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lifestyle strasbourg

LES BAINS MUNICIPAUX plongée avec alain fontanel

LE PRÉO tu fais quoi pour tes 10 ans ?

michelin mauvaises nouvelles pour l'alsace

m a g a z i n e

strasbourg

Anne-Sophie

magazinemix.fr

#233 février 2019

Tschiegg



édito

Je suis profondément Alsacien. Ici, nous ne sommes pas frivoles en amitié ! Abd Al Malik

quel remède à cette société clivante ? « Je suis la preuve vivante que la culture peut changer les êtres. Que te dire de plus : je ne prétends pas que mes chansons vont transformer la société, mais ma démarche est sincère et j’ai la certitude de contribuer à améliorer l’humanité », nous lance Abd Al Malik à la sortie des Débats Généreux (samedi 26 janvier) auquel l’auteur de l’ambitieux Scarifications, album rap electroïde produit par Laurent Garnier, vient de participer. Des gars du Neuhof, peu habitués à fréquenter le TNS où a lieu la rencontre, l’interpellent, questionnent ce “grand frère” ne se lassant pas de raconter son histoire, celle d’un jeune homme d’un quartier dit sensible, qui aurait pu mal tourner parmi les lascars, mais qui a été « sauvé » par la musique et la littérature, Grandmaster Flash et Camus auquel il rend hommage via livres et spectacles. Il cite son amie Juliette Gréco : « La France se meurt à ne pas écouter les gens. Remettons l’empathie au centre de nos préoccupations. » Le rappeur du Neuhof, « révolutionnaire pacifiste bataillant pour l’accès à 16 rue Teutsch - 67000 Strasbourg - magazinemix.fr &

la culture par tous », fait alors part de sa principale frousse : « Le danger de l’ivresse insurrectionnelle et la remise en cause de la démocratie. » Grand reporter pour Télérama, mag’ organisateur du débat, Emmanuel Tellier acquiesce et nous confie déplorer l’actuelle « défaite de la main tendue et la victoire de la main dans la gueule ! » Aujourd’hui, à Strasbourg, cité très bien dotée en musées, théâtres, concerts ou librairies, et partout ailleurs dans l’hexagone, ces lieux sont peu fréquentés par la France qui a la dalle… mais aussi, note Tellier, « par les élites et les CSP+ », qui, depuis une trentaine d’années, « se sont totalement désintéressés de la culture ». Nous avons jeté un œil sur le questionnaire / QCM en ligne d’Emmanuel Macron, fameux Grand Débat National : pas un mot sur le sujet !

# Emmanuel Dosda facebook.com/mgzmix

mix.strasbourg

Directeur de la publication julien.schick@bkn.fr | Service commercial +33 (0)3 90 22 93 36 | Contact France linda.m@bkn.fr | Contact Allemagne sarah.krein@bkn.fr Contact rédaction emmanuel.dosda@bkn.fr | Développement web Cécile Bourret | Graphisme anais.guillon@bkn.fr, alicia.roussel@bkn.fr | Éditeur BKN ÉDITEUR Sarl au capital de 100 000 € RCS : 402 074 678 | +33 (0)3 90 22 93 30 — bkn.fr | Photo de couverture Anne-Sophie Tschiegg © Laura Sifi | Imprimé chez Ott Imprimeurs à Wasselonne | Dépôt légal Janvier 2019

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brèves

ANIMALS

RÉSISTER !

LIBERTY

La librairie indépendante spécialisée dans la BD Le Tigre (36 quai des Bateliers, Strasbourg) accueille Loïc Godart autour de son album, Les Bêtes sauvages (Ankama), variation futuriste dans laquelle une horde d’animaux envahit une ville… Beaux échanges et chouettes dédicaces en perspective (16/02, dès 15h). # H.L.

La jeune manifestation Strasbourg art photography (0130/03) fête sa troisième édition avec un parcours dans tout Strasbourg (notamment au Mandala, rue du Faubourg de Saverne, épicentre de l’événement), des conférences, une expo des élèves de l’école de design MJM ou, pour la première fois, un Concours de la jeune photographie ouvert aux 8-18 ans. Le thème ? Aucun ! # E.D.

À l’occasion de la Journée de la Mémoire, l’Institut culturel italien de Strasbourg a invité le journaliste et écrivain Alberto Toscano (12/02, 18h30), auteur d’Un vélo contre la barbarie nazie (Armand Colin) narrant l’incroyable destinée du champion cycliste Gino Bartali. Au nom de ses idéaux et de sa foi catholique, il a pu sauver de la déportation et de la mort plusieurs centaines de Juifs. # R.Z.

librairie-letigre.fr

strasbourg-artphotography.fr

iicstrasburgo.esteri.it

GAIETÉ médaille doré 4—

Je ne sais pas comment on dit Cocorico en Alsacien, mais Strasbourg vient une nouvelle fois de “s’illustrer” avec brio dans l’univers de la BD. Le festival d’Angoulême a en effet récompensé les Éditions 2024 pour Les Travaux d’Hercule de Gustave Doré, artiste dont les éditions strasbourgeoises ne cessent d’exhumer l’œuvre graphique. # E.D.

La Compagnie Voix de l’Ourse présente L’Hymne à la Joie ?! (24/02, Diapason de Vendenheim), chorégraphie burlesque réunissant danse, chant, marionnettes, cirque, mime et clowns avec ce fil rouge : « Comment atteindre la vraie joie ? » # S.M.K.

bdangouleme.com – editions2024.com

vendenheim.fr

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brèves

MOIS CRÉATIF

Début février, les Ateliers de la Seigneurie (Andlau) ouvrent à nouveau leurs portes : ils commencent par un week-end festif (02 & 03/02) avec spectacles et ateliers pour toute la famille. Pendant les vacances d’hiver, de nombreux ateliers sont proposés : mosaïques (13/02), création de vitraux (15/02), travail du cuir (20/02) et origami (22/02) sont au programme. # S.M.K.

De quoi sont nourris vos morceaux qui ont parfois la semblance de visions ou de rêves ? « Il n’y a pas de préalable méthodique, mais une forme incantatoire dans ma pratique créative. Ce qui importe est la représentation d’une image. Je parts d’une rêverie et d’une émotion… mais qui n’est pas sans rapport au monde dans lequel je vis. » Le chanteur et doux rêveur Bertrand Belin est en concert à La Laiterie (Strasbourg), vendredi 01/03. # E.D.

lesateliersdelaseigneurie.eu

artefact.org

© Bastien Burger

I HAVE A DREAM

PARKING ARTY

Avec la livraison du “nouveau” parking Centre historique Petite France, PARCUS inaugure une nouvelle génération de parkings, plus respectueux de l’environnement, plus confortables, à l’esthétique forte et innovante grâce à l’intervention contemporaine et graphique du designer Ruedi Baur. # S.Q.

Matskat jump © Milo Lee Photography

parcus.com

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MON CÔTÉ PUNK

QUE LE SPECTACLE COMMENCE !

