M.V.
TYPOLOGIE GÉNÉRALE DES MODES DE REPRÉSENTATION DE L’ESPACE à l’usage des 1STD2A
Marc VAYER - février 2014
Moëbius
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 1
TYPOLOGIE GÉNÉRALE DES MODES DE REPRÉSENTATION DE L’ESPACE à l’usage des 1STD2A
A - Architecture, images graphiques et peintes /
page 3 à 9
par Gérard Monnier / in « Dictionnaire mondial des images » sous la direction de Laurent GERVEREAU. Nouveau monde éditions. / iconographie rassemblée par Marc Vayer
B - Fiches récapitulatives des modes de représentation /
page 10 & 11
organisées par Marc Vayer
C - La perspective cavalière / exemples et construction /
page 12 & 22
page 21 : source : http://joho.monsite.orange.fr page 22 : exercice
D - L’axonométrie et l’isométrie / exemples et construction/
page 23 & 33
page 33 : exercice
E - Petite histoire de la perspective /
page 34 & 38
par Marc Vayer page 39 : L’expérience de Brunelleschi
F - Perspective à points de fuite / exemples et construction/
page 40 & 53
page 47 à 53 : informations rassemblées par Alain Capdeville
G - La fabrique des images /
page 54 & 55
par Philippe Descola / H - Quatre crucifixions /
page 56
exemples rassemblés par Marc Vayer
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in « Dictionnaire mondial des images » sous la direction de Laurent GERVEREAU. Nouveau monde éditions.
ARCHITECTURE
Images graphiques et peintes par Gérard Monnier
Docteur es-lettres, professeur émérite d’histoire de l‘architecture contemporaine, Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne). Fondateur de Docomomo-France (1992-2002). Derniers ouvrages publiés ; Le Corbusier, Les Unités d’habitation, hd. Belin, Pans, 2002 ; La porte, instrument et symbole, collection « Lieux-dits », Ed. Alternatives, Paris, 2004 ; l’architecture du XXe siècle, un patrimoine, collection « Patrimoine références », Créteil, SCEREN-CNDP/CRDP Créteil, 2005.
REPÈRES Vers 1260 : dessin en géométral de l’élévation de la cathédrale de Strasbourg. Vers 1350 : à Sienne, le dessin en géométral fait une place à des indications picturales (couleurs, ombres) ; la vision de bâtiments à trois dimensions stimule les peintres en Italie. 1416-1425 : premières mises au point à Florence de la perspective savante : Brunelleschi, Masaccio, Ghiberti, Donatello. 1486 : débute l’édition à Ratisbonne de petits traités pratiques illustrés pour les métiers du bâtiment. 1521 : première édition illustrée de Vitruve à Milan. 1749 : Panini et les images de Rome ; la peinture d’architecture comme genre : l’architecture au pinceau. Piranese et les carceri. 1780 env. : mise au point des codes de la représentation académique à l’école des Beaux-Arts : dessin en géométral, expression peinte.
Plan et élévation du puit de la cathédrale de Strasbourg
1850 et après : Viollet-le-Duc s’écarte de ces normes et privilégie la perspective. 1880 env. : Le dessin technique développe en Allemagne et aux Etats-Unis l’image axonométrique pour la représentation des machines et des installations techniques ; Choisy illustre de cette façon son Histoire de l’architecture. 1900-1910 : sous l’influence du dessin de mode et des décorateurs viennois. Le dessin d’architecture découvre l’élégance d’un style graphique épuré. Image issu du procécé photogrammétrique. Google 2000.
1904-1917 : les études de Tony Garnier pour « Une cité industrielle » consacrent un retour à la perspective. 1920-1930 : les architectes modernes adoptent l’axonométrie, conforme à la volumétrie des édifices ; en 1923, l’exposition des dessins du groupe de Stijl à la galerie Rosenberg à Paris joue un rôle dans la diffusion de ce procédé. 1925 et après : le style graphique de Le Corbusier. 1970 et depuis : la photogrammétrie appliquée à l’architecture ; mise au point et développement des procédés du dessin numérique. 1975 : exposition de 160 dessins (dessins de concours, envois de Rome) : « The Architecture of the Ecole des Beaux-Arts », MoMA, New York ; début d’une série d’expositions sur l’architecture et ses images.
Dans sa fonction primitive, l’image dessinée d’un édifice est un dessin technique, en géométral, nécessaire dans 1e processus d’élaboration d’un projet de construction. Depuis la fin du Moyen-Âge occidental, et à partir du moment ou l’architecture devient un art majeur, la fonction de l’image de l’édifice est dans la présentation du projet, puis dans la représentation des édifices construits. Les procédés de représentation se perfectionnent, et l’image de 1’architecture constitue au XVIIIe siècle un art.
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Les images des édifices au Moyen Âge Peu de dessins antérieurs au XIIIe siècle subsistent, comme le plan de l’abbaye de SaintGall, en Suisse ; on peut penser que le tracé au sol du plan suffisait alors pour élaborer 1e projet d’un édifice, dont l’élévation se déduisait, peu ou prou, du plan. À partir de l’âge gothique, le besoin du dessin des élévations augmente ; les dessins de Villard de Honnecourt, au XIIIe siècle, sont caractéristiques de cette demande d’informations sur ce qui se construit. Le tracé linéaire du géométral permet de détailler les élévations (élévation des travées de la cathédrale de Reims) ; vers 1260, sur le chantier de la cathédrale de Strasbourg, on met au point de grands dessins des élévations, conservés depuis. On note que la contamination du dessin technique par les procédés de la peinture (couleurs, ombres) débute à Sienne au XIIIe siècle. Par ailleurs, la décomposition des éléments d’une construction, dans un code intellectuel précis (plan, élévation, coupe), si elle satisfait la pensée technique, ne répond pas au besoin d’une représentation synthétique. La nécessité d’une image dans l’espace se précise alors ; la pratique des vues en perspectives par les peintres, dans les manuscrits les plus luxueux, est un raffinement (vers 1410-1430, vue en perspective de la tour de Babel dans le manuscrit des Riches Heures du duc de Bedford) ; elles répondent aux besoins du récit par l’image d’un espace complexe et vraisemblable.
Plan de l’Abbaye de St Gall. XIIIe
Tour de la cathédrale de Laon. Villard de Honnecourt. XIIIe
Riches heures du Duc de Bedford. 1410-1430
Les images des temps modernes C’est à Florence, vers 1420, autour de l’architecte Brunelleschi, que les artistes mettent au point une perspective savante, fondée sur une construction géométrique de fuyantes et sur la mesure décroissante des dimensions dans la profondeur simulée. Cette science conduit à la promotion des arts du dessin au statut plus noble d’un art libéral. Les peintres (Masaccio, Fra Angelico) et les sculpteurs (Ghiberti, Donatello) donnent un cadre architectural nouveau aux scènes de l’histoire sainte ; l’expansion de cette maîtrise est rapide : en 1437, dans « la Sainte Barbe », Van Eyck montre avec une perspective raffinée le chantier d’une cathédrale. À la fin du XVe siècle, le célèbre panneau anonyme de la Ville idéale (Baltimore) montre 1’impact de la perspective sur l’esthétique de la monumentalité urbaine. Pour les architectes, la maîtrise de la perspective permet une communication claire avec les professionnels comme avec les profanes, comme ce dessin à vol d’oiseau du projet de Saint-Pierre de Rome par Baldassari Peruzzi, qui montre à la fois le plan complet et les fragments de la construction nécessaires pour faire comprendre la structure et les volumes.
Sainte Barbe par Van Eyck. 1437
Ville Idéale (anonyme). XVe
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Ces nouveaux savoirs, qui modernisent d’un coup les arts de l’image en Occident, sont relayés par les gravures dans les ouvrages imprimés ; à la fin du XVe siècle, à Ratisbonne, les imprimeurs allemands éditent des traités pratiques pour les métiers du bâtiment, ou la perspective est présente. S’appuyant sur la mesure et le dessin des relevés des vestiges antiques, à Milan, Cesare Cesarino illustre et édite en 1521 le traité d’architecture de Vitruve, inaugurant la longue série des traités d’architecture, sous 1’autorité des grands architectes du XVIe siècle (Serlio, Palladio, Vignole), qui codifient l’usage des ordres. En 1673 et en 1684, c’est la double édition par Charles Perrault de Vitruve, illustrée et commentée, qui représente le sommet de cette édition savante, qui stimule une extraordinaire émulation en Allemagne comme en Angleterre, ou elle est à I’origine du paliadianisme anglais. C’est le moment d’une prise de conscience des ressources spécifiques des différentes techniques du dessin : « Les figures sont de trois espèces, il y en a qui n’ont que le premier trait pour expliquer les mesures et les proportions qui sont prescrites dans le texte ; les autres sont ombrées pour faire voir l’effet que ces proportions peuvent faire étant mises en œuvre, et pour ces mêmes raisons quelques-unes de ces figures ombrées ont été faites en perspective, lorsque l’on n’a pas eu l’intention de faire connaître ces proportions au compas, mais seulement au jugement de la vue. » Charles Perrault, Introduction au Vitruve . L’étape suivante est dans la représentation, par le dessin et par la gravure, des nouveaux édifices construits : que ce soit le Capitole de Michel-Ange, le nouveau Saint-Pierre de Rome, ou les château de l’aristocratie en France, la noblesse de ces architectures, comme le perfectionnement de leur dessin, fait l’objet d’une édition d’ouvrage et d’albums illustrés par des vues en perspective, qui sont diffusés dans toute l’Europe. L’image des édifices antiques est l’accompagnement obligé de la grande peinture classique ; cette mention un peu passive est relayée au XVIIIe siècle par une intense célébration de l’architecture par les peintres, lorsque ceux-ci font de la représentation des édifices, anciens ou modernes, un genre en soi. Cette démarche s’appuie à la fois sur le grand succès de la veduta, image pittoresque des sites existants, qui triomphe avec les peintres vénitiens, sur le prestige des réalisations du grand décor d’architectures fictives dans les églises romaines du XVIIe siècle, et sur les inventions des décorateurs du théâtre baroque (comme la dynastie des Bolonais Bibiena), qui ont porte l’art du décor illusionniste à un sommet. Toute une génération d’artistes fait de l’image peinte des bâtiments un art complet : après la Galerie de vues de la Rome moderne et la Galerie de vues de la Rome antique de Pannini (1691-1765) viennent les tableaux de Jean-Laurent Legeay (vers 1710-1786), de Pierre-Antoine Demachy (1723-1807), dont le tableau de réception à l’Académie royale est sans doute, en 1758, Un temple en ruines (musée du Louvre, Paris,). Le prestige du dessin d’architecture est alors à son comble, et la place que prend le lavis dans la technique du dessin impose alors la notion d’une « architecture au pinceau ».
Traité d’architecture de Vitruve. Cesarino. 1521
Fantaisie. Jean-Laurent Legeay. 1750
Galerie de vues de la Rome antique. Pannini. 1756
Un temple en ruine. Pierre-Antoine Demachy. 1758
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Basilique. Boullée. 1770
Carceri 14b. Piranese. 1761
Tandis que l’antiquomanie et la découverte des architectures non classiques étendent le champ du dessin des références documentaires, l’émancipation de l’image des édifices de toute finalité liée à l’art de bâtir est affirmée par les dessins et les gravures de Piranese (17201778). Après ses grandioses vues de la Rome moderne, sa vision de ruines inhospitalières et inquiétantes (les Carceri, ou prisons) est « un formidable appel à l’imagination » (D. Rabreau, p. 20), qui fait participer l’image architecturale, par anticipation, à la grande rupture romantique. Par un dessin suggestif, des dimensions gigantesques et une lumière crépusculaire, Boullée (1738-1799) et ses émules incarnent dans des images grandioses la place de l’architecte dans la production de l’utopie, prémices de la période révolutionnaire. Au point que l’Académie royale, en 1786, tente de réagir contre l’effacement de 1’image en géométral.
Les images de l’architecture au XIXe siècle
Les thermes de Dioclétien reconstitués. Edmond Paullin. 1880
Le tableau qui restitue l’édifice à partir d’un relevé des vestiges connaît son âge d’or (Edmond Paulin, Les thermes de Dioclétien restitués, 1880), en s’affirmant dans une spécialité qui reste à l’écart du défi que lance depuis 1850 la photographie d’architecture. L’unité des arts majeurs est célébrée par le tableau d’une anthologie des œuvres de l’architecte John Soane (Joseph-Michael Gandy, Architectural Visions, 1820) ; les textes de loi, entre 1793 et 1806 qui protègent le créateur des dessins et modèles, assurent la prééminence du travail de l’artiste sur celui du technicien. Formé sous l’Ancien Régime, le prestige de l’architecture au pinceau marque définitivement l’esthétique des projets de concours à l’école des Beaux-Arts ; ceux-ci fixent le modèle d’un style académique, qui s’impose dans les institutions du monde entier, et jusqu’aux premières décennies du XXe siècle. Si la suppression dans les concours de la représentation en perspective devient la règle, le dessin coloré des élévations, ou domine un équilibre entre trait et lavis, fait une place constante aux effets atmosphériques, aux indications de la végétation et à la morphologie du site ; le plan de l’édifice lui-même est traité comme un tableau. Les projets dessinés emphatiques répondent à des programmes à la fois ésotériques et élitistes, tel ce programme du concours pour le prix de Rome en 1932 « Une résidence d’été en montagne pour un dignitaire ecclésiastique ». Ils sont rendus montés sur un châssis, dans des formats gigantesques (4 à 6 m de long) adaptés à la forme du jugement des projets, exposés comme des tableaux. Ce primat d’une image à la fois forte et séduisante détermine le paradigme d’une réalisation construite à l’image du projet dessiné, typique du traitement du projet comme œuvre. Caractéristique de l’émergence des sciences et des techniques dans le siècle de l’industrie, c’est une toute autre approche du dessin qui marque la formation des ingénieurs ; dès la création de l’Ecole polytechnique, un de ses premiers professeurs, Jean-Nicolas-Louis Durand (1760-1834) prône une expression exclusivement graphique du dessin et une grande économie dans l’usage de la perspective. Cette nouvelle orientation est partagée par Paul-Marie Letarouilly (1795-1855), qui ramène de son voyage en Italie en 1820 un ouvrage, « Édifices de Rome moderne » (publié après 1840), marqué par l’abandon complet du lavis, et de tout effet pictural au profit d’un élégant dessin au trait. On peut penser que cette veine inspire encore la sérénité des dessins de Tony Garnier (1867-1948) pour Une cite industrielle (1917). La césure majeure vient à la fin du XIXe siècle, lorsque la tradition de l’image dessinée et peinte est confrontée d’une part à la photographie, d’autre part à la représentation de la troisième dimension par un nouveau système graphique, la perspective axonométrique. Connue autrefois sous le nom de perspective cavalière, méprisée pour ses conventions rudimentaires (pas de point de fuite), elle a un grand succès dans l’imagerie technique, dans le dessin des machines, etc. Sa position dans la hiérarchie culturelle est ennoblie d’un coup par la caution savante que lui apporte Auguste Choisy (1841-1909) dans son Histoire de l’architecture (1896), ou l’axonométrie démontre sa clarté didactique dans une représentation qui associe le plan et !es structures. On trouve des manifestations de l’intérêt des techniciens pour ce procédé dans les publications des entreprises : aux Etats-Unis B.-R Sturtevant Co, le pionnier du conditionnement de l’air, l’utilise pour la représentation des réseaux techniques du second œuvre (catalogue de 1906).
