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Droit et interdisciplinarité au temps de la COVID

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AU-DELÀ DU DROIT

AU-DELÀ DU DROIT

Droit et interdisciplinarité au temps de la COVID Le droit se révélant intriqué à l’essentiel

Je réalise maintenant à quel point le fait d’avoir fait de l’interdisciplinarité ma préférence de jeune professeure était un acte à contre-courant. Alors que la tendance universitaire était de se centrer sur une spécialisation toujours plus pointue, j’ai dû cultiver la perspective transversale inverse pour observer le droit dans ses relations avec les autres savoirs.

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Par Violaine Lemay, professeure titulaire

Au fil du temps, un des effets de cette approche sur moi fut de transformer la vie publique, tout particulièrement en ses temps de crise, en cours de science politique grandeur nature où, contrairement à ceux de l’université, on ne casse pas de sucre sur le dos du droit, mais on assiste plutôt à une mise en évidence perpétuelle de son importance face aux dimensions les plus essentielles de notre vie moderne.

Ainsi, au retour d’une année d’enseignement au Sud, les cohortes de nos chercheurs et chercheuses diplômés me manquaient. Si les frasques de la COVID ont écourté mes retrouvailles, elles ont ouvert une brèche vers un monde nouveau, moins effréné et moins polluant, où le numérique a révélé ses merveilles… mais où, aussi, s’est

rapidement manifestée la nécessité capitale d’un droit adéquat pour repousser l’avancée tentaculaire des volontés de contrôle sur la vie privée. De plus, aux débuts de la pandémie, ces images d’horreur venues d’autres États où des humains contaminés furent enfermés à clef chez eux, contre leur gré, nous ont permis d’observer à quel point une formidable croissance économique ne suffit pas pour concrétiser la chance extraordinaire de vivre là où les droits de la personne sont garantis par l’État de droit.

En parallèle, la destruction orchestrée de la forêt amazonienne, au Brésil, et l’extinction délibérée de ses populations autochtones décimées par le coronavirus rappellent que la présence formelle de l’État de droit ne suffit pas à contenir l’avancée d’un pouvoir arbitraire, raciste, patriarcal et totalitaire: encore faut-il qu’existe un pouvoir judiciaire intègre, mais aussi un peuple capable d’espérer mieux que le «petit mieux possible» d’un retour à la dictature. Enfin, aux États-Unis, l’absence d’égalité au droit à la vie que peut signifier la disparité d’accès aux soins de santé, la perpétuation des violences racistes et la mort horrible de George Floyd montrent qu’à l’évidence, État de droit, système judiciaire et droits fondamentaux en eux-mêmes ne suffisent pas à garantir la chance de vivre là où la raison scientifique a droit de cité, où la liberté de presse survit et où le principe de la séparation des pouvoirs demeure vigoureux : encore faut-il que le contexte social soit capable de laisser s’exprimer adéquatement la vigilance juridique nécessaire à une sanction appropriée des règles et à une cohérence de l’administration publique. La COVID nous a servi d’innombrables leçons. Pour ma part, j’en tire la conclusion que la beauté du vivre-ensemble de l’après-COVID sera nécessairement fortement intriquée au droit… ou ne sera pas. ◆

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