mediarte magazine #6 (FR)

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MAGAZINE #6 ÉDITION I - 2022

ARRF - MEDIASENSOR - GIRAFEO RGPD - PLAN DE DIVERSITÉ - INDEXATION BIG TROUBLE IN LITTLE BELGIUM - SCORE BRUSSELS


All you need to know about the Belgian audiovisual, film and digital industry


PRÉFACE

JAN VERMOESEN - MEDIARTE

Matière à réflexion…

Le comportement inapproprié... y a-t-il autre chose sur laquelle nous nous sommes penchés récemment ? Sous quelque forme que ce soit. Il suffit de penser à l'agression débridée et surtout non sollicitée du président russe Poutine envers le peuple ukrainien. Et les déclarations (sexuellement) inappropriées non sollicitées dont nous avons vu récemment quelques cas affligeants dans les médias. La vie normale s'est arrêtée pour toutes les personnes touchées. Je ne peux pas faire grand-chose contre une guerre,

mais contre le comportement inapproprié, je suis prêt et capable de me battre. En tant que personne non affectée, je peux difficilement imaginer les conséquences d'une telle inconduite. Je ne peux qu'espérer que cela ne m'arrive pas, ni à moi, ni à ceux qui m'entourent, et que je suis suffisamment conscient de ce qui se passe autour de moi pour réagir de manière appropriée. En collaboration avec le ministre flamand des médias, nous avons lancé, début mars, un plan d'action à grande échelle contre le comportement inapproprié pour le secteur des médias flamands. En attendant, nous faisons les premiers pas pour pouvoir faire de même pour le secteur francophone. Un plan d'action, c'est tout de suite utiliser la grosse artillerie, mais avec quelques autres actions, on peut réaliser beaucoup de choses pour créer une atmosphère de travail saine. Dans ce magazine, nous expliquons l'aide qu'Actiris offre pour la mise en place de plans de diversité. Chez mediarte, nous sommes convaincus

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qu'une main-d'œuvre diversifiée a non seulement un effet stimulant et conduit à de meilleurs résultats, mais qu'elle constitue également une très bonne protection contre une atmosphère de travail toxique qui peut être un terrain propice aux harcèlements et autres comportements indésirables. Afin d'identifier ces risques et d'autres risques psychosociaux, mediarte réalisera à nouveau, dans les mois à venir, l'enquête mediasensor précédemment menée en 2016 et 2019. Cette année, l'accent sera mis sur le comportement inapproprié. Vous trouverez également plus d'informations à ce sujet dans ce magazine. J'invite donc tous les employeurs et employés à participer à cette enquête, afin de pousser plus loin la réflexion et de renforcer la qualité de travail dans notre secteur.

Jan Vermoesen

GENERAL MANAGER MEDIARTE


Votre annonce dans notre magazine ? Vous souhaitez présenter votre formation, votre entreprise ou un produit / un service

dans notre magazine, sur notre site web, ou vous voulez proposer un partenariat ? Prenez contact avec jan.vermoesen@mediarte.be

Suite à notre analyse des Risques Psychosociaux "mediasensor" (2019) et des plans d’action qui en résultent, nous prévoyons un label mediasensor pour les formations qui constituent une des priorités soutenant le plan d’action.

STEM est l'abréviation des termes anglais Science, Technology, Engineering et Mathematics. La société d’aujourd’hui a un besoin accru de personnes avec un profil STEM. Les articles dans ce magazine qui par ex. contiennent un savoir-faire technique sont pourvus d’un logo STEM conformément à notre engagement de stimuler l'alphabétisation STEM dans le secteur audiovisuel.

CREDITS Image de couverture Laurent Dryon & Julien Charpentier © Leen Lagrou Mise en page Uncompressed / Jonas De Maesschalck & Julie Delvaux

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Préface.. ........................................................................... . . . . . . 03

Conditions de travail - Indexation des salaires dans le secteur du film et de l'audiovisuel.. ....... ........................................................... 08

Conditions de travail

Indexation des salaires dans le secteur du film et de l'audiovisuel

Organisation du secteur - ARRF, Rencontre avec André Buytaers............................ .................................................... .......10

In the picture - FRANGINE$, la nouvelle série belge.. ...... ..........16

mediartist - Success story : Sarah Baur. . . . . . . . . . ........................... 24

Diversité - Créer un plan de diversité . ...................................... 28

RGPD - Google Analytics et autres outils américains en infraction avec le RGPD : que faire ?.. .............................................................. 32

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Bien-être - mediasensor 2022 : mesure du bien-être mental et du comportement inapproprié........................................................... 36

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In the picture - Julie Basecqz, fondatrice de Score................... 4 2

Inside the company - Big Trouble In Little Belgium................ 50

Webinar - Replay.. ........ ........................................................... 55

En coulisse - octobre 2021 - janvier 2022.. ............................... 56 mediarte................................................................................ 59

In the picture

FRANGINE$, la nouvelle série belge

Organisation du secteur

ARRF

Bien-être

mediasensor 2022 : mesure du bien-être mental et du comportement inapproprié

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In the picture

Julie Basecqz, fondatrice de Score


FORMATIONS

Information & inscription via

www.mediarte.be


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CONDITIONS DE TRAVAIL

© VOLODYMYR HRYSHCHENKO

Indexation des salaires dans le secteur du film et de l'audiovisuel

L

e 1er mars 2022, les salaires de la CP 227 et de la sCP 303.01 ont augmenté de 2 %, et au 1er avril, ils augmenteront encore de 2 % dans la CP 227.

Suis-je obligé d'appliquer cette indexation ?

À qui s'applique l'indexation ?

Quelle est la base juridique de cette indexation ?

À toute personne qui emploie du personnel dans ces commissions paritaires ou y travaille en tant qu'employé avec un contrat de travail (directement ou par l'intermédiaire d'une agence de travail temporaire).

Je suis indépendant, l'indexation me concerne-t-elle ? Non, l'indexation ne concerne que les travailleurs de l'entreprise sous contrat de travail (quel qu'il soit) et non

ses fournisseurs ou sous-traitants.

Oui, cette indexation des salaires des employés est une obligation légale.

Pour les deux CP, il existe des CCT qui déterminent l'indexation, mais elles ne sont pas simultanées et le moment de l'indexation diffère. L'indexation est liée à l'indice de consommation de la norme sCP 303.01 et à l'indice de santé lissé de la norme CP 227. Lorsque l'un des indices pivots est atteint ou réduit, les salaires sont recalculés en augmentant ou en diminuant de 2 %.


Quand pouvons-nous attendre les prochaines indexations ? Sur la base des prévisions actuelles, les indexations suivantes sont attendues pour le secteur du cinéma (sCP 303.01) le 1er mai 2022 et le 1er août 2023, pour le secteur audiovisuel (CP 227) nous estimons qu'il y aura une nouvelle indexation le 1er novembre 2022. Gardez un œil sur notre site web ou via notre newsletter pour suivre les évolutions.

Où puis-je trouver les nouveaux barèmes salariaux ? Vous pouvez trouver les barèmes sur le site de mediarte.

mediarte.be 09


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ORGANISATION DU SECTEUR

MASTERCLASS ORGANISÉE PAR L'ARRF © MARC MELKENBEEK

ARRF - Rencontre avec André Buytaers Interview

André Buytaers

Membre du conseil de l'ARRF et co-Président de Pro Spere

Organisation du secteur

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réée en 2002, l’Association des Réalisateurs et Réalisatrices Francophones (ARRF) est la seule association professionnelle représentant spécifiquement les réalisateurs et réalisatrices résidant en - ou issus de la Communauté française de Belgique. Nous avons rencontré le réalisateur André Buytaers, ancien président de l'ARRF et, actuellement, membre du


Conseil d'administration au sein de l'association. Il est actuellement co-Président de Pro Spere avec Aurélie Wijnants. L’Association des Réalisateurs et Réalisatrices Francophones a été créée en 2002. Quelles sont les personnes à l’origine de sa création ? André: "La fondation de l’ARRF est due à l’idée de voir la place officielle du réalisateur reconnue dans le processus de l’organisation générale de la production. En effet, ce sont les années nonante qui voient le début de la commission du film en tant que telle, et telle qu'on la connaît aujourd'hui, initiée par Henri Ingberg à la Fédération. À ce moment-là, on se rend compte que le réalisateur n'a pas vraiment de place alors qu'il est souvent coproducteur, ou en tout cas initiateur de projets, et qu'il faut absolument lui trouver un rôle dans notre paysage audiovisuel en construction. Les frères Dardenne, Jaco Van Dormael, Jean-Jacques Andrien, Jean-Jacques Péché et Frédéric Sojcher vont se retrouver et réfléchir ensemble. Une grande réunion a lieu à l'hôtel Métropole pendant laquelle se fonde l’ARRF." À quels besoins voulait répondre l’ARRF à sa création ? André: "Une vraie réflexion de fond a été entreprise. Une charte est rédigée par Jean-Claude Batz, le producteur d'André Delvaux à l’époque et aussi l’un des fondateurs de l’INSAS. Avec Jean-Claude, ils réfléchissent à mettre au point un acte fondateur de l'association. Ce point est d’ailleurs toujours là et on demande à chaque membre de le signer parce que la première phrase est vraiment très importante : “Le réalisateur est un auteur à part entière”. Contrairement à, et encore plus aujourd'hui, une notion de dire que le réalisateur n'est qu'un simple technicien. Ça, c’est le fondement qui sous tend toute l'action de l’ARRF depuis vingt ans. La plupart d'entre nous sommes co-scénaristes de nos films. Nous sommes à la base de nos documentaires. Donc, ça a vraiment du sens. Depuis sa fondation, et l’intitulé de l’association, il y a une réelle volonté de mettre la parité en avant. Le Conseil d’administration a toujours essayé d’être paritaire. L’ARRF soutient d’ailleurs toutes les initiatives et

opportunités pour la parité dans le secteur audiovisuel." "Bien sûr, il a fallu faire reconnaître l’ARRF dans les instances, ce qui a pris pas mal de temps. Très officiellement, ce n'est intervenu qu'il y a maintenant quatre, cinq ans. Auparavant, l’ARRF était sous l'ombrelle de Pro Spere. C'est avec le nouveau décret qui a été mis en place par la ministre Greoli, il y a deux ans, que l'ARRF est devenue une fédération à part entière." Quel est votre rôle au sein de l’ARRF ? Pourquoi estil important pour vous de vous y impliquer ? André: "J'ai été président pendant une dizaine d'années et je suis actuellement au Conseil d'administration parce que je pense qu'il est important d'avoir ce lien avec Pro Spere*. Je porte uniquement, avec Maya Duverdier, le dossier européen. Nous avons des liens avec les autres sociétés de réalisateurs en Europe à travers la FERA (Fédération Européenne des réalisateurs de l’Audiovisuel). J'ai donc gardé ce dossier-là et je fais aussi le relais par rapport à Pro Spere. Pour une question d'indépendance par rapport à l’ARRF et aussi par rapport à Pro Spere, je suis un peu en retrait."

*André Buytaers est co-président de Pro Spere.

Notre but pour 2022, c'est d'arriver à boucler ces dossiers de manière constructive pour les réalisateurs, et pour les auteurs de manière générale. — André Buytaers

L’ARRF a fixé une série d’objectifs précis pour la législature 2019-2024 détaillés à travers un Mémorandum. Pourriez-vous nous parler des points essentiels ? Quels sont ceux qui vont occuper le plus l’ARRF en 2022 ?

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ORGANISATION DU SECTEUR

André: "En 2022, ce sont pratiquement les mêmes objectifs à ceci près qu'il y a une donnée qui n'était pas connue à l'époque et qui vient tout bouleverser. C'est le fameux décret SMA (Service de médias audiovisuels), un décret européen qui doit trouver une application en droit belge et qui va faire que, entre autres, les opérateurs étrangers, les plateformes comme Netflix par exemple, vont devoir contribuer à la production locale." "Dans la déclaration d'intention que nous avions faite en 2019, les points essentiels sont principalement le Tax Shelter, les fonds régionaux, le financement de la commission du film et aussi la RTBF. Nous avons plus que jamais les mains dans le cambouis parce que le décret SMA est en pleine discussion. Nous avons travaillé en Chambre de concertation avec les producteurs et nous sommes arrivés à un accord sous l'égide du cabinet. Nous avons fait une proposition très ambitieuse, très forte, qui génère tout le reste." "Un afflux d'argent relativement important, environ 10 millions, risque d'arriver sur le marché. Comment va-t-on les gérer, et surtout, comment nos productions vont-elles pouvoir en profiter convenablement ? Dans la note que nous avons rentré, qui est actuellement en examen auprès du CSA, on donne des incitants pour que l’argent soit dirigé vers des productions de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Donc, vers nos auteurs et nos réalisateurs." "Aujourd’hui, le plus gros contributeur, c'est probablement RTL. Qu'il soit belge avec le rachat par Rossel/DPG ou qu'il reste étranger, il va devoir contribuer. On s'aperçoit que la somme que va devoir investir RTL dans les productions sera bien supérieure à celle de la RTBF. Or, on va maintenant discuter du contrat de gestion de la RTBF puisque c'est cette année que sera mis en place un nouveau contrat pour 2023-2027. C'est très important que les choses puissent s'équilibrer. Ça signifie qu’au niveau politique, il faut une vraie volonté d'augmenter la part des coproductions à la RTBF et de la mettre au niveau de RTL, par exemple, ou de Netflix. On se rend compte que tout ça tourne ensemble et qu'il faut absolument trouver une homogénéité." "Notre but pour 2022, c'est d'arriver à boucler ces dossiers de manière constructive pour les réalisateurs, et pour les auteurs de manière générale." "Ça veut dire aussi que la commission du film ne peut pas