Histoire de l’architecture. Auguste Choisy. 1896
Cité industrielle. Tony Garnier. 1917
B.F. Sturtevant 1906
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Booth Residence. Franck Lloyd Wright. 1911
Mallet Stevens.1917
Contre-construction. Van Doesburg et Van Eesteren. 1923.
Sant’elia. Gare.1910
Mais ce sont surtout les professionnels du nord de l’Europe qui font de l’axonométrie au début du XXe siècle un outil étroitement intégré à une conception nouvelle de l’édifice et à son esthétique. À la commodité de la pratique d’un dessin réglé par des parallèles, à la concordance aisée du plan et des élévations, aux ressources que le procédé offre pour montrer des coupes partielles s’ajoute une étroite connivence de l’axonométrie avec la volonté de privilégier l’image de l’espace et non plus l’apparence de l’édifice, et de rompre avec l’esthétique d’une hiérarchie fondée sur la symétrie apparente et axée des élévations. À une vision qui faisait encore une place aux pratiques rituelles de l’espace noble (cérémonies, cortèges), l’image en axonométrie oppose une vision profane et matérialiste de l’édifice. L’axonométrie recoupe en effet plusieurs problématiques de la modernité : le dessin trame du plan, l’importance délibérée du toit-terrasse et de sa valeur d’usage, l’organisation des accès au sol. Le clivage est vers 1910 : les modernes déjà actifs à ce moment continuent pour la plupart à utiliser la perspective centrale (Wright, Sant’Elia, en France Sauvage et Mallet-Stevens); après 1920, l’utilisation de l’axonométrie devient dominante, y compris dans des agences ou l’attache avec le classicisme est connue (agence des frères Perret, après 1940). Si la manifestation la plus brillante des relations du procédé avec l’avant-garde est dans l’équipe du Stijl ou les contreconstructions suggèrent à la fois un espace et la nouvelle esthétique picturale abstraite, l’intégration à l’actualité de l’architecture se trouve en Allemagne, autour de Gropius, dans ses études de 1921 pour les maisons « standard », comme dans le fameux dessin isométrique d’Herbert Bayer pour le bureau de Gropius au Bauhaus de Weimar.
Le bureau de la direction du Bauhaus de Weimar isométrie. Herbert Bayer. 1923.
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La démarche d’Alberto Sartoris démontre l’étroite association de l’axonométrie avec le besoin d’une mise au point stylistique qui figure la nouvelle architecture ; alors que son projet de monument funéraire en 1924 suit la perspective classique, il fait l’expérience de l’axonométrie dans ses autres projets, et l’adopte systématiquement à partir de 1928, en la chargeant de donner au projet une identité conceptuelle. Curieusement, elle intervient de façon relative dans les édifices réalisés, comme si sa portée était surtout symbolique et esthétique, et destinée à constituer plus une image de marque qu’un procédé pratique. La pratique de l’image du projet chez Le Corbusier montre en effet que l’axonométrie, avec sa rigueur, n’est pas la panacée ; si elle convient pour figurer la complexité des volumes dans le projet pour le palais de la Société des Nations (1926), l’architecte préféré, dans la communication personnelle avec le client, le charme d’une simulation par la perspective classique (Lettre à Mme Meyer). Hannes Meyer le reconnaît explicitement : « J’ai pour règle de fournir une axonométrie plongeante de l’ensemble du projet. Comme elle reste à l’échelle dans toutes ses parties, elle montre l’organisation spatiale dans ses dimensions mesurables. Elle met en évidence les fautes de groupement des bâtiments. Je pense qu’il est important que la représentation du projet soit fidèle à la réalité de manière que chacun, dans les masses, puisse la comprendre immédiatement. C’est pourquoi, je préfère, pour apprécier l’effet d’un édifice dans une rue ou sur une place, le montage du projet dans une photographie du site. » Hannes Meyer, Wie ich arbeite, 1933.
Projet pour le palais de la Société des Nations. Le Corbusier. 1926
Sartoris.
L’apport personnel de Le Corbusier est ailleurs : il privilégie en effet la séduction de l’esquisse autographe, à main levée, garante d’une authenticité que le dessin d’agence, souvent anonyme, ne peut produire. Alors que la tradition académique et professionnelle privilégiait le dessin abouti, le rendu, conduit selon des normes et un code graphique, l’esquisse symbolise une activité libre et sans contrainte ; le succès de l’esquisse tient à son utilisation, en dehors de la phase de travail du projet, dans la communication et dans l’édition ; par la faveur donnée à la publication de l’esquisse, le dessin d’architecte jette un pont vers d’autres activités, le dessin de mode et la décoration. En dessinant l’image improvisée des volumes, de l’espace intérieur, en le montrant habité, Le Corbusier utilise l’esquisse pour susciter une familiarité avec l’architecture à l’opposé de l’image empesée des professionnels, et pour affirmer une autorité persuasive. Sa démarche fera école, et on ne compte plus depuis les années 1960 les retours au dessin subjectif, comme instrument pour appuyer une argumentation, que ce soient les esquisses de Jean Prouvé, venues d’une pratique pédagogique, ou les dessins de Robert Krier, après 1970, pour défendre 1’idée d’une approche traditionnelle de la ville et du bâti.
Robert Krier. 1972
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Les techniques récentes Pour se substituer aux techniques du relevé graphique, la photogrammétrie est progressivement imposée. Dispositif de mesure des édifices par la photographie, la photogrammétrie est issue de travaux menés dès la fin du XIXe siècle, dans les milieux proches des Monuments Historiques. Â partir de 1960, les procédés et les pratiques d’une application à 1’architecture se diffusent ; le Comité international de photogrammétrie architecturale est fondé en 1970. En Autriche depuis 1964, en France depuis 1972, des services spécialisés opèrent au sein des organismes scientifiques, en France dans le cadre du service de l’inventaire général. D’une application plus générale, la technique de l’image numérique suit de peu l’entrée de l’informatique dans tous les secteurs de l’activité professionnelle. Dès le début des années 1970, la question est posée d’une aide informatique au travail de projet. Dix ans plus tard, la CAO, ou conception assistée par ordinateur, entre dans les pratiques professionnelles courantes ; aujourd’hui, en raison de l’accès à des puissances de travail considérable, les outils se sont perfectionnés, permettant d’associer le dessin à la gestion des quantités, des produits, etc. Les résultats les plus spectaculaires sont dans la mise au point de la simulation numérique : l’image de synthèse fixe ou animée, utilise des procédés de représentation sans commune mesure avec les techniques traditionnelles ; au point de disqualifier la perspective axonométrique et son code, remplacée par des images conformes aux anciennes « perspectives d’aspect ».n
Image issu du procécé phtogrammétrique. Google 2000.
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De l’utilisation des différents modes de représentation de l’espace (1/2)
Perspectives parallèles ou axonométriques (Le point de vue est rejeté à l’infini : les rayons visuels sont parallèles)
cavalière
Perspectives cavalières (axonométries obliques)
On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’on a une face prépondérante d’un objet, d’une architecture à mettre en valeur.
axono
On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’on veut mettre en valeur l’objet, l’architecture à partir de son plan.
Perspective isométrique (axonométries orthogonale) On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’aucune face n’est prépondérante. Très utilisé dans l’univers du jeux vidéo et notices montage.
Perspective cavalière • Orientation des fuyantes à 45° • Réduction des fuyantes de 0,5
Perspective dite « axono » • Le plan est orienté à 30°, 45° ou 60° • Pas de réduction des fuyantes
Perspective isométrique • Les angles sont à 120°
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De l’utilisation des différents modes de représentation de l’espace (2/2) Perspectives à points de fuite (C’est un système de construction théorique qui traduit géométriquement l’illusion de la réalité, comme le fait par exemple l’appareil photographique.) Un point de fuite On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’on veut privilégier un seul point de vue sur l’objet ou l’architecture. Deux points de fuite On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’on veut simuler la vision humaine de l’espace. Trois points de fuite On peut utiliser cette construction perspective lorsqu’on veut exagérer la dimension démonstrative de la représentation ou qu’on veut évoquer un contexte onirique.
