MILLE ET UNE HISTOIRES 129

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n°129 les ogres

Mille et une histoires

Les plus beaux contes du monde entier

La petite fille chez les ogres

Le loup et la bergère

Borodoï doit surveiller le feu pendant que son frère, Baraboche, est à la chasse. Hélas, Borodoï va s’endormir...

Jack a échangé sa vache contre un haricot magique. Au matin, le haricot a tellement poussé qu’il atteint les nuages !

La petite Ntombi est emportée par une vague jusque dans une île où vivent des ogres. Une vieille ogresse va la protéger...

Le loup, qui a toujours un petit creux, se déguise en bergère pour mieux croquer ses moutons. Sa ruse marchera-t-elle ?

PRESSE ÉVEIL

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Jack et le haricot magique

M 04309 - 129 - F: 5,50 E - RD

L’ogresse aux longues oreilles

N°129 - mai 2011 - 5,50 € - Bel/Lux/Dom : 6,50 € - Suisse : 11 CHF - Tom : 500  XPF CAN : 5,50 CAD - Tunisie : 5,50 TND - Maroc : 35 MAD - Zone CFA : 2000 CFA - ISSN : 1297-0662


P. 3

L’ogresse aux longues oreilles P. 11

Jack et le haricot magique P. 23

La petite fille chez les ogres P. 29 Ta fable :

Le loup et la bergère P. 34

Pour s’amuser

34 P oésie : L’ogre et la fée 36 Les aventures de Loulou 40 La famille Perlimpinpin

dans la cuisine des ogres 42 Ta sculpture : « Nana soleil » de Niki de Saint-Phalle

P. 45

Parents

46 Album de famille

des mangeurs d’enfants 50 Une histoire qui fait du bien : Jack et le haricot magique


Les étonnantes métamorphoses d’une ogresse font tout le sel de ce conte originaire des monts de Sibérie. Pas très futée, cette toute-puissante mangeuse d’hommes ne réussit pas, toutefois, à venir à bout de ces enfants unis par la force des liens fraternels...

L’ogresse aux longues oreilles

Il y a longtemps, dans la lointaine Sibérie, les habitants du Mont Altaï vivaient dans des tentes de nomades et chassaient pour se nourrir. Baraboche était un très bon chasseur. Grâce à son habileté, sa sœur Borodoï faisait mijoter de délicieux ragoûts, sur le feu qui brûlait nuit et jour devant leur tente. Un matin, Baraboche dit à Borodoï : - Je pars chasser du côté du soleil levant. Je reviendrai quand le soleil se sera levé et couché trois fois. Surveille bien notre feu. Surtout, ne le laisse pas s’éteindre.

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Borodoï ramassa des petites branches et de la mousse bien sèche pour entretenir le feu. Les deux premiers jours se passèrent bien, mais le troisième soir, Borodoï se mit à bâiller : - Oh ! là, là ! Que je suis fatiguée ! Et pouf ! elle s’endormit comme une marmotte. Quand elle se réveilla, le feu était éteint. Borodoï pensa : - Malheur! Mon frère revient de la chasse aujourd’hui. Il sera fâché contre moi ! Alors, la jeune fille partit dans la montagne pour y chercher du feu. Après avoir longtemps marché, elle aperçut une tente toute rouge.

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Devant la tente, une vieille femme se chauffait auprès d’un bon feu. Borodoï s’approcha. La vieille était couchée sur une de ses immenses oreilles... et sa deuxième oreille l’enveloppait, telle une couverture ! C’était plus que bizarre. Mais Borodoï était si contente d’avoir trouvé du feu qu’elle ne se méfia pas. - S’il te plaît grand-mère, demanda-t-elle, donne-moi du feu ! - Sers-toi ma fille, répondit la vieille, une drôle de lueur au fond des yeux. Borodoï retira du feu une branche enflammée et rentra chez elle en toute hâte.

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Elle posa la branche enflammée sur son feu éteint, y ajouta des brindilles, et un beau feu se remit à crépiter. C’est alors que Borodoï découvrit un fil accroché à sa robe. Elle tira dessus. Horreur ! elle s’aperçut que le fil s’étirait tout le long du chemin qui menait à la tente de la vieille... En un éclair, Borodoï se souvint qu’elle avait déjà entendu parler de cette vieille. C’était sans doute la terrible ogresse aux longues oreilles qui mangeait tous ceux qu’elle pouvait attraper ! Sûr et certain, c’était elle qui avait accroché ce fil à la robe de Borodoï pour la retrouver et la croquer par surprise. Vite, Borodoï cassa le fil. Puis elle courut en direction du soleil levant, là où son frère était parti chasser. Mais l’ogresse aux longues oreilles s’était déjà mise à suivre le long fil qui arrivait à la tente de Borodoï.

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Bien sûr, elle n’y trouva personne. Les yeux noirs de colère, la vieille demanda au lit de la jeune fille : - Lit, où est partie Borodoï ? - Cela ne te regarde pas, souffla le lit, car c’était le lit de Borodoï. La vieille se tourna alors vers la marmite : - Marmite, où est partie Borodoï ? - Là où tu ne la trouveras pas, gloussa la marmite, car c’était la marmite de Borodoï. Finalement, l’ogresse se tourna vers la branche qui avait servi à rallumer le feu : - Branche de bois, vas-tu me dire où est cette sacrée Borodoï ? La branche appartenait à l’ogresse. Aussi, elle répondit : - Elle est partie vers le soleil levant. Les oreilles de l’ogresse se dressèrent, et elle fila vers le soleil levant en faisant d’énormes enjambées pour rattraper Borodoï.