rester à 10 millions. Nous plaidons pour la remettre aussi au niveau des autres, sans quoi ça ne va pas fonctionner et la commission risque de perdre tout crédit. Or, c'est la jambe culturelle dont nous avons besoin puisque les fonds régionaux sont vraiment tournés vers la production pure, vers le financier. Le choix culturel est là, et il est important qu'il soit renforcé." "J’arrive donc au dernier point : le tax shelter. Il représente pour nous une opportunité, mais comme j'ai coutume de dire : “on a vu passer le train”. C'est-à-dire qu'on remarque que les sommes investies sont largement supérieures dans les films dits minoritaires, voire des coproductions dans lesquelles pratiquement aucun de nos comédiens, de nos techniciens et encore moins un de nos réalisateurs ou scénaristes n'apparaît. Ça ne peut pas continuer comme ça. Même si le volume financier a augmenté et qu'il a mieux structuré nos productions, aujourd'hui, il est à 18%. C'est très bas. Même les producteurs qui en ont besoin pour les films minoritaires, qui sont des films qui permettent de faire bouillir la marmite d'une société de production, admettent que ce n'est pas tenable." "Voici les points qui avaient été déterminés et qui sont aujourd'hui encore plus que jamais d'actualité. À ceci près qu’on aurait jamais pensé, il y a deux ans, qu'on aurait ce momentum politique." L’association est également impliquée dans la réforme du statut d'artiste. André: "Effectivement, c’est un point important qui s’est ajouté. Le statut de l'artiste est aussi en pleine discussion. C'est un combat dans lequel beaucoup d'entre nous se sont très fort investis parce qu' ils sont aux statuts. Le fait que l'ONEM soit l'employeur des réalisateurs, ça ne fonctionne pas. L'ONEM n'est pas un employeur et les restrictions qui sont appliquées aux réalisateurs ne correspondent strictement pas à la réalité ni du marché, ni du métier, ni à la manière dont fonctionne notre métier. Il y a là quelque chose qui est intermittent par essence même, et il faut vraiment s'inscrire dedans. Les discussions ont progressé. Certaines avancées sont positives, d’autres nettement moins intéressantes. Mais en tout cas, l’ARRF est assez en pointe sur ce dossier parce qu'il touche vraiment beaucoup de nos membres. À savoir que nous comptons aujourd’hui environ 250 membres effectifs."


Une des missions est également de faire respecter leurs intérêts et droits professionnels, sociaux, économiques et culturels. Est-ce que ces intérêts sont menacés, plus encore en temps de pandémie ? André: "La production cinématographique a relativement peu souffert parce qu’on s’est assez vite battu. Dans un premier temps, la ministre a mis en place des ponts et ensuite on s'est battu avec les producteurs pour la reprise des tournages. Il faut reconnaître que, dès juin 2020, les choses se sont remises en place. Après bien sûr, cela ralentit le travail. Ça le rend plus pesant. Sur les tournages, il y a eu un impact qui, heureusement, a été assez limité. Aujourd'hui, on tourne presque normalement." "Par contre, là où on a été impacté, c'est sur la sortie des films. Les films qui étaient prêts ou qui devaient sortir quand les cinémas étaient fermés. On le voit par exemple avec le

film de Stéphane Strecker (L’ennemi) qui sort seulement maintenant. C'est un film dont la sortie a été postposée de nombreuses fois. Ça a été aussi le cas du film de Raphaël Balboni et d’Ann Sirot, par exemple. Fort heureusement, ils sont parvenus à émerger. C'est clairement sur l’aval qu’il y a la plus grosse difficulté." "À un autre niveau, on constate un déplacement des envies de consommation du cinéma de manière générale. La durée de mise en place sur les plateformes se réduit. Il y a, au niveau de la chronologie des médias, de nouvelles normes qui se mettent en place, notamment en France. On est assez liés, donc, en général, ça suit chez nous. Il y avait une pression qui commençait déjà à se faire, et c'est clairement avec celle du confinement que tous ces nouveaux usages ont pris de l'ampleur et qu'on se retrouve à devoir renégocier complètement la manière dont les films sont distribués."

MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION 2021-2022 © ARRF

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ORGANISATION DU SECTEUR

"Également, à un moment donné, pas mal de nos membres ont été hors radar. Certains n’ont pas obtenu le statut car l'ONEM avait très fortement restreint l'accès cette dernière année. Il y a eu quand même pas mal de réalisateurs dans ce cas-là. C'était très difficile parce que, légalement, la ministre ne pouvait pas mettre en place des aides pour des gens qui ne sont pas officiellement catalogués ou répertoriés auprès de la fédération. Ça a donc été pour nous un vrai problème de pouvoir répondre à leurs demandes."

Ici, on a beaucoup parlé de politique, mais ce n'est pas que ça ! C'est aussi un retour vers les membres, une attente et une écoute des membres, de leurs envies et de leurs pulsions. — André Buytaers Comment le Conseil d’administration s’implique-t-il dans la vie quotidienne de l’ARRF ? André: "Le Conseil d'administration, c'est l'équipe permanente. Les moyens étant ce qu'ils sont. L’ARRF a été très longtemps dépendante des sociétés de gestion collective, c'est-à-dire de la SACD-SCAM et la SABAM. Depuis le nouveau décret, puisque c'est une fédération reconnue, il y a un subside, lié à la représentation, qui est versé par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ça va un peu mieux mais ce ne sont pas des fonds suffisants même avec les cotisations pour arriver à avoir, par exemple un délégué, un secrétaire général, ou quelqu'un qui pourrait s'occuper de la gestion quotidienne. Donc, c'est tout le Conseil d'administration qui prend chacun un dossier en main ou des dossiers en main, et qui est qui le(s) porte(nt). Vous l'aurez compris, il est fort important que ceux qui siègent à la Chambre de concertation de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou à Pro Spere soient assez présents et portent les dossiers parce que c'est le retour institutionnel et politique qui doit nourrir l'association et qui fait aussi les

points de réflexion." "Depuis maintenant quelques années, il n'y a plus de président, ni de secrétaire. L’ARRF fonctionne de manière organique. Chacun arrive avec son dossier et fait le point. Et à partir de là, il y a des discussions autour des dossiers. Ce serait vraiment une aide formidable d'avoir quelqu'un qui gère le quotidien, surtout quand il est aussi lourd que pour le moment. Qui dit momentum, dit aussi feu de forêt. Ça n'a pas toujours été comme ça, il y a des années beaucoup plus calmes, mais 2022 est vraiment une année importante." Vous voulez également défendre la liberté artistique et morale des réalisateurs ? Est-il facile d’exercer cette liberté aujourd’hui en Belgique ? André: "Ce sont des dossiers sur lesquels on s'est battu effectivement, notamment il y a quelques années. C'est une question qui revient régulièrement. On parlait du film de Stéphane Strecker : ça part d'un fait divers connu, avec une personnalité connue, simplement sa liberté artistique c'est d'avoir pris une facette et de s’éloigner complètement de l'histoire de Bernard Wesphael. C'est une question fondamentale, surtout quand on voit la restriction de liberté, de parole et la manière dont on essaie aujourd'hui de contingenter, de structurer la parole. Quand on voit la place que prennent les plateformes avec des lignes éditoriales, ce n'est pas simple de garder une liberté d'expression et de création en arpentant des territoires qui sont inconnus. On nous bassine souvent avec ‘les nouvelles écritures’, mais, souvent, ce sont des formes de standardisation pour des programmes qui sont destinés à un certain public et qui font fi d'une vraie recherche d'écriture, d'une vraie recherche d'expression. En cela, oui, c'est un combat. Un combat que l'on continue à mener, bien sûr." "Ici, on a beaucoup parlé de politique, mais ce n'est pas que ça ! C'est aussi un retour vers les membres, une attente et une écoute des membres, de leurs envies et de leurs pulsions. De savoir qu'est ce qui aujourd'hui guide nos réalisateurs ? Quels sont les sujets qui les portent ? Quels sont les sujets qui les interpellent ? Quels sont les sujets qui leur font peur ? Ou, quels sont les sujets auxquels ils n'osent même pas toucher ? On sait très bien qu'en Belgique, les films de genre, ce n'est pas évident à monter.


D’ailleurs, en Belgique francophone, les films politiques, il n'y en a quasi pas. Ce sont, par exemple, des moyens d'expression qui ne sont pas simples, qu’il faut imposer. On a de plus en plus de réalisateurs qui s'inscrivent dans le film de genre et qui ont du mal à trouver leur place, alors que pourtant on sait qu'il y a un vrai public pour cela. On nous oppose aux attentes du public. Mais les réalisateurs sont du public et les producteurs aussi. On sent tous qu'est ce qui pourrait plaire. On ne fait pas des films que pour soi, on fait des films pour le public, évidemment. Et ça, parfois, les décideurs l'oublient ou ne veulent pas le savoir, et nous opposent des réflexions, je dirais, plus commerciales. Pourtant, on sait très bien qu'il y a des exceptions. Ce sont les grandes exceptions qui font les grands succès." "Ça reste en tout cas un combat et une priorité pour nous. Le réalisateur est un auteur à part entière. Et ça veut tout dire quand on dit ça, je pense."

interview réalisée par

arrf-federation.be

Julie Delvaux

COMMUNICATION COORDINATOR

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IN THE PICTURE

JULIEN CHARPENTIER & LAURENT DRYON © QUENTIN DEVILLERS

FRANGINE$, la nouvelle série belge Interview Julien Charpentier Co-fondateur de Girafeo

Laurent Dryon

Co-fondateur de Girafeo

In the picture

J

ulien Charpentier et Laurent Dryon ont co-fondé ensemble Girafeo, une société belge de créations audiovisuelles et de storytelling, basée à Bruxelles. En duo, ils réalisent principalement des documentaires et des pubs, mais pas que. On a discuté avec eux de leur carrière, et surtout, de la série FRANGINE$, réalisée et co-écrite par Laurent, avec Stefan Hougaerts et Anouchka Walewyk.


Pouvez-vous revenir sur les débuts de votre carrière jusqu’à la création de Girafeo ? Julien: "J'ai étudié à l’école de cinéma INRACI. C’est là que je suis vraiment tombé amoureux de l'audiovisuel. À la base, je suis musicien mais ça n'a pas marché pour moi. J’ai fait un transfert vers le cinéma un peu sur le tard en me lançant en tant que freelance/caméraman/monteur. Je faisais des projets peu à droite à gauche et, assez vite, je me suis rendu compte qu'en étant seul, je n'aurai pas accès à des projets suffisamment intéressants. J'ai donc eu rapidement envie de monter une structure. Pour cela, j’ai fait un cursus à l’ICHEC qui s'appelait Start PME où j'ai pu travaillé sur une stratégie et sur mon business model. J’ai vite compris qu’il me fallait un associé, mais je n’étais pas encore tombé sur la bonne personne." "Et puis, un jour, je suis allé dans un espace de coworking où j’ai rencontré Laurent. On s'est retrouvé sur un projet commun, une émission de la RTBF qui s'appelait 1001 belges. Laurent réalisait l’émission et moi, j’étais responsable de l'image. Il y a une bonne synergie qui s’est fait ressentir. Je lui ai présenté l'idée de créer quelque chose ensemble, c’est-à-dire Girafeo. À ce moment-là, un chouette contrat pour la réalisation d’une publicité nous a poussé à créer une structure, ce que nous devions faire pour obtenir le budget et réaliser ce film. Du coup, on s’est lancé ! On s'est dit que si jamais ça ne décollait pas tout de suite, on aurait au moins un projet concret qui nous permettrait de payer les salaires pendant les premiers mois. Finalement, tout s’est assez bien enchaîné." Laurent: "Depuis le plus jeune âge, je dessine, je prends des photos et je filme avec la caméra de la famille. J'ai commencé mes études à l’IHECS en communication. Mes parents étaient plus rassurés que je fasse d'abord des études universitaires. À l’IHECS, j’ai pu toucher aux caméras, aux bancs de montages,... Ça m'a vraiment renforcé dans l'idée que j'avais envie de faire du cinéma. Je me suis donc inscrit ensuite à L'IAD. J'avais des connaissances qui avaient fait l’IAD en montage-scripte après l’IHECS et j’avais entendu que c’était une bonne combinaison. Je me suis lancé dans cette formation pendant 3 ans. L'école de cinéma, ça permet aussi de rencontrer des gens du milieu, et ça, c’est assez important pour les projets futurs. En sortant de l’IAD, j'ai d'abord travaillé comme freelance, comme Julien, en tant que

monteur sur des petits projets plutôt corporate et événementiels, avec toujours ce rêve de faire de la fiction. On s'est rendu compte très vite que c'était compliqué de vivre de la fiction car l'industrie en Belgique francophone n’est pas très grande. Il y a beaucoup de projets pour peu d'élus. "Quand Julien est venu me proposer de monter une structure, il avait déjà réfléchi à Girafeo. Il connaissait un directeur de création, Jean-Charles de la Faille, qui nous a proposé de créer un spot vidéo pour ‘Mons 2015’, qui était alors la capitale culturelle européenne. C'était un budget suffisant pour créer une structure, on a donc créé Girafeo, la sprl, et puis on a commencé à réaliser des publicités. Grâce au fait que j’avais étudié à l’IHECS, j’ai pu contacter des connaissances travaillant dans différentes agences. De fil en aiguille, on a commencé à produire pour eux, et puis aussi pour des sociétés." Laurent, tu as réalisé la série FRANGINE$, qui est sorti en décembre sur la plateforme RTBF Auvio, et dans laquelle Julien est le DOP, comment a germé cette idée ? Laurent: "J’avais toujours la fiction dans le coin de ma tête. J'ai continué à écrire sur le côté avec un ami de l’IHECS, Stefan Hougaerts. Avec Stefan, on écrit depuis plus de 10 ans. On a des paquets de concepts de scénario qui sont dans nos ordinateurs et qui ne demandent qu'à être sortis. J'ai un autre ami, Grégory Beghin, qui a réalisé BURKLAND, une des premières websérie de la RTBF sur laquelle j'étais assistant réalisateur et où Julien était chef opérateur. Via cette première expérience, on a réalisé qu’il y a une certaine liberté dans les séries courtes, ce qui nous correspond bien car on est fans de films de genre." Avec ce format, on pouvait être beaucoup plus libre. On a donc décidé de développer FRANGINE$ qui est l'histoire de deux sœurs qui kidnappent leur père à la sortie de prison. On a proposé l’idée à la RTBF en 2016. On avait reçu à ce moment-là 10.000 euros pour réaliser un premier pilote qui avait été diffusé. La RTBF avait mis en place un concours où les gens votaient pour leur projet préféré. C'est la théorie du Y qui a gagné et que la RTBF a choisi de produire. Ensuite, les années passent vite, on a travaillé sur d’autres choses. En 2019, j'ai revu Stefan. À savoir qu’à l'époque, même si nous n’avions pas gagné,

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la RTBF nous a encouragé à développer le projet et à revenir les voir. Début 2020, on est retourné les voir avec le concept de FRANGINE$ et on leur a proposé de faire une saison entière. On a reçu une aide pour développer le projet, c’est-à-dire les arches, les personnages, les lieux et l'intention avec deux épisodes dialogués et les autres en synopsis d’une page. Et ils ont aimé le dossier !"

Un des enjeux avec une série courte, c'est de faire en sorte que le spectateur s'attache aux personnages. C’est un des plus gros défis car tu as peu de temps pour les installer, contrairement à un long métrage. — Laurent Dryon Quelles ont été les étapes suivantes dans le développement du projet ? Laurent: "On s'est fait rejoindre par une scénariste, Anouchka Walewyk. Vu que nos héroïnes sont deux jeunes femmes, et que Stefan et moi, on n'a que des frères, il nous fallait une présence féminine dans l'écriture pour débloquer certaines choses. Le projet a alors pris une autre dimension. On a remis cette bible, comme on l’appelle, et après l’accord de la RTBF, on est parti en production. On a commencé à écrire les huit autres scénarios. C'est un travail assez long avec des allersretours entre nous et la RTBF. Finalement, on a eu des versions définitives pour les dix épisodes. Malheureusement, on n'avait pas assez d'argent pour faire les dix, il y avait trop de personnages, trop de lieux. On a donc du réécrire et repenser les 10 épisodes en 8." Avez-vous l’impression qu’il y a plus d'aides mises en place qu’avant dans le paysage belge francophone pour développer un projet de série ?

Julien: "Il y a en tout cas plus de budget maintenant qu'il y a cinq ans, mais il y a aussi plus de concurrence. À l'époque, peu de personnes s’intéressaient aux formats courts. Maintenant, comme par exemple avec Pablo Andres et Guillaume, tout le monde a envie d'avoir un format digital, humoristique ou de film de genre. Ce sont des accès rapides pour être produits. Un des gros problèmes, c'est que le parcours classique de financement prend tellement de temps que les gens s'épuisent et n'ont pas les moyens financiers de tenir." Laurent: "C'est clair qu’ il y a une demande de contenu qui est énorme. Toutes les plateformes et les chaînes de télé, qui ont aussi leurs plateformes, ont besoin de contenus. Même Netflix achète maintenant des formats courts, du 15 ou 20 minutes. Qui sait, peut-être que FRANGINE$ pourrait avoir sa place sur une plateforme comme celle-là." Julien: "Aujourd'hui, la RTBF, avec par exemple Pandore ou Invisible, produit et met en production beaucoup de choses même si parfois certains projets restent en phase de développement et n'arrivent pas au bout. On voit qu'il y a un engouement par rapport à la fiction qui est très excitant." Laurent: "On remarque que, par rapport à d'autres grands pays européens, on reste dans des budgets souvent plus limités. Je pourrais difficilement gagner ma vie avec des projets comme FRANGINE$. Dans ce cas-ci, on a du mettre en participation nos salaires et notre matos (caméra, light,...). Dès que tu as une famille et un emprunt sur le dos, ça devient plus compliqué. Du coup, on est obligé de faire de la publicité à côté. L'année passée, on a fait FRANGINE$ pendant la plupart de l’année et ça a été plus difficile financièrement. L'argent n'arrive pas directement. On paye d'abord les techniciens, les lieux, les loueurs de matériel, les assurances, la nourriture pour toute l'équipe, la post-prodruction,... et on passe en dernier. Et s’il ne reste plus d’argent, il n’en reste plus." Julien: "Sur FRANGINE$, comme il n'y avait pas de budget pour les repérages, Laurent et moi avons sillonné les décors et fait le découpage pendant les trois mois qui ont précédé le tournage. Si on devait budgétiser officiellement le projet, il serait bien plus élevé. Mais voilà, on a décidé qu'on ferait notre projet à fond."

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Vous avez évidemment l’habitude de travailler ensemble. Comment se sont passées les interactions entre vos deux rôles (réalisateur et DOP) sur le tournage de FRANGINE$ ? Comment avez-vous pris les directives sur l’approche artistique ? Laurent: "On a les mêmes références de style et de série. Ça fait cinq ans qu'on bosse ensemble, on connaît bien le style de chacun et c'est pour ça, je pense, qu'on s’entend très bien. Sur FRANGINE$, on avait un style bien défini qui était inspiré des frères Coen avec des focales assez larges, proches de nos personnages. On n'avait pas beaucoup d'argent, donc on ne savait pas faire des grosses installations, que ce soient des travellings ou des mouvements de grue. On a beaucoup de plans qui sont installés, avec un vrai découpage. On a passé plusieurs mois ensemble à repérer les lieux et à découper chaque scène sur place. On regarde ce qui fonctionne, ce qui est beau avec les ambiances naturelles du lieu."

Certains décors sont très beaux au naturel, comme les ambiances dans les bois et les extérieurs en général. En ce qui concerne les intérieurs, on voulait qu'ils dégagent immédiatement quelque chose, qu'ils aient un look ! Il faut aussi féliciter Florin Dima pour son travail de décoration juste incroyable. — Julien Charpentier Julien: "Certains décors sont très beaux au naturel, comme les ambiances dans les bois et les extérieurs en général. En ce qui concerne les intérieurs, on voulait qu'ils dégagent immédiatement quelque chose, qu'ils aient un

look ! Il faut aussi féliciter Florin Dima pour son travail de décoration juste incroyable. Cela n’empêche pas qu'on a eu de quoi s'amuser en éclairage. Avec mon chef électro, Axel Meernout, on a pu, en peu de temps et de budget, arriver à faire une image très cinématographique, avec des références comme Benoît Debie, par exemple. On s'est laissé une très grande liberté dans notre collaboration. Laurent a dirigé les acteurs, forcément, et je n’ai jamais interférer là-dedans. De son côté, il me faisait une confiance aveugle par rapport à la lumière, etc. On a souvent travaillé chacun de notre côté lors de l'installation des scènes et on se retrouvait au moment de faire la prise." Laurent: "Oui, pour le cadre, on ajuste toujours ensemble ce qu'on trouve le plus joli en fonction de la lumière qui a été créée. On avait seulement 16 jours de tournage alors que d'habitude, les gens ont une trentaine de jours pour un long métrage. Tout se joue dans la préparation. On a énormément discuté du scénario à l’avance. C’est ça qui a été agréable pour l'équipe : arriver à un endroit où on sait exactement comment on va tourner la scène et où on n'est pas en train de faire le découpage le jour J." En dehors des enjeux budgétaires évoqués, à quels enjeux doit-on faire face lorsqu’on réalise une série avec un format court ? Julien: "En tout cas, les points positifs, c'est la liberté de ton et le terrain de jeu de création. Ça nous permet de tester plein de choses sans avoir le poids d'un long métrage ou d’une production énorme. Par contre, ils ont suivi tous les dialogues et il y a des choses qui ont dû être remaniées. Quand on parle de ‘liberté totale’, il y a quand même un contrôle. On ne peut pas dire ce qu'on veut et traiter tous les sujets n'importe comment. Mais on a eu une liberté esthétique." Laurent: "Ce qui est très compliqué du point de vue purement technique dans l'écriture, c'est qu'il faut un cliff [cliffhanger] toutes les dix minutes pour que les spectateurs aient envie de regarder l'épisode suivant. Et puis aussi, un des enjeux avec une série courte, c'est de faire en sorte que le spectateur s'attache aux personnages. C’est un des plus gros défis car tu as peu de temps pour les installer, contrairement à un long métrage. Dans toutes les séries courtes que j'avais vues ou auxquelles j'avais participé, ce qui me manquait, c'était


SUR LE TOURNAGE DE FRANGINE$ © CHLOÉ STINUS

l'identification aux personnages, et du coup, l’émotion. Je voulais que le spectateur soit ému. Un autre enjeu, c’était la rapidité d'exécution sur le plateau, surtout qu’on avait beaucoup de lieux différents. On a fait un road movie sans avoir le budget pour faire des scènes en roulant. C'est donc un road movie où toutes les scènes sont tournées à l'arrêt. Au final, c'est un concept qu'on a trouvé assez drôle." "Par rapport à la promo également, c'est un challenge d’être diffusé sur une plateforme et d’être noyé au milieu d’énormément de contenu. Au final, FRANGINE$, si tu en entends pas parler, tu ne vas jamais aller voir. On est assez contents car, par rapport à d'autres émissions, on a pas mal de vues. Une série courte, c'est aussi une carte de visite. Je pense que la RTBF est consciente de la qualité du projet. C'est d’ailleurs la première fois que la RTBF a un projet en format court qui a un distributeur étranger, France TV Distribution. On compte aussi là-dessus pour la promotion et que nos frangines voyagent un petit peu."

Julien: "En plus, la plateforme auvio utilise la géolocalisation. Ça signifie que les personnes qui habitent en France ou en Suisse ne peuvent pas voir la série. Il n'y a donc pas cette possibilité que ça se répande dans les pays francophones en Europe. Ça se limite vraiment à la Belgique pour l’instant. Avec votre boîte de production Girafeo, vous produisez beaucoup de films publicitaires et documentaires, est-ce que ça vous plait de passer d’un style à l’autre ? D’où retirez-vous le plus de satisfaction ? Laurent: "Personnellement, en faisant de la fiction. C'est la première fois où je me dis que je suis vraiment en train d'aimer autant ce que je fais au travail. Après, quand je suis sur un plateau, j'aime toujours ! Mais pendant ces trois semaines de fiction, j'avais une énergie qui était différente, peut-être aussi parce qu'on est entouré de toute une équipe de techniciens et d'actrices, acteurs qui se

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donnent corps et âmes pour notre projet, ce qui est très beau à voir et à vivre."

Quels conseils donneriez-vous à un débutant qui souhaite faire carrière en tant que réalisateur/DOP ?

Julien: "Je trouve le plaisir dans le fait de faire des choses différentes justement. Une année, on a pu traverser l'Atlantique et faire un documentaire sur un bateau. Après, on se retrouve à vendre du chocolat premium avec un brief très marketing et à filmer les produits, et puis à réaliser une série avec une équipe de 15, 20 personnes. C'est ça que j'adore dans ce boulot, le fait qu’ il y ait tout le temps des nouvelles choses qui se passent. Je pense que Laurent était plus attiré par la fiction de base, peut-être moi un peu plus réticent, mais là, ça m'a prouvé qu'il y avait moyen de faire des choses magnifiques dans la fiction et je serais surement plus motivé à en refaire. Par contre, pas exclusivement. Je pense qu'il faut qu'on garde cette palette de projets différents et que c'est ça la richesse de notre métier."

Laurent: "C’est peut-être bateau, mais de ne jamais rien lâcher. Il y a beaucoup de jeunes qui m'appellent avec un scénario et qui me demandent de le produire. Finalement, nous, on a toujours produit nos propres projets. Pour commencer, il faut mettre les mains dans le cambouis et s’auto produire, se planter et recommencer. Et, à un moment, il y a un projet qui fonctionne, qui est vu par différentes personnes et la machine est lancée. Le plus compliqué, c'est de mettre le pied dans l'engrenage et de débuter. Lorsqu’on produit quelque chose qui est vu par d’autres personnes, le bouche-à-oreille peut vite fonctionner."

SUR LE TOURNAGE DE FRANGINE$ © PIERRE-YVES JORTAY

Laurent: "On prend notre pied dans chaque projet. Quand tu passes deux ans à écrire un projet et que tu le réalises, c'est une émotion qui est différente quand ça se termine. Par contre, ça bouffe une énergie pas possible. Dans la pub, ce qui est assez satisfaisant, c'est que ton projet est concrétisé dans un laps de temps très court."

"Il faut aussi avoir des rêves et y croire. J'espère toujours monter des marches un jour, c’est dans le coin de ma tête (rires). Il faut s'accrocher parce que, financièrement, c'est chaud au début. C'est souvent pour cela que les gens lâchent. Ce qui est important également, c’est d’être touche à tout. On est des artisans." Julien: "Je pourrais juste ajouter que je pense que le fait de trouver un bon partenaire, ça aide vraiment à se rassurer quand ça va moins bien et également pour les idées en général. À plusieurs moments, je pense que le fait d'avoir été à deux, ça nous a aidé. Il faut bien s'entourer de manière générale, mais au-delà de ça, être associé, je pense que c'est beaucoup plus facile que d'être indépendant dans ce secteur. Chacun a sa force. Il y a des choses dans lesquelles on est naturellement bons et trouver le bon partenaire, c’est aussi trouver la personne qui comble tout ce que tu ne sais pas faire."

girafeo.be retrouvez FRANGINE$ sur RTBF Auvio

interview réalisée par

Julie Delvaux

COMMUNICATION COORDINATOR


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MEDIARTIST

SARAH BAUR ©

Success story - Sarah Baur Interview

Sarah Baur

Artiste pluridisciplinaire

mediartist

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ous avons recueilli le témoignage de Sarah Baur, une artiste aux multiples facettes : réalisatrice, auteure mais aussi actrice et monteuse. Elle nous fait part de son expérience suite à sa participation au programme d'accompagnement mediartist.


Pouvez-vous nous parler de votre parcours et d'où vous en êtes actuellement dans votre carrière ? D'où vous vient votre inspiration ? Qu'est-ce qui vous anime ? Sarah: "J'ai une pratique pluridisciplinaire en tant que réalisatrice, actrice, auteure, monteuse et designer, mais depuis la pandémie je me suis surtout recentrée sur l'audiovisuel. Je travaille maintenant à la fois sur des (courts) métrages de fiction et des documentaires. Je réalise également des clips musicaux et des films promotionnels pour le secteur culturel." "Dans mon travail personnel, j'aime examiner les questions éthiques autour des inégalités et de la diversité, du climat et de l'écologie, de la lutte contre l'extrême droite, du féminisme, de la question des réfugiés, ... Chaque projet commence par la nécessité de donner de la visibilité à ce qui me motive et ce qui me semble essentiel, mais auquel on prête peu d’attention. Cela me permet d'en apprendre plus sur le sujet." "Je suis extrêmement curieuse et j'aime rassembler et organiser des connaissances dans un cadre compréhensible pour moi-même et en même temps poétique. Le rythme et l'intuition sont mes principes directeurs. Je travaille très instinctivement, comme beaucoup d'artistes."

d’accomplir et d'entreprendre. J'ai un talent pour voir davantage les obstacles sur ma route, et pas tellement les possibilités. J’amplifie ces obstacles plus que nécessaire. L’âge m’inquiétait également. J’étais persuadée que, étant dans la cinquantaine, je n'attirerais plus les clients ou que je n’arriverais plus à vendre mes propres projets. De plus, en tant qu'extravertie introvertie (oui, ça existe), il me manque un réseau professionnel. Je ne savais pas vraiment par où commencer, ça générait une très grande insécurité chez moi. Je me demandais s'il y avait une façon de faire du réseautage qui conviendrait à ma personnalité, plutôt que de me sentir obligée de m'adapter à ce que j’imaginais que le réseautage exige de nous."

Se sentir entendue et disposer d'outils pouvant vous accompagner dans votre développement personnel sont des éléments essentiels pour booster la confiance en soi et son envie d'avancer. — Sarah Baur

Quand avez-vous eu besoin d'accompagnement dans votre carrière et pourquoi - quelles ont été vos difficultés, vos interrogations à ce moment-là ? Sarah: "Lors du premier confinement, j'ai été prise de panique. Pas seulement à cause de la maladie, mais surtout parce que j'étais très peu sûre de la façon dont le politique se positionnerait vis-à-vis des artistes. Nous venions de manifester contre l'austérité dans les arts et les soins de santé, parce que la situation n’était déjà pas très rose. J'ai décidé de proposer mes services de monteuse, étant donné que j'avais de l'expérience dans ce domaine et que je pouvais exercer cette activité depuis chez moi. Cela m'a fait redécouvrir que j'étais assez bonne en montage et que cela me plaisait." "Cette relative sécurité d'emploi m'a donné la tranquillité d'esprit pour réfléchir à ce que j’avais encore envie

Comment le programme mediartist vous a-t-il aidé ? Sarah: "J’ai apprécié de jeter un autre regard sur la façon dont je peux mieux me profiler au travers de mon CV et mon portfolio. Même si je dois dire que je n'ai pas encore tout concrétisé. Cela demande beaucoup de temps et d'énergie. Mais je sais comment m'y prendre maintenant. J'ai aussi beaucoup profité des échanges avec la coach Nathalie. Elle a pu tirer de nos conversations quels étaient mes points faibles et ses conseils visaient à me regarder différemment et à réfléchir aux possibilités qui me conviennent, plutôt que de me rabaisser en essayant de répondre à des attentes pré-supposées." "En raison des mesures liées au corona, il n'y avait que peu ou pas de possibilités de réseautage pendant mon parcours mediartist, c'est dommage. J'aurais aimé avoir

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MEDIARTIST

l'opportunité de rencontrer et d'échanger avec des gens, justement parce que je ne m'y prends pas facilement par moi-même. Par contre, ma nouvelle manière de penser m'a aidé à me sentir plus à l'aise dans les endroits où les gens réseautent et à rester moi-même. J'ai également pu renouer avec d'anciens contacts. Mais il me reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Le début du trajet mediartist est le workshop « Setting the Stage », où l’on essaie d’identifier ses qualités, ses valeurs et son objectif professionnel."

Quelle est la valeur ajoutée de l'accompagnement individualisé ? Sarah: "La conversation est centrée sur ce qui vous intéresse vraiment et vous vous rendez plus facilement vulnérable et donc ouvert. Se sentir entendue et disposer d'outils pouvant vous accompagner dans votre développement personnel sont des éléments essentiels pour booster la confiance en soi et son envie d'avancer." Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez en tant que demandeuse d'emploi dans le secteur audiovisuel ?

© SARAH BAUR

Qu'en avez-vous retiré ? Sarah: "Penser ses valeurs à partir d'un cadre fixe m’a permis d’avoir une réflexion abordable et concrète sur mes qualités. Si quelqu'un m'avait demandé auparavant quelles étaient mes qualités, j’aurais été perdue et n’aurais pas pu lui répondre de façon pertinente. Cela serait resté assez vague et général. En cartographiant mes valeurs, il est également plus facile de formuler un objectif à partir de là." Y a-t-il d'autres workshops qui vous ont marqué ? Sarah: "Le coaching personnel de Louis lors du scan de mon CV et les conversation en tête-à-tête avec la coach Nathalie. En plus des ateliers de groupe, j'avais certainement besoin de cette approche individualisée."

mediartist.be choux.net/sarahbaur

Sarah: "Pouvoir vivre dans ces conditions financières raisonnables tout en développant des projets dans lesquels vous ressentez de la plus-value personnelle. Le machisme, mais aussi encore un manque de solidarité féministe et intersectionnelle, le manque d’accès et l’entre-soi, l'uniformité, le manque de réflexion ascendante,... En fait, malgré le foisonnement de créativité, on ne réussit pas à ne pas être une copie exacte de la société en tant que secteur. On maintient encore trop le statu quo, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour les personnes en recherche d'emploi." Avez-vous un autre conseil en or que vous aimeriez partager ? Sarah: "Tout ce que j’essaie de mettre en œuvre dans ma propre vie : concentrez-vous sur ce qui vous satisfait dans votre travail. Apportez-y 85% de vos efforts. Contournez ce que vous ne pouvez pas changer, hackez la culture et pliez-la à vos désirs, trouvez des opportunités qui vous conviennent. En fin de compte, c’est plus durable que d'essayer de réaliser ce que d'autres considèrent comme une réussite."

interview réalisée par

Nathalie Douxfils

COACH MEDIARTIST


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DIVERSITÉ

© RENDY NOVANTINO

Créer un plan de diversité Article Actiris

Diversité

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'introduction d'un plan de diversité se fait grâce à un plan de diversité sur mesure. Le Service Diversité d'Actiris vous guide à chaque étape du processus ! What's in a name ?

Le plan de diversité est un outil flexible pour mettre en place des solutions structurelles et durables. De cette manière vous pouvez améliorer la situation de l’entreprise en matière de diversité à partir d’un ou plusieurs des groupes bénéficiaires de la politique de diversité bruxelloise (origine, âge, handicap, scolarité et genre) et les domaines d’intervention (recrutement et sélection, gestion du personnel, communication interne et positionnement externe). Vous luttez de cette façon contre la discrimination et garantissez un traitement équitable à tous vos employés.


Créer un plan de diversité L’implantation de la diversité dans votre entreprise se fait au moyen d’un plan de diversité. Le Service Diversité d’Actiris vous accompagne gratuitement pour fixer et développer les différentes lignes d’action. Ce soutien est créé sur mesure afin de se répercuter au maximum sur votre procédure de sélection, la gestion de votre personnel et votre communication interne et externe.

Comment ça marche ? Votre entreprise est responsable de la mise en œuvre du plan. Vous créez un groupe de travail sur la diversité : la "structure de soutien". Ce groupe de travail élabore le plan et le met en œuvre. En outre, un consultant du service Diversité d'Actiris assiste et guide le groupe de travail. Vous pouvez compter sur la Région de Bruxelles-Capitale et le Fonds social européen pour financer les consultants et les actions si nécessaire.

Un plan de diversité pour chaque entreprise Depuis janvier 2020, les organisations établies dans la Région de Bruxelles-Capitale peuvent choisir parmi trois formes différentes de plans de diversité : le mini-plan, le plan Global et le plan thématique.

Label diversité Opter pour plus de diversité est un acte fort, un engagement qui mérite d’être communiqué. La Région de BruxellesCapitale a donc créé un label diversité : "Nous cultivons la diversité." Avez-vous commencé à travailler avec le plan global ou thématique ? Alors vous pourrez demander le label diversité après une mise en œuvre correcte et une évaluation favorable par Actiris. Après avoir obtenu le label diversité, vous pouvez l'utiliser fièrement pour votre entreprise. Pendant sa période de validité, vous pouvez utiliser le label pour chaque positionnement externe et pour chaque communication et sensibilisation interne et externe.

• Le mini-plan Le mini-plan peut être réalisé par toutes les organisations mais il répond surtout aux besoins des petites organisations (moins de 50 ETP). Votre organisation peut travailler avec une situation liée aux thématiques de la diversité et de l’anti-discrimination. Quelques exemples : préjugés sur les personnes d’origine différente, collaboration intergénérationnelle, plafond de verre (niveaux hiérarchiques supérieurs pas atteints par certaines catégories de personnes), recrutement et inclusion d’une personne en situation de handicap. Ce plan peut constituer le point de départ d’une politique de diversité plus complète. Votre organisation pourra par exemple encore opter par la suite pour un plan global. Action sectorielle : Obligation d’incorporer au moins une action sectorielle (s’il y a accord avec le secteur). Durée : 2 ans Financement : 5.000 euros Label diversité : pas d’obtention du label diversité

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DIVERSITÉ

• Le plan Global Le plan Global est un instrument plus complet qui offre une approche systématique. Votre organisation peut réaliser une analyse globale de la politique en matière de diversité et anti-discrimination, mener des actions structurelles et durables dans quatre domaines d’intervention : recrutement et sélection, politique du personnel, communication interne et positionnement externe. Vous pourrez utiliser ce plan comme structure pour la politique de votre organisation. Action sectorielle : Obligation d’incorporer au moins trois actions sectorielles (s’il y a un accord avec le secteur). Durée : 2 ans Financement : Co-financement de 10.000 euros Label diversité : Oui

• Le plan thématique Le plan thématique permet de travailler de manière plus approfondie et innovante et peut proposer des solutions et des actions pour des défis spécifiques. Le plan diversité thématique aide des organisations qui ont réalisé précédemment un plan de diversité global ou thématique. Elles approfondissent une thématique spécifique afin d’améliorer la diversité ou de lutter davantage contre les discriminations. L’organisation peut réaliser une analyse thématique approfondie : • D'un groupe cible ou d'un critère protégé (par exemple âge, handicap, genre, origine ou niveau de formation) dans la perspective de ces quatre domaines : recrutement et sélection, gestion du personnel, communication interne ou positionnement externe. • D'un domaine du point de vue d’un groupe cible. Action sectorielle : Possibilité d’incorporer des actions sectorielles Durée : 2 ans Financement : Co-financement de 10.000 euros Label diversité : Oui

actiris.brussels Plus d'infos dans notre dossier diversité


MEDIAGUIDANCE

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ediarte et ascento unissent leurs forces et proposent un accompagnement sur mesure aux professionnels des médias

En tant qu'entreprise de médias, souhaitez-vous tirer le meilleur parti de vos employés ? En tant qu'individu professionnel des médias, souhaitez-vous définir vos compétences ou mieux gérer le stress dans votre travail ? Alors, "mediaguidance" peut vous proposer l'accompagnement idéal. mediarte et ascento unissent leurs forces pour aider les professionnels des médias à réorienter leur carrière, ou à renforcer leur résilience et promouvoir leur bien-être au travail. Par le biais de l'accompagnement de carrière, de la gestion du stress ou du coaching en prévention du burnout, adaptés aux professionnels des médias; nos coachs expérimentés réfléchissent avec vous et fournissent des conseils pratiques afin que vous ou vos employés soyez prêts pour la prochaine étape d'une carrière saine.

En pratique Si vous êtes domicilié à Bruxelles ou en Flandres, un forfait de quatre heures d'orientation professionnelle ou de coaching ne vous coûte en tant que salarié que 40 € lorsque vous payez avec des chèques carrière. Vous pouvez commander des chèques carrière sur le site web de la VDAB. 5% de réduction sur l'outplacement Tous les employeurs ressortissant de la CP 227 ou de la SCP 303.01 bénéficient d'une remise de 5% sur l'accompagnement outplacement via ascento. À propos d'ascento ascento fait partie du groupe Agilitas et accompagne les travailleurs à chaque phase de leur carrière. Les experts d'ascento aident à cartographier les compétences, les talents et les aspirations des travailleurs du secteur des médias et à leur permettre de grandir. Aussi bien dans leur job actuel que dans une nouvelle fonction en cas de réorientation ou de licenciement. Accompagnement ou plus d'information ? Souhaitez-vous un accompagnement pour vous-même ou pour l'un de vos travailleurs ou souhaitez-vous plus d'informations ? Contact: info@mediarte.be Powered by

Découvrez le dossier complet www.mediarte.be/mediaguidance 31


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RGPD

© CHRISTOPHER BURNS

Google Analytics et autres outils américains en infraction avec le RGPD : que faire ? Article

FeWeb / Sirius Legal RGPD

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on seulement Google Analytics, mais par extension tous les outils américains, sont sous pression en raison de deux décisions des autorités européennes de protection des données. La protection de la vie privée aux ÉtatsUnis est insuffisante, ce qui implique que les organisations et les entreprises européennes qui l'utilisent pourraient être condamnées. Des entreprises belges


font également l'objet d'une enquête pour leur utilisation de Google Analytics ou de Facebook Connect. Néanmoins, l'utilisation des données des sites web reste nécessaire et possible pour les entreprises. Dans cet article, nous expliquons la situation et quel impact elle a pour vous en tant qu'entreprise. 2022 sera-t-elle l'année où les cloud tools américains devront s'adapter aux règles de l'UE ou de quitter l'UE ? Cela ne se passera pas aussi vite, mais deux verdicts en une seule semaine vont créer une tension supplémentaire. Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a condamné le Parlement européen pour l'utilisation de Google Analytics et du fournisseur de paiement Stripe. L'autorité autrichienne de protection des données (APD) a condamné un site web pour avoir utilisé Google Analytics. Les tensions entre les États-Unis et l'Union européenne concernant les transferts de données ne datent pas d'hier. L'accord Safe Harbor et le Privacy Shield en tant que base juridique pour les transferts de données entre l'UE et les États-Unis ont été enterrés depuis longtemps. Après l'arrêt Shrems II, dans lequel la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que les transferts de données de l'UE vers les États-Unis violaient le RGPD, les entreprises américaines se sont appuyées sur les clauses contractuelles types.

Des garanties sur papier insuffisantes

(DPA) estime toutefois que les "mesures techniques et organisationnelles" (TOM) que le RGPD impose aux propriétaires de sites web n'offrent pas une protection suffisante lorsque Google Analytics est utilisé. Les données des citoyens européens peuvent être consultées par les services de renseignement américains. Comme il s'agit des adresses IP, de l'identifiant de l'utilisateur et des paramètres du navigateur, la DPA autrichienne a estimé que cela suffisait pour condamner le propriétaire du site web. Plus tôt, le CEPD a également statué que ces TOMs n'offraient pas un niveau équivalent de protection de la vie privée pour permettre les transferts de données vers les Etats-Unis. La DPA autrichienne agit donc conformément à l'autorité européenne.

Ce qui est certain, c'est que le RGPD, en tant que "règlement" (…), n'a pas créé des conditions de concurrence équitables en Europe. — FeWeb / Sirius Legal

Selon le groupe de campagne pour la protection de la vie privée noyb (European Center for Digital Rights), dont Max Schrems est le président honoraire, cette décision signifie que le simple placement d'un cookie par un fournisseur américain suffit à violer la réglementation européenne. noyb a lancé 101 plaintes en août 2020 contre des entreprises de l'UE qui utilisent Google Analytics ou Facebook Connect. En Belgique, il s'agit de Neckermann, bpost, Logic-Immo et Flair (Roularta Media Group). Dans les pays voisins, les entreprises concernées sont entre autres Takeaway.com, Marktplaats, Post.nl, Auchan et Decathlon.

L'autorité autrichienne de protection des données

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Continuer à danser sur une corde raide ? Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont investi dans la mise en place et l'optimisation de l'analyse de leur site web, principalement par le biais des services de Google. Ces données sont vitales pour les entreprises numériques, et notamment pour le commerce électronique. C'est pourquoi la FeWeb, en collaboration avec d'autres associations professionnelles et sous la direction de Sirius Legal, s'est efforcée de supprimer l'optin explicite pour les cookies statistiques et analytiques, tout comme dans les pays voisins. • En France, la CNIL a fait une exception au consentement explicite pour les cookies statistiques ou analytiques dans certaines conditions et a développé un manuel par outil analytique. • Les Pays-Bas l'ont joué finement : lors de la transposition du RGPD dans leur loi nationale sur les télécommunications, ils ont ajouté une sous-phrase à l'article concernant le placement des cookies. Ainsi, le consentement explicite n'est pas requis pour les cookies statistiques ou analytiques "n'ayant pas ou peu d'impact sur la vie privée des visiteurs de votre site web". Un manuel explique comment configurer Google Analytics conformément à la loi néerlandaise sur la protection des données. Bien qu'ils n'y croient plus depuis le 13 janvier 2022...

• Enfin, le DPA de Belgique a refusé de suivre l'exemple

français et s'est adressé au ministre de la Justice. Là, la loi sur les télécommunications pourrait être adaptée à l'exemple néerlandais. Mais hélas, fin 2021, le parlement belge a voté une série d'ajustements, mais celui des cookies statistiques et analytiques n'en faisait pas partie. Depuis 2020, l'interprétation de la APD belge est valable, c'est-à-dire le consentement explicite pour les cookies analytiques et statistiques est requis. Ce qui est certain, c'est que le RGPD, en tant que "règlement" (une réglementation ne peut pas varier d'un État membre à l'autre, par opposition à une directive), n'a pas créé des conditions de concurrence équitables en Europe. Non seulement parce qu'ici et là la législation nationale a été adaptée, mais surtout parce que les APD nationales imposent chacune leur interprétation du RDPD au monde des affaires sous peine de lourdes amendes. Cette discussion sur l'opt-in n'est rien comparée à l'impact que la décision de la DPA autrichienne aura sur les propriétaires de sites web. Non seulement pour l'utilisation de Google Analytics mais par extension pour tout outil qui transfère des données vers des serveurs américains (comme MS Office 365, Teams, Zoom, Mailchimp, Adobe Analytics, Hubspot, Hotjar, AWS, Azure,...), peut-on lire dans l'analyse approfondie du partenaire juridique de la FeWeb, Sirius Legal.

Que dit Google ? "Ce n'est pas la faute de l'outil mais de l'utilisateur", indique Google dans un communiqué. Les conditions d'utilisation de Google Analytics ne permettent pas de télécharger des données sur les utilisateurs qui permettraient à Google d'identifier ces derniers. Ce sont les utilisateurs de Google Analytics qui choisissent leur produit et, par conséquent, Google n'est pas responsable, mais bien les propriétaires de sites web. Google offre diverses possibilités d'anonymiser les adresses IP, de désactiver la collecte de données, etc. L'entreprise renvoie également la responsabilité aux internautes qui peuvent bloquer Google Analytics via le navigateur web. Enfin, Google estime qu'il est nécessaire d'envoyer les données vers des serveurs situés aux ÉtatsUnis pour des raisons de rapidité et de fiabilité (ce que n'ont pas les serveurs européens ?).


Et ensuite ? D'autres décisions condamnant l'utilisation des cloud tools américains sont attendues dans un avenir proche (y compris l'achèvement des 101 plaintes de noyb). Le législateur américain devra élever la protection de la vie privée au niveau européen ou les entreprises américaines devront séparer leurs activités aux États-Unis et dans l'UE. Que pouvez-vous faire en tant qu'entrepreneur? • Demandez une autorisation explicite pour l'utilisation de cookies analytiques et statistiques, mais aussi une autorisation explicite pour le transfert de données en dehors de l'UE. Mais cela suffit-il lorsque les outils eux-mêmes sont qualifiés d'illégaux ? • Effectuez un audit de conformité de l'exportation des données : il s'agit d'une analyse approfondie de l'exportation des données pour vérifier si elle est couverte par la loi et si le cryptage des données ou d'autres mesures sont nécessaires. • Choisissez des fournisseurs européens (par exemple, Piwik PRO offre une alternative à Google Analytics qui respecte la vie privée). Quelle est donc la différence ? Les données restent la propriété du client et non du prestataire de services externe. En tant qu'entreprise, vous travaillez de manière conforme et utilisez les données du site web pour votre propre activité.

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BIEN-ÊTRE

© MEDIARTE

mediasensor 2022 : mesure du bien-être mental et du comportement inapproprié Article

Vicky Van Bellingen

Project Manager Bien-être & Inclusion

Bien-être

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n 2022, mediarte réalisera à nouveau l'enquête mediasensor. Après des mesures réussies en 2016 et 2019, nous souhaitons en 2022 enquêter sur l'expérience au travail et les risques psychosociaux dans notre secteur pour la troisième fois consécutive. Cette année, nous mettrons l'accent sur le comportement inapproprié.


Qu’est-ce qu’est mediasensor ? L'enquête mediasensor évalue l'expérience au travail et les risques psychosociaux dans le secteur audiovisuel, cinématographique et digital. Cela se fait par le biais d'un questionnaire en ligne adapté au secteur. Dans l'enquête mediasensor 2022, le comportement inapproprié sera abordé de manière plus approfondie. L'enquête contenait déjà un questionnaire sur les comportements inappropriés, mais nous allons l'élargir. En effet, il est nécessaire de disposer de chiffres représentatifs pour pouvoir évaluer l'ampleur du problème des comportements inappropriés dans le secteur. Et aussi, en raison de l'importance accordée à la lutte contre ce problème.

Pourquoi participer en tant qu'entreprise ? Conformément à la législation sur les risques psychosociaux, tous les employeurs sont tenus de procéder à une évaluation des risques. La participation à l'enquête mediasensor garantit le respect de cette obligation légale. En demandant à vos employés de remplir cette enquête, vous saurez, en tant qu'employeur, ce que vos employés pensent de leur travail. Vous vous ouvrez à leur bien-être et montrez que vous leur portez attention. Les employés qui se sentent importants s'engagent dans leur travail. Ils ne fonctionnent pas sur la routine, ils travaillent de manière proactive, ils prennent des initiatives, ils sont créatifs et innovants. Il existe également un avantage financier et concurrentiel. Une meilleure connaissance du bien-être des employés permet d'anticiper les évolutions à long terme. Une bonne politique de prévention se traduit potentiellement par une réduction du turn-over du personnel et de l'absentéisme, une diminution du nombre d'erreurs et d'accidents du travail et une augmentation de la productivité. Ceci est d'une importance capitale dans le climat économique en constante évolution qui rend le secteur audiovisuel, cinématographique et digital si unique.

Nous participons à nouveau à mediasensor car nous sommes curieux de savoir comment les différents profils - des créatifs aux techniciens - vivent la charge de travail. — Kim Cools - COO DB Video

Pourquoi participer en tant qu'individu ? Un environnement de travail sûr et un climat positif pour le bien-être mental sont importants pour chaque employé ou indépendant. En participant à cette enquête, vous contribuez à mettre en valeur votre propre climat de travail, celui de l'entreprise pour laquelle vous travaillez et, finalement, le secteur dans lequel vous travaillez. Vous recevrez également un rapport personnel après votre participation.

Que se passe-t-il avec les résultats ? Les résultats de cette enquête permettent de savoir où se situent les points sensibles et ce qu'il faut faire. Les employeurs peuvent utiliser les résultats de l'enquête pour

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BIEN-ÊTRE

élaborer une politique de prévention ciblée et ainsi travailler en interne à l'amélioration du climat de travail, mais chaque individu peut également agir lui-même sur la base de ses propres résultats pour travailler sur son propre bien-être. De plus, mediarte fera également un usage actif des résultats. Nous élaborons un plan d'action sectoriel avec des actions ciblées pour promouvoir le bien-être mental de tous les employés du secteur.

Comment fonctionne l'enquête ? L'enquête en ligne, soutenue par le service de prévention Attentia, reprendra au cours de 2022 et est ouverte à l'ensemble du secteur audiovisuel, cinématographique et digital. La participation est très simple et gratuite : inscrivezvous via le lien ci-dessous et nous vous recontacterons d'aussi tôt !

Type de rapport pour votre entreprise

pouvez choisir de demander un rapport d'entreprise distinct à un coût limité. Un tel rapport vous donne un meilleur aperçu de l'état du bien-être mental au sein de votre entreprise. En outre, vous pouvez les comparer avec ceux du secteur ou ceux de la Belgique. L'image ci-dessous montre qui peut demander quel type de rapport d'entreprise.

Rapport personnel En tant qu'individu, vous pouvez également demander un rapport détaillé afin d'avoir une meilleure idée de votre bienêtre mental.

Pas de résultats sans données Pour déterminer le climat de travail actuel, pour prendre des mesures d'amélioration, nous avons besoin de la contribution de chaque individu. Il s'agit d'une première étape cruciale pour améliorer le bien-être mental de tous les acteurs du secteur audiovisuel, cinématographique et digital.

En tant qu'entreprise comptant au moins 10 ETP, vous

article écrit par

mediarte.be/fr/mediasensor

Vicky Van Bellingen

PROJECT MANAGER WELL-BEING & INCLUSION


MEDIASENSOR 2022 Mesure du bien-être mental et des comportements inappropriés

Participer au mediasensor en tant qu'entreprise ou individu ?

Inscrivez-vous !

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STAGES MÉDIA Donnez une chance aux nouveaux talents diplômés Information & inscription via

www.mediarte.be


Vous êtes employeur et vous souhaitez proposer un stage en toute légalité ? Le projet “Stages média” est destiné aux jeunes de -26 ans désireux d'acquérir une expérience professionnelle. Par cette initiative, mediarte souhaite bâtir un pont entre la sortie de l'enseignement supérieur et le secteur audiovisuel professionnel. Si les objectifs personnels et la motivation du stagiaire sont compatibles avec les besoins et les attentes du fournisseur de stage, mediarte assure la mise en contact. Infos pratiques • Stage professionnel réalisé dans un cadre légal • Stage de 12 semaines maximum • Tout le monde peut suivre un stage, indépendamment de la fonction, à condition d'avoir moins de 26 ans, d'être inscrit comme demandeur d'emploi (officiellement auprès d'ACTIRIS, du VDAB ou du FOREM) et de ne pas encore recevoir d'allocations. • mediarte assure l'encadrement du stagiaire et veille au contenu et à la qualité du stage • mediarte fait le lien entre les objectifs personnels du stagiaire et l'offre du fournisseur de stage. • La décision finale d’accueillir ou non un stagiaire revient toujours à l’entreprise.

Plus d'infomations sur mediarte.be/fr/dossiers/stages


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IN THE PICTURE

JULIE BASECQZ © FABRIZIO DEPATRE

In the picture - Julie Basecqz, fondatrice de Score Interview

Julie Basecqz

Fondatrice de Score, comédienne, doubleuse et directrice artistique

In the picture

J

ulie Basecqz est comédienne de théâtre et cinéma, doubleuse et directrice artistique, et fondatrice de Score, une société bruxelloise de formation au doublage et à la voix off. Elle s’engage également pour les artistes interprètes chez Playright et auprès de l’Union des Artistes. Cette entrepreneuse insatiable nous a raconté son histoire et sa vie d’artiste entrepreneuse.


Tu as un parcours assez cosmopolite. Qu’est-ce qui t’a amené vers le théâtre, et ensuite vers la Belgique ? Julie: "À 14 ans, j’ai vu le film Cyrano de Bergerac de Rappeneau avec Depardieu, inspiré de la pièce de théâtre. L’année suivante, j’étais inscrite dans une école secondaire d’excellence artistique en concentration théâtre à Ottawa! À la fin de mon cursus, pour rassurer mes parents, j’ai poursuivi mes études à l’Université d’Ottawa, mais toujours en théâtre." "De parents belges, je venais souvent en vacances en Belgique. J’y ai connu mon premier amour. Il s’appelait Romain, moi Julie, c’était mon Roméo et moi sa Juliette. Nous avons vu ensemble la pièce « La Belle au Bois dormant», à Villers-la-Ville. Découvrir cet endroit magique a été une expérience incroyable: les ruines, le décor, les lumières. J’ai été éblouie, un tel spectacle en extérieur était possible ! Tous les comédiens du spectacle avaient obtenu leur premier prix au conservatoire de Bruxelles. J’ai pris la décision de venir étudier en Belgique au Conservatoire, d’y obtenir un premier prix et de jouer à Villers-la-Ville !" Tu as obtenu ce Premier Prix au Conservatoire de Bruxelles en 2000, tu as ensuite entamé une carrière sur les planches. Qu’est-ce qui t’a fait rencontrer les plateaux de cinéma, et de doublage ? Julie: "Les hasards, les coups de chance et les rencontres. J’ai énormément de chance dans la vie, mais j’essaie aussi de la provoquer ! Il est important de saisir les opportunités qui s'offrent à toi, d’être à l’écoute, ouvert d’esprit. Plutôt que de se dire, “non, c’est pas pour moi, j’y arriverai pas, c’est trop compliqué”. J’ai toujours eu cette énergie positive, cette proactivité. À ma sortie du Conservatoire, j’ai joué au théâtre des Galeries et en tournée à Lyon et Avignon. Je me suis fait pas mal de contacts. À cette époque, je croisais quelques comédiens belges qui avaient déjà un agent à Paris, ce qui était rare." "Plus je repensais au film de Rappeneau, plus je réalisais combien le film que j’avais vu était différent d’une pièce de théâtre, avec des acteurs de cinéma, non pas des comédiens de théâtre. Quand on va au théâtre, on parle toujours du personnage: “Tu as vu l’Avare comme il joue bien ?”. Par contre au cinéma, on parle de l’acteur : « Tu as

vu Depardieu ? ». Je voulais qu’on me remarque : « Tu as vu Julie ? ». J’ai voulu tenter ma chance au cinéma. Pour avoir un agent à Paris, je devais avoir une adresse en France. C’était très compliqué administrativement. J’ai commencé par un abonnement de téléphone français, ensuite un numéro de compte puis une chambre de bonne à Paris, et ainsi de suite jusqu’à avoir un agent et mes premiers contrats au cinéma. Mon premier agent représentait d’ailleurs Omar Sharif, que je ne connaissais pas à l’époque… ma mère elle, par contre, était ravie !" "Pour le doublage, j’ai commencé par pousser les portes des studios dès la sortie du Conservatoire. Beaucoup de collègues du théâtre faisaient aussi du doublage, grâce à eux j’ai pu rencontrer les bonnes personnes. J’arrivais toujours très tôt au studio quand je venais assister aux enregistrements. À force d’être là, je suscitais la curiosité, je me faisais remarquer. Rapidement on m’a donné l’opportunité d’un premier contrat de doublage. Être à la bonne place au bon moment et croire en soi. C’est ça la « chance »."

Oser, se dire que quand on veut on peut, avoir un bon réseau relationnel sur qui on peut compter, sont des atouts indéniables pour moi. — Julie Basecqz "C’est devenu ensuite un peu plus compliqué à gérer car je commençais à avoir de plus en plus de contrats en studio à Bruxelles. J’ai laissé tomber ma petite chambre de bonne à Paris pour un appartement un peu plus spacieux à Bruxelles. Mais pour l’assumer financièrement, j’ai accepté de plus en plus de rôles en doublage. Pour mes castings à Paris, un ami qui travaillait chez Thalys me faisait monter en première classe. Grâce à lui, je faisais gracieusement l’aller-retour sur Paris en une journée… Toujours la débrouillardise et les contacts!"

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Comment s’est passée la transition de doubleuse à directrice artistique ? Julie: "À force de faire de plus en plus d’ambiances (foules), de petits rôles et ensuite des rôles principaux en doublage, on m’a proposé un jour de de prendre la direction artistique d’une série. Je n’ai pas hésité, j’ai accepté. C’était une nouvelle opportunité, apprendre une nouvelle facette du métier. C’était assez cocasse et impressionnant, d’être une jeune femme qui dirige les plus grands comédiens belges … J’avais vu plusieurs d’entre eux jouer dans la fameuse pièce à Villers-la-Ville. Le métier de DA (directrice artistique), c’est également beaucoup de gestion, de planning, de tableaux Excel pour gérer au mieux les convocations des comédiens. L’aspect organisationnel, gestionnaire, ne m’a jamais rebuté. Au contraire, j’y vois une occasion d’être encore plus efficace. Plus on est organisé, plus on est actif, plus d’opportunités se présenteront à nous, non ?" Tu as ensuite écouté ta fibre entrepreneuriale pour développer l’idée d’une boîte, Score Brussels. Avaistu cette fibre en toi depuis longtemps ? Julie: "Oui, je suis un peu hyperactive sur les bords (rires) ! J’ai toujours aimé gérer, organiser afin d’être plus efficace. Au Canada, quand j’étais étudiante, j’aimais travailler derrière un bar, gérer les commandes, servir les clients, être hyper efficace quand c’est le coup de feu pour que tout le monde soit satisfait. En Belgique, j’ai fait un peu d'événementiel, il m’est arrivé pour une avant-première à l’UGC de frapper à la porte du commandant de la base militaire de Beauvechain pour qu’il me prête des uniformes militaires, pour être plus réalistes." "Oser, se dire que quand on veut on peut, avoir un bon réseau relationnel sur qui on peut compter, sont des atouts indéniables pour moi." L’idée d’une boîte autour de la formation dans le doublage s’est imposée à toi. T’est-elle venue d’une envie personnelle, d’un besoin du marché ? Julie: "Un peu des deux. L’idée de départ est venue d’une rencontre avec Alec Mansion durant le Festival de Cannes. L’idée de mutualiser nos compétences est vite venue sur la table: son expérience de création musicale et la mienne

dans le domaine de la voix. De ce constat, nous est venu l’envie de faire un studio commun d’habillage musical et de voix." "De par mon expérience de DA, j’avais constaté que l’on engageait souvent les mêmes voix en studio. Il me paraissait donc évident qu’une formation pour les métiers de la voix avait toute sa place. D’autant plus qu’il n’était et n’est toujours pas évident pour un comédien de théâtre sans expérience de pousser la porte des studios pour aller assister aux enregistrements, faire un essai, encore moins ces derniers temps avec la Covid. C’est bien dommage, on manque notamment de voix âgées, qui ont de l’expérience et un bon jeu." "Grâce à ma mentalité à l’américaine, ma proactivité et mon tempérament, les formations ont vite pris forme."

J’aime être un peu comme un chef d’orchestre, mettre les gens aux bons endroits. Leur permettre de se rencontrer, tant professionnellement que sur le plan relationnel. — Julie Basecqz

Qu’est-ce qui te motive tous les jours à te lever et faire vivre Score Brussels? Qu’est-ce qui t’apporte de la satisfaction dans ce projet ? Julie: "Les amitiés créées, c’est ce qui me plait le plus. Je fais toujours partie des groupes WhatsApp des cours du soir ou des stages de Bruxelles Formation. J’ai plaisir à voir que, des mois plus tard, les élèves continuent encore à organiser des soirées entre eux, s’échangent des pistes. Je suis fière d’avoir pu créer des complicités, des connexions entre les gens. J’aime être un peu comme un chef d’orchestre, mettre les gens aux bons endroits. Leur permettre de se rencontrer, tant professionnellement que


JULIE BASECQZ © PATRICIA MATHIEU

sur le plan relationnel. D’être à la source de toute cette émulation. Toute cette énergie est positive, bienveillante et gratifiante." Est-ce que Score fonctionne comme tu l’avais imaginée, à partir de ton modèle de départ ? Ou as-tu dû repenser l’idée de la boîte au gré de la concrétisation de tes idées ? Julie: "L’idée de départ était de créer deux pôles d’activités, le premier pour l’habillage musical (jingle, pub, composition, etc…) et le deuxième pour la voix (doublage, voix pub, voix docu, audio description, ....). Le premier pôle n’a pas vraiment décollé. De plus, Alec et moi n’étions pas sur la même longueur d’onde au niveau gestion." "Par contre, le département voix a fonctionné. Je le gérais seule et l’ai repris entièrement. C’est un travail quotidien. Il faut savoir être patient, il faut communiquer régulièrement sur les médias sociaux, mais aussi laisser

le bouche-à-oreille faire son travail. Ne pas être trop gourmand et accepter de donner beaucoup de son temps au départ… J’ai toujours été très à l’écoute des élèves, à qui je demande systématiquement des retours. Grâce à cela, j’ai pu peaufiner l’idée de départ, compléter nos formations en fonction des demandes récurrentes. Après un peu plus de deux ans, le concept est arrivé à maturité et il est bien rodé. J’ai maintenant une super équipe de profs/coach où chacun a trouvé sa place, le domaine qui lui convient le mieux. J’ai deux très bons pédagogues et DA pour les cours du soir et la semaine de Bruxelles Formation, un autre spécialisé pour les enfants. J’ai vraiment trouvé une formule win-win entre élèves et professeurs: d’un côté offrir aux élèves la possibilité de se faire coacher par des DA actifs dans le métier et donc qui engagent régulièrement, de l’autre permettre aux DA d’entendre de nouvelles voix qui sont prêtes à travailler dès le lendemain en studio. C’est notre speed-dubbing."

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Apprécies-tu le fait d’être une cheffe d’entreprise, l’aspect de gestion de ton métier ? Julie: "Oui beaucoup, même si j’ai un peu de mal à déléguer, à lâcher prise. Je connais tous mes élèves, je prends beaucoup de notes. Je réponds à leurs questions par mail, parfois au milieu de la nuit car c’est le seul moment où je trouve du temps libre pour pouvoir le faire rapidement. Ce qui est à bannir (rires). Comme j’ai toujours aimé gérer, organiser les choses pour être plus efficace, cela me facilite grandement la tâche. Je n’agis pas contre ma nature."