Un point de fuite • Le point de vue est fixé par rapport à la face de l’objet • Ce point de vue détermine la hauteur de la ligne d’horizon dans le cadre de représentation • Un point du vue est fixé sur la ligne d’horizon • Les fuyantes sont réduites « à l’œil »
Deux points de fuite • Le point de vue est fixé par rapport à une arète de l’objet • Ce point de vue détermine la hauteur de la ligne d’horizon dans le cadre de représentation • Deux points de vue sont fixés de part et d’autre de l’objet • Les fuyantes sont réduites « à l’œil »
Trois points de fuite • le point de vue est fixé par rapport à une arète de l’objet • Ce point de vue détermine la hauteur de la ligne d’horizon dans le cadre de représentation • Trois points de vue sont fixés de part et d’autre de l’objet • Les fuyantes sont réduites « à l’œil »
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 11
Plans, ...
plan de St Gall
plan Brune plan Gasse 1799 plan Gasse 1799
plan de St Gall
Calderon
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 12
Plans, ...
Le palais de Tibère / Maurice Boutterin
Venise / éditions Gallimard
Imola / Léonard de Vinci
Les Folies Siffait / CAUE 44
Farrington Street
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 13
Plans, élévations, ...
Puits cathédrale Strasbourg
Gourna
Cathédrale de Strasbourg
Palladio
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 14
Elévations, ...
Villard de Honnecourt
Jean-Jacques Lequeu
reconstitution Colisée Rome Le palais de justice de Bruxelles
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 15
Elévations, ...
Venise / éditions Gallimard
Jean Jacques Lequeu
Venise / éditions Gallimard
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 16
Coupes, ...
Dôme de la cathédrale de Florence par Brunelleschi
Abbaye du Thoronet
Perrin
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 17
La perspective cavalière Cette représentation était utilisée initialement pour la conception des fortifications militaires. Le « cavalier » est un promontoire de terre situé en arrière des fortifications et qui permet de voir par-dessus, et donc de voir les assaillants. La perspective cavalière était donc la vue que l’on avait du haut du cavalier (les anglais utilisent parfois le terme de « high view point », en français « point de vue de haut »). Certains avancent également que c’est la vue qu’un cavalier a du haut de son cheval. La perspective cavalière est une manière de représenter en deux dimensions des objets en volume. Cette représentation ne présente pas de point de fuite : la taille des objets ne diminue pas lorsqu’ils s’éloignent. C’est une forme particulière de perspective axonométrique, où l’on situe les points grâce à leurs coordonnées dans un repère formé de trois axes. Dans cette perspective, deux des axes sont orthogonaux et ont un facteur de report de 1. Le troisième axe est (la plupart du temps) incliné à 45° par rapport à l’horizontale, appelé « angle de fuite », et a un facteur de report de 0,5. Cette perspective ne prétend pas donner l’illusion de ce qui peut être vu, mais simplement donner une information sur la notion de profondeur.
Les riches heures du Duc de Berry
Palais des rois Paris
Ville de Foix
source : wikipedia
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 18
La perspective cavalière
Château des Ducs de Bretagne Nantes
Quai de l’Ecole Paris / plan Turgot
Chiu Ying
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 19
La perspective cavalière
H. Schickhardt
Léonard de Vinci
Robert Krieg
Cézanne
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La perspective cavalière
Nom
II. PERSPECTIVES AXONOMETRIQUES
PJ
Figure 38
2
a) Axonométrie ou perspective cavalière spéciale
Dans ce type d'axonométrie oblique, le plan de projection est vertical et la projection du troisième axe de coordonnées est choisie par convention à 45°. Les trois échelles sur les axes X, Y et Z projetés sont les mêmes (1 :1 :1). Autrement dit, les dimensions mesurées sur ou parallèlement à ces axes sont reportées en vraie grandeur. Très simple à dessiner, la perspective cavalière spéciale, rend la cotation possible mais crée une forte distorsion des proportions selon l'axe incliné.
b) Perspective cavalière
Historiquement, c'est la plus ancienne des perspectives, utilisée au Moyen Age pour les édifices militaires (châteaux forts...), elle fut employée en cartographie jusqu'au XIXème siècle. Caractéristiques : de toutes les perspectives obliques, c'est la plus utilisée. Elle est identique à la perspective cavalière spéciale (axe incliné à 45°), seule différence l'échelle de report sur l'axe incliné est dans le rapport de 0,5 (échelle ½) ; ce qui amène de meilleures proportions et un meilleur rendu à la représentation finale. Figure 39
source : http://joho.monsite.orange.fr
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EXERCICE : Produire une perspective cavalière à partir de ce plan et élévation de la villa Rotonda de Palladio (1570).
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axonométries Utilisée de manière encore empirique à la Renaissance sous forme de perspective cavalière, remise à l’honneur par Auguste Choisy et diffusée par les avantgardes architecturales des années vingt tout comme pour Louis Kahn dans les années soixante, l’axonométrie figure aujourd’hui au répertoire des outils les plus courants de l’architecte.
Jean Aubert
L’histoire de l’utilisation technique de la perspective parallèle est chaotique : à la Renaissance, les architectes se doivent de suivre les recommandations d’Alberti qui préconise le dessin géométral (plan, coupe, élévation), cependant certains d’entre eux n’hésitent pas à employer une forme empirique de la perspective cavalière. Les ingénieurs militaires du XVIe et XVIIe siècle, à la recherche d’une présentation d’ensemble distincte et claire, font appel à l’axonométrie, et particulièrement à la perspective cavalière. Celle-ci est complètement abandonnée par les architectes « visionnaires » de la Révolution (Ledoux, Boullée, Lequeu…) qui lui préférent le dessin géométral et la perspective centrale. En France, l’axonométrie fait une brève apparition dans l’enseignement de l’ingénierie et de l’architecture à la fin du XIXe siècle puis disparaît jusqu’aux années 1970-80. La géométrie descriptive de Monge est d’une telle portée qu’elle occulte les autre modes de représentation. Ce n’est pas le cas en Allemagne, en Angleterre et dans les pays d’Europe centrale qui, en partie en réaction à l’hégémonie française, développent la théorie et l’enseignement de l’axonométrie ; on la retrouve en particulier dans les écoles du Bauhaus et de De Stijl.
Auguste Choisy
Le Corbusier
Fernand Pouillon
Document visite musée du Louvre
La VIllette
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 23
axonométries
Bauhaus
Casteix
Casteix
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 24
axonométries Mais c’est dans les années vingt, chez des peintres et non des architectes, avec les recherches suprématistes (Malevitch et ses «planites», El Lissitzki et ses ‘’Prouns’’ [cf. fig. p. 59]), puis le mouvement De Stijl (Mondrian, Rietveld, Van’t Hoff, Van Doesburg) -voir la fameuse exposition de 1923 à la Galerie Rosenberg à Paris- que l’axono~étrie a droit de cité, d’outil projétatif qu’elle était, devenant concept opératoire au même titre que la spéculation perspectiviste qu’elle supplante désormais comme organon théorique. (...) La potentialité de vues fInit par abolir tout sens de la vue, si l’on poussait à son terme le processus d’engendrement: ni haut ni bas, ni dedans ni dehors, ni concave ni convexe, et l’on voit ici que ce sont les conditions imaginaires d’une apesanteur héritées de la vision en survol des « vues cavalières » (...)
Pierre Boudon 1993
installation expo La VIllette
La défense Paris
Ville d’Urbino Casteix
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 25
axonométries
Stirling
Villa Savoye Le Corbusier
Rome à l’époque Royale / Jacques Carlu
Palais des Nations Meyer Port Cheviré Nantes
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 26
axonométries
Hopinca
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 27
axonométries page 7/7
PERSPECTIVES PARALLELES (suite)
Habitation - Italie Institut de France - Lisbonne
Usine - Los Angeles
Centre d’information - Tokyo
Opéra Bastille - Paris
EXEMPLES DE REPRESENTATION EN PERSPECTIVE CAVALIERE “L’AXONO” Sommaire général J.C. RÉMOND - COURS DE PERSPECTIVE - EAML Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 28
axonométries
Notre Dame de Bon Conseil Lourtier, 1932, Alberto SARTORIS architecte. In Alberto Sartoris : Novanta Gioielli, A. ABRIANI, J. GUBLER, Mazotta, Milan, 1992. Axonométrie aérienne – axonométrie de plan.
Vincent Mangeat / Lausanne
fig.10
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 29
isométries En dessin industriel, on représente une pièce sous différents angles de vue, perpendiculairement à des axes. Ces axes sont « naturels » : une pièce ayant une fonction mécanique (liaison et mouvement avec d’autres pièces), elle présente des contraintes de forme et d’usinage qui font qu’elle a en général un axe de symétrie ou des faces planes. Ces axes ou les arêtes de ces faces permettent de définir un repère orthogonal (que l’on choisit orthonormé). La perspective isométrique permet au lecteur de se représenter facilement la forme de la pièce, mais ne permet pas de transmettre des informations utiles à la conception et à la réalisation de la pièce. Eugène Viollet-le-Duc l’a utilisée dans plusieurs de ses tableaux de châteaux (et de leurs bâtiments annexes) pour éviter d’accentuer l’importance de certains de ces éléments et de la position de l’observateur (le cavalier de la perspective cavalière dans l’observation des fortifications).
Le Panthéon Paris
Bayer Gropius
Un certain nombre de jeux vidéo mettant en œuvre des personnages utilisent une vue objective en perspective isométrique ; on parle souvent, dans ce domaine, de « perspective 3/4 ». D’un point de vue pratique, cela permet de déplacer les éléments graphiques (sprites) sans en changer la taille, ce qui était indispensable lorsque les ordinateurs étaient peu puissants, et présente toujours un grand intérêt pour les consoles de poche. Cela pose cependant quelques problèmes de confusion (du fait de l’aplatissement de l’image, la profondeur est rendue par un déplacement dans le plan). source : wikipedia Doesburg / De Stilj
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 30
Palais des Nations Le Corbusier
Sartoris
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 31
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 32
EXERCICE : Produire une vue axonométrique à partir de ce plan et coupe de la BNF à Paris, conçue par Perrault (1995).
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 33
Petite histoire de la perspective à la Renaissance Bbiliographie : -
(1) Les dessous de l’image (2) Art de la couleur (3) Histoire mondiale de l’art (4) Petite fabrique de l’image (5) 16 promenades dans Florence
Philippe Comar (Découverte Gallimard) Johannes Itten (Dessain & Tolra) Honour-Fleming (Bordas) Fozza-Garat-Parfait (Magnard) Coster-Nizet (Casterman)
I TRANSITION DU MODE DE REPRÉSENTATION p 31 (1) Jusqu’au XVe siècle, en Occident, les représentations picturales privilégient presque toujours les qualités narratives de l’image au dépens d’une observation réaliste. [Attention de noter l’existence de la peinture en trompe l’œil de l’époque romaine, notamment pour les décors de théâtre.] p 99 (1) Hiérarchies religieuses et sociales sont converties en échelle physique. Les dieux sont plus grands que les saints, les rois plus grands que leurs sujets. Un même personnage peut apparaitre plusieurs fois dans le même tableau. Le tableau est le support d’une mise en scène qui ne recherche ni l’unité d’espace, ni l’unité de temps. Mais à partir de la Renaissance, les artistes ne sont plus des émetteurs, ils deviennent plutôt des récepteurs du monde visible à l’œil.
Giotto. 1304-06. «Crucifixion» Fresco, 200 x 185 cm Cappella Scrovegni (Arena Chapel), Padua
Illustration p 29 (1). [Voir Panofsky] Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 34
Illustration p 30 (1)
(...) Dans le présent tableau, c’est le jaune qui domine fortement comme effet. Cela veut signifier que la nouvelle apportée ici a un sens important, car le jaune signifie l’intellect, le savoir, la sagesse ou la lumière et l’illumination. L’ange aux ailes bleues vient du bleu du ciel et apporte la nouvelle. Son costume rouge signifie qu’il est ardemment actif, alors que Jean qui reçoit cette nouvelle, est indiqué en bleu et vert, en esprit de foi et d’attente. Les visages sont blancs et produisent un effet abstrait par rapport au noir des cheveux. Les sept tours symbolisent les sept églises des sept villes auxquelles Jean doit transmettre les messages. Toute la prophétie de Jean représentant le futur en images symboliques, les couleurs et les formes des images de l’Apocalypse de St Sever doivent être interprétées symboliquement. Ce ne sont pas des décorations esthétiques, mais des vérités grandioses que réalise ici un peintre au moyen des couleurs élémentaires, jaune, rouge, bleu, orangé et vert.
Apocalypse de St Sever. 11e siècle. “L’église d’Éphèse”
Illustration p 38 (2)
C’est déjà une image de transition du Moyen Age vers la Renaissance. L’aplat d’or qui nie la profondeur et les différences d’échelle relèvent des conventions picturales du Moyen Age. En revanche, abrités sous le manteau, comme sous une abside, les fidèles sont disposés de manière à suggérer entre eux un espace cohérent qui répond déjà aux nouvelles aspirations de la Renaissance. Illustration p 336 (2)
Œuvre commémorative commandée par une riche famille florentine. Au premier plan, un squelette gît sur une tombe qui porte l’inscription : « J’étais ce que tu es, et tu seras ce que je suis ». Au-dessus, le donateur du tableau, en costume écarlate de gonfalonier (le plus haut magistrat de Florence), est agenouillé avec sa femme à l’entrée d’une chapelle où la Vierge et St Jean, debout, flanquent un Christ en croix, soutenu par Dieu. Dans un tableau du Moyen Age, les donateurs auraient été bien plus petits que les personnages sacrés. Ici, ils sont un peu plus grands. Car, avec la nouvelle perspective, Masaccio a peint toutes les figures à l’échelle et les a situés dans un espace unitaire. Ainsi le tombeau est « lu » comme une projection dans l’église, et la chapelle comme une vue à travers le mur. La chapelle avec sa voûte à caissons est peinte avec un soin tel qu’on en pourrait tirer un plan chiffré. Cependant, le système perspectif est plutôt moins simple qu’à première vue. La Vierge et St Jean sont en raccourci pour montrer qu’ils sont derrière les deux colonnes, et la Vierge fixe le spectateur, dont l’attention est attirée par un geste vers le Christ.
