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D’avènement à déchéance

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AU-DELÀ DU DROIT

AU-DELÀ DU DROIT

Depuis plus d’une dizaine d’années, le développement des hydrocarbures fait couler beaucoup d’encre au Québec, à défaut de faire couler du pétrole et du gaz. Par Hugo Tremblay, professeur agrégé et secrétaire de Faculté, vice-doyen à la formation continue

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L’intérêt pour cette filière énergétique dans la province a été attisé par la mise au point de nouvelles méthodes d’extraction aux États-Unis au tournant des années 2000, rendant possible le développement de gisements non conventionnels.

D’éventuelles retombées économiques importantes auraient milité en faveur d’un développement redouté par ailleurs de crainte d’une possible contamination des sources d’eau potable et de l’atmosphère, en plus de nuisances et de conflits d’usage appréhendés au voisinage des municipalités rurales.

À la suite de mobilisations sociales et de débats publics au début des années 2010, le secteur a fait l’objet d’une activité politique et juridique remarquable qui débouche en 2018 sur la mise en œuvre de la première loi sectorielle québécoise destinée à régir les activités d’exploration et de production des hydrocarbures, la Loi sur les hydrocarbures.

Cette loi tient compte des risques de contamination reliés aux activités d’extraction et des difficultés à en établir la preuve par le truchement d’un régime de responsabilité sans faute remarquable, qui par ailleurs ne limite pas la responsabilité pour faute en vertu du Code civil du Québec Sous ce régime, les titulaires des droits d’exploration et de production sont tenus, sans égard à la faute de quiconque, de réparer le préjudice causé par le fait ou à l’occasion de ses activités, notamment en raison d’émanation ou de migration de gaz ou d’écoulement de pétrole ou d’autres liquides.

Parmi les caractéristiques les plus remarquables de ce régime, trois méritent mention ici. Premièrement, la personne assujettie au régime ne peut pas se dégager de sa responsabilité en prouvant que le préjudice résulte d’une force majeure.

Deuxièmement, le régime de responsabilité sans égard à la faute s’applique jusqu’à concurrence de montants qui varient en fonction du type de milieu dans lequel les activités d’exploration ou de production sont menées, allant de 10 millions de dollars en milieu terrestre, à 25 millions de dollars en milieu hydrique, et à un milliard de dollars en milieu marin. La personne assujettie au régime doit aussi fournir la preuve qu’elle est solvable pour le montant applicable parmi un éventail d’options qui incluent le certificat de dépôt en garantie, la police d’assurance ou la lettre de crédit irrévocable.

Troisièmement, le gouvernement peut prendre une action en justice pour recouvrer la perte de valeur de non-usage liée aux ressources publiques. En théorie, les valeurs de nonusage incluent la valeur intrinsèque, souvent appelée valeur d’existence, et la valeur de legs, qui provient de la conservation des écosystèmes pour permettre leur utilisation par les générations futures mais qui exclut la valeur d’option. Les valeurs de non-usage sont extrêmement difficiles à quantifier monétairement, même de façon indirecte, notamment parce qu’elles reposent sur une évaluation subjective.

Les nombreuses innovations et incertitudes que comporte ce régime n’ont pas été soumises aux tribunaux. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les hydrocarbures, aucune activité de production n’a eu lieu au Québec.

En avril 2022, l’Assemblée nationale adopte la Loi mettant fin à la recherche d’hydrocarbures ou de réservoirs souterrains, à la production d’hydrocarbures et à l’exploitation de la saumure, qui vise à mettre fin à toute possibilité de recherche et de production d’hydrocarbures au Québec en révoquant les droits de ce faire. Le préambule de cette loi indique les considérations qui ont motivé son adoption, dont l’urgence climatique, la transition énergétique, la carboneutralité et l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cette loi entrée en vigueur à la fin de l’été remplacera le régime de responsabilité sans faute de la Loi sur les hydrocarbures par un régime quasiment identique qui vise les titulaires des droits d’exploration et de production révoqués. La seule différence notable entre les deux régimes sera l’abandon de l’exigence de preuve de solvabilité.

L’aspect relatif à la solvabilité contraste avec ce qui est prévu dans une juridiction comme l’Alberta, où les obligations d’un titulaire de droits d’exploration ou de production des hydrocarbures en matière de fermeture et de restauration des sites de forage peuvent aussi viser le syndic pendant la procédure d’insolvabilité du titulaire, à l’instar de la situation sur laquelle s’est penchée la Cour suprême dans l’affaire Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd Dans ce contexte, la question des puits orphelins apparaît pertinente. On compte au Québec 775 puits abandonnés par des entreprises qui ont cessé d’exister depuis longtemps, dont 534 ont été localisés et 95 nécessitent des travaux pour stopper des fuites de contaminants. Les coûts totaux de ces travaux de décontamination sont encore inconnus, mais l’estimation préliminaire des coûts de restauration pour 30 de ces 95 puits s’élève à 54 millions de dollars.

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