. C’est une petite fille qui vit sans protection. Il y a pourtant la maison et la présence du père. Les flocons de neige qui tamisent le paysage. Il s’agirait de cela. Comment elle s’invente un monde en dehors. Comment
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defrag elle investit ce monde et qu’il devient une partie d’elle-même. C’est la fillette cachée derrière le paravent des intuitions premières. Elle traverse le monde comme une langue étrangère. Elle a besoin des images pour se construire. Ce serait le livre qui devient l’écran de la subversion. La subversion passe par les images. Elle découvre le livre avec le A tracé au milieu. A comme commencer à lire, la langue des images à travers le livre. Elle est comme enfermée dans le livre, c’est un talisman qui la protège. Encore, elle redessine l’histoire. La reine se place face au miroir, laisse traîner ses doigts sur la surface vibratile. La réponse ne se fait pas attendre. À travers le disque opaque, une scène se dessine. La nébuleuse révèle un paysage. C’est un pays de bocage où les arbres foisonnent. Les femmes se baissent et moissonnent. On n’entend que le bruit des jupes qui se froissent et les épis qui tombent en silence. Une voix se lève : « Petit miroir, petit miroir chéri, quelle est la plus belle de tout le pays ? » Le tableau se dilate, laisse place à une nouvelle apparition. Il fait très froid tout à coup. Le linge pend aux fenêtres. Linge dans lequel l’eau cristallise, l’eau du linge qui est cristal à cause du gel. De la lune toujours glacée dans le ciel. Gouttes. Quelques gouttes sur la ville, ou poignées de cristal. L’air froid pénètre la maison. Sur les piles de livres. Rouges. La fillette a trouvé quelque chose dans la neige. Carton plein de livres, à craquer, ramolli par la nuit et l’humidité de l’air. Jeté comme ça, au hasard, lancé peut-être depuis un camion ou une voiture. Seuls, éparpillés sur la chaussée, devant la porte cochère. Dans sa petite main rouge, elle soupèse, lit les titres. Scarlet. Sur la couverture en majuscule, la lettre d’or. Ici le A. Genèse du A, apparition, effacement, surgissement. Croissance par le milieu. Comment il germa dans la langue, comment il habite la langue et éclot dans la langue des personnages dont c’est ici l’histoire.
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o(e)uvroir De « l’invention de Morel » à « second life ». Connexions Pour un persécuté, pour vous, il n’y a qu’un endroit au monde, mais on n’y vit pas. C’est une île. Des Blancs y ont construit, vers 1924, un musée, une chapelle, une piscine. Les bâtiments sont terminés, abandonnés. De la littérature à l’écran, qu’est-ce qui fait qu’une œuvre littéraire s’ouvre potentiellement à la ré-interprétation et à la re-création visuelle et virtuelle ? Si l’œuvre de départ est déjà une « reprise » et qu’elle met en jeu une deuxième réalité, holographique, nul doute qu’elle a de quoi s’offrir une seconde vie. L’invention de Morel de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares, contemporain et collaborateur de Borges, est une fable publiée en 1940 qui en a inspiré plus d’un. À commencer par Alain Resnais qui en 1961 remporte le Lion d’or avec le film L’année dernière à Marienbad.
La vie de fugitif m’a rendu le sommeil léger : je suis sûr de n’avoir entendu arriver aucun bateau, aucun avion, aucun dirigeable. Et pourtant, en un instant, dans cette lourde nuit d’été, les flancs broussailleux de la colline se sont couverts de gens qui dansent, se promènent et se baignent dans la piscine, comme des estivants installés depuis longtemps à Los Tecques ou à Marienbad. Dans ce film, qui n’a d’ailleurs jamais été tourné à Marienbad, un homme tente de convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison.
Et voilà qu’à présent […] je caresse l’espoir de la proximité bienfaisante de cette femme indubitablement belle. J’ai confiance que, pour moi, la difficulté la plus grande sera instantanée : triompher de la première impression. Cette image trompeuse de moi-même ne l’emportera pas sur moi. En 2003, l’artiste japonais Fujihata développe un environnement immersif qui reprend le principe à l’œuvre dans L’invention de Morel. Là où Casares trouble le lecteur en l’incluant dans le fonctionnement du roman, installant le doute — déjà lu/vu ? — et invitant à la relecture, Fujihata trouble le positionnement du spectateur et du « preneur de vue » en les incluant dans une vaste image cylindrique par le biais d’une caméra panoramique, tout en étant lui aussi présent dans l’image, récitant des extraits du roman de Casares.
Je tâtai ma poche : je sortis le livre ; je les comparai : ce n’étaient pas deux exemplaires du même livre, mais deux fois le même exemplaire ; avec la même tache d’encre bleu ciel entourant d’un nuage le mot Perse, la même déchirure oblique sur le coin inférieur de la page de garde, dans un pli... En 2003 toujours, Second Life crève les écrans en révélant un monde 3D qui permet à ses utilisateurs d’incarner des personnages virtuels dans un univers qu’ils créent eux-mêmes sur la base d’une monnaie virtuelle, le Linder dollar, néanmoins convertible en US dollar.
Ce que je viens de dire est absurde, pourtant je crois pouvoir vous en donner la justification. Qui ne se méfierait pas d’une personne qui viendrait lui dire : Moi et mes compagnons nous sommes des apparences, nous sommes une nouvelle sorte de photographies ?
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« Le mot kitsch désigne l’attitude de celui qui veut plaire à tout prix et au plus grand nombre. Pour plaire, il faut confirmer ce que tout le monde veut entendre, être au service des idées reçues. Le kitsch, c’est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l’émotion... Vu la nécessité impérative de plaire et de gagner ainsi l’attention du plus grand nombre, l’esthétique des mass média embrasse et infiltre toute notre vie, le kitsch devient notre esthétique et notre morale quotidienne. »
Milan KUNDERA Discours prononcé lors de la remise du prix Jerusalem 1985
clash C’est sur Second Life qu’en 2008, alors âgé de 87 ans, le réalisateur et bricoleur multimédia Chris Marker crée un archipel virtuel baptisé Ouvroir. Sur cette île qui n’est pas sans écho à celle de Morel, il bâtit un musée avec une salle de projection, exposition de photos et installations vidéos.
[7:30] Iggy Atlas — Comment présenteriez-vous l’œuvre de votre vie, la somme de vos bricolages, à un jeune qui ne connaîtrait pas Chris Marker ? [7:30] Sergei Murasaki — Je lui dirais de lire L’Invention de Morel et d’aller au cinéma. [7:30] Iggy Atlas — Pour voir quoi ? [7:31] Sergei Murasaki — Au hasard, en oubliant tout ce qu’on lui a dit de voir. De la possibilité d’un texte, à ces inventeurs insulaires d’œuvres ouvertes.
Extraits de Adolfo Bioy Casares, L’invention de Morel, 1940, et d’une interview réalisée dans Second Life par Les Inrocks en avril 2008.
http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/article/la-seconde-vie-de-chris-marker/
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4chan vs Tumblr, la guerre n’aura pas lieu (ben si, en fait :D ) Les memes ne sont pas ce qu’on croit. Newfags et Old Anonymous s’écharpent. Émergence d’un nouveau lexique C’est trending sur Twitter en ce moment même et l’attaque est prévu pour demain. Tout Tumblr flippe bien sa race alors qu’il ne se passera rien. Aujourd’hui 4chan est en Trending Topics sur Twitter. Ce qui n’est, généralement, pas bon signe. Que se passe-t-il ? C’est simple. 4chan (en particulier /b/) accuse les bloggers de Tumblr de leur « voler » leurs memes. C’est ni plus ni moins qu’une crise du lien frais, une crise du « trouveur » : Tumblr reprend des memes créés sur 4chan sans les citer. Pas sympa, mais le principe du meme — et de la culture « remix» — c’est qu’ils n’appartiennent à personne justement. Donc on trouve sur 4chan une série de 3 images décrivant les 3 étapes de « l’Opération Overlord », qui est sensé être le protocole à suivre par les anonymous afin de gagner la guerre contre Tumblr.