Polyptyque de la miséricorde. Della Francesca Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 35
II QUALIFIER LES TRANSFORMATIONS DÛES À LA RENAISSANCE Un portrait d’ensemble de la Renaissance nous permet d’apercevoir les transformations les plus fondamentales qui vont s’imposer en Occident et qui façonneront pour longtemps notre modernité. Les grands enjeux et les lignes de forces qui auront fait de la Renaissance un tournant décisif dans l’histoire de la modernité sont les suivants : 1. L’humanisme, qui impose une nouvelle définition de la dignité de l’homme et du rapport de celui-ci avec la nature et Dieu ; 2. La redéfinition de l’espace esthétique, qui devient de plus en plus mathématique et géométrique, et la transformation du statut de l’artiste, qui devient un intellectuel ; 3. La diffusion des idées qui, grâce à l’avènement de l’imprimerie, modifie notre rapport aux savoirs en publicisant les idées et en les rendant accessibles à un plus large public ; 4. Les réformes religieuses qui fissurent l’univers de la chrétienté en redéfinissant radicalement notre rapport au sacré. Mais aussi qui nous ont fait connaître le visage de l’autre : l’hérétique, le sauvage et le païen ; 5. La naissance de l’État moderne et les premières tentatives pour en comprendre les raisons et le développement, mais aussi toute cette quête utopiste qui cherche à imaginer une nouvelle communauté humaine ; 6. Le retour à la nature qui ouvre l’univers clos du Moyen Âge à l’infinité des mondes. http://www.philo.uqam.ca/cours/Phi2080/imp1.htm
LA RENAISSANCE par Benoit Mercier
La sainte trinité. Masaccio. fresque Santa Maria Novella, Florence]
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 36
III L’EXPÉRIENCE DE BRUNELLESCHI Illustrations, plans, coupes du baptistère p41 à p55 (5)
En 1415, Brunelleschi réalise sa première expérience liée à la perspective, Place San Giovanni à Florence. Il a mis au point un dispositif qui permet de faire coïncider sa peinture du baptistère avec l’édifice représenté.
voir Petite fabrique de l’image p 41
Seule une personne à la fois peut tenter l’expérience. En inscrivant au cœur de l’image la trace de l’œil sous la forme d’un trou, l’expérience révèle la place centrale que l’homme s’attribue désormais dans la représentation de l’espace. Par cette expérience, il révèle les principes de cet art qui permet de construire une surface plane de l’image d’un objet en volume : la perspectiva artificialis. La perspective centrale suppose un centre : un point de vue unique, le point principal du tableau.
Gravures de Dürer. Les perspectographes
Illustrations p 35 (1)
Toute l’histoire de la perspective centrale, de l’expérience de Brunelleschi jusqu’à ses développements les plus tardifs, a tenté d’exhiber l’œil du peintre (ou du spectateur) sur le plan même du tableau. Ce point originel, souvent confondu avec le point de fuite principal, parfois placé en marge de la composition, voire même dédoublé, a été nommé, selon ses auteurs, « point de l’œil » ou encore « point de vue transposé ». Paradoxalement, en mathématique, l’œil, c’est à dire le centre de projection, est le seul point dont l’image n’est pas définie sur le plan du tableau. Ainsi le fondement même de la perspective repose sur une équivoque : le lieu d’où il faut voir un tableau ne peut jamais être montré par le tableau lui-même. Sauf à recourir à un artifice — tel le miroir dans le portrait des époux Arnolfini de Van Eyck —, la place du peintre ou du spectateur est par essence un lieu invisible. Illustration p 42 (1).
Quatre siècles de peinture vont s’engager. Les théories de la perspectives vont se mettre en place : - Leon Batista Alberti (traite della picture 1440 - Piero della francesca, etc.
Le portrait des époux Arnolfini. Jan Van Eyck.] Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 37
V LA DÉCONSTRUCTION DE LA PERSPECTIVE
Mondrian
IV UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE L’artifice de la perspective consiste à traiter l’écran opaque du tableau comme la vitre transparente d’une fenêtre. Perspective en latin signifie « voir à travers ». À partir des années 1500, premiers instruments à reproduire. (voir frise Hockney)
« C’est bien sur une vielle idée que de considérer le ctateur en mouvement. Elle fut détruite par l’invention de la perspective, l’unique point de fuite, l’artifice pictural de la renaissance. Cela fût peut-être du aux difficultés de peindre la crucifiction. Lorsque Giotto peint la crucifiction, il le fait d’une manière médiévale : c’est-à-dire une suite d’événements traversant le temps, d’un tableau à l’autre, le Christ portant la croix jusqu’en haut du mont. Mais cette exécution n’est pas une action, (votre tête n’est pas coupée, aucune flèche ne transperce votre cœur) Le temps s’arrète, et l’espace devient fixe lorsqu’on utilise le procédé de la perspective, donnant ainsi une impression de poids et de volume aux objets dans l’espace. La souffrance du Christ est rendue plus appréciable par la perspective et gagne en expression, mais le problème est toujours : « Qu’estce qu cela peut bien nous faire ? » Nous ne sommes ni près ni attachés visuellement par ce que nous voyons (en revanche, on peut l’être émotivement). Cette invention précéda celle de la chambre obscure, et par la suite l’appareil photo tel que nous le connaissons aujourd’hui, voyant le monde de la même façon. C’est donc un monde statique, un monde qui supprime notre matérialité. Pour que cette perspective puisse fonctionner, nous sommes obligés de ne pas bouger, de fermer un œil pour regarder ce monde avec l’autre, à travers un petit trou : et voila l’angoisse du photographe aujourd’hui. Texte de David Hockney pour Vogue 1995
Illustrations p 105 (1)
Les peintres mettent en jeu pour la première fois dans l’histoire de la peinture les notions de ligne d’horizon, de point de fuite, puisqu’en perspective centrale, les droites parallèles convergent à l’infini en un seul point du tableau. c’est une image de l’inaccessible. La première méthode consiste à faire concourir les liugnes fuyantes d’un carrelage en vue frontale vers le point principal du tableau qu’on nomme alors le point de fuite principal. 1450 Elaboration de la grammaire de la perspective. 1550 Vasari rédige la biographie des plus grands artistes de la Renaissance : Francesca, Donatello, Ucello, Vinci, etc. La déconstruction du système perspectif amorcé par les peinres au XIXe siècle, amène Mondrian, vers 1940, à réduire ses œuvres à un simple damier. Cette mise au carreau, qui nous ramène au plan du tableau, rappelle les cadres munis de traillis au travers desquels les peintres de la Renaissance ont voulu saisir le monde visible. Mais chez Mondrian l’image a disparu, les mailles ont perdu leur transparence, seule reste la grille de lecture avec sa triste trame. Le tableau montre le filet, mais pas la proie. Cest une toile.
David Hockney
Illustrations p 85 (1). Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 38
Expérience de Brunelleschi. Vers 1415, Filippo Brunelleschi réalise une expérience qui montre les grands principes de la perspective centrale : la convergence du regard vers un point de fuite, l’assignation d’une place pour le spectateur. Il conçoit pour cela un dispositif qui permet de faire coïncider la réalité perçue avec la représentation peinte. En se plaçant au lieu précis où il a peint la baptistère de Florence, Brunelleschi perce un trou dans la tavoletta (le tableau) à l’endroit du point de fuite puis il la retourne. Entre la tavoletta et le monument, il place un miroir qui réfléchit la peinture. Ainsi, par le sténopé perçé, il peut constater que la représentation peinte est en parfaite adéquation avec le baptistère réel.
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 39
Perspective à point(s) de fuite (...) Les premières recherches systématiques sur la notion de perspective à proprement parler remontent aux philosophes et géomètres de la Grèce antique à partir du Ve siècle av. J.-C.. Leurs travaux sont repris par les philosophes persans et arabes, et notamment au XIe siècle par Alhazen qui explore les mécanismes impliqués dans les illusions d’optique dans son Traité d’optique dont la traduction en italien au XIVe siècle joue un rôle important dans les réflexions des peintres italiens de la Renaissance sur la perspective. Après l’usage de la perspective signifiante (où les personnages adoptent la taille de leur importance dans la représentation), la codification de la perspective humaniste européenne se développe en Ombrie, au milieu du XVe siècle, sous l’influence de l’œuvre de Masaccio et de Piero della Francesca : d’intuition, de moyen technique, la perspective se fait théorie mathématique. Cependant, dès 1435, Alberti, dans son traité de peinture De pictura fait l’éloge « des visages peints qui donnent l’impression de sortir des tableaux comme s’ils étaient sculptés. » Pour cela, il souhaite « qu’un peintre soit instruit, autant que possible dans tous les arts libéraux, mais (…) surtout qu’il possède bien la géométrie » définissant ainsi les prémices d’une théorisation de la perspective. Wikipedia
Bedford Babel
Cesarino / Traité de Vitruve
Sainte Barbe / Van Eyck
Cité idéal / Francesca
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 40
Luciano Laurana
Piranese / Carceri
Galerie antique / Panini
Thermes / Paullin
Ruines / Demachy
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 41
Boullée / Basilique
Palais de Nations Hendricks
Aldrich
Wright 1911
Mason city / Griffin
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 42
Gare / Sant’elia
Tony Garnier
Mallet-Stevens 1917
Bob Krier
Hotel de ville de Paris
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 43
Annonciation / Boticelli
San Cristobal / Boucq
Caillebotte
Black Sad
Riss / Charlie Hebdo
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 44
Jean-Jacques Lequeu / libre
Pozzo
di marco
Chateau des Ducs de Bretagne / Nantes
Schuitten
Toad
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 45
Mac Caulay
Mac Caulay
Typologie modes de reprĂŠsentation / Marc Vayer / fĂŠvrier 2014 / p. 46
La perspective conique Résumé des points importants du cours
Le procédé le plus fiable pour reproduire ce que l’on voit de manière crédible, dans l’antiquité et au moyen-âge, est de le dessiner sur une vitre interposée entre le modèle et le dessinateur.