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- Ah ! Ah ! gronda-t-elle peu après, je vois cette sotte qui se traîne comme une limace. Elle est bien dodue. Hum ! Je vais me régaler. L’ogresse tendit ses longues mains griffues vers la jeune fille. Elle allait agripper ses cheveux, quand Baraboche apparut sur le sentier, son arc à la main. L’ogresse craignait les chasseurs. Hop! elle se changea en cheval aux grandes oreilles. Mais les chevaux ont de petites oreilles, tout le monde sait ça, et Baraboche se douta de quelque chose. Il pointa une flèche en direction de l’ogresse cheval. Hop ! Elle se changea alors en souris. Mais elle avait toujours ses longues oreilles, et personne n’ignore que les souris ont de toutes petites oreilles. Baraboche la visa encore, prêt à tirer sa flèche. Folle de rage, l’ogresse se dit : « Cette fois, je me transforme en lièvre, car il a aussi de longues oreilles et Baraboche ne se doutera de rien... »

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Mais elle venait d’oublier que Baraboche était chasseur avant tout et, voyant un gros lièvre sur le sentier, celui-ci tira une flèche qui transperça le ventre du lièvre-ogresse. Et voilà que tous les gens qu’elle avait dévorés sortirent de son ventre en chantant : - On étouffait là-dedans ! Merci chasseur, il était temps ! Très contents de se retrouver, le frère et la sœur rentrèrent chez eux. Par chance, le feu ne s’était pas éteint et Borodoï fit cuire dans sa marmite un délicieux civet de lièvre...

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Il existe plusieurs versions de ce conte populaire anglais qui remonte au XVIIIe siècle. La plus connue figure dans un recueil de “nursery tales”, sous le titre Jack and the beanstalk (Jack et la tige du haricot). Voyez p. 50 en quoi l’ogre berné, présent dans tous les folklores, évoque la figure paternelle...

Jack et le haricot magique

Jack vivait seul avec sa mère. Ils étaient très pauvres et n’avaient qu’une vieille vache qui ne donnait plus de lait. Un jour, Jack dit à sa mère : - Je vais aller vendre la vache au marché, sinon nous allons mourir de faim. - Si tu veux, dit sa mère. Mais, attention, tires-en au moins dix écus !

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Jack s’en va avec sa vache. En chemin, il rencontre un étrange vieil homme. - Bien le bonjour Jack, dit le vieux, où vas-tu avec cette vache ? - Je vais la vendre au marché, répond Jack, surpris que le vieil homme connaisse son nom. - Pas la peine, dit le vieux. Tiens, je te l’échange contre ce haricot. C’est un haricot magique, si tu le plantes, il poussera jusqu’au ciel. - Jusqu’au ciel ! s’écrie Jack. Le garçon a très envie de voir pousser un haricot géant dans son jardin, aussi il accepte et donne la vache au vieux. De retour chez lui, il raconte son histoire à sa mère. Mais celle-ci se met en colère et jette le haricot par la fenêtre. - Petit nigaud ! s’écrie-t-elle. Tu as vendu notre vache pour un haricot de rien du tout ! Qu’allons-nous devenir ? Nous n’avons plus ni bête ni argent maintenant...

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Et elle se met à pleurer à chaudes larmes. Honteux, Jack va se coucher le ventre vide. Mais le lendemain, à son réveil, que voit-il par la fenêtre ? Une tige de haricot gigantesque, large comme un tronc d’arbre qui monte jusqu’au ciel ! « Miracle, mon haricot magique a poussé ! », se dit Jack. Tout excité, il file dans le jardin et décide de grimper à la tige du haricot.

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Il grimpe, il grimpe, toujours plus haut... jusqu’aux nuages. Là, il se retrouve devant un beau château. Comme la porte est ouverte, le garçon entre sans hésiter. Une femme très grosse et très grande vient vers lui. - Bonjour, lui dit Jack. Je viens de loin et j’ai faim. Pourriez-vous me donner à manger ? - Pauvre petiot ! gronde la géante, tu tombes mal ! Mon mari est un ogre et c’est plutôt toi qui vas lui servir de déjeuner ! Tout à coup, des bruits de pas font trembler la maison... - D’ailleurs, le voilà, dit la géante. Vite, prends ce croûton, et cache-toi derrière le four. Jack obéit sans mot dire. Boum ! boum ! L’ogre arrive, un mouton sur le dos et un sac d’or à la main.

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- Hum ! grogne-t-il. Ça sent la chair fraîche ! Sa femme répond comme si de rien n’était : - Quelle idée ! Ce sont les dix-sept poulets que j’ai fait rôtir pour le déjeuner. Pose ton sac d’or et donne-moi ce mouton, je vais le mettre à la broche. Affamé, l’ogre mange ses dix-sept poulets et s’endort juste après.

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Quand il l’entend ronfler, Jack sort de sa cachette sur la pointe des pieds, il attrape le sac d’or et redescend à toute vitesse par la tige du haricot. Il atterrit dans son jardin et, tout guilleret, il dit à sa mère : - Tu vois, Maman, c’était vraiment un haricot magique ! Regarde ce que je t’ai rapporté. Fier de lui, il donne le sac de pièces d’or à sa mère qui le félicite et l’embrasse. Avec l’or de l’ogre, ils achètent deux belles vaches au marché et mangent à leur faim pendant toute une année. Lorsqu’il n’y a plus d’or, Jack décide de retourner au château des nuages.