Le challenge, c’est surtout de trouver les bonnes personnes avec lesquelles monter son projet, celles en qui avoir confiance. — Julie Basecqz

Qu’en est-il du métier de doubleur.euse en Belgique: penses-tu que c’est un métier d’avenir, qui a encore de beaux jours devant lui ? Julie: "Oui absolument. On rigole beaucoup entre nous quand apparaissent des nouveaux programmes avec des voix artificielles : on sait qu’il est impossible de rivaliser avec les émotions qu’un comédien peut transmettre." "Avec la crise de la Covid, même si le secteur culturel a grandement souffert, cela a mis l’accent sur le besoin essentiel de divertissement. Les plateformes de diffusions ont connu un essor sans précédent ce qui, à mon avis, engendrera une demande plus importante de produits à doubler. Il reste néanmoins encore beaucoup de chemin à faire au niveau politique pour avoir un statut d’artiste un temps soit peu cohérent et un respect de leurs droits lors de la diffusion des œuvres sur les plateformes. Allez, un peu de courage politique, voyons !"

Quelle est la richesse ou les aléas de travailler dans le milieu du cinéma et du doublage en Belgique, par rapport à la France par exemple ? Julie: "Le milieu du cinéma et du théâtre en Belgique est plus intime. On connaît les gens, les réalisateurs, les directeurs de castings, c’est un petit monde. En France, c’est tout le contraire. C’est moins accessible. Les formations aussi n’échappent pas à ce constat. Se former en Belgique est 10 fois moins cher. Beaucoup de Français viennent d’ailleurs se former chez nous et y restent !" Entrepreneuse en Belgique : est-ce une difficulté, un challenge ? As-tu été soutenue, au niveau humain, et gouvernemental / régional ? Julie: "Le challenge, c’est surtout de trouver les bonnes personnes avec lesquelles monter son projet, celles en qui avoir confiance. Trouver des profils complémentaires, avoir une charge de travail répartie de manière équilibrée. Si ce n’est pas le cas, s'il faut gérer les difficultés, les problèmes et les égos de ses partenaires, cela devient vite toxique." "Pour Score, nous avons été soutenus dès le départ par Hub Bruxelles, plus spécialement Screen.brussels. Ensuite nous avons pu développer un partenariat avec Bruxelles formation pour notre weekly master class. Celle-ci s’adresse essentiellement à ceux qui veulent faire du doublage leur futur métier. Tous nos interlocuteurs ont été super compétents. C’est génial d’avoir eu des organisations aussi disponibles." "Pour moi, à moitié canadienne, comprendre le fonctionnement institutionnel de la Belgique est compliqué. Comprendre la logique de la régionalisation de certaines compétences n’est pas évident. Nous avons beaucoup de demandes de comédiens francophones domiciliés en Flandre et en Wallonie qui ne peuvent bénéficier de la gratuité de notre formation, c’est dommage et à ce jour nous n’avons pas encore trouvé les bons interlocuteurs pour prendre en charge des formations professionnelles pour comédiens wallons et flamands . Je profite donc de cette interview pour faire un appel (rires)." Tu es vice-présidente du Conseil d’administration de l’Union des Artistes depuis 2017, et tu exerces


un mandat au Conseil d’administration de Playright depuis 2019. D’où t’es venue cette envie d’engagement associatif ? Julie: "Amener ma pierre à l’édifice, contribuer à une meilleure reconnaissance des métiers artistiques est important pour moi. Partager mon expérience, apporter mon dynamisme d’autant plus si cela peut aider d’autres personnes, me paraît essentiel." "En siégeant dans ces deux conseils, j’apporte toute mon expertise à des dossiers complexes. Je suis moins dans l’affrontement et la revendication « dans la rue » mais plus dans la discussion, dans la lutte d’influence en utilisant mon réseau. Cela me correspond mieux. Mais je suis capable de me mettre à poil pour une campagne de communication si c’est nécessaire et bien géré. Une nouvelle fois, mon moteur c’est d’être efficace." "Le secteur de la culture a été très durement touché par la crise Covid. C’est incroyable qu’il ait fallu une initiative citoyenne pour lui venir en aide. De nombreux artistes ne pouvaient bénéficier des aides de l'État. Au fond sparadrap, dont je fais également partie, nous avons eu des demandes d’aides poignantes, révélatrices de situations extrêmement précaires. Les artistes ont été les grands oubliés dans cette crise, il est temps que cela change." "Au Canada, l’UDA, avec qui j’ai des contacts réguliers, est un syndicat professionnel autrement plus « puissant ». À titre d’exemple, ils viennent d’obtenir un prolongement

des mesures de soutien du gouvernement québécois à l'égard du milieu des arts et de la culture pour un montant de 2 millions de dollars. Ils ont également entamé une réforme des lois sur le statut de l’artiste. La Belgique peutelle faire aussi bien, si pas mieux, avec sa réforme ? Elle a bien été précurseur pour la loi dépénalisant l’euthanasie et la première au monde à l’étendre aux mineurs." Où te vois-tu dans 5, 10 ans ? Julie: "Je crois qu’à ce moment-là j’aurai appris à déléguer, j’imagine former quelqu’un pour reprendre Score." "J’ai peut-être le même syndrome que beaucoup de startup: on a une nouvelle idée innovante, c’est super grisant de voir un nouveau concept se concrétiser et commencer à fonctionner au quotidien. Mais une fois que les choses sont en vitesse de croisière, cela devient de la gestion d’entreprise classique, quotidienne. Et ça c’est plus difficile pour moi." "J’espère faire plus de tournages un peu partout, rencontrer quelques réalisateurs belges que je ne connais pas encore, tourner un peu plus en France et pourquoi pas au Canada. J’aimerais aussi voyager, aider mon mari dans la gestion de son école de kite surf et de ses kitecamps dans le sud de la France. Et puis enfin, pouvoir faire ma cabane dans les arbres. Je pourrais y passer des week-ends sympas bien sûr, mais pourquoi pas en faire un business aussi (rires). Une école de kite surf et de doublage dans les arbres, soyons fous (rires) !"

interview réalisée par

scorebrussels.be

Virginie Grulois

PROJECT MANAGER MEDIARTIST

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DAE Studios : le gaming made in Courtrai Depuis quelques années, Courtrai est le QG d’une branche aussi jeune que vigoureuse du secteur audiovisuel : l'industrie du gaming. La ville héberge la section « Digital Arts and Entertainment » de renommée mondiale du Howest University College mais aussi les DAE Studios, qui en sont issus. Ces derniers visent les mêmes niveaux, en termes d’ambition et de qualité de services, que ce qu’ils ont reçu comme enseignement. Amplo est partenaire RH de start-ups et de grandes entreprises dans le secteur du gaming. Nous avions donc envie de connaître l’histoire de DAE Studios. "En fait, nous existons depuis un certain temps mais, depuis 2018, nous nous concentrons vraiment sur la phase d’accélération », explique Michiel Houwen, directeur de DAE Studios. « Avant, notre studio développait ses jeux luimême. Désormais, nous ne produisons plus nous-mêmes. Nous travaillons en collaboration avec des développeurs et soutenons réellement quiconque ayant un bon projet de business. Nous opérons au niveau international mais principalement depuis notre siège social à Courtrai. Ici, nous voulons développer un écosystème de pointe pour les startups dans le domaine de la technologie des jeux vidéo."

Pour quelles raisons les développeurs de jeux peuvent-ils s'adresser à vous ? "Toute personne désireuse de créer son propre studio dans le domaine du développement de jeux est la bienvenue chez nous. Nous orientons ces profils vers ce que nous appelons notre incubateur ‘2 Games a Month’ (2 jeux par mois, NDLR). Nous y guidons les gens dans le développement efficace de concepts dotés d’un potentiel commercial. Pendant cette période, nous examinons quelles sont les équipes performantes ou talentueuses dans lesquelles nous allons investir davantage. Celles-là, nous les amenons en phase d’accélération. À ce stade, nous donnons aux développeurs une ‘place physique’ chez nous et nous les aidons à obtenir leurs premières missions. Nous leur montrons le chemin vers la rentabilité, le réseautage et nous leur apprenons à « scale up », passer à la vitesse supérieure. Mais nous n’hésitons pas non-plus à investir nous-mêmes dans des studios qui démarrent."

Amplo est un partenaire structurel de mediarte


MICHIEL HOUWEN © AMPLO

De quelle vision est née votre démarche ?

Quel est votre projet actuel ?

"Il y a actuellement environ 1.300 étudiants dans les trois années de bachelier Digital Arts and Entertainment à Courtrai. C'est beaucoup. Et il va sans dire qu'avec une telle formation de renommée internationale, les studios de gaming du monde entier viennent ici à la recherche de talents. Les diplômés partent à l'étranger et nous voyons le talent s’en aller. Pour contrer cette fuite des cerveaux, nous voulons créer davantage d'opportunités au niveau local. Nous voulons construire un écosystème dans lequel nous soutenons les jeunes entreprises qui veulent s'installer ici. Nous voyons également arriver de plus en plus de demandes d'entreprises de différents secteurs qui voient l'intérêt de la technologie du jeu vidéo. Par exemple, nous avons déjà développé des applications basée sur la technologie des jeux avec le groupe Colruyt, et nous avons créé un simulateur VR pour Fluvius afin de former les stagiaires."

"En février, nous lançons l'incubateur ‘2 Games a Month’, nous travaillerons avec dix-huit participants. Cette année, nous avons également pour ambition d’accompagner quatre nouvelles start-ups via DAE Studios. De plus, continuer à mettre l'accent sur la qualité compte beaucoup pour moi. Je ne veux pas accueillir le plus grand nombre possible de studios dans notre programme, je veux surtout faire en sorte que les personnes que nous encadrons actuellement puissent atteindre un taux de réussite plus élevé. Et que ces gens mettent ensuite sur le marché des jeux magnifiques, dont nous et l'ensemble de l'écosystème pouvons être fiers. De tels exemples de réussite dans notre propre région, c’est la meilleure carte de visite que nous puissions offrir. Parce qu'alors, tous ceux qui caressent l'idée de développer quelque chose au niveau local oseront également le faire."

amplo.be

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INSIDE THE COMPANY

© BIG TROUBLE IN LITTLE BELGIUM

6 questions pour décortiquer le travail en coopérative dans l’audiovisuel Interview

Thibaut Dopchie

Fondateur de Big Trouble in Little Belgium

Inside the company

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réée fin août 2019, Big Trouble in Little Belgium (BtiLB) est une société coopérative de travailleurs de la production audiovisuelle. En droit français, une société coopérative est une société commerciale qui se distingue des sociétés classiques par une détention majoritaire du capital et du pouvoir de


décision par ses coopérateurs (salariés, ou membres), la primauté de valeurs sociales sur le simple profit, et une limitation dans la distribution de dividendes à ses actionnaires. En court, BTiLB produit et gère ses œuvres en copropriété. BTiLB a maintenant 2 ans et demi, et 3 projets en finition. Avec Thibaut Dopchie, nous faisons le point sur ces deux années accomplies, et ce que signifie et implique le travail en coopérative audiovisuelle. Quelle a été ton inspiration ou modèle dans la création d’une coopérative ? Thibaut: "On a eu deux modèles. Le premier est un modèle un peu lointain, mais très inspirant. C'est une coopérative française qui s'appelle les Mutins de Pangée, qui fait notamment de la distribution, mais aussi produit des documentaires assez militants. Ils financent leurs films par souscription, on trouvait cette méthode assez originale. Et il y a aussi le côté coopératif, militant qui nous plaisait beaucoup. Le deuxième modèle, et là c'est plus dans une vision à long terme, c'est dans la logique du salariat artistique. Une de nos volontés, c'est de pouvoir salarier les membres de notre coopérative. Nous voulons faire en sorte que les créateurs ou créatrices soient véritablement des salariés et ne doivent plus courir derrière leurs cachets à longueur d'année." Qui sont les membres de la coopérative ? Qu’est-ce que signifie être coopérateur ? Thibaut: "La coopérative compte aujourd’hui un tout petit peu moins de 50 membres. Il y a différents profils de personnes qui nous rejoignent. Certaines personnes sont venues dans la coopérative en tant que sympathisants du projet, de l’idée. Ils mettent un peu d'argent dans la coopérative parce que c'est un modèle qui les intéresse,

mais sans volonté de développer leurs projets. D'autres ont un métier artistique ou en tout cas un métier de technicien ou technicienne dans le cinéma. Souvent, ils rejoignent la coopérative parce qu’ils en ont marre du modèle classique. Et surtout, beaucoup éprouvent des difficultés avec les conditions de travail actuelles dans le métier. Pas uniquement à cause du harcèlement, même s'il y en a, mais aussi la pression du travail créatif et la pression du travail dans l'audiovisuel, qui sont lourdes. Ils viennent en espérant qu'avec un autre modèle, cela fonctionnera mieux pour eux - et pour l'instant, ça fonctionne. Et puis, il y a un troisième profil. Ce sont ceux qui viennent avec des projets qu’ils ont envie de développer." "Il n’y a aucune obligation d'être membre pour s’investir dans la coopérative. Par contre, à partir du moment où on arrive à une phase de développement d'un projet, c'est intéressant de devenir membre car cela permet de devenir coproducteur ou coproductrice de son film. On conseille toujours de participer à quelques réunions, de voir comment cela fonctionne, avant de devenir coopérateur. trice. On ne veut pas piéger les gens, on veut qu’ils.elles s’engagent auprès de nous si le projet leur convient vraiment." "C'est une coopérative, donc devenir membre c'est un investissement. Prendre une part (la part est à 100 €), c'est comme prendre une action dans une société X à la Bourse. Il y a toujours un risque, comme dans tout investissement: si jamais la boîte se plante demain, les 100 euros sont perdus. Par contre, si on quitte la coopérative, on les récupère. Être coopérateur.trice ne rapporte aucun dividende, c’est spécifié dans nos statuts (les bénéfices sont réinjectés dans les projets). Mais il y a des bénéfices à faire partie de notre coopérative, autres que financiers : quand un projet se développe, les postes à pourvoir sont donnés en priorité aux coopérateurs.trices - si les compétences sont là, évidemment. Un autre bénéfice, c'est l'accès au matériel. C'est aussi le côté formation : certaines personnes rejoignent la coopérative en voulant créer telle ou telle formation, ou atelier, qui sont accessibles gratuitement aux coopérateurs.trices." "Au sein de la coopérative, on essaie aussi d’avoir de tout petits projets, sans financements, sans enjeux. Juste pour le plaisir de travailler et d’apprendre ensemble. Cela

