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Le droit du travail
Le droit du travail Trouver des solutions aux lacunes et aux inégalités
Rares sont ceux et celles qui n’occupent pas ou n’ont jamais occupé un emploi salarié. Il en est ainsi puisque, dans notre société, le salariat est de loin la forme d’organisation du travail la plus répandue, et c’est par l’emploi salarié qu’en grande majorité, nous subvenons à nos besoins et à ceux de nos personnes à charge.
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Par Gilles Trudeau, professeur titulaire
Le droit du travail établit les règles juridiques applicables au travail salarié, et il a pour vocation essentielle la protection de la personne salariée dans sa relation avec son employeur. Il se manifeste ainsi quotidiennement dans la vie de tous, salariés comme employeurs.
Malgré l’importance de son contenu, le droit du travail n’est pas pour autant toujours suffisant ou effectif. Il s’avère souvent inadapté et d’application difficile. La crise sanitaire, économique et sociale récente l’a bien mis en évidence. Plusieurs des travailleurs, et surtout des travailleuses, dont les tâches sont soudainement apparues essentielles, figurent parmi les plus vulnérables de notre société. Souvent issus de minorités visibles et de l’immigration récente, ces salariés occupent des emplois sous-rémunérés, précaires et dont les caractéristiques rendent l’application du droit du travail difficile. Les «lois du marché» avaient ignoré ces travailleuses et travailleurs de l’ombre, et le droit du travail n’a pas été à la hauteur pour éviter la catastrophe survenue. Pourquoi en est-il ainsi?
C’est d’abord en aménageant l’accès à la syndicalisation et à la négociation collective que le droit du travail permet aux salariés d’améliorer leurs conditions de travail et d’éviter que l’employeur abuse de son droit de direction. Au Québec, les conditions de travail d’environ 40 % des travailleurs salariés sont déterminées par une convention collective. Dans les faits, toutefois, tous n’ont pas le même accès à la représentation syndicale. Ceux et celles qui occupent des emplois temporaires, sur appel ou à temps partiel, ou qui travaillent pour des petites organisations, rencontrent des difficultés souvent insurmontables pour former un syndicat ou y adhérer. Malgré leur vulnérabilité, le droit s’avère incapable de leur assurer un accès réel à la protection syndicale. Même lorsqu’ils arrivent à négocier avec leur employeur par l’entremise d’un syndicat, leur pouvoir de négociation est tellement faible qu’ils ne parviennent pas à obtenir une rémunération ou des conditions de travail adéquates. Le cas des préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD et, encore davantage dans les résidences pour aînés privées, l’a clairement illustré lors de la pandémie. Malgré le caractère absolument essentiel de leurs tâches, leurs conditions salariales et de travail en général se sont avérées tellement déficientes qu’elles ont entraîné une pénurie de personnel catastrophique. Pour tenter de l’endiguer, le gouvernement a dû décréter des primes et des augmentations salariales, que le libre marché refusait, pour finalement requérir l’intervention de l’armée!
Le droit du travail, c’est aussi la protection et les droits qu’accorde la loi quant aux conditions minimales de travail, à la santé et la sécurité au travail, à l’équité salariale, à la sécurité du revenu, à la conciliation travail-famille et aux droits fondamentaux, dont un cadre de travail exempt de discrimination et de harcèlement psychologique ou sexuel. Là encore, la récente crise sanitaire a bien mis en lumière ses lacunes et ses insuffisances, notamment auprès de ces salariés que des emplois précaires vulnérabilisent. Comment faire valoir, seul, son droit à l’intégrité physique, à un repos minimal hebdomadaire et à des conditions de travail décentes face à un employeur qui exige de travailler dans une zone infectée, alors que les moyens de protection sanitaires élémentaires manquent et souvent en temps supplémentaire, bien au-delà des heures normales de travail ? Comment résister à la pression patronale lorsqu’il s’agit d’assurer les soins de base des personnes les plus vulnérables et démunies de la société? Comment expliquer que c’est auprès de ces travailleurs et travailleuses que le droit du travail peine le plus à se manifester et à s’imposer?
Le droit du travail accompagne la plupart d’entre nous dans la vie quotidienne. Sa fonction est essentielle puisqu’il contribue à nous assurer un emploi stable, une rémunération adéquate et des conditions de travail décentes. Malheureusement, il ne nous accompagne pas tous de la même façon, et surtout pas tous aussi bien, parce qu’il peine à s’adapter à la réalité contemporaine de la relation salariale et aux profondes mutations que connaît l’organisation du travail. Surtout, il ne parvient pas à s’imposer à la «loi du marché», que notre société considère encore comme sa véritable loi fondamentale. ◆