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De nouveau, il grimpe à la tige du haricot géant et, de feuille en feuille, il arrive chez l’ogre. Sa femme le reçoit plutôt mal : - Petit avorton, grogne-t-elle, comment oses-tu revenir chez nous alors que tu as volé l’or de mon mari ! Jack s’apprête à répondre, mais voici que résonnent les pas de l’ogre. - Bon, cache-toi dans le four ! lui ordonne la géante. Jack obéit et laisse la porte du four entrouverte. Boum ! Boum ! Il voit l’ogre arriver portant un cochon sur le dos et une cage d’or à la main. Ses énormes narines frémissent : - Hum, ça sent la chair fraîche ! - Tu rêves, mon cher, dit l’ogresse, ce sont les trente-six saucisses de ton déjeuner qui grillent dans la cheminée. Alors l’ogre engloutit ses trente-six saucisses, pendant que sa femme fait bouillir le cochon.

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Après s’être bien régalé, l’ogre ouvre la cage d’or, en sort une belle oie et lui dit : - Ponds un œuf ! Cling ! merveille ! un œuf en or roule sur la table. Par la porte du four entrouverte, Jack, bien sûr, a tout vu. Et dès que l’ogre s’endort, le garçon sort du four à pas

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de velours, prend l’oie dans ses bras et repart par où il est venu. Sa mère, qui l’attend en bas, l’applaudit en riant. Grâce à l’oie magique, ils n’ont même plus besoin de travailler, car elle pond un œuf d’or chaque jour.

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Pourtant, au bout d’un an, Jack commence à s’ennuyer et il retourne au château des nuages. Il reprend le même chemin mais cette fois, il évite la géante et se cache derrière un gros sac de farine. Peu après, l’ogre et sa femme arrivent en reniflant : - Hum ! Hum ! Ça sent la chair fraîche chez nous ! Intriguée, la géante jette un œil derrière le four et même dans le four, car elle n’a pas oublié ce coquin de Jack. Mais comme le garçon n’y est pas, ils se mettent à table et dévorent un bœuf entier. Puis l’ogre va chercher une harpe tout en or et lui ordonne : - Joue, harpe d’or ! Aussitôt s’élève une douce berceuse et les géants se mettent à ronfler. Jack bondit, il vole la harpe d’or et se sauve à toutes jambes. Mais en sortant, il cogne la harpe contre la porte et celle-ci résonne : “dziiing ! dziiing !”

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L’ogre se réveille en sursaut et voit le garçon. Fou de rage, il se précipite vers lui à pas de géant. Vite, Jack saute sur la tige du haricot, vite, vite, il dégringole d’une feuille à l’autre, mais l’ogre se rapproche dangereusement. Il s’apprête à l’attraper quand...

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... Jack saute sur la terre ferme et prend la hache de sa mère. Vlan ! De toutes ses forces, il coupe le pied du haricot géant. L’immense tige s’effondre sur le sol écrasant l’ogre en colère ! Et tout redevient poussière... Jack ne peut plus aller au château des nuages, mais grâce à l’oie aux œufs d’or, sa mère et lui sont riches. Et quand ils s’ennuient, la musique de la harpe d’or leur tient compagnie !

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Ce conte venu d’Afrique, présente une singularité : une des ogresses – le folklore africain parle plutôt de cannibales – se distingue des autres par son humanité et protège l’héroïne au lieu de la manger. Ainsi, dans certains récits, l’ogresse sait parfois être mère au lieu d’être dévorante !

La petite fille chez les ogres

Bakabaka vivait au bord de la mer, en Afrique. Elle aimait plonger dans les vagues, ses longs cheveux dénoués. On aurait dit une sirène… Bakabaka épousa un pêcheur et, bientôt, elle mit au monde une petite fille qu’elle appela Ntombi. Quand elle partait travailler dans les champs voisins, Bakabaka confiait son enfant à la mer. - Prends soin de mon trésor, lui disait-elle. Puis elle partait, le cœur léger, laissant Ntombi jouer avec les vagues.

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Mais un jour, quel malheur pour elle ! Bakabaka ne retrouva pas Ntombi là où elle l’avait laissée. Heureusement, la petite Ntombi ne s’était pas noyée. Les flots l’avaient emportée loin, très loin et l’avaient bercée... Elle se réveilla sur une plage inconnue et appela sa mère, en vain. Elle attendit longtemps en tremblant de froid. Puis, soudain, à la lueur de la lune, elle aperçut une vieille femme. - Qui es-tu, petite ? lui demanda-t-elle d’une voix presque douce. - Je m’appelle Ntombi. Et je viens de loin… La vieille femme hocha la tête : - Méfie-toi ! Ici, nous sommes tous des ogres !

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Ntombi voulut s’enfuir, mais l’ogresse gardait sa main, serrée dans la sienne : - N’aie pas peur. Je m’appelle Salukazi. Moi, je ne te mangerai pas et je ne permettrai à personne de te faire du mal. Tu es si petite… Ntombi et Salukazi traversèrent le village des ogres. Tous les ogres et ogresses la regardaient avec envie : - Miam ! Quelle petite fille bien potelée ! Salukazi leur jeta un regard noir et gronda : - Celui qui touchera cette enfant aura à faire à moi ! Puis, tout en marmonnant, elle leva les bras au ciel : - Kivi kivi ! Voko voko ! Alors, aussitôt, une tempête extraordinaire éclata. Quand la vieille femme baissa les bras, tout redevint calme. Ntombi comprit que Salukazi était une magicienne. Les habitants la craignaient car elle savait faire venir la pluie et le vent.