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permet de former certains coopérateurs.rices aux métiers du cinéma, sur le terrain, autour d’un projet. On a fait deux capsules sur YouTube, avec des chefs ou cheffes op’ expérimentés, qui ont partagé le fonctionnement de leur métier à des novices." Comment se passe la vie au quotidien dans la coopérative ? Les prises de décisions quotidiennes, et les grandes décisions ? Thibaut: "La vie quotidienne dans la coopérative, c’est avant tout de rassembler nos membres. On essaie de faire en sorte que ceux qui sont là pour le côté créatif puissent développer leurs projets. On essaie aussi de développer des cadres dans lesquels nos membres peuvent travailler plus facilement. On a par exemple créé un groupe qui s'appelle Big Girls in Little Belgium. On avait remarqué d’une part que la question de la légitimité se posait beaucoup chez nos membres féminines: la légitimité à être là, à créer, à écrire, à tourner. Cela se couplait avec une propension, chez nos membres masculins, à accaparer la parole. Et en fin de compte, les filles s'écrasaient et les garçons développaient leur projet. Ce groupe, Big Girls, permet donc de résoudre la question de la légitimité des filles en leur permettant de développer des projets ensemble, de le mûrir dans une ambiance bienveillante. "

Pour les grandes décisions, c'est comme pour toutes les coopératives et toutes les entreprises : il y a des AG (assemblées générales), avec des grands débats, pendant de longues après-midis. Actuellement on en fait deux par an, une au début de l'année pour le budget et une au milieu de l'année pour approuver les bilans. Par contre, on propose des réunions mensuelles, tout à fait informelles, où on discute de l'avenir de la coopérative, on essaie de faire baisser les petites tensions, on fait le bilan des projets, on parle de ce qui a fonctionné ou pas, et comment on pourrait améliorer les choses."

Le côté positif, c'est cette véritable émulation dans la boîte. Tout le monde s'intéresse aux projets des autres membres, conseille et aide les autres avec une vraie bienveillance. — Thibaut Dopchie Est-ce que cela rajoute des difficultés ? Quelles sont-elles ? Et quelles sont vos réussites ?

© BIG TROUBLE IN LITTLE BELGIUM

"Au niveau des petites décisions, on essaie de les rendre les plus informelles possible, de faire en sorte que les gens se regroupent par affinités, développent leurs projets et prennent leurs décisions ensemble. On a pas de prise là-dessus, et on essaye de guider nos membres si on sent qu’il y a des dysfonctionnement dans les équipes, en leur proposant d’essayer telle ou telle méthode.

Thibaut: "Les choses sont un peu plus lentes chez nous dans la partie développement, on l’avait prévu. Sur les tournages, par contre, les choses ne changent pas. Chacun est à sa place: les chef.fes de poste sont chef.fes de poste, le ou la réa est toujours le.la décisionnaire final.e. On ne va pas changer un plateau, sinon on ne s'en sortirait pas. Chez nous, tout est ouvert: les budgets sont ouverts, on explique tout ce qui se passe au niveau du financement. Cela peut générer un stress chez les auteurs.trices, qui ne sont pas habitué.es à cela, et qui comprennent dès lors les conséquences de ne pas recevoir tel ou tel financement. Par rapport à la coopérative, nous, les permanents, si on peut s’appeler les “producteurs”, ne voyons pas de côté négatif jusqu'à présent. On a essayé un maximum d'anticiper et éviter tous les problèmes. Tout est clair dès le début et on est transparents: les budgets sont ouverts,


tous les postes reçoivent la même rémunération (et c'est quasiment sans discussion), on expose les boulettes qu'on fait. Donc pour l'instant, personne n’est venu se plaindre. Personne ne s’est senti floué, car l'argent est remis dans la coopérative et donc réutilisé par les membres."

pensant qu’avec tout ce matériel il.elle évitera les erreurs. Il faut apprendre à s'exposer à l'erreur, ce n'est pas si grave."

"Le côté positif, c'est cette véritable émulation dans la boîte. Tout le monde s'intéresse aux projets des autres membres, conseille et aide les autres avec une vraie bienveillance. Je vois des projets portés par des gens qui viennent de nulle part, qui n’ont pas fait d’études, et qui aboutissent, qui sont pris pour la télé et pour le web. Je suis assez abasourdi, et fier de voir ça. C’était notre pari: il y a des talents partout."

Thibaut: "Jusqu'à présent oui, d’abord parce que c'est clair dès le départ. Notre volonté est que les travailleurs soient vraiment à l'aise sur les plateaux, et d’éviter que certains se sentent sous-payés par rapport à d'autres. Cela crée des tensions, des rapports de force. On essaye de ne pas tirer les barèmes vers le bas. Notre objectif est de rester sur un barème de chef op pour tous. Sur certains petits projets, c’est plus compliqué."

"Maintenant, on a des frustrations. On se cherche encore un peu dans notre fonctionnement, on sent qu'il y a parfois des grincements, qu'il faut mettre de l'huile. On a pas encore réussi à imposer cette logique égalitaire qu’on partage entre les 3 fondateurs. Beaucoup de membres viennent nous demander la permission de faire telle chose ou telle chose, cela crée des goulets d'étranglement. On se voit simplement comme “fournisseurs de services de production”, c'est-à-dire qu’on aimerait intervenir uniquement sur le financement, l’engagement des équipes, le côté administratif - le côté où, subitement, les projets doivent avoir une vie vers l'extérieur et où il faut un représentant, en revenir à cette logique du producteur avec sa cravate qui vient donner son aval sur un projet, faire le show off par rapport au monde extérieur. On aimerait par contre que dans le fonctionnement interne, nos membres ne nous demandent pas la permission pour écrire, pour avoir une salle de réunion, etc. C'est normal que les gens se demandent si ce qu’ils font est bien. Mais notre idéal est que cela se passe entre pairs, que nos membres ne viennent pas chercher une pseudo autorité chez nous."

"Par contre, l'ancienneté compte pour nous. Le travail d’une personne qui a 20 ans d'expérience n'a pas la même valeur que le travail d’un débutant. La personne expérimentée va travailler plus vite, et apporter de la valeur en termes de formations de membres plus jeunes."

"En termes de technique, par contre, on est encore fort intervenants pour l'instant. Ce qu'on cherche, c’est qu'un maximum d'argent aille dans les salaires. Quand un.e chef.e op ou ingénieur son arrive avec une liste de matériel longue comme ça, souvent c’est pour se rassurer, en

Vous oeuvrez pour des salaires égaux. Est-ce bien reçu par vos équipes ?

Vous changez la notion d’ “auteur”. Est-ce pour toi une notion obsolète ? Thibaut: "On est tout à fait d'accord de dire que sur un plateau, il faut un ou une maître d'œuvre. Par contre, on n'aime pas la notion d'auteur. L’auteurisme, c’est aussi une forme d’autorité. On n'aime pas ce côté “ma vision du monde”, parce que ça cache souvent un manque de confiance en soi. Ça permet de faire fi de la critique, en disant “Tu ne comprends pas, c'est ma vision du monde”. " "On aime bien tous se considérer, même les réalisateurs et les scénaristes, comme des ouvriers du cinéma. Ca peut paraître prétentieux, mais c'est juste pour se rappeler qu'on est là avant tout pour travailler. C'est du travail artistique, mais c'est du travail."

BTiLB vient de terminer La Relève, un court-métrage de Jérôme Jacob-Paquay qui sera présenté dans les Festivals, ainsi que Le Trou, une série de Benjamin Viré produite pour la RTBF.

interview réalisée par

bigtrouble.be

Virginie Grulois

PROJECT MANAGER MEDIARTIST

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REVOIR LES WEBINARS

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REPLAY Webinar mediarte

Dans ce webinar, Julie Freres s’entretient avec nous sur le rôle d’un atelier de production et dévoile quelques uns des films produits par Dérives. Elle présente sur les différents dispositifs d’aide (au développement, à la finition, au court-métrage et aux films non financés), l’accès au matériel, et aussi les initiatives qui permettent aux auteurs d’expérimenter le langage cinématographique.

 70 min.

Julie Basecqz vous parle du métier de doubleur.euse et des étapes à parcourir pour construire sa carrière dans le métier. Elle revient sur son propre parcours de comédienne et doubleuse, et sur la création de Score. Julie vous dresse également un panorama des différents projets de doublage qu'on retrouve en Belgique, et du champ d'activités actuel de Score. Elle présente le métier de directeur artistique, le principal interlocuteur des doubleurs. Enfin, elle aborde les droits et contrats des comédiens.

 88 min.

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EN COULISSE

INDUSTRY DAY ON DIVERSITY & EQUALITY IN FICTION - DE GAUCHE À DROITE : ALICE GADBLED (Elles font des films), SANDRINE BRAUER (Collectif 50/50), MIEKE VAN DEN BROECK (Progress Law), ANNABELLA NEZRI (UPFF), JAN VERMOESEN (mediarte) - modéré par ELLI MASTOROU © ARE YOU SERIES (BOZAR)

En coulisse Qu'est-ce que mediarte a réalisé ces derniers mois ? Nous vous donnons volontiers un aperçu. Formations • • • • • • •

 1 OCTOBRE 2021

Webinar "Setting the Stage" - NL

• •

 5 OCTOBRE 2021

Talk "Big Trouble in Little Belgium" - FR  12 OCTOBRE 2021

 19 OCTOBRE 2021

Webinar "CV Lab" - NL Webinar "Setting the Stage - Discover" - FR  21 OCTOBRE 2021

Masterclass Cinéma Palace "Thomas Gauder présente Annette" - EN  29 OCTOBRE 2021

• •

Webinar "Setting the stage - Discover" - NL  8 NOVEMBRE 2021

Webinar " Production - les bases du budget" - FR

 16 NOVEMBRE 2021

Webinar "CV Lab" - FR  18 NOVEMBRE 2021

Masterclass Cinéma Palace "Ann Willems" - EN  19 NOVEMBRE 2021

Webinar "Setting the stage - Define" - NL  29 NOVEMBRE 2021

Webinar "Difference with personal branding part I" - NL  30 NOVEMBRE 2021

Webinar "Brand Yourslef" - FR  6 DÉCEMBRE 2021

Webinar "Difference with personal branding! (part II)" - NL  7 DÉCEMBRE 2021

Inside the Company "Score Brussels" - FR


Octobre 2021 - janvier 2022

• • • • • •

 16 NOVEMBRE 2021

Webinar "Networking : Do's & Don'ts" FR  16 NOVEMBRE 2021

Webinar "Networking : Do's & Don'ts" NL  13 DÉCEMBRE 2021

"trajets d'accompagnement mediarte" - FR

 13 DÉCEMBRE 2021

"mediarte begeleidingstrajecten" - NL  20 JANVIER 2022

Talk "Dérives" - FR  27 JANVIER 2022

Webinar ""Setting the stage Discover" - FR

Événements • •

 18 OCTOBRE 2021 - Gent

"Intimacy & Inclusion in Film ihkv Film Fest Gent"  10 DÉCEMBRE 2021 -

Bozar

"Are you series - industry event avec un focus sur les séries TV"

Stages média • Borgerhoff & Lamberigts, CZAR, De Chinezen, Ded'S it, De Mensen, DPG Media, Free kings, Geronimo, Hotel Hungaria, La Belge Prod, POP Production, RTL Belgium, Sputnik, Woestijnvis

Session d'infos •

 9 DÉCEMBRE 2021

Consultations Plateforme de consultation diversité & inclusion, Groupe de travail 'ESF project SCOPE' (Prévision des compétences), Consultation VAF, Groupe de travail contrôle des compétences, Groupe de direction pour le plan d'action sur les comportements innapropriés, Groupe de travail : plan d'action réalisable, Consultation CP 227 & 303.01, Groupe de travail sur les fonctions de référence dans le secteur AV, Groupe de travail sur les formations intersectorielles, Visite Luca_School of arts - nouvelle formation assisant de production, Consultation intersectorielle des conseillers SERV, Manuel du groupe de travail intersectoriel non-discrimination & inclusion: zéro/analyse de risque, Réseau intersectoriel diversité, Panel de discussion avec le comité du bachelier professionnel en arts audiovisuels RITCS/EhB, Réseau de conseillers sectoriels, Réseau SERV_Workable work, Table ronde jeunes NEET (apprentissage sur le lieu de travail), Brainstorming sur la future politique digitale (inter)sectoriele, VRM symposium "De strijd om de kijker van vandaag én morgen", Consultation ‘Creative Skills Europe’ network of partners, Consultation Film Festival Oostende, Consultation modèles de comportement en collaboration avec le VAF, Consultation "Outils contre le harcèlement dans le secteur audiovisuel" avec l'UPFF, Fit for 2030 - consultation.

Session d'info "Masteropleiding regie RITCS"

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