Arrêtez de rechigner et direction le bar Le Grincheux pour une expo / vente (01-28/02) de Lidwine Lavergne, illustratrice, affichiste, animatrice (pour le Festival européen du film fantastique…), auteure de comics et membre de L’Atelier du Bain aux Plantes. Vernissage 07/02 (19h) avec le concert du vrai / faux punk Diego Pallavas. # E.D.

Pour sa première édition Région en Scène (26 & 27/02, Relais Culturel de Haguenau), accueille du beau monde, dans trois catégories : musique (avec des concerts gratuits de Matskat, Ork et Thomas Schoeffler Jr), théâtre (Cortège(s) par la Compagnie La Lunette Théâtre et Fracasse, spectacle de la Compagnie des Ô) cirque avec Popcorn (Compagnie Les Objets Volants). # S.Q.

lidwine-lavergne.format.com

relais-culturel-haguenau.com

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© Benoît Linder (Ich bin e beesi Frau)

brèves

LE POUVOIR DU DIALECTE Pour sa troisième édition, le festival Langues en scènes accueille les créations théâtrales en dialecte de trois compagnies. # Pierre Reichert Poussiéreuses et poussives, les pièces de théâtre en langue régionale ? Un simple cliché au vu de ces créations contemporaines soutenues par la région Grand Est qui souhaite prendre part à la préservation et au renouveau de différents idiomes : dialectes alémaniques et franciques d’Alsace et de Moselle, mais aussi parlers ardennais, champenois, lorrain, vosgien, wallon, welche ou yiddish. Suite à des résidences d’écriture, trois pièces sont montrées en V.O. surtitrée. La compagnie Calamity Jane présente Räuch ohne Fiir ? (Fumée sans feu ?), un texte grave de Gilbert Huttler dans lequel un éducateur est soupçonné de plusieurs abus sexuels sur des mineurs en difficulté dont il a la charge, tandis que la compagnie Welttheater s’empare d’un siècle d’histoire de l’Alsace revisitée par Daniel Heitz dans E Garte uf’em Donon (Un jardin au Donon). Enfin, Pierre Kretz livre Ich bin e beesi Frau (Je suis une méchante femme) monté par le bien nommé Théâtre de la Cruelle : la tragique destinée d’une fille de la campagne alsacienne au mitan du XXe siècle qui, après avoir été violée, tombe enceinte, épousant son agresseur pour “sauver l’honneur”. Tanzmatten (Sélestat), à l’Espace Rohan (Saverne), au Triangle (Huningue), à l’Espace Rhénan (Kembs) et au Forum (Saint-Louis) Jusqu’au 09/02 grandest.fr 233 l

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Fayssal Benbahmed popularisé par Choucroute Merguez

HISTOIRE D’Ô

© Paola Guigou

Pour souffler ses dix premières bougies, le PréO d’Oberhausbergen convie Nicolas Turon et Fayssal Benbahmed de la Compagnie des Ô à une Visite à peu près guidée. Mission impro’ssible ? # Emmanuel Dosda

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CULTURE

© Clément Martin

© Nicolas Turon

Nicolas Turon trublion de la Compagnie des Ô

Les autres temps forts des dix ans

dien, connu par les amateur des Revues Scoutes et grâce au beau succès de Choucroute Merguez (2013-2017, en duo avec Sabrina Rauch), show humoristique relevé à la sauce raifort / harissa. Durant la visite théâtralisée en grande partie improvisée du PréO, Fayssal revêtira son costume de Mahfouda – personnage inspiré par sa propre mère –, maman de Toufik dans la pièce comico-culinaire. « Il suffit que j’endosse son costume pour que les choses sortent toutes seules », se réjouit le comédien. « C’est un cadeau du ciel », lance les bras levés au plafond celui qui affirme mieux maîtriser l’alsacien que le kabyle. Durant trois jours de résidence, les compères vont s’immerger en cette ancienne ferme devenue bâtiment culturel municipal puis tenter de « s’accrocher au réel et à l’imaginaire » pour construire un canevas à un spectacle déambulatoire et fendard. Au terme de ce « voyage dans l’environnement », le public repartira avec des souvenirs plein la tête, « comme aux Journées du patrimoine ».

 Goûter d’anniversaire (et expo photo organisée par La Chambre), 25/05 (15h) Sur réservation / Inscription gratuite le-preo.fr compagniedeso.com lepointdeau.com

Fracasse est présenté le 13/03 (15h) au Point d’Eau (Ostwald)

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Fracasse © Simon Bonne

« Il n’y a pas d’adultes, mais des enfants qui abandonnent. Il faut grandir, mais ne jamais vieillir ! » Tel est le message de Fracasse *, précédent spectacle de Nicolas Turon, comédien, dramaturge, auteur et metteur en scène de la Compagnie des Ô, basée en Moselle. Au PréO, la saison dernière, Nicolas partageait la scène avec Fayssal Benbahmed (et Laura Zauner) : l’équipe a immédiatement souhaité poursuivre cette aventure fracassante, conviant le duo à fêter théâtralement son anniversaire. Marion Hofmann, directrice, se souvient d’« une très touchante pièce sur le monde de l’enfance », libre adaptation de l’œuvre de Théophile Gautier par des artistes caméléons qui, en fonction des créations, trouvent la forme la plus juste afin que chaque représentation soit différente. Un vœu pieu ? Ceux qui ont eu la (mal)chance d’assister au chaotiquement drôle Sherlock Holmes, son dernier coup d’archet, où les “spectacteurs” sont tendrement malmenés, savent qu’avec les gars d’Ô, c’est pas du gâteau : tous les coups sont permis. Pour les 10 ans, le tandem organise une visite guidée d’un type nouveau, partout au PréO, même backstage ou dans les bureaux administratifs. Nicolas jouera un « urbaniste, architecte d’intérieur et spécialiste des poses de première pierre », selon Fayssal qui incarnera une femme de ménage semblant être en ces lieux depuis toujours… Mieux, « c’est un peu comme si les murs avaient été construits autour d’elle », s’amuse le comé-

 Apéro / quizz culturel, 22/05 (19h) Sur réservation / Inscription gratuite (infos@le-preo.fr ou au 03 88 56 90 39)

23/02 (14h & 19h, dès 8 ans) Le PréO (Oberhausbergen) le-preo.fr

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BELLE & REBELLE * Coup de cœur

Crush* de St-Valentin Lady Mistigris, jolie boutique de la rue Sainte-Madeleine, nous réserve de belles surprises, toujours aussi sexy, et nous propose des idées câlines de cadeaux… Cette échoppe, beau boudoir dédié à la lingerie rétro et doucement fifties, présente l’espiègle collection de Charlotte Catanzaro, nommée Impudique. Disponible pour la Saint –Valentin ! # E.D. ladymistigris.wordpress.com

Love coupelle ® Lalique

QUELLE BONNE BAGUE !

VERRE L’AMOUR

« Car on est toutes bonnes, des pieds à la tête, en passant par les doigts », Annie Sibert et Amandine de l’Atelier Maison Magique ont créé la bague Bonne en argent, « faite main et avec amour à Strasbourg », pour celles qui assument leur bonnitude ! En vente à la boutique des créateurs Le Générateur. # E.D.