Ce procédé a ses limites, car il faut fermer un œil pour que ça fonctionne, rester fixe, et ne pas bouger les yeux. Les différentes formes du décor apparaissent superposées sur la vitre, mais il n’y a pas de réelle perception de la profondeur. Pour faire des choix de mise en scène plus complexes, même sans modèles, il faut se servir de la perspective conique. La perspective conique est un ensemble de règles géométriques et graphiques qui tendent à imiter en deux dimensions une vision du monde en trois dimensions. Ces règles sont une transposition en géométrie de données fluctuantes, telles que le champs de vision, la direction du regard, ou la position spatiale d’un personnage vis à vis de ce qu’il regarde. Pour gérer ces données et les rendre maîtrisables par la géométrie, il a fallut les faire entrer dans des conventions. Les plus importantes de ces conventions peuvent se résumer ainsi :
Le champs de vision humain : mathématisé sous la forme d’un rectangle défini par un rapport de proportion de 1,33. ( c’est le rapport, approximativement, des cadres d’images que nous manipulons : A4, A3, diapos, télévisions…etc )
Une perspective prend place idéalement dans un cadre de ce rapport là. Au-delà de ces limites, l’image dessinée se déforme rapidement.
1
Directement hérité conceptuellement de la vitre utilisée comme un tableau, le champs de vision, en perspective, est conçu comme un plan virtuel entre le spectateur et le modèle ( ici un tapis ). C’est à la fois le support de l’image vue et le format sur lequel je dessine. Il s’appelle « le tableau ». Le spectateur : défini par la hauteur depuis laquelle est vue le modèle ( par convention, 1,60 m ). Le spectateur se manifeste sous deux formes : « P » : La projection de son regard sur le tableau. Point utile pour certains tracés. « l’horizon » : C’est la hauteur des yeux du spectateur, passant par « P », symbolisée par une horizontale. Sans rapport direct avec l’horizon géographique de la réalité. Les points de fuite : point(s) de convergence des droites non orthogonales à la direction du regard du spectateur. Ce sont deux points purement mathématiques, situés toujours sur l’horizon, à égale distance de « P » que le spectateur. Dans les perspective frontales, il y a un seul point de fuite : « P », comme ci dessus. L’objet regardé : va se projeter conceptuellement sur le tableau transparent sous la forme d’une image en deux dimensions. Cette image est alors celle que je peux dessiner. La ligne de terre ( LT ) : Base du tableau, elle représente le sol en tant que niveau zéro des verticales.
Deux cas de perspectives possibles : La perspective frontale : le spectateur regarde perpendiculairement à une face du modèle. Il y a alors un seul point de fuite. La perspective bifocale ( la plus fréquente dans le réel ) : le spectateur regarde non perpendiculairement à une face du modèle. Il y a alors deux points de fuite.
2
Variations de la forme d’un volume selon l’emplacement du point de vue :
Par convention, on déplace les points de fuite sur les limites du tableau, c’est à dire de la feuille à dessin, pour les utiliser plus aisément.
Ce rapprochement ne doit pas être excessif sous peine de déformations.
Il oblige également à dessiner le modèle pas trop grand, sous peine également de déformations.
3
Concrètement, en termes de croquis, voici les principaux choix à faire :
Le surplomb : c’est la hauteur choisie pour voir le modèle. Tout ce qui se trouve au dessus de l’horizon est plus haut que nous ( spectateurs ) et se voit de dessous. Tout ce qui se trouve au dessous de l’horizon est plus bas que nous ( spectateurs ) et se voit de dessus. Tout ce qui se trouve à la même hauteur que l’horizon est à la même hauteur que nous ( spectateurs ) et se voit par la moitié, ou proche de la moitié..
Exemple : il faut que l’objet soit plus haut que moi :
1 – placer l’horizon 2 – Au dessus de l’horizon, placer la première verticale du modèle ( celle qui serait la plus proche de nous dans le réel ). Plus ce premier segment sera haut dans le cadre, plus l’objet sera vu de dessous. 3 – mettre cette verticale en perspective. 4 – placer les autres verticales, pour donner les proportions du modèle. 5 – mettre en perspective les sommets Exemple : il faut que l’objet soit plus bas que moi :
1 – placer l’horizon 2 – Au dessous de l’horizon, placer la première verticale du modèle ( celle qui serait la plus proche de nous dans le réel ). Plus ce premier segment sera bas dans le cadre, plus l’objet sera vu de dessus. 3 / 5 – même procédure…
4
La hauteur de l’horizon dans le cadre pose le spectateur en hauteur ou plutôt proche du sol
la rotation : c’est le fait de choisir le côté le plus exposé à mon regard. Pour exposer le côté droit du modèle, il faut déplacer la première verticale sur le côté gauche, sans jamais aller jusqu’à la verticale du point de fuite, ou au delà.
Pour exposer le côté gauche du modèle, il faut déplacer la première verticale sur le côté droit.
Les perspectives frontales sont un cas particulier, où les choses sont vues par le milieu du tableau. « P » est donc toujours au centre du format, ou très proche, et ne peut être déplacé sur un côté pour créer un effet.
5
L’échelle des hauteurs : C’est une technique qui permet de se « raccrocher » à un objet par une hauteur crédible, et d’harmoniser toutes les autres hauteurs du dessin par rapport à lui. Il faut admettre deux choses : - les verticales ne se déforment pas, et conservent intactes toutes mesures qu’on leur accorde. - les horizontales, également. Seules les fuyantes sont déformantes. 1 - Partez d’un motif, par exemple un individu. Inventez lui une hauteur crédible : 1,80 m. Si l’horizon est déjà là, ce choix va donner obligatoirement une idée précise de sa hauteur du point de vue. Si l’horizon n’est pas encore là, il peut être placé de manière choisie par rapport à 1,80 m. 2 – Mettez l’individu en perspective. Il se crée un cône de hauteur de 1,80 m.
3 – Choisissez un endroit ( croix ) où vous voulez élever une hauteur proportionnée à la première. 4 - Attribuez une horizontale à la croix, qui va croiser la base du cône. 5 – Montez de la hauteur du cône ( 1,80 m ). 6 - Revenez horizontalement à la verticale de votre croix. La distance croix / horizontale est la hauteur cherchée. Toute hauteur ainsi trouvée peut resservir de base pour une autre échelle de hauteur.
Le principe est inchangé si la hauteur désirée se trouve devant celle qui sert d’échelle. Il faut tracer hors du cadre.
Report d’une longueur au sol : Point de départ : Un écartement entre deux verticales ( piquets, verticales imaginaires…), qui marque une longueur au sol, que l’on veut répéter ( il n’est pas indispensable de savoir combien ferait cette distance en vrai ). Il est obligatoire d’attribuer une même hauteur à ces deux verticales.
