4 minute read

La responsabilité en contexte parlementaire

Next Article
AU-DELÀ DU DROIT

AU-DELÀ DU DROIT

Avec le mot « responsabilité » viennent à mon esprit les mots « responsabilité civile », concept clé du Code civil, qui encadre les rapports sociaux en quelques mots.

Avec l’extrait « Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui », le Code invite ainsi chaque personne à décider, au cas par cas, du comportement approprié, lequel peut subséquemment faire l’objet d’un contrôle judiciaire à l’initiative d’une autre personne qui allègue un préjudice en résultant.

Advertisement

En milieu parlementaire, on parle de « responsabilité ministérielle » lorsqu’une sérieuse bourde est commise dans un ministère afin d’exiger la démission de son ministre. Dans des ministères comptant des milliers de fonctionnaires, le concept apparaît suranné dans la plupart des cas.

Le temps est venu de parler, pour chaque membre d’un parlement, où des prises de position opposées sont normales, de « responsabilité parlementaire ». J’entends par là le devoir de se conduire de manière à maintenir ou augmenter la solidité de l’édifice démocratique et non de l’affaiblir. Bref, être un ou une parlementaire responsable, c’est agir de manière à ne pas causer un préjudice à la démocratie constitutionnelle comme modèle de gouvernance sociétale.

La ou le parlementaire peut certes rencontrer, lors d’une occupation de rue, des personnes qui réclament que la gouverneure générale congédie sur-le-champ le gouvernement, puis gouverne avec le Sénat, mais il faut alors leur expliquer que dans notre système démocratique, le remplacement du gouvernement survient à la suite d’une élection ou d’un vote de censure à la Chambre des communes. Choisir de garder le silence ou, pire encore, encourager une telle occupation pour s’attirer des appuis financiers ou des votes fragilise la légitimité du gouvernement, voire justifie la perpétration d’actes illégaux pour le renverser.

De même, la ou le « parlementaire responsable » devrait refuser de s’associer à la démagogie. En effet, l’histoire enseigne que cette forme de rhétorique politique peut trouver dans une élection non pas la sanction méritée, mais plutôt la consécration d’une stratégie payante, même si elle repose sur des faussetés ou du racisme, souvent un prélude à la justification de violations de droits fondamentaux. Il revient par ailleurs aux partis politiques de se doter de mécanismes internes qui empêchent leur prise de contrôle par des groupes marginaux, mais organisés.

De plus, la ou le « parlementaire responsable » devrait favoriser de véritables débats, courtois et articulés, basés sur la réalité factuelle et les données scientifiques disponibles et non pas sur des idées complotistes trouvées sur certains réseaux sociaux. Évidemment, la ligne de parti ne devrait jamais devenir un substitut pour l’analyse, en chambre ou en comité, des faits et des options possibles.

Finalement, la ou le « parlementaire responsable » devrait valoriser le journalisme professionnel et encourager des institutions comme les tribunaux et le Sénat à remplir, en toute indépendance, leur fonction de « checks and balances » lorsque cela s’impose afin de protéger les fondations de l’édifice démocratique, dont les droits fondamentaux. ◆

Rentabilité ou responsabilité sociale

Les entreprises n’ont plus à choisir

Parlons franchement : la pandémie a chamboulé tous nos acquis. Sur le plan du travail, plusieurs sont en quête de sens généralisée et de nombreuses voix s’élèvent pour qu’il y ait bien plus qu’une simple prise de conscience dans le monde des affaires.

Pour ma part, ma quête de sens a toujours été claire : je voulais une carrière me permettant d’aider les gens. C’est ce qui m’a motivé dans mes études : un avocat peut avoir un impact réel sur la communauté qui l’entoure.

En 2016, guidé par cette vision, j’ai fondé avec Sophie Tremblay Novalex, le premier cabinet d’avocats au monde à adopter un modèle « un pour un » : pour chaque heure facturée à un client d’affaires, nous offrons une heure de services juridiques pro bono à des individus à faibles revenus, OBNL et entreprises sociales qui, autrement, n’auraient pas accès à des services juridiques de qualité. Cela m’a pris une bonne décennie après mon bac pour faire germer l’idée de ce cabinet d’avocats d’affaires à fort impact social.

Sophie et moi avons tous les deux suivi le parcours dit « classique » de la course aux stages à nos premiers postes d’avocat au sein de grands bureaux nationaux. Aujourd’hui encore, nous sommes reconnaissants pour ces années riches en apprentissages et en nouvelles amitiés. Par contre, nous ressentons le besoin de nous faire les ambassadeurs d’une façon novatrice d’exercer notre profession. À l’époque pas si lointaine de nos stages, la notion d’impact social des entreprises était relativement nouvelle. Peu de cabinets avaient bâti un pont entre leurs activités commerciales et la philanthropie. Encore moins plaçaient l’impact social au cœur de leur modèle d’affaires.

C’est le pari que nous avons fait et nous ne sommes pas seuls à voir des bénéfices à une approche aussi authentique. Dans un billet publié dans le magazine Fortune, trois leaders de la firme de consultation BCG rapportaient que « les compagnies les plus performantes sur les sujets entourant la RSE (responsabilité sociale des entreprises) sont récompensées par des multiples de valorisation de 3 % à 19 % supérieurs à celles qui ont une performance médiane ». La RSE n’est donc plus un centre de coûts, mais un levier de profitabilité, d’évolutivité et de créativité, qui offre des avantages sur le recrutement et le développement de nouvelles clientèles. Novalex en fait la preuve! Centrer notre modèle économique autour de notre mission sociale a fait de nous le cabinet d’avocats en plus forte croissance au pays, avec un chiffre d’affaires qui a crû de 618 % en trois ans et une trentaine d’avocates et avocats aujourd’hui.

Mais quand une entreprise fait un choix hors norme, elle doit faire face au scepticisme des prêteurs… et des recrues! Aujourd’hui, il faut plutôt se demander comment encourager celles et ceux qui font le choix d’une carrière à fort impact social.

Comment les universités peuvent-elles continuer d’adapter leur formation à une prochaine génération qui sera mieux conscientisée à l’importance de rallier profits et responsabilité sociale et aux bénéfices qui en découlent? Quelles mesures les gouvernements peuventils mettre en place? Comme société, comment paver la voie vers des carrières et des entreprises qui « font du bien », sans que quiconque perde sa chemise?

Nous avons besoin de cette transformation positive de notre industrie, voire de l’économie tout entière. Heureusement, selon mes discussions avec nos étudiantes et étudiants et avec les employeurs innovants qui leur offriront leur première opportunité professionnelle, ce changement semble (enfin) être à nos portes. ◆

This article is from: