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LE FIL DE LA VIE AUTOCHTONE

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AU-DELÀ DU DROIT

AU-DELÀ DU DROIT

«Le fil de la vie.» Ce titre est approprié là où les peuples autochtones sont concernés. Leur vie n’a bien souvent tenu qu’à un fil, surtout en temps de pandémie.

Par Jean Leclair, professeur titulaire

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Àla fin des deux cents ans qui suivront les tout premiers contacts avec les Européens à la fin du 15e siècle, on estime qu’au moins quarante millions d’Autochtones des deux Amériques ont été décimés par les virus apportés par les Européens1; virus jusqu’alors inconnus de ces populations isolées de l’Eurasie.

Au nombre de ces microbes virulents, on doit compter le droit européen et, en tout premier lieu, le droit international, développé sans la participation des peuples autochtones. Ce droit en soi respectueux de leur souveraineté et de leur humanité s’est rapidement mis au service de l’entreprise impérialiste pour devenir l’instrument de l’«usurpation de la souveraineté autochtone»2. En réputant vacantes les terres qu’occupaient ces peuples, les États «découvreurs» se les sont appropriées en toute «légalité».

La tâche du droit international accomplie, ce sont les droits nationaux qui ont pris le relais du « confinement » social, économique et politique des peuples autochtones. Les droits de ceux-ci étant relégués au rang de « coutumes » uniquement dignes d’intérêt pour les ethnologues, les seuls droits au territoire auxquels ils pourront prétendre se limiteront à ceux que leur reconnaîtra l’État (les «réserves» par exemple). Ces espaces exigus sont paradoxaux. Lieux de marginalisation sociale et économique et lieux d’asservissement politique (par l’imposition des « conseils de bande »), ils ont tout de même permis aux Autochtones de survivre en tant que communautés, ce qu’ils n’auraient pu faire si on les avait simplement noyés dans l’océan démographique non autochtone.

Aujourd’hui, les liens qui étranglaient ces peuples se dénouent tranquillement. Mais la laisse est encore solide, comme l’a démontré la Commission Viens. Et le chemin du déconfinement sera long, car, entre autres difficultés, les communautés autochtones n’ont plus la même cohésion sociale qu’auparavant. Cinq cents ans de contact ont engendré des processus d’acculturation. Tout n’est d’ailleurs pas méprisable dans l’héritage des Lumières ! Plus leur autonomie gouvernementale ira en augmentant, plus on verra alors surgir au grand jour des conflits comme ceux qui opposent aujourd’hui « traditionalistes » et représentants élus aux termes de la Loi sur les Indiens.

En cette période de pandémie, on a beaucoup écrit qu’il sera plus difficile de « déconfiner » que de « confiner ». C’est aussi – sinon plus – vrai en ce qui a trait aux peuples autochtones. Espérons que le droit fera cette fois office d’anticorps et non de microbe. ◆

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