Aussi, personne ne s’approcha de sa protégée. Ce qui n’empêchait pas les ogres de comploter : « Un jour, Salukazi mourra, et nous mangerons Ntombi ! » Les années passèrent et la fillette grandit. L’ogresse lui avait appris la magie. Ntombi l’aimait bien et prenait soin d’elle, car elle était maintenant une très vieille femme. Hélas, les ogres du village attendaient sa mort avec impatience. Un soir, ils commencèrent même à ramasser du bois pour faire un grand feu. - Que faites-vous ? leur demanda Ntombi. - Salukazi est malade, elle va mourir, ricana une ogresse. Nous préparons la cérémonie ! - Menteurs ! hurla Ntombi. Je sais que vous préparez ce feu pour me faire rôtir…

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Alors, entrant dans une colère terrible, elle leva les bras au ciel et marmonna  comme le faisait Salukazi : - Kivi, kivi ! Voko, voko ! Aussitôt, la tempête éclata et les ogres s’enfuirent dans leurs cases, terrorisés. Quand Ntombi revint chez Salukazi, la vieille femme lui dit : - Petite, je suis fière de toi ! Mais tu dois partir maintenant, car je vais mourir cette nuit. Tu ne peux pas rester ici. Ntombi se blottit contre elle : - Je ne te quitterai pas, souffla-t-elle. Salukazi lui tendit une corne d’antilope. Sa voix devint plus faible : - Obéis et rentre chez toi. Cette corne magique va te ramener sur la plage où tu jouais avec les vagues, quand tu étais une toute petite fille… Alors, Ntombi embrassa tendrement la vieille femme. Puis, les yeux baignés de larmes, elle courut jusqu’à la mer, se jeta dans les vagues, et se laissa porter par les flots, serrant la corne magique contre son cœur…

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Au petit matin, l’ogresse Salukazi était morte. Les ogres du village eurent beau chercher sa petite protégée, ils ne la retrouvèrent jamais. Très loin de là, Ntombi s’était échouée sur une plage. Quand elle leva les yeux, elle aperçut une belle femme aux cheveux dénoués courir vers elle. « On dirait une sirène… » pensa-t-elle. Et elle s’écria : - Maman ? Maman ! - Ntombi ! c’est toi ? lui demanda Bakabaka. Tu es revenue ! Ntombi se jeta dans ses bras et lui raconta toute son histoire. Bakabaka remercia la mer de lui avoir rendu sa fille. Le temps passa, Ntombi grandit, mais elle garda toujours la corne magique en souvenir de la vieille ogresse qui avait pris soin d’elle.

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« Quiconque est loup, agisse en loup ; c’est le plus certain de beaucoup. » Telle est la morale de cette fable intitulée Le loup devenu berger dans sa version d’origine. Ainsi, nous dit La Fontaine, il vaut mieux ne pas contrarier sa nature si l’on veut parvenir à ses fins !

Le loup et la bergère

Le loup est trop connu. Tout le monde a peur de lui. Dès qu’il apparaît, la bergère appelle son chien, qui le poursuit dans toute la montagne et lui mord les mollets...

Mais le loup, on ne le changera pas, adore croquer les brebis !

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Un jour, ce loup a une idée, il se lève tôt et suit la bergère qui s’éloigne un peu de son troupeau.

Comme tous les matins avant que les brebis ne se réveillent, elle va se baigner dans le lac. C’est une bergère très propre !

Dès qu’elle est dans l’eau, le loup lui chipe ses habits ainsi que sa jolie flûte de bois... Et il s’habille en bergère : les bas rayés, le chapeau et le foulard enroulé autour de sa grande gueule. Le loup a un plan : emmener le troupeau chez lui. Ainsi sa famille aura de quoi manger pendant au moins un an !

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Le loup se met à jouer de la flûte. Les moutons se réveillent un à un, le chien aussi... Et le loup prend la route en soufflant dans la flûte.

Elles ne se pressent pas, broutent des fleurs en chemin et attendent leurs agneaux qui gambadent derrière les papillons. Mais le loup s’impatiente...

Les brebis le suivent. Elles croient que leur petite bergère les emmène dans un pré à l’herbe tendre...

Il souffle de plus en plus fort dans sa flûte. Les moutons rient : « Hou là ! notre bergère est en forme ce matin ! »

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Affamé, le loup se croyant méconnaissable, s’écrie : « Plus vite, paresseuses ! » Mais une voix de bergère n’est pas une voix de loup ! Pas du tout !

Le loup rentre chez lui sans rien à manger mais habillé en fille ! Quelle rigolade chez la famille loup !

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Les brebis comprennent et bêlent : « Au loup, sauvons-nous ! » Le chien, en colère, lui mord les fesses et lui court après dans la montagne.

Ne trouvant pas ses habits, la bergère s’est fait un costume de feuilles et de fleurs. Et tout le monde, les brebis, le chien et même le berger du pré d’à côté, trouve ça très joli ! Eh oui !


Mille et un dessins Bravo à tous les artistes qui nous ont envoyé leur dessin de roi et de reine. Hélas, nous n’avons pas la place de tous les publier. Alors, voici nos préférés et le nom des quinze autres gagnants d’un DVD Toy Story 3 ou d’un carnet Raiponce offerts par Disney.

Léna, 5 ans 1/2. Plaine, 67

mbéry, 73 Anna, 4 ans. Cha

Louannn, 6 ans 1/2. Le Rheu, 35

Costa, 3 ans. La Ravoire, 73

Margaud, 4 ans. Pau, 64

Les 15 autres gagnants Charlotte, 5 ans 1/2 ans. La Roche/Yon, 85 - Lola, Plérin, 22 - Maëlle, 6 ans 1/2. Strasbourg, 67 - Candice, 6 ans 1/2. Évry, 91 - Pauline, 5 ans. Montrouge, 92 - Jeanne, 5 ans. Échirolles, 38 - Marie, 5 ans. St-Marcellin-les-Vaison, 84 - Jules, 5 ans 1/2. Houplin-Ancoisne, 59 - Léa, 7 ans. Les Arcs/Argens, 83 Romaric & Lilian, 5 ans. Pertuis, 84 - Esteban, 6 ans. Sarrians, 84 - Ophélie, 5 ans. Berry-Bouy, 18 - Éléa, 6 ans 1/2. Nancy, 54 - Jean-François, 6 ans. St-Pierre-du-Mont, 40 - Ludmilla, Palaiseau, 91.


U

L‘ogre

n brave ogre des bois, natif de Moscovie, Était fort amoureux d’une fée, et l’envie Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut ; L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue, Se présente au palais de la fée, et salue, Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrousky. La fée avait un fils, on ne sait pas de qui. Elle était ce jour-là, sortie, et quant au mioche, Bel enfant blond nourri de crème et de brioche, Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso, Il était sous la porte et jouait au cerceau.

Ce savoureux poème de Victor Hugo (18021885), leçon de morale au premier abord, joue sur le ridicule de la figure de l’ogre amoureux. Il est extrait de Bon conseil aux amants (Toute la lyre, 1888). À l’époque, l’expression « croquer le marmot » était utilisée par les peintres en visite, qui trompaient leur ennui en faisant le portrait des enfants jouant dans l’antichambre. Hugo a pris l’expression au pied de la lettre pour nous faire sourire...

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et la fée On laissa l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre. Comment passer le temps quand il neige en décembre Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ? L’ogre se mit alors à croquer le marmot. C’est très simple. Pourtant c’est aller un peu vite, Même lorsqu’on est ogre et qu’on est moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain. Le bâillement d’un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d’enfant ; On s’informe. La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme : As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ? Le bon ogre naïf lui dit : Je l’ai mangé. Or c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Jugez ce que devint l’ogre devant la mère Furieuse qu’il eût soupé de son dauphin. Que l’exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ; Adorez votre belle, et soyez plein d’astuce ; N’allez pas lui manger, comme cet ogre russe, Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien... Victor Hugo


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Une grotte à croquer !

Cet après-midi, Loulou et ses amis jouent au croquet dans la forêt. Poc ! Jean Édouard donne un petit coup de maillet qui envoie sa boule juste devant l’arceau.

« C’est mon tour ! » s’écrie Rocco. Il vise et tire si fort qu’il fait décoller la boule de Jean Édouard…

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… qui part la chercher en bougonnant derrière le gros rocher où elle a atterri.


De là, il appelle ses amis. « Hé, venez, j’ai trouvé l’entrée d’une grotte ! »

« C’est peut-être la caverne d’Ali Baba ? » s’amuse Rocco. « On va voir ? » propose Loulou.

Loulou attrape une lampe torche dans sa musette et les amis pénètrent dans la grotte.

« Aïe ! ma tête ! » grogne Jean Édouard. « C’est une stalactite », dit Loulou.

Le sol est glissant et ils avancent à tâtons entre les parois sombres et humides...

« Ouille ! mon pied ! » râle encore Jean Édouard en trébuchant. « Ça, c’est une stalagmite », dit Loulou.

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Les amis arrivent soudain dans une immense salle. Le plafond est recouvert de stalactites pointues comme des flèches, et des cristaux de toutes les formes brillent sur les parois.

« Oh ! on dirait des petites étoiles ! » s’étonne Loulou.

« Et ici, c’est comme du corail… » dit Jean Édouard.

Puis les amis poursuivent leur exploration dans un autre tunnel de la grotte.

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Gudule s’exclame : « Là, ça ressemble à des fleurs ! »

« Regardez ! s’écrie Rocco. Quelqu’un a creusé un escalier ici ! »


Loulou la pousse et ils débouchent… derrière la cheminée du salon de Mémé Souris !

Les amis grimpent à la queue leu leu et se retrouvent face à une porte en pierre.

« Saperlipopette ! s’écrie Mémé Souris, vous avez découvert mon passage secret ! »

Puis elle ajoute : « J’ai fait des cookies, ça vous dit ? » Alors cric ! croc ! les amis croquent à belles dents dans les biscuits. Et leur jeu de croquet ? Ils iront le chercher plus tard, bien sûr... !

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Retrouve toute la famille Perlimpinpin cachée dans l’image !

Mamie Sorcière

a famille Perlimpinpin chez les ogres

Papy Fantôme

L


Dragounet

B é b é D ia b o l o

P r i n ce s s e M i m i

Ti’lutin

Maman Fée

Papa Ogre


Que de couleurs ! Regarde cette belle sculpture sur la page de droite… Ses formes sont rondes, douces et multicolores. Observe ces détails et retrouve-les sur Nana Soleil. Lequel est l’intrus ?

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8 9 7

Solution : C’est le n °7.