L’exposition Un amour de Lalique – L’art de la séduction (01/02-10/03) au Musée Lalique de Wingen-sur-Moder explore le travail du verrier René Lalique à travers le prisme de l’amour : sa boucle de ceinture Pavot par exemple, fut un cadeau à son amante et future épouse Alice Ledru dont le profil a également inspiré sa création. # S.M.K.

generateur-strasbourg.fr

musee-lalique.com

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LOVE IS IN THE AIR Lunettes noires, bousons en cuir étriqués, jeans élimés, belles gueules de bad boys. Guitares abrasives, batterie métronomique, synthé hypnotique, chœurs éthérés. Quelque par entre Velvet and the Mary Chain et The Jesus Underground, les sombres Américains de Crocodiles reviennent, dix ans après leurs débuts, avec un nouvel album – Love Is Here – qui sortira prochainement sur le label strasbourgeois Deaf Rock (éditeur de Blind Suns ou… d’Amoure) ! En concert le 12/02 à La Laiterie. # E.D. deafrock.fr – artefact.org

COURRIER DU CŒUR

Chatouillez-moi (6 rue de l’Épine) est le repaire des amoureux des chats et du style nippon. Dans cette boutique, on trouve des bijoux originaux faits main pour sa dulcinée mais également des objets directement importés du Japon comme des peluches à offrir, de la papeterie pour écrire (des lettres d’amour) ou encore de la céramique pour un déjeuner romantique en tête-à-tête. # S.M.K. chatouillez-moi.com

GLAMOUR, TOUJOURS Luna Moka nous invite à découvrir, lors de son atelier d’effeuillage burlesque, tous les trucs et astuces nous permettant de maîtriser « les codes de notre féminité ». Qu’importent l’âge, le physique, le niveau de forme ou le bagage artistique, cet atelier découverte est accessible à toutes les femmes. Stage d‘initiation dimanche 31/03 à La Clandestine (14h-15h30) : inscrivez-vous ! # E.D. lunamokaschool.com

DÉSHABILLEZ MOI Dans le cadre de la manifestation Strasbourg Mon Amour le Burlesque Festival (14-17/02, L’Espace K), concocté par l’effeuilleuse Champagne Mademoiselle, rassemble des artistes du monde entier pour nous mettre des paillettes plein la vue avec des spectacles glamourissimes. Au programme : shows de pin-ups, et circassiens décalés, danses poétiques, “salon des curiosités”, Bal des débutant(e)s ou encore cours de relooking… # E.D. strasbourgburlesquefestival.com 233 l

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reportage

TEENAGE FANTASY Nous avons poussé le portail du Lycée Kléber afin d’assister à une représentation de Fake1, pièce écrite spécifiquement pour les ados par Claudine Galea2, artiste associée au TNS. Très bel accueil pour un troublant spectacle ancré dans l’époque contemporaine. # Emmanuel Dosda Devant l’entrée principale de Kléber, une foule de jeunes se presse pour pénétrer dans l’enceinte de l’établissement, souvent les yeux rivés sur leur portable. Une classe de seconde générale et une autre de première STMG venue de Pasteur se massent devant l’amphithéâtre dans un sympathique brouhaha. Cheveux décolorés, looks hyper-étudiés ou sportswear cool, ça tchatche dans une ambiance un peu dissipée jusqu’au moment où le spectacle conçu par Rémy Barché (promo 37 de l’école du TNS) commence. On se croirait au ciné, le metteur en scène ayant choisi de présenter deux chambres d’adolescentes côte à côte, « à la manière d’un split-screen ». Sur le plateau (de fortune), deux lits (surmontés d’écrans) où un duo de filles se prélasse, un ordi posé sur la couette. Des inscriptions s’affichent : « Pour toi for You prête à tout » ou « My love My love My love ». LAM (comme L’AMoureuse, jouée par Thalia Otmanetelba, promo 42) est total in love d’un Anglais rencontré sur les réseaux sociaux. Beau gosse (d’après les photos qu’il poste sur sa page), membre d’un groupe de rock, Erik (avec un K, comme fake) est l’objet de tous les fantasmes de 12 —

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la jeune femme. On comprendra que l’éphèbe musicien est un avatar créé par MA (comme Meilleure Amie, interprétée par Hélène Morelli, promo 43) qui veut renouer avec sa copine de toujours qu’elle perd peu à peu, l’une s’intéressant aux garçons, aux histoires de « cœurs qui se font et se défont », l’autre préférant la musique, la littérature… et l’écriture. « Tu es puissante quand tu écris. Tu n’es jamais seule quand tu écris. Tu peux tout faire quand tu écris », se dit MA, consciente de son pouvoir, planquée derrière son clavier. Bien sûr, LAM découvrira la supercherie de son amie, dans les pleurs et les cris. Claudine Galea, romancière et auteure pour le théâtre, a conçu un récit d’adolescence, âge « du vertige et de la brûlure ». Selon l’écrivaine, l’amour – « l’Art de rendre l’autre fou » – passe par le corps, mais aussi par le langage. La manipulation fait partie d’un jeu amoureux… parfois périlleux. Fin de la représentation. Les comédiennes saluent l’assistance tandis que certains sèchent leurs larmes. Chacun retrouve ses esprits : la conversation avec les spectateurs commence et les remarques fusent. « MA est jalouse d’elle-même, du personnage qu’elle

a inventé. Elle est prisonnière de son propre piège », remarque une élève. Claudine Galea acquiesce : « Dans l’amour, on se met en danger… On est à la fois bourreau et victime. » Les langues se délient, la discussion s’anime… Les élèves semblent prêts pour les ateliers à venir durant lesquels ils travailleront avec des comédiens intervenants3 afin de monter une petite forme à présenter à leurs camarades. Le temps de transmettre leur expérience du théâtre. 1 Pièce écrite et montée dans le cadre du programme Éducation & Proximité, Fake a été jouée fin 2018 à Reims (en partenariat avec La Comédie de Reims) et à Paris (avec La Colline). À Strasbourg, les Lycées concernés sont Oberlin, Marie Curie, Pasteur et Kléber

Claudine Galea vient de sortir Les Choses comme elles sont, ouvrage édité par les collections Verticales - gallimard.fr

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3 Les élèves vont travailler durant six séances de quatre heures à partir de Fake, “matière première” à leurs réflexions, en compagnie de Catherine Tartarin, Jean-Philippe Meyer et d’Achille Gwem

tns.fr


reportage

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La ville en mouvement brèves

Grand bassin

LE GRAND BAIN Les Bains municipaux, où Roland Ries et bien d’autres jeunes strasbourgeois firent leurs premières brasses, vont être restaurés et réhabilités. Plongée dans le projet avant les travaux qui démarrent en octobre. # Emmanuel Dosda

« C’est ici que votre serviteur a appris à nager », se souvient le Maire de Strasbourg avec émoi. « Il s’agit d’un bain de secteur devenu piscine eurométropolitaine, voilà pourquoi il nous semblait essentiel que la maîtrise d’ouvrage soit entièrement publique ! » se réjouit Roland Ries, d’autant plus que cet établissement classé de la Neustadt, construit par Fritz Beblo en 1908, est un ouvrage remarquable à forte valeur patrimoniale. « Un bâtiment dans un état de conservation d’une grande qualité », explique François Chatillon, architecte en chef des Monuments historiques. Construit en béton armé, son style néo-ré14 —

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gional flirte avec les références à l’antiquité romaine ou encore à l’Art nouveau, grâce à des vitraux et autres ornements. Le défi est « de révéler l’architecture de Beblo tout en l’adaptant aux réglementations actuelles. » Selon François Chatillon, « la programmation est outrageusement ambitieuse dans sa modestie : il n’a pas été question d’une extension, encore moins d’aller à l’encontre de l’entité du bâtiment. » Des interventions très discrètes ont été faites sur le grand et le petit bassin (avec le choix du carrelage), tout comme sur les bains romains, complétés par un spa avec jacuzzi ou une grotte de sel. À peine pourrons-nous remarquer la

Petit bassin


la ville en mouvement

Tisanerie

Espace polyvalent Diurne

© Luxigon pour la SPL2Rives

cloison vitrée placée sur le balcon, permettant d’affirmer « une modernité contrôlée ». Le nouveau plan permet de faire rimer fluide balade et douce baignade : les deux bassins seront reliés l’un à l’autre. Aussi, un bain en plein air prendra place sur l’ancien parking à l’arrière de la bâtisse du boulevard de la Victoire. Accessible toute l’année, il sera la pierre angulaire d’un jardin de fraîcheur avec douches et brumisateurs. Cet espace extérieur permettra d’accueillir des activités diverses : ciné, concerts symphoniques ou expos outdoors. Les travaux sont confiés à Eiffage Construction Alsace sous la houlette de la SPL les Deux Rives, tandis que l’exploitation sera assurée par la société Equalia, spécialisée dans la gestion de ce type d’équipements. L’équipe garde à l’esprit « le rôle social » de cet îlot urbain, en préservant le service de douches publiques ou en se réappropriant l’ancienne chaufferie métamorphosée en salle de sport. Aussi, un espace municipal d’aide médicale de 1500 m2 et regroupant plus d’une quinzaine de salariés : médecins, nutritionnistes ou éducateurs sportifs épauleront les Strasbourgeois pour un solide bilan d’activité physique et les accompagneront dans leurs démarches de remise en forme. François Chatillon insiste sur la « retenue architecturale » d’un projet de 7500 m2, l’art de « faire moins pour faire plus » et Alain Fontanel, premier adjoint au Maire, vante la « préservation de l’âme de ce joyau de la Ville nouvelle » qui, fin 2021, sera « rendu aux citoyens ».

Bassin balnéo 233 l

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home idéal

LUMINOTHÉRAPHIE « La monomaniaquerie, c’est fini », promet la plasticienne Anne-Sophie Tschiegg qui vit dans un appart baigné de lumière et inondé de bibelots en tous genres. Visite d’un intérieur où des lithos de Bram Van Velde côtoient des souris en plastoc et des masques animaliers. # Emmanuel Dosda, photos de Laura Sifi pour Mix Le très élégant Andy nous accueille. Notre hôte au poil immaculé a la particularité d’avoir les yeux vairons, comme Bowie… qui incarne Warhol dans le film Basquiat de Julian Schnabel. Le félin câlin frotte son museau sur nos jambes et nous conduit dans les pièces de son empire, lumineux appartement situé dans un immeuble de cachet près de l’Église Saint-Maurice, entre parc d’attractions pour chats (avec maisonnettes en carton et joujoux en tissu), atelier de peintre et écrin pour lire et dormir. « C’est mon terrier, ma yourte ! Je suis très sensible à l’énergie des lieux. J’ai besoin de bien m’y sentir car je bosse et vis ici », insiste AnneSophie Tschiegg. Il y a quatre ans, l’artiste a frôlé la mort de très près suite à une maladie. Elle a quitté son logement de la rue de Barr, près du MAMCS, pour s’installer ici : « Je faisais 35 kilos et je devais difficilement me hisser jusqu’au quatrième étage… mais cet appartement m’a sauvée, grâce à la lumière et à la vue imprenable sur le ciel », miraculeusement bleu le jour de notre visite. Anne-Sophie, dessine pour les petits (ses illustrations pour le livre jeunesse Elle pas princesse, lui pas héros, écrit par Magali Mougel1) ou les grands (les dessins plus que coquins du bouquin Assez flirté, baisser culotte ! réalisés sur iPad2) peint des portraits ou, surtout, de très colorés paysages « qui me permettent de partir sans savoir vers quoi je vais. La peinture dicte sa loi et les choses prennent forme par elles-mêmes. » Dans tout le fatras accumulé, nous remarquons une collection de masques de l’Opéra du Rhin et de globes terrestres poussiéreux, une sédimentation de bouquins

allant du plancher au plafond ou des caisses débordant de papiers, tubes, crayons et pinceaux. Anne-Sophie jure de, bientôt, faire le tri dans tout ce souk bien ordonné et d’aller s’installer pour de bon à Mulhouse où elle a son atelier depuis peu, à Motoco, dans une bâtisse de la friche DMC. Dans la capitale haut-rhinoise, elle loge en une cabane, sa « datcha » planquée au fond d’un jardin tim-burtonien et sauvage. La végétation habite ses toiles, hante son esprit et prolifère dans sa chambre où un philodendron issu du Jardin botanique se déploie, aidé par tuteurs et ficelles tendues. « Je le vois le matin à mon réveil, et j’observe sa croissance. Chaque nouvelle feuille me fait l’effet d’une naissance. » Pas sûr qu’elle abandonne ce gros bébé vert semblant avoir pris racine ici… 1 2

Édité par Actes Sud Édité par Chic Médias (Collection desseins)

Expositions : Jusqu’au 02/03, Galerie Albert Baumgarten (Fribourg) galerie-baumgarten.de 21-24/02, art KARLSRUHE, stand de la Galerie Albert Baumgarten art-karlsruhe.de astschiegg.blogspot.com 233 l

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home idéal

UN PULL “VISAGE”

« J’ai rencontré Nathalie Munch, la femme qui a tricoté ce pull-over, grâce à la personne qui vend de la laine sur un marché mulhousien, dans sa camionnette. J’ai dessiné le motif, fait le choix des coloris et donné la “grille” à cette dame qui y a passé des heures ! Vu le temps et l’investissement, ça sera dur de trouver acheteur à ce vêtement qui coûte très cher à réaliser… quoique Lorca Cohen, fille de Leonard, ou la “travelote” Dragoness Lola von Flame m’ont contacté à ce sujet ! »

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UN NUANCIER PERSONNALISÉ UN BLOUSON CUSTOMISÉ

« Je sors peu, préférant trainer en treillis toute la journée chez moi. Pourtant, j’adore les fringues que je transforme : broderies sur un pull, peinture au dos d’un blouson ou boots dorées à la bombe… »

« Ma copine architecte Pascale Richter a eu l’idée de ce nuancier qu’on m’a offert le 5 octobre 2015. Réalisé collectivement, il rassemble des couleurs inventées par tous mes proches : il y a le jaune Superslip ou encore le rose Baise-moi-mamignonne. »


shopping

TOUS LES GOÛTS SONT DANS LA KRUTENAU ! Case Métisse, voilà un lieu qui porte très bien son nom… Adèle et Bernard Darsch y proposent une multitude d’objets du monde entier, atypiques et ethniques. # Julia Vesque Afrique, Inde, Asie, Europe… Aucun continent n’est oublié : Adèle n’a de cesse de chercher de nouveaux objets ou des saveurs inédites pour nous émerveiller grâce aux cultures du monde. En cette caverne d’Ali Baba se côtoient tissus de grande qualité, soies, boîtes chinoises, bols japonais ou alsaciens, coussins, écharpes, étoles, gants, bijoux en métaux ou pierres précieuses, et – touche de Bernard – d’exceptionnelles et intrigantes pièces d’art africain. Il y a tant à voir qu’on ne sait où donner de la tête… Impossible de percer tous les mystères de cette boutique ne proposant que des pièces uniques, parfois sur-mesure : il suffit de passer commande à Adèle.

et vegan, respectueux de l’environnement et des traditions. C’est tout naturellement qu’ils ont sélectionné une toute nouvelle gourmandise : le chocolat ivoirien d’Axel Emmanuel. Cet ex-banquier travaille avec une coopérative de femmes qui transforment les fèves de cacao de Yamoussoukro, certifiées commerce équitable. Il a d’ailleurs formé plus de 500 personnes avec qui il travaille, en milieu rural, afin de leur offrir une perspective d’emploi d’avenir durable. Les sportifs retrouveront également avec plaisir des barres énergisantes 100% naturelles, à base notamment de dattes ainsi que toute une gamme de douceurs plus surprenantes les unes que les autres.

Le lieu propose également plus d’une centaine de variétés de thés bio, des confitures artisanales, des miels locaux et un exceptionnel chocolat. Il tient à cœur au tandem de proposer des produits bios

Case Métisse, 46 rue de la Krutenau (Strasbourg) 233 l

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de l'autre côté du rhin

Emil Nolde, Fleurs jaunes, rouges et violettes (Fleurs d'été), vers 1930 Roman Norbert Ketterer, Campione, Collection privée, Süddeutschland Galerie Schwarzer, Düsseldorf

TOUT L’ART DU MONDE art KARLSRUHE : on y va pour acheter, mais aussi découvrir des œuvres rares, comme celles exposées par la collectionneur Peter C. Ruppert, mis à l’honneur cette année. # Emmanuel Dosda

VISITE À MYCÈNES

Rassemblant plus de 400 pièces archéologiques, une passionnante exposition du Badisches Landesmuseum entraîne le visiteur dans l’Antiquité grecque de Mycènes. # Hervé Lévy

Cologne, Bâle, Karlsruhe… Les amateurs d’art actuel ont de quoi étancher leur soif de création nouvelle, sous toutes leurs formes plastiques : huiles sur toile, reproductions originales ou sculptures monumentales. Rassemblant plus de 200 de galeries du monde, art KARLSRUHE s’adresse à tous, notamment en proposant un hall réservé au médium photographique et aux estampes, généralement à des prix plus abordables. Pour découvrir les succès de demain, rendez-vous au Hall 4 qui exposera, sous l’intitulé ContemporaryArt 21, une sélection d’œuvres de jeunes plasticiens. Rajoutons que l’événement fait un focus sur la collection privée de Peter C. Ruppert, amateur berlinois vouant une passion sans limites à l’Art concret et constructif dont les représentants les plus illustres sont Josef Albers (ayant ouvert la voie à l’Op art) ou Max Bill.

En entrant dans cette pharaonique exposition, le visiteur est immédiatement dans l’ambiance. Accueilli par une reproduction à l’échelle de la monumentale Porte des Lionnes, il est transporté au cœur du Péloponnèse, à Mycènes, cité fouillée par Heinrich Schliemann dans les années 1870. Dans les salles qui suivent, nous est proposée la découverte des contours de la première haute culture du continent européen qui s’est épanouie à l’Âge du Bronze, connaissant son apogée entre 1600 et 1200 avant Jésus-Christ. Associée aux héros homériques comme Agamemnon et à la Guerre de Troie, la civilisation mycénienne était une culture guerrière et palatiale dont témoignent des fragments de fresques représentant des lions du palais de Pylos et des morceaux du sol de celui de Tirynthe. L’exposition fait le point sur les connaissances actuelles sur ces Achéens qui connurent un déclin rapide dont la cause est sans doute à trouver dans une combinaison de facteurs naturels (un changement climatique), sociaux (des révolutions successives) et politiques (l’invasion des fameux “peuples de la mer”). Reste que la sombre splendeur de la cité où grandirent les Atrides rayonna des siècles durant…

Messe (Karlsruhe) 21-24/02

Badisches Landesmuseum (Karlsruhe) Jusqu’au 02/06

art-karlsruhe.de

landesmuseum.de

BIG DATA

Le ZKM de Karlsruhe accueille le second volet d’Open Codes (jusqu’au 07/04, entrée libre), exposition interactive permettant de réfléchir sur un monde. 40 œuvres explorent un univers généré non par les mots, les choses ou les images, mais par des données. Réflexions sur la reconnaissance faciale et l’humanité à l’ère digitale et autres expérimentations font de cet événement une habile interrogation sur l’intelligence artificielle ou le transhumanisme. # H.L.

© ARTIS - Uli Deck 20 —

Idole féminine sur un trône, XIV e siècle av. J.-C., Spaliareika, Musée archéologique de Patras © Hellenic Ministry of Culture and Sports / Badisches Landesmuseum, Photo: Gaul

zkm.de  l 233


patrimoine

Cabinet des Estampes, Musées de Strasbourg. Photo M. Bertola

LA RÉVOLUTION GUTENBERG Pour célébrer le 550e anniversaire de la disparition du père de l’imprimerie le 3 février 1468, l’Année Gutenberg a multiplié les rendez-vous depuis février dernier. Elle s’achève par un feu d’artifice à Strasbourg (02/02) : visites guidées sur les traces du célèbre inventeur de l’imprimerie dans le cœur historique de la ville, découverte des incunables de la Bibliothèque nationale universitaire, ateliers, etc. L’apothéose sera un grand concert conférence (20h) en l’Église Saint-Thomas. # P.R. espace-gutenberg.fr

LA CRYPTE RESTAURÉE

AU CŒUR DU GYMNASE Ancien rédacteur en chef de Strasbourg Magazine, Louis Nore vient de publier La Belle jeunesse du Gymnase Jean Sturm (1538-2018), ouvrage dédié à une institution de la ville. # Hervé Lévy À sa fondation, il se nommait Schola Argentoratensis, fidèle aux préceptes de son fondateur, l’humaniste protestant Jean Sturm dont la devise était Sapiens atque eloquens piétas. Pour les élèves, il s’agissait ainsi de maîtriser le latin, langue internationale à l’époque, et le grec qui permet d’accéder aux subtilités des sciences, mais aussi de dompter la rhétorique et la dialectique. Le tout étant nimbé d’un idéal religieux proche de la Réforme. Dans cet ouvrage concis et précis, l’auteur décrit les évolutions de cette “Haute école de Strasbourg” qui a su très rapidement attirer des étudiants venus de toute l’Europe. Si une grande part est laissée à la période de fondation du Gymnase, en 1538 (avec de riches encadrés sur des personnages comme Wolfgang Capiton ou Beatus Rhenanus), les siècles s’égrènent ensuite, des troubles révolutionnaires à la période actuelle. Un précieux glossaire donne en outre la liste des élèves et professeurs illustres d’hier et d’aujourd’hui. Paru chez Bastian éditions (18 €) biographe.fr

Située sous la chapelle du Collège épiscopal Saint-Étienne, la crypte accueille désormais un auditorium et un musée consacré à l’histoire du site. Y sont rassemblés des vestiges romains découverts durant les fouilles de 1960, au moment de la reconstruction de la chapelle, des objets liturgiques, des documents d’archives, des œuvres mais également des vidéos retraçant l’histoire de l’abbaye et du Collège. # P.R. cse-strasbourg.com 233 l

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EXPOSITIONS

LES INFILTRÉS Cette exposition constitue une plongée dans les années 1970 -1980, un retour Dans le rétro (15/02-16/03, Galerie La Pierre Large). Avec ses noirs et blancs, Jean-Louis Hess, éminent photographe strasbourgeois, donne son point de vue sur une époque marquée notamment par les luttes sociales et la libération sexuelle. # A.L.N galerielapierrelarge.eu

musees.strasbourg.eu

ATOMIQUE

La Chambre se penche sur les dangers du nucléaire avec Fluffy Clouds et Bure (11/01) de Jürgen Nefzger. L’artiste franco-allemand présente ainsi deux séries de photographies, la première confrontant panoramas naturels et infrastructures de centrales, la seconde exposant le campement des militants anti-nucléaire dans le bois Lejuc à Bure. # A.L.N

Bure ou la vie dans les bois, 2017

SEVENTIES

Avec On s’infiltre (19/01-24/02) le Musée Historique de Strasbourg invite les étudiants en section Impression de plusieurs écoles d‘Art du Grand Est, dont la HEAR, à disséminer leurs œuvres au sein des collections de l’institution. Un défi relevé avec brio. # A.L.N

la-chambre.org Kiev, 16 février 2012 © Guillaume Herbaut

THE LIMITS OF CONTROL DE LA GUERRE Stimultania accueille les photographies signées Guillaume Herbaut de la série Ukraine, de Maïdan à la guerre (18/01–31/03). Des images saisissantes du front d’un combat mené à moins de 1 500 kilomètres de chez nous, qui nous montrent selon les mots de l’auteur, « ceux qui font la guerre et ceux qui la subissent ». # A.L.N stimultania.org

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L’Estampe propose sa seconde exposition dédiée au plasticien Pierre Muckensturm qui met en scène ses œuvres, peintures, gravures et sculptures, questionnant le rappor t entretenu « entre une forme et son contenant et entre une surface et ses limites ». # A.L.N estampe.fr



CINÉMA

© Benoît Linder pour Mix

RÊVOLUTION Dans son premier film Tout ce qu’il me reste de la Révolution, la réalisatrice Judith Davis – qui y tient aussi le premier rôle – questionne l’engagement politique avec tendresse et humour. # Hervé Lévy

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La scène d’ouverture donne le ton : Angèle, jeune urbaniste se fait licencier sans ménagement par des patrons de gauche, anciens “révoltés” de Mai 68 et parfaits rouages du système libéral en 2018. Dans le premier film de Judith Davis, il est question de la place des mots dans l’espace politique, de la cruauté du monde du travail avec « la précarisation de nombreux intellos surdiplômés ou les mécanismes de servitude volontaire dans l’entreprise ». Sous ses allures de feel good movie, le film soulève des problématiques essentielles. C’est du reste avant un débat avec un professeur de Science Po’, organisé par le Star Saint-Exupéry, que nous rencontrons une réalisatrice qui dénonce le danger « des films politiques lénifiants. J’ai choisi le détour par l’humour, mais sans ironie facile, ni cynisme. Le fait de rire de nous et de nos travers avec autodérision permet de parler des choses fondamentales. Aujourd’hui, le spectateur fuit les donneurs de leçons. De toute manière, je préfère susciter le questionnement que de donner des réponses. Elles convaincraient uniquement ceux qui le sont déjà. »

qui a fait le choix d’être joyeux, montrant que l’engagement n’est pas forcément sévère », ou encore Simon (Simon Bakhouche), père soixante-huitard demeuré fidèle à ses idéaux, en total décalage avec le monde. Mention spéciale à Diane – mère présentée comme absente mais qu’on découvre bien différente de ce qu’on croit – incarnée par une icône des eighties, Mireille Perrier (Boy Meets Girl de Leos Carax ou Elle a passé tant d’heures sous les sunlights de Philippe Garrel). Au final, voilà une belle bande d’acteurs – le film est le prolongement d’une pièce créée par le collectif L’Avantage du doute fondé par Judith Davis – se mettant au service de dialogues qui font mouche, interrogeant avec brio la notion d’engagement puisque le film pourrait être résumé par une seule phrase de son auteure : « Comment vivre avec ses convictions et ses idéaux dans le monde d’aujourd’hui ? »

Le spectateur s’attache à ses personnages traités avec grande tendresse, le plus souvent flottants dans la société : Angèle (Judith Davis), total lost in translation, Saïd (Malik Zidi), « un être solaire

cinema-star.com – ugc.fr

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Aux cinémas Star et à l’UGC Ciné-cité (Strasbourg) à partir du 06/02


cinéma

Dernier film de François Ozon, Grâce à Dieu (sortie 20/02) s’intéresse à un problème d’actualité aigu : la pédophilie dans l’Église. Adulte inséré dans la société, marié et père de quatre enfants, Alexandre (Melvil Poupaud) découvre que le prêtre qui a abusé de lui alors qu’il était scout officie toujours auprès… d’enfants. Il se lance alors dans un combat pour la vérité, une libération de la parole qui ne laissera personne indemne. # R.Z.