On appelle « A » le sommet de la verticale la plus proche de nous. 1 – définir le centre des verticales 2 – le mettre en perspective 3 – relier « A » avec le centre de la seconde verticale, projeté sur la ligne de sol en un point « B ». Ce point « B », au sol, est la base de la troisième verticale, et ainsi de suite…
6
Représentation d’un espace (« creux ») selon un point de vue interne :
Mise en place des points de fuite en fonction de la situation du point de vue par rapport à l’espace à représenter :
La ligne d’horizon correspond à la hauteur du point de vue. Représentation d’un espace interne selon la hauteur du point de vue. Mise en place des principaux traits de construction :
7
La fabrique des images
« un monde animé » : l’animisme L’animisme, c’est la généralisation aux nonhumains d’une intériorité de type humain. Toute entité - un animal, une plante, un artefact est dotée d’une intériorité, animée d’intentions propres, capable d’action et de jugement. Par contre, l’apparence physique change d’une entité à l’autre. Le modèle animiste rend visible l’intériorité des différentes sortes d’existant et montre que celle-ci se loge dans des corps aux apparences dissemblables.
Philippe Descola, anthropologue, a mis en œuvre une exposition au musée du quai Branly : «La fabrique des images» et montre qu’il existe quatre façons très différentes d’appréhender, donc de figurer, les qualités des objets qui nous environne
ANIMISME [Le monde est animé] Continuités morales / Discontinuités physiques Un même esprit circule sous des apparences diverses
NATURALISME [Le monde est objectif] Discontinuités morales / Continuités physiques Le monde physique est reproduit avec un luxe de détails
« un monde objectif » : le naturalisme La formule du naturalisme est inverse de celle de l’animisme : ce n’est pas par leur corps, mais par leur esprit, que les humains se différencient des non-humains, comme c’est aussi par leur esprit qu’ils se différencient entre eux. Quant aux corps, ils sont tous soumis aux mêmes décrets de la nature et ne permettent pas de singulariser par des genres de vie, comme c’était le cas dans l’animisme. Cette vision du monde, qui domine en Occident depuis des siècles, doit donc figurer 2 traits : - l’intériorité distinctive de chaque humain - la continuité physique des êtres et des choses dans un espace homogène
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 47
« un monde subdivisé » : le totémisme Le monde du totémisme est composé d’un grand nombre de classes d’êtres regroupant des humains et diverses sortes de nonhumains, les membres de chaque classe partageant des ensembles différents de qualités physiques et morales que le totem est réputé incarner. Dans les sociétés aborigènes d’Australie, le noyau de qualités caractérisant la classe est issu d’un prototype primordial, traditionnellement appelé « être du Rêve ». Les images totémiques révèlent donc l’identité profonde des humains et des non-humains de la classe totémique : identité interne (ils incorporent une même « essence » dont la source est localisée et dont le nom synthétise les propriétés qu’ils possèdent en commun) et identité physique (ils sont formés des mêmes substances, sont organisés selon une même structure et possèdent le même genre de tempérament et de dispositions). Pour bien comprendre ce que sont les images totémiques, il faut d’abord se pencher sur le statut général des images en Australie. Elles sont toutes et partout liées aux êtres du Rêve et aux actions dans lesquelles ces prototypes se sont engagés afin de mettre en ordre le monde et de le rendre conforme aux subdivisions qu’ils incarnent eux-mêmes. Les objectifs figuratifs du totémisme australiens sont mis en oeuvre au moyen de 2 stratégies bien différenciées : - le corps apparaît comme à l’origine de l’image qu’il a engendrée ; c’est par exemple « l’empreinte du corps » d’une peinture sur écorce - la 2nde stratégie montre comment le monde a été formé par des êtres qu’on ne voit pas mais qui ont laissé des traces sur le paysage ; c’est ce que l’on appelle « l’empreinte du mouvement »
TOTEMISME [Le monde est subdivisé] Continuités morales / Continuités physiques le corps animal = le corps social
ANALOGISME [Le monde est enchevêtré] Discontinuités morales / Discontinuités physiques Les éléments disparates sont reliés par un système cohérent
« un monde enchevêtré » : l’analogisme Le modèle iconologique de l’analogisme est un modèle inverse à celui du totémisme. Avoir sur le monde un point de vue analogiste signifie percevoir tous ses occupants comme différents les uns des autres. Ainsi, au lieu de fusionner en une même classe des entités partageant les mêmes substances, ce système distingue toutes les composantes du monde et les différencie en des éléments singuliers. Un tel monde, dans lequel chaque entité forme un spécimen unique, deviendrait impossible à habiter et à penser si l’on ne s’efforçait de trouver des correspondances stables entre ses composantes humaines et non humaines, comme entre les parties dont elles sont faites. Par exemple, selon les qualités qu’on leur impute, certaines choses seront associées au chaud et d’autres au froid, au jour ou à la nuit, au sec ou à l’humide. La pensée analogiste a donc pour objectif de rendre présents des réseaux de correspondance entre les éléments discontinus, ce qui suppose de multiplier les composantes de l’image et de mettre en évidence leurs relations. Quelle que soit l’exactitude de la représentation des détails à laquelle la figuration analogique peut parvenir, elle ne vise pas tant à imiter avec vraisemblance un prototype « naturel » objectivement donné, qu’à restituer la trame des affinités au sein de laquelle ce prototype prend un sens. On trouve maintes illustrations contemporaines de l’ontologie animiste parmi les grandes civilisations d’Orient, en Afrique de l’Ouest ou dans les communautés indiennes des Andes et du Mexique.
Typologie modes de représentation / Marc Vayer / février 2014 / p. 48
Salvador Dali Christ de saint Jean de la Croix 1951 huile sur toile ; 205 x 116 cm ; Art Gallery, Glasgow. « Quand grâce aux indications du père Bruno (carmélitain) je vis le Christ dessiné par saint Jean de la Croix, je résolus géométriquement un triangle et un cercle, qui « esthétiquement » résument toutes mes expériences antérieures [...] et j'inscrivais mon christ dans ce triangle » note Dali, qui raconte par ailleurs avoir été ébloui près de trente ans plus tôt par les poèmes de saint Jean de la Croix que lui récitait avec exaltation son ami Lorca. El Greco (1541-1614) Christ on the Cross Adored by Donors 1585-90 huile sur toile ; Le Louvre, Paris. Cretan-born painter, sculptor, and architect who settled in Spain and is regarded as the first great genius of the Spanish School. He was known as El Greco (the Greek), but his real name was Domenikos Theotocopoulos ; and it was thus that he signed his paintings throughout his life, always in Greek characters, and sometimes followed by Kres (Cretan).
4
points de vue
sur la cruxifiction
Hans Holbein le jeune Le Christ au tombeau 1525 ; détrempe sur bois de tilleul 30,2 x 200 cm. Öffentliche Kunstsammlung, Bâle Ce tableau a bouleversé Dostoïevski par son réalisme : Holbein a encastré le gisanr dans sa tombe, évoquant ainsi un célèbre jeu de mots entre soma le corps et sema la sépulcre.
Andrea Mantegna Déploration du Christ 1464 - 1500 ? détrempe sur toile 66 x 81 cm. Pinacotera di Brera, Milan Le corps du Christ est allongé sur une pierre, lourd comme du plomb. Le drap, comme s'il était mouillé, suit les formes aussi bien de son corps que de la dalle. La figure du Christ donne l'impression d'être ciselée : le corps, le drap et la pierre semblent faits du même matériau. (...) D'une façon peu respectueuse, l'observateur du Christ est obligé de regarder la plantes de ses pieds, qui se présente à lui par-dessus le bord de la dalle. Du fait de la perspective choisie, le corps se trouve très raccourci. La tête est soutenue par un coussin rebondi, de sorte qu'elle dépasse tout juste du torse. malgré cet extrème raccourci, la silhouette possède une certaine présence et ne s'esquive pas dans la déformation ou la perspective en profondeur.