Niki de Saint-Phalle (19302002), peintre et sculpteur française liée aux Nouveaux Réalistes, commença à peindre en 1952. Elle se rendit célèbre en 1961 en réalisant des séances de tir à la carabine sur des poches de couleurs qui coulaient sur des assemblages de plâtre. Vint ensuite la période plus joyeuse des Nanas, colorées, en papier mâché et polyester. Elles évoquent une femme moderne aux rondeurs voluptueuses et signent l’implication de l’artiste dans le mouvement féministe des années 60.


Nana Soleil, Niki de Saint-Phalle. 2000

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P

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Ogres, croquemitaines et compagnie

Comme nous le rappelle L’ogre et la fée, l’amusante fable de Victor Hugo que vous pouvez lire page 34, les ogres sont tout simplement incapables de résister au désir de croquer un bambin appétissant. « On ne peut aller contre sa nature, c’est plus fort que moi ! », semble clamer l’affreux jojo pour sa défense... Depuis la nuit des temps, les « mangeurs d’enfants » peuplent notre imaginaire et témoignent de nos peurs ancestrales de dévoration, de rapt ou d’abandon. Les petits raffolent de ces histoires de goinfres ou de goulues maléfiques – comme celle de Jack et le haricot magique, dont la fin est heureusement réconfortante. En effet, l’ogre bestial est souvent berné par le « petit » héros qui s’empare de ses trésors ou de sa « botte » secrète. Sans doute, nos jeunes lecteurs conjurent-ils ainsi leur peur d’être dévorés – fût-ce de baisers ! Tournez la page et découvrez l’album de famille de ces fascinants croqueurs d’hommes... Valérie Chevereau L’ogre attrapant le Petit Poucet. Illustration de Ludwig Richter (édition allemande, 1853).

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I

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Cyclope, troll, croquemitaine, boogey man… les noms de l’ogre varient selon les époques et les pays. Son appétit, lui, est toujours le même : dévorant. 46

l fut un temps où les enfants n’étaient pas encore la proie privilégiée des dévoreurs de chair fraîche. À travers les âges et les contrées, les peuples de l’univers ont raconté en tremblant des légendes mettant en scène des monstres cannibales. Déjà, dans la mythologie grecque, le Titan Cronos avale ses propres enfants pour être sûr de maintenir sa toute-puissance et n’avoir pas de postérité, jusqu’à ce que son fils, Zeus, caché par sa mère, lui échappe et le détrône. Quant aux Cyclopes, géants pourvus d’un œil unique, ils dévorent les malheureux humains qui s’aventurent à proximité de leur antre. Dans la mythologie chilienne, le Cherufe, gigantesque créature de lave vivant dans les volcans, se nourrit, lui, exclusivement de jeunes filles. Tandis qu’en Afrique, un mythe raconte qu’à l’origine des temps, un monstre nommé le Kholomodumo mangea toute l’espèce humaine, à l’exception d’une vieille femme. Heureusement, la rescapée donna naissance à des jumeaux qui tuèrent le monstre, et tous les êtres humains furent dégurgités…

L’ogre mangeur d’hommes Avec le temps, ces divers géants cannibales ont fusionné pour former le personnage de l’ogre, qu’on retrouve dans les récits populaires du monde entier. Au Moyen Âge, les hommes des campagnes, croyants ou non, craignent d’en rencontrer un au détour d’un chemin sombre, à la recherche de son repas… exactement de la même façon qu’ils redoutent les tours des lutins, ou les mauvais sorts des sorcières. Qu’on les nomme « ogre » (en Europe du Sud), « troll » (dans


les pays scandinaves), « Oni » (au Japon) ou « Tartaro » (au Pays basque), les mangeurs d’hommes répondent tous au même signalement. Ils sont riches. Ils possèdent souvent des objets magiques, comme les bottes de sept lieues de l’ogre du Petit Poucet. Ils ont forme humaine, mais tout est exagéré chez eux : ils sont plus grands, plus forts, plus poilus… et plus laids ! Leur flair pour détecter la “chair fraîche” les rappro­che de l’animal dont ils possèdent le comportement bestial. Mais, en dignes héritiers des Cyclopes, leur vue est parfois défaillante, comme dans le conte d’Hansel et Gretel où l’ogresse confond un os de poulet avec le doigt de l’enfant qu’elle engraisse. Mais surtout, à la différence de l’homme civilisé, l’ogre est incapable de dominer ses

Page de gauche, un effrayant Cyclope oriental dévoreur d’humains (illustration de 1912 pour Les Mille et une nuits). Ci-contre, l’ogre, sur le point de se laisser berner par le chat botté, dessin de Paul Hey (début XXe).

instincts et de voir plus loin que le bout de son nez ! Ainsi, c’est souvent sa bêtise et son incapacité à raisonner qui le perdent. Dans le conte de Perrault, le chat botté n’a qu’à faire mine de douter des pouvoirs magiques de l’ogre pour le persuader de se transformer en souris : il ne reste plus alors au rusé félin qu’à croquer le monstre pour s’approprier son château et ses richesses.

Le croquemitaine ou l’ogre épouvantail Le Croquemitaine. Image publiée dans Le Journal illustré le 9 octobre 1864, avec la chanson du Croquemitaine.

C’est quand les adultes ont cessé de croire aux ogres qu’est née leur version enfantine : le croquemitaine. Les parents puisent dans les anciennes superstitions pour “inhiber” leurs enfants et les empêcher de faire des bêtises ou de s’aventurer seuls dans des lieux dangereux. Au début du XIXe siècle, à Paris et dans les Côtes d’Armor, on les menace à la moindre occasion : « Si tu n’es

La chanson du croquemitaine Malgré la poussière ou la crotte Passe avec une grande hotte Et son croc en fil de laiton ! Croquemitaine, Croquemiton. Il a de longues dents pointues Ses mains de poils sont revêtues Et son grand nez est en carton ! Croquemitaine, Croquemiton. Il flaire au vent, sur son passage

Et quand un enfant n’est pas sage Il emporte cet avorton ! Croquemitaine, Croquemiton. 47


Dans les contes, les ogres possèdent souvent des objets magiques. Ici, le Petit Poucet de Perrault vole à l’ogre ses bottes de sept lieues pour s’approprier ses pouvoirs... (gravure de Gustave Doré, 1868).

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pas sage, je dis à Croquemitaine de venir ! » Et les marmots tremblent à l’idée de voir surgir ce grand bonhomme à la longue barbe, avec ses bottes qui lui montent jusqu’aux cuisses, pour mieux y enfouir les enfants méchants, et d’où il les tire pour les manger. Le nom même du Croquemitaine ne laisse aucun doute sur ses intentions : car « mitaine », en l’occurrence, ne désigne par les gants portés par nos grands-mères, mais vient du hollandais metjien qui signifie « petite fille ».

Avec le temps, « croquemitaine » deviendra un terme générique. Mais jusqu’à la fin du XIXe, chaque région a son épouvantail local. En Sardaigne, il fait presque partie de la famille puisque c’est le Zio Orcu (Oncle Ogre) qui enlève les enfants méchants et les dévore une fois que sa femme, la Zia Orca, les a bien engraissés. Dans la région de Metz, on invoque le Graouilli, dont le nom évoque à la fois la chair de l’enfant grassouillet et les gargouillis du ventre affamé de l’ogre. Souvent, le nom


du croquemitaine local est son principal attribut et le prononcer suffit à terroriser les petits. Ainsi, nul ne sait à quoi ressemble le Babou, ogre méridional « qui mange les enfants en salade », ou le Boogey man, son cousin anglo-saxon. Mais ils sont d’autant plus effrayants que leur nom contient le son « bouh ! ». Et en l’absence de description, chacun peut associer à ce cri épouvantable, le monstre de ses cauchemars... Proches cousins du croquemitaine, les « hommes au sac » ne s’attaquent qu’aux enfants désobéissants. Comme leur nom l’indique, la plupart les fourrent dans un sac avant de les emporter on ne sait où. Mais pas tous. Par exemple, le Bugul-noz breton, lui, utilise son énorme chapeau rond, dans lequel il enfourne les bambins

qui se sont attardés sur les chemins au crépuscule. Contrairement aux ogres, les « hommes au sac » ne mangent pas leur victime, mais la peur ancestrale résiste : pour preuve, dans les pays scandinaves, le héros de ce genre d’histoires s’appelle toujours Smörball, autrement dit “petite motte de beurre”… Finalement, ces “épouvantails” sont peut-être encore plus terrifiants que les ogres ; car si l’ogre des contes vit au fond des bois, le croquemitaine, lui, n’est jamais bien loin. Comme le chantent les boogey men du film de Tim Burton, L’Étrange Noël de Mr Jack (1993) : « Moi, je me cache sous votre lit le soir, mes yeux, mes dents, brillent dans le noir. Moi, je me cache sous votre escalier, doigts de serpent et cheveux d’araignée. Moi, je me glisse comme une ombre noire, et je transforme vos rêves en cauchemars… » Brrr ! ■ Lauranne Quentric

Rübezahl, l’ogre allemand, est toujours représenté comme un géant roux armé d’un gourdin (dessin de Paul Hey, XXe siècle).  En bas, à gauche, un des multiples visages de l’effrayant Croquemitaine (fin XIXe).

La complainte de Lustukru Quel est donc dedans la plaine ce grand bruit qui parvient jusqu’à nous ? On dirait un bruit de chaîne, que l’on traîne sur les cailloux… C’est le grand Lustukru qui passe, c’est le grand Lustukru Qui mangera tous les petits gars qui ne dorment guère, Tous les petits gars qui ne dorment pas ! (chanson populaire) 49


UNE HISTOIRE QUI FAIT DU BIEN

Jack et le haricot magique

Ce célèbre conte anglais qui ravit les petits avec cette tige qui pousse, qui pousse, nous parle aussi de la fin de l’enfance... L’avis de Dominique Naeger, psychologue. Dès le début de l’histoire, Jack désobéit à sa mère en acceptant ce haricot magique, pourquoi ? Oui, c’est lui qui va faire évoluer leur situation au moment où le bon lait nourricier se tarit. On peut imaginer que la privation de ce lait de vache, ou lait maternel, évoque le moment où Jack et sa mère doivent se détacher l’un de l’autre et renoncer à leur trop grande proximité. Ce qui apparaît là est l’illustration du temps où les enfants doivent délaisser le giron maternel afin de s’ouvrir aux rencontres et aux réalités du monde extérieur. Les différentes rencontres qu’il va faire vont donc l’aider à grandir ? Exactement. L’homme que Jack croise sur sa route représente une première figure paternelle, le père étant absent du récit. C’est lui qui va l’initier et accompagner, par le troc du haricot, son désir d’indépendance. L’autre image du père est l’ogre, qui est une métaphore de la puissance, de la force et de la richesse dont Jack veut se parer. C’est dans la confrontation avec cette facette du père que Jack va découvrir ses aptitudes essentielles à sa construction intime et à son

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devenir d’homme. Il comprend aussi que la puissance sociale (symbolisée par les pièces et les œufs d’or) assure, certes, l’accès à une qualité de vie meilleure mais que cela ne suffit pas. Il faudra encore à Jack la harpe d’or, symbole de l’expression artistique, c’est-à-dire l’accès à une création personnelle, singulière et humaine. Après avoir assouvi son désir d’autonomie, c’est l’affirmation de soi et de ses compétences qui est à découvrir. Et ce haricot fantastique qui est au cœur de l’histoire, a-t-il une signification particulière ? La graine magique donne une tige géante qui assure les allers-retours entre deux univers qui sont le monde de l’enfance et le monde de l’expérience. Cette tige est un défi pour le héros : elle parle de la croissance du corps, des hardiesses, du désir d’accomplir des choses de « grand ». Jack s’engage sur une route qui n’est pas sans aspérités ni sans retours en arrière, il n’est pas forcément prêt à affronter l’ogre et a parfois besoin de soutien, comme celui de l’ogresse ou de la mère pour rebondir.

Jack et ses merveilleux voyages, sur le chemin de l’autonomie... (Chromolithographie, 1880).

D’ailleurs, à la fin du conte, Jack retourne vivre avec sa mère... Oui, il retrouve sa mère, mais entre-temps, il a appris l’autonomie. Et il lui en a fallu de l’obstination pour s’opposer aux figures parentales et parcourir toutes ces étapes ! Ces contraintes ont représenté la condition pour accéder à son indépendance. Au terme de l’histoire, en coupant à la hache, la tige du haricot magique, notre héros symbolise la fin de la petite enfance et l’apprentissage de l’autonomie : c’est un des thèmes principaux de ce conte d’une grande richesse. ■ Propos recueillis par Valérie Chevereau


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Abonnez-vous sur www.fleuruspresse.com Rédaction (tél. 01 56 79 36 61) Directeur de la rédaction : Pascal Teulade Rédactrice en chef : Valérie Chevereau Première rédactrice graphique : Julie Haffner Assistante : Valérie Gauchet Ont participé à ce numéro : Adaptation des histoires : « L’ogresse aux longues oreilles » , Geneviève Noël « Jack et le haricot magique », V. Chevereau « La petite fille chez les ogres  », K.-M. Amiot « Le loup et la bergère », Pascal Teulade « Une histoire qui fait du bien » : Dominique Naeger « Pour vous parents », Lauranne Quentric Révision : Catherine Petrini Iconographie : Nathalie Lasserre Illustrations : Couverture et « Jack et le haricot magique », Philippe-Henri Turin «  L’ogresse aux longues oreilles », Chiaki Miyamoto « La petite fille chez les ogres », Amandine Wanaert « Le loup et la bergère », Fabienne Teyssèdre Poésie : Élise Mansot « Les aventures de Loulou », scénario : Laurence Gay - dessins : Christel Desmoinaux La famille Perlimpinpin, Appoline Harel Crédits photos : p.42-43 : Galerie LC, Paris © ADAGP,

Paris 2011 - p. 45 : © AKG Paris - p. 46 : © Leemage p. 47 : DR/©AKG Paris - Coll. Kharbine-Tapabor - p. 48 : G. Doré, © AKG Paris - p. 49 : DR/© AKG - Coll. Kharbine Tapabor - p.50 : © Kharbine-Tapabor Mille et une histoires est un mensuel édité par Fleurus Presse, SARL au capital de 49 783  €. Actionnaire : Héros et Patrimoine. 34 rue du sentier 75002 Paris www.fleuruspresse.com - Directeur de la publication : Jean-Martial Lefranc - Comité de direction : J.-M. Lefranc, P. Teulade, P. Notarianni. Responsable administrationGestion : P. Notarianni. Dir. commerciale : N. Rollin. Dir. Adjointe pôle petite enfance : V. Boulze. Dir. marketing et diffusion : F. Nodé-Langlois : 01 56 79 36 13 - f.nodelanglois@fleuruspresse.com - Service des ventes  (Réservé au dépositaires et aux marchands de journaux): Destination Media 01 56 82 12 06 - 66 rue des Cévennes 75015 Paris - Kiosques et promotion : L. Anglard, 01 56 79 36 78 - Fabrication : Créatoprint 06 71 72 43 16 - Images numériques : G. Lot. Conditionnement : BRC, ZI du Bois de l’épine, 10 av. du Front Populaire, 91130 Ris Orangis - Publicité : Cauris Média 18 rue Troyon. 75017 Paris, Dir. commercial : V. Leluc, 01 43 27 23 07, vleluc@cauris-media.com - Dir. de clientèle : A. d’Hardemare, 01 40 55 97 74, adhardemare@cauris-media.com - Impression : Artegrafiche Boccia, via Tiberio Claudio Felice, 7. 84131 Salerno Italie - Commission paritaire n°1014 K 79002. Loi n° 49-956 du 16.7.49 sur les publications destinées à la jeunesse. Dépôt à date de parution. Tous droits de reproduction réservés sauf autorisation écrite préalable. © Mille et une histoires. Les coordonnées de nos abonnés sont communiquées à nos services et aux organismes liés contractuellement à Mille et une histoires, sauf opposition écrite. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès et de rectification dans le cadre légal. Ce numéro comporte : un encart d’abonnement Mille et une Histoires broché sur la partie kiosques France. Un encart des éditions Atlas jeté sur la 4e de couverture des kiosques et abonnés.

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