© Mars Films

La voix des victimes

AU CŒUR DE L’ENFANCE Aux cinémas Star est organisée la deuxième édition du festival Enfance et Nature (04-07/02) qui croise cette année les essentielles thématiques du développement durable et de l’éducation. Au menu, quatre films suivis de débats dont l’excellent Même qu’on naît imbattables ! de Marion Cuerq et Elsa Moley (07/02, 20h15, Star Saint-Éxupéry) qui se plonge sur le modèle suédois initié en 1979, pionnier de l’abolition des violences éducatives aspirant à un monde apaisé. À la rencontre de la première génération passée par ce système. # H.L. cinema-star.com

Voici venu le temps de la troisième édition des Étoiles du documentaire à Strasbourg (07-09/02), festival organisé par le Cinéma Odyssée (entrée libre pour tous les films). Au menu des pépites comme Swagger, voyage dans la tête d’ados qui grandissent au cœur des cités les plus défavorisées, Retour à Forbach – le retour d’un réalisateur dans la cité de son enfance, trente ans après – ou encore See you in Chechnya, un bouleversant voyage en Tchétchénie, film intime et personnel sur la guerre. # H.L. cinemaodyssee.com

© Faro / Kidam / Mathematic / Carnibird

QUOI DE NEUF DOC ?

© Daniel Angeli / Bestimage / Warner Bros.

voyage, voyage

Spécialiste de la comédie française très (très, très) grand public Fabien Onteniente – la saga Camping – livre All Inclusive (sortie le 13/02) avec son pote Franck Dubosc. Voilà l’histoire de Bruno qui s’envole seul (because sa fiancée l’a planté) pour une semaine dans un club de vacances aux Caraïbes. On peut voir ce film au premier degré – avec une cascade de gags qui font souvent rire aux éclats, malgré soi – mais aussi au deuxième voire troisième, quatrième, etc. ­– et décortiquer une variation d’essence houellebecquienne sur le tourisme de masse. # P.R 233 l

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gastronomie

VINS SUR VINS

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

Le salon des Vignerons Indépendants est the place to be pour dénicher de jolis flacons produits avec amour et déguster de dives bouteilles. Let’s go ! # Raphaël Zimmermann

ION INVITAT 2 R U PO 3 voir p.2

Respect du terroir, travail de la vigne, récolte du raisin… les Vignerons indépendants nous convient à la 26e édition de leur salon de Strasbourg. Tous les meilleurs crus répondent à l’appel(lation) pour un salon qui réunit des vignerons qui ont euxmêmes élaborés leur vin et qui le défendent avec passion. Il ne s’agit pas seulement d’acheter de bonnes bouteilles et de se réapprovisionner en millésimes rares, mais aussi de déguster (voir, sentir et goûter… avec modération) et d’échanger avec des

passionnés. On y retrouvera notamment les vins à la forte personnalité de Florian et Mathilde Beck-Hartweg (Dambach-la-Ville). Leur secret ? Le respect le plus absolu de la nature pour l’expression la plus précise du terroir et des bouteilles texturées en diable, pleines de mâche. Au menu, des rieslings d’anthologie, minéraux et tendus à souhait ou des pinots noirs élégants. Seront également présents, les domaines Armand Gilg (Mittelbergheim) – célèbre pour un génial sylvaner Grand Cru Zotzenberg – et

Charles Baur (Eguisheim), produisant un excellent crémant offrant un bouquet complexe où l’on retrouve des notes de fruits blancs, de fleurs et de melon. Bon, il y a en a beaucoup d’autres à découvrir… et pas uniquement des Alsaciens. Le plus simple est d’y aller ! 22-25/02 Parc des Expositions (Strasbourg) vigneron-independant.com

Célèbre dans l’aire germanique avec ses émissions de télévision, ses livres et de multiples récompenses, Natalie Lumpp est une des sommelières qui comptent sur le continent. En association avec Stéphan et Sophie Bernhard du Jardin de France elle a monté une “école du vin” : plusieurs sessions thématiques se déroulant à La Société (Baden-Baden), les samedis 9 février (les régions viticoles allemandes), 23 mars (un voyage en Europe) et 25 mai (Afrique du Sud, Chili, Argentine, etc.). # H.L. la-societe.club 26 —

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© Klaus Hennig-Damasko

TOUT SUR LE VIN


brèves

Portrait de Marc Haeberlin par Stéphane Louis

DE QUOI MICHELIN EST-IL LE NOM ? Un coup de tonnerre avec la perte d’une Étoile pour la mythique Auberge de l’Ill et des rétrogradations surprenantes, quelques oublis pour une pincée de promotions. En Alsace, l’édition 2019 du Guide Michelin, c’est un peu Bad news from the stars. # Hervé Lévy « Je me battrai toujours pour conserver mes trois Étoiles. Elles ont été reçues par mon père et mon oncle en 1967. Cela demeure le Graal, comme un Oscar pour un acteur. Du sang rouge Michelin coule dans nos veines, même si je sais que tout est remis en question à chaque nouvelle édition. Personne n’est intouchable » : ces phrases de Marc Haeberlin – dans un entretien qu’il m’avait accordé l’an passé – résonnent curieusement alors qu’on a appris que le restaurant d’Illhaeusern sortait du cercle très fermé des trois Macarons. Comme si Gwendal Poullennec, nouveau directeur du petit livre rouge voulait marquer son territoire, puisqu’avec le chef alsacien deux autres mythes tombent, Marc Veyrat et Pascal Barbot. On peut se poser la question des raisons profondes de cette rétrogradation : le Guide souhaiterait-il faire un coup médiatique pour relancer ses ventes ? Reste qu’Alsace rime avec soupe à la grimace,

cette année. Jadis terre d’excellence, la région n’a plus un seul trois Étoiles, puisque ni la Villa Lalique (Wingen-sur-Moder) – qui intègre Les Grandes Tables du Monde* –, ni La Table d’Olivier Nasti (Kaysersberg), ni La Fourchette des Ducs (Obernai) n’ont été promus, trois adresses qui auraient légitimement pu y prétendre, mais les voies du Bibendum sont impénétrables… d’autant plus que des établissement qui méritaient clairement leur première Étoile ne l’ont pas obtenu. Suivez mon regard et faites un tour à La Casserole (Strasbourg), adresse d’excellence qui vaut bien mieux que certains établissements couronnés. Au niveau des bonnes nouvelles, peu de choses à se mettre sous la dent : on est heureux que La Carambole (Schiltigheim) ait été primée, même si Frédéric Lefèvre, qui était resté dix ans au piano, a quitté les cuisines en septembre, remplacé par le pro-

metteur Francis Scordel. Voilà qui pose, au passage, la question du modus operandi du Michelin… Ne boudons pas non plus notre plaisir de voir étoilés L’Orchidée (Altkirch), un lieu qu’on va s’empresser de découvrir, et Les Funambules (Strasbourg). Dans un décor épuré et contemporain se déploie une cuisine sur le fil du rasoir entre tradition et modernité : lors de notre passage – il y a un certain temps, avouons-le – nous avions pu apprécier des plats ouverts sur le monde comme d’accortes dim sum de homard bleu du Cotentin servis dans un bouillon mousseux de fenouil et un parfait ris de veau français doré meunière accompagné de jeunes carottes et navets confits au thé fumé. Association regroupant 181 restaurants d’excellence dans 25 pays – lesgrandestablesdumonde.com

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Musique

SOUS LE SOLEIL DES NÉGRESSES VERTES Depuis 2018, Les Négresses Vertes sont sur la route pour fêter les 30 piges de leur premier album, l’inusable Mlah (Zobi la mouche, Voilà l’été…). Entretien avec Stéfane Mellino, chanteur d’une famille nombreuse voguant entre influences balkaniques et sons méditerranéens. # Emmanuel Dosda

Ça signifie que votre public est le même qu’il y a trois décennies ? Il y a des fans de la première heure, mais aussi leurs enfants ! Nous bénéficions d’un excellent bouche à oreille et beaucoup viennent pour découvrir un groupe qui a marqué l’histoire du rock français. La scène et les interminables tournées ont épuisé les Négresses ? 28 —

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Sans aucun doute. Nous désirions changer de rythme, à 40 ans passés, et fonder une famille. Les concerts sont fatigants, mais on ne va pas à la mine, même si un phénomène d’usure s’opère. La scène électronique (Massive Attack…) vous a rendu hommage en 1993 en remixant vos titres. L’electro fait partie de votre univers ? Dès Zobi la mouche, morceau remixé par William Orbit qui a eu une immense carrière (Orbit a produit Madonna ou Britney Spears, NDLR), nous étions open, prêts à confronter notre style acoustique à des éléments électroniques. Ces rencontres nous ont nourri : aujourd’hui, notre version live de Face à la mer ressemble plus à la relecture de Massive Attack qu’au morceau original : une sorte de flamenco-dub. Notre musique n’est pas figée ! Dans 200 ans d’hypocrisie (1992), vous chantiez « La révolution mon fils, si t’as quelque chose entre les cuisses, c’est un devoir, non pas un sacrifice. » C’est d’actualité… « Après deux siècles de sursis, la saloperie refait surface. La Royauté n’est plus ici, mais la bourgeoisie la remplace… » Oui, c’est parfois malheureux, mais nos textes auraient pu être écrits aujourd’hui. 200 ans d’hypocrisie, composée pour la compilation Sang neuf en 89 (1989) prend une résonance particulière et nous l’avons d’ailleurs réintroduit au répertoire. Parfois, les choses ne changent pas, elles empirent… La danse des Négresses Vertes dit : « Du colorant dans les éprouvettes pour des enfants à tête de fête génétiquement aquarelle.» C’était

Photos de Luc Manago

Nous nous sommes vus il y a vingt ans exactement, en 1999 pour Trabendo, disque produit par Howie B (avec de merveilleux titres comme Hasta llegar). Cet album semblait annoncer un nouveau départ pour les Négresses… qui ont pourtant disparu peu après. Au terme de la tournée Trabendo, nous avons sorti Acoustic Clubbing (version dépouillée de 14 de leurs tubes, NDLR), puis avons décidé de faire une pause car nous avions des envies d’ailleurs, d’autant plus que notre manager venait de décéder et que le groupe s’est délité. Mais nous sommes restés actifs sur la scène musicale : j’ai monté Mellino en duo avec Iza avec laquelle nous avons fait trois albums et 600 concerts ! Chacun vaquait à ses occupations, jusqu’au 30 ans de Mlah qui offrait l’opportunité de célébrer ce disque fondateur… et de saluer la mémoire d’Helno (membre des Négresses, mort en 1993 suite à une overdose, NDLR). Notre retour ne s’est pas fait par les médias, mais la scène. Nous en sommes à 87 dates et pas une seule télé ! Nous jouons pour notre public : il nous a toujours soutenu.

un manifeste antiraciste qu’on peut encore chanter en 2019… Les Négresses ont-elles fait des bébés, noirs, verts, jaunes ou rouges ? Certains groupes, comme Tryo, Les Ogres de Barback ou La Rue Ketanou se réclament des Négresses Vertes, mais ils sont davantage chanson alors que nous sommes plutôt rock ! J’ai du mal à voir une filiation directe. Peut-être que notre vision métissée de la musique a suscité des vocations… 08/02 Ed&N (Sausheim) eden-sausheim.com 09/02 La MAC (Bischwiller) mac-bischwiller.fr


Réédition de Mlah (1988) en vinyle pour son trentième anniversaire, ainsi que Famille Nombreuse (1991), Zig Zague (1995) et Trabendo (1999)

Coffret C’est pas la mer à boire (1987-1993) : 3 CD + DVD + livre de 120 pages because.tv

because.tv

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des bons et des mauvais p o ints , des médailles et des cart o ns r o uges !

La fréquentation des salles de cinéma en chute libre. C’est malheureux, mais les spectateurs n’étaient pas forcément au rendez-vous l’an passé, malgré la qualité de cette année ciné et des succès comme Le Grand bain. Les cinés strasbourgeois ont connu une baisse de fréquentation de 6,5% de leur ensemble… Les Stars parviennent cependant à sauver les meubles, de justesse, en maintenant un fragile équilibre. Ouf ! Notons que le Star Saint-Ex et le Vox ont prévu des travaux de rénovation. À suivre…

Rencontre au Club de la presse avec Pascale Richter, animée par Emmanuel Dosda du magazine Mix, jeudi 07/02 (12h15). Réservation obligatoire : info@club-presse-strasbourg.com  l 233

© Benoît Linder

Anne-Sophie Kehr et Georges Heintz

STOP ! Nous n’en pouvons plus des images de violence – issues des deux camps, manifestants remontés à bloc ou policiers zélés – qui inondent nos écrans. Immense malaise : deux jeunes strasbourgeois ont été gravement blessés par balles de défense policière le 12 janvier. Les ados ne faisaient que passer par là… par hasard. Insupportable !

L’architecture strasbourgeoise au top ! Les Docks, entrepôt industriel transformé par Anne-Sophie Kehr et Georges Heintz en paquebot surmonté d’une ossature métallique a été récompensé par le Prix AMO 2018. Aussi, le minéral Centre de soins psychiatriques de Metz Queuleu réalisé par l’agence Richter Architectes & associés a récemment été couronné par la prestigieuse Équerre d’argent 2018. Bravo, nous sommes archi contents pour eux !

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© StudioCanal

Les travaux de démolition de la brasserie Fischer à l’entrée de Schiltigheim sont en train de s‘achever : le cinéma MK2 va enfin pouvoir commencer à sortir de terre, dès cet été.

© Alexis Delon / Preview Richter Architectes & associés

Auteur des magnifiques films Ni le ciel ni la terre ou Braguino et habitué du Palais de Tokyo, le plasticien Clément Cogitore, lauréat du Prix Marcel Duchamp 2018, se présente comme un « metteur en scène d’images ». Il est nominé deux foix pour les César 2019, pour Braguino et Les Indes Galantes. Verdict le 22/02.

Les Pelouses sonores (dans le cadre du festival Contre-Temps), c’est bien. Les Pelouses passent sur deux jours à écouter de l’electrogroove allongé sur l’herbe, c’est deux fois mieux. Vivement les 22 et 23/06.

Depuis le début de l’année, le Musée Würth est gratuit ! L’entrée de l’institution culturelle est libre : plus d’excuses donc pour ne pas aller visiter l’expo en cours, à Erstein, sur l’art contemporain namibien (jusqu’au 26/05). musee-wurth.fr




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