[...] La première phase consiste à se créer un compte, suivre et se faire suivre par des gens, et dumper du gore, du porn et du CP. La seconde phase appelle au piratage pur et simple de certains « gros » Tumblr. Enfin, la dernière étape, sensé avoir lieu demain, consiste en un DDOS sur Tumblr. Je ne doute en aucun cas de la capacité des Anonymous à réaliser ces exploits, s’étant illustrés dernièrement dans des DDOS en série sur les sites des ayantsdroits américain. Mais Tumblr srsly ? Not gonna work. Relativisons un peu maintenant. D’abord, le prétexte de la « guerre » n’est pas valable. Ou alors beaucoup plus profond que ça. Cela n’importe peu aux /b/tards si l’on diffuse leur culture, même si ça les embête un poil de devenir mainstream. Les forces de 4chan sont : une communauté très exclusive et élitiste, un langage propre presque vernaculaire, et surtout une philosophie : lurk more. C’est à dire : passe des mois, des années à « lurker », à parcourir les threads, à utiliser le noko, le sage, les fonctionnalités techniques de la board, à comprendre les private jokes, à connaitre les memes, l’histoire de /b/, qui sont ou ont été les personnages clefs de /b/ etc. Bref, pour devenir un Anon, il faut des années. Et ça fait partie du rite initiatique de la communauté : pour être digne de prendre la parole et d’être écouté, il faut connaître le protocole sinon tu es un newfag. La majorité des personnes qui blog sur Tumblr sont de jeunes internautes, des hipsters, qui comprennent tout à fait l’humour d’un meme, mais qui sont des « nouveaux-nés » sur internet, c’est en tout cas l’impression qu’en a 4chan.
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non-sens
Des internautes lambda, qui blog sur une plateforme extrêmement simple d’utilisation, n’ayant aucune connaissance technique et surtout, pour la majorité, n’ayant aucune espèce d’idée de ce qu’est 4chan. Rajouter à cela que récemment, la communauté Tumblr s’est amusée à flooder Omegle (C’est chatroulette, mais avant) avec son « What is Air » alors que Omegle, merde, c’est le bac à sable de 4chan pour pécho. Ignorer 4chan, volontairement ou non, est la pire des insultes pour ces hackers de l’attention que sont les Anonymous. Voilà pourquoi /b/ serait vexé. C’est en tout cas ce que je pensais.
En fait, /b/ n’en a juste rien à foutre. De DDOS il n’y aura pas, il doit à peine y avoir 30 mecs qui vont lancer le soft LOIC : ce qui n’a rien à voir avec un vrai DDOS étant donné que Tumblr n’est pas un petit blog perso hébergé chez OVH, mais une vraie boîte, avec des gros serveurs.. Le vrai problème dans cette histoire, et j’en avais déjà parlé, c’est qu’il faut arrêter de croire que 4chan est le même imageboard qu’en 2005. Le principe de l’anonymat, c’est qu’il disparaît à partir du moment où l’on commence à en parler. Si l’on demande à un vieux de la vieille de 4chan ce qu’il pense de tout ça, il nous dira invariablement que /b/ meurt lentement du cancer qui le ronge, que ce cancer, c’est les puceaux du web, les newfags qui ne respectent pas les règles internes, qui n’ont aucune connaissance informatique, totalement incapable de hacker quoique ce soit. Tiens on retrouve la description de nos hipster sur Tumblr.
