Hors-Série NOVO N°24 pour les 10 ans du MOLOCO

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J’AI 10 ANS HORS-SÉRIE NOVO Nº 24
Flèche Love, festival GéNéRiQ, 2018 © Zélie Noreda

Directeur de la publication et de la rédaction

Philippe Schweyer

Direction artistique et graphisme

Starlight

Rédacteurs

Benjamin Bottemer, Emmanuel Dosda, Aurélie Vautrin.

Photographes

Samuel Coulon, Stéphanie Durbic, Fabien Mathieux, Zélie Noreda, Daniel Nowak, Sacha Radosavljevic, Lionel Vadam, François Vézien, Lucile Volpei, Raphaël Zerr.

Couverture

Betraying the Martyrs, 2019

© Dorine Maillot

4e de couverture

Lord Esperanza, 2019

© Maxime Ganthier

Ce numéro hors-série est édité par Médiapop

12 quai d’Isly – 68100 Mulhouse

Sarl au capital de 1000 € Siret 507 961 001 00017

Direction : Philippe Schweyer ps@mediapop.fr – 06 22 44 68 67 www.mediapop.fr

Imprimeur

Estimprim

Dépôt légal : septembre 2022

ISSN : 1969-9514 – © Novo 2022

NOVO est édité par CHICMEDIAS et MÉDIAPOP

www.novomag.fr

J’AI DIX ANS

J’ai dix ans.

Dix ans de concerts tous azimuts, dans et hors les murs, de festivals, de temps forts…

Dix ans de soutien aux artistes avec des formations, des résidences, des créations originales, ou simplement l’accueil des groupes dans les studios de répétition.

Dix ans d’actions culturelles sur le territoire, dans les écoles mais aussi à l’hôpital, en prison, dans les Ehpad…

Dix ans de sourires, de joie, d’excitation mais aussi parfois de stress et d’inquiétudes…

Dix ans de rencontres et de partage.

Dix ans rendus possibles par de très nombreuses personnes, souvent dans l’ombre mais bien essentielles.

Dix ans marqués par l’enthousiasme des publics mais aussi la confiance des partenaires.

Dix ans, c’est peut-être pas grand-chose pour vous mais pour nous ça veut dire beaucoup.

Cette publication, c’est le regard subjectif de quelques personnes qui ont fait le Moloco pendant ces dix années : salariés, artistes, partenaires, associations, photographes, élus…

L’occasion de célébrer cette première décennie mais surtout d’ouvrir la suivante.

Alors bon anniversaire et rendez-vous dans dix ans !

3 OURS
Le Moloco, 2018 © Zélie Noreda

ÉDITO

En 2012 paraissait un ouvrage intitulé « Du Lumina au Moloco – histoire d’une filiation ». Agrémenté de superbes photos du chantier, riche de textes retraçant les grandes étapes de l’histoire du site, le livre donnait également la parole à des acteurs locaux et à des artistes. Mais il traçait surtout les lignes de force du futur projet artistique et culturel du Moloco.

Aujourd’hui, à l’occasion du dixième anniversaire du Moloco, il est manifeste que ce projet a non seulement été mis en œuvre, mais qu’il s’est affiné, adapté, renforcé au fil des années. Ainsi, rapidement, le Moloco est devenu un acteur majeur et incontournable du tissu culturel du Pays de Montbéliard.

Labellisé Scène de Musiques Actuelles, il jouit d’une reconnaissance et d’une aura qui dépasse très largement le cadre de notre territoire. Porté par une ambitieuse démarche globale en direction des musiques actuelles, de leurs acteurs, des amateurs aux professionnels, en passant par l’accompagnement des artistes émergents, le nom du Moloco résonne désormais au niveau national. C’est une immense fierté pour moi et une chance pour notre Communauté d’Agglomération et ses habitants.

Initié par la volonté politique de mes prédécesseurs et toujours fortement soutenu par PMA, le Moloco est également le fruit d’une revendication légitime des associations locales de bénéficier d’un équipement haut de gamme à même de répondre à leurs attentes et besoins. L’ancrage territorial est donc au cœur du projet, mais au-delà, il a su fédérer d’autres acteurs culturels à diverses échelles, dans une logique revendiquée de transdisciplinarité, de croisement des esthétiques et de constructions de partenariats.

Le Moloco est ‒ et restera – un outil précieux et emblématique au service de notre politique culturelle. L’esprit qui l’a fait naitre, parfaitement traduit par la formule désormais célèbre de son directeur David Demange, « Le Moloco, c’est une culture du lien plus qu’une culture du lieu » reste gravé dans le marbre et doit servir de fil rouge pour la suite de l’aventure.

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LES YEUX DE LA FÊTE

Depuis dix ans, les photographes Stéphanie Durbic et Samuel Coulon documentent la vie au Moloco : deux regards complémentaires portés sur l’activité des lieux, deux expériences au cœur des concerts et d’ateliers avec les publics.

Vous travaillez avec le Moloco depuis la phase de préfiguration en 2010. Comment s’est noué le premier contact avec l’équipe, et que faisiez-vous à cette époque ?

Stéphanie Durbic : J’exposais mes peintures et mes photographies dans ma galerie personnelle, je crois que c’est une exposition de Polaroïds installée dans ma vitrine qui a attiré le regard du chargé de communication de l’époque, Guillaume Mougel. J’ai prévenu : « je ne suis pas photographe ! » et on m’a répondu : « tant mieux, ce n’est pas ce qu’on recherche ». Ils avaient envie d’un regard un peu distancié, d’une autre esthétique. Mon premier travail professionnel en tant que photographe, ça a été pour le Moloco.

Samuel Coulon : J’ai rencontré David Demange, le directeur, au tout début du projet. On m’a demandé de documenter la période de travaux qui a vu le cinéma Le Lumina devenir le Moloco, pour un livre avec le photographe Daniel Nowak. Je faisais beaucoup de photos de concerts pour le site French metal, et en parallèle j’ai commencé à travailler pour la presse régionale, à L’Est Républicain et à L’Alsace

Stephanie & Sam au Moloco, 2022 © Lucile Volpei

Vous avez pris de nombreuses photos de concerts au Moloco. Comment définiriez-vous votre approche ?

Stéphanie : J’ai tendance à plutôt regarder de l’autre côté de la scène, pour capter les regards, les attitudes du public, les détails... je suis une hypersensible, je suis vite émue, ça peut être un défaut mais aussi une qualité, pour voir la poésie dans les détails. Mais je n’ai pas le niveau technique de Samuel.

Samuel : C’est pour cela que l’on se complète bien. Stéphanie apporte un regard très positif, une respiration au milieu de la frénésie d’un concert. La photo de concert est un exercice qui a ses codes : par exemple, on doit souvent shooter pendant les trois premières chansons uniquement, c’est imposé par la production, et c’est un défi qui me

plaît. Évidemment, c’est mieux lorsqu’il y a une connexion entre les artistes et le photographe, comme lorsque le chanteur de Behemoth venait gueuler face à mon objectif !

Y a-t-il des concerts, des moments particuliers qui vous ont marqué ?

Stéphanie : Au Moloco, j’ai découvert le metal. Niveau musique, ce n’est pas mon truc, mais en concert c’est ce que je préfère. Il y a les looks, mais aussi une vraie communauté, une entraide, comme lorsque deux ou trois gros nounours viennent faire barrage autour de moi quand je photographie dans le pogo ! Je me souviens de moments particulièrement intenses pendant les concerts de Napalm Death, de Mass hysteria... et j’ai adoré Cult of Luna.

Behemoth, Festival Impetus, 2013 © Samuel Coulon Horskh, Halloween, Rock Party, 2021 © Stéphanie Durbic
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Samuel : Moi aussi ! À mes débuts, je couvrais 350 concerts par an, au Moloco et ailleurs. Un concert c’est le champ de tous les possibles, on a toujours des surprises. Je me souviens aussi d’un atelier d’écriture mené de façon hyper positive par le musicien Fat Jeff à la Maison d’arrêt de Montbéliard. Ma démarche c’était de poser l’appareil au début, d’écouter, de ne pas être agressif ; se faire prendre en photo, c’est très intrusif. Cela m’a demandé un cheminement personnel avant de savoir faire cela.

Documenter le travail d’action culturelle du Moloco, à travers des ateliers avec des scolaires, des personnes âgées ou d’autres publics, c’est d’ailleurs devenu un peu votre spécialité Stéphanie ?

Stéphanie : Oui, on m’a beaucoup sollicitée pour cela. J’ai commencé au moment où je suis devenue maman, ça tombait plutôt bien car travailler en journée me convenait tout à fait. Ma technique est un peu différente de celle de Samuel : je mitraille tout de suite pour habituer les participants. Je ne travaille pas à l’objectif mais à l’écran, ce qui me permet de garder un contact visuel, de sourire, rassurer... ces instants sont aussi des défis : il faut capter les instants fugitifs face à des personnes qui ne posent pas, ne trichent pas.

Arch Enemy, 2015 © Samuel Coulon
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Quel

Samuel : Le Moloco reste le fil rouge de ma carrière, il est lié à mes débuts. On me fait quand même confiance depuis plus de dix ans... j’apprécie le fait de bénéficier d’une vraie liberté : c’est différent de la photo de presse où une photo doit toujours être claire, précise et nette.

Stéphanie : Grâce à cette collaboration j’ai rencontré plein de gens que je n’aurais jamais croisés sans cela. Tout s’est toujours très bien passé avec l’équipe, et après toutes ces années j’ai vraiment l’impression de faire partie de la famille, et d’un monde à part.

Action culturelle avec le collectif Kogümi, 2018 © Stéphanie Durbic
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bilan tirez-vous de cette collaboration privilégiée avec le Moloco ?
www.stephaniedurbic.com Instagram @stephaniedurbic Instagram @samuelcoulonpro Facebook @SamuelCoulonPhotographe

ATOMES CROCHUS

Vous vous êtes rencontrés lors d’une after mulhousienne. Le goût pour les expériences musicales fortes vous a rassemblés ?

Valérie : Ça date ! De la fin des années 90 je pense, après une soirée dédiée au label Saravah organisée par l’association Le Plasma au Nouma. Nous étions chez Jean-Luc Wertenschlag, ancien directeur du Noumatrouff à Mulhouse. Je me souviens même avoir perdu une lentille au petit matin…

Des souvenirs flous alors…

Valérie : Non, car mon oreille était bonne !

Kem : J’étais programmateur au Noumatrouff et les musiques expérimentales avaient une place importante, notamment grâce aux propositions du Plasma dont Valérie était friande. Nous avons beaucoup parlé, surtout que nous avions un ami commun : Amadou Sall de Treponem Pal.

Valérie : Une esthétique particulière, déjà…

Ces atomes crochus vous ont conduit à travailler en tandem sur Impetus ?

Kem : Nous avons lancé l’idée, en 2010, avec mon ami Renaud Meichtry du groupe Kruger, d’un festival franco-suisse pluridisciplinaire. J’en ai parlé à David Demange qui a dit « banco, on y va ! ». Nous avons donc sollicité Sandrine Dupuy de la Poudrière et Valérie.

Valérie : La notion de parité était de mise, ce qui n’était pas de toute évidence à l’époque ! Impetus a de suite été un fantastique terrain d’exploration et de liberté pour moi, avec la possibilité d’organiser des actions artistiques et des performances que je n’aurais pas forcément pu programmer à l’Espace Gantner. J’ai également eu la possibilité de m’intéresser à la micro-édition DIY en y organisant plusieurs expositions. Je la défends encore aujourd’hui à travers le festival Microsiphon à Motoco, à Mulhouse.

Quels souvenirs marquants – et forcément bruyants – retenir de ces dix années d’Impetus ?

Valérie : Je me souviens du magnifique croisement des publics lors de la première édition et de la prestation du musicien polonais noise Zbigniew Karkowski, mort quelques années plus tard. Même les metalleux étaient scotchés ! Je me rappelle aussi de la performance de Justice Yeldham au Palot de Montbéliard, entre les concerts de Hellbats et Napalm Death. Cet artiste australien colle son visage contre une plaque de verre amplifiée sur le Territoire de Belfort, Valérie Perrin, directrice de l’Espace multimédia de Bourogne (depuis 2007), et Kem Lalot, programmateur des Eurockéennes (depuis 2001), sont unis par les liens sacrés de la musique Durant une décennie, ils ont collaboré pour le festival Impetus par le Moloco et la Poudrière – qui n’y va pas mollo sur les décibels. Entretien croisé sous le signe de la radicalité.

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Hyperactifs
Gantner
divergente et des aventures soniques extrêmes.
– porté

Kem : Impossible de ne pas citer non plus Karkowski : je suis resté bouchebée durant une heure après cette décharge électrique ! Dans un autre genre, je me rappelle de la musique puissante et des paroles sordides de Eyehategod, groupe qui vient du Bayou, des marécages de la Nouvelle-Orléans. Les types étaient totalement largués : ils sont arrivés avec un camion… vide, sans matériel ! Ils ont fait deux minutes à peine de balance avant un show de fou. Intense, comme le concert de Stephen O’Malley de Sunn O))) qui est venu avec un projet solo au Fort du Mont-Bart : des reprises drone du compositeur italien Giacinto Scelsi. Dans les salles du fort, il y avait des interludes musicaux et performatifs. Autre beau moment vraiment dingue : l’hommage respectueux de Scott Kelly, fondateur des mythiques Neurosis, au chanteur folk Townes Van Zandt. Des reprises fidèles, mais avec la voix grave et caverneuse de Kelly.

VALÉRIE, KEM, LE MOLOCO, RAPIDO

Kem est par ailleurs programmateur du festival GéNéRiQ, temps (très) fort du Moloco co-organisé avec les Eurockéennes, la Vapeur à Dijon, le Noumatrouff de Mulhouse, la Poudrière de Belfort et la Rodia de Besançon. Il est également impliqué dans l’opération Iceberg, projet d’accompagnement de onze talents émergents franco-suisses qui bénéficient d’un suivi pour les mettre sur les rails du succès : le Moloco et la Poudrière proposent chaque année un artiste à accompagner dans le cadre de ce processus. Kem pousse régulièrement quelques disques dans les soirées organisées par le Moloco, ou en vend à l’occasion de la bourse aux disques annuelle de la salle. Enfin, le Moloco accueille certains artistes en répétition pour des créations imaginées par les Eurockéennes : Skip the Use & friends, Jambinaï & La Superfolia Armaada, Arnaud Rebotini & le collectif Omezis, Beat-Man Batkovic & Double Bass experiment…

Avec l’Espace Gantner, Valérie collabore chaque année à la saison numérique au Moloco (notamment sur les problématiques de réalité virtuelle). Plus récemment Valérie a fait partie du jury pour choisir le créateur de la fresque qui a été réalisée au bar de la salle pour ses dix ans.

Stephen O’malley, Fort du Mont Bart, Impetus 2012 Impetus – affiche de l’édition 2012 @ Barbee
11 pour produire du son avec sa bouche : la plaque s’est cassée a coupé Yeldham… produisant alors l’effroi du public de Napalm Death ! Autre moment mémorable : au Moloco, Mr Marcaille, en short, torse nu avec son violoncelle, reprenant des standards de metal devant les fans du genre, interloqués ! La dernière édition fut la plus aboutie : au fur et à mesure de l’avancée de la nuit, les propositions devenaient de plus en plus radicales. J’essayais de répondre au mieux à la programmation de Kem avec des performances pas forcément évidentes, mais toujours réjouissantes.
Buttshakers, Keep the Faith, 2013 © Stéphanie Durbic
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GRAIN(E) DE FOLIE

Le coup de foudre entre The Buttshakers et le Moloco remonte a plus de dix ans déjàà l’une des toutes premières soirées Keep the Faith en mars 2011 pour être précis. Depuis, les Lyonnais ont gardé un lien indéfectible avec l’équipe d’Audincourt, à base de concerts, de résidences, d’émotions et d’expériences partagées, comme nous le raconte Ciara Thompson, riot girl charismatique d’un groupe soul à l’énergie brute communicative.

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C’est dingue que cela fasse déjà dix ans ! Et en même temps, j’ai l’impression que le Moloco nous a toujours soutenu ! (Rires) On était un jeune groupe à l’époque, alors voir s’ouvrir les portes d’une salle comme celle-ci, c’était fantastique. Préparer nos morceaux avec de vraies conditions de scène… J’en garde un souvenir très fort. Après, les choses se sont faites naturellement, et les occasions d’y aller se sont multipliées. D’autant que David Demange et son équipe nous ont proposé de participer à des projets vraiment beaux, comme Wicked Sounds par exemple : on a passé l’année 2016 à travailler notre répertoire en version big band avec une trentaine d’élèves du conservatoire du Pays de Montbéliard, avant de le jouer à deux reprises à l’occasion du Keep the Faith Weekender et du festival Rencontres et Racines… ! Je trouve ça vraiment chouette de permettre à ces jeunes d’accéder à de telles scènes. C’est ce type d’expérience qui peut donner envie à certains de se professionnaliser, d’en faire leur métier.

C’est votre plus beau souvenir avec le Moloco ? Ça en fait partie ! Avec également les ateliers autour de la musique soul afro-américaine à la prison de Montbéliard. On avait dialogué avec les détenus sur la culture esclave, sur la notion de liberté… C’est ce que j’adore avec les équipes du Moloco : ils rendent possible des échanges forts avec des publics oubliés, comme les personnes handicapées, les migrants, les prisonniers, qui méritent eux aussi d’avoir accès à la culture. Ce sont de vrais passionnés, à la fois des artistes, de la musique, de leur salle… Toucher un public plus large leur tient vraiment à cœur. Et puis pour nous, l’opportunité d’aller plus loin que le ’simple’ concert, c’est donner du concret à notre métier. Tu sens que cette équipe plante des petites graines avec les jeunes, et c’est beau. Ça nous est souvent arrivé de croiser sur d’autres événements des anciens stagiaires ou autres, pour qui c’est précisément l’expérience au Moloco qui leur a donné envie de continuer, même si ce n’est pas facile tous les jours. Et c’est tout à l’honneur de David et de ses équipes, montrer les paillettes mais aussi le côté moins glorieux, la réalité du terrain, ce que cela signifie réellement de travailler dans ce milieu. Je crois que le Moloco est un lieu qui crée cette petite flamme d’envie d’aller plus loin.

Le Moloco est un lieu qui crée cette petite flamme d’envie d’aller plus loin. —
Wicked Sounds avec les musiciens du Conservatoire - 2016 @ Stéphanie Durbic
14 Cela fait dix ans que vous collaborez régulièrement avec le Moloco, comment résumer cette belle aventure ?
The Buttshakers à la Maison d’arrêt de Montbéliard - 2016 © Lionel Vadam
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FABRICATION LOCALE

Il nous répond entre une course de dernière minute pour le boulot et une pause déjeuner qui s’annonce expéditive. Depuis la création d’Eye of the dead en 2006 avec ses comparses Pierre Ferreux et Damien Colombain, Antoine a l’habitude de jongler entre vie associative, personnelle et professionnelle. Ce qui explique en partie une longévité plutôt rare pour une association entièrement constituée de bénévoles et essentiellement auto-financée. Une autonomie qui implique beaucoup d’investissement, mais pour ce montbéliardais de 36 ans, ça vaut le coup : « l’avantage c’est la liberté, la possibilité de ne faire que ce qu’on aime ». Différents alliages de metal, mais aussi l’électro, plus tard le hip-hop et d’autres musiques trouveront leur place dans des soirées organisées par une dizaine de passionnés.

Avec son association Eye of the dead pour l’organisation de concerts, en tant que musicien ou comme graphiste, Antoine Lauzel fait un peu partie des murs.
Guinguette du Moloco à Audincourt © Sam Coulon

EX NIHILO

À l’origine de la création d’Eye of the dead, une histoire bien connue des activistes du monde associatif : si tu ne trouves pas de concerts près de chez toi pour jouer ou écouter la musique que tu aimes, ton credo sera : Do It Yourself. Une expression qu’affectionnent les amateurs de metal, de punk hardcore ou d’électro ; toutes les musiques qu’Antoine ne retrouvait pas autour de lui il y a quinze ans. « C’était avant l’âge d’or des SMAC, raconte-t-il. Avec des groupes et des assos de grands frères comme Les Productions de l’Impossible ou Ultimatum, on allait voir les cafésconcerts pour monter des événements, mais on en a eu marre d’être payés en bières ». L’Atelier des Môles à Montbéliard est incapable de répondre au trop grand nombre de demandes pour jouer ou répéter. Lorsque la salle Le Cube à Audincourt ferme ses portes, Eye of the dead et d’autres acteurs locaux créent le collectif Rien n’a encore changé, qui milite pour la création d’une nouvelle structure. « On faisait des concerts, des manifestations, des rencontres pour enclencher les choses, et quand une volonté politique a émergé, le Moloco est né » explique Antoine.

QUAND L’ASSO MONTE LE SON

Selon son président, Eye of the dead a exploité « le gros vivier metal » de la région, et met aussi en lumière les musiques électroniques, l’autre cheval de bataille d’Antoine Lauzel. Le tout en prenant soin de préserver l’écosystème local : pas question d’asphyxier les autres assos, chacun doit pouvoir s’y retrouver et creuser le sillon de ses propres esthétiques. Une première soirée électro Noizegate à la Poudrière de Belfort ouvrira les portes du Moloco à une seconde édition, « avec une esthétique sombre, industrielle ». Des soirées qui s’enchaîneront pendant sept ans, sans compter les événements Noizegate club, hors les murs. Au Moloco, le festival Metal Rumble, les concerts de Kickback et de The Exploited ou encore « un énorme plateau » avec Étienne de Crécy, The Driver (Manu le Malin) et The Hacker, et le set de DJ Pone notamment constitueront autant de moments mémorables pour Eye of the dead. « On a montré qu’on était capables d’organiser de grosses soirées qui ont du succès, indique Antoine. Et on a ainsi gagné en reconnaissance ». De l’apéro au bar où l’on passe des disques jusqu’aux DJ sets et aux concerts petits et grands, Eye of the dead affiche au compteur environ 40 événements au Moloco en l’espace de dix ans.

SCÈNE OUVERTE

Antoine vit aussi sa passion en tant que musicien : son projet électro-metal Flesh, aux côtés du batteur Thomas Szodrak, a bénéficié d’un accompagnement artistique et financier du Moloco, qui les propule aux Inouïs du Printemps de Bourges en 2014. Si le groupe est aujourd’hui en stand-by, Antoine ne chôme pas, entre son projet de cœur électro-indus Nine et le groupe Alta Rossa, vu en résidence et sur scène au Moloco, où il tient

Alta Rossa, novembre 2020 © Samuel Coulon
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le micro. On retrouve même Antoine derrière les platines pour des DJ sets, des soirées « sélecta » au bar ou lors des Guinguettes à la période estivale... et ce n’est pas tout : graphiste de profession, il met ses talents au service de la salle pour créer affiches, flyers, t-shirts et réalise également des vidéos. « Les espoirs qu’on entretenait au moment de la création du Moloco se sont concrétisés, même s’il faut continuer à chercher d’autres lieux pour

des alternatives, explique-t-il. Travailler avec Le Moloco nous a permis de grandir et de nous pérenniser ; l’associatif y est très bien considéré, ce qui n’est pas le cas partout... il y a une vraie notion d’apports mutuels entre nous ».

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Barcella, 2014 © Stéphanie Durbic

CHAMPION

TOUTE CATÉGORIE

C’est le recordman des artistes ayant le plus souvent joué au Moloco, en temps de présence, de travail ou de collaborations : Barcella, aka Mathieu Ladevèze, auteur-compositeur-interprète, partage avec nous les dessous d’une aventure bien plus extra qu’ordinaire.

Barcella Kids Orchestra au festival Rencontres et Racines 2022 © Stéphanie Durbic

Vous étiez là avant même le lancement de la salle avec les Barcellades… Douze ans plus tard vous êtes toujours au cœur d’un des gros projets 2022 du Moloco, le Barcella Kids Orchestra. Comment expliquez-vous cette relation qui dure ?

C’est d’abord une histoire d’amitié avec son directeur, David Demange… Une amitié très forte qui s’est développée au fur et à mesure des années, et qui remonte à l’époque où il travaillait à Reims dans l’accompagnement des artistes en développement. Il m’a soutenu dans ma professionnalisation, m’a aidé, m’a porté, il a tout de suite cru en moi ‒ peut-être même plus que moi d’ailleurs. Et quand il est revenu sur ses terres pour s’occuper du Moloco, il m’a très vite proposé un projet fou, hyper ambitieux, ultra fédérateur, qu’on a, par la suite, appelé les Barcellades. Je crois que depuis ce projet, il se dit que rien n’est impossible ! À chaque fois qu’il me passe un coup de fil, je m’attends à tout.

Comment résumer en quelques mots votre rapport avec le Moloco ?

En vérité, je ne peux pas désolidariser le Moloco de David Demange - indépendamment de l’amitié que je lui porte, parce qu’encore une fois, c’est parce qu’on a fait des choses exceptionnelles ensemble que c’est devenu une amitié puissante. Les Barcellades, c’est le plus grand projet qu’on m’ait jamais proposé, le plus humain surtout, qui a énormément servi mon univers artistique… Faire bosser ensemble tant de gamins et de gens

d’univers différents, les écoles, le conservatoire, les maisons de quartier, les gens du voyage… ça a été une aventure extraordinaire. À partir de ce moment-là, j’ai été complètement adopté par le pays de Montbéliard, et j’ai découvert avec le Moloco ma nouvelle famille de cœur. Cette salle est capable de lancer des paris complètement dingues. On a beau dire à David que ce sera impossible, lui, il y croit, et il a cette force, cette ambition folle, qui fait qu’on le suit, jusqu’au bout.

Est-ce que cette salle a un « truc en plus » ?

Pour avoir fait plein de projets avec différentes SMAC en dix ans - et j’ai beau avoir une tendresse inébranlable pour ma ville de Reims, les projets les plus ambitieux, en termes de mobilisation humaine et matérielle, de rendu artistique, je les ai fait avec le Moloco. Parce qu’après les Barcellades, la salle m’a permis de réaliser le projet des 1200 choristes au profit des Restos du Cœur, projet insensé avec lequel on avait rempli deux fois l’Axone… C’est un des plus beaux souvenirs de ma vie. Quand je revois des photos, moi comme un tout petit point devant un mur immense de choristes, j’ai du mal à croire qu’on l’a fait. La grande qualité de David par rapport à d’autres directeurs de salle, c’est sa sensibilité artistique : il ne le met pas en avant, mais c’est un guitariste de haut vol, et je pense que c’est cet aspect-là qui lui permet de se démarquer. Et le Moloco a le souci constant d’allier les dimensions culturelles, solidaires, intergénérationnelles et de territoire. Il y a une vraie dimension sociale dans les actions de cette salle. Je crois que c’est ça, le truc en plus.

L’aventure commune n’est donc pas prête de s’arrêter alors… !

Non ! Encore cette année, on a mis en place le Barcella Kids Orchestra : un concert de folie pour quatre-vingt enfants en début d’apprentissage du violon, sur la grande scène de Rencontres et Racines, devant plusieurs milliers de personnes, là où se tiendra MC Solaar quelques heures plus tard. Pour ces gamins, c’est juste un truc extraordinaire ! Et c’est encore une fois le Moloco qui est à l’origine de cette belle histoire. Alors, non, je ne crois pas que l’aventure s’arrêtera là - aussi parce que David est une belle étoile à l’échelle de ma vie.

Mes projets les plus ambitieux, en termes de mobilisation humaine et matérielle, de rendu artistique, je les ai fait avec le Moloco. —
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Création de concerts

Depuis 2010, le Moloco a initié dix-sept créations réunissant des artistes associés et des acteurs culturels du territoire. Des spectacles à la croisée des esthétiques où se côtoient professionnels et amateurs.

Le 26 juin dernier, l’auteur-compositeur et interprète Barcella est apparu sur la scène du Moloco auprès du Barcella Kids Orchestra, réunissant les jeunes musiciens de l’association Takajouer et ceux du Conservatoire du Pays de Montbéliard. L’artiste rémois était de retour au Moloco douze ans après Les Barcellades, qui fut la toute première création de la structure en décembre 2010. Celle-ci s’était déjà montée aux côtés du Conservatoire du Pays de Montbéliard, un partenaire privilégié du Moloco qui aura participé à onze créations avec la structure. Cette notion de partenariat avec les acteurs culturels locaux et avec les amateurs est au cœur de la démarche du Moloco : L’harmonie de Beaulieu-Mandeure, l’École Supérieure de Musique de Bourgogne Franche-Comté, la Poudrière à Belfort notamment ont participé au fil des ans à ces projets au croisement des langages artistiques. Des artistes associés de renom sont régulièrement de la partie : en 2018, c’est le charismatique Médéric Collignon, qui a réuni plus de 50 musiciens sur scène en partenariat avec le Conservatoire. En 2021, L’Ouverture de Toussaint avec le rappeur américain Napoléon Maddox fut réalisé en partenariat, entre autres, avec la Rodia, SMAC de Besançon. Toujours au rayon des projets voyageurs, la Nuit irlandaise What’s The Craic ? mettait à l’honneur cette saison les musiques irlandaises, de la musique traditionnelle au rock celtique, avec le groupe The Moorings et le Conservatoire. Autant de passerelles jetées entre les genres pour inviter les artistes amateurs, notamment les plus jeunes, à explorer toute la diversité de la musique. Autant de moments qui ont nécessité de nombreuses rencontres et répétitions, avec une direction artistique visant à créer de l’originalité et de l’inattendu. Car si ces créations s’inscrivent dans une volonté d’action culturelle et d’éducation artistique, elles constituent aussi des œuvres abouties et de qualité pleinement intégrées au sein de la programmation du Moloco.

www.lemoloco.com/creations

Ici le Bout de la Chaîne – La Canaille et les musiciens du Conservatoire © Stéphanie Durbic Zerolex Ensemble, Fort du Mont Bart, 28 août 2021 Lucile
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©
Volpei

Labos pour locaux

Les studios de répétition du Moloco offrent aux musiciens des lieux entièrement équipés, la présence d’un professionnel et l’occasion de se mêler à la scène montbéliardaise.

À l’image de la structure qui les abrite, les studios de répétition du Moloco ont été baptisés en référence à l’univers du chef-d’œuvre de Kubrick Orange Mécanique : au sein du Ludovico, du Droogies et du Vellocet, environ une centaine de groupes locaux répètent toute l’année. Amplis, micros, casques, batteries, platines, claviers sont à disposition, dans des conditions bien plus confortables que le garage de Tonton ou le sous-sol d’un pavillon. En plus de ces trois studios (deux de 30 m² et un de 40 m²), un espace consacré à la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), également équipé d’un matériel de qualité professionnelle, accueille les beatmakers et producteurs de rap et de musiques électroniques. Ces derniers peuvent profiter d’ordinateurs et des logiciels Cubase, Ableton live et Reason ainsi que d’un système d’écoute de haute qualité. Un matériel d’enregistrement est disponible : de quoi réaliser une maquette bien utile pour permettre aux groupes de progresser et de démarcher labels et salles de concerts.

Le régisseur son Kévin Martinez est le maître des lieux. En plus de gérer l’emploi du temps et l’occupation des studios, celui-ci apporte aux musiciens ses conseils et son expertise pour utiliser au mieux les outils à disposition. Conçus pour être adaptés à tous les genres musicaux, les studios n’ont pas que des qualités techniques et pratiques : ce sont également des lieux de vie et de connaissance. Des formations y sont régulièrement organisées en MAO et enregistrement, ainsi que des masterclasses abordant les subtilités de divers instruments. L’espace d’accueil, propice à la convivialité, sert aussi de centre de ressources abritant de la documentation artistique et technique sous la forme d’ouvrages et de magazines spécialisés. Une exposition d’artistes locaux y est organisée chaque saison : en 2021-2022, ce sont les illustratrices C3 Po.lette et Cerise la Castagne qui ont occupé les murs. Enfin, les Soirées des Studios (Support Your Local Bands) réunissent deux fois par an des groupes des studios du Moloco et du Rockhatry à Belfort : une belle occasion de mettre en avant les formations qui répètent dans les deux structures, et de renforcer les liens entre les groupes et le public.

Infos : www.lemoloco.com/les-studios-de-repetition

Studios 2020 © Sam Coulon Kevin Martinez, régisseur des Studios et Elie Messagier, chargé d’accompagnement, 2020 © Sam Coulon Exposition François Vézien, 2017 © François Vézien
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focus

LE MOLOCO + LA POUDRIÈRE UNE ÉQUIPE QUI GAGNE

Fêter les dix ans du Moloco, c’est aussi souligner dix ans de collaboration sans commune mesure avec les voisins de la Poudrière : avant même l’ouverture de la salle, les équipes des SMAC de Belfort et du Pays de Montbéliard prenaient la décision d’avancer main dans la main pour faire de la culture la grande gagnante d’un pari audacieux. Dix ans plus tard, le résultat est sans appel : on ne compte plus les festivals, les actions culturelles ou les projets de créations et d’accompagnement que les deux structures ont en commun. Retour sur une décennie de partage avec Vincent Ilhe, actuel directeur de la Poudrière.

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Hibou, Inauguration du Moloco, 2012 © Stéphanie Durbic
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Quel regard portez-vous sur ces dix ans de collaboration entre Le Moloco et La Poudrière ?

C’est un peu particulier pour moi, car je les ai vécus à différents postes : à l’époque j’étais à michemin entre l’administration et la régie. Mais je peux vous dire que l’on a vite adhéré à la volonté du futur Moloco de s’associer véritablement à la Poudrière, c’était une vraie chance, dans le sens où les deux salles sont très proches l’une de l’autre. On partait donc sur de bonnes bases ! Bien sûr, il a fallu trouver la bonne articulation pour que chaque lieu garde son identité artistique propre tout en partageant un projet commun, avec du sens et défendu par tout le monde… Ça n’a pas toujours été simple, il y a même eu des passages vraiment compliqués ‒ notamment au niveau des relations politiques. Beaucoup auraient laissé tomber, mais pas ces deux-là (Sandrine Dupuy et David), et ils ont bien fait, parce que ça a donné lieu à des projets passionnants, captivants, à une vraie aventure humaine tout simplement. Alors finalement ce que je retiens de ces dix ans, c’est l’envie d’avancer ensemble et de faire bouger les lignes : depuis, l’idée de cette Société en Participation mise en place entre nos deux structures a fait des petits un peu partout, dans des secteurs parfois très différents ‒ nous avons ainsi été cité en exemple lors du conseil d’administration de l’hôpital Nord FrancheComté, moment fort du regroupement entre les établissements de Montbéliard et de Belfort. J’ai envie de dire qu’une fois de plus, c’est la culture qui a montré la voie…

Quels sont vos meilleurs souvenirs liés au Moloco ?

Le premier, c’est la concrétisation du travail qu’avaient mené David Demange et Sandrine Dupuy, l’ancienne directrice de la Poudrière : la signature de la labellisation partagée entre nos deux structures, qui fit de nous une SMAC à deux têtes, avec même des salariés en commun ! L’évènement s’était tenu à la gare TGV, et comme le Moloco accueillait à l’époque Mesparrow pour

une résidence de création, la chanteuse avait joué quelques morceaux de piano dans le hall de la gare, je me souviens qu’elle avait fait chanter les deux préfets présents pour la signature… C’était un moment assez fou, fort en symboles et en émotions, venant récompenser l’abnégation de nos directions qui n’avaient pas ménagé leurs efforts pour faire exister ce moment.

Après, pour ma partie propre, il y a évidemment les créations que l’on a défendu David et moi ces deux dernières années. Comme on vient tous les deux d’une formation classique ‒ lui guitariste, moi violoncelliste-pianiste, on a toujours eu à cœur de faire des cross over entre musiques actuelles et musiques classiques, comme avec Silly Boy Blue ou prochainement Al’Tarba, cette envie de mélanger musique electro actuelle amplifiée avec des instruments plus classiques ou de musiques anciennes… C’est la richesse de ce qui nous démarque à l’heure actuelle dans nos projets avec le Moloco : cette façon de faire un pas de côté. Car faire en sorte que des musiciens d’esthétiques différentes se rencontrent, c’est hyper enthousiasmant. Et puis il y a aussi le festival Impetus qu’on a porté à bout de bras pendant pas mal d’années, tous les projets d’accompagnement… Et puis il y a l’A36 aussi, qui relie nos deux structures et que l’on connait par cœur à présent !

C’est une salle que vous avez vu grandir ?

Oui, dans un certain sens, mais finalement David a toujours eu un projet très clair en termes d’émergence, de programmation, aussi dans sa façon de structurer son équipe et globalement le secteur - rappelons que cela fait une vingtaine d’années qu’il contribue à faire avancer le schmilblic dans le milieu. En revanche il faut noter qu’il a su s’entourer de gens qui font un boulot remarquable… Et souligner la flexibilité et la patience de cette équipe, parce que David, c’est quand même un vrai boulimique d’activités !

Dix ans, c’est beaucoup ou assez peu finalement ?

Alors, évidemment, on peut dire qu’à l’échelle de la culture, ce n’est pas grand chose, quand on voit les scènes nationales ou les opéras, on est les jeunots. Mais dix ans c’est quand même marquant : c’est une étape importante dans la vie d’une structure, c’est la preuve que le projet était bon, qu’il tient, qu’il a trouvé son public, donc clairement ce n’est pas anecdotique. Dix ans, on peut dire que c’est peu par rapport à d’autres, mais pour nous c’est beaucoup.

Ce que je retiens de ces dix ans, c’est l’envie d’avancer ensemble et de faire bouger les lignes —
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LES ANGES

GARDIENS

Budget, comptabilité, billetterie... Dominique Aujouannet et Anne-Sophie Roux sont des rouages indispensables au bon fonctionnement du Moloco. Dans les bureaux mais aussi côté salle, ces passionnées de culture allient sens de l’organisation et du contact humain.

Est-ce que je me trompe en disant que ce n’est pas dans vos habitudes d’être interviewées sur votre rôle au Moloco ?

Dominique Aujouannet : C’est vrai que nos métiers sont dans l’ombre, mais c’est normal : quand on ne voit pas les effets de notre travail, c’est que tout va bien ! Mais on participe grandement à tenir les rênes au quotidien.

Anne-Sophie Roux : Nous travaillons en quelque sorte sur tout ce qui se passe avant et après un événement, cela a donc forcément moins de visibilité.

Quelles sont vos tâches au sein de l’administration du Moloco ?

DA : Je me charge essentiellement de « tenir les cordons de la bourse » : les questions juridiques et sociales, la gestion du budget et le management des équipes sont mon quotidien en tant qu’administratrice. Le budget du Moloco est voté par le Conseil d’administration : à partir de là, on bénéficie d’une totale liberté pour l’utiliser du fait de notre statut d’Établissement Public Industriel et Commercial.

ASR : En tant que comptable, mon travail est de payer les factures, les salaires, les charges et les embauches des techniciens ponctuels et permanents. Je suis aussi chargée de la billetterie, avec notamment une fonction d’accueil des publics au Moloco, sur place et par téléphone. Ça implique de savoir répondre aux questions et aussi de faire des rencontres !

Vous n’êtes donc pas uniquement au travail dans votre bureau, mais aussi au contact des spectateurs... par exemple, vous êtes régulièrement désignées comme responsable de soirée. En quoi cela consiste-t-il ?

DA : C’est là qu’on peut vraiment dire que je suis « la maman du Moloco », et pas seulement car je pars à la retraite au début de l’année prochaine ! Le ou la responsable de soirée veille à ce que tout se passe bien pendant un événement, et en particulier au bien-être et à la sécurité de ceux qui y assistent. Lors de certains concerts intenses, on doit s’occuper de spectateurs un peu en détresse pour diverses raisons : quand on fait la fermeture à 5 heures du matin, on en retrouve parfois dans de drôles d’états ! On m’a aussi fait des propositions assez... inattendues. Ça c’est le côté amusant du job.

ASR : Je suis également responsable de soirée depuis l’année dernière. J’ai mon petit « cahier secret » dans lequel je note les anecdotes les plus marquantes depuis mon arrivée au Moloco : je relève des phrases entendues ou les situations incongrues qui se passent devant moi, pendant nos réunions par exemple ou pendant les concerts en pleine soirée ! On m’a déjà demandé s’il était possible de faire des bolas en plein concert, ou de jouer en première partie pour la soirée du lendemain.

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Vous auriez pu utiliser vos compétences administratives en entreprise, ou dans des structures plus « traditionnelles » que le milieu du spectacle... c’était envisageable pour vous ?

DA : J’aurais pu trouver un emploi qui m’aurait rendu plus riche financièrement... mais pas humainement et culturellement. Mon parcours est totalement lié au milieu artistique : à 20 ans, j’ai œuvré une dizaine d’années au sein de l’association Autoreverse à Montluçon. C’était la période Bérurier noir, la Mano Negra, les Garçons bouchers... à l’époque, le monde politique nous mettait à l’écart, c’est bien différent aujourd’hui.  J’ai ensuite travaillé comme

administratrice au Centre Dramatique National de Montluçon (Théâtre des Ilets) dans les années 80 et 90 avant d’arriver au Moloco pour la préfiguration. C’est un peu mon bébé !

ASR : La musique a toujours été au cœur de ma vie. D’abord comme élève au conservatoire de Besançon et en cursus Musicologie, puis comme musicienne et professeur de flûte traversière et de solfège dans différentes écoles de musique de la région. J’ai ensuite étudié à l’IUP à Dijon puis j’ai été salariée durant une saison au Moulin de Pontcey en Haute-Saône, géré par l’association Au Coin de l’Oreille. Nous n’étions que trois permanentes : j’y faisais de tout, de la comptabilité jusqu’au lavage

Anne-Sophie Roux, juin 2022 © Stéphanie Durbic
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des eco cup du bar en soirée, ou encore participer à la mise en place et l’organisation d’un festival… Je suis arrivée au Moloco en 2012 pour l’ouverture du Moloco dans ses murs.

DA : C’est moi qui ai recruté Anne-Sophie, son profil atypique m’a plu : elle avait cette vraie passion et cet engagement pour la musique, et puis il y a tout de suite eu un bon feeling. Depuis, on travaille dans le même bureau.

Des moments de bonheur à nous faire partager ?

DA : Les instants que j’ai pu passer avec les artistes sont les plus précieux pour moi : croiser Arno ou passer une journée avec Patti Smith

constituent de très beaux souvenirs. Pouvoir revenir à la normale après les confinements et les fermetures nous fait un bien fou.

ASR : C’est certain qu’organiser une soirée avec tout notre public, des spectateurs debout et un bar qui fonctionne, c’est vital. Depuis que je vais en concert, c’est avec l’envie de retrouver des amis sur place, ça passe même parfois avant les groupes à l’affiche : ça permet aussi la découverte de nouveaux groupes ou esthétiques, et souvent de très bonnes surprises !

Dominique Aujouannet, juin 2022 © Stéphanie Durbic
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DIX ANNÉES

EN REGARD(S) CROISÉ(S)

D’un côté, Martial Bourquin, président du Conseil d’Administration, homme politique, maire d’Audincourt, ancien ouvrier, sénateur de 2008 à 2020, créateur du projet et pilier fondateur du Moloco. De l’autre David Demange, (futur ex) directeur-programmateur emblématique, guitariste aguerri, figure incontournable du paysage culturel du pays de Montbéliard. L’un a permis au Moloco de voir le jour, l’autre de grandir. À l’heure du bilan sur le passé et les rêves à venir, dans la tourmente d’une société en crise globale, ces deux amoureux de la musique en général et d’un territoire en particulier échangent sur le passé, le futur et le présent surtout.

Martial Bourquin  : La première chose dont on peut parler, si l’on veut évoquer le passé, c’est que ce projet revient de loin… Le pays de Montbéliard a toujours été un territoire riche d’associations tournées vers les musiques actuelles - mais jusqu’à l’ouverture du Moloco, ces organisations n’avaient pas vraiment de lieu d’expression. Je me souviens de cette manifestation à l’agglo, en 2003, j’étais descendu la rejoindre pour défendre l’idée d’une SMAC sur notre territoire. D’ailleurs à l’époque j’étais le seul candidat à soutenir ce type de propositions dans le pays de Montbéliard, les gens voyaient beaucoup les inconvénients et pas les avantages. C’est à partir de ce moment-là que les choses ont commencé à bouger. On a choisi David comme directeur artistique, afin qu’il soit aussi l’architecte de ce futur projet, on a commencé à organiser des événements hors les murs. Puis il y a eu la fermeture du Lumina, le tout premier cinéma du pays de Montbéliard, suite à l’installation d’un multiplexe non loin de là. Le lieu était chargé d’histoire : on y a vu un endroit de prédilection pour mettre en place la SMAC. Je me rappellerai toujours l’inauguration, j’étais parlementaire à l’époque, il y avait un monde fou, la ministre de la culture Aurélie Filippetti, Pierre Moscovici,… On savait qu’il se passait quelque chose. Très vite les ambitions de la salle ont été déployées avec une idée essentielle : ce lieu ne s’opposerait pas aux associations existantes. Au contraire, il se servirait de ce milieu associatif pour mettre en place un projet participatif, au service de l’ensemble des groupes qui répétaient, des créateurs, des artistes, des acteurs du territoire. Une structure qui ne se contenterait pas de prendre une spécialité de musique, mais s’ouvrirait à toutes les esthétiques. Dix ans après, les fondamentaux sont toujours là. Ne pas se limiter à un genre musical, donner toutes leurs chances aux artistes en devenir, s’appuyer sur le tissu associatif, découvrir des talents. Parce qu’une SMAC, c’est beaucoup plus que l’organisation de concerts avec un but commercial, c’est un travail à la formation, à la connaissance des

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David Demange : Effectivement, je crois que le Moloco a su trouver une place qui va bien au-delà de la question simple des musiques actuelles. C’est une structure qui est devenue centrale dans le paysage de la région, de par sa culture du partenariat, du lien social. Elle n’a jamais eu pour vocation d’être réservée aux amateurs de musique, au contraire, on a toujours essayé d’élargir la focale, en travaillant avec des personnes d’horizons différents, des prisons, des Ehpad, des écoles… En dix ans, on a réussi à faire du Moloco un élément installé durablement dans la vie des gens et d’un territoire. Et ce, même si certains n’y ont jamais mis les pieds !

Par exemple, les parents des enfants qui ont joué avec Barcella pendant

le festival Rencontres et Racines, ne sont peutêtre jamais venus dans l’établissement, pourtant ils ont profité de l’aventure grâce à nos actions. Aujourd’hui, le Moloco est un acteur ressource, un partenaire évident d’organisation d’événements pour tous les autres acteurs culturels de la région, qu’il s’agisse d’une scène nationale ou d’un centre social.

Martial Bourquin  : Depuis toujours, nous partageons avec David la conviction inébranlable que l’on a tous besoin de culture. Que c’est par la culture que l’on réglera beaucoup de problèmes, parce qu’elle est un véritable lien social - d’ailleurs David a une super citation à ce sujet…

David Demange : « Le Moloco c’est une culture du lien plus qu’une culture du lieu. »

Martial Bourquin : Voilà, c’est exactement cela. Dans des moments de restructuration industrielle, de difficultés sociales, d’exclusions, la culture est un ciment, elle nous aide à nous dépasser, à nous évader, nous épanouir. En développant des actions avec des structures, avec des artistes, le Moloco a permis à des personnes d’avoir des pratiques culturelles qu’elles n’auraient pas eu autrement. Ce qui est un véritable travail de service public ‒ c’est comme ça que la culture doit fonctionner. Dans des moments de difficultés comme aujourd’hui, il y aura toujours tendance à regarder si la culture est une dépense normale, nécessaire. Je le dis régulièrement dans les différentes collectivités où je suis présent : sans une vision ouverte de la culture, on ne s’en sortira pas. Il y aura forcément un peu de bouleversement dans les mois à venir au Moloco, avec le départ de David à la direction et de Dominique à l’administration : il faudra s’appuyer sur ce qui a été fait, tout en faisant en sorte de connaître de nouveaux développements. On a la chance d’avoir un conservatoire et une scène nationale d’excellent niveau et des associations de musique de belle qualité. Mettre en réseau ces structures apporte un contenu supérieur. À l’avenir, il faudra donc encore et toujours renforcer ce travail de partenariat, qui est essentiel.

David Demange : Je vais vous avouer quelque chose, je suis arrivé au Moloco en disant que les directeurs de structures culturelles ne devraient pas rester plus de dix ans à leur poste : j’ai donc tenu à appliquer cette doctrine à moi-même ! C’est une des raisons de mon départ. Mais je suis persuadé que le Moloco dépasse la question des personnes : c’est une institution au bon sens du terme, installée, engagée, avec une super équipe et un état d’esprit jamais figé. Il y a beaucoup de chantiers transversaux à la société sur lesquels le Moloco pourrait agir davantage, par exemple sur la transition écologique, la façon de vivre les concerts, de les organiser, de consommer de la musique.

Martial Bourquin © Rapahël Zerr
33 esthétiques, également des box de répétition, du soutien aux artistes, et puis des colloques, des actions culturelles… C’est participer à faire entrer la culture là où elle n’est pas. Les Guinguettes, par exemple, ont permis d’amener des concerts dans des petites communes qui n’auraient pas eu les moyens d’organiser ces événements. Tout cela fait l’aura et l’essence même du Moloco. Dix ans plus tard, on peut dire que cette structure est devenue un véritable outil de politique publique. Qu’elle est un apport considérable à la vie culturelle de la région Nord Franche-Comté.

Il faudrait aussi approfondir le chantier de l’égalité homme-femme dans le milieu ‒ on est un tout petit peu au-dessus des moyennes nationales, avec 20% de femmes programmées cette année contre 15% ailleurs en France, mais cela reste très faible. Et puis il y a sûrement plein de nouveaux développements que je ne suis aujourd’hui pas capable d’imaginer : c’est tout l’intérêt de recruter une nouvelle personnalité qui pourra tout inventer. J’ai confiance en l’avenir, personne n’est irremplaçable, le Moloco a déjà dix ans d’histoire, même treize voire plus si on y ajoute les années hors les murs et le travail acharné de Martial depuis cette fameuse manifestation qu’il évoquait tout à l’heure. Cette histoire-là compte. Mais une chose est sûre : on court à l’échec si l’on reste isolé dans notre petit coin. On est sur une région où ce n’est pas si facile de mobiliser le public, il faut toujours construire, aller de l’avant, créer la dynamique. Ce qui doit guider plus que tout, c’est la volonté de travailler dans un territoire.

Martial Bourquin  : Voilà la vraie question… L’avenir du Moloco dépendra évidemment de l’équipe que l’on va choisir, mais aussi et surtout des moyens publics qu’on lui donne. C’est une bataille de tous les instants : il faut absolument comprendre que la culture nécessite des moyens. « Si on touche à la culture, qu’est-ce qui nous reste ? » demandait Churchill. Je serais tenté de dire comme lui. Nous avons besoin de progresser, de sublimer, de savoir ce qu’est le beau. Et plus on le fera découvrir dès le plus jeune âge, plus l’on grandira avec ces politiques publiques, et plus, inévitablement, le peuple sera éclairé, avec des citoyens capables d’aborder une certaine esthétique. Une structure publique, c’est donner la chance d’avoir accès à des programmes culturels que tous n’auraient pas la possibilité de voir chez eux, souvent pour des questions de moyens financiers, mais aussi de goûts, d’opportunités. Il faut garder et soutenir cette vision ouverte de la culture. Il y a quelques temps, on a organisé un concert de jazz manouche dans un Ehpad, j’ai vu des résidents dire « enfin ! » - il ne faut pas se contenter de leur amener de l’accordéon une fois de temps en temps sous prétexte qu’ils ont l’âge pour aimer ça, il faut aller beaucoup plus loin ! Je pense qu’un territoire ne sera fort qu’avec une grande politique culturelle. Sans elle, il y aura forcément moins de lien social.

David Demange : C’est certain. À condition de prendre également en compte la question de la concentration économique et de la diversité artistique. Une structure comme le Moloco a également comme vocation la diversité des esthétiques, des pratiques culturelles, des droits culturels au sens large. Car les SMAC sont de puissants outils pour préserver la diversité artistique, à l’heure où les grands groupes financiers prennent de plus en plus la main sur le monde de la musique. Des groupes qui voudraient à la fois la gestion du zénith du coin et les clés de la SMAC - mais non, surtout pas ! Le travail d’une SMAC est un travail de fond, qui touche à la connexion au territoire, ce n’est pas le même métier que de faire du commerce avec de la musique. C’est grâce à ces SMAC que le public a accès aux esthétiques qui n’ont pas de place dans les grands médias. Il faut absolument préserver ce rôle-là.

Martial Bourquin  : Le dossier de la diversité culturelle, c’est certainement le plus gros dossier du moment. Continuer à faire en sorte que la découverte de talents ne soit pas l’apanage de grands groupes - car ces grands groupes mettront forcément de côté des artistes au profit d’esthétiques qu’ils auront préconisées.

David Demange © Stéphanie Durbic
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La concentration qui est actuellement en train de s’opérer est extrêmement dangereuse, avec des groupes financiers qui vont jusqu’à gérer le licenciement des équipes sur place… Alors oui c’est plus facile pour un élu de donner les rênes d’un événement à un groupe comme Vivendi ‒mais une fois entré dans la boucle, ce festival ne sera plus jamais comme avant. Ce lien social, cet antiracisme, cet esprit de liberté n’existera plus, on aura un festival avec des esthétiques réduites. Le problème se pose aussi pour la presse quotidienne, l’édition, la création… On ne peut pas laisser des monstres financiers absorber la diversité culturelle. Qu’ils y participent c’est une chose ‒ le mécénat existe partout, mais qu’ils la domestiquent, il n’y a rien de pire. Et pourtant, c’est l’avenir qui se dessine pour la culture au sens large. Aujourd’hui encore, je croise des artistes que l’on a produits il y a vingt ans quand personne ne les connaissait, et qui nous remercient de les avoir soutenus, de les avoir aidés à trouver leur public lorsqu’ils se sont lancés. Finalement, tout cela parle de liberté - je sais, on met ce mot partout. Mais garder des structures comme des SMAC, c’est permettre la liberté. Et préserver la diversité n’est possible qu’avec une politique publique…

David Demange : Récemment, j’ai découvert une carte publiée par le syndicat des musiques actuelles, qui répertorie le « qui possède quoi » des festivals européens. On y voit très clairement que l’immense majorité des grands événements musicaux sont sous le joug de quelques personnes seulement… C’est la triste réalité actuelle du monde de la musique. C’est pour ça que cette défense du lien avec les associations locales bénévoles dédiées à des niches artistiques est absolument primordiale.

Martial Bourquin  : J’ajouterai que la culture se doit de rester subversive, car si elle se fond dans le moule de la pensée unique, elle n’aura pas d’avenir. Or ces fameux grands groupes n’aiment pas trop ça, la subversion. On sait très bien que les éclosions culturelles ont eu lieu dans des grands mouvements sociaux : rappelez-vous, le jazz, c’était de la contreculture à la base. Il faut que des scènes comme le Moloco continuent de donner la possibilité à cette subversion de s’exprimer. Si on ne donne pas l’opportunité à de nouveaux groupes de conquérir des publics, on n’a pas fait notre boulot.

David Demange : Pourtant, pour les gens du milieu associatif des années 90-2000, les SMAC sont déjà trop institutionnalisées ‒ souvent parce qu’on a été obligé de structurer des établissements. Imaginez alors ce que cela pourrait être si les

SMAC cédaient aux sirènes des grands groupes financiers, on serait prisonnier d’une industrie musicale hyper économique mue par la dictature du résultat immédiat… Aujourd’hui, en sortie de Covid, la question qui se pose également, c’est « comment donner envie aux gens de revenir dans les salles ? » La jeune génération résonne autour de la festivalisation, de la dimension événementielle ‒ les salles comme le Moloco deviennent moins attractives. Je pense qu’il faut se réinventer, dans la programmation, dans la manière dont on lance les artistes, il faut expérimenter, mettre en place d’autres formes de monstrations sur le territoire, attirer des publics par d’autres manières ‒ comme quelqu’un qui va découvrir un groupe de musique parce qu’il a participé à la promenade à vélo organisée avec VéloCité pays de Montbéliard. Encore une fois, cette innovation passe forcément par le rapport à toutes les initiatives présentes ou possibles sur le territoire. Une SMAC peut inventer des choses mais elle ne peut le faire qu’avec les autres : on n’est pas puissant seul, mais on peut devenir puissant tous ensemble. C’est une philosophie qu’il nous faut absolument préserver.

En dix années d’existence, le Moloco est devenu un véritable outil de politique publique —
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Travaux au Moloco, 2012 © Daniel NowakMoloco, 2015 © Stéphanie Durbic
Portfolio
Fresque au bar réalisée par l’artiste Dawal, juin 2022 © Lucile Volpei
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Pool Party Dj Fly & Dj Netik, La Citédo (Sochaux), 2016 © Stéphanie Durbic
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Portfolio
Nova Twins, 2022 © Fabien Mathieux Halloween Rock Party, 2016 © Sacha Radosavljevic
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LE MOLOCO REMBOBINE

LIEUX ET BINÔMES

Dampierre-les-bois / Le Temple.

Binôme : Monique Ferciot et Jean-Michel Grosclaude.

Montbéliard / Le Conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique du Pays de Montbéliard, et le chantier du nouveau Conservatoire, site de l’ex-Palot Palot.

Binôme : Pauline Ludwig et Carlos Ventura Martins.

Montenois / L’église, et la Place Toussaint Louverture.

Binôme : Mathieu Kalyntschuk et David Roy.

Sochaux / Le Musée de l’Aventure Peugeot, la Mals et le Stade Bonal.

Binôme : Ornella Gaspard et Eric Dufour.

Vandoncourt / Le Belvédère et le Pont Sarrazin.

Binôme : Isabelle Groubatch et Philippe Berteaux.

Les enregistrements, réalisés par l’artiste sonore Aurélien Bertini , se sont tenus entre le 11 juin et le 5 juillet 2022 au Moloco et sur chacun des sites précités.

Présentation d’Aurélien Bertini :

Aurélien Bertini est l’artiste sonore qui a conduit ce projet participatif aux côtés du Moloco. Il est également journaliste, réalisateur, et rédacteur en chef de Radio campus Besançon.

Texte descriptif du projet :

Ce projet participatif, mené de mars à juillet 2022, s’inscrit dans le cadre des dix ans du Moloco et son exposition photographique. Il se matérialise sous la forme de capsules sonores, contenu « augmenté » de la présente publication, accessibles par l’intermédiaire de QR codes.

Son objectif est de mettre en avant les moments forts de ces dix dernières années, en donnant directement la parole à 10 habitants de l’agglomération, habitués du Moloco (bénévoles, partenaires ou simplement spectateurs), mémoire vivante de ces moments forts vécus au Moloco et hors-les-murs (de nombreux lieux emblématiques du Pays de Montbéliard ont été investis par le Moloco depuis dix ans).

Les 10 participants ont pris en main cette initiative du Moloco, aux côtés d’Aurélien Bertini et du Moloco : ensemble, ils ont déterminé 5 lieux emblématiques de l’agglomération, investis par le Moloco ; ensemble, ils ont choisi et partagé des expériences que l’artiste sonore, Aurélien Bertini, a pu valoriser par la création de 5 capsules sonores, nourries par les témoignages et la captation de l’environnement sonore singulier de chaque site patrimonial.

Aurélien Bertini
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Carlos Ventura MartinsPauline Ludwig Monique Ferciot Jean-Michel Grosclaude Isabelle Groubatch Philippe Berteaux David Roy Mathieu Kalyntschuk Eric Dufour Ornella Gaspard
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L’équipe du Moloco © Stéphanie Durbic

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