Si l’on devait résumer la situation on aurait ça : Une douzaine de newfags essaye de hacker Tumblr, ils se font tailler par les Old Anonymous. De l’autre côté, toute la communauté Tumblr commence à flipper en pensant que « cette chose abstraite qu’est 4chan » s’apprête à les attaquer. Tumblr et Twitter sont assez liés pour que 4chan finisse en Trending Topic, défonçant la 1ère et 2e rule d’internet. Ce qui est drôle finalement dans cette histoire, c’est que 10 adolescents, en faisant 3 pauvres images sur photoshop et en utilisant la réputation de 4chan, ont réussi à faire ce que les Anonymous font de mieux : troller. Edit : L’attaque est sensée avoir lieu dans 5mn. Tumblr continue de flooder /b/ et les newfags ne sont décidément pas assez nombreux pour faire tomber Tumblr. Wait&See.
Edit 2 : Ironie du sort, à 23h10, soit 10 mn après que 4chan ait tenté le DDOS sur Tumblr, les blogger ont tellement floodé /b/ que les mods, préventivement, se sont mis à « 404 d » la moitié de la board en supprimant systématiquement les posts. Autant vous dire que les vannes vont bon train sur Tumblr. Alors oui, c’est une tempête dans un verre d’eau : Une sorte de match Geugnon – Plabennec dont seuls les habitants de ces charmantes villes peuvent en avoir quelque chose à foutre. Comme on me l’a fait remarquer sur Facebook.
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N’empêche que cet évènement fera date dans ces communautés, car pour une institution aussi vieille que 4chan, une défaite ne fait que confirmer ce que les Anons prédisent à qui veut l’entendre : Its not Lupus, its cancer. U mad /b/ ? En attendant : Also dernier edit : DDOS de Tumblr sur la home de 4chan (ils auraient dû viser /b/) qui est down. Dernier dernier edit (promis) : Les deux sites finissent down, à égalité. Des petits malins de Tumblr se sont amusés à modifier les posters « Opération Overlord » et à remplacer l’ip de Tumblr par celle de 4chan. Si bien qu’au lieu de DDOS le site de blogging, les Anons ont ciblé leur propre board. Ironic ?
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Ce livre est le fruit d’un travail de sousveillance. La sousveillance, également appelée surveillance inverse, est un terme proposé par Steve Mann pour décrire l’enregistrement d’une activité du point de vue d’une personne qui y est impliquée, souvent réalisée par un objet enregistreur portable. La sousveillance, la surveillance inverse, consiste à « surveiller la surveillance » en analysant et en surveillant les systèmes de surveillance eux-mêmes et les autorités qui les contrôlent. Elle est souvent conduite par les personnes surveillées (par exemple les prisonniers), mais peut également constituer une forme d’ethnographie ou d’ethnométhodologie. à la criée est une maison d’édition coopérative nantaise et rezéenne. à la criée produit dans des formes économiques alternatives des livres originaux et rares, entre géographie, politique et poésie pas loin des autres arts, du ciel et du trottoir — entre oralité et multimédia : lectures à l’électricité ou à voix nue, performances, interstices de créations. a.la.criee@free.fr | http://www.alacriee.org L’association 44 Les pieds dans le PAF (pour Paysage Audiovisuel Français) est née en 1991 en réaction à la dérive de la télévision commerciale : devenir acteurs du PAF, se réapproprier le premier média d’information et de divertissement, que celui-ci devienne un véritable outil de cohésion sociale, qu’il fasse entendre la parole des téléspectateurs. http://www.piedsdanslepaf.com
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Les contributeurs : [p. 10, p. 56] Frédéric Barbe est géographe, auteur et éditeur. Dernier texte paru : Les fleurs du Mali de Charles Baudelaire (à la criée, 2011). frederic.barbe@free.fr
[p. 14] David Dufresne est journaliste indépendant et webdocumentariste. dufresne@davduf.net | http://prisonvalley.arte.tv | http://www.davduf.net
[p. 16] Cat Ouvrard est édukritique. catouvrard@numericable.fr
[p. 18] Benjamin Mauduit est coordinateur de L’ÉclectiC Léo Lagrange Ouest, pépinière d’initiatives jeunesse ressources multimédia à Nantes. www.eclectic-leolagrange.org
[p. 20, p. 26, p. 70] Catherine Lenoble est auteure, membre du collectif à la criée, contribue régulièrement à des projets de revues on-off line (Passages d’Encre, Ce Qui Secret, Nécessaire). catherinelenoble@gmail.com | http://www.petitbain.net | http://www.renum.net/leblog
[p. 24] Christian Gautellier est directeur du Département « Enfants, Écrans, Jeunes et Médias » des CEMEA. http://www.cemea.asso.fr
[p. 28] Christophe-Emmanuel Del Debbio est documentaliste, réalisateur, photographe. Il anime également des ateliers de décryptage des médias. http://www.deldebbio.net
[p. 34] Barbara Morovich, anthropologue, travaille à l’École d’Architecture de Strasbourg et intervient dans l’association Horizome qui fédère des artistes, des anthropologues et des urbanistes. Horizome s’installe dans le quartier populaire de Hautepierre en 2009. barbaramorovich@yahoo.fr | contact@htp40.org | http://www.htp40.org/v2
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[p. 38, p. 60] Marc Vayer est enseignant en arts appliqués et design graphique, graphiste. marc.vayer@numericable.f | http://mcmarco.tumblr.com
[p. 42] Emmanuel Lemoine est un des artisans du magazine étudiant Europa, basé à Nantes. emmanuel.lemoine@journaleuropa.info | http://www.journaleuropa.info
[p. 44] Marité Léachat est journaliste à La lettre à Lulu, en charge de la rubrique médias, ménages et addictions. webmaster@lalettrealulu.com | www.lalettrealulu.com
[p. 46] Julien Paugam animateur de l’association 44 Les pieds dans le PAF intervient en milieu scolaire et socio-éducatif pour des ateliers de décryptage des images. j.paugam@piedsdanslepaf.org | http://www.piedsdanslepaf.com
[p. 52] Laurent Neyssensas a abordé des genres aussi variés que la photographie scientifique, d’archéologie ou la prise de vue publicitaire. Parallèlement à son activité professionnelle, il mène seul ou en groupe une pratique artistique autour de la photographie et plus généralement de l’image. laurent@neyssensas.com | http://neyssensas.com
[p. 68] Marie de Quatrebarbes est née en 1984. Elle vit et travaille à Paris. Elle a publié précédemment dans les revues Petite et Neige d’août. Elle a un chat qui s’appelle Éon. marie.dqb@gmail.com
[p. 72] Sylvain Paley sylvain.paley@gmail.com | http://paperboyz.fr
Les illustrations courantes ont été réalisées par les étudiants du BTS Communication Visuelle du lycée Léonard de Vinci de Montaigu. Léa Rivalland p. 8, 75 / Anne Branger p. 9 / Caroline Varon p. 21 / Justine Le Ster p. 22 / Gaël Le Guirinec p. 23 / Yann Bastard p. 49 / Camille Guillet p. 50, 59/ Thimotée Letourneux p. 51 / Margaux Darcel p. 68, 69.
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Cet ouvrage a été composé en caractère Meta [Erik Spiekermann 1985/1991], les titres en caractère Officina [Erik Spiekermann/Ole Schafer 1990/1998] design graphique : Marc Vayer - Merci aux étudiant(e)s de B.T.S. Communication Visuelle du lycée de Montaigu. Illustrations cinético-glitch / couverture : Arnaud Chauveau ; 4e : Morgane Planchenault.
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collection
AVERTISSEMENT POUR MIEUX ASSURER VOTRE SÉCURITÉ, DES DISPOSITIONS ONT ÉTÉ PRISES ET DES CONTRÔLES SONT EFFECTUÉS.
achevé d’imprimer par dépôt légal : numéro d’impression : Imprimé en France
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Archip[ix]els de tous les pays, diversifiez-vous ! Expérimenter et créer des situations dans les sections magmatiques télévisuelles et les neiges éternelles des écrans. Tisser, lier, couper, déchirer, produire, se retirer, jouer, se mettre en jeu. Tout public. Ce livre est un projet collectif multimédia.
1 978-2-919635-03-0
éditions à la criée - 10 €